Usages de la rue et temporalités

Transcription

Usages de la rue et temporalités
31e Journée Rue de l’Avenir
26 septembre 2014 à Martigny
(voir programme encarté)
Ephémères, évolutifs, modulés, reconquis…
Usages de la rue et temporalités
31e année • 2/2014 • CHF 7.50
www.rue-avenir.ch
l’édito
P
renez une rue, une place, en centreville ou dans un quartier, et observezla. Comment les comportements et les
usages évoluent-ils, dans la journée, selon
les jours et les saisons? A l’heure de pointe
en semaine, l’après-midi, le dimanche, en
hiver ou en été, l’espace vit de manière très
différente. Une zone piétonne très agréable
l’été quand il fait beau devient peu engageante le soir quand les magasins sont fermés et les terrasses inoccupées.
Lors de réaménagements, il est devenu
aujourd’hui évident de tenir compte des
besoins de tous les usagers, non pas de
répondre seulement aux exigences de la
circulation. Face à des espaces urbains
contraints, on a développé des solutions
innovantes de mixité spatiale, abaissé la
vitesse pour favoriser la cohabitation des
usages et des usagers.
La dimension du temps est par contre encore peu prise en compte. En Suisse, l’aménagement de l’espace-rue reste très normé
et cadré. Il n’offre que peu de marge de
manœuvre pour une modulation des
usages ou une appropriation temporaire
de l’espace. Les possibilités ouvertes par la
loi (p.ex. jeux et activités dans la rue) sont
peu connues, partant peu exploitées.
C’est le thème de ce bulletin, qui présente
quelques exemples d’aménagements ou
de dispositifs, pérennes ou éphémères,
issus de politiques de villes, de projets
pilotes mais aussi de démarches ou d’actions citoyennes. Avec un zoom sur un
mobilier urbain qui évolue aussi, entre kits
d’aménagements temporaires et détournement d’éléments existants.
Ce premier tour d’horizon, qui ne prétend
pas à l’exhaustivité, vise à questionner
notre manière d’aborder l’aménagement
de l’espace-rue. Comment y introduire
des possibilités de souplesse et de modularité? Pourquoi ne pas permettre une
appropriation de l’espace moins normée,
à l’aide de dispositifs légers, peu chers,
éphémères…
RdA
2
Rue de la Serre, La Chaux-de-Fonds. Suite au bouclement du croisement voisin pendant quelques
semaines à l’occasion d’un chantier, la rue revit. Partant de cette expérience, un collectif d’habitants se mobilise pour faire des propositions à la Ville. Une démarche intéressante, à découvrir sur
www.zonelilas.ch Photo Y. Dickopf (pendant la fête des voisins 2014).
Lucerne en plein boom – et la
mobilité piétonne?
Mini-voyage
d’étude Mobilité piétonne, vendredi 19 septembre, l’après-midi.
Programme détaillé et inscription sur:
www.mobilitepietonne.ch
Traduction consécutive en français.
Les exemples de Belgique et du Québec
présentés dans ce bulletin nous ont été
signalés par les membres du Réseau
RUES. Un grand merci à eux !
Ceux de Suwon, de Vienne et de Dallas
ont été présentés lors de la conférence
Walk21 2013 à Munich.
Impressum
Rue de l’Avenir
Organismes membres de l’association: ATE - Association transports et environnement
Mobilité piétonne - Association suisse des piétons
PRO VELO Suisse - Association pour les intérêts des cyclistes
Organismes associés: La Rue - groupe de travail de l’EPFL, Ligues de la santé VD, Pro Juventute, Pro Senectute.
