Que faire des sites pro

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Que faire des sites pro
Que faire des sites pro-ana ?
Groupe n°14
Antonio Casilli
Pierre Bréchet
Table des matières
1. Présentation générale de la controverse
2. Présentation de la controverse sous l’angle juridique
2.1. Aspect de la liberté d’expression
2.2. Première cristallisation
2.3. Sous le point de vue de l’abus de faiblesse
2.4. Le rôle des hébergeurs
2.5. Jurisprudence
2.6. Au Royaume-Uni
3. Présentation des acteurs
4. Bibliographie
4.1. Droit européen
4.2. Droit français
4.3. Droit aux États-Unis
4.4. Rapports
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1. Présentation générale de la controverse
Les sites pro-ana désignent des sites internet sur lesquels l’anorexie est ouvertement discutée et sa conscience promue. Ils diffèrent par leurs formes : certains
se définissent comme un lieu ouvert où chacun peut s’exprimer sur son quotidien,
ses difficultés, ses choix, mais d’autres élèvent l’anorexie en mode de vie assumée,
encourageant les lecteurs (le plus souvent atteints de la maladie) à poursuivre et
à maigrir toujours plus.
Par le témoignage des internautes, ces sites peuvent encourager des pratiques
dangereuses pour la santé (l’anorexie est souvent considérée comme le trouble psychopathologie le plus meurtrier) et s’adressent à une population fragile car malade.
Ils se présentent comme place d’expression pour personnes atteintes d’anorexie
mentale et d’autres troubles alimentaires psychopathologique comme la boulimie
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(Mia), permettant aux internautes de s’exprimer librement au sein de la communauté). Cependant, les conseils donnés et les pratiques décrites mettent en danger
la vie de celles et ceux qui pourraient les suivre, et la responsabilité juridique des
internautes publiants de tels encouragements peut être questionnée.
La problématique repose sur le délimitation de la liberté d’expression sur internet, sur la responsabilité du blogger ou de ses parents s’il est mineur, ainsi que sur
le rôle de l’hébergeur vis-à-vis du contenu qu’il met à disposition. Les loi française
et européen encadrent ces notions dans des cas précis, et le contexte est totalement
différent aux Etats-Unis où la loi repose essentiellement sur le droit commun.
2. Présentation de la controverse sous l’angle juridique
2.1. Aspect de la liberté d’expression. En France, la liberté d’expression est
protégée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme de
1950 :
Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté
d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées
sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de
frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises
de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations. De plus, l’article 11 du titre II de la charte des droits fondamentaux de l’Union
Européenne garantit la liberté d’expression aux citoyens Européens :
Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté
d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées
sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de
frontières. Aux États-Unis, la liberté d’expression est garantie par le premier amendement
de la constitution du pays et protège largement de telles publications :
Le Congrès ne fera aucune loi pour empêcher l’établissement d’une religion,
interdire le libre exercice d’une religion ou pour limiter la liberté d’expression, de
la presse et des droits des citoyens de se réunir pacifiquement et pour adresser à
l’État des pétitions pour obtenir réparations des torts subis. Des restrictions à ces libertés sont prévues en France, notamment pour des raisons sécuritaires (incitation à commettre des crimes ou des délits) ou pour protéger
les droits de l’individu.
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Dans notre cas, il ne s’agit pas d’incitation à un crime ou à un délit, mais plutôt
d’un abus sur des personnes vulnérables.
En France, l’article 15 de la loi n°86-1067 garantit la protection de l’enfance
et de l’adolescence et au respect de la dignité de la personne dans les programmes
mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle..
Néanmoins, il ne s’applique pas explicitement à l’incitation à l’anorexie.
2.2. Première cristallisation. En 2007, le député UMP François Vannson a
proposé un projet de loi visant à étendre aux sites pro-anorexiques cette restriction. Il y était indiqué :
Est prohibée la diffusion des sites Internet promouvant, incitant et encourageant
les adolescents à devenir anorexiques. La proposition n’a pas été adoptée.
