Fonds Art et Civilisation
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Fonds Art et Civilisation
Un Fonds Arts et Civilisation à la Bibliothèque du Séminaire de Tournai Baron Serge Lebaily de Tilleghem Dans les quelque 3.000 publications du Fonds Arts et Civilisations, ils trouveront sans doute des éléments de réflexion, peut-être des esquisses de réponses ceux qui s’intéressent aux liens multiples qui relient les créations artistiques et les croyances de l’homme en un champ du Sacré dont les mystérieuses puissances le dépassent, ceux qui s’interrogent sur les rapports incessants unissant l’architecture, comme organisation spatiale, et les pratiques ritualisées que les humains élaborent pour une approche efficace du divin. Dès la naissance de l’Art, les plus anciennes réalisations artistiques de la Préhistoire (peintures rupestres ou sculptures) nous frappent autant par la haute qualité du langage plastique soudainement instauré que par leur fonction qualifiée de « magico-religieuse ». Depuis des millénaires, dans le temps comme dans l’espace, du Cairn de Barnenez à la cathédrale de Kenzo Tange à Tokyo, inépuisable est l’univers des formes imaginées par les hommes pour honorer leurs morts comme pour vénérer leurs dieux. Que ces structures s’érigent de bois et de chaumes, de terres crues ou cuites, de calcaires ou de grès, de granits ou de marbres, de fontes ou d’aciers, de bétons ou de verres, le génie humain se montre inlassablement inventif. On se rendra compte de cette créativité constante dès l’étude des fondements de notre tradition occidentale dans les trouvailles constructives des civilisations de l’Antiquité. Ouvrages généraux, catalogues d’expositions spécifiques, études typologiques, monographies de monuments, plus de 150 ouvrages explorent les trésors archéologiques de la Préhistoire et de l’Antiquité, notamment en Mésopotamie et en Egypte, en Grèce et en Italie. Sur la souche gréco-romaine, surgit le rameau de l’Art des Premiers Chrétiens, matière d’une cinquantaine d’ouvrages, des catacombes de Rome aux splendeurs de Byzance, sans oublier les Coptes, les communautés d’Ethiopie et les surprises de l’ « Armenia Sacra » (Louvre, Paris 2007). Plus de 750 titres permettent de baliser le millénaire du Moyen Âge occidental en rappelant d’abord les apports « barbares » des Grandes Invasions, puis ceux du Haut Moyen Âge, des arts somptuaires mérovingiens aux éblouissantes créations de la Renaissance carolingienne, prémices d’une floraison monumentale qui s’annonce déjà avant l’an Mil pour s’épanouir dans la diversité de l’art roman. Une collection complète de « la nuit des temps » (près de 100 volumes aux éditions du Zodiaque) autorise d’interminables pérégrinations à travers l’Europe… et jusqu’en « Terre Sainte romane ». Bien d’autres publications abordent la sculpture architectonique (tympans et chapiteaux) ou mobilière (comme les « Sedes » romanes d’Auvergne ou de Catalogne) et les peintures murales de ces églises dans lesquelles les cryptes et les déambulatoires aux absidioles multiples attestent de l’importance du culte des reliques. D’ailleurs, d’autres livres traitent plus spécifiquement des reliques et des reliquaires, des trésors d’orfèvreries et des émaux. Divers ouvrages encore se rapportent aux pèlerinages, principalement celui de Compostelle. Enfin, nombreux sont les livres sur les abbayes 1 (foyers du rayonnement des mouvements monastiques, avec surtout des études relatives aux grands monuments clunisiens et cisterciens) et sur les châteaux-forts, reflétant ainsi la place importante des moines et des chevaliers dans ce monde féodale. Evêques et chanoines, clercs et bourgeois accompagnent l’essor urbain de l’Occident médiéval et orchestrent l’éclosion de l’art gothique, des premières tentatives de croisées d’ogives à l’échec du vertigineux chœur de Beauvais et jusqu’aux délires