Moi, dans les ruines rouges du siècle
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Moi, dans les ruines rouges du siècle
MOI, DANS LES RUINES ROUGES DU SIÈCLE • ŒUVRE 3 À P R O P O S D E . . . M O I , D A N S L E S R U I N E S Œ U V R E 3 D U S I È C L E n R O U G E S Par Olivier Kemeid n Éditions Leméac, 2013 Propos de l’auteur Chers élèves, chers lecteurs, Vous dire tout d’abord à quel point je me sens ému et honoré de compter parmi les finalistes du Prix Sony Labou Tansi. Lorsque j’écris du théâtre, je ne pense qu’à la date de première : premièrement, m’y rendre vivant et en un seul morceau. Ensuite, finir la pièce à temps pour que les acteurs puissent avoir assez d’heures de répétitions, de travail, qu’ils puissent s’approprier mon texte. Vient après la pensée pour le public : va-t-il s’y retrouver ? Aimera-t-il le spectacle, sera-t-il ému, intrigué, provoqué, que sais-je encore ? Mais déjà je commence à prendre du recul : si nous avons bien travaillé tous ensemble, la pièce est devenu un objet artistique à part entière et ne m’appartient plus tout à fait… Le temps le plus serein – et sans doute le plus riche – est celui du contact avec des lecteurs ou des spectateurs après la création de la pièce. Parfois des années plus tard. L’auteur a enfin réussi à évacuer sa panique reliée aux affres de la création, il n’est plus sous pression, il peut même avoir un semblant de détachement (jamais tout à fait cela dit), il peut parler de son sujet de manière posée. C’est à ce point que vous arrivez, c’est à ce point que je vous rencontre et j’en suis vraiment heureux. Cette sélection représente donc un autre moment important sur la route si particulière de Moi, dans les ruines rouges du siècle – oui, une route si particulière que je ne sais exactement où elle commence. Par ma rencontre avec Sasha Samar, dont la vie est racontée dans la pièce ? En 2005 donc, quand il joue dans l’une de mes pièces au Théâtre de Quat’Sous, à Montréal… Ou alors par son arrivée au Canada, en 1996 ? Ou par sa naissance en 1969, dans cette Ukraine soviétique aujourd’hui tristement sous les feux des projecteurs ? Peut-être le plus simple serait de remonter à cet automne très froid dans la très belle ville de Québec, nous sommes en 2010, Sasha Samar est déjà mon ami depuis quelques années… En 2005, réunis par le metteur en scène Éric Jean, nous avons participé à un projet théâtral intitulé Les Mains. À la suite d’improvisations des acteurs, j’écrivais un texte ; Sasha y jouait avec sa femme et son fils – déjà l’importance de la famille et la jonction entre la réalité et la scène. Sasha m’avait raconté quelques bribes de sa vie, rien de plus. Automne 2010 donc, nous voilà dans un café et Sasha qui veut absolument qu’on retravaille ensemble. Comme toujours, il bouillonne de propositions, me parle d’une nouvelle de Tchekhov qu’on pourrait adapter, ou une de Pirandello. Je l’écoute. Ça ne me dit rien. Il patauge : Sasha, il veut travailler ; il parle bien le français mais avec un accent prononcé : à Montréal, cela fait peur aux producteurs qui ne l’engagent pas et lui font passer peu d’auditions. Puis, d’une voix toute faible, gênée – presqu’un souffle – il me dit : « Sinon il y a aussi, je ne sais pas trop, c’est peut-être un peu prétentieux, mais… bon, il y aurait peut-être ma vie qui pourrait nous inspirer, mais peut-être pas aussi… ». Et moi, ça tombe bien, j’ai envie qu’on me raconte une histoire, qu’il me parle de sa vie, alors je lui dis : « Raconte ». Et il part. Son récit va durer trois mois, à coup de trois heures par semaine, parfois plus. Je prends des notes comme un fou, je me fais une tendinite au poignet, je noircis 75 pages d’un cahier. Je n’ai aucun objectif, je fais juste prendre des notes. À la fin de son récit, je ne sais pas si