Analyse genrée de "Potiche" de F.Ozon

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Analyse genrée de "Potiche" de F.Ozon
Lycée Claude Nougaro
DISPO
Colloque des élèves de première : « Le genre »
25 mai 2011 ‐ 9h‐17h30 ‐ Sciences- Po Toulouse
Le genre dans le cinéma
PB : Quelles sont les modalités de construction du genre dans le film
« Potiche » de F.OZON ?
Introduction:
Historiquement, hommes et femmes ont toujours eu des relations complexes que ce
soit dans la sphère privée ou publique. Ces rapports, fondés sur des relations de domination
ont pu évoluer. En effet, le sexe féminin était autrefois désigné comme socialement et
politiquement inférieur à celui de l’homme. Dans l’Antiquité, la cité Athénienne fut
considérée comme le parangon de la démocratie, elle excluait pourtant les femmes du statut
de citoyen ; elles restaient en effet mineures toute leur vie, étant soumise avant leur mariage à
l’autorité du père et, après celui-ci, à celle du mari. La politique contemporaine ne présente
plus les stigmates de la misogynie d’Athènes mais n’est pas pour autant parfaite en ce qui
concerne la parité. C’est ce que François Ozon a pu constater lors des élections présidentielles
françaises de 2007 qui opposèrent pour la première fois un homme et une femme. Le cinéaste
a donc, durant cette campagne électorale, observé ce qu’il appellera un « relent machiste ».
C’est ce qui l’a poussé à adapter sur grand écran une pièce de théâtre de boulevard traitant
des rapports hommes/ femmes et de la place de ces dernières dans la société, « Potiche ». A la
différence du film, la pièce était plutôt axée sur un divertissement pur et ne cherchait pas à
s'inscrire dans un quelconque engagement. La protagoniste, Suzanne est l’héritière d’une
grande entreprise familiale qui, à défaut de son père défunt, est dirigée par son époux Robert,
infidèle et macho notoire. Suite à des problèmes de santé, Robert se trouve obligé de céder sa
place de PDG. C’est donc un élément perturbateur qui va modifier l’ordre des choses,
Suzanne prend donc les rênes de l’usine, telle une épouse de soldat parti au front. A partir de
là, notre Potiche, archétype de la bourgeoise soumise des années 70, interprétée par Catherine
Deneuve, va trouver sa voie qui la mènera vers la liberté et l’indépendance. Chaque
personnage tenant un rôle bien précis, il est légitime de s’interroger sur les modalités de
construction du genre au sein même de ce film. La nécessité de simplification par les
stéréotypes du genre, puis la persistance de l’individualité dans les interactions malgré les
barrières du genre constitueront des éléments de réponses.
I Le recours au stéréotype du genre
A. Le stéréotype du genre au service de l’appréhension d’autrui
Les stéréotypes résultent d’un processus de schématisation et de généralisation qui
consiste à attribuer à un ensemble d’individus les mêmes caractères simplifiés à l’extrême. Le
stéréotype est souvent apparenté au cliché qui lui, serait plutôt une idée reçue, ou encore au
préjugé que l’on définit comme un jugement arrêté sans que l’on puisse en donner une
justification rationnelle. Ainsi, au début du film Suzanne Pujol, interprétée par Catherine
Deneuve, est perçue comme une riche femme au foyer, comme le souligne son mari, Robert
Pujol dans sa réplique "Cite-moi des femmes aussi gâtées que toi au bout de 30 ans de
mariage ? - Ah ça, au niveau de l'électroménager, je suis une petite reine ! - Ah ben, tu vois,
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tu es comblée, tu es obligée de l'admettre ! ". L’aisance matérielle se traduit par un
équipement ménager qui est immédiatement associé au personnage féminin comme si elle en
était la destinataire. On retrouve ici le stéréotype de la femme identifiée à sa cuisine. La
goujaterie de M.Pujol laisse très clairement entendre que son épouse ne peut avoir d’autres
aspirations que des satisfactions ayant trait à son intérieur. Il n'y a d'ailleurs pas que son
conjoint qui pense ainsi : sa fille Joëlle, ricane lorsque que Babin, ancien amant de Suzanne,
lui propose de prendre sa place au sein de l'entreprise , " Maman , mais c'est une blague?!".
