enjeux - Atrium - Collège Jean-de

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ENJEUX
L’espace média des étudiants des cours d’économie, d’histoire, de
politique et de sociologie
La guerre de Tchétchénie et ses impacts actuels
Par Milan Bernard et Mirelle Fournier
L’Histoire des relations Tchétchénie-Russie
Expansion et Domination russe
Au début du XIXe siècle, la Russie impériale connaît une importante
période expansionniste. Elle décide d’étendre sa zone d’influence au
Caucase du Nord.1 La population tchétchène de la région, n’étant pas
tendre à l’idée d’une domination étrangère (et chrétienne), s’opposera,
avec d’autres peuples de la région, à la conquête russe, avec à leur tête
le chef montagnard musulman Chamil.2 Ce n’est qu’après la guerre de
Crimée que les Russes ont pu ralentir le mouvement de résistance
important qui durait depuis presque trente ans. et ont capturé Chamil,
pour continuer leur expansion et la colonisation dans la région.3 En
1864, la guerre du Caucase était officiellement terminée.4
Période de l’Union Soviétique
La Révolution russe de 1917 et la prise de pouvoir des Bolcheviks
arrêteront l’expansionnisme et feront de la Tchétchénie, trois ans plus
tard, une région autonome (Oblast) au sein de l’Union Soviétique.5 Unie
avec l’Ingouchie en un seul oblast en 1934, la région tchétchèneingouche reçoit de Moscou le statut de république en 1936.6 Les
relations s’envenimeront en 1939 lorsque l’autorité soviétique écrase
violemment une révolte tchétchène en réaction à la politique de
collectivisation agricole.7 De plus, en 1944, au sortir de la Seconde
Guerre mondiale, Joseph Staline, sous prétexte d’une collaboration avec
les ennemis de l’Allemagne nazie, dissout la République, massacre une
partie de la population tchétchène-ingouche et déporte le reste vers
1
E.U., services rédactionnels. (s.d.). «(République de) Tchétchénie ». In Encyclopædia
Universalis. En Ligne (Sous conditions). < http://www.universalisedu.com/encyclopedie/republique-de-tchetchenie/# >. Consulté les 24, 25, 26 et 27
mars 2011.
2
Ibid.
3
Ibid.
4
Ibid.
5
Ibid.
6
Ibid.
7
URJEWICZ, Charles. (s.d.). « Tchétchènes ». In Encyclopædia Universalis. En Ligne (Sous
conditions).
< http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/tchetchenes/# >.
Consulté le 26 mars 2011.
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l’Asie centrale.8 Nikita Khrouchtchev réparera l’acte de Staline en 1957
en rétablissant la République et en permettant aux Tchétchènes de
revenir chez eux.9
Démantèlement de l’URSS
Alors que l’implosion de l’Union Soviétique semblait inévitable après le
Putsch de Moscou et la déclaration d’indépendance de plusieurs
républiques, le président Djokhar Doudaïev, un général tchétchène,
proclame l’indépendance de la République, maintenant distincte de
l’Ingouchie, qui s’était distancée des rebelles.10 La République
tchétchène d'Itchkérie, que Doudaïev dirige de Grozny, adopte une
politique agressive, nationaliste et anti-russe, et se détache des
obligations politiques de la Fédération de Russie.11 En 1994, après une
tentative des opposants Doudaïev de le renverser, Boris Eltsine envoie
l’armée russe en Tchétchénie.12
Les Guerres de Tchétchénie
Première Guerre de Tchétchénie (1994-1996)
Afin de conserver le territoire et d’essouffler les mouvements
indépendantistes partout sur le territoire de la Fédération, l’armée
russe entre en Tchétchénie en décembre 1994.13 La résistance
tchétchène est massive, très imposante et importante, et les combats
sont sanglants : le conflit aurait fait plus de 100 000 morts et 400 000
déplacés.14 En mars 1995, les Russes prennent la capitale Grozny, ce qui
n’empêche pas la résistance tchétchène de continuer à travers de
violents combats, malgré plusieurs cessez-le-feu.15 Les négociations sont
tendues entre les deux partis, et les Tchétchènes feront pression pour le
retrait des troupes russes à travers plusieurs coups d’éclat, tels des
prises d’otages en Russie et au Daghestan. C’est cependant la mort de
8
Ibid.; BLANC, André. (s.d.). « Caucase ». In Encyclopædia Universalis. En Ligne (Sous
conditions).
