Verre et cristaux

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Verre et cristaux
Verre et cristal : du rififi dans la matière solide !
Quelle est la formule du verre ?
Le verre se forme par fusion de la silice (dioxyde de silicium de formule
chimique SiO2). Le verre obtenu à partir de sable blanc quartzeux est le verre de
silice. Techniquement, la très haute température de fusion de la silice pure, près de
2.000°C, est un facteur de difficulté car c'est une des températures les plus hautes
que peuvent subir les réfractaires courants. Songez par exemple qu'une des
températures industrielles les plus élevées est celle qui règne dans les fours à clinker
des cimenteries : environ 1.600°C. Ce verre spécial est donc de fabrication très
limitée et tout à fait spécifique.
Pour travailler plus aisément cette matière, il faut abaisser le point de fusion
de la silice pure. On ajoute au mélange initial des fondants. Le carbonate de sodium
en est un parfait exemple. Le principe actif du fondant est le sodium qui, en se
mêlant à la silice, brise certaines liaisons chimiques de l'oxygène et rend la structure
cristalline plus fragile. Ces fondants abaissent la température de fusion du mélange
source du verre aux environs de 1.400°C.
Malgré son apparence d'éternité, le verre est une substance instable. Un verre
naturel comme l'obsidienne tendra inexorablement à se cristalliser. En chimie
physique, on dit que le verre est dans un état métastable. Les traitements qu'un
verre subira, par exemple dans votre lave-vaisselle (!), pourront altérer le verre qui
se dévitrifiera. Pour empêcher ou tout au moins retarder cette transformation, il
faut ajouter des stabilisants. C'est le rôle de l'oxyde de calcium, la chaux vive de
formule CaO, de l'oxyde de magnésium MgO, ou encore d'aluminium Al2O3.
Le verre est donc un silicate complexe de calcium et de sodium
additionné d'autres composés en quantités moindres dont
l'alumine et la magnésie. La formule générale est : Na2SiO3 . Ca Si
O3 . Al2O3
Le verre appartient-il à l’état solide ?
Le verre a cela de fascinant qu'il ressemble à un solide ordinaire comme à un
frère ennemi! Or, le refroidissement de la pâte de verre au sortir du four est
suffisamment rapide pour que le liquide ne cristallise pas. Nous rencontrons ici le
problème fondamental concernant le verre : ce n’est pas un solide ordinaire.
Essayons d’y voir un peu plus clair.
Pour saisir la différence entre verre et solide cristallisé, il faut se rappeler ce
qu'est un solide. Le solide résulte d'un arrangement régulier d'atomes. Prenons
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l'exemple du sel de cuisine. Les chimistes disent qu'il s'agit de chlorure de sodium ;
en effet, le sel de cuisine est constitué d'une liaison entre des atomes de sodium et
des atomes de chlore. Ils sont liés par des forces d'attraction électrique car ces
atomes sont plus stables s'ils perdent ou gagnent un électron. C'est pourquoi le
chlorure de sodium est formé d’une suite d'ions (atomes électrisés) de sodium ayant
perdu un électron Na+ et de chlore ayant gagné cet électron perdu : Cl-. Vu qu'il y a
exactement le même nombre d'ions sodium et d'ions chlore dans un grain de sel de
cuisine, la formule chimique est donc NaCl (figure 1).
Figure 1. Cristal de chlorure de sodium. Les ions chlorure (Cl-) représentés par des
sphères gris foncée entourent les ions sodium (Na+) représentés par de plus petites
sphères gris clair suivant un réseau régulier tridimensionnel. Chaque ion de sodium
(sphère centrale) est entouré de 6 ions chlorure (sphères vertes) et inversement. Il y
a autant d’ions d’une espèce que de l’autre. La formule chimique globale est donc
bien NaCl.
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Spatialement, ces ions s'ordonnent comme s'ils faisaient partie de cubes
successifs. L'état solide qui caractérise le chlorure de sodium est un cristal dans
lequel les atomes ionisés sont très fortement ordonnés. Lorsque le chlorure de
sodium se forme à partir d'une solution saturée, on voit au fond du récipient, au fur
et à mesure que l'eau s'évapore, se former des cubes de sel. Cette forme cristalline
est l'expression macroscopique, à notre échelle, de l'arrangement régulier des
atomes à l'échelle atomique.
