J`voudrais avoir la foi, la foi d`mon charbonnier…,Je suis le capitaine

Transcription

J`voudrais avoir la foi, la foi d`mon charbonnier…,Je suis le capitaine
J'voudrais avoir la foi, la
foi d'mon charbonnier…
Il y a ces sentiers que je ne cesse de parcourir entre les
quatre murs de ma boite crânienne. Quel boulet serré à la
gorge que d’y penser sans arrêt. Des échardes dans les talons
à chaque pas que j’y fais. Il faut laisser filer, ne pas
retenir. Parait-il.
Comment s’en libérer quand aucun langage n’est apte à
retranscrire ces errances ? Quand le mot capable d’abolir
l’instant passé reste coincé dans l’œsophage ? S’étrangler à
l’infini ? Dans cette boucle je m’étrangle. Dans toute cette
historisation, suite de fragments qui ne seront jamais assez
délavés et qui viennent perpétuellement s’actualiser dans
l’instant hic et nunc. Passez-moi l’âme à la javel
désaffectivante. Que je puisse m’y plonger sans m’y cramer. Me
parler au je sans hurler ni acter. Comment trouver la bonne
distance à ces histoires-là ? Entre l’assez loin pour ne pas
m’y faire happer, et l’assez près pour que je puisse en être
constituée.
Comment marcher avec les degrés d’irréalité qu’on m’a injectés
? La folie à laquelle on m’a projetée ? Croyez –moi sur parole
quand je vous dis qu’on détruit dans les HP.
J’ai encore le poids des sangles incrusté dans les poignets,
la haine au bord des cils qui ne cesse de se défenestrer. Un
saut dans le vide mais une renaissance qui ne cesse de
s’imposer. Un cercle à l’infini.
Et ce foutu dossier médical qui me donne à la fois envie de
rire et de chialer.
Croyez-moi si je vous dis que la porte blindée de ces services
est une étiqueteuse à psychoses. Paranoïaque, schizophrénique,
schizoïde ou paraphrénique. Après on te classe dans un grand
catalogue, et ça fait tout joli-mimi dans les papiers sécu et
auprès de la médecine organique.
Ils se donnent une contenance, et à vouloir se donner l’air
sérieux d’une rigueur scientifique, ils en ont oublié que l’on
ne peut attraper l’esprit dans un filet, qu’on n’embrasse pas
le Réel, qu’on l’approche tout au mieux. Et ce biais
d’observation de toutes conditions humaines devient le grand
oublié. Le déni d’humanité. Et ils s’étonnent d’accoucher de
suicides psychiques ou réels milletuplés.
Croyez-moi si je dis qu’entre leurs murs ça marche au pas et à
la carotte puis que ça se relève au bâton. Si tu t’arrêtes
c’est qu’on t’a attaché, seul au poteau des illuminés, tout
là-bas dans le fond au coin où on t’enlève plus que la
dignité. On te pompe jusqu’à la moelle de toute substance qui
te donne une identité. Un coma psychique dans lequel on te
plonge pour préserver la vie de la matière.
Au pays des légumineuses tu deviens le poireau-roi, et il ne
faudra pas t’étonner de te surprendre à parler aux courges de
passages.
Croyez-moi si je vous dis que les psychiatres ne se vêtissent
que de vitres sans teint. Ils t’injectent en IV l’idée que tu
n’es que le reflet d’une surface glacée, que tu n’existes pas.
Parce que pour ça il faudrait les coller, les agripper, et
quand dans ce délire dans lequel on t’a plongé tu finis par
l’acter, c’est leur prouver que c’est leur présence qui te
donne une existence, une consistance. Celle qu’ils n’ont pas.
Et là, ils se mettent à scander sur un ton de j’te l’avais dit
« pathologique ! Psychotique ! ».
T’es leur gagne-pain, ne t’étonnes pas de les voir t’imposer
l’illusion de leur toute puissance. Et s’ils s’invectivent
entre institutions, secteurs, ou chefs de pôle, c’est pour
surmonter les déceptions que leurs pères-Professeurs en
neurochirurgie ont larguées sur leurs épaules étriquées.
Pauvre
patient
d’HP.
Victime
d’une
jouissance
ratée,
symbolisation du manque en l’Autre. Tu es la béance qu’ils ne
finissent plus de tenter de colmater avec leur sacro-saint
pouvoir phallique de prescripteur médical. Au Nom du Père,
amen.
Anonyme.
Ce partage fait suite à plusieurs témoignages qui m’ont été
adressés en privé. Des lectrices en qui mon livre fait échos
et qui souhaitent partager avec moi leur(s) souffrance(s).
Je sais que le titre de ce billet plaira à notre anonyme, je
crois qu’elle aime Brassens et je souhaitais lui mettre un peu
de baume au cœur. Bien sûr que je l’entends ta souffrance…
Thierry Janssen racontait en conférence comment il s’est
adressé « d’inconscient à inconscient » à l’une de ses
patientes dans le coma et sur le point de mourir. J’aurais
tendance à dire que nos âmes viennent de se parler.
