160107_Visite générale Cabinet des merveilles

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160107_Visite générale Cabinet des merveilles
Cabinet des Merveilles
Du 31 janvier au 29 mai 2016
I. Introduction
I-1. Les origines de l'exposition
I-2. Des parcours atypiques de collectionneurs
II. Couloir de chasse
II. Afrique
III-1. Armements
III-2. Objets rituels
III-3. Phrénologie
IV. Europe
IV-. Les vanités
IV-2. La société européenne du 19e siècle
IV-3. L'intérêt pour les collections archéologiques
V. Amériques
VI. Extrême Orient
VI-1. L'intérêt pour les "chinoiseries"
VI-2. Le goût du Japon
VI-3. Les miniatures indiennes
VII. Bureau et sciences
VIII. Antiquité
VIII-1. Objets du quotidien
VIII-2. Rites funéraires
IX. Océanie
X. Aire méditerranéenne
XI. Sciences, terre et vie
XII. Conclusion
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I. Introduction
I-1. Les origines de l'exposition
Arrêt 1 – Devant panneau
Les musées de Laval conservent des collections encyclopédiques enrichies grâce à
la générosité d'érudits et collectionneurs. Le goût pour l'Ailleurs et l'esprit de curiosité se
sont développés au 19e et les collections municipales sont le reflet de ces voyages
immobiles.
Du 31 janvier au 29 mai 2016, l'exposition vous permet de découvrir un cabinet de
curiosités
présentant
près
de
500
pièces
dont
des
œuvres
d'art,
des
objets
ethnographiques et des spécimens scientifiques, tous issus des collections des musées de
Laval.
Les collections particulièrement hétérogènes des musées de Laval composent un
miroir du monde reflétant son extraordinaire diversité. Les amateurs d'art, scientifiques
éminents, érudits locaux, collectionneurs passionnés et voyageurs ethnographes ont
généreusement oeuvré pour les musées en les enrichissant par leurs dons et legs. Fruit de
leurs passions et de leur curiosité sans limite ni frontière, les fonds des musées lavallois
illustrent
un
savoir
encyclopédique
quasi-universel.
Les
collections
scientifiques,
techniques, artistiques et ethnographiques rassemblées à partir des années 1840 ont
connu une histoire quelque peu mouvementée faite de déménagements successifs. L'Hôtel
de Ville, la bibliothèque Saint Tugal, le Vieux-Château, le musée de la place de Hercé les
ont accueillies à tour de rôle avant qu'elles ne soient finalement retirées des vitrines,
socles et panneaux de présentation pour être entièrement conservées en réserve.
La présente exposition se propose de mettre en valeur la variété et l'intérêt de ces
collections à travers la constitution d'un Cabinet de Curiosités imaginaire inspiré des
Chambres des Merveilles du 16e siècle. Cette proposition ne se veut pas exhaustive et
exclut volontairement des pans entiers des collections. Une sélection parmi les dizaines de
milliers d'œuvres s'est imposée et les choix se sont portés sur les objets permettant de
proposer un voyage intemporel à travers les cinq continents. Tout comme celles des
collectionneurs du 19e siècle, la collecte dans les réserves est partiale. Elle suit cependant
le même fil conducteur qui privilégie l'originalité, la rareté, l'étrangeté, la qualité ou tout
simplement, la beauté de l'objet sélectionné. C'est là le regard d'amateurs du 21 e siècle
sur les modes du collectionnisme du 19 e siècle nourri de voyages, de pittoresque et de
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progrès scientifiques. Se retrouvent alors les grands thèmes en vogue : l'égyptomanie qui
depuis les campagnes d'Egypte de Napoléon fait toujours fureur dans les salons, le
primitivisme lié au développement du colonialisme à partir des années 1830, le japonisme
dû à l'ouverture du Japon en 1853, le romantisme dont l'un de ses composants, le spleen,
s'exprime dans la réapparition des Vanités et autres Mémento Mori, les arts et usages
populaires recensés par les sociétés savantes désireuses de sauvegarder le passé national,
l'anthropologie organisée à compter des années 1830 et se passionnant pour les
populations extra-européennes, l'histoire naturelle qui connaît son âge d'or à travers les
multiples muséums ouverts au public.
Le parcours fait fi du classement par discipline tel que défini au 18 e siècle. Le
couloir au plafond duquel sont appendus les crocodiles comme le veut la tradition des
Cabinets de Curiosités, mène à un espace unique où se mêlent Artificialia (objets créés
par l'homme), Naturalia (objets naturels), Exotica (objets exotiques) et Scientifica
(instruments scientifiques). Les frontières entre les genres se délitent favorisant les
passerelles entre la nature et les arts, entre les créations européennes et les arts extraeuropéens, entre les objets décoratifs et les arts plastiques. Au fil de cette exposition, c'est
un voyage qui s'offre à vous. D'un continent à l'autre, vous allez suivre les parcours de ces
collectionneurs, découvrir leurs goûts et leurs intérêts. Vous embarquez en voyage avec
ces hommes, ces érudits, ces passionnés et découvrez les merveilles entrées dans les
collections des musées de Laval au 19e siècle.
I-2. Des parcours atypiques de collectionneurs
Des parcours de collectionneurs surprennent parfois comme celui par exemple de
Fernand Douxami ( Laval, 13 février 1874 – Paris, 25 août 1925). Appartenant à une
fratrie de trois garçons, il a, comme ses frères, poursuivi des études brillantes débutées
au lycée de Laval. L'aîné, Henri, agrégé d'Histoire naturelle enseigne la géologie à la
faculté de Lille ; le benjamin, Marcel, ingénieur-chimiste dirige la mine de la Lucette au
Genest Saint-Isle. Fernand, le cadet, intégre l’École navale, puis effectue une belle carrière
d'officier de marine terminant au grade de capitaine de vaisseau. Ses missions dont il
ramène différents souvenirs le mènent aux antipodes, de la mer de Chine à la Baltique et
de l'Océan indien au Pacifique. C'est en tant que lieutenant de vaisseau de la division
navale d'Extrême-Orient qu'il fait don au musée, en 1907-1908, d'une vingtaine d'objets
relevant de l'ethnographie japonaise et chinoise : peignes, socques, livre de médecine
chinois, paquets de tabac de la régie japonaise, pipe à opium, boulier...
