La décentralisation : 1789 - 2002
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La décentralisation : 1789 - 2002
La décentralisation : 1789 - 2002 des prémisses révolutionnaires à l’Acte I Les fondements de la politique de décentralisation La décentralisation a trouvé ses premiers fondements dès le 18ème siècle et depuis, les conditions de sa mise en oeuvre ont mobilisé beaucoup d’acteurs de l’aménagement des territoires. L’IAAT propose, à travers une série de 3 produits consacrés à la décentralisation, un certain nombre de repères chronologiques, méthodologiques et bibliographiques sur ce thème. - une note de synthèse donne un aperçu historique de la décentralisation de 1789 à 2002, - un document "Repères" composé d'une frise des dates-clés de 2002 à 2008 ainsi qu'un tableau des acteurs de la décentralisation et de leurs rôles, - une bibliowebographie offrant des références de sites Internet et d'ouvrages complémentaires Note de synthèse Avril 2006 ©IAAT 2006 SOMMAIRE I – LA CONSTRUCTION D’UNE REPUBLIQUE « UNE ET INDIVISIBLE » (17891981) p. 1 1 - La réforme de l’administration locale par les révolutionnaires 2 - Les grandes lois de la IIIème République (1870-1940) 3 - La consécration constitutionnelle des collectivités territoriales (1945-1981) II – « ACTE I » DE LA DECENTRALISATION : DES LOIS DEFFERRE A LA « RECONNAISSANCE » INTERCOMMUNALE (1982-2002) 1 - La loi du 2 mars 1982 relative « aux droits et libertés des communes, des départements et des régions » 2 - Mesures d’accompagnement de la loi Defferre (1982 – 1992) 3 - Promotion de la démocratie locale et révolution intercommunale (1992 – 2002) ©IAAT 2006 p. 4 La Révolution Française a généré d’importants débats et réflexions sur l’organisation territoriale de la France et a ouvert la voie vers un nouveau paysage territorial. Cette longue évolution institutionnelle traduit un rôle croissant des collectivités territoriales dans notre pays, et aboutit à la loi Defferre de mars 1982 relative aux «droits et libertés des communes, départements et régions», pierre angulaire de la décentralisation. I – LA CONSTRUCTION D’UNE REPUBLIQUE « UNE ET INDIVISIBLE » (1789-1981)1 1 - La réforme de l’administration locale par les révolutionnaires Sous l’Ancien Régime, les pouvoirs locaux sont complexes avec des structures locales diverses. L’administration locale est le "fruit de compromis d’intérêts divergents entre le pouvoir royal, les ecclésiastiques, les seigneurs locaux et la bourgeoisie." A la fin du XVIIIème siècle, le territoire est divisé en provinces et généralités gouvernées par des intendants nommés par le Roi. La nuit du 4 août 1789 met fin aux privilèges des provinces, principautés, villes et communautés d'habitants désormais confondus dans le « droit commun des Français ». La décentralisation (considérée comme une réaction au centralisme de l’ancien régime) est "entrée en force" dans le système administratif français avec tout d'abord la loi du 14 décembre 1789. La commune devient la cellule administrative de base : la loi précise que "les corps municipaux auront deux espèces de fonctions à remplir ; les unes propres au pouvoir municipal ; les autres propres à l'administration générale de l'Etat et déléguées par elles aux municipalités". Les membres du Conseil de la commune et le maire sont élus pour deux ans. Afin de faire disparaître les particularités des Provinces de la Monarchie (dont beaucoup jouissaient de privilèges propres), la loi du 22 décembre 1789 crée les départements conçus comme une division du territoire et non comme une nouvelle collectivité. Ils sont organisés autour d'un chef-lieu, doté d'un Conseil placé sous l'autorité centrale. L'Assemblée Constituante opère un découpage territorial avec la création de 44.000 communes et de 83 départements en février 1790, et en 1795 les administrations territoriales sont de nouveau modifiées avec une division de la France en 89 départements eux-mêmes divisés en cantons et les cantons en communes. 1 Sources : la Décentralisation (1789-2002) http://www.assemblee-nat.fr Extraits de cours d'Histoire de la Faculté des Sciences Humaines de Poitiers (années 90) ©IAAT 2006 – Page 1 – Avril 2006 La loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) maintient le département mais son administration est modifiée : créée par Napoléon Bonaparte, l’institution préfectorale trouve ses racines dans l’intendant de l’Ancien Régime. Après les troubles intérieurs de l’époque révolutionnaire, il s’agissait à travers un maillage précis du territoire, de doter la France d’une forte armature administrative. Chargé de l'administration, les préfets deviennent l'organe exécutif unique du département, secondés par des souspréfets dans les arrondissements et par les maires dans les communes. Ils constituent ainsi "la clé de voûte efficace d'un Etat centralisé qui voit son aboutissement sous l'Empire." 