A LYON
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PELERIN Date : 25 FEV 16 Page de l'article : p.4-5 Pays : France Périodicité : Hebdomadaire OJD : 177664 Page 1/2 duo A LYON Des premiers gardes-pompes aux pompiers d'aujourd'hui, il y a... juste trois cents ans I Notre reporter Faustine Prévôt a partage le quotidien de l'un d'eux. Tous droits réservés à l'éditeur L A ENFILE des gants en polyvmyle bleu ciel II est 8 h 30 a la caserne de pompiers Corneille, à Lyon (Rhône), et le sergentchef David Michel est de désinfection II est affecte pour la journée au VSAVl, le véhicule de secours et d'assistance aux victimes n° I Chaque brancard est nettoyé Attelles, masques pour la réanimation, tout est soigneusement rangé dans des sacs, sangles à bord On est lom du ch ché du soldat du feu qui n'attend qu'une chose se pré «prier sur le front de I incendie C'est ce que David imaginait lorsque ses parents, qui tenaient un hôtel bar à Condrieu, l'ont inscrit aux jeunes sapeurs-pompiers, à 8 ans, pour le « cadrer » Depuis, le quadragénaire est devenu professionnel et sait que le cœur de son métier est tout autre « A 80 %, nous portons secours à des personnes en détresse » À 9 h 45, le bip à sa ceinture sonne pour la première fois L'ordre de départ indique un arrêt cardiaque Le sergent chef bondit à l'arriére du camion avec lejeune Yann, tchatcheur en diable A l'avant, l'attentionné Laurent et le chef d'unité Franck, un colosse La sirène hurlante permet d'atteindre la résidence sociale de Villeurbanne en quèlques minutes Maîs lorsque la concierge ouvre la porte, il est trop tard Un homme aux cheveux argentés est couché dans son lit Le fond de sa bouche est noir L'air est difficilement respirable Le déces constaté, l'équipé se poste devant la porte pour attendre la police qui devra procéder à une autopsie « Parfois, ce genre d'images et d'odeurs nous reviennent Maîs on se soutient », confie SAINT-LUC 6054707400506 PELERIN Pays : France Périodicité : Hebdomadaire OJD : 177664 Date : 25 FEV 16 Page de l'article : p.4-5 Page 2/2 ar UK sapeur el sans David Michel sergent-chef ila caserne Corneille, à Lyon, vérifie (e matériel Sun véhicule ble secours. le sauveteur aux yeux d'un marron-vert tendre Tenu au secret professionnel, il ne peut rien raconter à ses proches Ainsi, cette solidarité à la vie a la mort entre pompiers est tout sauf un mythe « Lorsque notre collègue Stéphane a péri dans une explosion en 2008, nous étions 4 DOO à pleurer devant la préfecture » « Le pompier, c'est celui qu'on appelle quand on ne sait plus quoi faire » La matinée a commencé par un drame, maîs les cinq autres interventions de la journée seront plus heureuses A12 h 24, par exemple. Le quatuor laisse en plan son déjeuner de riz cantonais pour filer vers un immeuble en travaux Un ouvrier est suspendu dans un conduit à 6 mètres du sol. Comme il n'est pas blessé, c'est une autre équipe dépêchée sur place, specialiste des milieux périlleux, qui prend la mam. Le chef de chantier avait tout tenté pour le décrocher « Le pompier, c'est celui qu'on appelle quand on ne sait plus quoi faire », conclut David. Sur le terrain, il a coutume de souligner qu'aucun d'eux n'est un messie. « l'exercejuste une activité quej'ai en moi » Depuis son arrivée a la caserne, il y a quinze ans, le sergent-chef trouve que la profession a beaucoup change. La preuve : en début d'après-midi, apres une sieste éclair, l'équipe est envoyée dans une école de coiffure. Une jeune fille de 22 ans est allongée sur un sofa, apparemment inconsciente David vérifie ses réflexes, pendant que Laurent prend ses constantes « Elle simule un état léthargique, glisse le sergent-chef Elle lance un S O S. » Direction l'hôpital Saint-Joseph. Dans la bulle du camion, Tous droits réservés à l'éditeur elle confie ce qu'elle a sur le cœur • elle ne se remet pas d'une rupture amoureuse. « Nous ne faisons plus de l'urgence, maîs du social Nous remplaçons les parents qui se déchargent de leurs enfants, les amis trop individualistes pour s'épauler, les structures pour SDF saturées. » Leur présence est de plus en plus considérée comme un dû Eux qui étaient accueillis en anges gardiens servent parfois de défouloir au désespoir comme c'est arrive à David, arrêté durant quatre jours après un coup à la mâchoire reçu dans une bagarre. « On ne sait jamais si on reviendra d'intervention Alors on vit au présent » En dépit de moments de lassitude, ils repartent toujours. Vers 18 heures, ils écourtent leur séance de sport obligatoire, dans leur salle dédiée, où chacun décide de ses exercices • travail sur les biceps, les abdos Ils foncent chez une octogénaire retrouvée sur le tapis de sa chambre par son aide à domicile. Comme elle est tombée à plusieurs reprises, le médecin du Samu consulté par téléphone estime qu'il faut la conduire à l'hôpital. Dans l'ascenseur, elle perd l'une de ses ballerines. David la lui remet au pied, en lui demandant : « C'est vous, Cendrillon ? » Aux urgences de l'hôpital Édouard-Hernot, il la traite avec délicatesse, lui remonte la couverture sous le cou. Passé 19 heures, de retour à la caserne, il s'octroie une douche, avant la relève de 20 heures Lui a choisi de travailler vingt-quatre heures d'affilée. Il sera assigné à un autre véhicule pour la seconde moitié de sa garde, avant de prendre trois jours de repos Finalement, peut-être que l'héroïsme n'est pas d'éteindre les brasiers,maîs d'entretenir la flamme. La sienne et celle des autres. SAINT-LUC 6054707400506