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Un autre collectionneur a une importance primordiale dans les collections des
musées de Laval, il s'agit de Daniel Œhlert. Petit fils du colonel républicain Jean-LouisDaniel Œhlert (1765-1814), dit "le Grand-Pierrot" venu en Mayenne pour combattre les
Chouans, Daniel Œhlert est né le 1er novembre 1849 à Laval. Il débute ses études au
Lycée impérial de Laval puis, pour des raisons de santé, va chez les Jésuites de Vannes.
De retour à Laval, il est nommé bibliothécaire surnuméraire de cette ville en 1871, puis
adjoint en 1872. Il devient bibliothécaire titulaire en 1883, mais aussi conservateur en
chef des musées d'archéologie et d'histoire naturelle, tous deux situés dans le même
bâtiment que la bibliothèque. En 1894, il démissionne de ses fonctions de bibliothécaire
pour se consacrer uniquement à celle de conservateur.
En plus de ses missions de conservateur des musées scientifiques lavallois, il
destine une grande partie de sa vie aux fossiles du Paléozoïque des terrains ordovicien et
dévonien de la Mayenne. Ses recherches l'amènent à décrire plus d'une centaine de
nouvelles espèces comprenant des trilobites, des lamellibranches, des gastéropodes mais
surtout des brachiopodes, taxon dont il est devenu l'un des spécialistes mondiaux. En
parallèle de ses travaux paléontologiques, il co-réalise la cartographie géologique de la
Mayenne et publie un très grand nombre de notes sur les terrains paléozoïques du Maine,
de l'Anjou, du Cotentin et de la Bretagne orientale. Il collecte des milliers de fossiles et de
roches.
Il se marie le 13 janvier 1874 avec Pauline Crié (1854-1911), sa voisine de palier,
alors âgée de 19 ans. Sa femme, également passionnée de géologie, sera associée à un
grand nombre de ses publications, alors signées D.-P. Œhlert pour Daniel & Pauline
Œhlert. En récompense de ses travaux, il reçoit successivement les palmes académiques
(1882), la croix de la légion d'honneur (1895) et la rosette d'officier de la légion d'honneur
(1912). Suite au décès de sa femme, le 22 février 1911, qui l’affecte profondément, il
délaisse ses recherches scientifiques pour consacrer son énergie et sa fortune à la
restauration du Vieux-Château de Laval et transformer cette ancienne prison en Musée
d'archéologie et d'Histoire naturelle. Atteint d'un mal incurable, il demande à être conduit
au Vieux-Château pour y mourir le 17 septembre 1920.
Daniel Œhlert lègue au Musée des Sciences toute sa collection de fossiles et de
roches, riche de plusieurs milliers d'échantillons. De part ses recherches scientifiques, il a
fortement enrichit les collections géologiques lato sensu du Musée des Sciences et de part
ses fonctions de conservateurs des musées archéologiques et d'Histoire naturelle, les
collections générales de ces deux musées. Le premier objet issu de sa donation qui est
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visible dans l'exposition est une terrine à pâté en terre cuite vernissé du 19e siècle (4) .
Présenté en lien avec une nature morte du 17e siècle de Frans Snyders et un fusil de
chasse, il introduit le premier espace de l'exposion : le couloir de chasse.
II. Couloir de chasse
Arrêt 2 – A l'entrée du couloir de chasse
La visite de l'exposition commence dès l'escalier menant à la salle d'honneur.
Comme dans une galerie animalière, massacres et trophés de chasse s'offrent à la vue des
visiteurs et introduisent le premier espace sur lequel s'ouvre l'exposition : le couloir de
chasse. Le trophé présente la tête complète de l'animal naturalisé comme ici le sanglier
(1), le chevreuil (2) ou la loutre (17). Le massacre, quant à lui, présente seulement les
bois ou le crâne d'un animal chassé et abbatu : bois de rennes (6), bois de buffle (11),
bois de chevreuil (20). Par ailleurs, à l'instar des mise en scène typiques des premiers
cabinets de curiosité d'amateurs, le crododile, longtemps considéré comme un monstre,
est fixé au plafond. Il est intéressant à cet effet de noter que les spécimens naturalisés de
crocodile étaient vendus, jusqu'au XVIIIe siècle, avec des anneaux sous les pattes. Animal
gigantesque et exotique, il intrigue et inquiète parce qu'il est attaché à la fois au monde
terrestre et au monde aquatique. Lié à l'eau et à la terre, il est un animal craint et redouté
car il est associé à la fois aux forces du bien et aux forces du mal. En outre, le couloir de
chasse permet d'évoquer un autre animal rattaché au merveilleux en raison de son
gigantisme : il s'agit de la baleine (Voir Cote de Baleine, 7).
Ainsi, le couloir de chasse rappelle l'aspect scientifique des premiers cabinets de
curiosités qui étaient essentiellement consacrés aux sciences naturelles. Le thème de la
chasse permet donc de présenter des spécimens des musées : massacres (bois et
ossements), trophées (partie de l'animal naturalisée) mais également des armes... Ce
couloir permet en effet d'entrevoir un échantillon de l'exceptionnelle collection en
armement présente dans les collections des musées de Laval. En témoigne notamment le
fusil de chasse (23) sur lequel est gravé "Versailles". De facture tout à fait remarquable,
cette arme atteste du savoir-faire de qualité de l'armurier Nicolas Boutet.
Répartis par continents, la collection en armes compte également des lances en fer
(35), cuivre et bois du Niger protégées ici par un plexiglas pour des raisons évidentes de
sécurité. Il est à noter également que ces armes étaient habituellement empoisonnées en
leur extrémité.
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III. Afrique
Arrêt 3 – Devant mur Afrique
III-1. Armements
Riche de pièces ethnographique et scientifique, la collection des musées de Laval
présente de nombreux objets d'armement issus du continent africain et notamment :
- Une arme de jet (55) en bois, fer et cuivre issu du Gabon. Plusieurs tribus du
Gabon et de l'Est du Congo-Brazzaville ont produit des haches dites « à tête d'oiseau »
utilisées pour les rites initiatiques. La forme de l'arme reprend celle de la tête du calao,
oiseau vénéré dans de nombreuses régions du continent africain. Le plat de la lame est
découpé dans sa partie centrale, l'évidure de forme triangulaire rappelant l'orifice présent
sur le bec de l'oiseau. D'après le musée Barbier-Mueller de Genève qui possède quelques
exemplaires semblables, un tel modèle dit à « goutte » daterait de la fin du 19e siècle.
