Le Soir - Théâtre Les Ateliers d`Amphoux

Transcription

Le Soir - Théâtre Les Ateliers d`Amphoux
Le Soir Samedi 13 et dimanche 14 juillet 2013
54
WEEK-end
CULTURE
Nos amis les (riches) Français
SCÈNES A
Avignon, Fabrice Schillaci crée « L’ami des Belges » de Jean-Marie Piemme
Il y a deux mois, le
comédien belge découvrait ce nouveau texte.
Trouvant un lieu « in
extremis », il a pris le
risque de se lancer dans
le Off d’Avignon.
AVIGNON
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
A
vec son costume classieux, sa coiffure bien
nette et son club de golf,
l’homme qui se tient devant
nous est un puissant de ce
monde. Aujourd’hui pourtant, il
n’en mène pas large. En panne
dans la campagne belge, il
s’énerve sur son chauffeur pas
vraiment débrouillard. Et il raconte sa vie à son biographe officiel, chargé d’écrire le livre de sa
vie.
Notre homme est un Français.
Un riche Français. Et il aime les
Belges. « J’ai écrit ce texte au départ d’une réaction assez énervée
sur tous ces Français qui veulent
soudain acquérir la nationalité
belge, explique Jean-Marie
Piemme. Bernard Arnault en est
le prototype mais je n’ai pas voulu me focaliser sur lui. Mon personnage est un archétype dans
lequel on peut retrouver plein
d’autres personnalités. Il a ce côté cynique, arrogant, profiteur,
néocolonialiste. Quand j’ai vu
cette histoire avec Arnault, je
trouvais ça à la fois tragique et
Prêt à tout pour devenir Belge, le héros campé par Fabrice Schillaci ira jusqu’à chanter le plat pays et ses nuages si gris. © DOMINIQUE GAUL.
bouffon. En période de crise, le
fric s’étale. Et il saute les frontières. »
Insolence et impertinence
Cette histoire, Jean-Marie
Piemme la destinait à une dramatique radio quand Fabrice
Schillaci débarque chez lui.
« J’avais depuis longtemps le désir souterrain d’un seul en scène,
explique le comédien. Et puis ça
a surgi d’un coup. J’ai contacté
Jean-Marie dont j’avais joué
Dialogue d’un chien… avec lequel on a énormément tourné, en
France notamment. C’était une
très belle expérience et j’avais envie de retrouver l’écriture de
Jean-Marie, dans la même veine.
Et il m’a proposé ce texte. J’y ai
retrouvé l’insolence, l’impertinence et son regard aiguisé. Et
puis il y a eu cet autre concours
de circonstances. Je cherchais un
texte sur les puissants. J’avais
commencé à travailler sur les
discours de Berlusconi mais sans
aboutir. L’histoire de Jean-Marie
était parfaite : un milliardaire
qui s’invente un amour de la Belgique pour justifier son exil fiscal. Il y a un côté grotesque. Il
veut apprendre à suer comme
Brel, à danser comme les gilles de
Binche… Il veut faire corps avec
cette Belgique. C’est en tout cas ce
qu’il prétend. »
« Je veux devenir Belge »
Sur la petite scène des Ateliers
d’Amphoux, le comédien campe
ce personnage cynique avec une
belle énergie. Arrogant, méprisant vis-à-vis de ses subalternes
(« Je fixe les objectifs, tu les réalises ! », « Moi, j’aime tous les
consommateurs sans distinction
de race ni de religion »), il voudrait aussi qu’on croie à sa sincérité. La Belgique, il l’aime depuis
toujours. Il chante Brel, avec talent. Il raconte à son biographe
comment à l’âge de 12 ans, pour
Noël, il demanda le seul cadeau
dont il rêvait : « Je veux devenir
Belge ! » Un cri du cœur qui allait déchirer sa famille. Il se déguise même en Gilles de Binche,
tentant de reproduire le pas de
danse de ceux-ci.
Loin de coller à une réalité documentaire, le texte de Piemme
et la mise en jeu de Jean Lambert partent dans un joyeux délire. Humour et poésie s’invitent
dans ce portrait au vitriol que
Fabrice Schillaci porte avec une
formidable puissance. Le texte
est primordial bien sûr mais les
éléments de décor et l’engagement physique du comédien
contribuent largement au succès
du spectacle. Belges et Français
s’y reconnaissent mutuellement
et s’amusent énormément dans
la salle. Une salle trouvée en catastrophe par le comédien qui
prend le risque d’une création là
où la plupart des spectacles du
Off ont été longuement rodés
auparavant.
Un risque gagnant si l’on en
croit les réactions au sortir des
premières représentations. ■
JEAN-MARIE WYNANTS
Jusqu’au 28 juillet, relâche les 14 et 22
juillet, à 12h30 aux Ateliers d’Amphoux,
www.lamidesbelges-lapiece.com, 00-334.90.86.17.12.
