élevAGe eT pAysAGe - Le Passe Muraille
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patrimoines en région Revue d’éducation aux patrimoines en Languedoc-Roussillon N°22 élevAGE ET paysage Cogito La transhumance GRATUIT / N° 22 - PRINTEMPS 2014 L'Agenda du Patrimoine Un été nature et cu lture en Languedo c-Roussillon Sortie Juin 2014 N°22 - Printemps 2014 - ISSN 1952-3025 - Dépôt légal à parution ÉDITEUR : Le Passe Muraille association - Homme et Patrimoine 510 A, avenue de Barcelone « Le Jupiter » 34080 Montpellier Tél. : 04 67 06 96 04 - Fax : 04 67 52 78 44 E-mail : [email protected] - www.lepassemuraille.org Comité de direction : Philippe Quentin, Pierre Plancheron Conseil scientifique et éducatif : Yann Abonneau, Perrine Alranq, Martine Ambert, Patricia Beaudouin, Jean-Pierre Besombes-Vailhé, Fred Chauvet, Nathalie Colin, Luc David, Véronique Delattre, Aline Douillet, Jean-Louis Douillet, Olivier Guiral, Vincent Larbey, Elisabeth Le Bris, Régine Mazauric, Denys Michel, Pierre Plancheron, Philippe Quentin, Claude Raynaud, Federico Russo, Sabine Sutour, Eric Thiery, Nelly Viala Directeur de la publication : Pierre Plancheron Rédacteur en chef : René Lechon Secrétaire de rédaction : Julie Savy Ont également participé à ce numéro : Patricia Beaudouin, Michèle Bouis, Gérard Collin, Pierre Laurence, Elisabeth Le Bris, Alexis Poirier, l’équipe «Pastoralisme et Références» du SUAMME Remerciements : Nathalie Baills, Marie Bazille, Ghyslaine Besançon, Jean du Boisberranger, Jean-Pierre Boutonnet, Laure Guiral, Sandrine Lagloire, Nathalie Pas, Anne Rouquette Iconographie : Charlotte Ducrot, René Lechon, Julie Savy Maquette - Suivi de fabrication : Charlotte Ducrot Photo de couverture : Jean du Boisberranger Abonnements et diffusion : Mathilde Grimal Publicité : LPJ Hippocampe Impression : LPJ Hippocampe, Montpellier Contact rédaction : [email protected] Contact annonceurs : [email protected] Contact abonnements : [email protected] Photos : tous droits réservés. La reproduction totale ou partielle des articles et desest interdite (sauf accord de la rédaction). illustrations de Patrimoines en région Carrefour Patrimoines Languedoc - Roussillon Carrefour des Patrimoines Rencontres pour une éducation à la citoyenneté La revue Patrimoines en région est éditée dans le cadre du Carrefour des Patrimoines. Ce réseau compte plus de 350 structures et acteurs en Languedoc-Roussillon impliqués dans l’éducation et la sensibilisation aux patrimoines culturel, naturel et bâti. Au-delà de cette initiation au territoire, ce projet commun implique une réelle éducation à la citoyenneté. Le Carrefour des Patrimoines est aujourd’hui porté par : Été 2014 Le Passe Muraille 510 A, avenue de Barcelone « Le Jupiter » 34080 Montpellier Tél. : 04 67 06 96 04 - Fax : 04 67 52 78 44 E-mail : [email protected] www.lepassemuraille.org + de 350 événements au jour le jour CEMEA Languedoc-Roussillon 501 rue Métairie de Saysset 34070 Montpellier Tél. : 04 67 04 35 60 E-mail : [email protected] www.cemealr.org Balades, visites et jardins / concerts et spectacle vivant / fêtes, gastronomie et traditions / expositions... L’Agenda du patrimoine est édité par Le Passe Muraille dans le cadre du Carrefour des Patrimoines et reçoit le soutien financier de la Région Languedoc-Roussillon Un troupeau cévenol sur la route de la transhumance édito © Jean du Boisberranger Agenda.............................................................. 4 Troupeau d’hier et de demain D ans son ouvrage Le grand troupeau, le poète provençal Jean Giono témoigne de la relation forte qui unissait hommes et troupeaux dans la vie quotidienne de 1914. Le troupeau est alors partie intégrante de l’environnement et de l’inconscient collectif. Les questions sur le pastoralisme abordées dans ce vingt-deuxième numéro de notre revue ne se posent pas à l’époque de la Grande Guerre. Ce changement interroge sur la fonction de l’agropastoralisme, le rôle des bergers et leur nécessaire subsistance dans l’organisation territoriale actuelle. Celle qui oppose le monde de l’urbanisation à l’univers rural qui perd du terrain à grande vitesse. C’est un plaisir de vous faire partager un peu de l’univers de ceux qui sont à la tête des troupeaux d’aujourd’hui comme de ceux, chercheurs ou acteurs, qui les côtoient. Vous pourrez prolonger cette lecture en participant aux prochaines rencontres d’acteurs organisées avec les CEMEA, par le Carrefour des Patrimoines. Elles auront lieu le 14 mai au CPIE des Causses Méridionaux au Caylar (voir p.30). Si vous encadrez des actions d’éducation au patrimoine, ce sera une belle occasion d’échanges sur les méthodes et les outils pédagogiques actuels dans le domaine de l’agropastoralisme. Pierre Plancheron Directeur de la publication Ne manquez pas cet été la sixième édition de L’Agenda du patrimoine, pour un été nature et culture en Languedoc-Roussillon (voir p.30). Histoires de goûts............................................. 7 Vive le pélardon AOP ! Dossier.............................................................. 8 Agropastoralisme : élevage et paysage Cogito............................................................... 21 Transhumances en devenir par Pierre Laurence L’œil de l’artiste - Aude...................................... 22 Laure Essinger, artiste-plasticienne Architecture et urbanisme.................................. 24 Construire aujourd’hui sans jeter la pierre à l’histoire Mon métier........................................................ 26 Sculpteur-Restaurateur Zoom - Pyrénées-Orientales............................ 27 Le Centre Européen de Préhistoire de Tautavel Lire, regarder & écouter..................................... 28 Commandez nos anciens numéros................... 29 Vie du Carrefour des Patrimoines...................... 30 PEFC / 10-31-1319 Imprimé sur papier de forêts PATRIMOINES ENissu RéGION / 21gérées / HIVERdurablement. 2013-2014 3 Agenda Animations et sorties Le Pays Cathare en ligne Le Vignogoul fait son printemps ! Un nouveau site internet pédagogique voit le jour et présente les châteaux, abbayes et musées du Pays Cathare aux enfants. Dans le cadre du système éducatif ou de leurs activités familiales, ils pourront préparer leurs sorties scolaires et leurs visites des sites de manière ludique et interactive grâce aux vidéos, cartes, plans, photos, interviews, frises chronologiques et jeux. Le Centre Départemental de Documentation Pédagogique a accompagné les monuments de l’association des Sites du Pays Cathare dans cette démarche pour créer ce nouvel outil de médiation du patrimoine. www.apprendrelepayscathare.fr Coup de pouce au patrimoine immatériel En 2013, la fondation d’entreprise de la Banque Populaire du Sud a récompensé 23 associations locales dans les domaines du patrimoine immatériel, de l’environnement et du handicap. Aujourd’hui, associations engagées dans la sauvegarde, la transmission, la promotion et la valorisation du patrimoine culturel immatériel régional, vous êtes invitées à proposer vos projets pour bénéficier d’une aide financière de la Fondation. Sont concernés : le patrimoine oral et écrit, y compris les langues régionales, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les arts et traditions populaires, les pratiques et les savoir-faire, les instruments, équipements, objets et espaces culturels dédiés à la valorisation de ce patrimoine culturel et les travaux de mémoire. Vous avez jusqu’au 30 avril pour vérifier les conditions d’éligibilité et remplir un dossier de candidature. Rendez-vous sur le site www.fondation-bpsud.fr En avril à Pignan (34) Les musiques médiévales sont à l’honneur à l’Abbaye de Vignogoul qui abrite désormais le Centre International de Musiques Médiévales. Un cycle de trois concerts propose une nouvelle approche de ce répertoire vocal et instrumental, interprété par les plus grands spécialistes. Le vendredi 18 avril à 20h « Musiques pour clavier du XVe siècle. Nouvelles approches », le jeudi 24 avril à 20h « Nuits occitanes » et le vendredi 25 avril à 20h « L’île de sainte Anne et saint Hylarion ». La « Pépinière médiévale », ensemble d’étudiants formés par Els JanssensVanmunster, ouvrira les concerts des 24 et 25 avril. Une visite guidée de l’abbaye et une dégustation des vins du domaine de la Prose seront proposées le 24 avril à 18h30, uniquement sur réservation. Suivra à 19h30 un buffet partagé offert, autour de l’exposition sur le Vignogoul réalisée par les étudiants du master professionnel « Valorisation et Médiation des Patrimoines ». Tarifs : 12€/concert ; gratuit pour les étudiants, demandeurs d’emploi, publics RSA et enfants. Contact : 06 61 15 46 86 www.vignogoulmedieval.org 1914-1918 – Le Centenaire En avril, mai et juin à Montpellier Les mercredis 30 avril, 28 mai et 25 juin à 14h30, les Archives départementales de l’Hérault invitent les passionnés d’histoire à découvrir les documents liés à la Première Guerre mondiale conservés à pierresvives. La présentation des principales ressources sera complétée par des conseils donnés aux personnes souhaitant effectuer une recherche 4 PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 L’Hérault de ferme en ferme Les 26 et 27 avril dans l’Hérault Les agriculteurs (vignerons, conchyliculteurs, maraîchers, éleveurs,…) vous invitent à une visite gratuite et commentée de leur ferme et vous proposent des démonstrations et des dégustations de produits fermiers. Audelà de l’ouverture des fermes sur un week-end, cette manifestation a pour but de créer des liens entre producteurs et consommateurs tout au long de l’année, favorisant le développement des circuits courts sur la base de productions de qualité dans une dynamique d’agriculture durable. www.defermeenferme.com Un nouveau musée à Lunel En mai et juin à Lunel (34) La ville de Lunel a inauguré le 14 décembre le premier musée de son histoire. Le musée Médard dévoile au public l’univers du livre grâce à un circuit-découverte de son histoire, l’exposition des collections municipales (dont le Fonds Médard, 5000 livres rares et anciens) et l’organisation d’expositions et d’événements. Le 17 mai, à l’occasion de la nuit des musées, venez découvrir le musée Médard dans le noir. Munis d’une lampe torche, laissez-vous guider dans la pénombre par une médiatrice du musée. Le 14 juin, lors des Journées du Patrimoine de Pays, les visiteurs sont invités à comprendre et tester les outils, les techniques et les matériaux de l’enluminure. Le musée Médard dans le noir : gratuit, dans la limite des places disponibles. Visites à 20h, 20h30, 21h, 21h30. Venir avec sa lampe de poche. Journées du Patrimoine de Pays : de 10h à 18h, gratuit. www.museemedard.fr Festa Trail : courir pour découvrir Les 16, 17 et 18 mai à Saint-Mathieu-de-Tréviers (34) Quatrième édition pour cette grande fête dédiée à la course nature et à la découverte des patrimoines naturels et culturels. Des animations pour toute la famille vous attendent avec des expos, des randonnées, des ateliers pour enfants, des dégustations de