En2004, latifa mourait d`unexorcisme soi-disant islamique
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En2004, latifa mourait d`unexorcisme soi-disant islamique
EXORCISME MORTEL En 2004, latifa mourait d'un exorcisme soi-disant islamique. Ses bourreaux sont jugés pour torture. Une première en Belgique, pour une affaire qui soulève beaucoup de questions. 'était le 5 août 2004 en début d'aprèsmidi. Suite à un appel, la police débarque dans un appartement de la rue Waelhem à Schaerbeek. Latifa Hachmi, 23 ans, est étendue dans le divan, visiblement mal en point. Une ambulance transporte la jeune femme à l'hôpital Brugmann où elle décède en fin de soirée. La première version de son mari, Mourad, est de parler d'un arrêt cardiaque survenu alors qu'elle prenait son bain. Ce qui n'explique pas les nombreuses traces de coups et de strangulation que les médecins décèlent sur son corps. Au fur et à mesure des jours, et de l'enquête ouverte par la police, la vérité apparaît. Aussi incroyable que cela puisse paraître au XXle siècle, 20 ~ 09/0512012 Latifa a succombé à des séances d'exorcisme. Un "traitement" prescrit par un certain Abdelkrim Aznagul, prodigué par Xavier Meert, un Belge converti à l'islam, et une assistante, Jamila Zian, qui aurait la particularité de parler aux démons, à ces "djinns" qui empêchent la jeune femme d'avoir un enfant. Qui sont ces gens? Des fanatiques qui se cachent derrière le paravent d'une ASBL, "La Plume", dont le but officiel est d'œuvrer "à l'épanouissement de la femme maghrébine dans la société belge moderne". "Pour nous, c'était un endroit où elle allait s'instruire, apprendre l'arabe et étudier la religion" se souvient son grand frère Fouad, mieux connu dans le milieu des "graffeurs" de la capitale sous son pseudo HM!. En réalité, la jeune femmese fait peu à peu laver le cerveau, s'enferme dans un petit milieu obscurantiste qui l'amène progressivement à couper les liens avec sa famille. Subtilement, comme le réussissent si bien les sectes. COUPS, NOYADE ET VERSETS Enjuin 2004, ces fanatiques la persuadent de se faire désenvoûter si elle veut un enfant. Commence alors un traitement inhumain qui connaîtra son paroxysme dans les dix jours précédant son décès. Les nombreuses séances d'exorcisme, appelé "roqula", consistent à lui donner de nombreux coups de bâton avec un manche de déboucheur de toilettes sur lequel est inscrit le nom d'Allah. Pour qu'elle ne cherche pas à fuir la douleur, elle est attachée à un radiateur. Elle doit également avaler, deforce s'il le faut, des quantités d'eau mélangées à de l'huileou du safran. Pendant tout ce temps, elle ne peut presque pas manger, juste quelques cuillères de yaourt parjour, et doit se promener 24 heures sur 24 avec un casque sur les oreilles dans lequel tournent en boucle des versets du Coran. Pour aller chercher le démon, JamilaZian lui enfonce profondément deux doigts dans lagorge. Rnalement, c'est au terme d'une des baignades contraintes qui lui sont imposées - durant lesquelles son marila tire par les pieds pour lui maintenir la tête sous l'eau- que son cœur lâche. "Desrites païens", réagit son frère Fouad. Non pas que l'exorcisme n'existe pas dans la religion islamique mais "danscette histoire, il n'est pas question de cela. Si on veutsuivre la religion, on fait appel à un imam spécialisé ouà un marabout, un terme qui signifie "celui qui connaît le Coran" et on n'agit que par les prières", explique PhilippeWoitchik, ethnopsychiatre au CHU srugmarm. Quiraconte encore: "Dans l'étude des causes d'une maladie, la religion musulmane évoque toujours des facteurs extérieurs à la personne. 