Secrétariat, rédaction, abonnements et changements d’adresses:
Jannick Badoux, 1880 Bex • 079 837 43 32 • [email protected]
Contact correspondants régionaux et prestations Rue de l’Avenir:
Alain Rouiller • 022 777 10 02 • [email protected]
PAO: Ecodev Sàrl, Neuchâtel
Impression: Pressor, Delémont Rédaction du numéro: Fabien Roland et Dominique von der Mühll
N.B: certain-es rédacteurs/trices appliquent les rectifications orthographiques de 1990 (par ex. suppression du circonflexe et des traits d’union)
CCP: 20-7856-6
www.rue-avenir.ch
Page de couverture: La plage éphémère «Scuba», installée sur la place de La Sallaz à Lausanne
pendant l’été 2012. Ici on n’a pas cherché à simuler le futur aménagement, mais à permettre le temps
d’un été une animation de ce large espace devenu vide. Photo et copyright: Lionel Chabot.
ZTL, une expérience qui commence à faire école
Nées en Italie au début des années 90, les «zones à trafic limité» ont été progressivement adoptées par
bon nombre de villes de la Péninsule pour gérer la circulation dans les centres. Retour sur une visite récente à Turin, et sur un outil de gestion modulable qui commence, timidement, d’être exploité ailleurs.
L
a ZTL est à l’origine conçue comme une
mesure favorisant la préservation patrimoniale des centres anciens. Son utilisation
s’inscrit aujourd’hui dans des plans de déplacement à l’échelle de la ville voire de la région
urbaine, et poursuit des objectifs environnementaux de limitation des nuisances (congestion, pollution). Alternative potentielle au
péage urbain, elle est basée sur un contrôle
d’accès par caméra, modulé dans le temps et
selon les types d’usagers, géré par des dispositifs informatisés.
Turin, porte d’entrée. Panneaux d’entrée, affichage intelligent et marquage au sol. Une caméra
enregistre le numéro de plaque des voitures entrantes. Photo D. von der Mühll.
Turin, ZTL situation 2012. 36 portes contrôlent les entrées dans la zone. Les droits d’accès
et les moments autorisés varient selon les secteurs, les types d’usagers et les types de véhicules.
Des places revalorisées
La mise en place de la ZTL dès 2004 et son
extension en 2010 participent aussi d’une volonté de revalorisation culturelle et touristique
de la Ville. En témoigne le réaménagement de
trois places emblématiques, longtemps dédiées au stationnement, désormais devenues
piétonnes. L’opération a été rendue possible
par des partenariats public-privé pour la création de parkings souterrains (privés) sous les
places publiques.
A Turin, les conditions d’accès dans la zone
peuvent sembler complexes au non-initié:
hors le début de matinée, où le transit est
interdit entre 7h30 et 10h30, elles varient
selon les secteurs voire les rues (réservées
au transport public), les types d’usagers, les
types de véhicules. Par ailleurs visant d’abord
à maîtriser la congestion dans le centre, l’instauration de la ZTL ne s’accompagne pas
d’un abaissement de la vitesse maximale autorisée, et la perspective ne semble pas envisagée. Dans des rues peu réaménagées, une
circulation plus fluide n’est ainsi pas toujours
un avantage pour le piéton.
A Nantes – et bientôt à Genève
Reste que l’outil est intéressant, et qu’il est
adaptable. En France, Nantes l’a exporté et
exploité pour la deuxième étape de transformation du Cours des 50-Otages, ce large
boulevard à fort trafic, déjà réaménagé et
limité à 30 km/h (voir RdA 4/2011). En
Suisse, Genève va tout prochainement procéder à un essai à la rue du Rhône. Rien
dans la loi suisse ne s’y oppose, aux dires
de l’Office fédéral des routes, pour autant
que l’on respecte le «principe de proportionnalité». Bon à savoir.
Dominique von der Mühll
Pour en savoir plus
• Page dédiée aux ZTL sur le site
www.rue-avenir.ch
• Bulletin n° 4/2011 «Europe: les
bonnes pratiques».
• Supplément à paraître dans le n°
3/2014 (visite à Turin).