produits locaux, des concerts et un salon du Développement durable. Les plus sportifs sont invités à relever le défi, avec des courses allant de 12 à 120 km ! Toutes les courses et le programme complet des animations sur www.festatrail.com Contact : 04 67 06 96 04 © Françoise Chiron Actualités spécifique. Les jeudis 24 avril et 26 juin de 9h30 à 17h, vous êtes invités à partager l’histoire de votre famille durant la Grande guerre. Les Archives vous proposent de numériser vos documents familiaux datant de cette période (journaux intimes, carnets, photographies, affiches, correspondance, films) pour les sauver de l’oubli. Les documents seront ensuite restitués aux contributeurs qui pourront, s’ils le souhaitent, les confier en don ou en dépôt aux Archives départementales. Gratuit. Contact : 04 67 67 37 00 http://pierresvives.herault.fr Entre Nature et Sens D’avril à novembre dans l’Hérault Depuis plusieurs années, le Département organise « Entre Nature et Sens », un programme d’animations sur les espaces naturels sensibles héraultais. Accompagnés de spécialistes des associations locales, venez découvrir les richesses d’une faune et d’une flore préservées, dans des paysages remarquables et variés. Plus de 100 rendez-vous s’égrènent du printemps à l’automne. Ces balades sont ouvertes à tous, gratuites (sauf exception) et accessibles sur inscription. Le programme est téléchargeable en ligne sur www.herault.fr Conférences et Débats Tautavel : conférences internationales Le Centre européen de recherches préhistoriques de Tautavel célèbre cette année le 50ème anniversaire de l’ouverture du grand chantier Événements culturels Bas et collants, tradition et avenir en Cévennes Du 26 avril au 31 octobre au Vigan (30) Cette exposition retrace l’histoire du bas et des collants dans le bassin du Vigan et de Ganges depuis les années 1940. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la soie va laisser la place à une toute nouvelle fibre : le nylon et cette partie des Cévennes deviendra, après Troyes, le deuxième centre de production de bas en France. L’exposition se penche sur cette période où le bas devient un produit de grande consommation, mais aussi de luxe et un élément important de la féminité, de la séduction et de la mode. À noter, le Musée cévenol présente également le 17 mai à 21h, un concert d’accordéon par Sébastien Mazoyer dans le cadre de la nuit des musées (entrée libre) et du 4 juillet au 12 octobre l’exposition photographique Sublimes de Françoise Huguier. Tarifs : 5€, 3€, gratuit – de 18 ans. Contact : 04 67 81 06 86 www.levigan.fr Terres vernissées, 30 céramistes © H. Touchard Du 6 avril à 26 octobre à SaintQuentin la Poterie (30) Saint-Quentin la Poterie a été un grand centre de poteries vernissées utilitaires jusqu’au début du XXe siècle. De nos jours, des céramistes créateurs œuvrent avec cette technique ancienne dans le village. En 2014, l’on fête les 30 ans du marché et festival de la céramique Terralha. Le Musée de la poterie méditerranéenne a saisi cette occasion pour présenter cette exposition, trait d’union entre la céramique traditionnelle et la céramique contemporaine. Les plus grands représentants français de cette technique, qui ont tous participé au moins une fois au marché Terralha, sont ici exposés. Tarifs : 3€/2,3€/gratuit - de 12 ans. Contact : 04 66 03 65 86 www.musee-poterie-mediterranee.com Jean Azémard – Œuvres 1968-1998 Jusqu’au 3 mai à Montpellier Depuis l’exposition au Musée d’art moderne de Collioure en 1999, un an après sa mort, c’est la première fois que les œuvres de Jean Azémard seront montrées dans toute leur richesse, à la fois à la Galerie AL/MA et au Frac Languedoc-Roussillon. Avec le soutien de proches de l’artiste et de collectionneurs qui ont aimé et suivi son travail, la galerie AL/MA présente dessins et volumes des années 1985 à 1998. Au Frac Languedoc-Roussillon, un corpus d’œuvres plus anciennes est exposé, comprenant des sculptures et des peintures réalisées entre 1968 et 1998. Au Frac Languedoc-Roussillon jusqu’au 26 avril et à la galerie AL/MA d’expos jusqu’au 3 mai. Gratuit. www.artcontemporain-languedocroussillon.fr www.galeriealma.org La mostra de Mende Du 12 avril au 4 mai à Mende (48) « Lèche vitrine » d’art contemporain dans les rues de la ville, gratuit. © François Lagarde de fouilles préhistoriques de la Caune de l’Arago. De nombreux événements et sorties d’ouvrages sont prévus à cette occasion. Mais faisons le point sur le programme exceptionnel des conférences… Du 23 au 27 juin, colloque international « Les Hominidés du Pléistocène inférieur et moyen dans le monde. La place de l’Homme de Tautavel. Un Homo heidelbergensis, il y a 450 000 ans » au Palais des Congrès de Tautavel ; du 30 juin au 4 juillet, colloque international, avec la participation des anciens fouilleurs de la Caune de l’Arago « Recherches sur la Géologie du Quaternaire, la Paléontologie, la Paléoanthropologie et la Préhistoire dans le monde » au Palais des Congrès de Tautavel ; du 21 au 26 juillet, conférences des rencontres de Tautavel tous les soirs à 21h dans l’amphithéâtre de verdure. (voir Zoom p. 27) Programme complet et renseignements sur www.450000ans.com Contact : 04 68 29 07 76 IN SITU, patrimoine et art contemporain Du 30 mai au 21 septembre dans l’Aude, l’Hérault et les PyrénéesOrientales Pour la troisième année consécutive, les expositions d’IN SITU osent le mariage entre patrimoine et art contemporain. Les artistes jouent le jeu en proposant des projets faisant écho aux sites patrimoniaux qu’ils investissent, de véritables créations in situ justement. À découvrir dans trois départements : Lilian Bourgeat à l’Abbaye de Fontfroide et au Palais des Archevêques (Narbonne), Claude Viallat au Prieuré de Serrabona (Boule d’Amont), Arnaud Vasseux au Prieuré de Marcevol (Arboussols), Bertrand Gadenne à l’Abbaye Saint-Michel de Cuxa (Codalet), Javier Perez à l’Abbaye de Gellone de Saint-Guilhemle-Désert, Isa Barbier à l’église de Saint-Martin-de-Londres et une œuvre d’Emmanuelle Etienne de la collection du FRAC L-R à l’église Saint-Étienne d’Issensac (Brissac). La manifestation est soutenue par la Région Languedoc-Roussillon, le Conseil général des Pyrénées-Orientales et les sites patrimoniaux partenaires. La coordination du projet et la valorisation du patrimoine sont assurées par Le Passe Muraille, le commissariat des expositions par Marie-Caroline AllaireMatte et Emmanuel Latreille (pour l’église Saint-Étienne d’Issensac). www.patrimoineetartcontemporain.com Lilian Bourgeat, Invendu-Bottes, 2009 Polyester et résine, 300x200x80cm Collection Château Chasse spleen, Bordeaux Charlette Knoll, clignotants clignotant Peter Downsbrough Jusqu’au 11 juin à Sérignan (34) Au Musée régional d’art contemporain Languedoc-Roussillon, 5€/3€, gratuit – de 18 ans. Peter Downsbrough, AND, AS, BUT, 2013. Courtesy de l’artiste, Courtesy Galerie MartineAboucaya, Paris. Production MRAC-LR, Sérignan. © J-P Planchon. Jordi Isern et Jordi Martoranno Jusqu’au 29 juin à Béziers (34) À l’Espace Riquet, 3€/2€. PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 5 6 i i His oires de goûts La ferme du Mas Rolland Vive le pélardon AOP ! Laurence Testa avec son troupeau dans le hameau-village du Mas Rolland © René Lechon E n route vers le… pélardon AOP jusqu’à Montesquieu, en Biterrois. Au Mas Rolland, précisément, le hameau-village qui a donné son nom à la ferme de nos héros du jour. Accueil par le petit nouveau, Jonathan, la trentaine, arrivé en 2012, venu renforcer les deux pionniers, Eric Caumes, l’aîné qui travaille avec les chèvres depuis trente ans et Laurence Testa, depuis quinze ans. Mais où sont donc les « demoiselles », au milieu de cet hiver ? Pour le savoir, Laurence nous embarque sur le petit 4/4 passe-partout, accrochez-vous… Sur le plateau, les voilà les 80 « alpines chamoisées », magnifique troupeau gardé par le gros patou. « Regardez à l’horizon, propose Laurence, vous devinez les Pyrénées et la mer, et moi, je suis ici, à la campagne, dans un endroit de rêve. » D’accord, mais ce n’est pas les vacances tous les jours. Comment a-t-elle choisi ce métier ? « Pour mon mémoire de fin d’études d’ingénieur agronome Supagro, le syndicat de défense du pélardon m’a recrutée en stage pour mener à bien ce projet. » Après un crochet par le syndicat et un temps dans une Chambre d’agriculture, la voilà donc prête pour suivre le processus d’homologation de l’AOP Pélardon. Eric, de son côté, a commencé dès 1980 la vente directe, les marchés et les foires, la gestion de l’élevage... Il propose à Laurence de « dynamiser le GAEC » (Groupement Agricole d’Exploitation en Commun). Elle met donc en place un accueil des classes et la démarche de qualité : obtention de l’AOP Pélardon, contacts avec l’association Slow Food, et sa philosophie du manger autrement. Ici sont reçus régulièrement les collégiens de Béziers. Les chevriers font partie du réseau d’accueil pédagogique Racines Hérault et de Bienvenue à la ferme. Retour à l’atelier. Laurence raconte les contraintes liées à l’obtention de l’AOP : « pour protéger un savoir-faire de ce fromage de lait cru de chèvre, nous devons respecter quelques normes sévères : pas de caillé congelé, moulage à la louche, élevage extérieur un certain nombre de jours. » Le pélardon est commercialisé de mars à l’automne : on n’en mange pas toute l’année. La tome vient compléter l’offre du GAEC. Le fromage est vendu directement, ici à la ferme à 65%, le reste est livré localement dans les boucheries, restaurants et autres épiceries, avec bien sûr la mention « AOP Pélardon », une vraie reconnaissance. Depuis 2012, la ferme participe aux Journées européennes du Patrimoine... Bravo à eux trois et vive le pélardon AOP ! Contact : La ferme du Mas Rolland à Montesquieu, 04 67 24 65 40 www.lafermedumasrolland.com Se reconnecter à la terre En Languedoc-Roussillon, des agriculteurs se sont regroupés au sein de l’association RACINES pour accueillir des jeunes scolaires, du grand public et/ ou des personnes en difficulté le temps d’une demi-journée, d’une journée ou d’un séjour. Au travers de ces accueils, ils souhaitent faire découvrir les aliments à l’origine de notre alimentation, les métiers de l’agriculture, et partager avec ces personnes leur quotidien dans le respect de soi et des autres. Depuis le dernier trimestre de 2013, un partenariat s’est mis en place entre un agriculteur et l’Institut Thérapeutique Éducatif et Pédagogique Le Languedoc de Montpellier. Yézid Allaya reçoit un groupe de cinq jeunes les jeudis matins. Chaque semaine, ils participent aux travaux de la ferme en fonction des saisons. « Pour nous, c’est un moyen de les reconnecter à la réalité dans un environnement apaisant », témoigne Jean-Paul Luce, éducateur à l’ITEP. Désormais, une relation de confiance s’est instaurée et les jeunes se sentent partie prenante au sein de la ferme. Contact : CIVAM Racines 34 - Rébecca Brumelot Tél. 04 67 06 23 39 - [email protected] ou [email protected] PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 