Impact des levures sur la composition aromatique des vins

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Impact des levures sur la composition aromatique des vins
Impact des levures sur la composition aromatique des vins
Responsables du projet : F.KARST, J-L.LEGRAS
Financement du projet :
Ce projet bénéficie du soutient du CIVA, de la région Alsace et de Viniflhor
Début: Novembre 2007
Introduction
La qualité aromatique est sans aucun doute la qualité la plus essentielle des vins.
Elle forge l’identité du produit, et est un des premiers arguments de vente.
La composition aromatique d’un vin résulte en premier lieu de la richesse du raisin en
composés aromatiques ou en précurseurs. Les terpénols par exemple sont des molécules
aromatiques essentielles, dont la nature et les taux présents dans les raisins constituent une
sorte de « signature » des différents cépages (Duchêne et al. 2009), dont l’expression est
modulée par les terroirs (Dirninger et al, 1998,). Ce potentiel aromatique initial du raisin est
cependant largement modifié lors de la vinification, sous l’effet conjugué de modifications
physico-chimiques et sous l’action des microorganismes. Lors de la fermentation, la levure
Saccharomyces cerevisiae agit sur les composés terpéniques en hydrolysant les glycosides,
et en isomérisant ou en réduisant les alcools terpéniques libérés comme le géraniol pour
donner du citronellol ou encore du geranyl diol et donner du cis rose oxyde, l’un des
composés d’arome clé du gewurztraminer (Koslitz et al. 2008). A côté de ces composés
produits par le raisin, les ethyl esters qui sont produits par la levure en fermentation, et donc
plus ubiquistes, jouent un rôle essentiel dans l’arôme global d’un vin comme le
gewurztraminer (Guth, 1997) alors que leur synthèse est mal connue.
Aussi les différents volets de ce projet ont pour objectifs de préciser les mécanismes
physiologiques impliqués dans la synthèse et le métabolisme de ces composés aromatiques
caractéristiques du cépage gewurztraminer par la levure S. cerevisiae.
Mise au point d’une méthode de dosage rapide des composés
volatils des vins
Le dosage des composés volatils des vins
repose
le
plus
souvent
sur
la
chromatographie en phase gazeuse, qui
requiert l’utilisation d’une méthode lourde
d’extraction et souvent de concentration
des composés. Au cours des dernières
années,
l’apparition
de
matériels
analytiques
plus
sensibles
a
progressivement
permis
de
simplifier
ces
étapes
d’extraction.
L’utilisation de ces nouvelles techniques
est cependant subordonnée à leur
validation, c’est à dire à la vérification de
leur fiabilité et de leur reproductibilité pour
les analyses envisagées. Nous avons
ainsi développé, pour nos analyses, une
technique ultra rapide appelée : Extraction
par adsorption sur un barreau d’agitation
(Stir Bar Sorbent Extraction) (Figure 1).
Cette technique est basée sur l’affinité
des composés volatils du vin pour un
polymère déposé à la surface d’un petit
barreau aimanté.
Elle nous permet d’extraire
très
simplement les composés principaux du
vin en trois heures et de les analyser en
chromatographie en phase gazeuse.
L’adaptation de cette technique
à
l’analyse du pool aromatique global des
moûts est à l’étude. Nous disposerons
alors d’une technique spécifique et rapide
pour apprécier le potentiel aromatique des
moûts.
Figure 1 : Extraction par barreau
Synthèse d’ethyl-esters d’acides gras par S. cerevisiae
Les esters éthyliques d’acides gras à
chaîne moyenne n’existent pas dans les
moûts de raisin. Ils sont synthétisés par
les levures au cours de la fermentation
alcoolique et sont présents à des taux
variables dans les vins auxquels ils
confèrent des arômes fruités. Leur
présence est nécessaire à la typicité d’un
vin comme
le gewurztraminer (Guth,
1997). Les enzymes impliquées dans le
métabolisme de ces acides gras et de
leurs esters par les levures sont mal
connues. Cependant il a été montré tout
récemment que l’une d’elle, codée par le
gène EEB1, est responsable d’une part
importante des différences observées
entre les profils des composés volatils
produits par différentes
vinification (Figure 2).
levures
Figure 2 : levure œnologique
en
Nous étudions la synthèse de ces ethyl ester sous l’angle de la détoxication de l’acide
décanoique produit en fermentation, en utilisant des techniques classiques de génétique
moléculaire. Ceci doit nous permettre de mieux caractériser le rôle du gène EEB1 dans la
synthèse des éthyl ester.
