Un parcours étoilé Le Jardin des sens : vitrine

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Un parcours étoilé Le Jardin des sens : vitrine
Montpellier
Midi Libre midilibre.fr
MERCREDI 29 FÉVRIER 2012
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Groupe Pourcel : comment
maintenant gérer l’avenir ?
Économie l La perte de la deuxième étoile ne remet pas en cause les projets de développement.
C’est le message que fait passer Olivier Château, l’associé historique des célèbres jumeaux.
A
u-delà du restaurant gastronomique Le Jardin des sens,
fer de lance du groupe, l’entité Pourcel se décline au travers de nombreuses autres activités. Le groupe croît et investit. La
perte de la seconde étoile au Michelin aura-t-elle des conséquences sur
sa vie ? État des lieux.
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ENTRETIEN
Jean-Pierre
TROISVILLE
Directeur
régional de la
Société générale
« Ils ont une
forte notoriété »
Le bilan de la troisième
étoile, en 2005
En 2005, le Guide Michelin retirait
au Jardin des sens sa troisième étoile, octroyée en 1998. L’effet a été
quasi-immédiat : le chiffre d’affaires
du restaurant a accusé une baisse
de 5 % environ. Mais, depuis, l’établissement a retrouvé des couleurs.
« Dans l’année qui a suivi la perte
de la troisième étoile, nous étions,
pour Le Jardin des sens, à 4,1 M€
de chiffre d’affaires annuel.
Aujourd’hui, nous en sommes à
5 M€. Et ce, malgré la crise. C’est
la preuve de l’influence limitée du
Guide Michelin sur le comportement des gens », fait remarquer Olivier Château, associé historique des
frères Pourcel. En 2011, le restaurant a affiché un total de plus de
30 000 couverts servis. « Dès 2006,
nous avons retrouvé notre clientèle. »
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La critique
sur la diversification
La politique de diversification et
d’« éparpillement », pour reprendre le terme le plus fréquemment
prononcé, concentre toutes les
griefs faits aux Pourcel. Sont-ils justifiés ? « Pourquoi critiquerait-on
les Pourcel et pas Bocuse ou Rebuchon, qui mènent la même stratégie de développement ?, s’offusque
Olivier Château. Nous avons la
chance d’être trois à la tête du groupe. Cela nous permet d’assurer nos
engagements en France ou à
l’étranger sans que cela ne porte
préjudice au restaurant, où Laurent Pourcel est un chef de cuisine
à 100 %. Il y est présent tous les
jours et la clientèle n’a pas l’air de
se plaindre. »
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Quelle sera l’attitude
des banquiers ?
La perte de la deuxième étoile ne
risque-t-elle pas de refroidir les ban-
L’avenir du groupe Pourcel
est-il compromis ?
Non. La Société générale
accompagne les Pourcel depuis
leurs débuts, bien avant le gain de
la première étoile. Nous avons déjà
connu ce genre de situation
après la perte de la troisième étoile.
Aujourd’hui, comme hier, cela
ne change pas notre regard de
banquier. Nous maintenons notre
confiance dans le trio qui gère
le groupe. On ne regarde pas les
étoiles, on regarde les comptes.
Le groupe n’est pas endetté
à moyen ou long terme.
Le résultat risque pourtant
de se faire ressentir.
■ Les chefs Laurent et Jacques Pourcel au côté de leur associé historique, Olivier Château.
quiers qui accompagnent le groupe
dans son développement ? C’est LA
question. « Je ne vois pas pourquoi
nos banquiers nous observeraient
différemment, réagit Olivier Château. Un banquier réfléchit avant
tout à ce que nous sommes capables de lui apporter. Il regarde la
rentabilité d’une entreprise et ses
résultats. Les étoiles, il s’en fiche totalement. Nous avons prouvé, par
le passé, notre capacité à nous développer tout en gardant nos finances saines. »
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Quelle est la situation
financière ?
Le groupe Pourcel réalise, dans sa
globalité, un chiffre d’affaires annuel qui tourne autour de 10 M€.
« Le groupe n’est pas endetté. Notre
niveau d’endettement est à ce jour
de 360 000 € seulement », affirme
l’associé des Pourcel. Concerné en
premier lieu par la perte de la
deuxième
étoile,
Le Jardin des sens, dont le chiffre d’affaires est de 5 M€, est rentable. Selon
nos informations, la rentabilité est
de 6 % du chiffre d’affaires.
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Quid des projets
de développement ?
Le groupe Pourcel est aujourd’hui
engagé sur deux gros dossiers pour
son développement : l’extension de
l’hôtel**** Jardin des sens et la réalisation d’un vaste complexe à Odysseum. Le premier nécessite un investissement de 2,3 M€, le second
de 20 M€.
