Les milliards de la Banque Cantonale de Genève

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Les milliards de la Banque Cantonale de Genève
Les milliards de la Banque Cantonale
de Genève
Depuis quelques années, nous vivons une période faste en ce qui concerne l’évolution des
prix de l’immobilier dans l’Arc lémanique; ils sont en constante hausse et ceci tant pour les
villas, les appartements et les immeubles. Des taux d’intérêts des plus bas - bien qu’en
légère progression - et la mise à disposition du futur propriétaire de moyens pour constituer
ses fonds propres à savoir le retrait d’une partie ou de la totalité de ses avoirs accumulés
dans le cadre du deuxième et du troisième piliers, favorisent la demande.
A la fin des années quatre-vingt, les valeurs immobilières ont également pris l’ascenseur
dans notre région mais ceci pour des raisons différentes. La spéculation était le moteur
d’une agitation des prix de l’immobilier tant commercial, industriel que de l’habitation. Le
crash boursier d’octobre 1987 aidant, de nombreux investisseurs se sont tournés vers la
pierre ce qui a été l’une des causes d’un désiquilibre de l’offre et de la demande. Il s’en est
suivi une crise immobilière dès 1990 avec l’éclatement de la bulle spéculative qui a affecté
de nombreux établissements bancaires.
A l’époque, la Caisse d’Epargne de la République et Canton de Genève ainsi que la
Banque Hypothécaire du Canton de Genève ont été très actives dans le domaine des
financements immobiliers tout comme les trois grandes banques de la place à savoir
l’Union de Banques Suisses, la Société de Banque Suisse et le Crédit Suisse.
En 1994, les deux premiers instituts ont fusionné pour donner naissance à la Banque
Cantonale de Genève. Toutes les affaires financières et immobilières ont ainsi été
consolidées dans cette nouvelle entité.
A la fin des années nonante, il s’est avéré qu’au sein de la Banque Cantonale de Genève,
une partie du portefeuille, soit 1'255 objets immobiliers étaient fortement grevés par des
prêts hypothécaires et crédits difficilement recouvrables, créances qui n’ont pas pu être
provisionnées dans leur totalité lors des exercices précédents, les bénéfices étant trop
faibles. Une grande partie de ces financements étaient couverts par des gages immobiliers
(cédules hypothécaires) ou d’autres garanties comme des titres ou des polices d’assurancevie. Il s’agit d’avances sur des appartements, des immeubles locatifs et mixtes, des villas,
des immeubles administratifs, commerciaux, industriels et artisanaux, des terrains, des
hôtels et restaurants, situés pour la plupart dans le canton de Genève.
L’Etat de Genève, principal actionnaire de la Banque Cantonale de Genève avec les
communes genevoises, a créé, en mai 2000, un établissement de droit public soit la
Fondation de valorisation des actifs de la Banque Cantonale de Genève en vue de prendre
en charge ces mauvaises créances afin de poursuivre son activité et sauvegarder ainsi la
pérennité de la Banque. La valeur de ces crédits transférés à la Fondation, s’élevait à
5'292,7 milliards de francs. Ce montant a été financé par un emprunt de 5,067 milliards que
la Banque a accordé à la Fondation, garanti par un cautionnement simple à hauteur de
5 milliards de l’Etat de Genève. Par cette action, consistant en un assainissement financier,
l’Etat s’est engagé à assumer les pertes de la Fondation.
Cette opération a obligé l’Etat à constituer, dans ses comptes de l’an 2000, une provision
de 2,7 milliards pour couvrir les risques de pertes prévues.
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Depuis six ans environ, la Fondation de valorisation a pour mandat de vendre au meilleur
prix, les actifs immobiliers qui lui ont été transférés par la Banque avec pour objectif de
minimiser les pertes que l’Etat a accepté de supporter dans un marché plutôt favorable.
Durant un laps de temps prévu de dix ans, la Fondation doit les gérer, les valoriser et
rechercher la meilleure rentabilité nette des objets qui lui ont été confiés en améliorant,
dans la mesure du possible, l’état locatif en réduisant les coûts.
Le but de la Fondation est de réaliser en priorité les objets dont le rendement est inférieur à
3 % et la perte supérieure à 50 % par rapport à l’engagement.
A la fin de 2005, il restait à réaliser 459 objets pour un montant de 1,6 milliard. La dette de
la Fondation de valorisation était à cette date de 2,391 milliards. Elle rembourse l’emprunt
que la Banque lui a octroyé au fur et à mesure des ventes qu’elle réalise et des montants
qu’elle encaisse de l’Etat afin de couvrir les pertes lors de la vente. Ainsi, pour un
désengagement de 3,018 milliards, la perte de l’Etat au 31 décembre 2005 s’élevait à 1,087
milliard. Celle-ci a été financée à son tour par un endettement supplémentaire. En plus,
l’Etat assure le financement du fonctionnement de la Fondation de valorisation; celui-ci
s’est élèvé jusqu’en 2005 à 299 millions. L’Etat a demandé à la Banque Cantonale de
Genève de lui rembourser cette avance de frais ce qui a été fait à hauteur de 2,16 millions
en 2006.
Le timing pour cet assainissement se déroule selon le plan prévu initialement grâce à la
bonne tenue persistante du marché immobilier, à la pénurie de logements, au bas niveau
des taux hyothécaires et à l’action dynamique de la Fondation comptant actuellement 19
collaboratrices et collaborateurs. Il est prévu que cet Organisme cesse ses activités aux
alentours de 2010.
Mais le plus rude reste à faire car de gros objets de plus de 20 millions sont encore à
vendre. Il s’agit d’immeubles administratifs, commerciaux et artisanaux pour lesquels la
demande est relativement faible. Une hausse des taux d’intérêt hypothécaires menace, ce
qui entraverait le rythme de réalisation.
La gestion et les comptes de la Fondation de valorisation sont soumis à la surveillance du
Conseil d’Etat de Genève, du Grand Conseil et de sa Commission de contrôle ainsi qu’à
l’Inspection Cantonale des Finances.
Pour la petite histoire, il est à noter qu’une telle opération de sauvetage a eu lieu dans le
canton de Berne et celle-ci s’est avérée être une très bonne opération pour tirer la Banque
Cantonale et l’Etat d’un bien mauvais pas.
Une perte subie par l’Etat de Genève est financée par les citoyennes et les citoyens du
canton au travers de leurs impôts qui sont adaptés en conséquence. Si l’Etat n’était pas
intervenu d’une manière énergique suite à la mauvaise gestion financière de la Banque
Cantonale, le pire scénario aurait dû être envisagé, mettant cet Etablisssement dans une
situation très précaire, ce que personne ne souhaitait puisque les contribuables du canton
sont aussi, pour la plupart, des clients; on a ainsi évité une crise majeure qui aurait eu des
conséquences désastreuses pour l’économie genevoise tout entière.
Il faut être aussi conscient que les pertes subies par le canton dans cette affaire, dont
l’ampleur exacte n’est pas encore connue à ce jour, ne pourront pas être remboursées par la
Banque Cantonale de Genève dont les résultats restent modestes.
Bernhard Riedweg
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