<http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/caucase/#15 >.
Consulté le 26 mars 2011. ; E.U., services rédactionnels.
9
Ibid.
10
E.U., services rédactionnels.
11
Ibid.
12
Ibid.; Encyclopædia Britannica. (s.d.). « Chechnya (Republic Russia) ». In Encyclopædia
Britannica. En Ligne (Sous conditions). <
http://www.britannica.com/EBchecked/topic/108244/Chechnya >. Consulté les 25, 26
et 27 mars 2011.
13
Ibid.; E.U., services rédactionnels.
14
Ibid.; Encyclopædia Britannica.
15
Ibid.; E.U., services rédactionnels.
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Doudaïev, tué par un missile russe en avril 1996, et l’échange de Grozny
qui fera en sorte qu’en 1996 et en 1997, deux « groupes » d’accords de
paix furent signés au Daghestan (Accords de Khassaviourt) et à
Moscou.16 La Russie s’engage à retirer ses troupes, à organiser des
élections libres et à exclure le recours à la force pour le règlement du
conflit, mais reste ambiguë sur le statut et le droit à l’autodétermination
des Tchétchènes.17 En effet, on réserve à plus tard les négociations sur
l’indépendance et cela conduit à une autonomie gouvernementale de
facto. La Tchétchénie est alors dirigée par Aslan Maskhadov.18
Seconde Guerre de Tchétchénie (1999-2000/2009)
Malgré les engagements de la fin de la Première guerre de Tchétchénie,
la Russie du président Vladimir Poutine envahit la région après
l’expansion du conflit daghestanais vers la Tchétchénie et après les
attentats terroristes commis en Russie que le gouvernement attribue à
des islamistes tchétchènes.19 Les soldats tchétchènes, combattant à la
façon des « guérilleros » dans les montagnes caucasiennes, doivent faire
face à l’énorme machine de l’armée fédérale.20 Comme lors de la
Première Guerre, les combats sont violents, on compte encore une fois
plus de 100 000 morts, et les civils paient le prix du conflit.21 Débuté en
décembre 1999 avec d’intenses bombardements, l’assaut sur Grozny se
terminera dans la violence avec la prise de la ville par les Russes le 1er
février 2000.22 Le siège de la capitale sera levé cinq jours plus tard, la
Russie affirmant son contrôle et son autorité sur le territoire.23
Les rebelles tchétchènes, aidés des combattants de l’Émirat du Caucase
et des moudjahidin, continueront de perpétrer, selon les autorités
russes, des actes de guérilla et des attentats terroristes (voitures
piégées, explosions dans le métro, attentats à la bombe) et des prises
16
Ibid.
Ibid.; Encyclopædia Britannica.
18
Ibid.; E.U., services rédactionnels.
19
Encyclopædia Britannica.; E.U., services rédactionnels.; KALININA, Ioulia. 2004.
« Tchétchénie : Dix ans de gâchis - Ce que le Kremlin n'a jamais compris». Le Courrier
International. En Ligne (Sous conditions). 23 décembre, p.14. In Eureka.cc pour
bibliothèque. <http://www.biblio.eureka.cc/WebPages/Search/Result.aspx>. Consulté le
26 mars 2011.
20
Encyclopædia Britannica.
21
E.U., services rédactionnels.
22
Ibid.; Encyclopædia Britannica.
23
Ibid.; BLANC.
17
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d’otages. Ces actes visent des cibles russes, des civils pour la plupart,
principalement à Moscou.24
Les dirigeants tchétchènes se succèdent de façon particulière : après
Aslan Maskhadov, Akhmad Kadyrov prend la tête avant d’être
assassiné.25 Le fils de ce dernier, Ramzan Kadyrov, est désigné par le
gouvernement russe après la démission du successeur de son père, Alou
Alkhanov.26 Le controversé Ramzan Kadyrov utilise ses propres milices
et l’armée russe pour contrôler « la poudrière du Caucase ».