ornementaux du Flamboyant, plusieurs dizaines de livres (synthèses et monographies) analysent les principales cathédrales, l’organisation des chantiers, l’évolution des techniques constructives, des décors sculptés ou peints, du mobilier (orfèvreries, laitons, stalles, retables, etc.) et bien sûr l’histoire des vitraux, un art alors à son apogée. Une soixantaine d’ouvrages couvre la « révolution culturelle » de la Renaissance italienne. Marquée par l’humanisme et par un retour à l’antique, elle s’amorce au quattrocento florentin avec Brunelleschi (coupole de la cathédrale de Florence) et Alberti (églises à Rimini et à Mantoue) pour culminer au XVIe siècle à Rome avec Bramante (oratoire de San Pietro-in-Montorio et mise en chantier de la nouvelle basilique Saint-Pierre au Vatican), avec la production architecturale de Michel-Ange ou de San Gallo. Palladio, qui rayonne à Vicenza (basilique et palais urbains, sans oublier ses villas de Vénétie et ses églises à Venise), sera imité jusqu’au XIXe siècle ! Quelques dizaines de livres traitent de la Renaissance en Europe, particulièrement dans nos Régions et surtout en France (Châteaux du Val de Loire). Signalons l’intérêt d’une douzaine de volumes collectifs, les Actes des Colloques de Tours (Editions Picard), consacrés à l’étude approfondie de certains aspects de cette période ; ainsi, « L’église dans l’architecture de la Renaissance » (1995) ou « Demeures d’éternité. Eglises et chapelles funéraires des XVe et XVIe siècles » (2005). Ajoutons, dans ce domaine des rapports si fécond entre la mort et la création, que le Fonds Arts et Civilisations compte également plus d’une trentaine de publications abordant spécifiquement l’univers des tombeaux et des cimetières, ce que Michel RAGON analyse, avec une ironie certaine, comme « le désir de paraître chez les disparus »… Pour les XVIIe et XVIIIe siècles, qui voient le «Triomphe du Baroque », d’abord en Italie, puis dans l’Europe entière… et jusqu’au Nouveau Monde dans les colonies espagnoles et portugaises, on trouvera plus d’une centaine de titres qui permettent d’explorer toutes les saveurs de cet art théâtral, des puissants débuts de la Contre-Réforme (Vignole, Bernin, Borromini) jusqu’aux beaux fruits un peu lourds de « L’Architecture baroque tardive et rococo » (Ch. NORBERG-SCHULZ), en passant par « Les Palais de la Foi » (2 volumes, G. BAZIN). L’exception culturelle française du Siècle de Louis XIV, dite « Classicisme », est analysée dans une vingtaine d’ouvrages consacrés à une production architecturale qui se veut le reflet d’un pouvoir monarchique absolu et qui vient souvent éclipser la réelle richesse d’une « France baroque » (Ph. MINGUET, Hazan, 1988). Le XVIIIe siècle, c’est aussi « le siècle des Lumières », une période où de profondes mutations dans les sciences, comme pour les idéaux philosophiques ou esthétiques (Bl. SAINT-GIRONS, 1990) conduiront aux bouleversements de la Révolution française… et à ses utopies architecturales (Boullée ou Ledoux). Plusieurs dizaines d’ouvrages éclairent ce domaine complexe où le néoclassicisme plonge ses racines, de la synthèse (J. RYKWERT) à l’érudit catalogue d’exposition (De l’esprit des villes, Nancy 2005), de l’analyse ciblée des prisons (Surveiller et punir, M. FOUCAULT, Gallimard 1975) à l’anthologie thématique (La théorie de l’architecture à l’âge classique, Fr. FICHET, Mardaga, 1979), voire livres sur nos régions (p. e. La Belgique autrichienne 1713-1793, Crédit Communal, 1987). Le XIXe siècle se caractérise par un historicisme constant qui d’abord, encouragé par la Révolution, puis par l’Empire, s’abreuva aux sources de l’Antiquité pour le néoclassicisme. Il puisa ensuite, romantisme oblige, au répertoire médiéval pour le néogothique (et même parfois pour du néo2 roman !). Il picora enfin avec un syncrétisme assez ludique dans divers moments de la