• Article sur les ZTL dans le bulletin
RdA France n°23, novembre 2008
www.ruedelavenir.com
• Pages du site internet de la Ville de Turin (en italien): www.comune.torino.
it/trasporti/ztl/
RdA • 2/2014
Favoriser les transports publics
Les objectifs, les dispositions prises et les
mesures d’accompagnement varient selon
les villes (voir références encadré). A Turin, il
s’agissait prioritairement d’alléger la charge
de trafic dans le centre de la ville et d’optimiser l’offre en transport public existante en
favorisant l’avancement des bus.
Mandatée par la Ville, une entreprise privée
a développé un très impressionnant système
informatique, qui gère tout à la fois les accès
à la ZTL, les carrefours à feux (priorité aux
bus, gestion de la congestion) et l’information en temps réel aux usagers.
3
Démarche urbaine ou action citoyenne –
quand l’éphémère prend place...
Les aménagements éphémères ont fait leur apparition, en milieu urbain surtout, depuis une dizaine d’années.
Entre démarches de villes et actions citoyennes, les contextes, les objectifs et les acteurs diffèrent. En partie
du moins. Une constante: (re)découvrir la rue autrement.
L
es exemples présentés ici illustrent différents cas de figure: projets initiés par des
villes, en lien avec une politique de revalorisation urbaine et/ou de mobilité, projets citoyens prolongeant une démarche engagée
par les autorités ou actions de reconquête
de la rue. Aménagements éphémères d’un
été, dispositifs temporaires permettant d’offrir des espaces à vivre, expériences pilotes
ouvrant de nouvelles perspectives, actions
d’habitants imaginatives et ludiques, tous
ces exemples montrent qu’il est possible,
souvent à petit prix, d’apporter un grand
plus au quotidien de l’espace public et de
la vie urbaine.
Aménagements ou actions éphémères permettent de découvrir «l’espace à la porte»
d’une manière différente. Une expérimentation essentielle: bien des gens – décideurs
compris – n’arrivent pas à imaginer qu’un
espace pourrait être différent de ce qu’ils
voient tous les jours. Permettre d’expéri-
Genève, Les Yeux de la Ville. Fermeture et plantations, le temps d’un été. Photo A. Rouiller.
menter c’est aussi parler à l’émotionnel,
une dimension si importante, dont on parle
certainement trop peu…
Faire plus avec moins, «toujours enlever
un zéro, voire deux» selon le slogan de
The Better Block, oser la souplesse, faire
place à l’imagination, expérimenter… Les
exemples qui suivent montrent que ce n’est
pas qu’une utopie.
Brooklyn, Pearl Street Triangle. Un aménagement éphémère reconduit depuis 2007.
Photo [email protected]
4
Les Yeux de la Ville, il y a 10 ans
Les aménagements éphémères «Les Yeux de
la Ville», qui ont pris place le temps d’un été
dans plusieurs rues de Genève entre 2003
et 2006, résultaient d’une volonté de la Ville
d’offrir aux habitants des espaces qui permettent d’expérimenter «en vraie grandeur»
un usage différent de rues ou de places.
Pour certaines, il s’agissait de donner suite
à des demandes d’habitants. Quelques-unes
ont été transformées définitivement suite à
la manifestation.
A New York, éphémère reconduit
Réalisé en 2007 à titre éphémère par la
Ville de New York, l’aménagement du
«Pearl Street Triangle» a redonné vie à un
triangle d’asphalte qui servait à l’époque de
parking et de déchèterie sauvage. La légèreté de l’intervention a rendu possible son
évolution au fil des ans et des besoins. Les
quelques places de stationnement ne semblent aujourd’hui manquer à personne.
Dernières réalisations en date: la création
d’une grande fresque par un artiste local et
l’installation de vélos en libre-service à l’été
dernier.
Après Paris Plage, «Paris Respire»…
L’opération a été lancée par la Ville de Paris en 2004 dans un premier quartier. Aujourd’hui plusieurs secteurs dans différents
quartiers sont fermés à la circulation le
dimanche de 10h à 19h, permettant aux
riverains de profiter de la tranquillité et
offrant aux Parisiens des espaces libérés
de la circulation qui invitent à la flânerie
et à la détente, à pied, en roller ou à vélo.