7 Dossier AGROPASTORALISME : ÉLEVAGE ET PAYSAGE Dossier réalisé par René Lechon D ans son cours initial aux étudiants de Montpellier SupAgro, cet ancien enseignant débutait toujours son année par un récit biblique, l’histoire d’Abraham, première figure du pasteur sans terre. Dans l’intention de rappeler les gestes ancestraux du Croissant fertile, à l’origine de notre agriculture mais surtout de mieux faire comprendre à son jeune public que « les éleveurs même pasteurs sont issus de l’agriculture et toujours dépendants de ses produits ». C’est à cette interdépendance que nous conduit l’échafaudage de ce dossier sur l’agropastoralisme. Mais reprenons quelques définitions. Et d’abord, qu’est-ce que le pastoralisme ? C’est « un système d’élevage qui utilise en grande partie des ressources végétales spontanées par le pâturage, le plus souvent de façon extensive, soit sur l’exploitation même, soit dans le cadre de la transhumance ou du nomadisme ». Et maintenant qu’est-ce que l’agropastoralisme ? Ce terme désigne les situations d’élevage, de paysage, d’économie et de société dans lesquelles l’agriculture est intimement associée à l’élevage pastoral. Pour caricaturer légèrement, le pastoralisme, c’était un berger seul, et des brebis par centaines sur des pâturages offerts par la nature, spontanés. L’agropastoralisme, c’est toute une communauté humaine composée d’éleveurs, d’agriculteurs, de responsables de la gestion de l’environnement, du climat, du tourisme. Et tous invités à œuvrer ensemble. Patrimoine vivant Évoquer l’agropastoralisme et non plus le pastoralisme témoigne d’un changement de siècle et de point de vue. Nous tentons d’en rendre témoignage à travers les différents articles de ce dossier. En traversant ces paysages, nous avons naturellement, sur trois départements de notre région, croisé les Causses et Cévennes, mondialement célèbres désormais depuis leur inscription par l’UNESCO sur la liste du Patrimoine de l’Humanité, comme paysage culturel de l’agropastoralisme méditerranéen. Ces territoires, de par leur situation, sont complètement concernés par l’agropastoralisme. En ce sens, l’implication pour une meilleure prise en compte et une information plus large sur ces espaces de l’Entente interdépartementale des Causses et des Cévennes et de son président, Jean-Paul Pourquier, est emblématique (lire p. 13), lui qui rappelle que « l’agropastoralisme a permis de façonner les paysages ». Tout cela en définitive n’est pas qu’une histoire de cailloux ni d’esthétique. Il s’agit bien d’une aventure humaine comme le rappelle, dans sa contribution, le géographe Gérard Collin : « dans l’aménagement de ces territoires, dit-il, il n’y a pas les architectes d’un côté et des habitants du Causse de l’autre, mais un ensemble de citoyens au service d’une nature et d’un paysage unique » (lire p.14). Car ce patrimoine est bien vivant. Et appelé à le devenir de plus en plus. 8 PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 9 Dossier L’agropastoralisme vu par les agents du SUAMME Le réseau des chambres d’agriculture du Languedoc-Roussillon, à travers un organisme inter-établissements (OIER) bénéficie avec le SUAMME (Service d’Utilité Agricole Montagne Méditerranée Élevage), d’un poste avancé dans l’agropastoralisme. Sept de ses agents partagent ici leur réflexion et leur quotidien. L ’OIER SUAMME, bénéficiant du soutien de l’État, de l’Europe et de la Région Languedoc-Roussillon, est régulièrement sollicité pour accompagner les gestionnaires environnementaux ou les communes dans leurs projets, pour la mise en place de plans de gestion pastoraux ou pour préparer l’installation d’éleveurs. Pour la mise sur pied d’une estive par exemple, un diagnostic agropastoral démarre par une enquête auprès des éleveurs valorisant le site afin de comprendre leur organisation, leurs attentes... Puis une phase de terrain permet de cartographier la végétation et évaluer la ressource alimentaire disponible, mais aussi de commencer à prévoir les travaux (ex : débroussaillage, clôtures, abreuvoirs) à réaliser. Les espaces agropastoraux, couramment qualifiés de « semi-naturels », peuvent conjuguer les fonctions de sites de randonnée, de chasse, de réservoirs de biodiversité... La prise en compte de ces différents enjeux et les échanges avec les autres acteurs concernés par la gestion du site est une étape incontournable. Ce n’est qu’à l’issue de ces différentes étapes que l’on peut valider un plan d’action concerté pour l’estive. Par exemple, installer une cabane pastorale pour accueillir le berger et des abreuvoirs, organiser le pâturage de manière à ne pas déranger le Tétras-lyre ou le lagopède 10 PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 pendant leurs périodes de reproduction, ou encore débroussailler tel ou tel secteur pour retrouver de la ressource et préserver les paysages. La reconquête des espaces Face à la déprise agricole, à la pression urbaine ou à l’accroissement des risques notamment d’incendies, de plus en plus de collectivités se posent la question de trouver une nouvelle vocation aux espaces « abandonnés » via le redéploiement d’une activité agropastorale. En appui aux chambres d’agriculture et aux collectivités territoriales, l’OIER SUAMME réalise des diagnostics pastoraux qui visent à évaluer la faisabilité de ces projets. Pour réaliser ces diagnostics, des relevés de végétation et une analyse de la topographie permettent d’expertiser les espaces concernés et de construire des scénarii vraisemblables de reconquête agropastorale. Ils sont alors proposés aux instances décisionnelles pour le choix et la validation d’un des scénarii avant de passer à une phase plus opérationnelle d’accompagnement d’un porteur de projet. La reconquête d’espaces pastoraux est un enjeu régional. Réagir face au changement climatique Le déficit de production de fourrage s’accentue. Entre les efforts portés sur une meilleure valorisation © Marie Bazille Aider les projets pastoraux Une organisation nomade originale : la transhumance Certains troupeaux ovins et bovins des garrigues, des basses Cévennes et du littoral, cheminent encore à pied vers les pâturages d’altitude des massifs de l’Aigoual, du Mont Lozère, des plateaux calcaires des Causses et des Pyrénées en empruntant des chemins de transhumance ou « drailles » pour des trajets de 2 à 10 jours. En Languedoc-Roussillon, 45% environ des éleveurs, regroupant 60 000 brebis et 14 000 bovins, pratiquent soit une « grande » transhumance (intra ou extra départementale) soit une transhumance de proximité. La transhumance a perduré malgré son image « archaïque » face à la révolution fourragère et aux modèles de l’agriculture productiviste, car elle valorise les ressources pastorales naturelles de grands espaces tout en respectant les rythmes naturels de la végétation et des animaux. Le loup fait courir un risque Dans les élevages méditerranéens et de montagne, l’alimentation des mères provient des plantes qui poussent spontanément sur les parcours et pâtures. Lorsqu’on ramène cette consommation au volume total de fourrage et végétaux consommés tout au long de l’année, elle en représente couramment plus de la moitié. Mais la situation pourrait changer. En effet, le loup est officiellement revenu depuis 1999 dans les Pyrénées-Orientales et depuis 2012 en Lozère. Si la pression de prédation venait à augmenter, l’utilisation des surfaces pastorales qui marque si fortement les paysages de notre région (35% des surfaces agricoles, et jusqu’à 80% dans t des surfaces agropastorales depuis plus de 30 ans et le climat qui évolue, nos éleveurs doivent continuer à s’adapter. C’est un enjeu fort de trouver des clés de réussite de durabilité des systèmes en Languedoc-Roussillon. L’amélioration de la technicité de production fourragère avec la complémentarité de l’utilisation agropastorale des surfaces et la valorisation par les troupeaux est une action que nous nous employons à caractériser pour les porter à connaissance des conseillers agricoles. Ce sont les stratégies d’alimentation et de pâturage de nos milieux méditerranéens les plus adaptées qui serviront dans quelques années aux autres régions de France. PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 11 Dossier certains territoires d’élevage) pourrait être menacée de se replier sur les territoires agricoles les plus productifs, plus faciles à intensifier, à clôturer et où le troupeau est plus facile à défendre mais qui sont aussi les plus artificiels. Le savoir-faire des bergers et éleveurs pour combiner la pression du pâturage et le renouvellement de la végétation pourrait être à son tour menacé de ne pas pouvoir être transmis aux générations à venir. Tout le travail mené depuis plus de 20 ans pour que la valeur, pas seulement productive, de ces pratiques soit reconnue et valorisée, y compris à travers l’économie touristique, risque lui aussi d’être mis à mal. © Laure Guiral Les soutiens publics à l’agropastoralisme Les aides directes au secteur montagne-élevage représentent une part importante dans le revenu des systèmes d’exploitation agricoles et agropastoraux de Languedoc-Roussillon. Ces versements sont élevés en comparaison du chiffre d’affaires et cette situation est directement liée à la réforme de la Politique Agricole Commune de 1992 et l’alignement des prix agricoles sur les cours mondiaux. Les aides directes instituées à l’époque (aides ONIC sur les céréales, PHAE, PMTVA, PCO...) avaient pour objectif de compenser les pertes de revenus. Lors de la réforme de la PAC en 2007, c’est une orientation agro-environnementale qui a été impulsée. L’identification de territoires à enjeu écologique comme la biodiversité, les sites Natura 2000, ont permis aux éleveurs d’engager leur travail vers des pratiques respectant ces objectifs écologiques. Ce soutien rémunère des pratiques plus coûteuses : gestion du pâturage selon un calendrier précis, adaptation des parcs au pâturage avec pose de clôture, de points d’abreuvement, ouverture mécanique des milieux en dynamique de fermeture pour permettre l’accès aux animaux et au pâturage... Ces dispositifs d’accompagnement sont structurants pour les systèmes agropastoraux mais se calent sur les systèmes herbagés du nord de la France, les systèmes pastoraux étant complètement oubliés. La reconnaissance des parcours, landes, bois pâturés comme surface de production est indispensable à la survie des exploitations agropastorales. Les systèmes d’élevage en région © Laure Guiral L’élevage régional est protégé par des marchés relativement ouverts et par la Politique Agricole Commune à la faveur d’un ratio élevé surfaces/ travailleur, mais il est exposé et fragilisé du fait de structures soumises aux aléas climatiques et sanitaires, à l’augmentation des coûts de production et de mise en marché : la capacité d’autofinancement des élevages et des filières est faible alors qu’il faut investir dans l’autonomie fourragère, l’irrigation, renouveler les équipements en abattoirs et ateliers de découpe, disposer de