Des professionnels semblant désireux de travailler main dans
la main avec l’association m’ont dit un jour (gentiment) que
le problème avec moi c’est qu’on dirait parfois que je veux
« bouffer du médecin ». Ils ont compris que c’est loin d’être
le cas. Je suis consciente que mes histoires d’anges médecins
reviennent un peu trop souvent. Exaspérant ? Peut-être mais
revenez des ténèbres et reparlons-en.
Je sais l’utilité de l’association pour les malades et leurs
familles. J’ai confiance en mon équipe et dans les
professionnels avec qui nous collaborons pour informer, aider
et soutenir au mieux. Il n’y a aucune promesse hormis celle
d’être « là » pour accueillir la souffrance et donner les
meilleures clés possible en fonction des cartes dont nous
disposons. Je n’ai pas formulé de colère envers les
professionnels formés aux TCA, je n’étais pas prête à guérir
au moment de mon hospitalisation en service spécialisé. Je
n’ai pas de colère envers ceux qui ont laissé tomber, je pense
plutôt que les personnes qui ont tenu bon avec moi doivent eux
aussi avoir la foi. Je suis triste d’avoir erré à droite à
gauche mais c’est peut-être un manque de chance et le
regretter ne sert à rien. Je n’ai pas eu l’intelligence de
tenter de comprendre le mal qui me rongeait et d’aller
chercher l’information là où elle se trouve pour me faire
aider (la trouve-t-on facilement ?). J’en sais davantage sur
les formes de traitement et je suis heureuse des retours
positifs des malades que nous orientons avec intelligence.
Notre réseau est loin d’être suffisamment développé mais c’est
toute la difficulté du travail en réseau, pour
fonctionne il faut que tout le monde coopère.
qu’il
En tant qu’auteure je témoigne. Il se trouve que j’ai souffert
d’anorexie alors je parle de mon anorexie. Si je tenais à ce
que le mot « âme » apparaisse dans le titre de l’ouvrage c’est
bien parce qu’elle a un peu trop tendance à être oubliée. Il
est plus facile de sauver un corps du « péril éminent » que de
soigner une âme en détresse. J’ai souffert d’anorexie, j’ai
été placée chez les fous.
Si l’association soutient la Mad Pride ou participe à des
événements dont le but est notamment la destigmatisation de la
maladie psychique c’est bien parce que j’ai été « folle » un
jour ou en tout cas considérée comme telle puisque c’est dans
l’hôpital psychiatrique de mon secteur que j’ai atterri. Huit
ans après je persiste et signe : je ne voulais pas me
suicider. Et je n’ai pas commis de crime hormis celui de voler
un peu de nourriture dans les magasins et de laisser la
maladie gagner du terrain. Le fait qu’on m’explique les choses
de manière un peu musclée pendant un an n’a finalement rien
changé à mon discours de l’époque. Je n’ai pas fini de les
désespérer les médecins…
Bien sûr que j’ai été en colère. Comment ne pas l’être et
comment accorder à nouveau sa confiance à une équipe médicale
quand vous êtes morte entre les murs ? Comprendre son histoire
et le fonctionnement des institutions permet de dépasser la
colère. De là à opter pour le silence… C’est le cas de
beaucoup de rescapés (quand on s’est fait avoir une fois et
qu’on a la chance d’être à nouveau en liberté on se fait
oublier). Tout le monde n’a pas la plume (pour écrire un
livre) ou le micro (pour informer). J’invite à réfléchir sur
le traitement de la Folie et le poids de l’étiquette. J’ai une
double étiquette « Anorexique ET Folle ». Il n’y a pas que
l’anorexie dans la vie… J’ai côtoyé de près des personnes
bipolaires, schizophrènes et j’en passe. Je suis retournée
dans le service qui m’a récupérée en 2006 et certains y sont
encore, gavés de médicaments et les yeux toujours éteints.
Cela m’a fait de la peine de savoir que pour eux les choses
n’évoluent pas et qu’il y a peu de chance pour que cela
change.
Les « anonymes » ont le droit à la parole et je leur offre
volontiers un espace de libre expression sur notre blog. C’est
le moins que je puisse faire. Comme moi ils ont certainement
hurlé entre les murs sans parvenir à se faire entendre. Peutêtre qu’hors les murs…
Oublier et faire silence est plus facile, on se brûle moins
les ailes. Si je monte au charbon c’est parce que j’ai
toujours eu ce tempérament de leader, quand il y avait un
« truc » à dire à la prof je ne manquais jamais de l’ouvrir.
Un peu tête brûlée, cela n’a jamais eu de fâcheuse conséquence
car la critique lorsqu’elle est réfléchie est constructive.
C’est ce qui permet le changement. Appelez cela avoir la foi
du charbonnier. Je n’ai pas de crainte à avoir, les anges sont
mes amis.