Les Causes historiques de la Guerre
Conquête russe, répression soviétique, exil forcé et contrôle
Les tensions entre les Russes et les Tchétchènes trouvent leurs sources
à plusieurs moments dans l’histoire. En effet, on retrouve dans la
résistance du XIXe siècle à la conquête russe une première source de
discorde.27 De plus, le chef de cette résistance, Chamil, est un patriote
pour les Tchétchènes modernes : on le prend en exemple et les rebelles
s’identifient à lui et à tout ce mouvement, plus d’un siècle après.
Aussi, pendant la période soviétique, la punition violente que les
Tchétchènes reçurent de Moscou en raison de l’opposition à certaines
politiques staliniennes (dont la collectivisation) en 1939, puis le
massacre et l’exil forcé vers l’Asie centrale et la Sibérie que le dictateur
soviétique leur a fait subir cinq ans plus tard, n’ont certainement pas
aidé un rapprochement entre les deux nations.28 Staline ne pouvait
tolérer qu’il y ait eu des liens entre des membres de l’URSS et
l’Allemagne nazie : de leur côté aussi, le rapprochement aurait été
difficile.29
Les jeux de coulisses entre les dirigeants tchétchènes et russes sont
également une source de tensions. Les éléments historiques apportés
précédemment peuvent être considérés comme des causes ou des
préludes aux tensions actuelles.
24
E.U., services rédactionnels.
Ibid.
26
Ibid.
27
E.U., services rédactionnels.
28
Ibid.; BLANC; URJEWICZ.
29
BLANC.
25
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Question religieuse et culturelle
Les Tchétchènes sont musulmans, pratiquant un islam sunnite influencé
par le soufisme. Les Russes sont actuellement à majorité chrétienneorthodoxe, la religion officielle au temps de l’Empire russe des Tsars.
Sous l’ère soviétique, l’athéisme était presque obligatoire.
Si l’aspect religieux était très présent au XIXe siècle, avec Chamil
déclarant une « Guerre Sainte » à l’Empire russe, une pensée ressort
dans le traitement actuel de la relation russe-tchétchène : malgré que la
question religieuse puisse occasionner certaines tensions, elle n’est
qu’au centre du conflit tchétchène que comme instrument de peur ou
de ralliement.30 En effet, la question politique et d’indépendance est la
réelle source du problème.31 La Fédération de Russie prétend
combattre le « fléau islamiste », les rebelles tchétchènes ont l’aide des
combattants de l’Émirat du Caucase et des moudjahidin, et sont accusés
de collaborer avec Al-Qaeda.32 Tous ces groupes sont connus pour leur
fondamentalisme religieux. De plus, les rebelles tchétchènes (et les
autorités proches de Moscou) trouvent en la religion un facteur de
différence avec la Russie pour unir leur population.33 De plus,
l’association terrorisme/religion est assurée par Moscou, dans la foulée
des attentats internationaux.
D’ailleurs, à l’heure actuelle, la question religieuse en Tchétchénie est
très sensible : l’imposition temporaire de la Charia (ou Sharia) en 1997
comme outil de négociation, et ensuite son application plus stricte
depuis 1999, mêlée aux attentats que le Kremlin attribue à des factions
islamistes du Caucase, fait en sorte que les évènements dans la région
peuvent être difficilement dissociés des aspects religieux.34 La religion,
30
JOLICOEUR, Pierre. 2000. « L'identité civilisationnelle : Un concept utile pour l'analyse
des conflits caucasiens ». En Ligne. In Érudit.org.
<https://depot.erudit.org/bitstream/000853dd/1/000256pp.pdf >. Consulté le 27 mars
2011.
31
Ibid.
32
Ibid.; E.U., services rédactionnels.
33
JOLICOEUR.
34
Ibid.; E.U., services rédactionnels.; LAVOIE, Frédérick. 2010. « Tchétchénie : Une
république presque islamique en Russie laïque». La Presse. En Ligne (Sous conditions).
14 octobre, p.A30. In Eureka.cc pour bibliothèque.