j’ai un roman, un film, un poème, une pièce de théâtre ou tout cela à la fois. Mais je sais que l’histoire qu’il vient de me raconter est certainement l’histoire la plus extraordinaire qu’il m’ait été donné d’entendre. La suite va aller plus rondement : après avoir lu mes notes, je me rends compte que Sasha, homme de théâtre, m’a 29 PRIX SONY LABOU TANSI • DOSSIER PÉDAGOGIQUE 2014-2015 inconsciemment raconté sa vie sous forme de scènes. Ajoutez à cela que le preneur de notes, c’est-àdire moi, a sans doute de par sa déformation théâtrale poursuivi la construction mentale en scènes ou tableaux, et la conclusion est implacable : je détiens là du matériel pour écrire une pièce. Mais mon envie n’était pas d’écrire une biographie, ni de proposer un théâtre-documentaire. Le témoignage en tant que tel ne m’intéresse pas ; Sasha non plus. Il me dit d’ailleurs : fais ce que tu veux avec ça. Alors je lui demande si je peux partir, seul, plusieurs mois, avec ces notes, ne plus lui parler, trouver ma voie, ma voix aussi dans cet océan d’événements bouleversants, et il me fait l’un des plus beaux cadeaux reçus à ce jour, il me dit « oui ». Je pars, j’écris, j’écris, je transforme, je crée, travestis, modifie, fusionne, mêle les cartes. Je suis un imposteur : ni Ukrainien ni Sasha Samar, j’écris à partir de sa vie. Mais tout acte d’écriture n’est-il pas acte d’imposture ? Moi, un homme, j’écris des personnages de femmes, de vieillards, d’enfants, quel que soit le sujet, alors un Ukrainien des années 80, pourquoi pas… Quand je reviens à Sasha avec le texte – une première version qui connaîtra beaucoup de modifications – il est évidemment très ému : j’ai gardé le prénom des personnes qui l’ont entouré, ai inventé la rencontre de ses parents, me suis permis de plonger dans des zones très personnelles. Je lui redonne une famille, d’abord sur papier, puis ensuite en composant la troupe car c’est moi qui mettrai la pièce en scène. Nous prenons des acteurs québécois ; c’est important pour Sasha qu’il puisse raconter sa vie aux côtés de ceux chez qui il a décidé d’émigrer en 1996. Sasha jouera donc son propre rôle, prêt à revoir son père mourir et sa mère l’abandonner, chaque soir, en janvier 2012 au Théâtre d’Aujourd’hui. L’accueil qu’il a reçu, à la création de la pièce, fut un tel choc qu’il m’a avoué le concevoir comme son véritable accueil au pays, plus concret, plus vrai que celui de l’émigration en 1996. Le soir de première, il a eu une pensée pour ses parents et leur a secrètement dédié la représentation ; j’aime croire que leur présence bienveillante à nos côtés a su nous aider. Nous aider à quoi ? À être à la hauteur du récit et de la vie de Sasha je crois, tout simplement. Une dernière anecdote, merveilleux exemple du travail de création théâtrale. Dans une version antérieure, le personnage de Galina ne disait rien lors de la scène finale de retrouvailles avec Sasha. Je n’arrivais pas à lui écrire une seule réplique ; l’émotion de voir enfin son fils était telle que la scène, pour moi, se passait de mots. La comédienne qui a créé le personnage de Galina, Annick Bergeron, est venue me voir quatre jours avant la première : « Olivier, c’est impossible que Galina ne parle pas. Elle doit lui laisser quelque chose. Elle ne peut pas se murer dans le silence après toutes ces années ; elle n’est pas obligée d’expliquer son abandon mais elle doit parler. » Ce n’était pas un caprice d’actrice, mais bien une profonde compréhension du sens de la pièce, du spectacle, du personnage, animé par un désir de rendre justice à ces personnages qui ont existé. Je me suis mis à écrire le monologue de la fin, d’une traite, dans la nuit. Annick avait encore le papier à la générale et à la première, elle l’a livré pour la première fois. Un an plus tard, Sasha