Le vote des étudiants à l`élection présidentielle

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Le vote des étudiants à l`élection présidentielle
Le vote des étudiants à l’élection présidentielle
Si le vote des jeunes est un sujet richement exploré en sociologie politique, les enquêtes
consacrées aux comportements électoraux des étudiants sont rares, voire inexistantes. Afin de
mieux cerner les choix et les attentes de ce segment important de l’électorat (2 034 000 étudiants
étaient inscrits dans l’enseignement supérieur en 2011), l’Ifop a réalisé pour l’Etudiant.fr la
première enquête sur le vote des étudiants à l’élection présidentielle. Réalisée auprès d’un
échantillon national représentatif de 800 étudiants, cette enquête bat en brèche certaines idées
reçues sur un électorat souvent perçu comme plus politisé, plus radical et plus progressiste que la
moyenne. En effet, si cette étude confirme leur ancrage à gauche, elle montre que les étudiants ne
forment pas pour autant un électorat monolithique votant massivement contre Nicolas Sarkozy.
Les chiffres clés :
 Les étudiants se distinguent du reste des Français par une participation plus faible –
l’abstention y est plus forte (39%) que chez l’ensemble des Français (31%) – et un niveau
d’indécision électoral plus élevé que la moyenne : plus d’un étudiant sur deux pouvant
encore changer d’avis (51%), contre moins d’un tiers (32%) chez l’ensemble des Français.
 Au 1er tour, on observe chez les étudiants un penchant très marqué pour la gauche (49,5%
de leurs voix se portent vers un candidat de gauche, contre 43,5% chez l’ensemble des
Français), un rejet de l’extrême droite – captant à peine 11% de leurs suffrages contre
15,5% dans l’ensemble de la population – mais un attrait pour les candidats de la droite
(29%) et du centre (11%) tout aussi prononcé que chez l’ensemble des Français.
 Au second tour, François Hollande peine à faire le plein des voix de gauche, réunissant dans
cet électorat à peine plus de suffrages (56%) que chez l’ensemble des Français (54%). Il est
vrai que si le candidat socialiste est majoritaire dans les filières universitaires – à l’exception
notable des disciplines de santé (médecine, pharma,…) –, Nicolas Sarkozy peut se prévaloir
du soutien massif des élèves étudiant ou préparant les concours aux grandes écoles.
Un électorat où les niveaux d’abstention et d’indécision électorales sont plus élevés que la
moyenne
 Si une large majorité d’étudiants semblent s’intéresser à la campagne actuelle (71%), leur intérêt
pour cet évènement est un peu moins intense que chez le reste des Français : seuls 22% d’entre
eux se disent « très intéressés » par la campagne électorale, contre 25% en moyenne chez
l’ensemble des Français. Il faut dire qu’à leurs yeux, les candidats en lice sont loin de répondre à
leurs aspirations : près des trois quarts des étudiants (73%) expriment leur insatisfaction à l’égard
des réponses apportées par les candidats à leurs préoccupations, soit une proportion similaire à
celle observée lors du scrutin précédent (76% en 2007).
 On observe ainsi chez les étudiants inscrits sur les listes électorales un niveau d’abstention
nettement plus élevé (39%) que chez l’ensemble des Français (31%). Dans le détail des résultats,
on note que cette abstention est particulièrement forte dans les rangs de ceux étudiant dans de
grandes agglomérations (comme l’agglomération parisienne) ou issus de familles au niveau social
élevé (travailleurs indépendants, cadres et professions intellectuelles supérieures) souvent plus
facilement en mesure de financer des études loin de leur foyer. Les élèves des grandes écoles
(écoles d’ingénieurs, écoles de commerce) constituent d’ailleurs, avec les étudiants en BTS (57%),
les catégories où la proportion de personnes susceptibles de s’abstenir est la plus élevée.
 On recense également beaucoup plus d’électeurs hésitants dans leurs rangs que dans le reste de
l’électorat. En effet, plus d’un étudiant sur deux déclare pouvoir encore changer d’avis avant le
premier tour (51%), soit une proportion nettement plus forte que celle observée chez l’ensemble
des Français (32%). A noter que cette indécision est particulièrement forte dans les rangs de la
gent féminine (57%), des étudiants les plus âgés (56% chez ceux âgés de 22 ans et plus) et des
filières comptant le plus d’étudiants d’origine populaire (BTS, IUT).
Un électorat qui penche à gauche mais ne soutient pas pour autant massivement François Hollande
au second tour
 Au premier tour, on observe dans l’électorat étudiant un léger « sur-vote » en faveur de
candidats de gauche qui raflent au total près d’un suffrage sur deux (49,5%), contre 43,5% chez
l’ensemble des Français. Ce « sur-vote » joue particulièrement en faveur de Jean-Luc Mélenchon
(15%) et de François Hollande (30%) qui bénéficient tous deux d’une prime de même ampleur :
+2,5 points par rapport aux scores réalisés chez l’ensemble des Français. Cette prime est moins
forte pour Eva Joly qui y réalise un score à peine plus élevé (3%, +0,5 point). Quant aux candidats
d’extrême gauche (1%), ils ne bénéficient pas d’un « sur-vote » particulier au sein d’un électorat
qui constitue pourtant traditionnellement une zone de force de la gauche radicale.