<http://www.biblio.eureka.cc/WebPages/Search/Result.aspx>. Consulté le 27 mars
2011.; DESPIC-POPOVIC, Hélène. 2009. « Le voile tombe sur Grozny ». Libération. En
Ligne (Sous conditions). 17 novembre, p.30. In Eureka.cc pour bibliothèque.
<http://www.biblio.eureka.cc/WebPages/Search/Result.aspx>. Consulté le 27 mars
2011
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tout comme les langues et autres éléments de la culture et de
l’organisation sociale tchétchène ont leur rôle dans l’expression du
nationalisme.
Les causes légales du conflit
La constitution soviétique du 5 décembre 1936 stipule qu’« à chaque
république fédérée est conservé le droit de sortir librement de l'URSS ».
Or, la République tchétchène n’est pas fédérée puisqu’elle a été
annexée avant la formation de l’Union soviétique. Jusqu’en 1991, cette
question était superflue étant donné que la constitution était
inopérante, mais lorsque Gorbatchev décide de dissoudre l’Union, les
républiques fédérées font immédiatement usage du droit de sécession,
ce qui n’est pas permis à la Tchétchénie. Ensuite, la constitution de la
Fédération de Russie, adoptée par voie de référendum en 1993, ne
donne aucun droit de sécession à quiconque. Ajoutée aux causes
historiques et culturelles mentionnées précédemment, cette frustration
mène à la 1e guerre de Tchétchénie de 1994.
« Pour les autorités russes, il n’y a pas de guerre, seulement
restauration de l’ordre constitutionnel dans une partie de la fédération
de Russie. C’est l’argument des juristes moscovites pour contester
l’applicabilité des conventions de Genève au conflit. »35 La Russie ne
s’empêche donc pas de commettre des massacres de civils et de
prisonniers, puisqu’ils sont, en quelque sorte, des combattants illégaux.
Les conventions de La Haye sont elles aussi écartées par les juristes
Russes. En particulier la clause de Martens, qui stipule que « les
populations et les belligérants restent sous la sauvegarde et sous
l'empire des principes du droit des gens, tels qu'ils résultent des usages
établis entre nations civilisées, des lois de l'humanité et des exigences
de la conscience publique.»36 En effet, selon les autorités russes, les
Tchétchènes n’ont jamais formé une nation civilisée, et il est donc
superflu de leur reconnaitre des droits.
35
Kalika, Arnaud : Tchétchénie : le crépuscule de l’indépendance, Politique étrangère
Volume 69, 2004, p. 109-122. Enligne :
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032342x_2004_num_69_1_1273
36
Convention de La Haye (Chapitre IV) concernant les lois et coutumes de la guerre, 18
octobre 1907
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Comment Moscou a condamné les Tchétchènes
Dès 1999, pressentant l’imminence d’un deuxième conflit, la Russie
commence à exercer un contrôle médiatique sévère sur la Tchétchénie.
En 2000, la découverte de charniers et la diffusion d’images par la BBC
et N24 forcent le nouveau président Poutine à entamer une opération
de séduction internationale : « Le développement des relations de la
Russie avec les États musulmans, en particulier l’Égypte, l’Arabie
Saoudite et la Turquie, est devenu une priorité de la politique extérieure
de Moscou. »37
En 2003, Vladimir Poutine énonce au sommet de l’Organisation de la
Conférence islamique, où il a un titre d’observateur, que la Russie fait
partie du monde musulman. Évidemment cette prise de position
diplomatique vise à occulter la violence de la guerre en Tchétchénie, et
à faire pardonner ses déclarations du 11 septembre 2001 qui traitait les
Tchétchènes de terroristes fondamentalistes musulmans38. Bref, si
Poutine était déjà parvenu à convaincre l’Occident d’oublier les
Tchétchènes, il a aussi rallié le monde arabe à cette idée en les
qualifiant désormais de terroristes liés à des réseaux criminels
internationaux de trafiquants de drogue et d’armements. Ainsi, les
relations internationales de la Russie ont moins souffert du conflit en
Tchétchénie que le capital de sympathie des rebelles tchétchènes.