a réussi à rejoindre les enfants de Galina, ceux qu’elle avait eus avec son nouveau mari. Ils ont envoyé à Sasha une lettre que Galina avait conservée, et qui lui était destinée. Cette lettre, que Sasha n’avait jamais lue, reproduit, à quelques mots près, le monologue final de Galina. Olivier Kemeid, 12 novembre 2014, Montréal 30 MOI, DANS LES RUINES ROUGES DU SIÈCLE • ŒUVRE 3 Moi, dans les ruines rouges du siècle Olivier Kemeid, Éditions Leméac, 2013 Présentation de l’auteur Olivier Kemeid est né en 1975 à Montréal. Après des études en sciences politiques et en philosophie, il suit les cours de l’École nationale de théâtre du Canada en écriture dramatique. Il est aujourd’hui auteur, comédien, scénariste, metteur en scène, membre fondateur de la compagnie Trois Tristes Tigres et ancien directeur artistique d’Espace Libre (2006-2010). http://www.cead.qc.ca/_cead_repertoire/id_auteur/1433 http://www.theatredaujourdhui.qc.ca/archives/artistes/olivierkemeid Cadre spatio-temporel Prologue et épilogue se situent en 2012 au Québec ; les autres scènes se déroulent en Ukraine entre 1969 et 1996. Résumé Sasha est le narrateur de cette histoire, c’est un personnage inspiré de la vie de Sasha Samar, acteur d’origine ukrainienne. Élevé par son père en Ukraine, le jeune Sasha tente de lever le mensonge que son père entretient sur l’identité de sa mère. Il décide de retrouver sa mère. Aussi, veut-il devenir célèbre pour que sa mère puisse le reconnaître à la télévision. Au fil de son récit, il convoque les personnages qui ont marqué sa jeunesse : Anton, son ami acteur, Ludmilla, son premier amour, mais aussi le cosmonaute Youri Gagarine ou bien la gymnaste Nadia Comaneci. Entre l’explosion de Tchernobyl qui emporte son père et les réformes de la Perestroïka sous Gorbatchev, il poursuit sa quête dans une URSS qui se désagrège. Il parvient finalement à une ultime rencontre avec sa mère avant d’émigrer au Québec pour se construire une nouvelle vie. 31 PRIX SONY LABOU TANSI • DOSSIER PÉDAGOGIQUE 2014-2015 Structure Un prologue et un épilogue encadrent 26 scènes placées dans l’ordre chronologique. Mais structure non linéaire : le personnage de Sasha se fait tantôt narrateur racontant ses souvenirs, tantôt acteur rejouant les scènes du passé, livrant un récit fragmenté où se mêlent effet de réel et effet de fiction. Thématiques Le mensonge : la pièce est construite sur l’entremêlement de l’histoire personnelle de Sacha Samar et de l’histoire de l’URSS. Le point de convergence de ces deux histoires est la place qu’y tient le mensonge : le mensonge de Vassili sur la mère de Sacha pour protéger son fils et le mensonge d’État baignant la propagande soviétique pour promouvoir la croyance en un avenir radieux. Pour Sasha, sortir du mensonge, c’est retrouver sa mère mais aussi voir disparaître les idéaux qui ont baigné sa jeunesse. n n Théâtre et histoire : cette pièce décrit le système soviétique vu de l’intérieur, par des situations de la vie quotidienne souvent drôles, par le prisme des yeux d’enfant. L’idéologie est évoquée à travers les héros soviétiques et le père de Sasha représente l’archétype de l’ouvrier dévoué à la grandeur de son pays. Cependant, cette pièce, bien documentée, s’éloigne du théâtre documentaire comme du théâtre à thèse. Dès le prologue le « je » annonce un récit singulier qui convoque mais aussi interroge le passé. Les faits relatés sont sélectionnés et questionnés par le jeu des réminiscences de Sasha, construisant un récit explicitement subjectif et mémoriel. Le personnage de Sasha tente de mettre en scène son histoire, qui n’est pas l’Histoire mais qui ouvre au lecteur un questionnement sur l’histoire du XXe siècle. Les relations père/fils : l’absence de la mère crée un lien fort entre père et fils, chacun cherchant à