Rôle de S. cerevisiae dans la perte et de la transformation des
terpénols
Les
levures
œnologiques
peuvent
influencer de deux façons contradictoires
la présence de terpénols libres dans le
vin : en libérant les terpénols des
glycosides auxquels ils sont liés dans le
raisin (Ugliano et al., 2006), et en
assimilant ou transformant les terpénols
libres du raisin.
Le taux de terpénols libres diminue
largement au cours de la fermentation,
cette diminution pouvant aller jusqu’à 50%
des terpénols initialement présents. Cette
diminution peut être en partie imputée à
des transformations chimiques, mais la
majeure partie en est due à l’action des
levures. Il a été montré que la disparition
du géraniol était souche-dépendante.
Le devenir du géraniol ainsi absorbé par
les levures est inconnu, même si une
incorporation dans les stérols a été
suggérée (Vaudano et al., 2004). Par
ailleurs, les levures sont également
capables
de
transformer
les
monoterpènes. Une partie du géraniol est
ainsi transformée en citronellol. Il a
également été montré que différentes
espèces de levures de bière transforment
les monoterpénols, mais que les voies
métaboliques mises en oeuvre ne sont
pas identiques, puisque les produits
diffèrent selon les espèces (King and
Dickinson, 2000).
Nous nous proposons d’étudier les voies
biochimiques et les enzymes impliquées
dans ces transformations, en combinant
des approches biochimiques et de
génétique quantitative.
Figure 3 : Grappe de Gewurztraminer Rs
Conclusions
Les travaux en cours devraient nous permettre la mise en évidence des voies métaboliques
impliquées dans l’assimilation et la transformation des terpénols, ainsi que dans la
production d’éthyl esters, à la fois chez S. cerevisiae et chez d’autres levures œnologiques.
L’étude de ces voies dans différentes conditions nous permettra d’évaluer l’impact de
différentes pratiques œnologiques sur la synthèse de ces composés et sur la composition
aromatique des vins.
Enfin, si cela est souhaité, nous envisagerons des stratégies d’amélioration génétique
« classique » de souches œnologique en vue de la maîtrise de la composition aromatique
des vins.
Equipe et Partenaires
INRA UMR SVQV: A Alais, P Claudel, F Karst (directeur de thèse), JL Legras, D Steyer
(thèse cofinancée CIVA Colmar-Région Alsace).
Université de Haute Alsace : C Erny
Ce travail est mené en collaboration avec l’INRA UMR Sciences Pour l’Oenologie de
Montpellier.
Bibliographie
Dirninger, N., Duc, D., Schneider, C., Dumas, V., Asselin, C. et Schaeffer, A. (1998)
Qualité des vins et des terroirs: incidence du milieu naturel sur l’expression aromatique du
gewurztraminer. Sciences des Aliments, 18, 193–209
Duchêne E, Legras JL, Karst F, Merdinoglu D, Claudel P, Jaegli N et Pelsy F (2009)
Variation of linalool and geraniol content within two pairs of aromatic and non-aromatic
grapevine clones Australian Journal of Grape and Wine Research . Sous presse
King A.J., Dickinson, J.R. (2000). Biotransformation of monoterpene alcohols by
Saccharomyces cerevisiae, Torulaspora delbruecki, and Kluyveromyces lactis. Yeast, 16,
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H. Guth H, 45 (1997) Quantitation and Sensory Studies of Character Impact Odorants
of Different White Wine Varieties, Journal of Agricultural and Food Chemistry , 45, 3027–
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King, A. and Dickinson, J.R. (2000). Biotranfsormation of monoterpene alcohols by
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16 : 499-506
Swiegers, J.H., Bartowsky, E.J., Henschke, P.A. and Pretorius, I.S. (2005). Yeast and
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Ugliano, M., Bartowsky, E. J., McCarthy, J., Moio, L. and Henschke, P.A. (2006).
Hydrolysis and transformation of grape glycosidically bound volatile compounds during
fermentation with three Saccharomyces yeast strains – Journal of Agricultural and Food
Chemistry 54, 6322-6331
Vaudano, E., Moruno, E.G., Di Stefano R. (2004). Modulation of geraniol metabolism
during alcohol fermentation (2004) – Journal of the institute of brewing, 110, 213-219