analyse des degats observes dans les galeries d`adduction
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analyse des degats observes dans les galeries d`adduction
Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l'Ingénieur - JNGG' 2006 Lyon (France) ANALYSE DES DEGATS OBSERVES DANS LES GALERIES D’ADDUCTION D’EAU LORS DU SEÏSME DE BAM Frédéric PELLET 1, Kambod AMINI HOSSEINI 2, Mohammad Kacem JAFARI 2, Mohammad KESHAVARZ 2. 1 Université Joseph Fourier, Laboratoire 3S, Grenoble France 2 International Institute for Earthquake Engineering and Sismology, Téhéran, Iran. RÉSUMÉ – Le tremblement de terre survenu à Bam (Iran) en décembre 2003 a causé de nombreuses victimes et provoqué d’immenses dégâts matériels. Ce séisme d’une magnitude de 7.3 a notamment conduit à la destruction partielle des qanats, réseau souterrain très ancien acheminant par gravité l’eau des montagnes avoisinantes. Dans cet article on présente, dans un premier temps, une description détaillée des dégâts observés dans les galeries souterraines et les puits intermédiaires. Puis, une modélisation numérique tridimensionnelle réalisée par éléments finis d’une galerie et de ses puits est exposée. Les résultats montrent, en dépit du peu de données géotechniques disponibles, que l’on peut parfaitement reproduire qualitativement les mécanismes de rupture observés, notamment la création de sinkholes entre deux puits. 1. Introduction Le séisme de Bam a eu lieu le 26 décembre 2003 à 07:56:56 GMT. Bam est une ville située au sud de l'Iran, dans la province de Kerman. La ville comptait en 2003 quelques 180000 habitants. Selon le Tehran Disaster Mitigation and Management Center, en mars 2004 le séisme avait causé la mort de 43200 personnes, la destruction de 30000 bâtiments et le départ de 75000 personnes. Les constructions anciennes ont particulièrement souffert du séisme, comme la citadelle Arg-e Bam, vieille de 2400 ans. Ce tremblement de terre a provoqué de nombreux dégâts sur le réseau de qanats, galeries souterraines assurant l'alimentation en eau (Pellet et al. 2006). L'adduction d'eau potable et l'irrigation de la zone de Bam sont assurées à 50% par un réseau de 126 galeries souterraines. Le reste de l'eau est directement pompée dans les nappes grâce à des puits verticaux excavés plus récemment. Bon nombre de qanats sont très anciens, certains même sont hors service et ne collectent plus d’eau. Plus généralement, on considère que 80% des ressources en eaux des régions des plateaux d'Iran sont collectées par ce système. La construction de ces qanats, constitués d’une succession de puits permettant d’excaver la galerie principale, se fait selon des méthodes très anciennes (Figure 1). Figure 1. Coupe schématique d’un qanat (English, 1968) Session 1 - Risques géotechniques sur les ouvrages de génie civil et industriel I-9 F. Pellet et al. 2. Caractéristiques du séisme La magnitude du séisme a été estimée à 7.3 sur l'échelle de Richter, avec une profondeur focale de 10 à 12 km. L'épicentre était situé sous la ville, sur le plan de la faille de Bam (orientée sud sud-est / nord nord-ouest). La carte d’intensité du séisme, sa localisation ainsi que les trois composantes de l’accélérogramme mesurées en surface pendant le séisme sont présentées à la Figure 2. En comparant le séisme de Bam à d’autres séismes, on constate que malgré une magnitude plus faible, les dégâts causés furent très importants. Cela conduit à penser que d’autres paramètres, comme la durée et la fréquence du séisme, ont eu un effet important. De plus, la propagation de l’énergie libérée au foyer du séisme est fortement conditionnée par la nature du sol et la géomorphologie du site. Il est possible qu’un effet de site ait eu lieu dans la vallée de Bam. Figure 2. Carte d'intensité du séisme de Bam et composantes de l'accélérogramme d’après Amini Hosseini et al. (2004) 3. Dégâts observés Les dégâts causés par le séisme de Bam sont de deux natures différentes. Outre les lourdes pertes humaines, on distingue d’une part les dommages aux infrastructures, et d’autre part les instabilités géotechniques, comme les glissements de terrain, souvent eux-mêmes responsables de dégâts matériels. 