protéger l’autre. Tantôt Sasha s’accommode du monde fictif que son père lui a construit, tantôt il se révolte et demande des comptes. Connivence et disputes alternent mais jamais la parole n’est rompue : des dialogues imaginaires font irruption, où père et fils commentent ensemble les scènes du passé en train d’être jouées. Sasha peut alors exprimer tout ce qu’il n’a pas pu dire à son père dans son enfance. n Personnages Des personnages réels et imaginaires se côtoient. Sasha, narrateur, acteur d’origine ukrainienne vivant au Québec. Vassili, mineur, son père aimant et possessif. Galina, sa mère, femme éprise de liberté, idéalisée ; ses interventions prennent une forme réelle ou bien fantasmée. Anton, son ami acteur qui gagne sa vie en interprétant Lénine. Ludmilla, son premier amour, elle attend avec impatience les changements promis par la Perestroïka. Font leur apparition un voisin, une fausse mère, l’ouvrier Vladimir, une kolkhozienne, l’institutrice Anna Anatolievna. Youri Gagarine et Nadia Comaneci viennent aussi animer les rêveries de Sasha. n 32 MOI, DANS LES RUINES ROUGES DU SIÈCLE • ŒUVRE 3 Langue Pas de difficulté de langue. Éléments scéniques Les didascalies précisent le lieu et l’action des personnages. Niveau de difficulté Nécessite quelques repères sur l’histoire de l’URSS. Extraits significatifs 9. LES JEUX OLYMPIQUES Appartement Vassili, tout fier, allume sa télévision. VASSILI. Elle est belle non ? La première télévision en couleurs du quartier ! SASHA. Mais il y a que du rouge ! VASSILI. Oui pour l’instant mais les autres couleurs apparaîtront Patience […] VOISIN. Oh taisez-vous taisez-vous c’est Nadia Comaneci Ils regardent Nadia Comaneci qui apparaît sur scène et effectue ses figures sur la poutre. Ils sont très impressionnés. Qu’est-ce qu’elle est belle ! Comme elle est souple et légère on dirait une fée C’est une fée C’est la plus grande gymnaste de tous les temps Moi je vous dis qu’elle va remporter encore plus de médailles qu’à Montréal Rien ne l’arrête ! Regardez tout ce qu’elle fait pour nous Elle est des nôtres Elle est notre reine Tous s’arrêtent, même Nadia Comaneci, et regardent le voisin. Pardon Je veux dire Elle est notre héroïne du prolétariat belle comme une paysanne à l’ombre des lauriers en fleurs NADIA COMANECI. Je suis venue dire au monde entier Qu’il y a une personne sans qui rien de tout cela ne serait possible Qu’il y a une personne à qui je pense tout le temps et qui me donne tout l’équilibre dont j’ai besoin. 33 PRIX SONY LABOU TANSI • DOSSIER PÉDAGOGIQUE 2014-2015 Qu’il y a une personne qui ne quitte jamais la région de mon coeur VOISIN. LÉNINE ! C’EST LÉNINE J’EN SUIS SÛR ! NADIA COMANECI. Pour certains il se nomme Alexandre Vassilievitch VOISIN. Elle se trompe ce n’est pas son nom à Lénine elle est trop émue c’est pour ça NADIA COMANECI. Mais pour moi Il s’appelle tout simplement Sasha. SASHA. Moi aussi je t’aime Nadia Elena Comaneci. NADIA COMANECI. Viens me rejoindre. Je suis au Palais des Sports du Stade Lénine SASHA. Je peux pas Je dois aller m’entraîner à la patinoire pour devenir le champion de l’équipe nationale ukrainienne NADIA COMANECI. Toi aussi tu veux faire les Jeux olympiques ? SASHA. Oui Nadia. NADIA COMANECI. Toi aussi tu veux des médailles ? SASHA. Les médailles je m’en fous Nadia Ce que je veux c’est devenir célèbre et passer à la télévision pour qu’un jour ma mère me reconnaisse et dise. GALINA. C’est lui. C’est Sasha. C’est mon fils. Liens utiles Vidéos de présentation du spectacle mis en scène par O. Kemeid : https://www.youtube.com/watch?v=cwzK5887Wl0 n Dossier pédagogique contenant la genèse du projet, la présentation du spectacle et le contexte historique soviétique : seizieme.ca/wp-content/.../10/Ruines-rouges-dossier-pedagogique.pdf n Lexique Armée