- Un bouclier (50) en bois et cuir d'Afrique orientale. Dans les sociétés primitives,
les boucliers ne sont pas uniquement des armes défensives. Chargés de symboles, ils
assoient l'importance sociale de leur propriétaire, honorent la bravoure du guerrier ou
scellent des alliances politiques. En cuir épais de rhinocéros ou de buffle, ce bouclier est
orné de quatre appliques en laiton servant à maintenir la sangle de cuir fixée à l'intérieur.
Il est enregistré dans les inventaires du musée de Laval comme provenant de Zanzibar,
archipel de l'océan Indien très actif dans le commerce arabo-africain qui exportait ses
productions dans toute l'Afrique orientale. Le musée du Quai Branly à Paris conserve
d'ailleurs un bouclier identique présenté comme venant de Somalie.
Aussi, l'aspect utilitaire de cet objet est à associer à sa fonction sociale. Parmi les
objets présentés, des objets rituels révèlent les croyances de certaines ethnies.
III-2. Objets rituels
Le Mokuya (74) est décrit dans une note fournie par le Père Herriau de l'Ordre des
Pères du Saint-Esprit à Liranga, au Moyen Congo. Il y explique que ce fétiche est le
représentant, l'image puissante de l'ancêtre, dont l'âme revient ici-bas. C'est par
excellence le dieu-lare. Après la mort, le Kiba (l'âme) s'en va chez les « anciens » - Elle
peut revenir chez les vivants pour leur faire du bien ou du mal avec plus de puissance que
pendant la vie. Le « Mokuya » [fétiche] se transmet par héritage et peut ainsi provenir
d'un ancêtre très éloigné. On ne l'enterre jamais avec le défunt, ce qui a lieu au contraire
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pour les fétiches personnels. Il doit rester dans le village et se transmettre comme il fut
transmis, par héritage. C'est lui qu'on consulte en toute circonstance importante de la vie
de la famille ou de la tribu, extension naturelle de la famille. Ce fétiche a été donné par le
Chef Savouka, mourant, après sa conversion au catholicisme. Plusieurs objets sont ici
associés à ce type de divinités : 56, 57, 62, 74.
De même, l'oiseau primordial (58) en bois, venu de Côte d'ivoire est utilisé lors des
rites inititatiques de quelques villages Senoufo en Côte d'Ivoire, au Burkina Faso et au
Mali. L'oiseau primordial au long bec recourbé et au ventre bombé inspiré du calao est
dans les mythes Senoufo l'un des cinq premiers animaux apparus sur terre. Il évoque pour
ce peuple d'Afrique de l'Ouest la prospérité et la fécondité. Conservé dans l'enclos d'un
bois sacré, ce fétiche est doté d'un long bec faisant allusion au sexe de l'homme tandis
que le ventre bombé symbolise la maternité et donc la fertilité. La présentation de l'oiseau
mythologique lors des cérémonies rappelle l'importance de la procréation pour assurer la
survie du groupe tout en symbolisant la gestation des jeunes initiés avant leur nouvelle
naissance.
Ces objets ramenés par les collectionneurs témoignent du développement de
l'ethnographie au 19e siècle. Méthode de sciences sociales, l'ethnographie consiste en
l'étude descriptive et analytique, sur le terrain, des mœurs et des coutumes de
populations déterminées. Cette étude était autrefois cantonnée aux populations dites alors
« primitives ». Le mot, composé du préfixe « ethno » (dérivé du grec έθνος, proprement
« toute classe d'êtres d'origine ou de condition commune ») et du suffixe « graphie »
(emprunté au grec γράφειν « écrire »), signifie littéralement « description des peuples ».
En parallèle de l'éthnographie, se développe à la même époque la phrénologie.
III-3. Phrénologie
Trois
moulages
ethnographiques
(45)
en
plâtre
se
font
les
témoins
du
développement de la phrénologie au début du 19e siècle. A cette époque, Franz-Joseph
Gall invente la phrénologie, supposée science s'appuyant sur l'observation des crânes afin
de déterminer les caractéristiques innées. Il constitue à cet effet une collection de
moulages sur nature de têtes d'aliénés, criminels, personnages politiques et célébrités
diverses. Son élève, Pierre-Marie Alexandre Dumoutier participant à une expédition de
l'explorateur Dumont d'Urville, développe cette galerie en l'étendant aux peuples extraeuropéens. Les bustes ethnographiques rassemblés représentent alors l'ensemble de la
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diversité humaine et alimentent une curiosité populaire pour l'exotisme. Aujourd'hui, ces
moulages sont devenus les témoignages des réflexions scientifiques d'une époque et c'est
dans ce cadre que le tout nouveau musée de l'Homme, place du Trocadéro à Paris, expose
une galerie de têtes ethnographiques sur une longueur de 19 mètres.
Ce buste colorié d'un type ethnique africain provient de la Maison Tramond fondée à
Paris au milieu du 19e siècle. L'établissement, fournisseur des facultés de médecine, était
spécialisé dans les cires anatomiques et moulages sur vivant.
L'étude de l'homme et de son anatomie est enrichie au 19e siècle par le
développement de la médecine qui permet l'enrichissement de la connaissance du corps
humain.
IV. Europe
Arrêt 4 – Devant mur Europe
L'Europe est particulièrement bien représentée dans les collections lavalloises.
L'exposition n'en présente qu'une petite sélection.
IV-1. Les vanités
Cette section présente tout d'abord des vanités. Emblèmes caractéristiques de
l'appartenance à l'humanité (le crâne, les bougies, les instruments de mesure du temps,
l'horloge (102, 103, 104) et la musique) rappellent que le cabinet est voué à la mémoire
et à la conscience du passage du temps.
A cet effet, le crâne humain éclaté (95) renvoie à l'évocation de la section
précédente : le 19e siècle est également l'époque du développement des connaissances
du corps humain. Les os sont ici séparés par rupture des sutures de la tête, par exemple
en remplissant le crâne de riz, puis en l'humidifiant. En se gonflant, le riz disloque le
crâne. Il s'agit là d'une technique du 19e siècle.