Une douzaine le sont toute l’année, quatre
autres seulement en été. Les barrages (fixes
ou filtrants) sont très simples.
Un quartier écomobile à Suwon (Corée)
Dans le cadre du 2e Festival mondial de
l’Ecomobilité en 2013, la Ville de Suwon
(1,1 mio d’habitants) a financé un programme pilote ambitieux: durant le mois de
septembre, un quartier entier a été libéré
du trafic motorisé. Associés activement au
processus, les habitants ont été invités à
expérimenter toutes sortes de modes de
déplacement mis à disposition, plus de
4000 d’entre eux ont accepté de renoncer
à l’usage de la voiture pendant un mois. Un
congrès international a renforcé la visibilité
de l’opération.
Suwon (Corée). Le «Bicycle Bus». Photo site internet Ecomobility Festival.
Actions Asphalt Pirates à Vienne
En marge du groupe de travail «espaces publics», actif dans le cadre d’un Agenda21
développé depuis 2007 dans le 8e arrondissement de Vienne (Josefstadt), le groupe des
«pirates de l’asphalte» a organisé plusieurs
actions visant à permettre aux habitants de
vivre autrement l’espace public à la porte de
chez eux: grande table pour un repas collectif, cinéma, concert de musique classique ou
lecture en plein air, télévisions descendues
dans la rue pour un match de foot…
piétonne. Aujourd’hui c’est pour la mise en
œuvre d’autres projets en attente que la population se mobilise, pour des pique-niques
du dimanche qui rassemblent jusqu’à plusieurs centaines voire milliers de personnes.
Josefstadt à Vienne. Télévisions de sortie, pour
un match visionné dans la rue. Photo site Josefstadt
Gand et le «Vélo de Troie»
«Fiets van Troje» (Vélo de Troie), c’est le nom
symbolique qui désigne l’ensemble des idées
émises par un groupe chargé d’imaginer des
scénarios pour la mobilité à Gand en 2050.
Devant l’intérêt suscité auprès des habitants
par l’idée des «leefstraat» (rues vivantes), la
Ville de Gand a décidé de fermer deux rues à
la circulation pendant le mois de juin 2013,
au moyen d’un simple tapis d’herbe synthétique et de barrières amovibles. Huit autres
vont suivre en 2014.
Bruxelles.. «Pic Nic the Street» sur le boulevard
Anspach, un dimanche midi. Source www.lavenir.net
Aux USA – «Tuning the street»
La démarche est née à Dallas (USA), dans un
quartier périphérique qui avait fait l’objet de
projets dont la réalisation avait tourné court.
Un groupe d’artistes a initié des actions
de revitalisation d’espaces de quartier par
l’usage, associant des aménagements sur rue
avec du matériel très simple (tables, chaises,
plantes en pot, pneus peints de couleurs
vives) et la réoccupation d’arcades vides repeintes pour l’occasion. Une démarche qui
a maintenant essaimé dans plusieurs villes.
Gand (Belgique). Une barrière amovible
évocatrice. Photo Lensopgent 2013.
Dallas, The Better Block. Une action d’appropriation de la rue, avec des moyens très
simples. Source The Better Block.
Dominique von der Mühll
Pour en savoir plus
• www.paris.fr > Recherche par «Paris respire»
• www.thebetterblock.org
Paris respire. Des rues fermées au trafic le
dimanche. Photo D. von der Mühll.
• www.ecomobilityfestival.org (Suwon)
• http://agendajosefstadt.wordpress.com blog de l’Agenda21 de Josefstadt.