rouge : armée mise sur pied dans l’ancien Empire russe par le nouveau pouvoir bolchevik, à la suite de la Révolution d’Octobre, afin de combattre la contre révolution des armées blanches soutenues par les puissances étrangères (France, Royaume-Uni, Tchécoslovaquie, États-Unis, Empire du Japon). n n Baïkonour : anciennement Leninsk, ville du Kazakhstan administrée par la Russie par un accord bilatéral jusqu’en 2050. Elle s’est développée autour du cosmodrome de Baïkonour et a été officiellement rebaptisée Baïkonour le 20 décembre 1995. n (théâtre) Bolchoï : scène prestigieuse de Moscou. n Caucase : région d’Eurasie constituée de montagnes. n Féodor Dostoievski (1821-1881) : un des plus grands romanciers russes. 34 MOI, DANS LES RUINES ROUGES DU SIÈCLE • ŒUVRE 3 n Sergueï Eisenstein (1898-1948) : réalisateur russe, père du montage cinématographique. n Maxime Gorki (1868-1936) : écrivain russe engagé politiquement et intellectuellement, fondateur du réalisme socialiste. n Goulag : organisme central gérant les camps de travail forcé en Union soviétique. n Kazakh : langue appartenant à la famille des langues turques / peuple d’origine turco-mongole résidant au Kazakhstan. n Kazan : ville de Russie et capitale de la république du Tatarstan. Kazan est un centre universitaire et industriel ainsi qu’un important nœud de communications. C’est également le centre religieux musulman de Russie. n Kolkhoze : coopérative agricole en Union soviétique où les terres, outils, bétail étaient mis en commun. n Kommunalka : appartement en commun, appartement partagé en Union soviétique où deux foyers ou plus disposent chacun d’une pièce au sein de l’appartement, se partageant une salle d’eau et une cuisine. n Krivoy Rog : ville industrielle en Ukraine. n Karl Marx (1818-1883) : historien, journaliste, philosophe, économiste, sociologue, essayiste et théoricien révolutionnaire socialiste et communiste allemand. n Orthodoxe : conforme à un dogme religieux, à une doctrine ou encore aux usages. n Pacte de Varsovie : alliance militaire créée en 1955 regroupant l’URSS et les Démocraties Populaires d’Europe de l’Est au temps de la guerre froide. Nikita Khrouchtchev, qui en fut l’artisan, l’avait conçu comme un contrepoids à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) de 1949. n Joseph Staline (1879-1953) : homme fort de l’URSS pendant plus d’un quart de siècle, Staline fut l’un des acteurs majeurs de l’histoire contemporaine. « Petit père des peuples » et fondateur des goulags, il est à la fois le grand vainqueur d’Hitler, le modernisateur de l’URSS et l’artisan d’une terreur généralisée dans son pays. n Tatiana Stepanova (1962- ) : maîtresse de ballet, chorégraphe, danseuse, critique, essayiste et historienne de la danse russe. n Stolovaya : cafétéria ou cantine russe. n Viktor Tikhonov (1930- ) : joueur et entraîneur de hockey sur glace d’URSS. n Léon Trotsky (1879-1940) : révolutionnaire et homme politique soviétique, il est le principal acteur, avec Lénine, de la Révolution d’Octobre qui permet aux bolcheviks d’arriver au pouvoir. Durant la guerre civile russe qui s’ensuit, il fonde l’armée rouge et se montre partisan de mesures de terreur : son action contribue à la victoire des bolcheviks et à la survie du régime soviétique. Il est dès lors, et durant plusieurs années, l’un des plus importants dirigeants de l’internationale communiste et de l’URSS naissante. Mais il meurt assassiné sur l’ordre de Staline. n Tupolev : entreprise russe de défense et de conception aérospatiale. n Walkman : baladeur cassette vendu depuis 1979. 