Un crâne double d'un veau (97) présente quant à lui une anomalie anatomique : il
est double. C'est une pièce tératologique. La tératologie est la science des anomalies de
l'organisation anatomique des êtres vivants. La tératologie se constitue en tant que
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discipline scientifique au milieu du 18e siècle et se développe le siècle suivant grâce
notamment au travail du naturaliste français Étienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844) et
son fils Isidore (1805 1861) qui lui confèrent une méthode et une nomenclature. De
nombreuses nomenclatures ont été élaborées pour décrire la diversité des malformations
observées dans le règne animal. Dans les années 1930, le vétérinaire français FrançoisXavier Lesbre (1858-1942) proposait une classification « simplifiée » qui rendait compte
de la multiplicité des cas.
Associé aux vanités, un très bel exemlpe de Memento Mori (99) est également
présenté dans l'exposition. Cette oeuvre en bois sculpté tout à fait particulière peut en
effet être classée dans ce genre artistique très en vogue en Occident du 15e au 18e
siècle : le memento mori. L'expression latine signifiant "Souviens-toi que tu vas mourir"
désigne des créations qui rappellent la vanité du genre humain, la fragilité des biens
terrestres et la futilité des ambitions face au destin de chacun. Haute de 30 cm, cette
sculpture en bois peinte est probablement d'origine allemande. Elle représente une tête de
gentilhomme aux chairs lentement dévorées par deux symboles du mal, le crapaud qui la
surmonte et le serpent sortant d'une orbite. La face postérieure du crâne est obstruée par
une planchette amovible. Quelques traces de fumée sur les parois internes laissent
supposer qu'une bougie était placée à l'intérieur afin d'animer la figure de façon insolite.
En outre, un objet insolite en bois, le papotier (92) est caractéristique de la liturgie
festive des 15e et 16e siècles. Cette figure grotesque en bois fruitier polychrome était
fixée au bas du buffet d'orgue daté de 1590 de la basilique Notre-Dame d'Avénières.
L'organiste, au moyen de certains tuyaux de la soufflerie, actionnait le mécanisme faisant
s'ouvrir largement la mâchoire et tournant les yeux, l'un de haut en bas, l'autre de gauche
à droite. Les sculpteurs et facteurs d'orgues surchargeaient alors les buffets de carillons,
automates vociférateurs, têtes grimaçantes et "menus attraffuz destinés à l'amusement
des petits et des grands". Il reste en France peu d'exemplaires de ce type de figures
animées. Celle de Laval sculptée par un certain Jean Dubois a été prélevée au moment du
démontage du buffet d'orgue en 1878 puis fut conservée dans une collection privée. Cette
curiosité a été rachetée par la Ville de Laval en 2006 au cours d'une vente publique à
l'Hôtel Drouot.
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IV-2. La société européenne du 19e siècle
Arrêt 5 – Devant vitrine 4
S'il est vrai que les collections anciennes rassemblées en cabinet de curiosités
constituent un miroir du monde, elles se font également le miroir du sujet qui les
constitue. Aussi, la vitrine ici présentée (Vitrine numéro 4) propose des objets que l'on
trouve dans la socité bourgeoise du 19e siècle. Comme un reflet intellectuel et
sociologique du propriétaire, ces objets racontent à la fois le rang social et l'étendu de la
culture de celui qui les possède.
A cet effet, le vase décoratif (108) italien daté du 16e siècle révèle le goût du
propriétaires pour un artisanat de qualité. La forme de ce récipient qui rappelle les
gourdes de pèlerins reprend une typologie mise au point à Urbino (Italie centrale) dans les
années 1540-1550. Ce centre majeur de céramique a développé une production de pièces
couvertes d'un émail stannifère (émail qui contient de l'étain) et peintes avec des oxydes
métalliques. La technique apporte une brillance aux décors historiés inspirés des œuvres
des grands maîtres dont la majolique italienne se fait une spécialité. Ce récipient muni sur
chaque côté d'une tête de satyre à cornes enroulées formant anse porte un décor
polychrome représentant sur l'une des faces une scène inspirée d'une œuvre de Raphaël,
« Jacob rencontre Rachel au puits » (1518) ornant l'une des loges du Palais du Vatican.
L'autre face illustre Adam et Eve au Paradis terrestre.
Par ailleurs, cette petite coupe en verre brun (111) porte au revers de la base la
signature de l'exceptionnel maître verrier et céramiste, Emile Gallé. Le récipient au col
festonné présente un décor émaillé de nénuphars en frise et d'une libellule. Le fondateur
de l’École de Nancy a une totale admiration pour la nature et la multiplicité de ses formes
et couleurs. Il étudie les plantes, les feuilles, les insectes et imagine des décors
naturalistes dont les lignes souples apportent de la légèreté aux volumes. La libellule, avec
la cigale et la mante religieuse, est l'un des insectes les plus représentés par Gallé qui,
fasciné par cet insecte symbole de renouveau, se surnomme lui-même « l'amant des
frissonnantes libellules». Aux motifs végétaux, il associe donc de frêles insectes posant le
principe que « si une plante est belle par elle-même, les êtres ailés qui passent leur vie à
ses côtés lui apportent un charme particulier».
Reflet de la société du 19e siècle, la pipe « Jacob » (116) est le modèle le plus
populaire de la Maison Gambier, fabrique renommée de pipes en terre installée à Givet
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dans les Ardennes. L'entreprise active de 1780 à 1928 a produit plus de 1600 modèles de
pipes aux fourreaux en forme de têtes, de monstres, de sorcières ou d'animaux. Ces pipes
sont fabriquées avec un mélange d'argiles qui blanchit à la cuisson. Sorties des moules,
elles sont ensuite éventuellement peintes et émaillées. Très fragiles, elles seront
détrônées par les pipes en bois dont la production de masse se développe et surtout par la
cigarette qui se popularise.
Toujours à l'image de la société européenne du 19e siècle, le jeu de Jonchets (117)
se compose d'une trentaine de baguettes de cinq centimètres, de deux petits crochets et
de quatre pièces principales, le roi, la reine, le valet et le cavalier, d'une longueur de 15 à
20 centimètres et dont l'extrémité est légèrement arquée. Ce jeu d'adresse, comme le
mikado actuel, consiste à jeter les pièces et à les extraire une par une sans bouger les
voisines. Chaque fiche vaut 1 point, le cavalier 5, le valet 10, la dame 15, le roi 20. Le
jonchet, jeu universel très ancien, s'est codifié puis largement répandu au 19e siècle. Les
fiches sont sculptées dans de l'os ou plus exceptionnellement dans l'ivoire. Elles sont
rassemblées dans des boîtes en carton, bois ou acajou pour les jeux les plus soignés.