RdA • 2/2014
«Pic Nic the Street» à Bruxelles
La manifestation est relayée par les réseaux
sociaux, son nom fait référence au piquenique organisé en 1971 sur la Grand-Place de
Bruxelles, une action qui avait été à l’époque
décisive pour obtenir que la place devienne
5
Des aménagements à géométrie variable
Il n’est pas toujours facile de trouver le bon équilibre entre les différentes sollicitations que subit l’espace
public. Tour d’horizon de quelques villes qui ont cherché des réponses sous forme d’une différenciation
des usages dans le temps.
La Grande-Allée à Québec, dans sa configuration «stationnement autorisé». La zone pavée sert au stationnement. L’été, des bollards sont installés et elle devient espace piéton.
Photo [email protected]
U
ne rue piétonne doit-elle l’être en toute
saison et à toute heure? Les espaces
dédiés à l’automobile, en circulation ou
stationnée, sont-ils «incompressibles», et
leur usage dès lors irréversible? Dans les
exemples qui suivent, régimes de circulation
et principes d’aménagement ont intégré la
variation des besoins en fonction de la saison ou du jour de la semaine.
Québec: faire vivre les rues en toute saison
Montréal, un tronçon de la très longue et très
vivante rue Sainte Catherine, dans le nouveau
Quartier des spectacles, a été repensé en lien
avec les nombreuses activités culturelles qui
animent le quartier. En temps normal, la rue
est ouverte au trafic et offre du stationnement public latéral. Le trottoir est séparé de
la chaussée par de faibles dénivelés et des
bollards amovibles. En été, la rue peut être
entièrement fermée au trafic lors des grands
festivals qui rythment Montréal. Le projet a
répondu aux attentes de la population et il est
aujourd’hui question de piétonniser une autre
portion de la rue selon le même principe.
La Grande-Allée, une des rues commerçantes
les plus animées de Québec, a été réamé-
6
nagée au début des années 2000 selon les
mêmes principes. Selon les besoins, la rue
adopte différentes configurations. Entre septembre et juin, elle est ouverte à la circulation
sur deux voies et accueille du stationnement
latéral. L’été, le stationnement est interdit et
l’espace récupéré permet d’élargir les trottoirs et d’accueillir des terrasses. Le choix
des matériaux de revêtement et du mobilier
urbain, ainsi qu’une dénivellation faible entre
trottoir et chaussée permettent de renforcer
cette image d’espace public polyvalent.
Belgique, France:
des zones partiellement piétonnes
Plus proche de nous, on trouve quelques
exemples de rues «semi-piétonnes» en France
et en Belgique. A ne pas confondre avec les
zones de rencontre, dont l’aménagement
s’apparente souvent à celui des rues piétonnes mais où la circulation automobile est
autorisée, les rues «semi-piétonnes» sont des
rues fermées à la circulation seulement à certaines périodes et pour une durée déterminée.
C’est le cas à Mons, où le réaménagement
du quartier du Marché-aux-Herbes est en
cours. Dans le cadre de ce projet, la plupart
des espaces requalifiés seront strictement
piétons. Toutefois, à la demande des commerçants, la rue des Fripiers adoptera un
régime semi-piétonnier: ouverte à la circulation en semaine (à vitesse modérée), elle
sera entièrement piétonne le samedi.
A La Rochelle, le quartier du Vieux Port
devient entièrement piéton avec l’arrivée
de l’été. Ce régime de circulation est entré
dans les habitudes, et il y a fort à parier
qu’un futur réaménagement des quais leur
conférera un caractère plus en phase avec
cette vocation semi-piétonne.
Lorsque ces régimes «évolutifs» sont couplés
à un aménagement de qualité, ils permettent
ainsi de rééquilibrer l’usage de l’espace public
en faveur du piéton et de la vie sociale.
Fabien Roland
Et les vélos ?
L’accent est souvent mis sur la cohabitation entre piétons et véhicules motorisés
mais les aménagements à géométrie variable prennent moins souvent en compte
les besoins des cyclistes.