La perte de la deuxième étoile remet-elle en cause ces projets ? « Ils
sont maintenus, affirme Olivier
Château. D’ailleurs, le permis de
construire pour l’agrandissement
de l’hôtel devrait être déposé avant
la fin de l’année. Il n’y aura pas réduction de la voilure. Ça n’a aucun
Photo JEAN-MICHEL MART
rapport avec la perte de la deuxième étoile. »
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Quel impact
sur l’image ?
L’image des frères Pourcel sera-t-elle touchée par la décision du Guide
Michelin ? Le groupe avait assis sa
croissance en s’appuyant sur le
nom Pourcel. Ce dernier est devenu
une véritable marque, tant en France qu’à l’étranger. « Tous nos
contacts avec nos partenaires
étrangers reposent non pas sur ce
que l’on fait au Jardin des sens, à
Montpellier, mais sur ce que représente le nom Pourcel », insiste Olivier Château. Aujourd’hui, les jumeaux sont présents dans huit
pays. En direct ou en tant que
conseils. Et Le Jardin des sens
vient en appui de cette stratégie, de
la marque.
Textes KARIM MAOUDJ
[email protected]
Mais c’est logique. Pour eux,
comme pour n’importe quelle table
étoilée de la région qui perd une
étoile. Sachant qu’il y a un effet
mécanique pendant une année
environ. Ça jouera certainement
sur le chiffre d’affaires. Ensuite,
les Pourcel ont une forte notoriété,
l’impact négatif disparaîtra de
lui-même. Montpellier est une ville
de congrès avec un bassin
de population important. Il y aura
toujours une clientèle pour
Le Jardin des sens. Ils ont une
capacité d’endettement importante,
c’est l’essentiel pour le banquier
que je suis.
Les accompagnerez-vous
dans leur développement ?
S’ils nous sollicitent, nous
l’étudierons comme pour n’importe
quelle entreprise, à partir d’un
business plan et de sa crédibilité.
Mais la perte de la deuxième étoile
ne change rien dans la mesure
où on connaît le travail des Pourcel
depuis longtemps. Ils ont de l’or
entre les doigts. Il n’y a pas
de raison pour que cela ne continue
pas. Même sans la deuxième étoile.
Un parcours étoilé
Le Jardin des sens : vitrine montpelliéraine
L’ascension des frères Pourcel
dans l’univers de la gastromie
française a été fulgurante.
Ouvert à l’automne 1988,
Le Jardin des sens décroche
sa première étoile au Guide
Michelin en mars 1990. Deux
ans plus tard, en 1992, il obtient sa deuxième étoile. Élus
“meilleurs chefs de l’année” en
1997 par le Gault-Millau, ils
connaissent la consécration
un an plus tard, en 1998, en obtenant la troisième étoile au
Michelin. Soit dix ans après
avoir lancé Le Jardin des sens.
Dans le même temps, le trio
qu’ils forment avec Olivier
Château s’engage dans un développement qui ne connaît
À Montpellier, il y avait, jusqu’à sa mort, Georges Frêche
et... les frères Pourcel. L’ascension étoilée du Jardin des sens a accompagné
celle de la cité en terme de notoriété.
Ultra-médiatisés, courtisés, y
compris à l’étranger, chouchoutés par un parisianisme
toujours aussi excessif, les jumeaux ont baladé leur portrait sur tous les supports de
communication. Georges Frêche, maire de Montpellier,
l’avait bien compris. Son soutien indéfectible aux Pourcel,
et notamment au Jardin des sens, participait à sa
Distinction l Début de l’aventure en 1990. Image l Comment le restaurant gastronomique participe à la notoriété de la ville.
■ Élus meilleurs chefs en 1997. M. P.
pas de frontière. Reconnus internationalement, ils décrochent le droit d’afficher leur savoir-faire au pavillon France à
l’exposition universelle de
Shanghai, en 2010.
stratégie de sortir la ville de la
discrétion. Le restaurant était
l’un des éléments sur lesquels
l’ancien maire basait sa politique de communication.
Que l’on aime ou pas les Pourcel, que l’on aime ou pas le
Guide Michelin, le destin des
premiers a, longtemps, été
étroitement lié à l’audience
du second.
Pas de baisse de prix
Le guide rouge a permis à
l’établissement de se propulser au cœur de la sphère gastronomique française. La cuisine des Pourcel a, pour beaucoup d’épicuriens français,
une note ensoleillée, méditerranéenne. Les jumeaux ont apporté la preuve que l’on pouvait élever à un haut niveau
gastronomique ce qui, a priori, relevait du terroir.
Les frères ont également investi un autre territoire : celui
du haut de gamme abordable.
Les tarifs d’entrée des menus
sont à environ 50 € le midi et
80 € le soir. Ce qui en fait
l’une des tables renommées
les moins chères.
C’est ce qui explique que la
perte de la deuxième étoile
n’aura aucune conséquence
sur les prix. C’est ce que l’on
laisse entendre du côté du Jardin des Sens.
■ L’ascension du restaurant a
accompagné celle de la ville. D. C.