élevAGe eT pAysAGe - Le Passe Muraille

Transcription

élevAGe eT pAysAGe - Le Passe Muraille
patrimoines en région
Revue d’éducation aux patrimoines en Languedoc-Roussillon
N°22
élevAGE ET paysage
Cogito
La transhumance
GRATUIT / N° 22 - PRINTEMPS 2014
L'Agenda
du Patrimoine
Un été nature et cu
lture en Languedo
c-Roussillon
Sortie Juin 2014
N°22 - Printemps 2014 - ISSN 1952-3025 - Dépôt légal à parution
ÉDITEUR : Le Passe Muraille
association - Homme et Patrimoine
510 A, avenue de Barcelone
« Le Jupiter » 34080 Montpellier
Tél. : 04 67 06 96 04 - Fax : 04 67 52 78 44
E-mail : [email protected] - www.lepassemuraille.org
Comité de direction : Philippe Quentin, Pierre Plancheron
Conseil scientifique et éducatif : Yann Abonneau, Perrine Alranq, Martine Ambert,
Patricia Beaudouin, Jean-Pierre Besombes-Vailhé, Fred Chauvet, Nathalie Colin, Luc
David, Véronique Delattre, Aline Douillet, Jean-Louis Douillet, Olivier Guiral, Vincent
Larbey, Elisabeth Le Bris, Régine Mazauric, Denys Michel, Pierre Plancheron, Philippe
Quentin, Claude Raynaud, Federico Russo, Sabine Sutour, Eric Thiery, Nelly Viala
Directeur de la publication : Pierre Plancheron
Rédacteur en chef : René Lechon
Secrétaire de rédaction : Julie Savy
Ont également participé à ce numéro : Patricia Beaudouin, Michèle Bouis, Gérard
Collin, Pierre Laurence, Elisabeth Le Bris, Alexis Poirier, l’équipe «Pastoralisme et
Références» du SUAMME
Remerciements : Nathalie Baills, Marie Bazille, Ghyslaine Besançon, Jean du
Boisberranger, Jean-Pierre Boutonnet, Laure Guiral, Sandrine Lagloire, Nathalie Pas,
Anne Rouquette
Iconographie : Charlotte Ducrot, René Lechon, Julie Savy
Maquette - Suivi de fabrication : Charlotte Ducrot
Photo de couverture : Jean du Boisberranger
Abonnements et diffusion : Mathilde Grimal
Publicité : LPJ Hippocampe
Impression : LPJ Hippocampe, Montpellier
Contact rédaction : [email protected]
Contact annonceurs : [email protected]
Contact abonnements : [email protected]
Photos : tous droits réservés. La reproduction totale ou partielle des articles et
desest interdite (sauf accord de la rédaction).
illustrations de Patrimoines en région
Carrefour
Patrimoines
Languedoc - Roussillon
Carrefour des Patrimoines
Rencontres pour une éducation à la citoyenneté
La revue Patrimoines en région est éditée dans le cadre du Carrefour des Patrimoines.
Ce réseau compte plus de 350 structures et acteurs en Languedoc-Roussillon impliqués dans l’éducation et la sensibilisation aux patrimoines culturel, naturel et bâti.
Au-delà de cette initiation au territoire, ce projet commun implique une réelle éducation
à la citoyenneté. Le Carrefour des Patrimoines est aujourd’hui porté par :
Été 2014
Le Passe Muraille
510 A, avenue de Barcelone « Le Jupiter » 34080 Montpellier
Tél. : 04 67 06 96 04 - Fax : 04 67 52 78 44
E-mail : [email protected]
www.lepassemuraille.org
+ de 350 événements au jour le jour
CEMEA Languedoc-Roussillon
501 rue Métairie de Saysset 34070 Montpellier
Tél. : 04 67 04 35 60
E-mail : [email protected]
www.cemealr.org
Balades, visites et jardins / concerts et spectacle
vivant / fêtes, gastronomie et traditions / expositions...
L’Agenda du patrimoine est édité par Le Passe Muraille dans le cadre
du Carrefour des Patrimoines et reçoit le soutien financier
de la Région Languedoc-Roussillon
Un troupeau cévenol sur la route de la transhumance
édito
© Jean du Boisberranger
Agenda.............................................................. 4
Troupeau d’hier et de demain
D
ans son ouvrage Le grand troupeau, le poète provençal Jean Giono
témoigne de la relation forte qui unissait hommes et troupeaux dans
la vie quotidienne de 1914. Le troupeau est alors partie intégrante
de l’environnement et de l’inconscient collectif. Les questions sur le
pastoralisme abordées dans ce vingt-deuxième numéro de notre revue ne se
posent pas à l’époque de la Grande Guerre. Ce changement interroge sur la
fonction de l’agropastoralisme, le rôle des bergers et leur nécessaire subsistance dans l’organisation territoriale actuelle. Celle qui oppose le monde de
l’urbanisation à l’univers rural qui perd du terrain à grande vitesse.
C’est un plaisir de vous faire partager un peu de l’univers de ceux qui sont à
la tête des troupeaux d’aujourd’hui comme de ceux, chercheurs ou acteurs,
qui les côtoient.
Vous pourrez prolonger cette lecture en participant aux prochaines rencontres
d’acteurs organisées avec les CEMEA, par le Carrefour des Patrimoines. Elles
auront lieu le 14 mai au CPIE des Causses Méridionaux au Caylar (voir p.30).
Si vous encadrez des actions d’éducation au patrimoine, ce sera une belle
occasion d’échanges sur les méthodes et les outils pédagogiques actuels
dans le domaine de l’agropastoralisme.
Pierre Plancheron
Directeur de la publication
Ne manquez pas cet été la sixième édition de L’Agenda du patrimoine,
pour un été nature et culture en Languedoc-Roussillon (voir p.30).
Histoires de goûts............................................. 7
Vive le pélardon AOP !
Dossier.............................................................. 8
Agropastoralisme : élevage et paysage
Cogito............................................................... 21
Transhumances en devenir
par Pierre Laurence
L’œil de l’artiste - Aude...................................... 22
Laure Essinger, artiste-plasticienne
Architecture et urbanisme.................................. 24
Construire aujourd’hui sans jeter la pierre
à l’histoire
Mon métier........................................................ 26
Sculpteur-Restaurateur
Zoom - Pyrénées-Orientales............................ 27
Le Centre Européen de Préhistoire de Tautavel
Lire, regarder & écouter..................................... 28
Commandez nos anciens numéros................... 29
Vie du Carrefour des Patrimoines...................... 30
PEFC / 10-31-1319
Imprimé
sur papier
de forêts
PATRIMOINES
ENissu
RéGION
/ 21gérées
/ HIVERdurablement.
2013-2014
3
Agenda
Animations et sorties
Le Pays Cathare en ligne
Le Vignogoul
fait son printemps !
Un nouveau site internet pédagogique voit le jour et présente les
châteaux, abbayes et musées du
Pays Cathare aux enfants. Dans le
cadre du système éducatif ou de
leurs activités familiales, ils pourront
préparer leurs sorties scolaires et
leurs visites des sites de manière
ludique et interactive grâce aux
vidéos, cartes, plans, photos, interviews, frises chronologiques et jeux.
Le Centre Départemental de Documentation Pédagogique a accompagné les monuments de l’association
des Sites du Pays Cathare dans
cette démarche pour créer ce nouvel
outil de médiation du patrimoine.
www.apprendrelepayscathare.fr
Coup de pouce au patrimoine
immatériel
En 2013, la fondation d’entreprise
de la Banque Populaire du Sud a
récompensé 23 associations locales
dans les domaines du patrimoine
immatériel, de l’environnement et du
handicap. Aujourd’hui, associations
engagées dans la sauvegarde, la
transmission, la promotion et la valorisation du patrimoine culturel immatériel régional, vous êtes invitées à
proposer vos projets pour bénéficier
d’une aide financière de la Fondation. Sont concernés : le patrimoine
oral et écrit, y compris les langues
régionales, les pratiques sociales,
rituels et événements festifs, les arts
et traditions populaires, les pratiques
et les savoir-faire, les instruments,
équipements, objets et espaces
culturels dédiés à la valorisation de
ce patrimoine culturel et les travaux
de mémoire. Vous avez jusqu’au
30 avril pour vérifier les conditions
d’éligibilité et remplir un dossier de
candidature. Rendez-vous sur le site
www.fondation-bpsud.fr
En avril à Pignan (34)
Les musiques médiévales sont à
l’honneur à l’Abbaye de Vignogoul
qui abrite désormais le Centre International de Musiques Médiévales.
Un cycle de trois concerts propose
une nouvelle approche de ce répertoire vocal et instrumental, interprété
par les plus grands spécialistes.
Le vendredi 18 avril à 20h « Musiques pour clavier du XVe siècle.