A Montréal comme à Québec, plusieurs
kilomètres de bandes et de pistes cyclables sont traditionnellement fermés
chaque hiver et servent à stocker la neige.
Cette mesure est cependant décriée par
les associations qui se mobilisent régulièrement pour demander le maintien de
l’accessibilité cyclable en toute saison.
La Ville de Copenhague a quant-à-elle testé le principe de «parking flex» aux abords
des écoles. Pendant
les heures de classe,
le stationnement est
réservé uniquement
aux vélos. Le reste
du temps, les places
sont réservées pour
les voitures.
Le mobilier urbain pour changer de point de vue
Pour les collectivités qui n’ont pas les moyens de mettre en œuvre de lourds programmes de requalification urbaine, le mobilier urbain offre la possibilité de transformer rapidement et de façon réversible
l’ambiance et le caractère d’un espace public.
O
n ne se rend pas toujours bien compte
de l’importance que revêt le mobilier
urbain dans notre perception des espaces
publics: quelques bancs bien placés peuvent suffire à redonner vie à des lieux désaffectés. Nous présentons ici quelques interventions où le mobilier joue un rôle central.
Art urbain: le mobilier détourné
L’art urbain permet d’offrir un autre regard
sur des éléments de mobilier habituels, souvent oubliés dans le paysage urbain. Souvent
ludique, le détournement donne une seconde
vie à des objets du quotidien.
Fast Bench (banc minute), Berlin. Un «hacker urbain» détourne avec humour le mobilier de rue qui lui tombe sous la main. Ici, des supports vélos qui profitent aussi au piéton !
Source: www.florianriviere.fr
Parklets: la ville en kits
Le «parklet», terme qui ne semble pas encore
avoir d’équivalent français, est un espace public modulable, conçu aux dimensions d’une
place de stationnement standard. Apparu
à San Francisco en 2005 dans le cadre des
«Parkings days», le principe de cet espace
public mobile et modulable s’est rapidement
répandu en Amérique du Nord.
Huntington Drive, Los Angeles. La Ville promeut l’idée de l’espace public sur catalogue. Les
citoyens peuvent ainsi concevoir leur « parklet » sur mesure: fonction, dimensions, teintes et matériaux sont choisis librement. Source: [email protected]
Fabien Roland
Pour en savoir plus
• Le site du projet Lively Cities,
avec de nombreuses réalisations:
www.lively-cities.eu
• La démarche «People Street» de Los
Angeles: http://peoplest.lacity.org
ULP du jardin de la Maison de la Culture, Namur. L’installation d’une buvette, de quelques
tables, parasols et transats a permis de réhabiliter un espace central auparavant déserté par les habitants. Source: www.gaunamur.be
RdA • 2/2014
Urban life points: des espaces vivants
Le projet européen Lively Cities a pour but
«la réappropriation citoyenne des espaces
publics pour qu’ils deviennent des lieux de
destination». Avec les ULP – «Urban Lifestyle Points» – une série d’espaces publics
centraux mais peu utilisés ont été sélectionnés pour y tester des activités destinées à
rassembler les gens. En Belgique le projet a
impliqué cinq villes où des mesures simples
ont permis de transformer radicalement les
espaces publics et leurs usages.
7
Jouer dans la rue: un plaisir redécouvert
Des enfants qui jouent dans la rue ? Une image on ne peut plus banale il y a encore deux générations, devenue rare voire incongrue de nos jours, tant l’on s’est habitué à l’idée que la circulation est incompatible avec
les jeux des enfants, même dans des petites rues de quartier. Une situation qui est en train de changer…
L
es espaces où les enfants ont la possibilité de jouer en toute liberté se sont
considérablement réduits en quelques décennies. C’est ainsi qu’une activité qui était
considérée comme banale il y a quelques
décennies est devenue de plus en plus
marginale. Au point où l’on considère trop
souvent aujourd’hui qu’un enfant n’a rien à
faire dans la rue: c’est trop dangereux, cela
gêne la circulation ou nuit au calme des voisins. Pourtant, pour les enfants, la rue représente un espace de jeu et de socialisation
privilégié, et irremplaçable
Play Streets et «rues à jouer»
Au Royaume-Uni et en Belgique on a remis
à jour le principe de «rues à jouer»: des rues
de quartier peuvent être fermées au trafic
automobile pendant quelques heures ou à
certaines périodes, avec l’aval des autorités.