Dans cette section, des grenouilles naturalisées sont présentées dans des mises en
scène comiques (130). Issus d'une donation de la ville de Vitré, les batraciens naturalisés
proviennent de deux espèces différentes : le groupe des Grenouilles vertes (Rana kl.
esculenta) et le Sonneur à ventre jaune (Bombina bombina). Les grenouilles ont été
vernies à la gomme arabique qui a protégé la peau très fine du spécimen d'origine. Les
grenouilles sont remplies de filasse de chanvre. On note au passage que la technique de
remplissage des amphibiens à la glaise, qui donne de bien meilleurs résultats à la fois en
terme de restitution du vivant et en terme de conservation de longue durée n'était pas
connue ou pas maîtrisée par le taxidermiste. Cette collection burlesque semble avoir été
réalisée vers 1876. Elle a été donnée au Musée de Vitré par Ambroise Morel en 1904. Cet
ensemble est assez rare. Il semblerait qu'il n'y ait que deux collections publiques de ce
type en Europe. La seconde est en Suisse, au Musée des Grenouilles (Estavayer-le-Lac)
qui propose une collection de 108 grenouilles naturalisées évoquant des scènes de la vie
courante au siècle passé.
Ainsi, ces objets ainsi rassemblés constituent des témoignages de la culture du
propriétaire. Associés à des objets archéologiques, il permettent également à ce lui qui les
possède de faire état de son savoir.
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IV-3. L'intérêt pour les collections archéologiques
Arrêt 6 – Devant coffre 149
Entre gloire et mélancolie, les cabinets de curiosités présentent des objets issus du
passé comme autant de vestiges des temps révolus. Le coffret de St Tugal (149) du 13e
siècle portant un décor d'inspiration persane est d'origine siculo-arabe. A cette époque, la
Sicile, sous domination normande mais toujours influencée par la culture islamique, est un
centre important de travail de l'ivoire. Les précieux coffrets et boîtes au décor peint ou
gravé circulent à travers toute l'Europe. Cadeaux diplomatiques ou de mariage, ils peuvent
également recevoir de saintes reliques malgré leur ornementation à caractère profane.
D'après la tradition, le coffret parvenu à Laval dans des circonstances inconnues aurait été
donné par Anne de Laval, veuve du comte Guy XIII et première comtesse à être inhumée
dans la collégiale Saint-Tugal. La boîte en ivoire aurait alors été utilisée comme reliquaire
pour conserver les restes de saint Tugal (vers 490-564). A la destruction de la collégiale,
elle fut remisée dans l'église de la Trinité avant de passer dans une collection privée.
L'objet est finalement revendu, en 1893, au musée de Laval. De forme rectangulaire, le
coffret est recouvert de minces plaques d'ivoire d'éléphant maintenues par des chevilles
d'ivoire et cornières de cuivre doré. Il porte, sur chaque face et sur son couvercle, un
décor polychrome de scènes de chasse au faucon ou au guépard peint en rouge et vert et
rehaussé de dorure. Le répertoire iconographique (paons, lièvres, cerfs, cavaliers…)
démontre la survivance de l'art islamique dans la Sicile du XIII e siècle. De tels coffrets
siculo-arabes sont rares et seuls quelques exemplaires sont recensés dans les collections
publiques : musée diocésain de Trente, Victoria & Albert museum de Londres, musée
national du Moyen Age à Paris.
Si le cabinet de curiosités propose un voyage dans le temps, il est aussi l'occasion
de découvrir des terres éloignées et d'autres civilisations. Le cabinet de curiosités est
finalement une invitation au voyage dans le temps et l'espace.
V. Amériques
Arrêt 7 – Devant mur Amériques
Le continent américain et tout particulièrement l'Amérique du Nord sont très peu
représentés dans les collections lavalloises. L'intérêt du 19e siècle pour l'ailleurs lointain se
tourne vers les Amériques. En ce début de siècle, à la suite de l'émancipation de plusieurs
anciennes colonies espagnoles et la "redécouverte" du continent nord-américain, nombre
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de voyageurs de tous horizons explorent ces pays. Le Mexique comme le Pérou sont des
terrains fertiles et les vestiges de leurs civilisations fascinèrent l'Europe.
Cette statuette de lama en or (184) est une pièce d'orféverie exceptionnelle. Peu
de pièces d'orfèvrerie incas sont parvenues jusqu'à nous. Les figurines en or ou argent ont
en effet été fondues par les conquistadors qui ont pillé les sépultures, sanctuaires et sites
naturels sacrés où elles étaient déposées en offrande. La figurine de lama, animal sacré
chez les Incas, est constituée de feuilles d'or roulées et soudées entre elles. Le musée du
Quai Branly à Paris conserve quelques exemplaires similaires en or ou argent provenant
de la région de Chimu, province de Trujillo, sur la côte Nord du Pérou.
Issu du Pérou, ce vase en terre cuite (200) est probablement un vase de mariage.
La civilisation Chimù a été la plus grande puissance des Andes du 11e au 15e siècles. Elle
s'est développée sur la côte nord du Pérou et a constitué un Etat véritable avec une élite
dirigeante installée à Chanchán, la capitale, une administration et une armée puissante. La
culture Chimù a produit en grand nombre des céramiques noires réalisées dans des
moules et auxquelles la cuisson en fours fermés apporte la brillance d'un vernis. Les
formes sont variées et les décors alternent motifs géométriques et représentations de
personnages, d'animaux ou d'objets. Ce vase à deux becs verseurs, caractéristique de l'art
Chimù, est probablement un vase de mariage utilisé lors des cérémonies nuptiales. Il est
orné d'un maillage de points en relief et de figures de guerriers stylisées.
Aussi, la fascination pour d'autres peuples et civilisations permet d'enrichir les
collections muséales avec de nombreux objets ethnographiques. S'il est vrai que
l'Amérique fascine, les regards des curieux se tournent également vers l'extrême Orient.
