La consécration de la garantie autonome par l`Ordonnance n° 2006

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La consécration de la garantie autonome par l`Ordonnance n° 2006
La consécration de la garantie autonome par l’Ordonnance
n° 2006-346 du 23 mars 2006
Rédigé par Nathalie Malkes Koster le 2 juillet 2007
Une des innovations de l’Ordonnance n° 2006-346 relative à la réforme des sûretés résulte de la
consécration légale de la garantie autonome.
Entérinant les solutions dégagées par la jurisprudence et la pratique, le législateur introduit dans le Code
civil un nouvel article 2321 qui définit la garantie autonome comme :
« l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à
première demande, soit suivant des modalités convenues.
Le garant n’est pas tenu en cas d’abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur
d’ordre.
Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l’obligation garantie.
Sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l’obligation garantie ».
Le nouvel article 2287-1 du Code civil précise, par ailleurs, la qualification de la garantie autonome qui est
élevée au rang de sûreté personnelle aux côtés du cautionnement et de la lettre d’intention.
Cette disposition souligne ainsi que « les sûretés personnelles régies par le présent titre sont le cautionnement, la garantie
autonome et la lettre d’intention ».
Cette qualification, même si elle reprend la conception traditionnelle de la garantie autonome, est à
l’origine d’une série de conséquences.
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I - Les conséquences de la reconnaissance de la garantie autonome comme sûreté personnelle
La garantie autonome se trouve désormais soumise, de façon certaine, à l’ensemble des dispositions
applicables aux sûretés. Plusieurs domaines d’application sont concernés :
1.
Les procédures collectives
Tel est notamment le cas dans le domaine des procédures collectives puisqu’il est fait obligation aux
créanciers antérieurs au jugement d’ouverture de déclarer leur créance en précisant l’existence et la nature
de la sûreté dont ils sont titulaires (article L. 622-25 du Code de commerce).
La question se pose alors de savoir si les garanties autonomes souscrites avant l’Ordonnance du 23 mars
2006 doivent être mentionnées dans les déclarations de créances établies depuis l’entrée en vigueur de ce
texte.
Tout dépend de la date à laquelle s’apprécie la qualification de la garantie.
Soit la qualification s’effectue au jour de la déclaration et toutes les garanties autonomes doivent alors être
déclarées, quand bien même n’auraient-elles pas nécessairement été qualifiées de sûretés au jour de leur
souscription.
Soit la qualification est définitivement figée au jour de la signature de l’acte ou de la conclusion du contrat
et l’obligation de déclaration ne sera alors applicable qu’aux garanties autonomes souscrites après l’entrée
en vigueur du nouvel article 2287-1 du Code civil.
La jurisprudence semble retenir cette seconde analyse. Dans une décision en date du 16 octobre 2006, le
Tribunal des Conflits a, en effet, affirmé que « sauf disposition législative contraire, la qualification d’un contrat
s’apprécie à la date de sa conclusion ».
La qualification de sûreté d’une garantie autonome devrait donc s’apprécier au jour de sa souscription.
En réalité, cette problématique paraît dépourvue de conséquences pratiques dans la mesure où la
jurisprudence constante, antérieure à l’ordonnance du 23 mars 2006, considère que, compte tenu de son
caractère autonome, la garantie à première demande n’est pas éteinte lorsqu’en cas de redressement ou de
liquidation judiciaire du donneur d’ordre, le créancier bénéficiaire de la garantie ne déclare pas sa créance
(Cass. Com. 30 janvier 2001).
Reste néanmoins à obtenir confirmation par les juges du fond que cette analyse est maintenue
postérieurement à l’entrée en vigueur des nouveaux articles 2321 et 2287-1 du Code civil.
Dans cette éventualité, le critère véritablement déterminant sera de savoir si, indépendamment du libellé
donné à l’acte par les parties, la garantie mise en œuvre constitue véritablement une garantie autonome,
auquel cas elle ne sera pas affectée par l’absence de déclaration de la créance du bénéficiaire, ou si elle
s’apparente davantage à un cautionnement, accessoire au contrat de base, et qui bénéficiera de l’extinction
de la créance non déclarée par le bénéficiaire.
2.
Le droit des sociétés
La question se pose de savoir si les dispositions de l’article L. 225-43 du Code de Commerce, qui font
interdiction aux dirigeants et administrateurs de faire cautionner ou avaliser par la société leurs
engagements envers les tiers, doivent également s’appliquer à la garantie autonome.
Bien que le terme de « garantie » ne soit pas mentionné dans ce texte (à la différence de l’article L. 225-35
du Code de commerce qui pose un principe d’autorisation préalable par le Conseil d’administration des
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« cautions, avals et garanties donnés » par une SA), la prohibition devrait logiquement s’étendre à la garantie
autonome dont les effets sont proches de ceux des cautions et avals.
3.
Le droit des régimes matrimoniaux
L’article 1387-1 du Code civil, tel qu’issu de la loi du 2 août 2005, prévoit qu’en cas de divorce, si des
dettes ou sûretés ont été consenties par les époux dans le cadre de la gestion d’une entreprise, le Tribunal
peut décider d’en faire supporter la charge exclusive au conjoint qui conserve le patrimoine professionnel.
La garantie autonome étant désormais qualifiée de sûreté, ce texte devrait désormais lui être applicable.