2 - Les grandes lois de la IIIème République (1870-1940) La Monarchie de Juillet instaure, par les lois de mars 1831 (pour les communes) et de juin 1833 (pour les départements), l'élection au suffrage censitaire des conseillers municipaux et généraux supprimée auparavant sous le Consulat. La personnalité civile de la commune (loi du 18 juillet 1837) est reconnue c’est à dire que le maire est à la fois représentant de l'Etat et exécutif du conseil municipal (même reconnaissance au profit des départements avec la loi de mai 1838.) Mais c’est surtout après l’insurrection de la Commune de Paris que deux grandes lois fixent le fondement des régimes départemental et communal. La loi du 10 août 1871 donne un cadre aux départements : élection au suffrage universel des Conseillers généraux, attribution de plein droit des compétences et vote du budget …Cette loi servira de base à l'organisation des départements pendant plus d'un siècle. La loi du 5 avril 1884 confirme l'élection des maires par le conseil municipal et reconnaît l'autonomie communale (création du syndicat de commune : établissement public doté d'un minimum d'autonomie chargé de la gestion des services publics intercommunaux). Ainsi, commune et département acquièrent le statut de collectivité territoriale. Cette législation sera abolie sous le régime de Vichy et remise en vigueur après la seconde guerre mondiale. 3 - La consécration constitutionnelle des collectivités territoriales (1945-1981) La publication en 1947 de l’ouvrage de Jean-François Gravier « Paris et le désert français », souligne l’aberration du centralisme conduisant à la désertification progressive des régions françaises par rapport au poids démesuré de la capitale parisienne. A partir de 1950, la notion « aménagement du territoire » apparaît avec une prise de conscience des méfaits de la centralisation : « l’aménagement du territoire est, en termes de développement économique et social, le corollaire de la décentralisation ». On assiste à la naissance des Régions en 1956 : découpage de la France en 21 régions avec la mise en place des plans régionaux d’aménagement du territoire (pour éviter que le développement économique soit polarisé sur Paris au détriment des autres régions). ©IAAT 2006 – Page 2 – Avril 2006 Création de la Délégation à l’Aménagement du Territoire (DATAR) : cette administration de mission à vocation interministérielle a été instaurée en février 1963 par le général de Gaulle pour coordonner et impulser la politique d'aménagement du territoire : aider au rééquilibrage du territoire français et assurer sa cohésion, redistribuer les activités économiques et administratives, développer les infrastructures ... L’année suivante, les élus locaux et les chambres consulaires sont officiellement représentés au sein de chaque région avec la mise en place des commissions de développement économiques régionales (CODER). Par la loi de décembre 1966 le régime juridique des communautés urbaines est fixé et quatre de ces nouvelles structures intercommunales sont crées (Bordeaux, Lille, Lyon, Strasbourg). Le statut juridique et l'autonomie budgétaire des Régions émergent avec la loi du 5 juillet 1972 : celles-ci acquièrent la personnalité morale leur accordant la forme "d'établissement public régional". Cet établissement est composé d'une part du Conseil Régional où siègent les députés et sénateurs ainsi que les représentants des conseils généraux et des grandes villes, et d'autre part du Comité Economique et Social (qui deviendra le Conseil Economique et Social) représentant des personnalités du monde économique et socioprofessionnel. En 1981, la nouvelle majorité socialiste annonce qu’il est temps de mettre fin « à la tradition centralisatrice de la France » et souhaite impulser le mouvement décentralisateur. En juillet 1981 est déposé pour débuter le processus de réformes, le projet de loi relatif « aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ». ©IAAT 2006 – Page 3 – Avril 2006 II – « ACTE I » DE LA DECENTRALISATION : DES LOIS DEFFERRE A LA « RECONNAISSANCE » INTERCOMMUNALE (1982-2002) 2 1 - La loi du 2 mars 1982 relative « aux droits et libertés des communes, des départements et des régions » Elaborée sous l'impulsion du Ministre de l'Intérieur Gaston Defferre, la loi du 2 mars 1982 (complétée par la loi du 22 juillet 1982) ouvre la voie à un profond bouleversement de la répartition des pouvoirs au profit des acteurs locaux et constitue le point de départ d'un ensemble de textes complémentaires. Elle consacre trois évolutions : - la suppression de la tutelle administrative et financière exercée par le préfet : celui-ci ne peut plus exiger le retrait d’un acte estimé illégal sans saisir le tribunal administratif ou la chambre régionale des comptes. - le transfert du pouvoir exécutif pour le département et la région : avant 1982, le préfet assurait l'exécution des mesures prises par le Département et la Région. Désormais, c'est le Président du Conseil Général pour le département et le Président du Conseil Régional pour la région. - la transformation de la Région en collectivité territoriale pleine et entière : modification législative la plus importante car elle place les régions sur le même plan que les communes et les départements, consacrant ainsi trois niveaux de collectivités locales. Les régions sont administrées par un Conseil régional dont les membres sont élus au suffrage universel. 2 - Mesures d’accompagnement de la loi Defferre (1982 – 1992) Le transfert des compétences et des ressources correspondantes au bénéfice des communes, départements et régions est prévu pour l'essentiel par les lois des 7 janvier 1983 et 22 juillet 1983. Les contrats de plan entre l'Etat et les Régions auxquels participent les autres collectivités, se mettent en place à partir de 1984. Le statut des personnels chargés de faire vivre la décentralisation voit le jour (loi du 26 janvier 1984) : naissance de la fonction publique territoriale. La gestion, la construction, l'équipement et les dépenses de fonctionnement des lycées sont assurés par la Région (loi du 1er janvier 1986). Si entre 1986 et 1992 il y a un ralentissement du processus, les acquis ne sont pas remis en cause lors de la première cohabitation (1986-1988). 2 Sources : Dossier décentralisation http://www.vie-publique.fr 1982 – 2002 la décentralisation vingt ans après. La Gazette des communes n° 9, mars 2002 ©IAAT 2006 – Page 4 – Avril 2006 3 - Promotion de la démocratie locale et révolution intercommunale (1992 – 2002) La loi du 6 février 1992 reconnaît aux citoyens un droit à l'information et à la participation aux décisions politiques locales. La représentativité des assemblées locales est renforcée par l'adoption d'un mode de scrutin mixte pour les élections régionales (loi du 19 janvier 1999). La coopération entre collectivités locales est consacrée par la loi du 6 février 1992 et permet la création de nombreux liens entre communes (intercommunalité) et sera complétée par la loi du 12 juillet 1999 (loi Chevénement). Les lois du 4 février 1995 (loi Pasqua) et du 25 juin 1999 (loi Voynet) officialisent la notion de « pays », en tant qu'espace de projet pour l'aménagement du territoire. Suite au rapport de Pierre Mauroy d’octobre 2000, « Refonder l’action publique locale, rapport au premier ministre », la décentralisation est à la recherche d'un « nouveau souffle » et de nouvelles orientations fondées sur une intercommunalité démocratisée, une rénovation de l'entité département et l'affirmation d'un pouvoir régional fort. La loi "Solidarité et Renouvellement Urbains" du 13 décembre 2000 renforce la cohérence des politiques urbaines et dote les agglomérations d'instruments de cohérence des politiques sectorielles (les Schémas de Cohérence Territoriale ou SCOT) et transforme les Plans d'Occupation des Sols (POS) en Plans Locaux d'Urbanisme (PLU). Depuis le 1er janvier 2002 il n'existe plus que trois structures à fiscalité propre : la communauté de communes, la communauté d'agglomérations et la communauté urbaine. Entre les prémisses révolutionnaires et les « lois Defferre », la réforme décentralisatrice de la France a été porteuse de nombreux mouvements et transformations. Vingt ans après la loi de mars 1982, une nouvelle étape de réformes, qualifiée « d’Acte II », est lancée et se concrétise avec la promulgation de la loi constitutionnelle de mars 2003. ©IAAT 2006 – Page 5 – Avril 2006