Cependant, tout le monde ne pense pas la même chose : son fils Laurent est plutôt optimiste,
et l'encourage même à prendre les rênes de l'entreprise : "Partout les femmes prennent le
pouvoir, tu vas dans le sens de l'Histoire, Maman ! ". Nous pouvons également nous intéresser
à d’autres personnages, comme, par exemple, Robert Pujol. Tout d’abord, il est perçu par sa
femme comme un mari autoritaire, nerveux (« Je te trouve de plus en plus nerveux et
irritable ») , on ne voit ici aucune relation amoureuse comme on aurait pu s’y attendre . Elle
ne voit pas son mari comme son époux mais plutôt comme un « patient », une personne dont
elle doit constamment surveiller la santé. Par ailleurs, sa secrétaire quant à elle, le voit surtout
comme un patron volage, sans cesse attiré par de nouvelles femmes « Vous n’aurez qu’à
retourner voir vos P**es , au Badaboum ». On retrouve ici, le stéréotype du PDG qui a une
relation avec sa secrétaire et qui profite de son statut professionnel pour des activités
extraconjugales. Joëlle, est très proche de son père, et ne lui reproche même pas ses écarts
conjugaux, « Il n’est pas fatigué pour te tromper ! / - Je te défends de critiquer ton père ! /Mais c’est pas lui que je critique maman, c’est toi ! », elle trouve donc presque normal, que
son père aille voir d’autres femmes , car sa mère ne respecte pas ses « devoirs conjugaux »
(ils font chambre à part depuis plusieurs années) . Étudions maintenant le cas de Nadège, la
secrétaire des Pujol. Son patron, Robert la considère comme un objet répondant à ses besoins
primaires, ( - Je viens pour ma petite spécialité / - T’as raison ça peut pas faire de mal ! /Non, je parlais de mon bouillon ! ), il lui semble tellement normal qu’elle soit sa maîtresse
qu’il ne lui attribue jamais d’autres rôles, il est d’ailleurs très surpris lorsqu’il se rend compte
qu’elle ne vient pas pour son devoir de «secrétaire modèle.» Suzanne Pujol, elle, ne tarit pas
d’éloges sur Nadège (-Je prends votre place, madame Pujol ? /- Oui, vous faîtes ça très
bien.).Elle est tellement naïve qu’elle ne peut imaginer que son mari la trompe avec la
secrétaire. Cependant, Joëlle est très jalouse de cette secrétaire.(«Ecoutez-la, la secrétaire
modèle se transforme en furie syndicaliste ! ») Elle pense que celle-ci essaye de lui «voler»
son père et, par la suite, sa mère. C’est d’ailleurs la fille des Pujol qui empêche Nadège de
monter dans l’ambulance avec son père. De plus, Joëlle révèle même à sa mère la relation
entre Robert et la secrétaire. Enfin, nous allons nous concentrer sur Laurent Pujol. Il est
perçu par sa mère comme l’artiste qu’elle aurait aimé être(«j’aurais tellement aimé avoir un
artiste dans la famille»). Elle souhaite à tout prix qu’il lui ressemble. On voit ici le stéréotype
de «fils à maman», c’est à dire du fils qui se sent plus proche de sa mère que de son père
(sorte de déviance). Quant à son père, il rabaisse son fils sans cesse et même l’agresse lors de
la grève des salariés. Laurent se fait insulter par son géniteur («tu vas fermer ta gueule, toi!»).
Cela peut s’expliquer par deux éléments. En premier lieu, Robert a toujours souhaité voir son
fils hériter de l’entreprise familiale. Or, il s’avère que celui-ci ne le souhaite pas ce qui a
alimenté un ressentiment de la part de Robert. Enfin, on apprend dans ce film qu’il est
possible que Laurent ne soit pas le vrai fils de Robert Pujol. Il serait le fruit des aventures
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extraconjugales de Suzanne. Pour finir, sa sœur, quant à elle le perçoit comme un «gauchiste»
(«Évidemment, toi t’es de gauche»).Elle remet sans cesse en cause ses théories politiques et
idéologiques.