régulations pour faire face aux aléas. La connaissance du fonctionnement des systèmes d’élevage permet de répondre aux attentes des éleveurs pour leur développement dans un fonctionnement durable, comme c’est le cas pour Le Rosée des Pyrénées Catalanes, un veau broutard élevé au lait maternel (voir p. 19). Interview de Jean-Paul Pourquier, président de l’Entente interdépartementale des Causses et des Cévennes « L’agropastoralisme a permis de façonner les paysages » Patrimoines en région. Nous abordons la troisième année de l’inscription sur la liste du Patrimoine mondial des Causses et Cévennes. Où en est-on aujourd’hui ? Jean-Paul Pourquier. Depuis 2011, s’est mise en place une gouvernance pour démontrer à l’UNESCO la bonne gestion d’un Bien inscrit sur la liste du Patrimoine mondial. Nous sommes un peu le bras armé de l’État pour coordonner les gestionnaires locaux. Il s’agit de tisser un réseau de travail et de partage avec les acteurs locaux, des partenariats, de signer des conventions, d’aider des organismes de gestion. PER. Les acteurs de terrain se sont-ils approprié cette valeur universelle du Bien classé ? J-P P. Nous nous engageons dans une phase d’appropriation par les acteurs en place de la valeur universelle du bien. Nous avançons vers une prise de conscience et un travail avec les habitants, les agriculteurs, les professionnels du tourisme, les élus. Ma conviction profonde est que le cœur de cette inscription, c’est l’agropastoralisme qui a permis de façonner les paysages. Ce qui compte, c’est qu’ils l’ont été par l’homme et n’offrent pas une valeur uniquement pour leur beauté naturelle. PER. Parlez-nous des avancées dans les quatre départements concernés ? J-P P. La Lozère, l’Aveyron, le Gard et l’Hérault ont su montrer qu’ils étaient capables, au-delà des sensibilités politiques, de se mobiliser dans l’intérêt de ce territoire. Ils permettent à l’Entente de réaliser des actions concrètes et répondre aux exigences liées au maintien de la valeur universelle exceptionnelle. Des réticences existaient au départ, notamment dans le monde agricole, peut-être pas, alors, suffisamment associé. Qui dit inscription en effet, pouvait faire craindre « contraintes nouvelles » mais aujourd’hui, cette crainte s’efface au bénéfice d’une prise de conscience de l’opportunité que représente cette reconnaissance internationale. À ce titre, nous sommes assez fiers des démarches de formation d’ambassadeurs auprès des professionnels agricoles et touristiques, une initiative gardoise qui commence à susciter un intérêt grandissant sur tout le territoire. PER. Vous misez désormais sur la communication… J-P P. Les prochaines actions de sensibilisation sont l’affichage, l’information sur l’inscription aux entrées du Bien inscrit, sur les routes nationales et départementales et bien sûr, sur l’A75. Ces panneaux sont financés par l’Entente interdépartementale, avec l’aide du FEDER (fonds européens) et de la Région Languedoc-Roussillon. Mais nous allons mener encore d’autres actions : des expositions itinérantes, la réalisation de posters pédagogiques. En complément se mettent en place des initiatives provenant des gestionnaires locaux tels que le Parc National des Cévennes, le Parc Naturel Régional des Grands Causses, le CPIE des Causses méridionaux, le Conservatoire Larzac Templier Hospitalier, etc. Après une période d’expectative, il faut à présent savoir tirer profit de cette inscription qui est une vraie récompense. PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 13 Dossier Causses et Cévennes Un paysage culturel universel L’inscription des Causses et des Cévennes sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco (2011) comme « paysage culturel* de l’agropastoralisme méditerranéen » met en lumière un travail acharné et passionné pour conserver et développer des valeurs universelles exceptionnelles. L ’agropastoralisme est un mode de subsistance et d’exploitation du milieu, pratiqué sur des parcours et exploitant des troupeaux d’herbivores qui utilisent la végétation naturelle, plus ou moins associée à d’autres aliments. Pour les Causses et les Cévennes, c’est une alliance particulièrement riche entre éléments naturels (trois climats, trois géologies), complémentarité avec les plaines, et savoir-faire qui a forgé un patrimoine exceptionnel. Depuis 5000 ans, les activités agricoles et pastorales ont créé et maintenu de grands paysages ouverts (pelouses, landes) disputant aux milieux boisés la place dominante. Ces derniers, et notamment les châtaigneraies, sont d’ailleurs aussi, pour partie, des territoires agropastoraux contribuant à la nourriture des troupeaux. Ainsi, se sont inscrits dans ces paysages exceptionnels des constructions et des aménagements liés à ces activités. Le patrimoine architectural 14 PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 © Gérard Collin constitue ici un ensemble d’attributs** aujourd’hui reconnus mondialement (fermes, bergeries ou « jasses », ponts moutonniers, clochers de tourmente...) qui fait la part belle à l’architecture populaire en contrepoint d’une architecture plus savante liée à l’histoire agropastorale (abbayes, châteaux seigneuriaux, commanderies, villages fortifiés...). Les aménagements tiennent compte des conditions imposées par les milieux et des nécessités techniques : terrasses (« faïsses », « bancels », « traversiers »), mares aménagées (« lavognes »), chemins de transhumance (« drailles »), canaux d’irrigation (« béals »)... Enfin, certains traits expriment la relation intime du territoire avec l’agropastoralisme : dolines (« sotchs »), pierriers (« clapas »), bornes de chemin ou de limite, croix de chemin... Les savoir-faire, les savoirs naturalistes et les savoirs de la modernité, composantes immatérielles des sociétés agraires qui se sont succédé ici, ont perpétué jusqu’à nos jours un patrimoine de valeur universelle exceptionnelle. Le vrai défi pour ce paysage évolutif et vivant est celui de sa gestion et de son maintien en respect des évolutions nécessaires et acceptables. Le caractère évolutif et vivant de ces attributs doit être compris dans sa dynamique passée, présente et future. Il s’agit d’admettre une conservation ouverte, de comprendre que le fondement du patrimoine universel exceptionnel d’aujourd’hui n’est que la résultante de processus passés ou en cours. Croire que ce paysage culturel est un patrimoine classique répondant aux méthodes et moyens habituels serait une réduction dangereuse. Croire que le Bien inscrit résoudra les problèmes de l’agropastoralisme serait ouvrir le champ d’une utopie. Il s’agit de mesurer ce que le patrimoine (le résultat) doit à l’activité agropastorale (le moteur). La conservation des pierriers, au cœur du système agropastoral et de ses valeurs patrimoniales, semble simple techniquement mais elle est aléatoire car l’objet est « banal ». Il ne dépend pas de protections réglementaires mais de l’évolution des pratiques. Le risque de « marginalisation » est grand. Il faut travailler sur le moteur qui conserve, donne vie, fait évoluer le patrimoine. Mais l’agropastoralisme n’est pas une entité isolée : il doit évaluer ses actions en termes de développement comme de conservation, en relation intime avec ses attributs. Drailles La conservation ou l’évolution harmonieuse du Bien inscrit passe par le maintien des activités agropastorales, ce qui ne signifie pas leur fixation en l’état. Seule l’absence d’activité agropastorale est interdite. Maintien et évolution dépendent de choix individuels qui, eux-mêmes, découlent de choix externes de politique agricole. Il faut prendre en considération une approche symétrique de connaissance et d’analyse des évolutions pour les deux pôles du système (patrimoine et agropastoralisme). Mais l’essentiel reste le croisement des données statiques et dynamiques de ces deux pôles. Un travail de réflexion basée sur l’observation des modes de fonctionnement socio-économiques, techniques et sur les évolutions potentielles de l’agropastoralisme est nécessaire mais insuffisant, tout comme un travail de réflexion basée sur l’inventaire des objets patrimoniaux. L’apport d’une politique touristique ne peut, elle non plus, se concevoir sans cette réflexion à double entrée. Le tourisme ne peut ici se développer sans la connaissance et la conservation des attributs. Le tourisme doit aussi être à l’écoute des besoins et des « interdits » liés aux activités agropastorales. Les drailles sont un bel exemple de ce jeu complexe : les maintenir relève de pratiques agropastorales autant que patrimoniales ou touristiques, sans que les unes puissent se passer des autres. Gérard Collin, géographe * La Convention du patrimoine mondial définit les paysages culturels comme les ouvrages combinés de la nature et de l’homme. ** Il s’agit d’éléments (culturels, naturels, paysagers, immatériels…) qui témoignent particulièrement de la valeur patrimoniale. © Gérard Collin PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 15 Dossier Berger Un métier moderne Devenir berger, ça s’apprend, comme nous le démontre l’École des Bergers. Mais c’est sur le terrain que l’on découvre aussi la réalité de ce métier comme en témoignent les deux bergers que nous avons rencontrés. D evinette : c’est un métier porteur d’emploi, ouvert au portable et panneaux solaires, utilisant les dernières technologies de communication numérique, apprécié par les femmes, qui plaît aux urbains. De quoi s’agit-il ? Du métier de berger. Eh, oui, à l’école des bergers du Domaine du Merle, près de Salon-deProvence, on se félicite de ce changement d’image. « Jusqu’alors, constate Michelle Jallet, la directrice, les adjectifs collés à ce métier, vieux comme le monde, étaient asocial, rustre, voire marginal. C’est une petite révolution. » Ce qui réjouit encore la directrice, c’est un autre événement positif : « En 1997, raconte-t-elle, suite à une enquête sociologique du CERPAM*, la formation a connu une remise à plat, et par-delà, une révision du statut de la profession. » Le CERPAM lui demande alors de repenser entièrement la formation. Une aubaine ! La chance de l’école qui dépend de Montpellier SUPAGRO est de se trouver sur le Domaine du Merle qui possède un troupeau sur place, l’outil de travail et d’apprentissage. « Ce qui 16 PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 semblait le plus logique dans la rénovation était de prévoir désormais un cursus d’un an, d’octobre à octobre, simplement pour parcourir le cycle de production annuel des brebis transhumantes de la région. » Ici, on vit une vraie plongée dans le réel, en situation professionnelle. Le futur berger teste tous les postes : agnelage, mise-bas, soins, pose du filet, séjour en prairie, début d’engraissement. Le support pédagogique réside dans un partenariat quasi permanent actif et réactif avec les éleveurs du voisinage. « Ce sont des pairs pour moi, dit la directrice, j’enfile ma cotte, mes gros souliers, je suis une directrice atypique, avec 14 ans d’élevage dans des activités professionnelles