Nouvelles approches », le jeudi 24
avril à 20h « Nuits occitanes » et
le vendredi 25 avril à 20h « L’île de
sainte Anne et saint Hylarion ». La
« Pépinière médiévale », ensemble
d’étudiants formés par Els JanssensVanmunster, ouvrira les concerts des
24 et 25 avril. Une visite guidée de
l’abbaye et une dégustation des vins
du domaine de la Prose seront proposées le 24 avril à 18h30, uniquement sur réservation. Suivra à 19h30
un buffet partagé offert, autour de
l’exposition sur le Vignogoul réalisée
par les étudiants du master professionnel « Valorisation et Médiation
des Patrimoines ».
Tarifs : 12€/concert ; gratuit pour les
étudiants, demandeurs d’emploi,
publics RSA et enfants.
Contact : 06 61 15 46 86
www.vignogoulmedieval.org
1914-1918 – Le Centenaire
En avril, mai et juin à Montpellier
Les mercredis 30 avril, 28 mai et 25
juin à 14h30, les Archives départementales de l’Hérault invitent les
passionnés d’histoire à découvrir les
documents liés à la Première Guerre
mondiale conservés à pierresvives.
La présentation des principales
ressources sera complétée par des
conseils donnés aux personnes
souhaitant effectuer une recherche
4
PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
L’Hérault de ferme en ferme
Les 26 et 27 avril dans l’Hérault
Les agriculteurs (vignerons, conchyliculteurs, maraîchers, éleveurs,…)
vous invitent à une visite gratuite et
commentée de leur ferme et vous
proposent des démonstrations et des
dégustations de produits fermiers. Audelà de l’ouverture des fermes sur un
week-end, cette manifestation a pour
but de créer des liens entre producteurs et consommateurs tout au long
de l’année, favorisant le développement des circuits courts sur la base
de productions de qualité dans une
dynamique d’agriculture durable.
www.defermeenferme.com
Un nouveau musée à Lunel
En mai et juin à Lunel (34)
La ville de Lunel a inauguré le 14
décembre le premier musée de son
histoire. Le musée Médard dévoile
au public l’univers du livre grâce à
un circuit-découverte de son histoire,
l’exposition des collections municipales (dont le Fonds Médard, 5000
livres rares et anciens) et l’organisation d’expositions et d’événements.
Le 17 mai, à l’occasion de la nuit des
musées, venez découvrir le musée
Médard dans le noir. Munis d’une
lampe torche, laissez-vous guider
dans la pénombre par une médiatrice du musée. Le 14 juin, lors des
Journées du Patrimoine de Pays, les
visiteurs sont invités à comprendre et
tester les outils, les techniques et les
matériaux de l’enluminure. Le musée
Médard dans le noir : gratuit, dans la
limite des places disponibles. Visites
à 20h, 20h30, 21h, 21h30. Venir avec
sa lampe de poche.
Journées du Patrimoine de Pays :
de 10h à 18h, gratuit.
www.museemedard.fr
Festa Trail : courir pour découvrir
Les 16, 17 et 18 mai à Saint-Mathieu-de-Tréviers (34)
Quatrième édition pour cette grande
fête dédiée à la course nature et à la
découverte des patrimoines naturels
et culturels. Des animations pour
toute la famille vous attendent avec
des expos, des randonnées, des ateliers pour enfants, des dégustations
de produits locaux, des concerts et
un salon du Développement durable.
Les plus sportifs sont invités à relever le défi, avec des courses allant
de 12 à 120 km ! Toutes les courses
et le programme complet des animations sur www.festatrail.com
Contact : 04 67 06 96 04
© Françoise Chiron
Actualités
spécifique. Les jeudis 24 avril et
26 juin de 9h30 à 17h, vous êtes
invités à partager l’histoire de votre
famille durant la Grande guerre.
Les Archives vous proposent de
numériser vos documents familiaux
datant de cette période (journaux
intimes, carnets, photographies,
affiches, correspondance, films) pour
les sauver de l’oubli. Les documents
seront ensuite restitués aux contributeurs qui pourront, s’ils le souhaitent,
les confier en don ou en dépôt aux
Archives départementales. Gratuit.
Contact : 04 67 67 37 00
http://pierresvives.herault.fr
Entre Nature et Sens
D’avril à novembre dans l’Hérault
Depuis plusieurs années, le Département organise « Entre Nature et
Sens », un programme d’animations
sur les espaces naturels sensibles
héraultais. Accompagnés de spécialistes des associations locales,
venez découvrir les richesses d’une
faune et d’une flore préservées,
dans des paysages remarquables
et variés. Plus de 100 rendez-vous
s’égrènent du printemps à l’automne.
Ces balades sont ouvertes à tous,
gratuites (sauf exception) et accessibles sur inscription.
Le programme est téléchargeable en
ligne sur www.herault.fr
Conférences
et Débats
Tautavel : conférences internationales
Le Centre européen de recherches
préhistoriques de Tautavel célèbre
cette année le 50ème anniversaire
de l’ouverture du grand chantier
Événements culturels
Bas et collants, tradition et
avenir en Cévennes
Du 26 avril au 31 octobre
au Vigan (30)
Cette exposition retrace l’histoire du
bas et des collants dans le bassin
du Vigan et de Ganges depuis les
années 1940. À la fin de la Seconde
Guerre mondiale, la soie va laisser la
place à une toute nouvelle fibre : le
nylon et cette partie des Cévennes
deviendra, après Troyes, le deuxième
centre de production de bas en
France. L’exposition se penche sur
cette période où le bas devient un
produit de grande consommation,
mais aussi de luxe et un élément
important de la féminité, de la séduction et de la mode. À noter, le Musée
cévenol présente également le 17 mai
à 21h, un concert d’accordéon par
Sébastien Mazoyer dans le cadre de
la nuit des musées (entrée libre) et
du 4 juillet au 12 octobre l’exposition
photographique Sublimes de Françoise Huguier.
Tarifs : 5€, 3€, gratuit – de 18 ans.
Contact : 04 67 81 06 86
www.levigan.fr
Terres vernissées, 30 céramistes
© H. Touchard
Du 6 avril à 26 octobre à SaintQuentin la Poterie (30)
Saint-Quentin la Poterie a été un
grand centre de poteries vernissées
utilitaires jusqu’au début du XXe
siècle. De nos jours, des céramistes
créateurs œuvrent avec cette technique ancienne dans le village. En
2014, l’on fête les 30 ans du marché
et festival de la céramique Terralha.
Le Musée de la poterie méditerranéenne a saisi cette occasion pour
présenter cette exposition, trait
d’union entre la céramique traditionnelle et la céramique contemporaine.
Les plus grands représentants
français de cette technique, qui ont
tous participé au moins une fois au
marché Terralha, sont ici exposés.
Tarifs : 3€/2,3€/gratuit - de 12 ans.
Contact : 04 66 03 65 86
www.musee-poterie-mediterranee.com
Jean Azémard – Œuvres 1968-1998
Jusqu’au 3 mai à Montpellier
Depuis l’exposition au Musée d’art
moderne de Collioure en 1999, un an
après sa mort, c’est la première fois
que les œuvres de Jean Azémard
seront montrées dans toute leur
richesse, à la fois à la Galerie AL/MA
et au Frac Languedoc-Roussillon.
Avec le soutien de proches de l’artiste
et de collectionneurs qui ont aimé
et suivi son travail, la galerie AL/MA
présente dessins et volumes des
années 1985 à 1998. Au Frac Languedoc-Roussillon, un corpus d’œuvres
plus anciennes est exposé, comprenant des sculptures et des peintures
réalisées entre 1968 et 1998.
Au Frac Languedoc-Roussillon
jusqu’au 26 avril et à la galerie AL/MA
d’expos
jusqu’au 3 mai. Gratuit.
www.artcontemporain-languedocroussillon.fr
www.galeriealma.org
La mostra de Mende
Du 12 avril au 4 mai à Mende
(48)
« Lèche vitrine » d’art contemporain dans les rues de la ville,
gratuit.
© François Lagarde
de fouilles préhistoriques de la
Caune de l’Arago. De nombreux
événements et sorties d’ouvrages
sont prévus à cette occasion. Mais
faisons le point sur le programme
exceptionnel des conférences… Du
23 au 27 juin, colloque international
« Les Hominidés du Pléistocène
inférieur et moyen dans le monde.
La place de l’Homme de Tautavel.
Un Homo heidelbergensis, il y a
450 000 ans » au Palais des Congrès
de Tautavel ; du 30 juin au 4 juillet,
colloque international, avec la participation des anciens fouilleurs de
la Caune de l’Arago « Recherches
sur la Géologie du Quaternaire, la
Paléontologie, la Paléoanthropologie
et la Préhistoire dans le monde » au
Palais des Congrès de Tautavel ; du
21 au 26 juillet, conférences des rencontres de Tautavel tous les soirs à
21h dans l’amphithéâtre de verdure.
