Argent de poche, combien et à quel âge

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Argent de poche, combien et à quel âge
ÉDUCATIONOPINIONS 12 FÉVRIER 2014
Argent de poche, combien et à quel
âge ?
Derrière cette question, ce qui se joue, c’est la représentation de l’argent que
nous voulons transmettre à nos enfants.
Un groupe de parents d’une école élémentaire se réunit pour parler de l’argent que les enfants
leur réclament. Faut-il leur donner de l’argent de poche ? À partir de quel âge ? Sous quelles
conditions ? Les réponses sont variables d’un parent à l’autre. Chacun vient apporter son
témoignage et s’enrichir des questions et des réponses des autres parents. En matière d’argent,
chacun a conscience qu’il n’y a pas une réponse, mais des réponses possibles et que ces
réponses particulières révèlent bien plus que les possibilités financières de la famille.
Un jeune, élève d’une classe de seconde d’un établissement scolaire dans lequel il est
pensionnaire, ses parents étant diplomates, sort régulièrement de son portefeuille la liasse de
billets de banque qu’il possède pour les compter, sous l’œil étonné de ses camarades. Comptet-il ainsi la valeur de l’amour et de l’attention que ses parents au loin lui portent ? Ceux-ci se
dédouanent-ils de leur absence en donnant de grandes quantités d’euros ? Ce jeune pense-t-il
acquérir de la valeur aux yeux de ses camarades en brassant sous leurs yeux les billets de
banque ? Il y a sans doute un peu de tout cela dans la démarche de cet adolescent comme dans
celle de ces milliers de jeunes qui manipulent dans la rue les multiples et onéreux objets
technologiques qu’ils se sont achetés avec leur argent de poche ou fait acheter par leurs
parents : iPhone, Smartphone, consoles, etc.
La question « Faut-il donner ou ne pas donner de l’argent de poche ? » s’articule avec une
autre question : « Quelles représentations de l’argent voulons-nous transmettre à nos enfants ?
» L’argent se donne-t-il ou se gagne-t-il au prix d’un effort plus ou moins important sous
forme de travail ou de troc ? L’argent de poche peut-il exclusivement servir aux menus
plaisirs de l’enfant ou de l’adolescent et à satisfaire ses envies ?
Les réponses à ces questions engagent chaque parent car elles participent à la construction des
représentations mentales qui façonneront les attitudes et les conduites de l’enfant et de
l’adolescent à l’égard de l’argent.
J’ai eu l’occasion d’animer de nombreuses rencontres sur ce sujet et de répondre à des
interviews, ce qui indique à mon sens que le sujet préoccupe. Je m’inquiète de certains propos
de spécialistes qui fournissent des réponses objectives et normatives « à tel âge, il faut donner
tant », comme si l’argent de poche était un droit pour l’enfant. Ces spécialistes ne se soucient
ni des possibilités financières des parents, ni des significations de l’argent qu’ils souhaitent
transmettre à leurs enfants.
Il est étrange de donner de l’argent à un petit enfant qui ne sait ni additionner, ni soustraire.
J’ai pu observer des enfants de moins de cinq ans affirmer qu’ils avaient beaucoup d’argent
dans leur tirelire parce qu’elle était très lourde.
Il est important que l’enfant et l’adolescent gardent en conscience que l’argent est un moyen
pour satisfaire les besoins nécessaires de chacun et de la famille, et ne devienne pas un besoin
au service de leurs seules envies personnelles. Prélever une partie de son argent de poche pour
participer au cadeau d’anniversaire de son frère ou offrir spontanément une rose à sa mère le
jour de sa fête sont des gestes de générosité qui révèlent une certaine capacité de l’enfant à se
détacher de l’argent et à l’utiliser à d’autres fins que lui-même.
Menus travaux
Lorsque l’enfant grandit et entre dans l’adolescence, la question de l’argent de poche prend
une place plus importante dans les relations familiales à travers les besoins d’identité à
satisfaire (vêtements, sorties, achats d’objets technologiques, abonnements...). La quantité
d’argent donnée régulièrement ou occasionnellement doit alors se faire dans le cadre de
patients échanges car il est parfois difficile à un ou une adolescente de comprendre que le
refus de ses parents, quand ils pensent que la demande est excessive ou inappropriée.
Pour éviter ces débats sans fin et souvent houleux, certains parents convient leurs adolescents,
dès qu’ils ont 14 ans, à chercher des menus travaux qui leur permettent de gagner une partie
de leur argent de poche et d’acquérir du même coup une certaine autonomie.
Réforme n°3548 - 13 février 2014
Edith TARTAR GODDET,