tradition occidentale et orientale pour pratiquer un éclectisme, fort en vogue sous le Second Empire et diffusé dans le monde par le rayonnement de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. Tout au long du siècle, la révolution industrielle suscite, par l’usage de la fonte et du fer, de nouvelles solutions formelles imaginées par des ingénieurs, avant d’être admises progressivement par les architectes et finalement intégrées, peu avant 1900, aux audacieuses trouvailles de l’Art Nouveau (Horta, Gaudi, Guimard). Plus de 250 ouvrages couvrent cette période dans le Fonds Arts et Civilisations ; près d’une cinquantaine de titres, abordant le phénomène Gothic Revival, furent déjà très utiles … pour certains qui préparaient la Journée du Patrimoine en septembre dernier ! Pour clore ce cursus historique, 150 ouvrages environ viennent éclairer les grands mouvements qui animèrent la création architecturale du XXe siècle, du fonctionnalisme le plus rigoureux au Postmodernisme, dans une accélération des modes si typique de nos « Temps modernes », du Bauhaus au « Régionalisme », de l’esprit « Art Déco » à la « Déconstruction »… Ce Fonds Arts et Civilisations, constitué d’une partie de notre documentation pédagogique, est forcément tributaire des matières que nous avons jadis enseignées à l’I.S.A.W. St-Luc de Tournai. Ainsi, un cours optionnel d’initiation aux arts extra-européens justifie la présence de quelque 250 livres d’art traitant des civilisations disparues des Amériques, d’Asie, d’Océanie et d’Afrique. Impossible à détailler ici ! Signalons-en seulement deux pôles : d’un côté, près de 70 titres relatifs au Japon (où nous avons fait deux voyages, notamment pour les jardins des temples et monastères) ; de l’autre, plus de 75 ouvrages sur les arts de l’Afrique noire (par intérêt pour une des sources de certains artistes européens du XXe siècle). Pour tous ces continents, faut-il rappeler que, créées pour le culte des morts et les croyances et pratiques religieuses, beaucoup d’œuvres peuvent être mises en rapport avec la notion du Sacré, l’anthropologie l’atteste. On sait que toute bibliothèque personnelle trace un portrait de celui qui l’a constituée. Des séries de livres y manifestent quels sont, ou quels furent un moment, ses centres d’intérêt. Certains ensembles s’expliquent par notre charge de Professeur d’histoire de l’architecture (ainsi la collection de l’Inventaire du Patrimoine monumental de la Belgique, soit 3 volumes pour Bruxelles, 35 pour la Flandre et 38 pour la Wallonie, ou alors cette trentaine de livres sur l’architecture rurale en Belgique et en France). D’autres lots révèlent des curiosités plus privées, pour la philosophie de l’art (une vingtaine d’ouvrages), pour l’art des jardins (une quarantaine de publications), pour les arts décoratifs (quelque 200 titres traitant de céramiques, orfèvreries, joaillerie, mobilier, arts textiles – tapis et tapisseries, tissus et broderies que l’on retrouve dans les trésors des ornements liturgiques), pour l’histoire locale (des dizaines de livres), pour les traditions folkloriques, particulièrement les dévotions populaires (une trentaine de livres, plus une collection de 25 catalogues du Musée de Piconrue à Bastogne). Tels semblent, à nos yeux, les principaux pôles d’intérêt de ce Fonds Arts et Civilisations susceptible d’être une carte de plus dans les atouts déjà nombreux de la Bibliothèque du Séminaire de Tournai. Puisse-t-il contribuer au rayonnement culturel de cette institution. Tel est notre souhait de Professeur retraité, lecteur à plein temps, qui trouve très régulièrement dans ce lieu, depuis près de quarante ans, un excellent accueil et, dans les livres, le savoureux picotin du Savoir, à l’image de cette vieille enseigne où nous vîmes un jour… le portrait d’un âne lisant souligné de cette inscription majuscule « DOCTVS CVM LIBRO ». 3