1/ s'agit souvent de possessions par le démon, d'un mauvais sort ou de sorcellerie". De quoi se demander si cette religion n'est pasplus sensible à de pareils détournements tragiques. "Non,cela se passe généralement sans problème. Le guérisseurremplit une fonction sociale. Généralement, il nes'occupe pas que du malade, il s'intéresse aussi à sonentourage et aux conditions de vie. " COUPABLES MAIS LIBRES Dansle cas de Latifa, outre ce drôle d'exorcisme, c'est aussil'attention curieuse portée à l'affaire par la justice belgequi pose question. Le 26 janvier 2006, Xavier Meertet le mari de Latifa sont condamnés à, respectivement,cinq et quatre ans d'enfermement avec sursis parle tribunal correctionnel de Bruxelles. Jamila Zian, et deuxautres femmes, écopent de peines plus légères pour non-assistance à personne en danger. Le faux cheikhAzanagui est acquitté. Tout le monde sort donc libre.La famille fait appel. Bien lui en a pris. "Durant ce nouveauprocès, en 2008, la cour a tout de suite remarquéqu'il y avait un problème, se souvient leur avocat Jean-Paul Tieleman. A la lecture de l'affaire, les juges ont immédiatement requalitië les faits. De "coups et blessuresvolontaires entraînant la mort sans intention de la donner,on est passé à "torture causant la mort sans intentionde la donner". " Une accusation non plus pas- sible de correctionnelle mais des assises, et une première dans l'histoire juridique belge. Huit ans après le fait divers, et alors que ce procès d'assises s'ouvre le 14 mai prochain, la famille de Latifa espère que justice soit enfin rendue. Mais ce n'est pas la seule attente de Fouad, le grand frère, qui a porté la bataille juridique sur ses épaules durant toutes ces années. "J'espère que les débats ne tourneront pas en procès de l'islam. Parce qu'en tant que musulmans, nous sommes aussi victimes de ces radicaux sectaires qui dénaturent notre religion. " Pour cette affaire sordide, il attend d'ailleurs toujours une réaction de la part de l'Exécutif des musulmans ou du Centre islamique. "Ce sont nos représentants mais je ne les ai pas entendus s'exprimer pour dénoncer ces pratiques. Où sont ceux qui ont l'autorité nécessaire pour délivrer de tels messages?" EN FAIT DE SÉANCES D'EXORCISME, C'ÉTAIT SURTOUT DES COUPS DE BÂTON, DES BAINS FORCÉS, l'INTERDICTION DE MANGER ... QUI A AMORCÉ LA BOMBE? Enfin, il y a une dernière question que Fouad voudrait voir surgir en périphérie du procès: celle du statut de la femme, et pas que musulmane. "J'estime que la société a également une part de responsabilité dans ce qui est arrivé à Latiia. " Et de revenir sur l'adolescence de cette jeune fille sans histoire qui, à 14 ans, décida de porter le voile en cachette de ses parents. "Comme beaucoup d'ados, elle était en recherche d'identité. Mais le port du voile a posé des problèmes à l'école. Nous lui avons conseillé de le porter en dehors de l'établissement si telle était sa volonté, mais de le retirer à l'intérieur. Elle ne nous a pas écoutés. " La jeune fille a donc dû quitter cette école, où elle était bonne élève, surtout en sciences, et s'est inscrite dans la section "couture" d'une école professionnelle qui accepte le port du voile. "Une école-gettho, où l'on fait plus facilement des rencontres dangereuses via des gens qui exploitent le sentiment de rejet. C'est là qu'elle rencontrera la fille d'Abdelkrim Aznagui. n Le début de son parcours vers l'horreur ... "Exclure ces filles qui veulent porter le voile est ridicule, conclut le grand frère, c'est leur dire qu'elles n'ont pas le droit d'être des citoyennes comme les autres. C'est clair: notre société amorce elle-même les bombes qui lui pètent à la figure. n X Pascal De Gendt 21