VI. Extrême Orient
Arrêt 8 – Devant meuble Extrême Orient
VI-1. L'intérêt pour les "chinoiseries"
Les collections sont particulièrement riches dans les domaines artistiques et
ethnographiques. Les collections scientifiques ont très peu de spécimens de ce continent.
Les 17e et 18e siècles s'étaient passionnés pour les "chinoiseries" et les "turqueries". "Au
dernier tiers du 19e siècle et jusqu'à années 1950, [Paris] était la plaque tournante du
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plus important marché de l'art – sans exclusive, il s'agissait aussi bien d'art occidental que
de "chinoiseries", à savoir d'art de la Chine, du Japon, de la Turquie, de la Perse, voire des
Indes".
Ce moine Budai Heshang (227) représente un personnage mythologique, le moine
Budai Heshang, considéré comme étant une manifestation du Bouddha du Futur, Maitreya.
Il est toujours figuré portant son sac en tissu qui contient toutes ses possessions, et avec
un chapelet à 18 grains symbolisant les 18 Lohans (disciples de Bouddha).
Cette statuette (233) représente un des Huit Immortels ou Baxian dans le
Taoïsme. Ces divinités sont représentées sous les traits de personnages, une femme et
sept hommes (vieillard, noble, militaire, infirme, mendiant, lettré, redresseur de torts),
chacun portant son attribut : une paire de castagnettes pour l'un, une corbeille de fleurs
pour l'autre, ou bien encore une flûte ou une fleur de lotus. Celui avec une canne et une
gourde est Li Tieguai, boiteux, qui incarne la richesse et la santé. La potion magique
contenue dans sa gourde en fait le patron des apothicaires. La statuette est en céramique
de Shiwan, l'un des plus anciens et des plus réputés centres chinois de production
céramique. A son apogée, au cours de la dynastie des Qing (1644-1911), ce bourg a fait
fonctionner jusqu'à 107 fours et employait 60 000 ouvriers. La céramique d'usage courant,
les statuettes et tuiles faitières en sont la spécialité.
VI-2. Le goût du Japon
Le goût du Japon s'est manifesté de façon assez soudaine dans les sociétés
européennes. En effet, le Japon s'ouvre au monde exérieur à partir de 1858, après 250
ans d'isolationisme. Aussi, aux expositions universelles de 1867 et 1878 à Paris, le Japon
fit sensation.
Le netsuké (prononcer netské) (251) est un accessoire du vêtement traditionnel
japonais. Percé de trous, il sert à retenir à la ceinture les pipes, étuis à médecine,
écritoires portatifs ou autres boîtes à compartiments contenant divers menus accessoires.
Tout d'abord simple morceau de racine, il est peu à peu devenu un véritable objet d'art
aux contours arrondis sculpté dans un matériau noble : ivoire, os de baleine, ambre, bois
de buis, d'ébène, de cerisier... Des incrustations de nacre, de corail ou même d'argent
pour les plus précieux, agrémentent un répertoire iconographique illimité souvent
fantaisiste ou humoristique. Figures légendaires, animaux, vie quotidienne, fleurs, fruits,
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scènes érotiques, masques grimaçants... sont sculptés avec une virtuosité remarquable.
Le netsuké en ivoire représente un buffle couché refusant de se lever malgré les pressions
de son maître appuyé sur son flanc. L'objet porte au revers la signature du très réputé
sculpteur Tomotada, actif vers 1760-1780, célèbre pour ses animaux, et en particulier
pour ses bœufs couchés.
La tsuba ou garde de sabre (266) sert à maintenir la lame en protégeant la main.
La plaque de métal de quelques millimètres d'épaisseur est de forme variée : circulaire,
carrée, ovale, polygonale, polylobée, trapézoïdale... et est ornée d'un décor visible quand
le sabre est au fourreau. La tsuba est percée de une à trois ouvertures permettant le
passage de la lame du sabre et éventuellement de ceux du couteau utilitaire (Kogatana) et
de la broche (Kogai), éléments annexes insérés dans le fourreau. En plus de son rôle
utilitaire, la tsuba, de par son décor, indique l'importance sociale de son propriétaire. Plus
la garde est ornementée, plus son possesseur occupe un rang élevé. Les motifs
extrêmement variés (fleurs, feuillages, animaux, dragons, vagues déferlantes, scènes
historico-légendaires, entrelacs...) sont ciselés ou incrustés de laiton, bronze, or ou
argent. Certaines, véritables travaux d'orfèvres, sont ajourées à l'extrême.
Arrêt 9 – Devant 271
La Hina-Matsuri (littéralement festival des poupées) est une fête traditionnelle
japonaise attestée depuis le 14e siècle. Fixée au 3 mars, elle est consacrée aux petites
filles qui ce jour-là présentent des poupées supposées protéger des mauvais esprits tout
en symbolisant le respect dû à l'empereur, aux traditions séculaires et aux ancêtres. Les
poupées représentent des personnages de la cour impériale, assis dignement en tenue de
cérémonie. Elles sont disposées sur une estrade de 5 à 7 niveaux et recouverte de feutre
rouge, couleur au Japon de la joie et de l'enfance. Sur le gradin supérieur, se trouve le
couple impérial adossé à des paravents et encadré par un oranger et un cerisier. Au
deuxième niveau, sont disposées les trois dames de cour portant des flacons à saké et
autres ustensiles servant à la préparation de la boisson. En-dessous, sont placés les cinq
musiciens puis les écuyers impériaux ou ministres et enfin les gardes impériaux au
nombre de trois. Sur les deux derniers gradins, divers objets miniatures en laque sont
disposés . La collection du musée est incomplète mais suit tout de même la disposition
traditionnelle. Durant cette exceptionnelle journée du 3 mars, les petites filles revêtues de
leur plus beau kimono reçoivent leur amies et dégustent des pâtisseries colorées en riz
gluant tout en buvant des bières légères à base de riz ou du saké sucré. La Hina-Matsuri
fait écho à la fête des garçons ou Tango-No-Sekku fêtée le 5 mai.
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VI-3. Les miniatures indiennes
Arrêt 10 – Devant miniatures indiennes
Les années 1830-1880 ont été extrêmement fécondes pour l'indianisme français.
Une meilleure connaissance de l'art indien et notamment des miniatures s'affirme à la fin
du 19e siècle.