2.3. Sous le point de vue de l’abus de faiblesse. Il existe également une
législation sur l’abus de faiblesse, qui est considérée comme un délit, selon l’article
223-15 du code pénal. Profiter de faiblesses physiques ou psychologiques d’un individu dans le but de lui porter préjudice est puni de trois ans d’emprisonnement et
de 375 000 euros d’amende. Le cadre n’est pas explicitement celui de notre étude,
et une proposition de loi visait à l’y étendre.
En effet, la proposition de loi n°781 a été adoptée en première lecture à l’assemblée nationale le 15 avril 2008. La rapporteure Valérie Boyer a tenté de soumettre l’incitation à la maigreur excessive, si elle est exprimée par la voie de la
presse écrite ou audiovisuelle et même si elle n’est pas suivie par la victime, aux
mêmes dispositions que celles prévues par le même article pour la provocation au
suicide. Il y est écrit que :
Le fait de provoquer une personne à rechercher une maigreur excessive en
encourageant des restrictions alimentaires prolongées ayant pour effet de l’exposer
à un danger de mort ou de compromettre directement sa santé est puni de deux
ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. Les peines sont portées à trois
ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende lorsque cette recherche de maigreur
excessive a provoqué la mort de la personne. En outre, l’article s’applique également dans le cas où les conseils prodigués ne
sont pas suivis : leur seule publication est un motif de pénalisation.
La proposition est depuis le 16 avril 2008 en révision au Sénat. Le rapport des
débats fait état prévient que l’application du dispositif reviendrait à poursuivre
en justice un(e) adolescent(e) souvent malade et de lui infliger une amende ou
une peine de prison pour un risque dissuasif nul et le risque d’aggraver l’état des
malades.
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Trois amendements y ont été apportés par Madame Patricia Schillinger, qui
considère que l’inaction ne serait d’aucune aide aux parents et soigneurs, et qu’il
s’agissait ici d’ouvrir des pistes pour une prévention plus efficace. Ils portent sur :
— Les actions à prendre pour interdit sen pratique un site sur internet
— La modification de l’intitulé de la proposition, pour ne pas confondre maigreur excessive et anorexie (qui elle ne peut pas être provoquée)
— L’application du dispositif en outre-mer
Sur le premier amendement, trois points ont été envisagés par la commission :
— Le plus contraignant serait d’inclure dans le code de la santé publique (et
non dans le code pénal) un nouveau titre consacré à la lutte contre les TCA
qui obligerait les hébergeurs à fermer les sites signalés sans poursuite pénale
des internautes. Cependant, en créant un nouveau titre dans le code de la
santé publique, il contribuerait à l’inflation législative dans un domaine qui
demande surtout une meilleure organisation des soins.
— Une deuxième option serait d’ajouter un alinéa interdisant les seuls sites proana dans la loi de 1986 relative à la liberté d’expression (déjà proposé par le
député Vannson en 2007). Elle semble très restreinte et laisserait des sites de
même nature mais pro-mia par exemple
— Une dernière possibilité, plus complète, consisterait à élargir l’interdiction
à tous les sites faisant l’apologie des TCA et des comportements mettant
gravement en danger la santé des personnes comme la scarification
En 2011, Mme Michèle Delaunay interrogeait M. le ministre du travail, de
l’emploi et de la santé Xavier Bertrand sur l’absence de mesures prises par le
gouvernement contre les sites pro-anorexiques. Le texte de Mme Boyer semble
avoir été perdu dans les limbes parlementaires.
2.4. Le rôle des hébergeurs. Le droit européen stipule dans l’article 14 de la directive 2000/31/CE que l’hébergeur est responsable lorsqu’il est averti de l’illégalité
du contenu qu’il héberge et qu’il ne prend pas les mesures nécessaires pour en
empêcher l’accès.
En France, cette loi est adaptée par l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin
2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCNE), remplaçant la loi n°
86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication comme suit :
Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour
mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne,
le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature
fournis par des destinataires de ces services ne peuvent voir leur responsabilité
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pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d’un destinataire
de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de l’activité ou de
l’information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont
agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible. On distingue donc deux cas pour les hébergeurs de contenu sur internet :
— Si l’hébergeur édite le contenu qu’il héberge, il en est responsable pénalement
au même titre qu’un internaute régulier.
