Huis clos, de Jean-Paul Sartre : commenter une mise

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Huis clos, de Jean-Paul Sartre : commenter une mise
Huis clos, de Jean-Paul Sartre : commenter une mise en scène
Mise en scène de Richard Kalisz, spectacle vu le 19-09-2006.
Une coproduction de l’Atelier Théâtre Jean Vilar et du Théâtre Jacques Gueux avec le soutien de la
Communauté française Wallonie-Bruxelles, Service du Théâtre.
Lieu : Théâtre Blocry, Ferme de Blocry; Place de l'Hocaille, 6; 1348 Louvain-la-Neuve (Brabant
Wallon) Belgique.
Photos de Véronique Vercheval.
Adresse de l’image commentée : http://www.plaisirdoffrir.be/Vu/photos/huisclos3-atjv.gif
Critique de Muriel Hublet sur le site http://www.plaisirdoffrir.be/Vu/Critique.php?recordID=1319
Une porte d’ascenseur qui coulisse pour mener à … l’échafaud ?
Non, elle s’ouvre sur une pièce étrange avec pour tout meuble trois divans un peu étranges… des
cercueils à la tête redressée, recouverts d’une couverture ; pour plancher un pan de ciel bleu, pour
toute décoration une statue de bronze.
Comme gardien des lieux, un jeune homme à la mine sévère, à la veste garnie de deux ailes hirsutes et
très grisâtres, ange déchu ou démon déguisé ?
Un peu comme un garçon d’étage peu loquace et encore moins obséquieux, il introduira tour à tour un
homme et deux femmes.
Qui sont-ils ? Pourquoi sont-ils là ? Où sont-ils ?
Nos questions trouveront petit à petit des réponses derrière les mots de Jean-Paul Sartre.
Morts, mais pas tout à fait ; vivants encore un peu ; emplis de hargne, de rage, de désespoir, de
révolte, de silences et de cris intérieurs.
Chacun a son passé, son histoire réelle et ce qu’il veut bien en dire, mais tous se savent condamnés.
Damnés pour l’éternité, mais sans pals, sans flammes sans bourreau, car sadiquement, leur enfer c’est
les autres.
Lui est Garcin (Julien Roy), le journaliste un peu macho, idéaliste, mais qui refuse d’admettre sa
veulerie. Homme renfermé au départ, mais d’une nervosité extrême, plein de tics, il ne désire
apparemment que la paix et le silence. Il va devenir petit à petit jouet de ses voisines d’éternité,
victime repentante, manipulateur et mendiant d’un peu de confiance, de réassurance dans cet univers
où il perd tout de vue sauf sa lâcheté. Il joue avec maestria sur la palette des sentiments en provoquant
tour à tour l’énervement, l’agacement, la haine, la rage, le dégoût et l’envie des autres.
Jo Deseure est Inès, la lesbienne, qui a acculé son amie au suicide collectif, qui ne regrette rien, qui se
sait maudite depuis longtemps. Femme sèche, qui n’a plus rien à donner (dit-elle), lucide, clairvoyante,
elle a vite fait de percer à jour les deux autres et d’essayer, telle une tarentule qui tisse sa toile, de les
piéger, d’user de leurs faiblesses pour mieux les manipuler. Jo Deseure est superbe en femme forte
(d’apparence) qui cache soigneusement son côté femme fragile… elle nous offre tout : les cris,
l’amour, la révolte, l’apparente tendresse…On en redemande !
Isabelle Wéry est Estelle la cocotte maniérée, bourgeoise qui ne peut vivre sans son miroir, sans se
voir dans les yeux des autres et qui doit, à tout prix pour exister, se sentir femme, se sentir désirée.
Entre la pédante bourgeoise, poseuse, excessive et la leçon de séduction, elle montrera tout à la fois le
désespoir d’une femme qui n’a plus aucuns repères, les envies luxurieuses ou le machiavélisme d’une
rouée libertine.
A l’arrière-plan, silencieux, mais bien présent, surveillant ses victimes, sans une once de compassion,
avec même une tendance sadiquement provocatrice Denis Carpentier est le garçon d’étage.
Il va très peu parler, mais ses regards et ses postures en diront bien plus.
Retrouver Sartre et Huis Clos est toujours un plaisir, mais s’ils sont présentés de manière originale,
avec une recherche de décors et de costumes et si les interprètes se donnent à fond et nous offrent une
superbe prestation, on ne peut qu’applaudir.
Si les bravos vont principalement à Jo Deseure et à Julien Roy, il ne faudra pas oublier que derrière
eux se cache toute une équipe (dont la mise en scène de Richard Kalisz et surtout les costumes et la
scénographie de Catherine Somers).
Deux autres images de cette mise en scène sur la même page Internet
Essai de commentaire de l’image choisie.
Les trois canapés ont la forme de divans : lien avec la psychanalyse ?
Le décor du sol représente un ciel avec des nuages : ironie sur la situation géographique traditionnelle
du paradis, aux cieux ?
La cheminée est gigantesque, s’ouvre comme une porte : évocation du feu des enfers, de l’iconographie
traditionnelle des fourneaux, des chaudrons, des flammes ?
Le « bronze de Barbedienne » est une statue de taille humaine, représentant apparemment un
personnage drapé, tenant une torche, allégorie de la lumière ?
La lumière est très crue, presque verticale, centrée sur les trois canapés et le sol où évolueront les
personnages.
Le garçon d’étage, présent sur scène dans un coin et éclairé par un projecteur, représente peut-être le
gardien des Enfers, qui empêche toute sortie ?
Décor majestueux, mi moderne mi classique, un peu fantastique avec l’impression que les personnages
marchent sur des nuages.
Costumes modernes, couleurs sans grand éclat.
Garcin semble seul avec une femme, habillée d’une robe fendue, dans le genre robe de soirée ou de
cérémonie : c’est sans doute Estelle, tandis qu’Inès, dans une autre image, est en costume pantalonveste et chemise stricte.
Estelle tournant le dos à Garcin, Inès ne figurant pas sur l’image, il est difficile de deviner à quel
moment on se trouve, mais on est dans la scène 5.
Image sans violence, mais qui montre peut-être l’impossibilité de communiquer : Estelle tourne le dos à
Garcin, Inès n’est pas visible, le garçon d’étage assis dans un coin de la pièce ressemble à un témoin
muet ou un observateur intérieur.
La mise en place des trois canapés sert peut-être à montrer que le trio sera toujours impossible : séparé
par le personnage occupant le canapé central, ou sous les yeux du troisième dans tous les cas. Aucun
des trois personnages n’aura dans son champ de vision les deux autres en même temps, s’ils occupent
tous leurs places respectives.
Commentaire à compléter ?