La situation actuelle en Tchétchénie
Militairement, la situation en Tchétchénie est beaucoup plus stable
depuis la fin du conflit en 2009. Seulement, des combats se déroulent
toujours en milieu urbain « au milieu des populations, quand ce n’est
pas contre elles »39. Puisque ces villes sont des centres importants de
populations civiles et de développement économique, les embuscades
et les attentats terroristes perpétrés par les rebelles affectent les
capacités de la population à se remettre du conflit. Les civils sont « le
plus souvent victimes, mais parfois actrices des conflits- tour à tour,
37
Lévesque, Jacques : « La Russie retrouve ses racines musulmanes », le monde
diplomatique, 2006.
38
Lévesque, Jacques : « La russie retrouve ses racines musulmanes », le monde
diplomatique, 2006.
39
Philippe Leymarie, « Comment les armées se préparent au combat urbain », le monde
diplomatique, 2009.
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séparément ou simultanément »40. Difficile de dire à quel point les
belligérants sont soutenus par la population tchétchène, car il est
possible que celle-ci soit forcée par les troupes gouvernementales ou
par les rebelles à coopérer. « En Tchétchénie ou dans une des
républiques voisines (il ne se passe pas une semaine sans que) n’aient
lieu des violences croisées entre groupes de combattants et forces de
l’ordre » 41. En l’absence de négociations entre les parties du conflit, et
dans un contexte dictatorial sans possibilité de réflexion politique, il est
improbable que le conflit se résorbe totalement.42
Depuis 2003, après le référendum constitutionnel et l’élection
présidentielle, la Tchétchénie a retrouvé son statut de sujet de la
Fédération de Russie. Depuis 2004, l’actuel président Medvedev militait
pour une « tchétchénisation »43 de la politique anti-terroriste. Le
résultat concret de cela, en 2011, est que les abus sont désormais
commis par des Tchétchènes sur des Tchétchènes, et non plus par des
Russes. La population, prise entre les feux de l’État et des rebelles, a
perdu un peu de sa motivation indépendantiste. Les troupes rebelles,
désormais réfugiées en partie dans les républiques voisines, sont
désormais réduites à organiser des embuscades et des attentats car
elles manquent cruellement de recrues.
L’idéologie indépendantiste a perdu des plumes au profit de l’islamisme.
Le nouveau président de Tchétchénie mis en place par Vladimir Poutine,
Ramzan Kadyrov, est un fier défenseur des traditions tchétchènes, c'està-dire de l’Islam comme idéologie politique. Il préconise l’application de
mesures radicales telles que l’application de la Charia. Les femmes qui
refusent de se conformer au code vestimentaire obligatoire sont
régulièrement victimes de harcèlement, d’agression et d’exclusion. Une
femme ne portant pas le foulard, par exemple, ne peut plus occuper un
emploi dans la fonction publique et est susceptible d’être attaquée par
40
Ibidem.
Paquet, Philippe : « Tchétchénie: la “paix Kadyrov” vole en éclats », La Libre Belgique,
20/10/2010,
Enligne :http://www.lalibre.be/actu/international/article/617960/tchetchenie-la-paixkadyrov-vole-en-eclats.html
42
Ibidem.
43
Kalika, Arnaud : Tchétchénie : le crépuscule de l’indépendance, Politique étrangère
Volume 69, 2004, p. 109-122. Enligne :
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032342x_2004_num_69_1_1273
41
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les jeunes gardiens de la morale de Kadyrov44. En septembre 2010, pour
le mois du Ramadan, tous les restaurants et cafés de Grozny ont été
fermés sous la menace des gardiens de la morale, et la vente d’alcool,
interdite. Même les cigarettes ne sont désormais accessibles que de
manière détournée45.