antérieures. » Pendant les 1 760 heures de formation, chaque futur berger ou bergère exerce sur tous les espaces pastoraux : estive, colline, plaine, avant un temps d’insertion-professionnalisation. Clou de l’année de formation, les trois mois d’alpage : « Nous préparons pendant 15 jours cette période. Un test pour l’autonomie, ils seront seuls avec un chien. Mais je ne les abandonne pas, rassure, un brin maternelle, Michelle Jallet. Sac à dos, avec mon chien, je prends le temps nécessaire pour rendre visite à chacun et chacune. » Un module « pastoralisme, techniques de garde » les a préparés physiquement avant le séjour. Dressage de chien de troupeau, soudure, débroussaillage, machinisme et même risque de prédation du loup, n’ont plus de secret pour les jeunes bergers. Ne vous attendez pas à les croiser dans une cabane branlante, le confort a été amélioré, de même le compagnon ou la compagne peut suivre désormais le berger. « C’est un métier nécessitant de nombreuses compétences, connaissances technico-économiques, préservation de l’environnement, ouverture à l’autre, c’est un métier social, résolument moderne. » Annie, 23 ans, raconte : « J’ai dit à un randonneur que j’étais bergère, il m’a répondu… Et moi, le pape ! » Il faudra s’y faire, ce métier est un métier comme les autres, et avec cette nouvelle formation, depuis une quinzaine d’années, on a noté un taux de stabilité dans la profession de 75 % ! Contact : Michelle Jallet, Domaine du Merle à Salon-de-Provence Tél. 04 90 17 01 55 Thèmes abordés dans la formation • Agronomie • Gestion sanitaire • Alimentation • Reproduction/sélection • Gestion technico-économique des systèmes d’élevage • Connaissances de la filière • Pastoralisme, techniques de garde * CERPAM : Centre d’Études et de Réalisations Pastorales Alpes Méditerranée pour la gestion des espaces naturels par l’élevage Deux regards professionnels Daniel Segondy, au Domaine départemental de Roussières Comment vivez-vous votre métier ? Je n’ai pas l’impression de travailler, et heureusement. Travailler 15 heures par jour, 7 jours sur 7 pour ce que l’on gagne, il faut que ce soit vraiment une passion. Si je ne garde pas le troupeau, ma tête ne va pas bien. Il y a des matins plus durs que d’autres, mais j’y vais toujours avec plaisir. Je vais vous donner un exemple, je me suis fait opérer du poumon un mardi, le vendredi j’avais besoin d’aller garder et j’y suis allé. Comment pensez-vous être perçu par le grand public ? Les trois quarts des gens nous prennent pour des incapables et des fous. Incapable car on entend souvent : « Il fait berger parce qu’il ne sait rien faire d’autre. » Les gens se sentent supérieurs, il suffit aujourd’hui de posséder une villa pour avoir réussi. Fou parce que le travail fourni paraît énorme. Quand on transhume, le public nous regarde comme des nomades. Et puis, il y a ce regard qui fait sentir que l’on n’a pas le droit d’avoir de belles choses parce qu’on est berger. En effet, que ce soit un beau cheval, une belle moto, ou toute autre chose, nous ne sommes « que des bergers ». Quel est selon vous l’avenir de votre métier ? Il n’y a pas d’avenir pour ce métier. C’est fini, à part si c’est clôturé, ce qui n’a aucun intérêt pour les brebis. On dit qu’il faut 2 ha par brebis, imaginez la taille du terrain pour un troupeau de 300 têtes… Et puis une brebis, il y a 15 ans on la vendait 500 francs. Aujourd’hui, elle vaut de 40 à 50 euros. On ne vit que grâce aux subventions. Alors, l’avenir… Julien Alcover, sur les monts d’Orb Julien Alcover, 35 ans, le sourire chaleureux, rentre ce jour-là de l’assemblée générale de l’association des éleveurs de la race Raïole sur le Causse-de-la-Selle. Un acte d’engagement pour cet homme atypique considéré parfois par certains comme « un hurluberlu », peut-être à cause de sa barbe fleurie. C’est vrai qu’il ne fait pas les choses comme tout le monde, Julien. D’abord, c’est une quarantaine de parrainages qui lui ont permis de constituer son troupeau. Sur les monts d’Orb, à Graissessac et Saint-Gervais-sur-Mare, il surveille son troupeau par GPS mais aussi à la garde. Pour l’instant, il ne possède pas de grange et pratique l’élevage « en plein air intégral ». De son expérience d’animateur, il lui reste le goût de l’échange et un certain penchant pour la pédagogie active. Lui pense qu’un éleveur n’est pas forcément un rustre… Ainsi, quand il part seul garder ses cinquante mères et son bélier (« de la race Raïole, très rustique »), Julien emporte les écouteurs pour suivre une bonne émission. C’est aussi un jeune père de famille et avec sa femme, il restaure une ancienne bâtisse des mineurs de Graissessac : « Elle raconte une histoire, on y est bien. » Côté ressources, « les premières années ont été rudes mais le métier de ma femme nous procure des rentrées régulières et rassure », concède-t-il. Pour la première fois, en 2014, le jeune berger présente des comptes à l’équilibre et va recevoir « une aide régionale qui m’engage à être agriculteur à titre principal », se réjouitil. Un nouveau cap. Qui a parlé d’ « hurluberlu » ? PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 17 Dossier En pays catalan Le succès des chevaux de trait © Nathalie Baills B rigade de propreté ou calèches touristiques, on les voit réapparaître ces chevaux ou mulets catalans. Pour le bonheur de tous, petits et grands mais aussi pour un développement durable des villes et des campagnes. En France, à ce jour, plus d’une centaine de municipalités ont fait le pas d’intégrer des chevaux dans leurs équipes pour les tâches les plus diverses. Avantage écologique mais aussi convivialité sont les bénéfices de cette autre façon de transporter ou de cultiver. Nathalie Baills, chargée de mission « Montagne élevage » à la Chambre d’Agriculture du Roussillon, revient sur cette belle histoire : « C’est en 2007, raconte-t-elle, que l’aventure débute avec quelques éleveurs de chevaux de trait du plateau cerdan s’intéressant à l’avenir de la race - en fait à sa reproduction - au syndicat départemental des Pyrénées-Orientales. Car Ici les “lourdes” sont une histoire de famille, de passion, de tradition. » Depuis la nuit des temps, le troupeau de dix-quinze mères côtoie vaches allaitantes ou laitières sur les exploitations. Certains parlent alors de vendre leurs juments, et un climat morose s’installe jusqu’à cet appel des vignerons souhaitant renouveler leurs mulets pour les vignobles. Des pentes abruptes du cru de Banyuls vers la haute vallée de l’Agly, le phénomène commence à s’exporter. « Depuis 2008, reprend Nathalie Baills, l’élevage de muletons repart. Après dressage et concours d’utilisation en 2010, ils sont vendus à des vignerons catalans. Le plan de production de mules et chevaux de trait ne s’arrête pas. » Alors, pour les travaux de labour mais aussi comme agents de développement durable dans les communes, on va revoir ces chevaux cerdans. La brebis Rouge du Roussillon est sauvée ! À ce jour, on compte dans les Pyrénées-Orientales environ 1100 brebis de la race Rouge du Roussillon réparties dans onze élevages sur l’ensemble du territoire du département (plaine, Aspres, Vallespir, Conflent, Fenouillèdes...). En vingt ans, la race s’est développée, passant de 500 à 5500 têtes sur le territoire national. Grâce essentiellement à l’aide de trois parcs naturels. Martine Fiolet qui assure l’animation globale au niveau national et local est rassurée : « On respire du côté des éleveurs de cette race à petit effectif, appréciée déjà pour sa couleur mais aussi pour sa rusticité, dit-elle. Le suivi de la Rouge est mené, avec celui de deux autres races locales, par l’Association des Éleveurs de Raïoles, Caussenardes des Garrigues et Rouges du Roussillon. » Mais elle, qui élève aussi de la « Rouge » en Aveyron, reste vigilante. Animation technique, inventaires et inscription des femelles, 18 PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 centre d’élevage de jeunes béliers et organisation de deux ventes de béliers par an, promotion, on continue de « se bouger » pour la belle race. Aujourd’hui, avec très peu d’aide, l’association fonctionne en autonomie, « mais à la recherche d’aides nouvelles », reconnaît l’animatrice. http://raioles-caussenardes-rouges.jimdo.com Sous le Signe d’Identification de la Qualité et de l’Origine Le bon veau Rosée des Pyrénées Catalanes M yriam Codini est animatrice dans l’association « Rosée et Vedell des Pyrénées Catalanes » valorisant les démarches qualité à travers le statut juridique d’organisme de défense et de gestion. « Depuis vingt ans, explique-t-elle, les éleveurs ont choisi de mettre en place une certification de conformité produit (CCP). En ce cas précis, ils travaillent à développer et promouvoir le veau “Rosée des Pyrénées Catalanes”. En plus de la communication, je suis la traçabilité et le cahier des charges. » Le mode d’élevage possède une typicité et une tradition qui date du XIXe siècle : le veau suit la mère. En territoire de montagne, la majorité des éleveurs font transhumer le troupeau et des groupements pastoraux organisent les estives des troupeaux avec les veaux. En moyenne, 200 mères partent ainsi par estive. « Les systèmes d’exploitation de notre région font vêler entre décembre et fin mars, l’hiver donc, précise Daniel Moragas, éleveur et président de l’association, et dès le printemps, le veau et sa mère suivent la pousse de l’herbe des exploitations jusqu’à 2500 m d’altitude dans le courant de l’été. Pour la nourriture, les éleveurs ne font appel à aucun complément. Nos montagnes y pourvoient avec leur diversité. Les mères et les veaux broutent les fleurs et le goût de la viande s’en ressentira bien sûr. Quand il broute particulièrement la réglisse, une herbe aromatique, le veau Rosée devient un produit goûteux. » On peut donc dire que le veau naturel ne mange… que du naturel, « au lait de la mère ». Le Rosée des Pyrénées Catalanes respecte un cahier des charges en vue de l’obtention d’une IGP (indication géographique protégée) et l’on fait ainsi d’une pierre trois coups : on offre une bonne nourriture, une belle chair qui a du goût et on procure du travail localement. Sans compter que les territoires de montagne s’entretiennent dans la foulée. « On dénombre un noyau d’une quarantaine d’éleveurs sur les petites régions du Conflent mais aussi du Vallespir et de la Cerdagne/Capcir, reprend le président. La commercialisation se réalise dans les boucheries traditionnelles, par correspondance (caissettes de portions emballées sous vide) ou encore récemment dans quelques moyennes surfaces locales pour les gens des villes, demandeurs de bons produits. Nous réalisons dans ce but des actions de promotion. » ww.roseedespyrenees.com Les éleveurs font découvrir leurs produits Fin juin, les balades en estive sont une véritable opération portes ouvertes. Par un moment de détente, elles font découvrir l’élevage et l’originalité du veau Rosée. « C’est un de nos produits de com’, résume, enthousiaste, Myriam Codini. À cette occasion, les gens vont