35 MOI, DANS LES RUINES ROUGES DU SIÈCLE • ŒUVRE 3 P R O P O S I T I O N S P É D A G O Q I Q U E S n Œ U V R E 3 I. Quelques pistes pour faire entrer les élèves dans l’œuvre : quand petite et grande histoire se mêlent... Un récit biographique 1. Document d’appui À l’occasion de la création du spectacle, la compagnie Trois Tristes Tigres a proposé un dossier numérique exposant l’origine du projet, la présentation de l’équipe artistique et quelques photographies du spectacle. En page 6 du document, un texte d’Olivier Kemeid rappelle la genèse du projet. Référence du site http://www.troistristestigres.com/resources/doc%20pr%C3%A9sentation%20Ruines.pdf 2. Activités Étudiez le titre de l’œuvre et le prologue. Distinguez les éléments biographiques et les éléments historiques. Retrouvez dans « la genèse du projet » les intentions formulées par l’auteur. Le contexte historique 1. Document d’appui : tableau synoptique Année 2012 Moi, dans les ruines rouges du siècle Contexte historique Prologue L’Ukraine est une des 15 républiques constituant l’URSS. 1. San Remo Printemps de Prague (1968) : série de réformes visant à assouplir le régime communiste en Tchécoslovaquie mais l’armée Rouge envahit la Tchécoslovaquie et met fin au gouvernement tchèque de Dubcek, stoppant tout espoir de libéralisation. 1969 2. Naissance 1970 3. L’accident dans la mine 1972 4. La chute du cosmonaute Youri Gagarine (1934-1968) : premier homme à avoir effectué un vol dans l’espace en 1961 dans le cadre du programme spatial soviétique. La compétition entre Américains et Soviétiques pendant la Guerre Froide se place aussi sur le terrain scientifique. 5. Dans les trains Grande famine en 1932/1933 provoquée par les réquisitions forcées des den« ton grand-père a connu rées alimentaires dans les campagnes ukrainiennes. Le nombre de victime cette plaine infinie bleuie par est estimé entre 2 et 6 millions de morts. les cadavres glacés » 6. Le dernier souper 7. L’usine 8. La vie fausse 1980 9. Les Jeux Olympiques Nadia Comaneci (1961- ) est une célèbre gymnaste roumaine médaillée d’or aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976. En 1980, elle participe pour la deuxième fois aux Jeux Olympiques, qui se tiennent cette année-là à Moscou. 37 PRIX SONY LABOU TANSI • DOSSIER PÉDAGOGIQUE 2014-2015 10. Pinocchio Leonid Brejnev (1906-1982) : homme politique soviétique, il remplace Khrouchtchev au poste de secrétaire général de l‘Union soviétique, il est donc le principal dirigeant de l’URSS de 1964 à sa mort. 11. Le démon blond 12. Le souffle au cœur 13. Lénine et Nevski Alexandre Nevsky, héros national russe, il bat les Suédois en 1240 à la bataille de Néva puis les chevaliers Teutoniques sur les glaces du lac Peïpous en 1242. De cette seconde victoire, aussi appelée « bataille de la Glace », va sortir la nation russe. Cette figure historique est reprise dans la propagande soviétique : en 1938, Serge Eisenstein réalise un film intitulé Alexandre Nevski. Ce film de commande voulu par Staline devait raviver le nationalisme russe à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Lénine (Vladimir Ilitch Oulianov / 1870-1924) : considéré comme le père de la révolution russe. Il orchestre la révolution d’octobre 1917 et la prise de pouvoir des bolcheviks (communistes russes) puis dirige la Russie, baptisée URSS en 1922, jusqu’à sa mort en 1924. S’inspirant des idées de Karl Marx, il réorganise le pays sur la base d’un parti unique au pouvoir et sur la collectivisation des terres et des usines. 14. Dona Summer 1986 15. Tchernobyl 1986 16. Radiations « Fin d’été 1986, j’ai dix-sept ans » Tchernobyl : accident nucléaire classé au niveau 7, le plus élevé, sur l’échelle internationale des événements nucléaires (INES) qui a eu lieu le 26 avril 1986 dans la centrale Lénine, en Ukraine. 17. Sous la pluie 18. Les liquidateurs 1987 19. L’appel aux armes Guerre en Afghanistan : pour soutenir le régime marxiste-léniniste de Kaboul, l’armée soviétique entre en Afghanistan en décembre 1979. l’URSS occupe le pays jusqu’en 1988. 