LIDL, GEMALTO... Les salariés veulent plus - seci1887
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LIDL, GEMALTO... Les salariés veulent plus - seci1887
Et ces revendications sont loin d'être uniques. Chez Gemalto, aujourd'hui aussi, les cadres sont appelés, à La Ciotat et Gémenos, par la CGC cette foisci, à déserter leur bureau, là encore pour dénoncer la faible redistribution des bénéfices engrangés par le numéro un mondial de la sécurité numérique, aux 423 M€ de bénéfice d'exploitation, en hausse de 10 %... LIDL, GEMALTO... Les salariés veulent plus Marie-Cécile Bérenger, La Provence.com, le 24.03.2016 Le tract, distribué depuis deux jours auprès des personnels du groupe Lidl par l'intersyndicale CGTUnsa est explicite : "Lidl, 4e mondial en terme de chiffre d'affaires, 10 % de CA en plus en 2015 en France, 100 M€ dans la pub pour 2015 et seulement 20 M€ d'augmentation 2016". Aujourd'hui, une quinzaine d'entrepôts de la centrale de grande distribution en France pourraient être bloqués par l'appel à la grève lancé par les deux syndicats qui demandent de cesser le travail et à se réunir devant ces sites stratégiques, comme celui de Rousset près d'Aix. Dans les deux cas, les grévistes rappellent les efforts fournis pour obtenir ces bons résultats... faiblement récompensés. Il y a un mois, le groupe PSA, fort d'un bénéfice d'1,2 milliard d'euros, a annoncé qu'il verserait une prime de 2 000 euros à ses employés et ... rien à ses actionnaires. Un discours précurseur ? L'analyse de Frank Zirah du cabinet d'expertise auprès des comités d'entreprise Vigice : "Les salariés sont les oubliés du système" Comment expliquez-vous que de grands groupes bénéficiaires ne redistribuent pas aux salariés à la hauteur de ce qu'ils espèrent ? Car les salariés ont du mal à comprendre que l'enseigne, qui ne cesse de grignoter des parts de marché ne leur propose cette année que 0,2 % d'augmentation des salaires, même si, ajoutée aux primes et autres bons d'achats, le groupe a mis au total 20 M€ sur la table. Frank Zirah : Aujourd'hui nous ne sommes plus dans un schéma classique d'opposition salariés patronat mais plutôt dans un cas de figure où l'ensemble des salariés de grands groupes sont touchés par des stratégies qui s'opèrent dans l'intérêt des actionnaires. Les salariés sont les oubliés du système. Gemalto : les salariés veulent bénéficier des bons résultats Quelles sont ces stratégies ? Frank Zirah : De l'optimisation fiscale ; l'impôt d'une société française est calculé par rapport à l'activité pratiquée sur le territoire français. Les représentants du personnel mettent aussi en avant le très grand nombre de contrats à temps partiel, et un mode de gestion du personnel toujours marqué par les pratiques du hard discount, même si aujourd'hui Lidl compte bien sortir de ce marché en perte de vitesse et mise justement sur son personnel, pour séduire une nouvelle clientèle. Mais lorsque les entités sont multiples et qui plus est à l'international, le schéma est plus complexe ! Hormis le chiffre d'affaires réalisé en France où une marge est réalisée, il faut intégrer le chiffre d'affaires que le groupe réalise avec les autres filiales à l'étranger. TOUR D’HORIZON – ACTUALITÉ On comprendra qu'il est plus intéressant pour un groupe de supporter des charges lourdes en France et de positionner un bénéfice plus important dans une autre filiale abritée par un pays où la fiscalité est plus clémente. Ces filiales à l'étranger peuvent facturer des redevances, des frais de gestion, mais le vrai prix est le prix de transfert ou transfer pricing. Cela revient à ce qu'une société française vende à faible coût des produits et services à une société étrangère du même groupe, qui elle, en les revendant sur le marché, réalisera un bénéfice important, mais taxé faiblement ! Le point de distorsion vient de la définition de ce prix de transfert ; comment on rémunère chaque filiale pour ce qu'elle fait. Le groupe peut décider de rémunérer à part égale les deux filiales, ou de donner davantage à l'une plutôt qu'à l'autre. Ils ont intérêt bien sûr à maximiser leurs profits dans un pays à faible fiscalité. Autrement dit, grâce aux outils d'optimisation fiscale, même si le groupe réalise 100 millions d'euros (M€) de bénéfice comptable, il peut au final n'avoir que 10 M€ de bénéfice fiscal, voire un déficit fiscal. Quel est votre rôle dans ce cas-là ? Frank Zirah : Les cabinets d'expertise auprès des comités d'entreprise comme le nôtre ont pour mission d'essayer de reconstituer les chiffres les plus conformes à la réalité ou réclamer que la direction calcule la redistribution aux salariés à partir des bénéfices comptables, donc réels, et pas fiscaux. Mais il ne faut pas oublier que dans de grands groupes, la direction, ce sont les investisseurs ; les dirigeants de la filiale française ne sont eux-mêmes que des salariés vis-à-vis des actionnaires. Et pour eux, très souvent, leurs bonus sont calculés sur les performances d'exploitation ou une part du revenu monde du groupe ! Moins de bénéfice fiscalisé en France, cela veut dire moins de participation aussi pour les salariés. Ces stratégies sont légales, donc quels sont les recours des salariés ? Frank Zirah : Les grands groupes aujourd'hui sont très surveillés par l'administration fiscale européenne, donc effectivement, même si c'est légal, il faut suffisamment étayer le choix des prix de transfert pour ne pas être trop proche de la limite de la légalité. Les grands groupes ont des départements fiscaux en interne de plus en plus importants et ont recours à des cabinets de conseil. C'est très bien pour le groupe dans son ensemble, pour les actionnaires, mais les salariés français se retrouvent avec des bases de rémunération axées sur les résultats de la société française, et pas sur ceux du groupe dans son ensemble. TOUR D’HORIZON – ACTUALITÉ