— Sinon, il est tenu de retirer tout contenu qui lui est signalé comme étant
délictueux, en gardant un trace de l’internaute qui en est l’auteur. S’il refuse,
il engage sa responsabilité dans le cas où le contenu sera effectivement jugé
illicite. Par prudence, un hébergeur a donc intérêt à supprimer un contenu
qu’on lui indique, même s’il ne sait pas si le contenu est illégal ou non. L’enjeu est donc de déterminer si le contenu est illégal ou non et peut-être, dans
un deuxième temps, de savoir si les troubles connus de l’éditeur le rendent
toujours responsable.
2.5. Jurisprudence. Il n’existe pas de cas faisant jurisprudence en France et aux
États-Unis pour notre sujet, personne n’a encore entamé de poursuite envers un
blogger pour incitation à la maigreur extrême.
2.6. Au Royaume-Uni. En 2013, le gouvernement de David Cameron a proposé
d’inclure dans le projet de filtre d’internet les sites promouvant l’anorexie, au même
titre que la pornographie. L’accueil est très critique à l’encontre d’un tel filtre (qui
empêche par défaut l’accès aux sites jugés inappropriés) et fait suite à la mort
d’une adolescente de 14 ans harcelée sur un réseau social. Ce projet va à l’encontre
de la neutralité du net, qui assure que les fournisseur d’accès à internet n’ont pas
à modifier le contenu qu’ils véhiculent, et reste débattu au Royaume-Uni.
3. Présentation des acteurs
— François Vannson
Député UMP, il a proposé le 26 février 2007 d’ajouter à l’article 15 de la loi
n°86-1067 un alinéa prohibant ” la diffusion des sites Internet promouvant,
incitant et encourageant les adolescents à devenir anorexiques ”
— L’assemblée nationale, majoritairement à droite en 2008 lors de l’examen du
projet de loi n°781
Elle a voté pour la loi, avec une abstention du PS et GDR
— Valérie Boyer
Député UMP, rapporteure du projet de loi visant à étendre l’article 223-15
du code pénal
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— Roselyne Bachelot
Ministre de la Santé en 2008, félicitait la proposition de loi de Valérie Boyer
— Opposition de gauche
Elle s’est largement abstenue en 2008, faisant état d’une loi d’affichage,
dont la seule approche est celle de la répression.
— Mme Michèle Delaunay
Députée PS, en faveur d’une action du gouvernement, interrogeait en 2011
l’avancée de la Boyer au Sénat.
— Le gouvernement de David Cameron
Conservateur, est favorable au filtrage d’internet par les fournisseurs d’accès
notamment des sites promouvant l’anorexie
4. Bibliographie
4.1. Droit européen.
— Article 14 de la directive 2000/31/CE, Journal officiel n° L 178 du 17/07/2000
p. 0001 - 0016
— Article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme de 1950
— Article 11 du titre II de la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne
4.2. Droit français.
— Article 223-15-2, Loi nº 2001-504 du 12 juin 2001 art. 20 Journal Officiel du
13 juin 2001
— Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication
JORF du 10 juillet 2004
— Proposition de loi visant à combattre l’incitation à l’anorexie (n°781) déposée
le 3 avril 2008 par Valérie Boyer
http ://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion0781.asp
— Le cadre juridique des blogs http ://www.jurisexpert.net/le-cadre-juridiquedes-blogs/
— Article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans
l’économie numérique (LCNE), JORF n°0143 du 22 juin 2004 page 11168
4.3. Droit aux États-Unis.
— Premier amendement de la constitution des États-Unis
4.4. Rapports.
— Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Mercredi 9 avril
2008, Séance de 9 heures 30, Compte rendu n° 36, http ://www.assembleenationale.fr/13/cr-cafc/07-08/c0708036.asp#P6 198
— Rapport n° 439 (2007-2008) de Mme Patricia Schillinger, fait au nom de
la commission des affaires sociales, déposé le 2 juillet 2008.
http ://www.senat.fr/rap/l07-439/l07-439.html