La journée de l`enfant éducateur

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La journée de l`enfant éducateur
La journée de l’enfant éducateur
Par Fatima Flamenco
Fatima Flamenco est conseillère à la règlementation au bureau
coordonnateur de la garde en milieu familial La trottinette carottée,
de Montréal. Ce texte est paru dans le journal de l’AQM, Grandir
en multiâge; vol. 6, n° 3, p 5-6, septembre 2010.
À la suite du processus de renouvellement de la reconnaissance d’Isabel Pinto, je me suis dit: "il faut
que je partage avec les autres responsables de services de garde en milieu familial l'expérience
d'Isabel".
Au fil de la conversation, Isabel me raconte comment elle a fait ses études pour devenir éducatrice, elle
me parle de ses difficultés d'apprentissage lorsqu'elle était enfant. Et de fil en aiguille, nous arrivons
toujours à parler du service de garde, d'activités pédagogiques et artistiques, du développement de
l'enfant, et oups!... de la journée de l'enfant-éducateur dans son service de garde!
Je lui pose la question: "qu'est-ce que c'est cette journée?" Isabel me raconte que lorsqu'elle a fait ses
études, elle a appris les sphères du développement de l'enfant et elle s'est mise à réfléchir: comment
faire pour aider encore plus l'enfant à les développer?
Elle a conclu qu'à chaque fois que l'enfant interagit avec elle ou avec ses pairs, il travaille tout seul sur
les différentes sphères. Elle désigne donc une fois par semaine un des enfants qui va diriger les
activités de la journée.
Je lui ai alors demandé si elle pouvait m'inviter à observer le
déroulement de ses journées. Il faut dire que lorsque je suis en visite
chez elle, je suis toujours ravie de parler avec les enfants parce qu'ils
sont si sociables et si bien articulés. Même Léonie (2 1/2 ans)
n'arrête pas de parler, poser et répondre aux questions et raconter
toujours ce qu'elle est en train de faire.
La journée de ma visite, voici ce dont j'ai été témoin: Lors de mon
arrivée, il y avait déjà quatre enfants qui finissaient la collation.
Pendant que j'enlève mon manteau, Raphaëlle (4 ans) et Elliot (2 ans) arrivent avec leur papa. Ils
enlèvent leurs manteaux et donnent des câlins à papa. Lors du départ de celui-ci, les enfants lui disent
au revoir à l'unisson.
J'ai repéré rapidement l'enfant-éducatrice de la journée, c'était Alexandra (4 ans). À l'aide d'un petit bac
en plastique, elle ramassait les débarbouillettes avec lesquelles tout le monde s'était nettoyé les mains.
J'ai dit à Alexandra: "C'est toi l'éducatrice aujourd'hui?" Elle me répond fièrement "Oui et Gabriel (4
ans) m'aide". J'ajoute: "Gabriel est ton aide-éducateur", instantanément je me fais corriger par
Pénélope (4 ans): "Gabriel est l'assistant".
Isabel dit à Alexandra que c'est le temps de m'avait expliqué: "chaque enfant est appelé à organiser ou
à penser à une activité qu'il doit animer". Cette responsabilité de l'enfant a stimulé les parents à
s'impliquer dans le service de garde, et d'après leurs propres témoignages, l'organisation de l'activité
constitue le thème privilégié lors des soupers de famille.
Alexandra a apporté un jeu de mémoire et, en m’incluant, elle donne les consignes aux joueurs et elle
distribue les cartes. Le groupe s'impatiente, les enfants trouvent la distribution trop longue et ils
commencent à hausser le ton ou tout simplement à parler les uns les autres.
BC La trottinette carottée, octobre 2010
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Isabel prend un sifflet et souffle. Le son n'est aucunement fort ou agressif et les
enfants deviennent calmes et regardent la distribution de cartes... Les jeux
commencent; celui qui trouve deux cartes identiques les garde avec lui.
C'est Pénélope (4 ans) qui gagne, car elle a le plus grand nombre de cartes.
Chacun des enfants compte ses cartes. Léonie (2 ans) s'exclame sans aucun regret:
"je n'ai pas de cartes, moi".
C'est l'heure de la danse, les filles font la paire pendant que les garçons se
chamaillent.
Les enfants me montrent la danse du robot, c'est Léonie qui s'applique le plus à faire les pas. Isabel
siffle pour changer l'activité. Léonie proteste: "la chanson n'est pas finie"... et la danse continue.
Avant d'aller au parc, les enfants veulent dessiner. Alexandra fait la distribution des feuilles, vu que
c'est elle "l'éducatrice". Elliot reçoit sa feuille en premier et Pénélope lui fait la remarque: "Elliot ne t'a
pas dit merci Alexandra". Isabel intervient: "Vous pouvez dire merci ou gracias".
Avant de commencer, Isabel pose des questions en relation à la saison. Les enfants répondent les uns
après les autres: c'est le printemps, il y a du soleil, des fois il y a de la pluie, on voit les fleurs, etc. Les
enfants s'appliquent à faire des dessins avec des fleurs, des soleils, des arbres et plein de couleurs.
Isabel en profite pour me parler, elle me dit: "chez moi, tout est un jeu, les enfants adorent. On ne doit
pas les obliger à faire quelque chose, sinon ils ne sont pas capables d'inventer et la journée
deviendrait ennuyeuse pour eux et pour moi".
Elliot et Léonie ont fini leur dessin, il ne veulent plus continuer. Isabel propose à Elliot d'enlever le
petit papier qui entoure ses crayons de cire. Il est aux anges et complètement concentré. Durant ce
temps, Léonie s'en va chercher des poupées et revient pour jouer à côté du groupe. Tout le monde finit
ses dessins et j'ai eu la chance de les recevoir en cadeau.
J'étais fière de voir que chez Isabel, les enfants vivent le multiâge pur, aucune division du groupe, de
tâche ou de responsabilité n'est faite en raison de l'âge.
On s'en va au parc. Avant de partir Gabriel semble inquiet. La raison? Personne n'a fait le train pour
sortir et il dit à Léonie: "Bébé, il faut faire le train". Arrivés au parc, tous les enfants attendent
qu'Isabel finisse son inspection afin d'enlever tout objet dangereux. Tous les enfants sont attentifs à ce
que le parc soit sécuritaire, Gabriel et Pénélope rouvent quelques cadeaux indésirables laissés par des
chiens et ils appellent Isabel pour qu'elle vienne les aider à les enlever.
Je m’amusais à observer l'interaction entre les enfants, les grands voulant partager les activités avec les
petits qui, parfois, ne sont pas intéressés à le faire. Et aussi des grands qui préfèrent observer au lieu de
participer, les petits jouant avec les grands. Soudainement, je vois Elliot s'approcher de Léonie, lui
arracher son seau et partir en courant rejoindre les plus grands qui
jouent au ballon. Il laisse le seau sans surveillance, Léonie
s'approche, récupère le seau et part en catimini. Comme moi,
Alexandra avait regardé la scène dès le début et elle s'exclame en
applaudissant: "Bravo Léonie!" Léonie était très fière. La sortie au
parc est finie après le match de soccer entre Isabel et les grands. Le
retour à la maison se fait sans anicroche, comme toute la matinée
d'ailleurs. Nous étions tous prêts pour le dîner que j'ai partagé avec
Isabel et ses amis.
Je remercie lsabel de m'avoir permis de partager ces moments magiques dans son service de garde.
BC La trottinette carottée, octobre 2010
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