En réalité, cette question est accessoire dans la mesure où la garantie autonome, si elle est appelée,
constituera en toute hypothèse une dette couverte par l’article 1387-1 du Code civil.
L’Ordonnance du 23 mars 2006 devrait encore conforter l’application de l’article 1415 du Code civil à la
garantie autonome.
D’après ce texte, un époux ne peut engager, par un cautionnement, que ses biens propres et ses revenus à
moins que le cautionnement n’ait été contracté avec le consentement exprès de l’autre époux qui, dans ce
cas, n’engage que ses biens propres.
Alors que ce texte ne vise que le cautionnement, la Cour de Cassation en a récemment fait application à
une garantie autonome (Cass. 1ère Civ 20 juin 2006, n° 04-11.037).
Cette jurisprudence devrait être renforcée par la rédaction de l’article 2287-1 du Code civil qui place la
garantie autonome à côté du cautionnement dans la catégorie des sûretés personnelles.
II - Le régime de la garantie autonome
Indépendamment de ces applications particulières, la consécration légale de la garantie autonome
s’effectue à droit constant.
1.
Une codification à droit constant
L’ensemble des auteurs s’accordent ainsi à considérer que la définition de l’article 2321 du Code civil
n’ajoute rien au droit positif et suit les mêmes contours que ceux dégagés par la jurisprudence.
Tel est également le cas de la réserve faite en cas d’abus ou de fraude manifestes.
A cet égard, les Tribunaux ne font pas de distinction entre les notions d’abus et de fraude et considèrent
qu’est abusif et frauduleux l’appel de la garantie par le bénéficiaire qui sait qu’il est sans droit pour le faire
ou l’appel de la contre-garantie par le garant de premier rang qui a connaissance du caractère abusif de
l’appel de la garantie de premier rang.
Encore faut-il également que la fraude ou l’abus revêtent un caractère manifeste, c’est-à-dire s’imposent
comme une évidence, sans qu’il soit besoin d’en faire la démonstration.
Cette appréciation est nécessairement restrictive et suppose que la preuve soit rapportée de la mauvaise foi
flagrante du bénéficiaire qui aura appelé la garantie en ayant conscience de son absence de droit.
Ces restrictions, ainsi que l’inopposabilité des exceptions rappelée à l’alinéa 3 de l’article 2321 du Code
civil, visent à préserver l’indépendance de la garantie autonome par rapport au contrat de base.
Toutefois, ce principe d’autonomie est mis à mal par les dispositions de la loi du 26 juillet 2005 relative à la
procédure de sauvegarde.
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2.
Les atteintes au caractère autonome de la garantie
Alors que la garantie autonome est, par essence, déconnectée du rapport de base, la loi de sauvegarde
l’assimile, à plusieurs reprises au cautionnement qui est, à l’inverse, un engagement accessoire de
l’obligation souscrite par le débiteur principal.
Il résulte ainsi de l’article L. 611-10 du Code de commerce que « les coobligés et les personnes ayant consenti un
cautionnement ou une garantie autonome peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord homologué ».
De même, l’article L. 622-28 alinéa 1 du Code de commerce fait bénéficier les personnes physiques
cautions, coobligées ou ayant donné une garantie autonome à se prévaloir de l’arrêt du cours des intérêts
légaux et conventionnels.
L’alinéa 2 de ce même texte précise, en outre, que « le jugement d’ouverture suspend jusqu’au jugement arrêtant le
plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti un cautionnement
ou une garantie autonome ».
L’article L. 626-11 du Code de commerce autorise, par ailleurs les personnes physiques coobligées ou
ayant souscrit un cautionnement ou une garantie autonome à se prévaloir des dispositions du plan de
sauvegarde.
En revanche, ces mêmes personnes ne peuvent bénéficier des dispositions du plan de redressement
(article L. 631-20 du Code de commerce).
Cette large assimilation de la garantie autonome au cautionnement opérée par la loi de sauvegarde porte
atteinte au principe d’indépendance de la garantie autonome par rapport à l’obligation et risque de faire
perdre à cette sûreté en plein essor une grande partie de son attrait.
En dernier lieu, il convient de relever que l’Ordonnance du 23 mars 2006 apporte quelques restrictions au
champ d’application de la garantie autonome.
3.
Les limites au champ d’application de la garantie autonome
L’article L. 313-10-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de l’Ordonnance du 23 mars
2006, interdit la souscription d’une garantie autonome pour garantir un crédit à la consommation ou un
crédit immobilier.
Par ailleurs, l’Ordonnance sus visée introduit dans la loi du 6 juillet 1989 relative aux baux d’habitation un
nouvel article 22-1-1 qui dispose que « la garantie autonome prévue à l’article 2321 du Code civil ne peut être
souscrite qu’en lieu et place du dépôt de garantie prévu à l’article 22 et que dans la limite du montant » de deux mois de
loyer en principal.
L’existence de ces interdictions et limitations consacre, a contrario, la validité de principe des garanties
autonomes souscrites par des personnes physiques même si le domaine de prédilection de cette sûreté
demeure les relations commerciales internationales.
En définitive, la consécration légale de la garantie autonome devrait aller de pair avec le développement de
ce type de garantie.
On peut craindre cependant que les atteintes portées au principe d’autonomie par la loi du 26 juillet 2005
sur la sauvegarde des entreprises n’en altèrent l’efficacité.
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