B. Le stéréotype du genre dans la construction de soi
Comme nous venons de le voir, les stéréotypes participent d’une perception d’autrui.
Cependant la construction de soi ne s’arrête pas seulement à ce que les autres disent. Le soi se
construit lors de la socialisation, qui est un processus par lequel la personne humaine apprend
et intériorise tout au long de sa vie les éléments socioculturels de son milieu ( normes ,
valeurs , rôles et statut ), les intègre à la structure de sa personnalité sous l’influence
d’expériences ( jeux , rites) et d’agents sociaux significatifs (familles, écoles, média) et ,
s’adapte ainsi à l’environnement social où elle doit vivre . Lors de ce processus l’individu
intériorise donc des normes et des valeurs qui diffèrent selon le sexe de l’individu, ce qui
créera plus tard le « sexe social » pour reprendre l’expression de Christine Delphy
(spécialiste féministe). Ce phénomène d’acculturation sexuée est une étape primordiale de la
création de soi. Cela consiste en trois étapes ; la sélection, c’est à dire l’emprunt d’un trait
culturel, la réinterprétation, et la restructuration. On peut ainsi analyser l’évolution de Nadège
quand elle se trouve au contact de Madame Pujol, sa nouvelle patronne. A force de la côtoyer,
elle adopte des attitudes de Madame Pujol qui lors de sa vie de femme au foyer adorait écrire
des poèmes. Lorsque Monsieur Pujol revient, Nadège comprend petit à petit, ce qu’elle
représentait pour ce dernier, et lui dit un poème (l’étape de la sélection : le poème ) qu’elle a
elle même écrit , qui ne parle pas du beau temps et de la nature , mais de son sentiment ( la
réinterprétation ) face au comportement déplacé de cet ancien patron avec qui elle avait une
relation extraconjugale (restructuration). Son comportement et sa personnalité sont modifiés
grâce à l’acculturation et au refus d’incarner le stéréotype de la secrétaire nécessairement
soumise à son patron. C’est parce qu’il y a eu des changements dans le champ professionnel
auquel elle appartient, qu’elle se voit changer de rôle. Elle tente de changer de comportement,
pour être une femme indépendante plutôt qu’une femme objet. Les stéréotypes représentent,
ce que l’on voudrait être, ce que l’on est, ou bien ce que nous ne voulons absolument pas, ou
plus, être. Que l’on puisse s’en libérer ou que nous en soyons prisonniers, ils constituent à
l’évidence la base des rapports sociaux.
C .La récurrence des stéréotypes de genre dans la construction des rapports sociaux
Les stéréotypes ne servent pas seulement à la compréhension de soi et des autres, mais
également à la construction des rapports sociaux. Potiche s’attache tout à la fois à montrer la
présence des stéréotypes de genre dans les rapports familiaux et dans le milieu du travail.
Nadège, dont on ne connaît pas le patronyme, est cataloguée par M.Pujol, comme devant être
au service de toute sa personne et répondre à ses désirs intimes. On voit ici que le stéréotype
de la secrétaire est dû à son genre. S’il s’agissait d’UN secrétaire, donc d’un homme, jamais
M.Pujol n’aurait agi de la sorte. Les rapports sociaux au travail résultent du genre attribué à
chaque individu, de là une inégalité quand la femme n’est pas prise au sérieux. La scène de
l’émission de télévision appelée « Aujourd’hui Madame », d’ailleurs fondée sur des images
d’archives, est également très représentative puisque les hommes proposent une généralisation
de la femme la classant dans une catégorie : femme au foyer, elles doivent donc rester à la
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maison pour s’occuper du ménage, de la cuisine, des enfants et, bien sûr, du bien-être de leurs
maris. Ces stéréotypes sont connus, et pour cause, puisqu’ils ne changent pas depuis les
années 70. La récurrence de ces stéréotypes est d’une grande utilité car elle permet de
cataloguer les gens et d’identifier le genre d’un individu. Ils permettent en quelque sorte de
comprendre une personne au premier coup d’œil, en fonction de ses attitudes, on la classe et
l’associe à tel ou tel stéréotype. On peut alors dire que cette récurrence est un véritable pilier
de la société de 1970 à nos jours puisqu’elle est d’une grande utilité dans le domaine
sociologique. Ces stéréotypes aident donc à comprendre la société, voire à comprendre la
personne à première vue. Mais au-delà du fait que l’on puisse classer ces personnes par des «
attitudes », telles que la femme au foyer, la femme indépendante… ils nous aident surtout à
les classer par genre. En effet, si on parle d’enfants, de cuisine ou encore de shopping l’image
de la femme surgit alors immédiatement alors que si nous convoquons les mots : « voiture,
travail, bière »… l’image de l’homme est celle qui nous vient à l’esprit. On appréhende alors
la personne de manière différente selon son genre. Il s’agit de stéréotypes. Après tout
pourquoi ne pourrait-on pas penser à un homme lorsque l’on parle d’enfants et de cuisine ?