Annabel M parle de vieux loup de mer. J’ai aussi rencontré le
mien (mais en jeune et beau). Les vieux loups de mer sont
prêts à se mettre en quatre pour vous aider. Le mien a décidé
de s’intéresser à moi (et non au symptôme, à la pseudo colère
ou au paraître). Tiens, si on s’intéressait à l’ETRE. Et si au
lieu de m’intéresser aux TCA (dont je ne suis pas spécialiste
dit-il), j’essayais de comprendre pourquoi ils se sont mis en
place et ont perduré tout ce temps. Pas bête le psy. Le psy
pas spécialiste peut ajouter une nouvelle ligne à son cv
« Double master en TCA ».
Un peu magicien ou « artiste, mais tous ne sont pas des
artistes » (je vous invite à lire un livre d’inspiration
intitulé L’âme en éveil, le corps en sursis), il utilise une
potion magique : s’intéresser à l’être l’humain et faire
parler les gamins.
Chez SabrinaTCA92 nous avons la faculté de savoir nous
entraider, les valeurs associatives nous portent. On comprend
pourquoi l’association se développe bien, nous sommes
certainement tombé(es) dans le chaudron magique. Dopés à
l’humain… Il y a des addictions moins néfastes que d’autres.
Nous avons toutes les ressources dont nous avons besoin en
nous. Les réponses ne se trouvent pas toujours là où on
aimerait qu’elles soient. Je continue de dire que au moins je
vois de médecins au mieux je me porte et pourtant j’ai encore
besoin de parler à mes anges médecins.
Une amie m’a dit que j’ai un talent d’écriture, cette écriture
qui (me) permet de poser les souffrances, les cris sur du
papier… Alors même si je doute d’avoir un quelconque talent je
continuerai d’écrire. Les souffrances, les cris mais aussi
l’espoir, le pardon et la paix sont des thèmes inspirants. Il
y a même des psys qui parlent de résilience
Tu n’es pas folle, tu as ce mal être qu’il faut avoir eu en
soi pour le comprendre vraiment. On ne peut en vouloir à ceux
qui ne comprennent pas mais ils n’ont pas le droit de tuer
notre âme.
Ps : la censure est tout de même un peu passée par là… Toi par
contre tu bouffes du médecin avec des mots aussi affûtés que
des poignards.
Avoir la foi, c’est monter la première la première marche même
quand on ne voit pas tout l’escalier.
Martin Luther King
« J’ai lu ton livre. Je ne suis pas trop dans
la spiritualité – enfin pas de cette manière –
mais je comprends en quoi ça t’a aidé. C’est
un très beau témoignage d’espoir et au-delà tu
soulèves de vraies questions par rapport à
l’hospitalisation, avec ton association en
parallèle ça permet d’être entendue, parce que
ça c’est fort difficile… Et puis ça m’a permis
de beaucoup mieux te connaître »
Merci à mes lecteurs.
« Nous continuerons d’œuvrer en faveur de la lutte contre les
TCA et d’informer sur les ravages de la maladie, la nécessité
de développer la filière de soins et bien sûr de libérer la
parole des malades ».
Sabrina Palumbo (en mode Présidente cette fois)
A lire :
Restrictions de liberté en psychiatrie
La santé mentale en France et dans le monde
« Je casserai les murs pour toi »
Je suis le capitaine de mon
âme
« Ce qui m’a surtout sauvée de ces années de « non-vie » c’est
ma quête spirituelle. Depuis toutes ces années, j’ai
l’impression de poursuivre la même quête, (re)voir des signes
ou des preuves qui attestent mes croyances. Je les guette et
suis attentive aux manifestations magiques de la vie. Je ne me
sens plus seule, mais je ressens ce besoin d’être rassurée sur
mes croyances quelque peu inhabituelles pour bien des gens.
Avec le temps, la Lumière vient à nous. »
L’âme en éveil, le corps en sursis
On dit que je regarde le ciel dans un regard implorant…
Signes ou synchronicités, les anges s’en donnent à Cœur joie
(sympas les anges !)
Je ne compte plus les signes. Le message m’échappe encore
(soyez encore plus sympas faites simple !)
Je ne sais pas par quel hasard je lis « Invictus » – en pleine
nuit -, le poème préféré de Nelson Mandela, alors que je ne
l’ai jamais lu en entier.
Deux phrases me sautent aux yeux (les 2 dernières) car ce sont
celles qu’un lecteur m’a demandée de lui écrire dans son
exemplaire de L’âme en éveil lors de ma récente dédicace.
Sourire… et merci
Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient,
Pour mon âme invincible et fière,
Dans de cruelles circonstances,
Je n’ai ni gémi ni pleuré,
Meurtri par cette existence,
Je suis debout bien que blessé,
En ce lieu de colère et de pleurs,
Se profile l’ombre de la mort,
Et je ne sais ce que me réserve le sort,
Mais je suis et je resterai sans peur,
Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme.
Monter en conscience provoque quelques secousses sismiques
mais j’ai ma petite armée qui s’active pour moi.
Chanson pour mon ange (cette histoire d’oiseaux à l’hôpital)
et aucun rapport avec Belle et Sébastien : j’étais trop jeune
Sabrina
L’oiseau
Source : blog psychologies.com.

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