20. Dans les steppes du Kazakhstan 1989 21. Retrouvailles 22. Le nouveau monde 23. Perestroïka Mikhaïl Gorbatchev (1931- ) : homme d’État soviétique qui dirigea l’URSS entre 1985 et 1991. Résolument réformateur, il s’engagea à l’extérieur vers la fin de la guerre froide, et lança à l’intérieur la libéralisation économique, culturelle et politique connue sous les noms de Perestroïka (« reconstruction », réformes économiques) et de Glasnost (« transparence », politique de liberté d’expression). 24. Kalouch 1990/1991 38 25. Dislocation Anton « Le 1er mai 1990 Gorbatechev et moi sommes hués sur la place rouge. Le 12 juin 1991 Boris Eltsine nouveau président de la Fédération de Russie » Dislocation de l’URSS : Le 9 novembre 1989, c’est la chute du mur de Berlin ; en décembre 1989, toutes les Démocraties Populaires d’Europe de l’Est se sont effondrées. À partir de 1990, c’est à l’intérieur même de l’URSS que la contestation s’amplifie : la situation économique et sociale est de plus en plus difficile, Gorbatchev est contesté à la fois par les conservateurs qui veulent stopper les réformes et par les libéraux qui veulent accélérer la libéralisation. Dans ce contexte, les 15 républiques soviétiques proclament une à une leur indépendance. Boris Eltsine est élu président de la Russie. Représentant d’un pays qui, de fait, n’existe plus, Gorbatchev démissionne le 25 décembre 1991 : l’URSS disparaît. MOI, DANS LES RUINES ROUGES DU SIÈCLE • ŒUVRE 3 1994 26. Téléphonistes 2012 Épilogue 1. Activités Ce tableau peut être un outil de lecture, il éclaire le contexte historique de l’URSS. Il peut être aussi construit par les élèves : dans la colonne « contexte historique », laisser uniquement les éléments en gras et demander aux élèves de rechercher les événements et personnages évoqués. Ce tableau permet aussi une première approche de la construction de la pièce. Faire observer les dates et les titres pour amorcer l’idée d’un récit non linéaire : sauts entre présent et passé ; titres qui reflètent les diverses entrées dans le récit (par un lieu, par une situation, par un personnage, par un événement…). L’histoire de l’URSS 1. Document d’appui Sculpture « L’ouvrier et la kolkhozienne » de Vera Moukhina destinée à orner le pavillon de l’URSS lors de l’exposition Universelle de 1937 à Paris. Référence du site http://www.photo.rmn.fr/archive/11-524260-2C6NU0MV1U3M.html 2. Activités En quoi cette sculpture résume-t-elle l’idéologie portée par l’URSS ? Lire la scène 7. Dans ce passage, Sasha visite l’usine où travaille son père Vassili. Relevez les éléments évoquant l’Ukraine soviétique (personnages, texte, didascalies). II. Quelques pistes pour amener les élèves plus loin dans l’œuvre A- la compréhension de l ’ œuvre L’histoire de l’URSS de Brejnev à Gorbatchev 1. Documents d’appui : deux vidéos, deux portraits réalisés par des journalistes à l’occasion des visites officielles des chefs d’État soviétiques en France à deux époques différentes. Référence des sites n Portrait de Léonid Brejnev, archives de l’INA, 1971 http://www.ina.fr/video/CAF97511868 n Le parcours de Gorbatchev, archives de l’INA, 1990 https://www.youtube.com/watch?v=YBiQlW09XCA 2. Activités Ces deux documents éclairent l’histoire politique de l’URSS. Ils posent aussi la question du point de vue : deux journalistes occidentaux portent un regard sur l’URSS. Questions possibles : à quelle occasion ces portraits furent réalisés ? Par qui ? Comment les éléments historiques sont utilisés dans la pièce ? En quoi les personnages de la pièce sont porteurs de points de vue différents ? 