Verre est un terme générique donné à des substances qui ne cristallisent pas,
notre verre ordinaire est l'une d'entre elle. En fait, la disposition des atomes voisins
est approximativement la même qu'à l'état cristallisé. La situation change à distance
plus grande où les atomes sont plus désordonnés (figure E1-2). C'est ainsi qu'il
existe des roches qui sont de véritables verres. C'est bien sûr dans le domaine des
roches volcaniques qu'on les trouve : le magma, ensemble d'aluminosilicates
fondus, se refroidit trop vite. Ce sont des magmas très visqueux car riches en silice
qui forment des verres volcaniques appelés obsidiennes.
Figure 2. Comparaison entre l’état cristallin et le verre pour un composé de type
oxyde formé d’atomes d’oxygène (en bleu) et d’atomes de métal (en jaune). La
structure est supposée plane. Dans l’état cristallin, l’arrangement des atomes est
total. Dans le verre, si on retrouve cet arrangement pour des atomes voisins, ils le
perdent à plus grande échelle.
Notre verre ordinaire est formé surtout de silice. Cette substance est de
l'oxyde de silicium, de formule chimique SiO2. L'état cristallisé le plus courant de la
silice est le quartz (figure 3). Spatialement, les atomes d'oxygène, très gros par
rapport à l'atome de silicium, se disposent autour de ce dernier au sommet d'une
pyramide régulière à base triangulaire : un tétraèdre (figure 4). Ces tétraèdres sont
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liés les uns aux autres par les atomes d'oxygène : chaque atome d'oxygène est lié à
deux atomes de silicium. Ce réseau de tétraèdres couvre tout l'espace comme un
squelette (figure 5).
Figure 3 (à gauche). Cristaux de quartz. Les faces planes qui délimitent les cristaux
représentent à notre échelle l’arrangement régulier des atomes dans le cristal. Ici, le
quartz cristallise sous forme de prismes à base hexagonale terminés par des
pyramides elles aussi à base hexagonale.
Figure 4 (à droite). Représentation atomique d’un fragment de cristal de quartz.
Chaque atome d’oxygène (en bleu) est lié à deux atomes de silicium (en jaune).
Chaque atome de silicium est lié à quatre atomes d’oxygène. La figure est une
projection sur un plan d’une structure tridimensionnelle dans laquelle les atomes sont
disposés suivant un tétraèdre comme illustré ci- dessous.
Le verre de silice, comme nous l'avons expliqué ci-dessus, est donc formé
d'un réseau de tétraèdres mais qui, à l'échelle de quelques atomes, ne s'ordonnent
plus régulièrement dans l'espace. Ce faisant, on ne retrouve plus à notre échelle de
formes cristallines régulières comme celles du quartz. Lorsqu'on casse du verre, on
obtient des fragments tout à fait quelconques.
Il reste à expliquer pourquoi le mélange de silice et d’un fondant comme le
carbonate de sodium est indispensable pour former du verre. Tout d'abord, la
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plupart des grains de sables sont formés de quartz, donc de silice cristallisée. C'est
un minéral mécaniquement et chimiquement très résistant. Il peut donc être
transporté et roulé par l'eau durant des millions d'années en étant simplement
progressivement arrondis. Or, la silice cristallisée fond à haute température : 1.600
°C. Un mélange de silice et d'un autre sel, le natron étant du carbonate de sodium
(Na2CO3), forme un mélange donc le point de fusion est plus bas. A l'échelle
atomique, le sodium se combine avec certains atomes d'oxygène de la silice. Il y a
alors rupture de certaines de ces liaisons, certains atomes d'oxygène ne sont plus
unis qu'à un seul atome de silicium au lieu de deux. Cet affaiblissement du réseau
atomique est la cause de l'abaissement du
point de fusion (figure 6).
Figure 5. Modèle atomique du cristal de
quartz. Les sphères bleues représentent les
atomes d’oxygène et la sphère jaune est
l’atome de silicium. Les atomes d’oxygène se
tassent autour de l’atome de silicium plus
petit. Le rapport entre leurs rayons ioniques
détermine le mode d’empilement. Ici, il est du
type tétraèdre. Chaque atome d’oxygène est
lui-même lié à un autre atome de silicium, et
on retrouve la structure de la figure 4.
Figure 6. Représentation atomique d’un verre avec un élément chimique étranger au
silicium (en jaune) et à l’oxygène (en bleu). Il s’agit d’un autre atome de métal (en
rouge), par exemple le sodium. Il a provoqué la rupture de certaines liaisons
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chimiques de l’oxygène. Cet affaiblissement des liaisons chimiques provoque la
diminution de la température de fusion.
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