(voir Zoom p. 27)
Programme complet et renseignements sur www.450000ans.com
Contact : 04 68 29 07 76
IN SITU, patrimoine et art contemporain
Du 30 mai au 21 septembre dans
l’Aude, l’Hérault et les PyrénéesOrientales
Pour la troisième année consécutive,
les expositions d’IN SITU osent
le mariage entre patrimoine et art
contemporain. Les artistes jouent le
jeu en proposant des projets faisant
écho aux sites patrimoniaux qu’ils
investissent, de véritables créations
in situ justement. À découvrir dans
trois départements : Lilian Bourgeat
à l’Abbaye de Fontfroide et au Palais
des Archevêques (Narbonne), Claude
Viallat au Prieuré de Serrabona (Boule
d’Amont), Arnaud Vasseux au Prieuré
de Marcevol (Arboussols), Bertrand
Gadenne à l’Abbaye Saint-Michel de
Cuxa (Codalet), Javier Perez à l’Abbaye de Gellone de Saint-Guilhemle-Désert, Isa Barbier à l’église de
Saint-Martin-de-Londres et une œuvre
d’Emmanuelle Etienne de la collection
du FRAC L-R à l’église Saint-Étienne
d’Issensac (Brissac). La manifestation
est soutenue par la Région Languedoc-Roussillon, le Conseil général
des Pyrénées-Orientales et les sites
patrimoniaux partenaires. La coordination du projet et la valorisation
du patrimoine sont assurées par Le
Passe Muraille, le commissariat des
expositions par Marie-Caroline AllaireMatte et Emmanuel Latreille (pour
l’église Saint-Étienne d’Issensac).
www.patrimoineetartcontemporain.com
Lilian Bourgeat, Invendu-Bottes, 2009
Polyester et résine, 300x200x80cm
Collection Château Chasse spleen, Bordeaux
Charlette Knoll, clignotants clignotant
Peter Downsbrough
Jusqu’au 11 juin à Sérignan (34)
Au Musée régional d’art contemporain Languedoc-Roussillon,
5€/3€, gratuit – de 18 ans.
Peter Downsbrough, AND, AS, BUT, 2013.
Courtesy de l’artiste, Courtesy Galerie
MartineAboucaya, Paris. Production MRAC-LR,
Sérignan. © J-P Planchon.
Jordi Isern et Jordi Martoranno
Jusqu’au 29 juin à Béziers (34)
À l’Espace Riquet, 3€/2€.
PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
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His oires de goûts
La ferme du Mas Rolland
Vive le pélardon AOP !
Laurence Testa avec son troupeau dans le hameau-village du Mas Rolland © René Lechon
E
n route vers le… pélardon AOP jusqu’à Montesquieu, en Biterrois.
Au Mas Rolland, précisément, le hameau-village qui a donné son
nom à la ferme de nos héros du jour. Accueil par le petit nouveau,
Jonathan, la trentaine, arrivé en 2012, venu renforcer les deux
pionniers, Eric Caumes, l’aîné qui travaille avec les chèvres depuis trente ans
et Laurence Testa, depuis quinze ans. Mais où sont donc les « demoiselles »,
au milieu de cet hiver ? Pour le savoir, Laurence nous embarque sur le petit
4/4 passe-partout, accrochez-vous… Sur le plateau, les voilà les 80 « alpines
chamoisées », magnifique troupeau gardé par le gros patou. « Regardez à
l’horizon, propose Laurence, vous devinez les Pyrénées et la mer, et moi,
je suis ici, à la campagne, dans un endroit de rêve. » D’accord, mais ce
n’est pas les vacances tous les jours. Comment a-t-elle choisi ce métier ?
« Pour mon mémoire de fin d’études d’ingénieur agronome Supagro, le
syndicat de défense du pélardon m’a recrutée en stage pour mener à bien
ce projet. » Après un crochet par le syndicat et un temps dans une Chambre
d’agriculture, la voilà donc prête pour suivre le processus d’homologation
de l’AOP Pélardon. Eric, de son côté, a commencé dès 1980 la vente
directe, les marchés et les foires, la gestion de l’élevage... Il propose à
Laurence de « dynamiser le GAEC » (Groupement Agricole d’Exploitation
en Commun). Elle met donc en place un accueil des classes et la démarche
de qualité : obtention de l’AOP Pélardon, contacts avec l’association Slow
Food, et sa philosophie du manger autrement. Ici sont reçus régulièrement
les collégiens de Béziers. Les chevriers font partie du réseau d’accueil
pédagogique Racines Hérault et de Bienvenue à la ferme. Retour à l’atelier.
Laurence raconte les contraintes liées à l’obtention de l’AOP : « pour
protéger un savoir-faire de ce fromage de lait cru de chèvre, nous devons
respecter quelques normes sévères : pas de caillé congelé, moulage à la
louche, élevage extérieur un certain nombre de jours. » Le pélardon est
commercialisé de mars à l’automne : on n’en mange pas toute l’année.
La tome vient compléter l’offre du GAEC. Le fromage est vendu directement,
ici à la ferme à 65%, le reste est livré localement dans les boucheries,
restaurants et autres épiceries, avec bien sûr la mention « AOP Pélardon »,
une vraie reconnaissance. Depuis 2012, la ferme participe aux Journées
européennes du Patrimoine... Bravo à eux trois et vive le pélardon AOP !
Contact : La ferme du Mas Rolland à Montesquieu, 04 67 24 65 40
www.lafermedumasrolland.com
Se reconnecter à la terre
En Languedoc-Roussillon, des agriculteurs se sont regroupés au sein de l’association RACINES pour accueillir des jeunes scolaires, du grand public et/
ou des personnes en difficulté le temps d’une demi-journée, d’une journée ou d’un séjour. Au travers de ces accueils, ils souhaitent faire découvrir les
aliments à l’origine de notre alimentation, les métiers de l’agriculture, et partager avec ces personnes leur quotidien dans le respect de soi et des autres.
Depuis le dernier trimestre de 2013, un partenariat s’est mis en place entre un agriculteur et l’Institut Thérapeutique Éducatif et Pédagogique Le Languedoc
de Montpellier. Yézid Allaya reçoit un groupe de cinq jeunes les jeudis matins. Chaque semaine, ils participent aux travaux de la ferme en fonction des
saisons. « Pour nous, c’est un moyen de les reconnecter à la réalité dans un environnement apaisant », témoigne Jean-Paul Luce, éducateur à l’ITEP.
Désormais, une relation de confiance s’est instaurée et les jeunes se sentent partie prenante au sein de la ferme.
Contact : CIVAM Racines 34 - Rébecca Brumelot
Tél. 04 67 06 23 39 - [email protected] ou [email protected]
PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
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Dossier
AGROPASTORALISME :
ÉLEVAGE ET PAYSAGE
Dossier réalisé par René Lechon
D
ans son cours initial aux étudiants de Montpellier SupAgro, cet ancien enseignant débutait
toujours son année par un récit biblique, l’histoire d’Abraham, première figure du pasteur
sans terre. Dans l’intention de rappeler les gestes ancestraux du Croissant fertile, à l’origine
de notre agriculture mais surtout de mieux faire comprendre à son jeune public que « les
éleveurs même pasteurs sont issus de l’agriculture et toujours dépendants de ses produits ». C’est
à cette interdépendance que nous conduit l’échafaudage de ce dossier sur l’agropastoralisme. Mais
reprenons quelques définitions. Et d’abord, qu’est-ce que le pastoralisme ? C’est « un système d’élevage
qui utilise en grande partie des ressources végétales spontanées par le pâturage, le plus souvent de
façon extensive, soit sur l’exploitation même, soit dans le cadre de la transhumance ou du nomadisme ».
Et maintenant qu’est-ce que l’agropastoralisme ? Ce terme désigne les situations d’élevage, de
paysage, d’économie et de société dans lesquelles l’agriculture est intimement associée à l’élevage
pastoral. Pour caricaturer légèrement, le pastoralisme, c’était un berger seul, et des brebis par
centaines sur des pâturages offerts par la nature, spontanés. L’agropastoralisme, c’est toute une
communauté humaine composée d’éleveurs, d’agriculteurs, de responsables de la gestion de
l’environnement, du climat, du tourisme. Et tous invités à œuvrer ensemble.
Patrimoine vivant
Évoquer l’agropastoralisme et non plus le pastoralisme témoigne d’un changement de siècle et de
point de vue. Nous tentons d’en rendre témoignage à travers les différents articles de ce dossier. En
traversant ces paysages, nous avons naturellement, sur trois départements de notre région, croisé les
Causses et Cévennes, mondialement célèbres désormais depuis leur inscription par l’UNESCO sur
la liste du Patrimoine de l’Humanité, comme paysage culturel de l’agropastoralisme méditerranéen.