pouvoir découvrir les estives et déguster le veau. Et, on l’espère, l’adopter dans leurs futurs plats. » Dans la même démarche qualité et origine : • l’Agneau de Lozère • l’Agneau Fermier des Pays d’Oc • le Bœuf race Aubrac PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 19 Dossier À Hérépian Le musée de la cloche et de la sonnaille E n 1998, le Musée de la cloche et de la sonnaille ouvrait ses portes à Hérépian. Ce musée de société met en scène des savoir-faire exceptionnels, attachés à un territoire et à une mémoire locale. Fermé depuis 2005, sa réouverture est prévue pour l’été 2014. L’histoire du projet débute par une étude ethnologique sur l’art campanaire de la famille Granier. Cette famille d’artisans fabriquait des clous et des sonnailles depuis 1600 dans les hauts cantons de l’Hérault. Après la première guerre mondiale, Joseph Granier étend son activité à la fonderie, pour la fabrication de clochettes et de grelots. En 1931, il se lance dans la production de cloches d’église à Castanet-leBas, avant que l’entreprise ne s’installe à Hérépian, dans les années 1970. Avec l’ouverture du musée en 1998, la fonderie est naturellement et directement associée au parcours muséographique. Le Musée de la cloche et de la sonnaille présente les techniques de fabrication, les utilisations et l’univers sonore des différentes productions de l’ancienne fonderie. L’exposition permanente débute par des collections de sonnailles, en tôle martelée et encuivrée. Essentiellement utilisées par les bergers pour le repérage des bêtes, ces sonnailles ont aussi, des Alpes aux Pyrénées, une fonction décorative et musicale. La production des clarines et grelots en bronze ou en laiton a été particulièrement 20 PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 florissante à Hérépian, avec pour destination l’élevage, les usages domestiques, le marché des souvenirs et certaines manifestations folkloriques. Leur fabrication, par moulage au sable, est illustrée dans le parcours muséographique. La production de cloches d’église constitue l’activité la plus noble et la plus récente de la fonderie d’Hérépian. Elle nécessite un savoir-faire méticuleux, pour obtenir justesse de la note et clarté du timbre de ces véritables instruments de musique. Le public peut découvrir les différentes étapes de leur fabrication, depuis la conception du moule jusqu’à leur installation. La coulée reste le moment le plus intense, spectacle fabuleux et magique où le métal en fusion donne naissance à un instrument personnalisé dont la « voix » chantera tous les temps de la vie. La visite se termine par le « passage des clochetons », qui allie aux contes et légendes, la féerie d’effets lumineux et sonores. L’ensemble du parcours est aménagé pour une visite en autonomie des personnes non ou malvoyantes. La voie verte Passa-païs, itinéraire cyclable et pédestre aménagé sur l’ancienne voie ferrée de Bédarieux à Mazamet (60 km), longe le musée depuis juin 2013, venant ainsi renforcer son attractivité touristique. Patricia Beaudouin Service Patrimoine du Conseil général de l’Hérault Cogito Transhumances en devenir Pierre Laurence, Chef du service Patrimoine Conseil général de l’Hérault Q u’est-ce que la transhumance ? Dès qu’il s’agit d’établir, de façon tant soit peu complète, une définition de la transhumance, ce système d’élevage se révèle dans sa complexité, combinaison vertueuse entre des territoires, des races aptes à leur mise en valeur, une organisation sociale et des hommes, porteurs d’une connaissance de ces espaces et des savoirs nécessaires à la conduite des animaux (voir aussi p.11). Car transhumer c’est d’abord « garder », c’est-à-dire mener des troupeaux sur des parcours pour leur assurer une alimentation optimale, en tous temps. Cette présence continue du berger auprès des bêtes a généré un savoir-faire et une connaissance intime du comportement animal sur lesquels repose tout le système transhumant. Pour décrire la nature de leur attachement à ce métier, les bergers transhumants usent souvent du terme de « passion », qui désigne tant le lien fortement marqué d’affectivité qui les lie à leurs bêtes, que leur profond attachement à des pratiques et une culture pastorale spécifique. Au cours des siècles, les conditions sociales et économiques dans lesquelles cet élevage s’est jeunes éleveurs transhumants entre Gard et Hérault. La « passion » pour les brebis continue de rendre attractif un métier qui constitue pourtant un choix de vie radical. L’Ouest de l’Hérault et l’Aude ont connu, au cours du XXe siècle, le développement d’une transhumance hivernale de troupeaux andorrans, qui a atteint 24 000 bêtes à son apogée, à la fin des années 1940, avant de régresser. Aujourd’hui, dans ces territoires, le désir d’installation de jeunes éleveurs rencontre Ainsi la transhumance s’affirme-tle souci de collectivités locales de valoriser des elle aujourd’hui comme une pratique espaces. Se mettent ainsi en fondamentalement moderne, de haute place de nouveaux modèles qualité culturelle et environnementale. économiques et sociaux dont la transhumance redevient le pivot, associant préservation notre région, la transhumance la plus active de la biodiversité et prévention des incendies est celle des troupeaux ovins des Garrigues par le pâturage, valorisation d’une production et des Cévennes qui estivent dans la bordure d’agneaux de grande qualité par la vente directe sud du massif central (Causses méridionaux, et manifestations festives recréant du lien social Aigoual, Hautes Cévennes et mont Lozère). autour de cette activité. Ainsi la transhumance Elle se pratique encore très majoritairement à s’affirme-t-elle aujourd’hui comme une pratique pied. Conscient de l’enjeu de cet élevage pour fondamentalement moderne, de haute qualité la conservation des milieux ouverts des sites culturelle et environnementale. d’estives et de leur biodiversité, le Parc national des Cévennes a engagé un programme de renouveau de la transhumance ovine (aménagements pastoraux, encouragement des groupements pastoraux). L’effectif des ovins transhumants sur ce territoire est ainsi passé de 18 000 dans les années 1980 à 23 000 au début des années 2000. Depuis une quinzaine d’années, on assiste à l’installation continue de exercé ont radicalement changé. Néanmoins cette pratique pastorale perdure aujourd’hui, permettant la mise en valeur de bien des espaces entre garrigues, moyenne montagne et estives. Le caractère fondamentalement adaptatif de la transhumance, induit par la nécessité de l’itinérance, tout comme l’attachement des bergers ou éleveurs à leur culture, a permis cette résistance au temps et à l’histoire. Dans PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 21 L’œil de l’artiste I Aude Laure Essinger Artiste-plasticienne Quand l’art jaillit du papier végétal L es créations de Laure Essinger, toutes en légèreté et élégance, étonnent par leurs formes et tailles variées. Celle des Argonautes suspendus dans le lavoir d’Aubais, ou celle d’une robe présentée lors de l’inauguration de pierresvives symbolisant le muscat et… sa robe ambrée. La matière de ces installations de la plasticienne ? Du papier végétal, tout simplement. « Dans la nature, je suis toujours en quête de la fibre qui résonnera le plus justement avec ma recherche présente : celle du yucca, du châtaignier, du micocoulier ou autre... ma palette se transforme au fil des saisons. » Quarante-deux ans, née en Suisse, mère de deux enfants, d’abord formée à la musique classique, Laure Essinger se définit aujourd’hui comme plasticienne, dans une pratique qui lie création des formes et chimie du végétal. Ce jourlà, quand nous la rencontrons, elle décroche dans l’une des salles des Archives départementales de l’Hérault, à pierresvives, le travail qu’elle a effectué avec son public. On aperçoit des photophores créés dans une fibre devenue très résistante et on mesure l’espace, important, requis pour son enseignement, la démonstration et la création collective. L’artiste donne régulièrement des stages intitulés « Un univers de papier » dans ce lieu, devant un public très varié, du plus jeune, 6 ans, à la femme de 82 ans, fidèle depuis plusieurs années. Ensemble, ils aiment vivre ce « petit miracle » de la fibre qui se lie à l’eau pour offrir, subitement, une création inattendue… Mais l’artiste a aussi besoin du travail solitaire dans l’atelier, chez elle, à Narbonne. Tout comme du contact avec d’autres arts et artistes, dans des lieux de patrimoine, où la mémoire résonne avec des sensibilités actuelles pour une création collective. Elle pratique beaucoup les « correspondances », mêlant son travail sur le papier avec d’autres arts, comme la danse, fuyant ainsi l’éventuel repli sur sa propre spécialité. Hasard, rencontres : des arts divers se rejoignent ainsi, faisant circuler la vie, la créativité et l’émotion. Mais d’où tiret-elle cette passion ? « Très jeune, j’ai aimé travailler l’argile, puis les textiles, les beaux tissus, la céramique », dit-elle. « Autodidacte dans l’art du papier, j’utilise une technique ancestrale, mais je la travaille dans un esprit contemporain, surtout pas passéiste. » Loin du zapping ambiant, « qui vous distrait dans tous les sens », elle choisit le calme et privilégie la qualité des échanges, au moment où elle marque une pause après de multiples installations dans toute la France, car pour elle, « se donner du temps, c’est un luxe ». mirafolia.over-blog.com 122 PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 Argonautes, papier de yucca et d’iris © Plume F PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 23 Architecture et urbanisme Construire aujourd’hui sans jeter la pierre à l’histoire L ’architecture est une discipline particulièrement prédisposée à des joutes animées confrontant « anciens et modernes ». Des polémiques qui concernent tous les citoyens dans leur vie quotidienne, car la majorité des bâtiments, publics comme privés - ceux qui ont traversé les siècles comme ceux qui peinent à passer la décennale - s’offrent à notre regard et participent à notre vie, et pour longtemps. Ce sont pourtant les anciens et vénérables bâtiments qui prescrivent encore, aux plus récents, leur dictat patrimonial. À leurs côtés, la production contemporaine incessante a parfois du mal à trouver sa juste place, oscillant entre mimétisme ou opposition. Bâtiments publics, maisons individuelles, immeubles d’habitation ou de bureaux subissent depuis des décennies un joug réglementaire qui, à force de normalisation, a étouffé bon nombre d’initiatives. Au motif de protéger les bâtiments anciens, on se protège contre des bâtiments à venir ! Par crainte de dérapages, on restreint diversité et richesse architecturales, à l’exception de certains bâtiments, purs produits du « star système », qui masquent les talents plus discrets à l’oeuvre au quotidien. C’est accorder bien peu de crédit aux capacités des architectes dont certains prouvent largement leur habileté à construire et à concilier, sans tapage et remarquablement, patrimoine