Infatigable Roby Lakatos
MUSIQUE Le grand violoniste tzigane aux Midis-Minimes lundi
arfumé et tiré à quatre
épingles, tenue chic – sporP
tive, la moustache lustrée et le
UN FILM DE
DANIEL AUTEUIL
D’APRÈS L’ŒUVRE DE
10 JUILLET
AU CINÉMA
MARIUS
Daniel AUTEUIL Raphaël PERSONNAZ Jean-Pierre DARROUSSIN Victoire BELEZY Marie-Anne CHAZEL
© 2013 A.S. FILMS ZACK FILMS PATHÉ PRODUCTION
PHOTO : LUC ROUX
MARCEL PAGNOL
sourire aux lèvres, Roby Lakatos
ressemble à ses photos.
« J’ai toujours voulu être batteur, mais à la maison, c’était
hors de question ! » Chez lui, on
est violoniste depuis sept générations, ni plus ni moins. Le violon,
c’est dans les gènes, tout simplement. « A trois, quatre ans, le violon était un jeu pour moi. J’ai dû
ensuite aller à l’école et apprendre
à jouer. C’était très dur, il fallait
être discipliné, j’avais mal partout, mais après quelques mois, je
m’y suis fait. La formation classique est indispensable. A 19 ans,
j’ai arrêté les cours pour voler de
mes propres ailes ».
Roby Lakatos est né à Budapest
en Hongrie. Depuis 27 ans, c’est
en Belgique qu’il vit. « Heureusement que je voyage beaucoup car
chez moi, c’est impossible de travailler, il y a toujours du monde,
du bruit » dit-il en riant. La moitié de sa famille habitait Vienne.
A Budapest, ils étaient en
quelque sorte le carrefour de
deux mondes : celui de l’opéra,
des valses et opérettes et celui du
folklore hongrois. Un répertoire
d’une immense richesse.
« Ma musique est composée de
trois éléments : du classique, du
jazz et du tzigane. Il faut maîtriser parfaitement tous les
rythmes. Partons du tango par
exemple. Mais quel tango : argentin, grec, turc ? Chacun a sa spécificité. Il faut connaître tous les
styles pour pouvoir être complètement libre et tout réinventer. Je
change toujours les lois : ce qui est
lent devient vite. Je change les
harmonies et les rythmes, je
m’amuse ! »
« Aujourd’hui, j’ai acheté une
batterie, et je vis ma deuxième vie
d’enfant. Quand je suis avec mes
musiciens et que je veux leur dire
quelque chose, je ne dois même
pas parler. Je me mets à la batterie et je leur montre. C’est très
Pour Roby Lakatos, une formation classique est indispensable à la
réinvention. © D.R.
utile. »
C’est dans l’orchestre de son
père que Roby Lakatos fait ses
débuts. Lorsqu’on est enfant, on
est derrière les musiciens, on
s’imprègne du répertoire. On fait
un peu semblant, jusqu’au jour
ou « on passe devant », sous le feu
des projecteurs. C’est ça l’école
tzigane.
Pendant 14 ans, il a enflammé
les nuits Bruxelloises aux Ateliers
de la grande île, le restaurant mythique où les musiciens du
monde se pressaient après les
concerts. « Tout le monde est venu : Keith Jarret, Esa-Pekka Salonen, Zubin Metha… C’était une
grande période et cela a lancé ma
carrière. J’ai signé ensuite chez
Columbia puis chez Deutsche
Grammophon. »
Quand on lui dit que les
concerts aux Midis-Minimes
durent 35 minutes, il s’exclame :
« Non, mais ça, c’est impossible !
J’aurais à peine le temps de jouer
deux ou trois morceaux. »
Depuis quelques années, c’est
au Marché aux vins, rue du Belvédère, à deux pas de Flagey qu’il of)G
ficie chaque vendredi et samedi
soir quand il est à Bruxelles. On y
croise la jeune génération des violonistes : Lorenzo Gatto, Yossif
Ivanov, des finalistes du
Concours Reine Elisabeth, des
journalistes, des amoureux du
violon tzigane…
Il enregistrera en septembre
prochain les Quatre Saisons de
Vivaldi. « C’est une grande première pour moi. Il faut que je travaille beaucoup. J’ai mille idées
mais il faut respecter la partition.
Je vais peut-être composer une
cinquième saison, on vit dans un
monde de fous, enfin, je veux parler des saisons ! Non sérieusement, il me faut un coach, je suis
très stressé. » Mis à part ce projet
Vivaldi qui lui prend beaucoup de
temps, Roby Lakatos ne travaille
pas vraiment son violon. C’est sur
scène qu’il bosse. Trois heures
tous les soirs, c’est déjà pas mal,
non ? ■
ELSA DE LACERDA
Ce lundi 15 juillet à 12 h 15. Conservatoire,
rue de la Régence, 30, à 1000 Bruxelles.
Rens. : 02.512.30.79.
54