Kadyrov gouverne unilatéralement et arbitrairement. L’application de la
Charia est «inconstitutionnelle en Russie, mais Moscou n’envisage pas
de contester »46. Grâce à son appropriation des valeurs musulmanes
traditionnelles, Kadyrov est parvenu à rallier du côté pro-russe
énormément d’anciens combattants indépendantistes. Seulement,
d’après Aude Merlin47, « l’absence d’espace d’expression politique
alternative dans un contexte de dictature pousse toute opposition
potentielle dans la clandestinité armée, l’exil ou les prisons illégales de
Kadyrov. » Certaines ONG de défense des droits humains accusent
Kadyrov d’avoir « établi une liste noire de 5000 personnes, dont 300 au
moins devraient être éliminées physiquement. »48
Les droits humains ne sont pas dans les priorités du nouveau chef de la
Tchétchénie. Certains réfugiés revenus d’exil il y a maintenant six ans
attendent toujours les logements qui leur ont été promis par l’État et
vivent dans l’insécurité d’être chassés d’un foyer temporaire. Selon
l'ONG russe de défense des droits humains Mémorial, 62 familles ont
été expulsées de leurs foyers entre le 14 et le 21 janvier 2011. Ramzan
Kadirov va jusqu’à critiquer publiquement les familles qui s'opposent à
l'expulsion, considérant qu'elles font preuve d'un manque de
coopération et d'« ingratitude »49. De plus, les assassinats sont
communs en Tchétchénie. En 2009, Natalie Estemirova, Zarema
44
Human Rights Watch : « Russie- la charia progresse en Tchétchénie, les femmes
persécutées », 10 mars 2011
45
LAVOIE, Frédérick : « La Tchétchénie, une république qui s'islamise sans bruit »
Journal La Croix.com, 14/09/2010. Enligne : http://www.lacroix.com/article/index.jsp?docId=2439318&rubId=4077
46
Ibidem
47
Aude Merlin est chargée de cours en science politique à l’Université Libre de
Bruxelles, spécialiste de la Russie et du Caucase.
48
Chauvier, Jean-Marie : « Un Kampf sur fond de crise, Meurtres politiques et racistes
en Russie », Le Monde diplomatique, février 2009.
49
Amnesty international : « Les autorités tchétchènes expulsent des familles à Grozny »,
4 février 2011, Enligne :
http://www.amnesty.org/fr/library/asset/EUR46/005/2011/fr/8ceb804c-9ac0-4b508832-646280258ce6/eur460052011fra.html
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Sadoulaïeva et son mari Alik (Oumar) Djabraïlov, défenseurs des droits
humains, ont été enlevés, puis assassinés.
Une autre conséquence du conflit en Tchétchénie est une forme de
néonazisme née chez les Russes de Moscou et de Saint-Pétersbourg :
« Les brutalités et les meurtres visant des étrangers ont commencé vers
le milieu des années 1990, lorsque la première guerre de Tchétchénie
entraîna, à Moscou, des rafles policières en milieu caucasien et des
contrôles au faciès. »50 On associe à ce mouvement les assassinats de
journalistes, d’avocats et de défenseurs des droits de l’homme. L'avocat
défenseur des droits humains Stanislav Markelov et la journaliste
Anastasia Babourova, ont été tués à Moscou en janvier 2009, et Anna
Politkovskaïa, en octobre 2006. 51Le gouvernement Russe se dit
innocent et l’est probablement. En effet, sans doute n’a-t-il pas besoin
d’orchestrer ces assassinats, puisque des individus extrémistes sont
prêts à les perpétrer de plein gré. Le problème, c’est que ces meurtriers
pourraient bénéficier de l’immunité judiciaire.
Bibliographie
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Russie », Le Monde diplomatique, février 2009.
DESPIC-POPOVIC, Hélène. 2009. « Le voile tombe sur Grozny ». Libération. En Ligne
(Sous conditions). 17 novembre, p.30. In Eureka.cc pour bibliothèque.
50
Chauvier, Jean-Marie : « Un Kampf sur fond de crise, Meurtres politiques et racistes
en Russie », Le Monde diplomatique, février 2009.
51
Amnesty International : « Amnesty International demande instamment que justice
soit rendue dans l'assassinat d'une défenseure des droits humains » 15 juillet 2010,
Enligne : http://www.amnesty.org/fr/news-and-updates/justice-urged-russian-humanrights-defenders-murder-2010-07-15
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Collège Jean-de-Brébeuf – Hiver 2011

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