Ces territoires, de par leur situation, sont complètement concernés par l’agropastoralisme. En ce
sens, l’implication pour une meilleure prise en compte et une information plus large sur ces espaces
de l’Entente interdépartementale des Causses et des Cévennes et de son président, Jean-Paul
Pourquier, est emblématique (lire p. 13), lui qui rappelle que « l’agropastoralisme a permis de façonner
les paysages ». Tout cela en définitive n’est pas qu’une histoire de cailloux ni d’esthétique. Il s’agit
bien d’une aventure humaine comme le rappelle, dans sa contribution, le géographe Gérard Collin :
« dans l’aménagement de ces territoires, dit-il, il n’y a pas les architectes d’un côté et des habitants
du Causse de l’autre, mais un ensemble de citoyens au service d’une nature et d’un paysage unique »
(lire p.14). Car ce patrimoine est bien vivant. Et appelé à le devenir de plus en plus.
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PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
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Dossier
L’agropastoralisme vu
par les agents du SUAMME
Le réseau des chambres d’agriculture du Languedoc-Roussillon, à travers un organisme inter-établissements (OIER) bénéficie avec le SUAMME (Service d’Utilité Agricole Montagne
Méditerranée Élevage), d’un poste avancé dans l’agropastoralisme. Sept de ses agents partagent ici leur réflexion et leur quotidien.
L
’OIER SUAMME, bénéficiant du soutien
de l’État, de l’Europe et de la Région
Languedoc-Roussillon, est régulièrement
sollicité pour accompagner les gestionnaires
environnementaux ou les communes dans leurs
projets, pour la mise en place de plans de gestion
pastoraux ou pour préparer l’installation d’éleveurs.
Pour la mise sur pied d’une estive par exemple,
un diagnostic agropastoral démarre par une
enquête auprès des éleveurs valorisant le site afin
de comprendre leur organisation, leurs attentes...
Puis une phase de terrain permet de cartographier
la végétation et évaluer la ressource alimentaire
disponible, mais aussi de commencer à prévoir les
travaux (ex : débroussaillage, clôtures, abreuvoirs)
à réaliser. Les espaces agropastoraux, couramment
qualifiés de « semi-naturels », peuvent conjuguer
les fonctions de sites de randonnée, de chasse,
de réservoirs de biodiversité... La prise en compte
de ces différents enjeux et les échanges avec les
autres acteurs concernés par la gestion du site est
une étape incontournable. Ce n’est qu’à l’issue de
ces différentes étapes que l’on peut valider un plan
d’action concerté pour l’estive. Par exemple, installer
une cabane pastorale pour accueillir le berger et
des abreuvoirs, organiser le pâturage de manière
à ne pas déranger le Tétras-lyre ou le lagopède
10
PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
pendant leurs périodes de reproduction, ou encore
débroussailler tel ou tel secteur pour retrouver de la
ressource et préserver les paysages.
La reconquête des espaces
Face à la déprise agricole, à la pression urbaine ou à
l’accroissement des risques notamment d’incendies,
de plus en plus de collectivités se posent la question
de trouver une nouvelle vocation aux espaces
« abandonnés » via le redéploiement d’une activité
agropastorale. En appui aux chambres d’agriculture
et aux collectivités territoriales, l’OIER SUAMME
réalise des diagnostics pastoraux qui visent à
évaluer la faisabilité de ces projets. Pour réaliser
ces diagnostics, des relevés de végétation et une
analyse de la topographie permettent d’expertiser
les espaces concernés et de construire des scénarii
vraisemblables de reconquête agropastorale. Ils sont
alors proposés aux instances décisionnelles pour le
choix et la validation d’un des scénarii avant de passer
à une phase plus opérationnelle d’accompagnement
d’un porteur de projet. La reconquête d’espaces
pastoraux est un enjeu régional.
Réagir face au changement climatique
Le déficit de production de fourrage s’accentue.
Entre les efforts portés sur une meilleure valorisation
© Marie Bazille
Aider les projets pastoraux
Une organisation nomade originale :
la transhumance
Certains troupeaux ovins et bovins des garrigues, des basses
Cévennes et du littoral, cheminent encore à pied vers les pâturages
d’altitude des massifs de l’Aigoual, du Mont Lozère, des plateaux
calcaires des Causses et des Pyrénées en empruntant des
chemins de transhumance ou « drailles » pour des trajets de 2 à
10 jours. En Languedoc-Roussillon, 45% environ des éleveurs,
regroupant 60 000 brebis et 14 000 bovins, pratiquent soit une
« grande » transhumance (intra ou extra départementale) soit une
transhumance de proximité. La transhumance a perduré malgré son
image « archaïque » face à la révolution fourragère et aux modèles
de l’agriculture productiviste, car elle valorise les ressources
pastorales naturelles de grands espaces tout en respectant les
rythmes naturels de la végétation et des animaux.
Le loup fait courir un risque
Dans les élevages méditerranéens et de montagne, l’alimentation
des mères provient des plantes qui poussent spontanément sur
les parcours et pâtures. Lorsqu’on ramène cette consommation au
volume total de fourrage et végétaux consommés tout au long de
l’année, elle en représente couramment plus de la moitié. Mais la
situation pourrait changer. En effet, le loup est officiellement revenu
depuis 1999 dans les Pyrénées-Orientales et depuis 2012 en
Lozère. Si la pression de prédation venait à augmenter, l’utilisation
des surfaces pastorales qui marque si fortement les paysages de
notre région (35% des surfaces agricoles, et jusqu’à 80% dans
t
des surfaces agropastorales depuis plus de 30 ans et le climat qui
évolue, nos éleveurs doivent continuer à s’adapter. C’est un enjeu
fort de trouver des clés de réussite de durabilité des systèmes en
Languedoc-Roussillon. L’amélioration de la technicité de production
fourragère avec la complémentarité de l’utilisation agropastorale
des surfaces et la valorisation par les troupeaux est une action que
nous nous employons à caractériser pour les porter à connaissance
des conseillers agricoles. Ce sont les stratégies d’alimentation et
de pâturage de nos milieux méditerranéens les plus adaptées qui
serviront dans quelques années aux autres régions de France.
PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
11
Dossier
certains territoires d’élevage) pourrait être menacée de se replier sur les
territoires agricoles les plus productifs, plus faciles à intensifier, à clôturer
et où le troupeau est plus facile à défendre mais qui sont aussi les plus
artificiels. Le savoir-faire des bergers et éleveurs pour combiner la pression
du pâturage et le renouvellement de la végétation pourrait être à son tour
menacé de ne pas pouvoir être transmis aux générations à venir. Tout le
travail mené depuis plus de 20 ans pour que la valeur, pas seulement
productive, de ces pratiques soit reconnue et valorisée, y compris à travers
l’économie touristique, risque lui aussi d’être mis à mal.
© Laure Guiral
Les soutiens publics à l’agropastoralisme
Les aides directes au secteur montagne-élevage représentent une
part importante dans le revenu des systèmes d’exploitation agricoles et
agropastoraux de Languedoc-Roussillon. Ces versements sont élevés
en comparaison du chiffre d’affaires et cette situation est directement liée
à la réforme de la Politique Agricole Commune de 1992 et l’alignement
des prix agricoles sur les cours mondiaux. Les aides directes instituées
à l’époque (aides ONIC sur les céréales, PHAE, PMTVA, PCO...) avaient
pour objectif de compenser les pertes de revenus. Lors de la réforme de
la PAC en 2007, c’est une orientation agro-environnementale qui a été
impulsée. L’identification de territoires à enjeu écologique comme la
biodiversité, les sites Natura 2000, ont permis aux éleveurs d’engager
leur travail vers des pratiques respectant ces objectifs écologiques. Ce
soutien rémunère des pratiques plus coûteuses : gestion du pâturage
selon un calendrier précis, adaptation des parcs au pâturage avec pose
de clôture, de points d’abreuvement, ouverture mécanique des milieux
en dynamique de fermeture pour permettre l’accès aux animaux et au
pâturage... Ces dispositifs d’accompagnement sont structurants pour les
systèmes agropastoraux mais se calent sur les systèmes herbagés du
nord de la France, les systèmes pastoraux étant complètement oubliés.
La reconnaissance des parcours, landes, bois pâturés comme surface de
production est indispensable à la survie des exploitations agropastorales.
Les systèmes d’élevage en région
© Laure Guiral
L’élevage régional est protégé par des marchés relativement ouverts et
par la Politique Agricole Commune à la faveur d’un ratio élevé surfaces/
travailleur, mais il est exposé et fragilisé du fait de structures soumises aux
aléas climatiques et sanitaires, à l’augmentation des coûts de production
et de mise en marché : la capacité d’autofinancement des élevages et
des filières est faible alors qu’il faut investir dans l’autonomie fourragère,
l’irrigation, renouveler les équipements en abattoirs et ateliers de découpe,
disposer de régulations pour faire face aux aléas. La connaissance du
fonctionnement des systèmes d’élevage permet de répondre aux attentes
des éleveurs pour leur développement dans un fonctionnement durable,
comme c’est le cas pour Le Rosée des Pyrénées Catalanes, un veau
broutard élevé au lait maternel (voir p. 19).