39 PRIX SONY LABOU TANSI • DOSSIER PÉDAGOGIQUE 2014-2015 La construction d’une histoire officielle 1. Documents d’appui Sur le site de « l’Histoire par l’image », deux photographies de 1920 ; l’une représente Lénine hissé sur une tribune et haranguant la foule ; l’autre est la même photographie retouchée dans les années 1930 sur décision de Staline soucieux de faire disparaître de l’histoire officielle Trotski et Kamenev (sur l’escalier de la tribune), ses adversaires politiques. Référence du site à consulter http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=573&d=1&m=l%C3%A9nine 2. Activités Décrivez la mise en scène de cette photographie de propagande. Dans la pièce, en quoi le personnage de Sacha se fait le metteur en scène de sa propre histoire ? Histoire et écriture théâtrale, l’exemple de Tchernobyl 1. Document d’appui : vidéo documentaire de Emanuela Andrevli et Wladimir Tchertkoff ; 24 mn [avertissement : passages très poignants]. Référence du site à consulter https://www.youtube.com/watch?v=NTWt13WwX4E&app=desktop Le réalisateur a suivi, pendant 15 ans, cinq liquidateurs de Tchernobyl. En plus d’images prises juste après la catastrophe, il présente ici les témoignages de ces hommes qui se sont sacrifiés afin d’éviter une plus grande catastrophe encore. 2. Activités a- Premier extrait (15. Tchernobyl ; p. 69 à 71. Identifiez le passage qui marque un changement de registre dans ce monologue. Caractérisez chaque registre ; b- Second extrait (18. Les liquidateurs ; p. 82 à 84). Caractérisez les deux points de vue exposés. Quel effet produit cette juxtaposition ? Dans cette scène, comment évolue le personnage de Vassili par rapport au début de la pièce ? c- À partir de ces deux extraits, montrez que l’auteur utilise différents procédés pour traiter l’Histoire sous une forme théâtrale. B- la dimension théâtrale de l ’ œuvre Décor et scénographie 1. Document d’appui : photographies du spectacle d’Olivier Kemeid. Référence du site à consulter http://www.troitristestigres.com/ressources/doc%20pr%C3%A9sentation%20Ruines.pdf 40 MOI, DANS LES RUINES ROUGES DU SIÈCLE • ŒUVRE 3 2. Activités À partir de la photographie page 12, étudiez la scénographie. Parcourez l’ensemble des photographies proposées dans le dossier, identifiez les différentes scènes et décrivez-les. Jeu 1. Activité Imaginez une mise en espace et/ou une mise en jeu de la scène 3 (p. 16 à 19) prenant en compte la double dispute, celle de Vassili et Galina, celle de Sasha et son père. Mise en scène 1. Document d’appui : extrait vidéo du spectacle mis en scène par Olivier Kemeid. Référence du site à consulter https://www.youtube.com/watch?v=cwzK5887W10 2. Activités Pour jouer Sasha, Olivier Kemeid a choisi Sasha Samar, l’acteur qui a inspiré le personnage. Ce choix peut-il influer sur le travail d’acteur ? En quoi cette distribution peut-elle modifier la perception de la pièce pour le spectateur ? C- la construction d ’ un point de vue personnel sur l ’ œuvre Rendre compte des désordres du monde 1. Document d’appui : Vidéo sur le site du journal Le Monde « Ukraine : comprendre les origines de la crise en 5 minutes ». Le document montre les différents enjeux de la guerre, interroge sur l’Ukraine prise entre recherche d’identité et enjeux géopolitiques. Référence du site à consulter http://abonnes.lemonde.fr/europe/video/2014/02/27/pourquoi-l-ukraine-est-elle-tiraillee-entre-europeet-russie_4375125_3214.html 2. Activités La lecture de la pièce permet-elle, d’après vous, d’éclairer la réflexion sur la situation ukrainienne actuelle ? Bilan : ce qui m’a intéressé dans ce texte 1. Activités Rédigez un texte exposant votre avis sur la pièce et comprenant au moins trois arguments. Vous pouvez vous appuyer sur les thèmes suivants ou bien en formuler d’autres : le mélange entre fiction et réel / la quête du personnage de Sasha / les relations père-fils / les situations tragi-comiques / la réflexion sur le monde d’aujourd’hui. 41