 On observe aussi un attrait pour les candidats de la droite (Nicolas Sarkozy, Nicolas DupontAignan) et du centre (François Bayrou) tout aussi prononcé que chez l’ensemble des Français. En
effet, François Bayrou réalise le même score que chez l’ensemble des Français (11%), en
particulier grâce à de bons résultats chez les élèves des classes préparatoires (17%) et les
étudiants en médecine et autres disciplines de santé (33%). Et le potentiel de voix de Nicolas
Sarkozy est similaire (28%) à celui observé à l’échelle nationale (29%), notamment grâce au
soutien massif des classes préparatoires (41%), des étudiants en médecine (37%) et en écoles
d’ingénieurs. Quant à Marine Le Pen, elle n’obtient que 11% d’intentions de vote au sein d’un
électorat traditionnellement hermétique aux idées d’extrême droite. En effet, les étudiants se
distinguent toujours sur ce plan des autres jeunes de leur génération (beaucoup sensibles aux
idées du FN que ceux continuant leur scolarité). Dans le détail, on note qu’elle réalise ses
meilleurs scores dans les rangs des étudiants d’origine populaire (15% chez les CSP -), en IUT
(17%) et en écoles de gestion et de comptabilité (20%).
 Malgré ce penchant par la gauche, François Hollande peine à faire le plein des voix de gauche au
second tour : un étudiant sur quatre (25%) refusant encore de se prononcer entre lui et Nicolas
Sarkozy. Chez les étudiants exprimant une intention de vote, le candidat socialiste recueille ainsi à
peine plus de suffrages (56%) que chez l’ensemble des Français (54%). Il est vrai que si le candidat
socialiste est majoritaire dans les BTS (57%) et les filières universitaires (60%) – notamment chez
les étudiants en Lettres et en sciences humaines (79%) –, Nicolas Sarkozy peut se prévaloir du
soutien massif des étudiants en médecine (81%), des élèves en classes préparatoires (61%) et des
élèves en écoles de commerce (54%) et en écoles d’ingénieurs (75%).
Un électorat aux enjeux spécifiques mais dont le vote reste marqué par l’influence parentale
 Première victimes des difficultés d'intégration sur le marché du travail, les étudiants voteront tout
particulièrement en fonction des positions des candidats en matière d’emploi et d’éducation. En
effet, si leurs deux principales préoccupations sont similaires à celles de leurs aînés – le pouvoir
d’achat et le chômage –, les étudiants se distinguent du reste des Français en attachant beaucoup
plus d’importance aux questions d’emploi (43%, contre 36% chez l’ensemble des Français),
d’éducation (34%, contre 20% chez l’ensemble des Français) et, dans une moindre mesure, aux
problème de précarité (31%, contre 26% chez l’ensemble des Français) et d’insécurité (19%,
contre 14% chez l’ensemble des Français).
 A l’inverse, certaines questions de nature macro-économique – comme la dette publique (19%,
contre 24% chez l’ensemble des Français) et les impôts (17%, contre 32% chez l’ensemble des
Français) – ou relativement éloignées de leurs préoccupations (comme l’assurance maladie et les
retraites) leurs apparaissent comme des enjeux secondaires pour le vote à l’élection
présidentielle. Dans le détail des résultats, on note que l’importance donnée à chaque thème
varie beaucoup en fonction de leur filière. Ainsi, les élèves d’écoles de commerce ou d’ingénieurs
accordent deux à trois fois plus d’importance que la moyenne aux questions de croissance
économique. A l’inverse, la question du chômage constitue un enjeu particulièrement important
pour étudiants en BTS (61%) et dans des filières universitaires (46%), en premier lieu desquels les
étudiants en IUT (52%) et en Lettres et sciences humaines (57%).
 Enfin, il est intéressant de relever l'influence de la famille dans les choix électoraux des
étudiants : les parents contribuant toujours à structurer l'environnement général dans lequel les
jeunes se forgent leurs opinions politiques. En effet, la majorité des étudiants partagent les
même choix électoraux que leurs parents : l'influence de la mère étant même légèrement
supérieure à celle du père si l’on juge le nombre d’étudiants déclarant voter comme leur mère
(62%) et comme leur père (55%). Niveau social, réseau de relations, activités culturelles, choix des
programmes télévisés, parcours de scolarité jouent donc un rôle majeur dans la maturation
politique des étudiants. A noter que cette filiation politique est particulièrement forte dans les
filières les plus à droite telles que la médecine, les classes préparatoires ou les écoles
d’ingénieurs.
François Kraus, directeur d’études au département Opinion de l’Ifop