`C`est moi qui ai abattu son avion` LE TERRIBLE AVEU DE HORST

Transcription

`C`est moi qui ai abattu son avion` LE TERRIBLE AVEU DE HORST
Depuis 1944, le
mystère planait
sur la disparition
en Méditerranée
de l'auteur
du Petit Prince ...
«Je me demande ce que vient
faire ce type tout
seul dans mon secteur, se souvient-il.
Ordinairement, le
Lightning évolue à
10000 mètres pour
prendre des photos.
Là, il était beaucoup
plus bas[ ... ] Je me
suis dit : mon gars,
si tu ne fous pas le
camp, je vais te canarder. J'ai
plongé dans sa direction et j'ai
tiré sur les ailes. Je l'ai touché.
Le zinc s'est abîmé. Droit dans
l'eau. Il s'est écrasé en mer. Personne n'a sauté. Le pilote, je ne
l'ai pas vu. J'ai appris quelques
jours après que c'était SaintExupéry. J'ai espéré, et j 'espère toujours, que ce n'était pas
lui. J'aimais le personnage. Si
j'avais su, je n'aurais pas tiré.
Pas sur lui.» Cruelle ironie du
sort: c'est en lisant les œuvres
del' écrivain, Vol de nuit ou Terre
des hommes, que Horst avait eu
envie de devenir pilote .. . Il en
éprouvera un éternel regret.
«Nous avons hésité afin de
savoir si nous devions ou pas
écrire ce livre, nous a confié
Jacques Pradel. Nous avons finalement choisi de franchir le
pas. D'abord, pour rendre hommage aux protagonistes béné-
cée permet à Lino de rencontrer les héritiers du prince Alexis,
membres d'une vieille famille
· <l'outre-Rhin, qui a ses entrées
dans les cercles d'anciens combattants. Il ne reste plus qu'à
out oommenœ en 1998, faire parler les pilotes survivants
lorsque Jean-Luc Bian- du Jgr.200, ce groupe de comco, un marin pêcheur bat qui officiait en Provence
marseillais, remonte pendant l'été 1944, pour tenter
dans les filets de son d'en savoir plus sur la disparichalutier une gourmet- tion de l'avion d'Antoine de
te ayant appartenu à Saint-Exupéry, le 31juillet1944.
Saint-Exupéry. Après cinquanCe jour-là, l'aviateur, âgé de
44 ans, avait décollé de Bastia
te-quatre ans de IIJJS!ère, l 'enquête sur la disparition de !'écrivain vers 8 h, pour une mission photographique et cartographique
peut enfin commencer. ..
Deux ans plus tard, Luc Van- à haute altitude dans la régioµ
rell, un plongeur professionnel, de Grenoble et d'Annecy. A
14h30, les six heures d'autodécouvre les débris de l' appareil dans lequel s'est crashé , nomie del' appareil étant dépassées, un officier remplit cette
l'aviateur, un Lightning P-38,
fiche: «Le pilote n'est pas rendont la carcasse gît par 80 mètres
de fond. «Il nous faudra vingt tré. Il est présumé perdu.»
·mois pour nous assurer qu'il
Regret
s'agit bien de l'avion de SaintQu'est-il arrivé au pionnier
Ex», nous confie aujourd'hui
del' Aéropostale? Luc Vanrell,
Luc Vanrell. Si les causes de
!'accident demeurent inconnues,
Lino von Gartzen et Jacques
un indice met le plongeur sur Pradel sentent qu'ils touchent
une piste ... Autour de la car- au but, même si faire parler les
casse subsistent en effet les restes anciens combattants n'est pas
'C'est moi qui ai abattu son avion'
LE TERRIBLE AVEU DE HORST RIPPERT, ANCIEN PILOT E DE LA lüFTWAFFE
du moteur d'un autre avion, un
Messerschmitt de l'armée allemande. Les deux appareils se
seraient-ils percutés avant de
s'abîmer en mer? En 2006, le
moteur est remonté à la surface afin d'être identifié. Entretemps, Jacques Pradei plongeur
amateur et pilote privé, se passionne pour le sujet. Il va mettre
son expérience de journaliste
au service des enquêteurs.
Aristocrate
Ces derniers contactent alors
Lino von Gartzen, un jeune aristocrate allemand, fondateur d'une
association de recherches d'avions
perdus pendant la guerre. Très
vite, le jeune homme acquiert
la certitude que la pièce repêchée appartient à l'appareil d'un
prince, Alexis von Bentheim,
abattu le 2 décembre 1943 par
un chasseur américain. La thèse
du télescopage aérien ne tient
plus, mais cette nouvelle avan-
44
France Dimanche
chose facile, la guerre restant
un sujet tabou en Allemagne.
L'un des pilotes finit en effet
par lâcher un nom. «Il nous
conseille d'aller voir un dénommé Horst Rippert, que celui-ci
a une très bonne mémoire»,
nous explique Jacques Pradel.
C'est Lino qui, le premier,
rencontre Horst Rippert, l'ancien pilote âgé de 86 ans. La
discussion est à peine engagée
que le vieil homme lâche cet
incroyable aveu : «Vous pouvez arrêter de chercher, c'est
moi qui ai abattu Saint-Exupéry. » Dans un ouvrage qui vient
de paraître*, Jacques Pradel et
Luc Vanrell publient le témoignage de cet homme qui, après
soixante-trois ans de silence, a
enfm décidé de s'expliquer. Ce
31 juillet, Horst est aux commandes de son avion, quelque
part entre Toulon et Marseille,
lorsqu'il aperçoit ce Lightning
P-38 volant étonnamment bas.
voles de cette longue enquête.
Et surtout, si le témoignage de
Rippert est exact, pour redonner à la mémoire de !'écrivain
Sans
les recherches
acharnées de
Jacques Pradel,
on n'aurait jamais
connu la vérité
Les fouilles sous-matines ont
pennis aux enquêteurs, aidés
par Jacques Pradel, (à d.}, de
remonter jusqu'à Horst Rippert.
'Si j'avais su que
c'était St-Ex, je
n'aurais pas tiré'
les honneurs qui lui sont dus.
Saint-Exupéry ne s'est pas suicidé ou perdu en mer comme
l'ont prétendu certains. Il est
mort au combat, il est mort pour
la France.»
Cyril BOUSQUET · 1
• St-Exupéry, l'ultime secret,
enquête sur une disparition,
de Luc Vanrell et Jacques
Pradel, Éditions du Rocher.

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