3.1 Instabilités géotechniques observées et comportement sismique des qanats Les premières observations rapportées après le séisme par l’International Institute for Earthquake Engineering and Sismology (IIEES) de Téhéran (Amini Hosseini et al, 2003), font états de nombreux glissements de terrain, en particulier à l'ouest et au sud-ouest de Bam. En revanche, le niveau des nappes étant bas en cette saison, les phénomènes de liquéfaction n'ont pas été observés de manière significative et n'ont touché que légèrement le nord et le nord-est de Bam, aux abord de la rivière Posht-e-Rood. Dans la vallée de Bam, le sol est constitué essentiellement d'alluvions de la fin du quaternaire, excepté au sud-ouest de Bam, près de Baravat, où l’on trouve des dépôts I - 10 Session 1 - Risques géotechniques sur les ouvrages de génie civil et industriel JNGG’ 2006 - Lyon sédimentaires du début du quaternaire. C’est dans ces formations que plusieurs glissements de terrain ont été observés. De nombreux qanats ainsi que leurs puits d'accès ont été endommagés pendant le séisme. Entre les puits, les galeries se sont effondrées de manière régressive depuis la voûte jusqu'à la surface. Ce phénomène se traduit par la formation de «sinkholes» visibles sur la photo aérienne de la Figure 3 et sur la Figure 4. Figure 3. Vue aérienne de l’effondrement par sinkhole des qanats au sud-ouest de Bam a) b) Figure 4. Effondrement d’une galerie par sinkhole (a) et effondrement des puits (b) 4. Modélisation numérique des mécanismes d’effondrement L’objectif des modélisations numériques, présentées dans cette partie, est de reproduire qualitativement l’effondrement des excavations observées in situ. En effet le peu de données géotechniques disponibles ne permet pas d’envisager une analyse quantitative. Les modélisations ont été réalisées par la méthode des éléments finis avec le code Cast3M développé par le CEA (Commissariat à l'Energie Atomique). Une présentation plus détaillée des calculs est donnée par Pellet et al. (2005). 4.1. Lois de comportement et propriétés géotechniques Session 1 - Risques géotechniques sur les ouvrages de génie civil et industriel I - 11 F. Pellet et al. Pour la modélisation du comportement du sol, le modèle Cam-Clay, initialement développé pour la modélisation du comportement des argiles et des sables drainés, a été choisi (Burland et Roscoe,1968). Rappelons qu’il s’agit d’un modèle élasto-plastique associé à écrouissage. La surface de limite élastique et la règle d’écoulement sont confondus et sont données par : f = g = q 2 − M 2 ( p ( p p − p )) Avec : (1) p: contrainte effective moyenne 3 q = σ vm = I 2 σ : contraintes de Von Mises effectives 2 q 6 sin ϕ M = = p 3 − sin ϕ (2) (3) Les modèles Cam-Clay et Cam-Clay modifié reposent sur l’hypothèse de l’existence d’un état critique. La courbe d’état critique est représentée par une droite dans les plan (e, ln p) et (p,q) avec e l’indice des vides (Schofield et Wroth, 1968). Lors d’une sollicitation sur un chemin critique, les variations volumiques sont données en charge et en décharge par les coefficients λ et κ, comme indiqué sur la figure suivante. e q q/p = M q/p = 3 κ 1 λ 1 f=g=0 ln(p/pp) pp/2 pp p Figure 5. Représentation de l’état critique et du critère de plasticité du modèle Cam Clay Les incréments de déformation plastique volumique et déviatorique sont calculés par