Interview de Jean-Paul Pourquier, président de l’Entente interdépartementale
des Causses et des Cévennes
« L’agropastoralisme a permis de façonner
les paysages »
Patrimoines en région. Nous abordons
la troisième année de l’inscription sur la
liste du Patrimoine mondial des Causses
et Cévennes. Où en est-on aujourd’hui ?
Jean-Paul Pourquier. Depuis 2011, s’est
mise en place une gouvernance pour démontrer à l’UNESCO la bonne gestion d’un
Bien inscrit sur la liste du Patrimoine mondial. Nous sommes un peu le bras armé
de l’État pour coordonner les gestionnaires
locaux. Il s’agit de tisser un réseau de travail et de partage avec les acteurs locaux,
des partenariats, de signer des conventions,
d’aider des organismes de gestion.
PER. Les acteurs de terrain se sont-ils
approprié cette valeur universelle du
Bien classé ?
J-P P. Nous nous engageons dans une
phase d’appropriation par les acteurs en
place de la valeur universelle du bien. Nous
avançons vers une prise de conscience et
un travail avec les habitants, les agriculteurs,
les professionnels du tourisme, les élus.
Ma conviction profonde est que le cœur de
cette inscription, c’est l’agropastoralisme qui
a permis de façonner les paysages. Ce qui
compte, c’est qu’ils l’ont été par l’homme et
n’offrent pas une valeur uniquement pour
leur beauté naturelle.
PER. Parlez-nous des avancées dans les
quatre départements concernés ?
J-P P. La Lozère, l’Aveyron, le Gard et l’Hérault ont su montrer qu’ils étaient capables,
au-delà des sensibilités politiques, de se
mobiliser dans l’intérêt de ce territoire. Ils
permettent à l’Entente de réaliser des actions concrètes et répondre aux exigences
liées au maintien de la valeur universelle
exceptionnelle. Des réticences existaient au
départ, notamment dans le monde agricole,
peut-être pas, alors, suffisamment associé.
Qui dit inscription en effet, pouvait faire
craindre « contraintes nouvelles » mais aujourd’hui, cette crainte s’efface au bénéfice
d’une prise de conscience de l’opportunité
que représente cette reconnaissance internationale. À ce titre, nous sommes assez
fiers des démarches de formation d’ambassadeurs auprès des professionnels agricoles
et touristiques, une initiative gardoise qui
commence à susciter un intérêt grandissant
sur tout le territoire.
PER. Vous misez désormais sur la communication…
J-P P. Les prochaines actions de sensibilisation sont l’affichage, l’information sur
l’inscription aux entrées du Bien inscrit, sur
les routes nationales et départementales
et bien sûr, sur l’A75. Ces panneaux sont
financés par l’Entente interdépartementale,
avec l’aide du FEDER (fonds européens) et
de la Région Languedoc-Roussillon. Mais
nous allons mener encore d’autres actions :
des expositions itinérantes, la réalisation
de posters pédagogiques. En complément
se mettent en place des initiatives provenant des gestionnaires locaux tels que le
Parc National des Cévennes, le Parc Naturel Régional des Grands Causses, le CPIE
des Causses méridionaux, le Conservatoire
Larzac Templier Hospitalier, etc. Après une
période d’expectative, il faut à présent savoir
tirer profit de cette inscription qui est une
vraie récompense.
PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
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Dossier
Causses et Cévennes
Un paysage culturel universel
L’inscription des Causses et des Cévennes sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco
(2011) comme « paysage culturel* de l’agropastoralisme méditerranéen » met en lumière
un travail acharné et passionné pour conserver et développer des valeurs universelles
exceptionnelles.
L
’agropastoralisme est un mode de subsistance et
d’exploitation du milieu, pratiqué sur des parcours et
exploitant des troupeaux d’herbivores qui utilisent la
végétation naturelle, plus ou moins associée à d’autres
aliments. Pour les Causses et les Cévennes, c’est une alliance
particulièrement riche entre éléments naturels (trois climats, trois
géologies), complémentarité avec les plaines, et savoir-faire qui a
forgé un patrimoine exceptionnel. Depuis 5000 ans, les activités
agricoles et pastorales ont créé et maintenu de grands paysages
ouverts (pelouses, landes) disputant aux milieux boisés la place
dominante. Ces derniers, et notamment les châtaigneraies,
sont d’ailleurs aussi, pour partie, des territoires agropastoraux
contribuant à la nourriture des troupeaux. Ainsi, se sont inscrits
dans ces paysages exceptionnels des constructions et des
aménagements liés à ces activités. Le patrimoine architectural
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PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
© Gérard Collin
constitue ici un ensemble d’attributs** aujourd’hui reconnus
mondialement (fermes, bergeries ou « jasses », ponts moutonniers,
clochers de tourmente...) qui fait la part belle à l’architecture
populaire en contrepoint d’une architecture plus savante liée
à l’histoire agropastorale (abbayes, châteaux seigneuriaux,
commanderies, villages fortifiés...). Les aménagements tiennent
compte des conditions imposées par les milieux et des nécessités
techniques : terrasses (« faïsses », « bancels », « traversiers »),
mares aménagées (« lavognes »), chemins de transhumance
(« drailles »), canaux d’irrigation (« béals »)... Enfin, certains traits
expriment la relation intime du territoire avec l’agropastoralisme :
dolines (« sotchs »), pierriers (« clapas »), bornes de chemin ou de
limite, croix de chemin... Les savoir-faire, les savoirs naturalistes
et les savoirs de la modernité, composantes immatérielles des
sociétés agraires qui se sont succédé ici, ont perpétué jusqu’à nos
jours un patrimoine de valeur universelle exceptionnelle. Le vrai défi pour
ce paysage évolutif et vivant est celui de sa gestion et de son maintien
en respect des évolutions nécessaires et acceptables. Le caractère
évolutif et vivant de ces attributs doit être compris dans sa dynamique
passée, présente et future. Il s’agit d’admettre une conservation ouverte,
de comprendre que le fondement du patrimoine universel exceptionnel
d’aujourd’hui n’est que la résultante de processus passés ou en cours.
Croire que ce paysage culturel est un patrimoine classique répondant aux
méthodes et moyens habituels serait une réduction dangereuse. Croire
que le Bien inscrit résoudra les problèmes de l’agropastoralisme serait
ouvrir le champ d’une utopie. Il s’agit de mesurer ce que le patrimoine
(le résultat) doit à l’activité agropastorale (le moteur). La conservation
des pierriers, au cœur du système agropastoral et de ses valeurs
patrimoniales, semble simple techniquement mais elle est aléatoire car
l’objet est « banal ». Il ne dépend pas de protections réglementaires
mais de l’évolution des pratiques. Le risque de « marginalisation » est
grand. Il faut travailler sur le moteur qui conserve, donne vie, fait évoluer
le patrimoine. Mais l’agropastoralisme n’est pas une entité isolée : il doit
évaluer ses actions en termes de développement comme de conservation,
en relation intime avec ses attributs.
Drailles
La conservation ou l’évolution harmonieuse du Bien inscrit passe par le
maintien des activités agropastorales, ce qui ne signifie pas leur fixation
en l’état. Seule l’absence d’activité agropastorale est interdite. Maintien
et évolution dépendent de choix individuels qui, eux-mêmes, découlent
de choix externes de politique agricole. Il faut prendre en considération
une approche symétrique de connaissance et d’analyse des évolutions
pour les deux pôles du système (patrimoine et agropastoralisme). Mais
l’essentiel reste le croisement des données statiques et dynamiques de
ces deux pôles. Un travail de réflexion basée sur l’observation des modes
de fonctionnement socio-économiques, techniques et sur les évolutions
potentielles de l’agropastoralisme est nécessaire mais insuffisant,
tout comme un travail de réflexion basée sur l’inventaire des objets
patrimoniaux. L’apport d’une politique touristique ne peut, elle non plus,
se concevoir sans cette réflexion à double entrée. Le tourisme ne peut
ici se développer sans la connaissance et la conservation des attributs.
Le tourisme doit aussi être à l’écoute des besoins et des « interdits » liés
aux activités agropastorales. Les drailles sont un bel exemple de ce jeu
complexe : les maintenir relève de pratiques agropastorales autant que
patrimoniales ou touristiques, sans que les unes puissent se passer des
autres.
Gérard Collin, géographe
* La Convention du patrimoine mondial définit les paysages culturels
comme les ouvrages combinés de la nature et de l’homme.
** Il s’agit d’éléments (culturels, naturels, paysagers, immatériels…)
qui témoignent particulièrement de la valeur patrimoniale. © Gérard Collin
PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
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Dossier
Berger
Un métier moderne
Devenir berger, ça s’apprend, comme nous le démontre l’École des Bergers.
Mais c’est sur le terrain que l’on découvre aussi la réalité de ce métier comme
en témoignent les deux bergers que nous avons rencontrés.