Mais ces stéréotypes sont ainsi faits pour que l’on puisse identifier, en quelque sorte,
l’individu qui se trouve en face de nous. Les gens possèdent ainsi des repères qui les aident à
comprendre la société et qui les rassurent. Cela permet alors la construction de rapports
sociaux, puisque nous allons vers les personnes que nous avons catégorisées .Cela dit, ces
étiquettes données aux gens peuvent changer en fonction de leur comportement. On peut le
voir Potiche : par ses actes la mère de famille passe de femme soumise à femme
indépendante. Les personnages évoluent en fonction de leur environnement et de ce qu’ils
veulent être ou ne pas être. La récurrence de ces stéréotypes existe mais n’oblige donc pas
l’individu à être conforme puisque l’individualité joue un rôle majeur, pouvant parfois
dépasser les étiquettes qui nous sont données.
II La persistance de l’individualité dans les interactions malgré les
barrières du genre
A. Faculté de l’individu à s’adapter à son environnement influencé par le genre
Dans ce film, l’héroïne, à la fois mère, épouse, patronne, doit en permanence se
réadapter face aux visions changeantes de son entourage. Elle est d’abord soumise mais quand
elle commence à connaître de vraies responsabilités, elle se découvre un tempérament de
«meneuse» (en tant que PDG et femme politique). On peut y voir là une des principales
qualités de l’être humain : s’adapter face à un environnement pourtant «hostile». Pour clarifier
ce concept assez complexe touchant les sphères instinctives de l’individu, prenons des
exemples concrets tirés de Potiche. Ainsi, lorsque Robert Pujol tombe malade, sa femme
reprend son rôle alors que, pour l’époque, diriger une entreprise ne se conjugue pas au
féminin (moins de 10% du total des chefs d’entreprise en 1970 , ce taux s’élève aujourd’hui à
17%). Elle oublie donc les réalités de l’époque pour s’adapter aux changements de son milieu.