les relations suivantes : ⎛ λ − κ ⎞ dp p dε vp = ⎜ ⎟ ⎝ 1+ e ⎠ pp (4) dε vp M 2 − (q p )2 = 2q p dε qp (5) En l’absence de résultats d’essais, les paramètres géomécaniques ont été tirées de corrélations, ou déduites de celles de formations voisines. Le tableau 1 résume l’ensemble des valeurs moyennes utilisées. I - 12 Session 1 - Risques géotechniques sur les ouvrages de génie civil et industriel JNGG’ 2006 - Lyon Elasticité linéaire isotrope Cam-clay modifié E = 50 MPa E = 50 MPa ν = 0,27 ν = 0,27 ρ = 2000 kg.m-3 e0 = 0,4 C = 10 kPa M = 1,42 ( ϕ = 35° ) p p = 50 + 13.z (kPa) avec z la profondeur (m) λ = 0,15 κ = 0,02 G = 19865 kPa ρ = 2000 kg.m-3 Tableau 1. Paramètres géomécaniques retenus 4.2. Présentation du modèle tridimensionnel Le modèle tridimensionnel comprend un demi espace parallélépipédique du massif de sol, un tronçon de tunnel horizontal et ses deux puits verticaux. La géométrie est discrétisée en éléments cubiques à 8 noeuds. Le modèle adopté est un parallélépipède de 50 mètre de coté et 20 mètre d'épaisseur. Une galerie horizontale cylindrique, est excavée à 10 mètres de profondeur, et deux puits cylindriques sont modélisés. Le plan de symétrie vertical contenant les axes des excavations est une face du modèle. Ainsi, seuls deux quarts de puits et la demie galerie sont modélisés. Après un premier calcul statique, le chargement dynamique est appliqué à la base du modèle en introduisant les composantes de l'accélération sismique. 50 m 50 m z 20 m y x Figure 6. Représentation et dimensions du maillage tridimensionnel 5. Présentation des résultats du calcul dynamique Le résultat du calcul statique est le point de départ du calcul dynamique. Le séisme est appliqué comme chargement sur la base du modèle, en imposant à chaque pas de temps et à Session 1 - Risques géotechniques sur les ouvrages de génie civil et industriel I - 13 F. Pellet et al. chaque noeud l'accélération de l'accélérogramme enregistré pendant le séisme (chargement uniforme). 5.1 Représentation bidimensionnelle des contraintes et des déformations au pourtour de la galerie Pour illustrer la réponse du modèle au chargement sismique, observons dans un premier temps l’évolution des profils de contraintes au cours du temps, sur une coupe transversales de l’ouvrage pour une seule composante et dans le cas simple de l’élasticité. Les contraintes radiales sont en trait fin et les contraintes orthoradiales en trait épais. Les valeurs extrêmes de l’accélérogramme (a = -7,41 m.s-2 et a = 7,99 m.s-2) se produisent respectivement aux temps t = 22,14 s et t = 46,92 s. 600 Statique - RADIAL 500 a = -7,41 m,s-² - RADIAL a = 7,99 m,s-² - RADIAL Statique - ORTHORADIAL 400 a = -7,41 m.s-² - ORTHORADIAL a = 7,99 m.s-² - ORTHORADIAL 300 200 X (m) 100 0 0 2 4 6 8 10 12 14 -100 -200 Figure 7. Profils des contraintes radiales et orthoradiales aux pics d’accélération, modèle élastique. On constate q’une variation de la contrainte orthoradiale a lieu en paroi de la galerie lors des fortes accélérations, pouvant augmenter jusqu’à 600 kPa (Figure 7). Comme dans le même temps les contraintes radiales diminuent, le déviateur des contraintes augmente au voisinage de l’excavation. Il en résulte une augmentation des déformations plastiques de cisaillement au voisinage du tunnel (Figure 8). La valeur maximale des déformations plastiques de cisaillement (permanentes) est atteinte au passage du 2ème pic d’accélération vers t = 47 s. Ensuite le calcul diverge et la rupture de la galerie est atteinte à t = 50,22 s, avec des déformations importantes. Il est important de remarquer également que le modèle Cam-Clay Modifié présente une décharge élastique et que les déformations plastiques ne dépendent pas des vitesses de sollicitation. L’accumulation de déformations irréversibles dues au comportement cyclique réel des sols est donc traduite imparfaitement par ce modèle. 