D
evinette : c’est un métier porteur d’emploi, ouvert au portable
et panneaux solaires, utilisant les dernières technologies de
communication numérique, apprécié par les femmes, qui
plaît aux urbains. De quoi s’agit-il ? Du métier de berger. Eh,
oui, à l’école des bergers du Domaine du Merle, près de Salon-deProvence, on se félicite de ce changement d’image. « Jusqu’alors,
constate Michelle Jallet, la directrice, les adjectifs collés à ce métier,
vieux comme le monde, étaient asocial, rustre, voire marginal. C’est
une petite révolution. » Ce qui réjouit encore la directrice, c’est un
autre événement positif : « En 1997, raconte-t-elle, suite à une
enquête sociologique du CERPAM*, la formation a connu une remise
à plat, et par-delà, une révision du statut de la profession. » Le
CERPAM lui demande alors de repenser entièrement la formation.
Une aubaine ! La chance de l’école qui dépend de Montpellier
SUPAGRO est de se trouver sur le Domaine du Merle qui possède
un troupeau sur place, l’outil de travail et d’apprentissage. « Ce qui
16
PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
semblait le plus logique dans la rénovation était de prévoir désormais
un cursus d’un an, d’octobre à octobre, simplement pour parcourir le
cycle de production annuel des brebis transhumantes de la région. »
Ici, on vit une vraie plongée dans le réel, en situation professionnelle.
Le futur berger teste tous les postes : agnelage, mise-bas, soins,
pose du filet, séjour en prairie, début d’engraissement. Le support
pédagogique réside dans un partenariat quasi permanent actif et
réactif avec les éleveurs du voisinage. « Ce sont des pairs pour moi, dit
la directrice, j’enfile ma cotte, mes gros souliers, je suis une directrice
atypique, avec 14 ans d’élevage dans des activités professionnelles
antérieures. » Pendant les 1 760 heures de formation, chaque futur
berger ou bergère exerce sur tous les espaces pastoraux : estive,
colline, plaine, avant un temps d’insertion-professionnalisation. Clou
de l’année de formation, les trois mois d’alpage : « Nous préparons
pendant 15 jours cette période. Un test pour l’autonomie, ils seront
seuls avec un chien. Mais je ne les abandonne pas, rassure, un
brin maternelle, Michelle Jallet. Sac à dos, avec mon
chien, je prends le temps nécessaire pour rendre visite
à chacun et chacune. » Un module « pastoralisme,
techniques de garde » les a préparés physiquement
avant le séjour. Dressage de chien de troupeau,
soudure, débroussaillage, machinisme et même risque
de prédation du loup, n’ont plus de secret pour les jeunes
bergers. Ne vous attendez pas à les croiser dans une
cabane branlante, le confort a été amélioré, de même
le compagnon ou la compagne peut suivre désormais
le berger. « C’est un métier nécessitant de nombreuses
compétences, connaissances technico-économiques,
préservation de l’environnement, ouverture à l’autre,
c’est un métier social, résolument moderne. » Annie,
23 ans, raconte : « J’ai dit à un randonneur que
j’étais bergère, il m’a répondu… Et moi, le pape ! »
Il faudra s’y faire, ce métier est un métier comme les
autres, et avec cette nouvelle formation, depuis une
quinzaine d’années, on a noté un taux de stabilité dans
la profession de 75 % !
Contact : Michelle Jallet, Domaine du Merle
à Salon-de-Provence
Tél. 04 90 17 01 55
Thèmes abordés dans la formation
• Agronomie
• Gestion sanitaire
• Alimentation
• Reproduction/sélection
• Gestion technico-économique des
systèmes d’élevage
• Connaissances de la filière
• Pastoralisme, techniques de garde
* CERPAM : Centre d’Études et de Réalisations Pastorales Alpes Méditerranée pour la gestion des espaces
naturels par l’élevage
Deux regards professionnels
Daniel Segondy,
au Domaine départemental de Roussières
Comment vivez-vous votre métier ?
Je n’ai pas l’impression de travailler, et heureusement. Travailler 15 heures par jour, 7 jours sur 7 pour
ce que l’on gagne, il faut que ce soit vraiment une
passion. Si je ne garde pas le troupeau, ma tête ne
va pas bien. Il y a des matins plus durs que d’autres,
mais j’y vais toujours avec plaisir. Je vais vous donner
un exemple, je me suis fait opérer du poumon un mardi, le vendredi j’avais
besoin d’aller garder et j’y suis allé.
Comment pensez-vous être perçu par le grand public ?
Les trois quarts des gens nous prennent pour des incapables et des fous.
Incapable car on entend souvent : « Il fait berger parce qu’il ne sait rien faire
d’autre. » Les gens se sentent supérieurs, il suffit aujourd’hui de posséder une
villa pour avoir réussi. Fou parce que le travail fourni paraît énorme. Quand
on transhume, le public nous regarde comme des nomades. Et puis, il y a ce
regard qui fait sentir que l’on n’a pas le droit d’avoir de belles choses parce
qu’on est berger. En effet, que ce soit un beau cheval, une belle moto, ou toute
autre chose, nous ne sommes « que des bergers ».
Quel est selon vous l’avenir de votre métier ?
Il n’y a pas d’avenir pour ce métier. C’est fini, à part si c’est clôturé, ce qui n’a
aucun intérêt pour les brebis. On dit qu’il faut 2 ha par brebis, imaginez la taille
du terrain pour un troupeau de 300 têtes… Et puis une brebis, il y a 15 ans on
la vendait 500 francs. Aujourd’hui, elle vaut de 40 à 50 euros. On ne vit que
grâce aux subventions. Alors, l’avenir…
Julien Alcover,
sur les monts d’Orb
Julien Alcover, 35 ans, le sourire chaleureux, rentre ce jour-là
de l’assemblée générale de l’association des éleveurs de la
race Raïole sur le Causse-de-la-Selle. Un acte d’engagement
pour cet homme atypique considéré parfois par certains comme
« un hurluberlu », peut-être à cause de sa barbe fleurie. C’est
vrai qu’il ne fait pas les choses comme tout le monde, Julien.
D’abord, c’est une quarantaine de parrainages qui lui ont permis de constituer son troupeau. Sur les monts d’Orb, à Graissessac et Saint-Gervais-sur-Mare, il surveille son troupeau par
GPS mais aussi à la garde. Pour l’instant, il ne possède pas de
grange et pratique l’élevage « en plein air intégral ». De son
expérience d’animateur, il lui reste le goût de l’échange et un
certain penchant pour la pédagogie active. Lui pense qu’un éleveur n’est pas forcément un rustre… Ainsi, quand il part seul
garder ses cinquante mères et son bélier (« de la race Raïole,
très rustique »), Julien emporte les écouteurs pour suivre une
bonne émission. C’est aussi un jeune père de famille et avec
sa femme, il restaure une ancienne bâtisse des mineurs de
Graissessac : « Elle raconte une histoire, on y est bien. » Côté
ressources, « les premières années ont été rudes mais le métier
de ma femme nous procure des rentrées régulières et rassure »,
concède-t-il. Pour la première fois, en 2014, le jeune berger présente des comptes à l’équilibre et va recevoir « une aide régionale qui m’engage à être agriculteur à titre principal », se réjouitil. Un nouveau cap. Qui a parlé d’ « hurluberlu » ?
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Dossier
En pays catalan
Le succès des chevaux de trait
© Nathalie Baills
B
rigade de propreté ou calèches touristiques, on les voit
réapparaître ces chevaux ou mulets catalans. Pour le bonheur de
tous, petits et grands mais aussi pour un développement durable
des villes et des campagnes. En France, à ce jour, plus d’une
centaine de municipalités ont fait le pas d’intégrer des chevaux dans leurs
équipes pour les tâches les plus diverses. Avantage écologique mais
aussi convivialité sont les bénéfices de cette autre façon de transporter
ou de cultiver. Nathalie Baills, chargée de mission « Montagne élevage »
à la Chambre d’Agriculture du Roussillon, revient sur cette belle histoire :
« C’est en 2007, raconte-t-elle, que l’aventure débute avec quelques
éleveurs de chevaux de trait du plateau cerdan s’intéressant à l’avenir
de la race - en fait à sa reproduction - au syndicat départemental des
Pyrénées-Orientales. Car Ici les “lourdes” sont une histoire de famille, de
passion, de tradition. » Depuis la nuit des temps, le troupeau de dix-quinze
mères côtoie vaches allaitantes ou laitières sur les exploitations. Certains
parlent alors de vendre leurs juments, et un climat morose s’installe
jusqu’à cet appel des vignerons souhaitant renouveler leurs mulets pour
les vignobles. Des pentes abruptes du cru de Banyuls vers la haute vallée
de l’Agly, le phénomène commence à s’exporter. « Depuis 2008, reprend
Nathalie Baills, l’élevage de muletons repart. Après dressage et concours
d’utilisation en 2010, ils sont vendus à des vignerons catalans. Le plan de
production de mules et chevaux de trait ne s’arrête pas. » Alors, pour les
travaux de labour mais aussi comme agents de développement durable
dans les communes, on va revoir ces chevaux cerdans.