Ensuite, une fois Robert Pujol apte à revenir aux affaires, on pourrait penser que Suzanne
Pujol allait abandonner son poste pour retourner à la vie qu’elle menait et donc réintégrer un
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cadre plus conformiste. Or, elle refuse, car son adaptation est telle que la «société» reconnaît
que sa position est justifiée. D’ailleurs, nous pouvons citer la phrase culte de ce passage («Qui
c’est le patron, nom de Dieu ! Moi») qui montre clairement l’évolution d’un personnage
destiné à une vie médiocre qui, finalement, réussit à s’adapter, à surmonter les barrières du
genre, pour finalement renverser les rôles. Pour finir, on peut observer que le mari semble
promis au même type d’occupations que sa femme. Elle le rend «homme au foyer». On peut y
voir un parallèle avec les premières scènes où Suzanne Pujol restait chez elle et ne possédait
aucune activité socialement reconnue. Intéressons-nous maintenant à un autre personnage :
Laurent Pujol, le fils. Au départ, il nous semble être le «fils à maman» gâté, indécis (il
souhaite abandonner Sciences-Po en cours d’année), finalement il change et on découvre sa
nouvelle position :designer de génie capable de relancer l’entreprise, de la moderniser. Il
trouve enfin sa place suite à une réadaptation rendue nécessaire par les grands
bouleversements de son entourage. Il est désormais capable de tenir tête à son père qui
représente pourtant la figure du chef de famille et il lui indique clairement que c’est sa mère
qui possède le pouvoir. Néanmoins, il ne représente pas le personnage qui se réadapte le plus
dans ce long-métrage. En effet, on peut s’intéresser au cas de Joëlle, la fille des Pujol. Tout
d’abord, elle agit comme une femme dévouée sans être soumise (elle songe même au
divorce). Elle reconnaît la supériorité de l’homme et elle est absolument convaincue de
l’incapacité de sa mère à diriger. Mais, peu à peu, elle est obligée d’admettre les qualités de sa
mère pour ce métier et devient en quelque sorte son bras droit. Elle l’appuie dans certaines
décisions, tout en essayant d’influer quelques unes d’entre elles (notamment pour engager son
mari). Enfin, avec le retour de son père, elle change à nouveau et retourne à son ancienne
position (fille «réac à papa»). Ce personnage nous apparaît comme opportuniste et démontre
une nouvelle fois la grande capacité des individus à s’adapter à un environnement en
perpétuel mouvement.
Nous venons donc de voir le rôle primordial de l’adaptation dans les interactions entre
individus. Cependant, cette adaptation passe souvent par le mépris du rôle censé être joué, par
une réinterprétation individuelle du rôle.
B. Réinterprétation individuelle du rôle lié au genre
Tout au long du film, de nombreux personnages choisissent des voies différentes de
celles qui leur étaient destinées. En premier lieu, nous pouvons nous attarder sur le cas de la
secrétaire du groupe Pujol, Nadège. Concentrons-nous plus précisément sur une scène de ce
film. On y voit Nadège en compagnie de son patron, Robert Pujol. Celui-ci vient de revenir au
travail et cherche la compagnie de sa secrétaire. Il est alors extrêmement surpris en
comprenant que celle-ci ne souhaite plus entretenir de relations avec lui. Elle rompt alors avec
un des principaux clichés de la fonction de secrétaire : la «promotion canapé». Elle se définit
un rôle différent de celui auquel elle était promise : elle se «rebelle». On comprend ici que
l’individu a encore son mot à dire et peut échapper à des contraintes imposées par son
entourage.
Par ailleurs, le cas de Laurent Pujol illustre très bien ce concept. En effet, comme il est le
fils de Robert Pujol, il est censé agir dans la continuité de son père. En effet, appartenant au
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genre masculin, il a comme devoir de succéder à son père à la tête de l’entreprise. Or, son
tempérament et ses choix ne reflètent en rien des stéréotypes qu’il est censé incarner. En
premier lieu, c’est plutôt un artiste insouciant, presque efféminé. Par opposition, son père est
dur, sévère et conservateur. De plus, Laurent Pujol ressemble plus à sa mère qu’à son père :
une nouvelle fois, il s’éloigne du genre masculin. Enfin, il ne souhaite pas reprendre
l’entreprise familiale et pense même que sa mère est la plus à même dans ce rôle : il ne
semble donc pas baser ses actes sur les principes du genre masculin.
Enfin, nous allons étudier le personnage central : Suzanne Pujol. A la fois épouse soumise à
son mari, patronne dynamique, «bourgeoise nymphomane» et future femme politique, il est
donc très difficile de la cataloguer comme conformiste à son rôle ou inversement. Il est vrai
qu’au commencement de l’intrigue on voit que son rôle est connu sur le bout des doigts :
femme au foyer naïve et assujettie à son mari, grand-mère douce et généreuse,… Cependant,
au fur et à mesure de l’histoire, elle se révèle beaucoup plus complexe que ce qu’elle nous
laissait présager. Après avoir dompté les ouvriers, son mari, son amant, on comprend qu’elle a
laissé de côté tous les stéréotypes de la femme qu’elle incarnait. Elle s’est définie un nouveau
rôle totalement différent de celui qu’elle aurait dû respecter. Suzanne a donc radicalement
changé et cette métamorphose n’est pas vraiment acceptée par l’ensemble de son entourage.
