Poèmes* Gerry van der Linden

Transcription

Poèmes* Gerry van der Linden
Poèmes*
Gerry van der Linden
Un jeune homme blond toque
à ma porte
tu n’as pas du tout changé dit-il
échalas
je zigzague jusqu’à la cuisine
que veux-tu ? rien dit-il
et tombe à la renverse
je peins le plancher en rouge
tout autour du trou
il ne dit rien
tombe à la renverse
jusqu’à disparaître
et à ce que je le reconnaisse
* Poèmes extraits du recueil Glazen Jas (Manteau de verre), Nieuw Amsterdam, 2007.
Traduits du néerlandais par Daniel Cunin. Gerry van der Linden est l’auteur de huit
recueils de poésie et de deux romans (www.gerryvanderlinden.nl).
LETTRES NÉERLANDAISES
ensemble on zigzague dans les champs
ensemble on tombe sur le lit
ensemble on tombe à la renverse
dans le trou du plancher
DESHIMA, n°3 – 2009
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King ear
Le garçon aux oreilles ah ah
en feuilles de chou ne mange pas
il contemple le royaume des morts
se range autour
d’une quantité d’ombre royale
l’attrape et la mange
elle pousse jusque dans ses oreilles
trône sur sa tête qui s’éloigne
il ne pense plus
à ce qu’il figure il grandit
devient un homme à la gueule de verre
et aux oreilles qui scintillent
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King clear
Elle arrive un soir
dans la maison du locataire
tout est en verre
la porte la table
il a une tête des pieds en verre
carcasse qui tinte
il s’apprête à boire dans un verre
ne la voit pas arriver
elle porte un manteau de verre
LETTRES NÉERLANDAISES
love you il pétille
cling !
Poèmes
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A very long engagement
Je vois une hirondelle dans le ciel
le balayeur de rues
un pigeon sur le toit picore le vide
avant et après un grand amour
avant et après une grande guerre
avant et après
hirondelle plane
balayeur ramasse
entre autres un ancien amour
hirondelle vole
balayeur balaie
pigeon picore
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Poèmes
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LETTRES NÉERLANDAISES
Photo : Gerry van der Linden
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CONSEIL DE FAMILLE
Dans la famille réunion de grands nez
on a pris le thé
dans de la faïence jaune digitale
tête cassée nez dans la tasse
on a mis notre cœur sur le ventre
nez à côté yeux oreilles
bras et jambes
débarrassé la table à la va-vite
collé des nez dans d’album de famille
frictionné des oreilles
laissé partout des traces de doigts
interdit l’entrée
dressé et paraphé l’acte
déchiré des habits
rajusté des nez
embrassé la vraie vie
révisé l’acte
mis de l’amour sur les noms
pris le thé
dans de la faïence jaune digitale
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Dans une armoire de la maison
derrière un carton d’A4
je trouve un Agfa Click
étui de cuir aux initiales dorées
briquets méthodes de langue
des enfants toussent
dans les recoins de l’armoire
LETTRES NÉERLANDAISES
mon père dort
dans une photo
où il est jeune homme
Poèmes
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Poignard rengainé
cran d’arrêt taillé
aux murs
épées ranimées
des formes douces s’avancent
graduellement
une silhouette du pain un lit
bientôt quelqu’un s’endort
se change
sur le tranchant
tombe quelqu’un plus en douceur encore
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Fille
Le soleil cherche le manteau qu’elle porte
l’herbe siffle
sur ses épaules une feuille cahote
un cartable grimpe
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de l’ombre volette dans l’herbe
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Poèmes
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LETTRES NÉERLANDAISES
Photos et montage : Gerry van der Linden
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Pourquoi les hérons sur une patte
ces rougeurs sous leur ceinture
cette lumière du jour qui chante
ces briques du trottoir qui partent
ces squares qui attendent
ces amies qui s’en vont
ces roues sous le vélo
ce sommeil qui nous fatigue
l’école rend-elle malade
le couloir fait-il peur
grande pas grande
petite pas petite
moi pas comme ça
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Elle rentre à pied
saute sur le porte-bagages
un animal court devant elle
elle tourne à l’angle
là s’étend le ciel
la cloche lui secoue les oreilles
elle est la battante
se prend la main
dans le dos
elle rentre à pied
rien ne peut la déchirer
elle attrape son genou il marche
la porte entrebâillée
le nom est le même
c’est elle la lettre
LETTRES NÉERLANDAISES
le vestibule sans ciel
la maison sans entrée
le paillasson le même c’est elle
Poèmes
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Elle a accroché les couvertures dehors
les draps
après l’hiver et la nuit
il faut tout aérer
elle en fait le tour
dans ses chaussures de chair
tourne ses os
vers le soleil
à chaque fois
se voit allongée immobile
se lève de ses chaussures
ses draps sa chair ses os
de nouveau point d’eau
de nouveau point de soif
de nouveau l’autre
défait enfui
de nouveau le père
qui montre l’eau
allons dit-il regarde-la s’en aller
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