ancien et expression contemporaine. Ceux qui savent tirer parti des éléments historiques pour en faire leurs meilleurs alliés. L’architecture d’aujourd’hui tire profit des progrès de la recherche sur les nouveaux matériaux et leur mise en œuvre, ainsi que des attitudes en matière d’économie énergétique associés à la redécouverte des ressources et des savoir-faire locaux. Voilà sans doute comment s’exprime désormais la modernité, dans l’aptitude à produire une architecture vernaculaire* à la pointe 24 PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 du progrès en lien direct avec son site patrimonial bâti ou naturel et les besoins de notre société. Alors, comment réaliser un bâtiment qui affirme sa modernité tout en s’inscrivant dans l’histoire ? Les ingrédients d’une recette existent : des élus dotés d’un minimum de courage politique, des architectes nantis d’une bonne mesure de compétence technique et de créativité, des maîtres d’ouvrages sensibles et ouverts, des artisans du bâtiment impliqués et plus globalement le respect et la prise en compte des contraintes et des souhaits de chacun. Sans oublier l’indispensable condiment, une culture commune et partagée. Engager les citoyens dans la production d’un patrimoine vivant ne s’improvise pas. Comment les conduire à accueillir avec autant d’intérêt l’architecture d’aujourd’hui que celle du passé ? C’est à l’école que se joue la première étape, mais il aura fallu attendre 2009 pour que l’Éducation nationale intègre enfin l’histoire des arts de l’espace dans les programmes scolaires. Une mission à laquelle les CAUE, aux côtés d’autres associations, participent activement pour former de futurs adultes aptes à prendre part à la construction de leur cadre de vie, et bâtir aujourd’hui le patrimoine de demain. Michèle Bouis, architecte, directrice adjointe du CAUE de l’Hérault * L’architecture vernaculaire se définit comme la production d’une société donnée à une époque donnée, qui allie formes, techniques, connaissance approfondie du site et des ressources locales. Montpellier (34), Immeuble Avenue d’Assas. L’affirmation d’une architecture de son temps (1985), s’inscrit ici en rupture avec les immeubles fin XIXe et mise sur le contraste pour enrichir le linéaire des façades. Architecte François Fontès. © Michèle Bouis CAUE 34 Saint-Chinian (34), reconversion d’une abbaye du XVIIe siècle en mairie et médiathèque en 2005. Architecte Atelier Emmanuel Nebout. © Sylvaine Glaizol CAUE 34 Montpellier (34), Halles Castellanes. Pour redonner vie à ces halles de 1850, classées, on a conservé sa structure et revisité l’habillage par des ventelles de bois inspirées des projets d’origine. Atelier Emmanuel Nebout. © Vincent Chevet & Gérald Garbez La Grande Motte (34), née dans les années 1960, dont l’architecture tant décriée en son temps, vient de recevoir à juste titre le Label Patrimoine du XXe siècle. Architecte en chef : Jean Balladur. © Odile Beseme CAUE 34 Sète (34), un immeuble du XXe siècle, dont les panneaux de cuivre et le verre contrastent avec la minéralité de la pierre des immeubles du XIXe siècle, tout en respectant leur volumétrie. Architecte Christophe Clair. © Michèle Bouis CAUE 34 Nîmes (30), Carré d’art. Construction en 1993 d’un musée d’art contemporain et d’une médiathèque sur l’emplacement d’un ancien théatre. Architecte Norman Foster. © Odile Beseme CAUE 34 Mon métier Sculpteur – Restaurateur Travail d’équipe D ’entrée de jeu, Jean-Loup Bouvier insiste sur les qualités de l’ensemble de ses compagnons et de leur encadrement : « Un atelier n’est pas une personne physique, dit-il, mais un ensemble de compétences, c’est une équipe soudée. Sculpteur, restaurateur, mouleur : nos trois activités sont, de fait, très complémentaires, chacun à sa place dans chaque réalisation. » Les Ateliers Jean-Loup Bouvier basés aux Angles sont présents en Languedoc-Roussillon sur des lieux emblématiques : Maison Carrée de Nîmes, Cathédrale Saint-Pierre à Montpellier, le théâtre Molière à Sète, la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon… Mais aussi dans toute la France sur des chantiers les plus prestigieux : les cathédrales Notre-Dame de Paris, Auxerre, Reims, Notre-Dame des Doms à Avignon, où ils ont travaillé de nombreuses années. « En statuaire de grande taille, raconte le directeur, nous avons réalisé les allégories du Parlement de Bretagne, les trophées du château de Versailles, autant de moments forts pour toute notre équipe. » Parcourir les ateliers, y admirer les trophées, les grandes statues côtoyant des œuvres décoratives des années 1930, des bas-reliefs, des modèles de statuaires réalisés pour le parc de Marly, permet de mieux comprendre le processus de création © François Carrascosa - Atelier JL Bouvier « à la manière de » pour les œuvres qui sont confiées à la société. On peut voir aussi les modèles au tiers ou grandeur nature ; « Après réception de ces modèles, les architectes en Chef des Monuments Historiques ou les Inspecteurs Généraux nous permettent de réaliser grandeur nature ces statues qui, selon les choix arrêtés, peuvent être en pierre ou en bronze. Quelques exemples : Alexandre Dumas, Allégories de Rennes, statue de la Justice sur le dôme des Invalides. Dans ces cas, nous faisons réaliser les épreuves en bronze par la Fonderie de Coubertin à St Rémy-les-Chevreuse. » Dans un autre atelier, voici Eliot, 15 ans ou Alice, 20 ans, tous deux en formation de staffeur. Ils côtoient d’anciens apprentis (10 à 40 ans de métier dans l’atelier). Jean-Loup Bouvier met un point d’honneur à ce qui lui paraît essentiel : la formation. Traditionnels ou High-Tech, des collaborateurs et collaboratrices de très haut niveau sont les maillons essentiels pour la bonne marche d’une entreprise, bases indispensables pour mener à bien les tâches confiées, publiques ou privées. Et une fois encore, dans un grand esprit d’équipe : après cinquante-trois ans d’activité de 1960 à 2014, il y tient plus que jamais. Comment devenir sculpteur-restaurateur ? • École supérieure des beaux-arts Tours Angers Le Mans (TALM) Cursus Conservation-restauration d’œuvres sculptées, cinq ans http://tours.esba-talm.fr • Lycée Saint-Lambert de Paris Deux ans pour connaître les matériaux et techniques d’ornementation www.saint-lambert.org • INP (Institut national du patrimoine) Formation des restaurateurs du patrimoine, cinq ans. Sept spécialités : arts du feu, arts graphiques et livre, arts textiles, mobilier, peinture, photographie, sculpture www.inp.fr 26 PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 Zoom I Pyrénées-Orientales À Tautavel le Centre Européen de Préhistoire A u Musée de Tautavel - Centre Européen de Préhistoire, construit autour de l’Homme de Tautavel, on peut relire toute l’histoire de l’humanité en Europe depuis les premiers Européens jusqu’aux portes de l’Histoire en prenant des exemples dans la très proche région de Tautavel. Tout commence pour le futur site en 1971, à la Caune de l’Arago, avec la découverte par les équipes du professeur Henry de Lumley de l’Homme de Tautavel, âgé de 450 000 ans, dans la célèbre grotte. C’est le plus vieux crâne d’humain européen connu à ce jour. L’événement suscite la volonté de créer un pôle scientifique et culturel. Ce pari audacieux déclenche un développement de la commune et lui apporte toute une notoriété. Mais qui est donc de fabuleux ancêtre ? Âgé de vingt ans, l’homme de Tautavel mesurait 1m60. Cet homo erectus présentait toutes les caractéristiques des premiers Européens : un front fuyant, un bourrelet au-dessus des orbites, des pommettes saillantes et une mâchoire avancée. Il ne maîtrisait pas encore le feu mais se révélait être un excellent chasseur. À Tautavel, on pense qu’il aurait choisi le site de la Caune de l’Arago pour sa situation privilégiée : il pouvait y dominer la vallée, sa source d’eau et par conséquent ses proies. Ainsi, le musée de la Préhistoire permet d’aller à la rencontre de ces hommes et de les replacer dans le contexte de la Préhistoire européenne. Il est réputé pour la richesse des collections comme pour les activités ludiques et culturelles qui tout au long de l’année permettent aux visiteurs de s’approprier la vie de leurs lointains ancêtres. pour éclairer le présent. Retenons quatre grands moments pour le grand public : Une rencontre avec l’astrophysicien Hubert Reeves À Tautavel le 26 avril, à 15h, le scientifique donne au Palais des Congrès une conférence sur le thème : « L’Homme au sein de l’Histoire de l’Univers et de la vie ». L’astrophysicien franco-canadien mondialement connu va tenter de répondre aux grandes questions que tout un chacun se pose en reprenant en particulier les grandes découvertes d’hier et d’aujourd’hui. Un concert sur l’Homme de Tautavel Le 24 mai 2014, à 18h, au Musée de Tautavel, un concert promenade par Raphaëlle et Gabrielle Rubio, guitariste et violoniste. Un Spectacle : « Sur les Traces de l’Homme de Tautavel » Le 19 juillet 2014, à 21 h, Palais des Congrès de Tautavel. Production Musique et Toile, mise en scène de Pierre Clot. D’avril à octobre, Tautavel célèbre les cinquante ans de fouilles préhistoriques à la Caune de l’Arago. Avec des conférences, grand public et pour spécialistes, de la musique, de la photo, on va remonter le temps, c’est une habitude ici, mais toujours Une conférence du Professeur Henry de Lumley Le 22 juillet 2014, à 15 h, sous la présidence du prince Albert II de Monaco, à l’occasion du 43ème anniversaire de la découverte du crâne de l’Homme de Tautavel, Arago XXI. Conférence du Professeur Henry de Lumley, sur le bilan de 50 ans de recherches sur la Caune de l’Arago. www.450000ans.fr PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 27 Lire, regarder & écouter Cévennes aériennes, textes de Jean-Paul Chabrol, photographies de Jean du Boisberranger, Éd. Alcide, 39€. Le photographe Jean du Boisberranger est un amoureux des Cévennes, comme en témoigne la photo de couverture de ce numéro de Patrimoines en région et les nombreux ouvrages qu’il a déjà publiés sur le sujet. C’est aujourd’hui depuis le ciel qu’il a voulu appréhender ces paysages grandioses, du mont Aigoual aux causses, en passant par les vallées, le Gardon et le Tarn, ou encore les toits des villes et villages. Jean du Boisberranger a ainsi survolé durant trois ans cette zone. Son travail de photographie aérienne met en lumière ces Cévennes vastes et ouvertes au travers des saisons, tantôt sous la neige, tantôt baignées de soleil. editions-alcide.com culture antique dans le Narbonnais. S’ouvre ensuite le premier chapitre « Des travaux et des jours », par Marc Pala, viticulteur à Sigean, qui trace les tâches et le calendrier d’un professionnel de la vigne. Dans le second chapitre, Jean-Louis Escudier, économiste, s’attaque au sujet de « La vigne au féminin ». Plusieurs historiens et un géologue ont également participé à la rédaction de ce Carnet. Saint-Chinian : la mémoire des pierres, Alain Ghisalberti, édité par l’association Richesses du Saint-Chinianais, 15€. L’association