Son mari est le premier à vouloir la mettre «hors d’état de nuire».Il est soutenu par sa fille ce
qui l’aidera à gagner la bataille de la direction de l’entreprise. Suite à cela, Suzanne se
dirigera vers la politique où elle affrontera Babin, son ancien amant qui n’avait pas supporté
le fait que Suzanne ait d’autres aventures amoureuses. Babin a toujours pensé qu’il était le
seul amour de Suzanne et en comprenant que celle-ci n’était pas la bourgeoise prude qu’il
avait toujours aimée, il ressentit une forte jalousie qui se transforma en haine. Tout cela
démontre que la réinterprétation des visions de son entourage ne se fait pas sans obstacle.
C. La multiplicité des stéréotypes : une liberté possible
Nous sommes tous catégorisés et étiquetés en fonction de nos gestes, de nos tenues, de
notre physique, de nos actes… et de tout ce qui fait que nous sommes nous. On nous juge et
nous attribue tel ou tel stéréotype. Mais une seule et même personne peut être assimilée à de
multiples stéréotypes. En effet, nous n’avons pas tous la même vision d’un individu. Chaque
personne peut être perçue de différentes manières. Dans le film Potiche, par exemple, la
secrétaire n’est qu’un objet pour M.Pujol, père de famille et PDG de l’entreprise de
parapluies ; en revanche, pour Mme. Pujol, cette même femme est une secrétaire modèle.
Cette dernière possède alors plusieurs étiquettes selon les différents points de vue. La
multiplicité des étiquettes, valable dans ce film, l’est également dans la vie courante puisque
nous jugeons les gens selon des critères bien différents et spécifiques à chacun. Nous pouvons
alors choisir d’être conforme à ces étiquettes . Pour en revenir à la secrétaire, elle se comporte
en effet, avec M.Pujol comme une « femme facile » alors qu’elle est l’employée modèle
devant Mme. Pujol. Mais se pose alors la solution de la déviance. La secrétaire décide, dans la
suite du film, de ne pas se conformer à l’étiquette que lui attribue M. Pujol en décidant de
repousser ses avances comme nous pouvons le voir dans la scène où il tente de l’embrasser
derrière une voiture. Plusieurs solutions sont alors possibles. Certaines personnes, comme le
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fils, sont des déviants et ne suivent alors aucune étiquette donnée. D’autres en revanche, les
suivent toutes en changeant de caractère en fonction de la personne qui se trouve en face et de
ses attentes. Et pour finir, certains individus choisissent de suivre une seule de leur étiquette,
celle qui leur correspond le plus. Cet étiquetage peut permettre alors de trouver sa
personnalité et son mode de vie. On découvre alors que malgré une individualité marquée, on
agit et pense en fonction des autres.
Conclusion:
« Potiche » est une vraie comédie ; ici le rire permet de véhiculer l’évidence des stéréotypes et
leurs impacts sur les relations humaines. Le titre et l’affiche du film rendent bien compte des
clichés qui fondent notre société sur les distinctions liées au genre. Mais au-delà de la
« farce », il s’agit de montrer pour Ozon que les choses peuvent évoluer, et qu’il suffit d’une
péripétie initiale pour que chacun puisse dépasser le carcan des stéréotypes du genre.
« Potiche » n’est pas le seul film à avoir rendu compte de ces stéréotypes : « Boys don’t
cry »1999 de Kimberly, « L’homme est une femme comme une autre »1998 de Jean-Jacques
Zilbermann ; « De l’autre côté du lit », 2009, de Pascale Pouzadoux ou encore « Mon père
est femme de ménage », 2011, de Saphia Azzedine participent eux aussi d’une stigmatisation
des stéréotypes du genre. Par ailleurs, on peut remarquer que les critiques cinématographiques
mettent désormais particulièrement l’accent sur ce sujet, ce dont témoignent par exemple tous
les articles qui ont accompagné la sortie du très beau film de Céline Sciamma « Tomboy ».
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