Une querelle des Anciens et des Modernes ? - e

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Une querelle des Anciens et des Modernes ? - e
Centre Roland Mousnier (UMR 8596) ­ École doctorale II « Histoire moderne et contemporaine »
Une querelle des Anciens et des Modernes ? La biographie historique entre tradition et novation
Journée d'étude du vendredi 30 janvier 2009
Salle de conférences D035 ­ Maison de la Recherche
28, rue Serpente 75006 Paris
Responsable scientifique : Guillaume Payen
Comité scientifique : D. Barjot, J.-P. Bled, J.N. Luc
Comité d'organisation : G. Payen, E. Dreyfus, C.-F. Mathis
« La lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes
gens des siècles passés, qui en ont été les auteurs, et même une conversation étudiée, en
laquelle ils ne nous découvrent que les meilleures de leurs pensées1. » Les ouvrages anciens,
dont la valeur reconnue leur a conféré la qualité de classiques, sont comme l'écrit Descartes,
autant de références incontournables qui, issues du passé, viennent enrichir le présent de la
quintessence de la culture humaine ; les biographies historiques toutefois pourraient, quant à
elles, faire exception, leur modèle traditionnel paraissant condamné par le profond
renouvellement du genre : biographies thématiques, biographies décentrées, biographies
collectives, biographies de gens du commun, biographies nourries d’autres disciplines
semblent disqualifier celles qui, suivant l’ordre des temps en une narration continue,
focalisent récit et descriptions autour d’un personnage central éminent. Or, le modèle
classique de la biographie historique, loin d’être moribond, profite lui aussi du grand essor
que connaît le genre depuis les années 1980. Y a-t-il alors une querelle sous-jacente entre
Anciens et Modernes ? Un bilan s’impose donc, qui établisse un dialogue critique entre
modèles classique et nouveaux, ouvrages anciens et récents, chercheurs chevronnés et
débutants, de façon à clarifier la situation historiographique foisonnante d’un genre entre
tradition et novation.
Certaines biographies anciennes, à la facture classique, tel le Frédéric II de
Kantorowicz, restent références incontestées : doit-on en conclure que dans ses grandes
lignes, le genre a trouvé son idéal, que la seule chose à souhaiter soit une répétition créatrice
des chefs d'œuvre du passé ? Le modèle traditionnel de la biographie historique, centrée sur
un individu important dont elle narre la vie de sa naissance à sa mort, repose en effet sur des
fondements historiographiques marqués, qui peuvent être remis en question : les grands
hommes tiennent un rôle-clef au sein de l'Histoire ; écrire complètement la vie d'un homme
est possible ; la chronologie est un principe explicatif majeur pour l'individu comme pour les
sociétés. Ces éléments d'une conception traditionnelle de l'histoire, pour être anciens, sont-ils
pour autant périmés ? A l'inverse, dans quelle mesure et dans quelles circonstances peuventils être complétés, voire dépassés ?
Au-delà de la question de la véracité d’une œuvre historiographique, il est patent que
ce modèle classique s’apparente au roman réaliste ; suivant le cours d’une vie, il narre une
histoire qui tend à placer le lecteur dans une relation d’identification au personnage,
favorisant ainsi l’adhésion ou au contraire le rejet. Dans quelle mesure alors ce type de
biographie, évidemment savant, peut-il être dit pleinement scientifique, c’est-à-dire
producteur de science ? Le lecteur, notamment le grand-public, est-il de la sorte placé dans les
meilleures conditions pour exercer son jugement critique ? La focalisation sur un grand
personnage, quelles que soient la justesse et la mesure du discours de l’auteur, ne risque-t-elle
pas d‘imposer l’évidence que les grands hommes sont l’Histoire ? Dans le même temps, cette
claire dimension littéraire ne facilite-t-elle pas l’intuition du personnage et de l’époque qu'elle
dépeint ?
Par ailleurs, si de nombreuses biographies consacrées par la postérité reprennent le
modèle classique du genre, ce n’est pas le cas de toutes ; au-delà de la question de la validité
du modèle classique, un dialogue critique avec la tradition biographique implique donc
d'examiner également ce que ces grandes œuvres toutes singulières ont de pérenne, dans les
résultats auxquels elles parviennent tout comme dans la démarche qu'elles adoptent pour y
parvenir. Et de la sorte, il devient possible d'espérer faire son miel de la part d'éternité qu'elles
portent en elles et tenter de rivaliser avec ces monuments, voire même, de les surpasser.
A l'opposé de ce petit nombre de classiques, se pressent les cohortes foisonnantes des
biographies modernes, dont la critique reste perpétuellement à faire. Que peut-on apporter de
1
René Descartes, Discours de la méthode, Garnier-Flammarion, p. 26.
nouveau dans le genre biographique ? La novation se fait pour partie en reprenant certains
traits de grands classiques légués par le passé, tels Plutarque ou Suétone : le genre s’est-il
renouvelé si profondément qu’il connaisse des res novae, c'est-à-dire une révolution ? Plus
largement, la biographie historique, autrefois genre mineur, peut-elle, par ses développements
récents, prétendre donner un cours nouveau à l’ensemble de la discipline ?
Nous allons nous attacher aujourd'hui à esquisser un bilan, au travers de quatre
thèmes.
Nous allons commencer tout d'abord par quelques éléments concernant les contours
actuels de la biographie historique.
Puis, nous allons nous porter un regard vers le passé, afin d'examiner la valeur de
quelques biographies classiques, en se demandant si ce sont des classiques hors du temps.
Cet après-midi, nous aborderons deux grandes lignes de partage entre biographies
anciennes et modernes : d'abord les questions touchant la narration de la biographie, avant de
nous pencher sur les rapports entre individu et collectivité, qui est une autre grande ligne de
partage entre biographie modernes et classiques.

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