La représentation du dieu-singe Hanumân (279) est une peinture sous verre (ou
fixé sous verre) qui nécessite une technicité parfaitement maîtrisée, le motif étant peint à
l'envers du support retourné à la fin du travail. Depuis le 19e siècle, il existe en Inde une
tradition de peinture sous verre probablement favorisée par les échanges commerciaux
avec la Chine qui depuis le 17e siècle exporte des œuvres sous verre ou miroir. Fixées
dans des encadrements en bois, ces peintures indiennes sont très raffinées lorsqu'elles
sont destinées à orner les intérieurs des familles aisées : dessin soigné, arrière-plan
fouillé, couleurs en camaïeu. Les compositions sont par contre beaucoup plus épurées
quand elles s'adressent aux milieux populaires : graphisme simplifié, absence d'arrièreplan, couleurs vives en aplats. Hanumân, dieu de la sagesse et du vent, prend l'apparence
d'un singe. Il est le fidèle compagnon du mythique Rãma, roi de l'Inde antique, qu'il
accompagne dans toutes ses aventures et dont il mène les armées. De sa queue, il
engendrera deux montagnes qu'il remorquera dans le dessein d'en faire un pont entre
l'Inde et l'île de Ceylan.
VII. Bureau et sciences
Arrêt 11 – Au niveau du bureau
Les musées possèdent de nombreux objets de sciences et techniques datant de la
fin du 19e siècle. La présentation de quelques instruments rappelle les premiers centres
d'intérêts des cabinets de curiosités : lunette astronomique (288), galvanomètre à
aimant mobile (289), anneau de S'Gravesand (290), hémisphère de Magdebourg (291).
Au niveau du bureau, il est à noter que le sous-main (286) est celui de Daniel
Oehlert lui-même, ancien conservateur des musées de Laval et donateur très important
pour les collections.
Enfin, le meuble central contient une trentaine d'échantillons de minéraux mais
aussi des animaux naturalisés, un coquillage Bénitier et des objets d'art animalier.
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VIII. Antiquité
Arrêt 12 – Devant vitrine antiquités
Les musées conservent un fonds très intéressant de céramiques antiques et
d'objets funéraires égyptiens (amulettes, serviteurs...). Dès l'Antiquité, l'Égypte des
pharaons fascine et ses monuments, au sens archéologiques du terme suscitent
convoitises et curiosités. Cette fascination puise sa source dans la singularité de son art et
les mystères qui entourent sa religion, mais surtout l'étrangeté de son écriture dont la
signification se perd très vite et pour longtemps, faisant l'objet de toutes spéculations.
Entreprise tout à la fois militaire et scientifique, l'expédition de Bonaparte (1798-1801)
sont une véritable révélation. A travers le relevé systématique et précis des principaux
vestiges, c'est une somme d'archives visuelles et matérielle qui s'offrent au monde des
curieux. Cette fascination est exacerbée au moment notamment de la traduction de la
Pierre de Rosette par Champolion en 1822. A cette époque, c'est l'émergence de
l'égyptologie. Si la divulgation progressive du patrimoine égyptien aiguise la curiosité des
européens au point de susciter une forme de pillage systématique du pays, on voit peu à
peu se substituer, au rang des artisans qui ont œuvré à ressusciter la civilisation
égyptienne, la figue du curieux "en chambre".
VIII-1. Objets du quotidien
Ce cratère (297) italien daté du 2e siècle avant J.-C. est un récipient utilisé lors
des banquets pour mélanger l'eau au vin. Celui-ci en forme de cloche renversée présente
un motif à figures rouges : les figures mises en réserve apparaissent de la couleur de
l'argile tandis que l'ensemble du vase est revêtu d'un vernis noir brillant. Le décor dit à
« La Poursuite amoureuse » est un thème récurrent dans les céramiques antiques. Il
s'inspire des amours divines et illustre la fuite de l'aimée devant le dieu. Ici, un jeune
homme (Dyonisos ?) tient de la main gauche un grand éventail et tend un seau en bronze
(ou situle) à une jeune femme (Vénus ?) qui court en regardant en arrière de son épaule.
Elle porte de la main gauche, un coffret ouvert et de la main droite un miroir.
Cet oenochoé (303) en terre cuite du 4e siècle avant J.-C. est issu de Grèce.
Bénéficiant d'un accès aux mers Egée, Ionienne et Adriatique, Corinthe joue un rôle
prépondérant dans le commerce antique. Les ateliers des potiers corinthiens exportent à
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grande échelle des récipients aux formes originales et aux décors esthétiques. L'oenochoé
est une cruche à vin de 20 à 40 cm, pourvue d'une seule anse et dont l'embouchure à bec
tréflé permet de puiser et verser le liquide. La panse du récipient en argile jaune est ornée
d'une frise animalière d'inspiration orientalisante en vernis brun rehaussé de rouge :
cygne aux ailes déployées, panthères de profil droit ou gauche, bouquetin paissant.
VIII-2. Rites funéraires
Cette urne cinéraire étrusque (296) en terre polychrome a contenu les cendres
d'une femme comme l'atteste une inscription partiellement effacée. Elle présente le décor
en relief dit de « l'homme à l'araire ». Un des personnages au centre de la scène de
combat brandit en guise d'arme un instrument agricole (soc de charrue ?). A ses pieds, un
guerrier blessé tente de se protéger de son grand bouclier rond. A l'autre extrémité, un
autre jeune homme tenant également un bouclier semble s'enfuir. Le couvercle est
surmonté d'un personnage allongé en chien de fusil, la tête reposant sur des coussins. A
l'origine, l'urne était peinte de couleurs vives : rose des chairs, rouge et bleu des
tuniques, blanc du manteau du personnage du couvercle. Des traces de polychromie sont
encore visibles.
Arrêt 13 – Devant le coffre
Dans
le
coffre
sont
présentés
duiiférents
objets
qui
ont
pour
vocation
d'accompagner le défunt dans sa vie vers l'au-delà. Les scarabées funéraires (310) sont
symboles de renaissance. Le scarabée sacré ou bousier confectionne une pelote
d'excréments de mammifères qu'il transporte jusqu'à son terrier afin d'y pondre un œuf.
Pour les Egyptiens de l'Antiquité, le scarabée poussant sa boule symbolise la course du
soleil dans le ciel. Le coléoptère incarne donc le dieu solaire qui réapparaît tous les matins.