La brebis Rouge du Roussillon est sauvée !
À
ce jour, on compte dans les Pyrénées-Orientales environ 1100
brebis de la race Rouge du Roussillon réparties dans onze
élevages sur l’ensemble du territoire du département (plaine,
Aspres, Vallespir, Conflent, Fenouillèdes...). En vingt ans, la race
s’est développée, passant de 500 à 5500 têtes sur le territoire national.
Grâce essentiellement à l’aide de trois parcs naturels. Martine Fiolet qui
assure l’animation globale au niveau national et local est rassurée : « On
respire du côté des éleveurs de cette race à petit effectif, appréciée déjà
pour sa couleur mais aussi pour sa rusticité, dit-elle. Le suivi de la Rouge
est mené, avec celui de deux autres races locales, par l’Association
des Éleveurs de Raïoles, Caussenardes des Garrigues et Rouges du
Roussillon. » Mais elle, qui élève aussi de la « Rouge » en Aveyron, reste
vigilante. Animation technique, inventaires et inscription des femelles,
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PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
centre d’élevage de jeunes béliers et organisation de deux ventes de
béliers par an, promotion, on continue de « se bouger » pour la belle race.
Aujourd’hui, avec très peu d’aide, l’association fonctionne en autonomie,
« mais à la recherche d’aides nouvelles », reconnaît l’animatrice.
http://raioles-caussenardes-rouges.jimdo.com
Sous le Signe d’Identification de la Qualité et de l’Origine
Le bon veau
Rosée des Pyrénées Catalanes
M
yriam Codini est animatrice dans
l’association « Rosée et Vedell des
Pyrénées Catalanes » valorisant les
démarches qualité à travers le statut
juridique d’organisme de défense et de gestion.
« Depuis vingt ans, explique-t-elle, les éleveurs
ont choisi de mettre en place une certification de
conformité produit (CCP). En ce cas précis, ils
travaillent à développer et promouvoir le veau
“Rosée des Pyrénées Catalanes”. En plus de la
communication, je suis la traçabilité et le cahier
des charges. » Le mode d’élevage possède une
typicité et une tradition qui date du XIXe siècle :
le veau suit la mère. En territoire de montagne,
la majorité des éleveurs font transhumer
le troupeau et des groupements pastoraux
organisent les estives des troupeaux avec les
veaux. En moyenne, 200 mères partent ainsi par
estive. « Les systèmes d’exploitation de notre
région font vêler entre décembre et fin mars,
l’hiver donc, précise Daniel Moragas, éleveur et
président de l’association, et dès le printemps,
le veau et sa mère suivent la pousse de l’herbe
des exploitations jusqu’à 2500 m d’altitude
dans le courant de l’été. Pour la nourriture, les
éleveurs ne font appel à aucun complément. Nos
montagnes y pourvoient avec leur diversité. Les
mères et les veaux broutent les fleurs et le goût
de la viande s’en ressentira bien sûr. Quand il
broute particulièrement la réglisse, une herbe
aromatique, le veau Rosée devient un produit
goûteux. » On peut donc dire que le veau naturel
ne mange… que du naturel, « au lait de la mère ».
Le Rosée des Pyrénées Catalanes respecte un
cahier des charges en vue de l’obtention d’une
IGP (indication géographique protégée) et l’on
fait ainsi d’une pierre trois coups : on offre une
bonne nourriture, une belle chair qui a du goût et
on procure du travail localement. Sans compter
que les territoires de montagne s’entretiennent
dans la foulée. « On dénombre un noyau
d’une quarantaine d’éleveurs sur les petites
régions du Conflent mais aussi du Vallespir et
de la Cerdagne/Capcir, reprend le président.
La commercialisation se réalise dans les
boucheries traditionnelles, par correspondance
(caissettes de portions emballées sous vide) ou
encore récemment dans quelques moyennes
surfaces locales pour les gens des villes,
demandeurs de bons produits. Nous réalisons
dans ce but des actions de promotion. »
ww.roseedespyrenees.com
Les éleveurs font découvrir leurs produits
Fin juin, les balades en estive sont une véritable opération portes ouvertes. Par un moment de détente, elles
font découvrir l’élevage et l’originalité du veau Rosée. « C’est un de nos produits de com’, résume, enthousiaste,
Myriam Codini. À cette occasion, les gens vont pouvoir découvrir les estives et déguster le veau. Et, on l’espère,
l’adopter dans leurs futurs plats. »
Dans la même démarche qualité et origine :
• l’Agneau de Lozère
• l’Agneau Fermier des Pays d’Oc
• le Bœuf race Aubrac
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Dossier
À Hérépian
Le musée de la cloche et de la sonnaille
E
n 1998, le Musée de la cloche et de la sonnaille ouvrait ses
portes à Hérépian. Ce musée de société met en scène des
savoir-faire exceptionnels, attachés à un territoire et à une
mémoire locale. Fermé depuis 2005, sa réouverture est prévue
pour l’été 2014. L’histoire du projet débute par une étude ethnologique sur
l’art campanaire de la famille Granier. Cette famille d’artisans fabriquait
des clous et des sonnailles depuis 1600 dans les hauts cantons de
l’Hérault. Après la première guerre mondiale, Joseph Granier étend son
activité à la fonderie, pour la fabrication de clochettes et de grelots. En
1931, il se lance dans la production de cloches d’église à Castanet-leBas, avant que l’entreprise ne s’installe à Hérépian, dans les années
1970. Avec l’ouverture du musée en 1998, la fonderie est naturellement
et directement associée au parcours muséographique. Le Musée de
la cloche et de la sonnaille présente les techniques de fabrication, les
utilisations et l’univers sonore des différentes productions de l’ancienne
fonderie. L’exposition permanente débute par des collections de
sonnailles, en tôle martelée et encuivrée. Essentiellement utilisées par
les bergers pour le repérage des bêtes, ces sonnailles ont aussi, des
Alpes aux Pyrénées, une fonction décorative et musicale. La production
des clarines et grelots en bronze ou en laiton a été particulièrement
20
PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
florissante à Hérépian, avec pour destination l’élevage, les usages
domestiques, le marché des souvenirs et certaines manifestations
folkloriques. Leur fabrication, par moulage au sable, est illustrée dans le
parcours muséographique. La production de cloches d’église constitue
l’activité la plus noble et la plus récente de la fonderie d’Hérépian.
Elle nécessite un savoir-faire méticuleux, pour obtenir justesse de la
note et clarté du timbre de ces véritables instruments de musique. Le
public peut découvrir les différentes étapes de leur fabrication, depuis
la conception du moule jusqu’à leur installation. La coulée reste le
moment le plus intense, spectacle fabuleux et magique où le métal en
fusion donne naissance à un instrument personnalisé dont la « voix »
chantera tous les temps de la vie. La visite se termine par le « passage
des clochetons », qui allie aux contes et légendes, la féerie d’effets
lumineux et sonores. L’ensemble du parcours est aménagé pour une
visite en autonomie des personnes non ou malvoyantes. La voie verte
Passa-païs, itinéraire cyclable et pédestre aménagé sur l’ancienne voie
ferrée de Bédarieux à Mazamet (60 km), longe le musée depuis juin
2013, venant ainsi renforcer son attractivité touristique.
Patricia Beaudouin
Service Patrimoine du Conseil général de l’Hérault
Cogito
Transhumances en devenir
Pierre Laurence, Chef du service Patrimoine
Conseil général de l’Hérault
Q
u’est-ce que la transhumance ?
Dès qu’il s’agit d’établir, de façon
tant soit peu complète, une
définition de la transhumance,
ce système d’élevage se révèle
dans sa complexité, combinaison vertueuse
entre des territoires, des races aptes à leur
mise en valeur, une organisation sociale et des
hommes, porteurs d’une connaissance de ces
espaces et des savoirs nécessaires à la conduite
des animaux (voir aussi p.11). Car transhumer
c’est d’abord « garder », c’est-à-dire mener des
troupeaux sur des parcours pour leur assurer
une alimentation optimale, en tous temps. Cette
présence continue du berger auprès des bêtes
a généré un savoir-faire et une connaissance
intime du comportement animal sur lesquels
repose tout le système transhumant. Pour
décrire la nature de leur attachement à ce
métier, les bergers transhumants usent souvent
du terme de « passion », qui désigne tant le
lien fortement marqué d’affectivité qui les lie à
leurs bêtes, que leur profond attachement à des
pratiques et une culture pastorale spécifique.