Seuls la circulation et le stationnement des
riverains et des véhicules d’urgence restent
autorisés, tandis que les rues peuvent être
réinvesties par les enfants et leurs jeux.
Au Royaume-Uni, un texte de loi autorise
le principe des Play Streets (rues à jouer)
depuis 1938. Tombées dans l’oubli dans les
années 1980 avec l’essor de la voiture, elles
ont été réhabilitées ces dernières années,
sous la pression de groupes de parents,
d’abord à Bristol, puis à Londres.
Bristol. Une rue à jouer: avec les parents pour
les petits, entre copains pour les plus grands.
Source: playingout.net
8
En Belgique, les «rues réservées au jeu»
sont également inscrites de longue date
dans le code de la route. De nombreuses
communes proposent même des guides
de mise en œuvre à l’intention des parents
souhaitant mettre en œuvre une rue à jouer.
Le modèle implique un engagement des
habitants de la rue. Un système de «parrainage» est mis en place pour que les enfants
ne restent pas sans surveillance. L’inauguration de la rue est un événement auquel
les enfants participent activement, les sensibilisant ainsi aux limites de leur espace de
jeu, par exemple en installant eux-mêmes
les barrières fermant la rue au trafic.
Les rues à jouer ont le mérite d’être faciles
à mettre en œuvre: un panneau et quelques
barrières suffisent. Ainsi, grâce à la participation des habitants et à la volonté politique des communes, les rues redeviennent
des espaces ludiques le temps d’une partie
de cache-cache – ou plus.
En Suisse, les possibilités existent
Les «rues à jouer» n’ont pas d’existence en
tant que telles dans la loi suisse. La question du jeu dans la rue est cependant traitée
dans l’Ordonnance sur la circulation routière OCR (art. 46 al. 2bis et art. 50 al. 2):
«Il est permis d’utiliser (…) sur les routes
secondaires à faible circulation (p.ex. dans
les quartiers d’habitation), toute la surface
de la chaussée pour pratiquer des activités,
notamment des jeux, qui se déroulent dans
un espace limité, ceci pour autant que les
autres usagers de la route ne soient ni gênés, ni mis en danger.»
Cette disposition, qui reste très largement
ignorée, avait été exploitée à la fin des années 90 par un groupe d’habitants de Berne
pour initier des activités de «reconquête»
de leur rue. Leur démarche a été à l’origine des «rues résidentielles light» mises
en place en concertation avec la ville et le
canton, qui ont préfiguré le développement
En Belgique. Le panneau officiel consacré aux
rues réservées au jeu. Photo B. Dupriez.
des nombreuses zones de rencontre que
l’on trouve aujourd’hui dans les quartiers
bernois. Leur démarche avait fait école dans
le quartier des Fleurettes, à Lausanne.
Plus connu mais bon à rappeler: les jeux
sont autorisés sur les rues signalisées en
zone de rencontre, qui consacrent aussi la
priorité des piétons sur la chaussée.
Fabien Roland et
Dominique von der Mühll
Pour en savoir plus
• Plusieurs associations britanniques de
promotion des rues à jouer, à Bristol:
www.playingout.net à Londres:
www.londonplay.org.uk et en Angleterre: www.playengland.org.uk
• Dossier «rues réservées aux jeux»
sur le site de l’association bruxelloise
www.ieb.be
• Sur la démarche de reconquête de la rue
à Berne: bulletin RdA 2/2000 sur www.
rue-avenir.ch > Archives bulletins.

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