5.2 Représentation tridimensionnelle des zones de déformation On présente ici, les déformations irréversibles et leurs localisations. L’état de contraintes initial est issu du calcul statique. La distribution des déformations plastiques va ensuite évoluer au cours du séisme et se localiser en différentes zones du maillage. I - 14 Session 1 - Risques géotechniques sur les ouvrages de génie civil et industriel JNGG’ 2006 - Lyon Figure 8. Déformations de cisaillement à la rupture (modèle Cam-Clay). La distribution des déformations plastiques de cisaillement dans le plan d’une section de galerie, initialement uniformément répartie sur l’axe de la galerie, tend à se localiser à quelques mètres des puits. Remarquons qu’on observe une augmentation de ces déformations au cours du temps. Ces valeurs dans le plan de symétrie du modèle varient globalement comme entre 1,47.10-3 en statique et 5.10-3 à t = 42 s. En observant les composantes des déformations plastiques, on constate que les déformations horizontales se concentrent au milieu de l’axe de la galerie, en voûte du tunnel, lors des fortes oscillations (Figure 9 et 10). A des instants différents, ces déformations s’initient également en surface, entre les deux puits, et depuis l’intersection des puits avec la galerie vers la surface. Au niveau des puits d’accès on constate que les déformations plastiques localisées à l’intersection entre le puits et la galerie sont plus importantes qu’au voisinage de la galerie loin des puits. Exceptées les déformations de cisaillement dans le plan (y,z) perpendiculaire au tunnel, toutes les composantes sont plus élevées près du puits. En particulier, les déformations de cisaillement dans le plan horizontal ne sont développées qu’autour des puits. Au début du séisme, tant que l’accélération imposée reste modérée, les déformations irréversibles augmentent, sans pour autant se propager vers de nouvelles zones. Puis, quand les oscillations de plus forte amplitude se propagent vers les excavations, la distribution des déformations change. On observe la plastification du voisinage du puits en surface. Figure 9. Déformations parallèles à l’axe de la galerie à t = 42 s. Session 1 - Risques géotechniques sur les ouvrages de génie civil et industriel I - 15 F. Pellet et al. Figure 10. Déformations de cisaillement horizontal à t = 42 s. 5. Conclusion Les simulations numériques présentées dans cet article ont permis de reproduire qualitativement les mécanismes d’instabilité observés lors du séisme, à savoir l’effondrement des galeries et des puits. En particulier les concentrations des déformations plastiques est bien localisées entre les puits expliquant ainsi la formation de sinkhole. Cependant, l’absence de paramètres géomécaniques fiables ne permet pas de quantifier ces phénomènes avec précision. Les campagnes géotechniques en cours permettront d’affiner ces calculs. 5. Références bibliographiques Amini Hosseini K., Mahdavifar M. R., Keshavarz M. (2003) Geotechnical Instabilities Occurred during the Bam Earthquake, Report of International Institute of Earthquake Engineering and Seismology, Tehran Iran. Amini Hosseini K., Madhdavifar M. R., Bakhshayesh M. K., Rehkshandeh M. (2004) Engineering geology and geotechnical aspects of Bam earthquake (Preliminary Report), International Institute of Earthquake Engineering and Seismology. Burland I. B., Roscoe K. H. (1968) On the generalized stress-strain behaviour of wet clay. Engineering Plasticity, Ed. J. Heyman & F. A. Leckie, Cambridge University Press, Cambridge. Pellet F., Amini Hosseini K., Jafari M.K., Zerfa F.Z., Mahdavifar M.R., Keshavarz M. 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