Symbole de renaissance, l'amulette funéraire du scarabée est cousue sur les bandelettes
près du cœur du défunt. Dans l'Egypte antique, cet organe est le siège de la conscience
et, à ce titre, est pesé devant le tribunal des dieux présidé par Osiris. L'amulette possède
6 trous d'attache dont quatre prévus pour y attacher des ailes, l'envol du coléoptère
signifiant le passage du défunt à l'éternité.
Les
Chaouabtis
ou
Ouchebtis
(312)
sont
des
statuettes
funéraires
d'une
importance primordiale dans la vie éternelle. Le monde des morts étant calqué sur celui
des vivants, ces serviteurs de l'Au-delà sont chargés d'exécuter les travaux et corvées
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agricoles dûs par le défunt. Le travailleur apparaît figé dans la position du dieu Osiris, bras
croisés sur la poitrine et tenant des instruments agricoles. Sur ces statuettes sont inscrits
les nom et titres du mort ou des formules du Livre des Morts. Le matériau le plus utilisé
est la « faïence égyptienne » ou terre cuite constituée d'un mélange de sables et
recouverte d'une glaçure bleu-vert. Ces serviteurs sont déposés dans toute sépulture
privée ou royale.
La vie posthume ayant une importance considérable dans l'Egypte antique, les
amulettes (313) sont des objets fondamendaux des rites funéraires égyptiens. Elles
étaient placées sous les bandelettes de la momie, positionnées sur l'organe ou le membre
qu'elles protégeaient plus particulièrement. Leur rôle était de préserver le corps du défunt
jusqu'au jour du jugement. Fabriquées en faïence recouverte de glaçure, ou en jaspe
rouge, feldspath vert, turquoise bleu ou bien encore en quartz jaune, elles représentaient
des dieux, des symboles du pouvoir (trône, sceptre...), des végétaux et animaux
protecteurs. Khebeh-Senouf, fils d'Horus, est l'un des « Maîtres des points cardinaux ». Le
Génie de l'Ouest à la tête de faucon, présenté debout, de profil, est chargé de veiller sur
les intestins. Les amulettes à son effigie sont placées par paires, face à face, sur la
poitrine ou l'estomac.
Tourné vers d'autres civilisations, les curieux s'intéressent autant à celles qui sont
éloignées d'eux par le temps qu'à celles qui le sont par l'espace. Les voyages des
collectionneurs les pousseront même jusqu'en Océanie. A l'instar de l'Amérique, ce
continent est sous représenté dans les collections lavalloises.
X. Océanie
Dans la veine de l'ethnographie, les curieux collectent les objets qui sont les
témoignages des sociétés au fonctionnement différent. Le bouclier-massue en bois a été
collecté aux Iles Salomon (371) au 19e siècle. Inventorié sous l'appellation « accessoire
de danse » puis sous celle de « casse-tête », cet objet s'avère être un « roromaraugi » ou
bouclier-massue provenant des îles Salomon, archipel de l'Océanie à l'est de la PapouasieNouvelle-Guinée. Jusque dans les années 1890, les populations des îles Salomon sont
réputées comme étant cruelles et féroces. Le roromaraugi utilisé lors des raids et chasses
aux têtes, est le symbole des luttes incessantes entre tribus. Également objet de prestige
et de parade, ce bâton à la lame évasée en forme de pale courbe gravée d'une nervure
pouvait être agrémenté de pendeloques. Il était alors porté par les guerriers lors des
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cérémonies de remise des butins. L'extrémité de son manche est orné d'une figure assise
avec les genoux repliés et les mains jointes sous le menton, position faisant référence aux
coutumes funéraires.
Déjà présent dans les cabinets de curiosités du 19e siècle, le «Coco fesse» (365)
est la graine du Cocotier de mer qui est un palmier originaire des Seychelles. C'est la plus
grosse graine du monde qui peut peser jusqu'à une vingtaine de kilogrammes. L'arbre
peut atteindre jusqu'à 25 mètres de hauteur et vivre jusqu'à 350 ans. Le Cocotier de mer
est une espèce en danger d'extinction. Son appellation de «Coco fesse» vient de sa forme
évoquant un postérieur de femme. La graine a été utilisée comme aphrodisiaque bien
qu'elle n'ait pas de propriété pharmacologique connue à ce jour. On peut la voir sur des
pièces de monnaies seychelliennes.
XI. Aire méditerranéenne
Les expansions de la France coloniale ont permis de ramener de nombreux objets
d'Afrique du Nord et tout particulièrement d'Algérie et du Maroc, comme cette gargoulette
triple (383) d'Algérie en terre cuite. Les poteries berbères sont façonnées à la main par
les femmes qui, de mère en fille, exécutent les mêmes gestes ancestraux (à l'instar des
poteries du néolithique). L'argile choisie par la potière en fonction du type de récipient est
nettoyée de ses impuretés, dégraissée puis longuement malaxée. Elle est ensuite roulée
en colombins qui sont montés les uns sur les autres avant d'être polis à l'aide d'un outil
rudimentaire (galet, coquille...). Après avoir séchées au soleil, les poteries sont décorées
puis cuites à même le sol. Les motifs géométriques élémentaires, croisillons, chevrons,
traits et points qui les ornent, sont propres à chaque groupe ethnique. Ils constituent une
écriture symbolique ancienne de plusieurs millénaires chargée de valeurs protectrices liées
à la fertilité de la terre. La gargoulette a la particularité de maintenir fraîche l'eau qu'elle
contient. Le liquide s'évaporant à travers l'argile poreux évacue sa propre chaleur et
rafraîchit la cruche.
XII. Conclusion
Les
amateurs
d'art,
scientifiques
éminents,
érudits
locaux,
collectionneurs
passionnés et voyageurs ethnographes ont généreusement oeuvré pour les musées en les
enrichissant par leurs dons et legs. La collection des musées de Laval témoigne ainsi du
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goût pour l'aillleurs qui s'est développé au 19e siècle et nous font découvrir un ailleurs
géographique ou temporel. Cette collection, riches d'objets de toute nature, dévoile le
regard posé par des curieux sur le monde qui les entoure. Les objets ethnographiques,
scientifiques, artistiques, archéologiques ont été ainsi rassemblés tantôt pour leur unicité,
tantôt pour leur rareté, tantôt pour leur beauté... et constituent une extraordinaire
invitation au voyage.
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