Richesses du Saint-Chinianais publie un ouvrage mettant en valeur le riche passé du village, qui restitue, grâce à l’utilisation d’un logiciel de 3D, des lieux aujourd’hui disparus. Cette reconstitution s’appuie sur une documentation historique rigoureuse et l’on découvre au fil des pages l’abbatiale qu’abritait au Moyen Âge le village. Pour se procurer l’ouvrage, écrire à Association Richesses du Saint-Chinianais, Mairie, 34360 SaintChinian. Atlas des garrigues, regards croisés, Collectif des garrigues, Éd. Écologistes de l’Euzière, 44€. C’est un projet d’envergure qui a réuni plus de 100 auteurs et 80 photographes… Il voit aujourd’hui le jour avec la publication de cet atlas, en passe de devenir une référence sur le sujet. Cet ouvrage entièrement consacré aux garrigues du Languedoc, entre vallées de l’Hérault et de la Cèze, se présente comme une synthèse permettant de comprendre le passé et le présent de ces paysages, à partir de dix thématiques : la géologie, l’eau, le patrimoine naturel, le paradoxe du feu, l’occupation des garrigues au cours de l’Histoire, les multiples exploitations de la garrigue, le foncier, les nouveaux usages de loisirs, les garrigues : espace privilégié d’expression et d’échanges ?, entre ruralité et urbanité : à la recherche d’une nouvelle identité. On notera par ailleurs la présence des cartes, photos et illustrations qui viennent soutenir le propos. Au-delà du livre, le site www.wikigarrigue.info assure le rôle de recueil encyclopédique, de lieu de veille et d’échanges. www.euziere.org Support pédagogique Le temps de la vigne, Marc Pala et Jean-Louis Escudier, photos de Marc Médevielle, Les carnets du parc N°14, Parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée, 6€. Cet ouvrage raconte l’histoire de l’installation et de l’épanouissement de la viticulture dans la région narbonnaise depuis l’époque romaine. En préface, Stéphane Mauné, Directeur de recherches au CNRS, présente la viti- Animalle Loup Cette malle pédagogique comprend plusieurs outils permettant de connaître et comprendre le loup, son milieu de vie et sa cohabitation avec l’homme. La richesse du matériel permet d’adapter l’animation à l’âge des participants (de l’école maternelle au collège), aux questions et aux souhaits du groupe. De nombreux supports sont à disposition pour encourager les investigations des participants, l’autonomie et la réalisation 28 PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 Frédéric Mistral, illustre et méconnu, Gérard Baudin, HC éditions, 24,5€. Note de l’éditeur : Frédéric Mistral, grand poète provençal, auteur de Mireille, a été lauréat du prix Nobel de Littérature en 1904. Aujourd’hui pourtant, Mistral semble avoir été oublié, disparu du paysage culturel français. Au fil des ans, si le nom du Mistral survit, le souvenir de son œuvre s’estompe. Les écoles ont depuis longtemps évincé ses écrits. Pour cause : ses poèmes et sa prose, dont toute la sève coule de sa langue maternelle, sont exagérément rangés sur les étagères des langues minoritaires, du folklore. L’auteur Gérard Baudin, qui fonde dès 1979 le Conservatoire documentaire et culturel Frédéric Mistral, a rassemblé depuis plus de trente ans une quantité inégalable de documents, lettres, photographies et autres témoignages sur la vie et l’œuvre de Frédéric Mistral. Il publie ici la première biographie illustrée du poète. d’une production concrète : un CD Rom interactif d’environ 450 pages, un puzzle, des bâches avec des traces en taille réelle, des cartes d’Europe et de France, des reproductions de crânes (chien, loup, mouton), de fausses queues et oreilles de loup… mais aussi un jeu sur la vie d’une meute de loups, des CD audio, des illustrations et photos, une bande dessinée et un DVD sur les chiens de protection. Il est prévu au printemps ou dans l’été de réaliser une formation pour les animateurs qui souhaiteraient utiliser « Animalle loup » sur les territoires français où l’animal est signalé. Contact et renseignements : Association Sours, Carme Ruset Font, http://associationsours.overblog.com Contes pour enfants Esprit Média éditions, agence de communication et éditeur du magazine économique Performances, se lance dans les ouvrages Jeunesse dédiés à l’éducation au goût. Déjà trois beaux livres sont parus pour les 7-9 ans, avec pour objectif de transmettre un patrimoine culturel, naturel et culinaire à travers l’univers magique du conte. Leur point commun ? Leur auteur tout d’abord, Andrée Avogadri. Elle travaille dans la communication mais rêvait de coucher sur papier les rêves et les histoires qu’elle porte en elle. C’est aujourd’hui chose faite. Le sujet des ouvrages ensuite, l’auteur a choisi de mettre à l’honneur les produits de notre région : l’oignon doux des Cévennes, les abricots rouges du Roussillon, l’huître de Bouzigues. Chaque ouvrage développe un univers graphique personnel, grâce à l’intervention d’un nouvel illustrateur à chaque parution. C’est beau, c’est instructif, c’est à découvrir sans tarder ! Déjà parus : Polo Cippolo ou la véritable histoire de l’oignon doux des Cévennes, Andrée Avogadri et Pauline Comis, Éd. Esprit Média, 12€. Paco et Aléna ou la véritable histoire des abricots rouges du Roussillon, Andrée Avogadri et Joël Cimarrón, Éd. Esprit Média, 12€. Marin et le secret de l’huître de Bouzigues, Andrée Avogadri et Émilie Ruiz, Éd. Esprit Média, 12€. En préparation : Audeline ou la véritable histoire du haricot de Castelnaudary, Andrée Avogadri et Claire Degans L’inspecteur Zarbichette ou l’énigme des fromages de Lozère, Andrée Avogadri et Lionel Brun http://esprit-media.leblog.overblog.com " commandez nos anciens numéros ! Vous êtes toujours plus nombreux à suivre avec intérêt Patrimoines en région, mais peut-être vous manque-t-il certains numéros ? Pour commander les anciens numéros, rien de plus simple : complétez le bulletin ci-dessous ! p #0 p#2 p#3 p#4 p #5 p#6 p #7 p#9 p # 10 p # 12 p # 13 p # 14 épui p # 15 p # 17 p # 18 p # 19 sé p # 20 p # 21 Une participation financière vous sera demandée pour les frais de traitement et d’expédition Je commande les anciens numéros de Patrimoines en région Nombre de numéros commandés : ………………………………………… X 4 € = …………………………… € Cochez ci-dessus les numéros que vous souhaitez recevoir. Nom : ...................................................................................... Prénom : ................................................................................ Nom de la structure : ...................................................................................................................................................................... Adresse : ......................................................................................................................................................................................... Code postal : ........................................... Ville : ................................................................................................................ Tél. : ....................................................... E-mail : ............................................................................................................ Joindre à ce bulletin un chèque établi à l’ordre de : Association Le Passe Muraille Bon de commande à envoyer à : Association Le Passe Muraille - 510A avenue de Barcelone « Le Jupiter », 34080 Montpellier PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 29 Vie du Carrefour des Patrimoines Les rencontres d’acteurs du Carrefour des Patrimoines A © Marie Bazille près une première journée qui s’est déroulée le 27 février avec l’association Languedoc-Roussillon livre et lecture et l’équipe du musée Médard, nous vous proposons des rencontres d’acteurs en relation avec le dossier central de ce numéro de Patrimoines en région. Prenons un peu de hauteur et retrouvonsnous sur le plateau du Larzac Méridional. Au Caylar très exactement. Ici, le C.P.I.E. (Centre Permanent d’Initiatives à l’Environnement) des Causses Méridionaux nous ouvre ses portes pour aborder de façon concrète le pastoralisme dans sa grande diversité. Cette journée invite les acteurs de terrain, professionnels ou bénévoles, animateurs, éducateurs, enseignants, guides et administrateurs associatifs à se retrouver au CPIE qui nous présentera son histoire, ses missions et ses actions. Dans l’après-midi, nous rencontrerons des acteurs du pastoralisme et découvrirons ce que l’on appelle le patrimoine « caché ». Cette journée se déroulera le 14 mai 2014, la participation est gratuite. Nous espérons vous y voir nombreux. Inscription par mail : [email protected] ou par téléphone auprès de Patricia Malric au 04 67 93 72 07. Architecture et urbanisme… la suite F aisant suite à l’article « Les carrefours giratoires, des marqueurs urbains toujours très prisés » paru dans le N°20 de Patrimoines en région, un lecteur nous a fait part de l’intéressante initiative qu’il mène sur ce même sujet. Claude Mauvy a réalisé une exposition photographique intitulée « Des ronds-points marqueurs de l’histoire et de la culture du Languedoc-Roussillon ». Celle-ci comporte environ 80 photographies de ronds-points. On y découvre par exemple les mineurs d’Alès dans le Gard, la révolte des vignerons dans l’Aude, Paul Riquet et les écluses du Canal du Midi à Béziers dans l’Hérault, la sardane symbole de solidarité catalane dans les Pyrénées-Orientales, la maison lozérienne à Mende… Les photographies sont accompagnées d’un commentaire. L’emprunt et l’installation de l’exposition sont gratuits, prévoir simplement le remboursement des frais de déplacement. À l’occasion de l’inauguration de l’exposition, le photographe propose de présenter de manière approfondie le « phénomène » des ronds-points, et plus particulièrement dans le contexte du Languedoc-Roussillon. Contact : Claude Mauvy, 04 67 64 74 39 ou 06 23 38 15 65, [email protected] Aude : rond-point de Cabezac à Bize-minervois : commémoration du centenaire de la manifestation de vignerons marchant vers Narbonne (motif central et rond-point dans son ensemble) Lancement de L’Agenda du patrimoine 2014 B ientôt l’été et de belles escapades en perspective. Balades et visites, spectacles, fêtes traditionnelles… cette année encore, L’Agenda du patrimoine sera votre meilleur allié pour programmer toutes vos sorties en Languedoc-Roussillon. À l’invitation de la Région Languedoc-Roussillon et de son Président Christian Bourquin, nous nous retrouverons le samedi 7 juin à Béziers, dans le cadre de Total Festum, pour le lancement de l’édition 2014 ! 30 PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 Des paysages culturels vivants façonnés par l’homme grâce à l’activité agropastorale depuis des millénaires, inscrits sur la Liste du Patrimoine mondial de l’unesco... Causses et Cévennes, un patrimoine vivant à découvrir 31 PATRIMOINES EN RéGION / 20 / AUTOMNE 2013 [email protected] – 04 66 48 31 23 – www.causses-et-cevennes.fr PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014 31