Au cours des siècles, les conditions sociales et
économiques dans lesquelles cet élevage s’est
jeunes éleveurs transhumants entre Gard et
Hérault. La « passion » pour les brebis continue
de rendre attractif un métier qui constitue
pourtant un choix de vie radical. L’Ouest de
l’Hérault et l’Aude ont connu, au cours du XXe
siècle, le développement d’une transhumance
hivernale de troupeaux andorrans, qui a atteint
24 000 bêtes à son apogée, à la fin des années
1940, avant de régresser. Aujourd’hui, dans ces
territoires, le désir d’installation
de jeunes éleveurs rencontre
Ainsi la transhumance s’affirme-tle souci de collectivités
locales de valoriser des
elle aujourd’hui comme une pratique
espaces. Se mettent ainsi en
fondamentalement moderne, de haute place de nouveaux modèles
qualité culturelle et environnementale. économiques et sociaux dont
la transhumance redevient le
pivot, associant préservation
notre région, la transhumance la plus active de la biodiversité et prévention des incendies
est celle des troupeaux ovins des Garrigues par le pâturage, valorisation d’une production
et des Cévennes qui estivent dans la bordure d’agneaux de grande qualité par la vente directe
sud du massif central (Causses méridionaux, et manifestations festives recréant du lien social
Aigoual, Hautes Cévennes et mont Lozère). autour de cette activité. Ainsi la transhumance
Elle se pratique encore très majoritairement à s’affirme-t-elle aujourd’hui comme une pratique
pied. Conscient de l’enjeu de cet élevage pour fondamentalement moderne, de haute qualité
la conservation des milieux ouverts des sites culturelle et environnementale.
d’estives et de leur biodiversité, le Parc national
des Cévennes a engagé un programme
de renouveau de la transhumance ovine
(aménagements pastoraux, encouragement des
groupements pastoraux). L’effectif des ovins
transhumants sur ce territoire est ainsi passé
de 18 000 dans les années 1980 à 23 000 au
début des années 2000. Depuis une quinzaine
d’années, on assiste à l’installation continue de
exercé ont radicalement changé. Néanmoins
cette pratique pastorale perdure aujourd’hui,
permettant la mise en valeur de bien des espaces
entre garrigues, moyenne montagne et estives.
Le caractère fondamentalement adaptatif de
la transhumance, induit par la nécessité de
l’itinérance, tout comme l’attachement des
bergers ou éleveurs à leur culture, a permis
cette résistance au temps et à l’histoire. Dans
PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
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L’œil de l’artiste I Aude
Laure Essinger
Artiste-plasticienne
Quand l’art jaillit du papier végétal
L
es créations de Laure Essinger, toutes en légèreté et
élégance, étonnent par leurs formes et tailles variées.
Celle des Argonautes suspendus dans le lavoir d’Aubais,
ou celle d’une robe présentée lors de l’inauguration de
pierresvives symbolisant le muscat et… sa robe ambrée. La matière de ces installations de la plasticienne ? Du papier végétal, tout
simplement. « Dans la nature, je suis toujours en quête de la fibre
qui résonnera le plus justement avec ma recherche présente : celle
du yucca, du châtaignier, du micocoulier ou autre... ma palette se
transforme au fil des saisons. » Quarante-deux ans, née en Suisse,
mère de deux enfants, d’abord formée à la musique classique,
Laure Essinger se définit aujourd’hui comme plasticienne, dans une
pratique qui lie création des formes et chimie du végétal. Ce jourlà, quand nous la rencontrons, elle décroche dans l’une des salles
des Archives départementales de l’Hérault, à pierresvives, le travail
qu’elle a effectué avec son public. On aperçoit des photophores
créés dans une fibre devenue très résistante et on mesure l’espace,
important, requis pour son enseignement, la démonstration et la
création collective. L’artiste donne régulièrement des stages intitulés
« Un univers de papier » dans ce lieu, devant un public très varié,
du plus jeune, 6 ans, à la femme de 82 ans, fidèle depuis plusieurs
années. Ensemble, ils aiment vivre ce « petit miracle » de la fibre qui
se lie à l’eau pour offrir, subitement, une création inattendue… Mais
l’artiste a aussi besoin du travail solitaire dans l’atelier, chez elle,
à Narbonne. Tout comme du contact avec d’autres arts et artistes,
dans des lieux de patrimoine, où la mémoire résonne avec des sensibilités actuelles pour une création collective. Elle pratique beaucoup les « correspondances », mêlant son travail sur le papier avec
d’autres arts, comme la danse, fuyant ainsi l’éventuel repli sur sa
propre spécialité. Hasard, rencontres : des arts divers se rejoignent
ainsi, faisant circuler la vie, la créativité et l’émotion. Mais d’où tiret-elle cette passion ? « Très jeune, j’ai aimé travailler l’argile, puis
les textiles, les beaux tissus, la céramique », dit-elle. « Autodidacte
dans l’art du papier, j’utilise une technique ancestrale, mais je la travaille dans un esprit contemporain, surtout pas passéiste. » Loin
du zapping ambiant, « qui vous distrait dans tous les sens », elle
choisit le calme et privilégie la qualité des échanges, au moment où
elle marque une pause après de multiples installations dans toute la
France, car pour elle, « se donner du temps, c’est un luxe ».
mirafolia.over-blog.com
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PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
Argonautes, papier de yucca et d’iris © Plume F
PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
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Architecture et urbanisme
Construire aujourd’hui
sans jeter la pierre à l’histoire
L
’architecture est une discipline particulièrement
prédisposée à des joutes animées confrontant
« anciens et modernes ». Des polémiques qui
concernent tous les citoyens dans leur vie quotidienne, car la majorité des bâtiments, publics comme
privés - ceux qui ont traversé les siècles comme ceux qui
peinent à passer la décennale - s’offrent à notre regard et
participent à notre vie, et pour longtemps.
Ce sont pourtant les anciens et vénérables bâtiments
qui prescrivent encore, aux plus récents, leur dictat
patrimonial. À leurs côtés, la production contemporaine
incessante a parfois du mal à trouver sa juste place,
oscillant entre mimétisme ou opposition. Bâtiments
publics, maisons individuelles, immeubles d’habitation
ou de bureaux subissent depuis des décennies un joug
réglementaire qui, à force de normalisation, a étouffé bon
nombre d’initiatives. Au motif de protéger les bâtiments
anciens, on se protège contre des bâtiments à venir ! Par
crainte de dérapages, on restreint diversité et richesse
architecturales, à l’exception de certains bâtiments, purs
produits du « star système », qui masquent les talents
plus discrets à l’oeuvre au quotidien. C’est accorder bien
peu de crédit aux capacités des architectes dont certains prouvent largement leur habileté à construire et à
concilier, sans tapage et remarquablement, patrimoine
ancien et expression contemporaine. Ceux qui savent
tirer parti des éléments historiques pour en faire leurs
meilleurs alliés. L’architecture d’aujourd’hui tire profit des
progrès de la recherche sur les nouveaux matériaux et
leur mise en œuvre, ainsi que des attitudes en matière
d’économie énergétique associés à la redécouverte des
ressources et des savoir-faire locaux. Voilà sans doute
comment s’exprime désormais la modernité, dans l’aptitude à produire une architecture vernaculaire* à la pointe
24
PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
du progrès en lien direct avec son site patrimonial bâti
ou naturel et les besoins de notre société. Alors, comment réaliser un bâtiment qui affirme sa modernité tout
en s’inscrivant dans l’histoire ? Les ingrédients d’une recette existent : des élus dotés d’un minimum de courage
politique, des architectes nantis d’une bonne mesure
de compétence technique et de créativité, des maîtres
d’ouvrages sensibles et ouverts, des artisans du bâtiment
impliqués et plus globalement le respect et la prise en
compte des contraintes et des souhaits de chacun. Sans
oublier l’indispensable condiment, une culture commune
et partagée. Engager les citoyens dans la production
d’un patrimoine vivant ne s’improvise pas. Comment les
conduire à accueillir avec autant d’intérêt l’architecture
d’aujourd’hui que celle du passé ? C’est à l’école que se
joue la première étape, mais il aura fallu attendre 2009
pour que l’Éducation nationale intègre enfin l’histoire des
arts de l’espace dans les programmes scolaires. Une
mission à laquelle les CAUE, aux côtés d’autres associations, participent activement pour former de futurs
adultes aptes à prendre part à la construction de leur
cadre de vie, et bâtir aujourd’hui le patrimoine de demain.
Michèle Bouis, architecte, directrice adjointe du
CAUE de l’Hérault
* L’architecture vernaculaire se définit comme la production d’une société donnée à une époque donnée, qui allie
formes, techniques, connaissance approfondie du site et
des ressources locales.
Montpellier (34), Immeuble Avenue d’Assas. L’affirmation d’une architecture de son temps
(1985), s’inscrit ici en rupture avec les immeubles fin XIXe et mise sur le contraste pour enrichir
le linéaire des façades. Architecte François Fontès. © Michèle Bouis CAUE 34
Saint-Chinian (34), reconversion d’une abbaye du XVIIe siècle en mairie et médiathèque en 2005. Architecte Atelier
Emmanuel Nebout. © Sylvaine Glaizol CAUE 34
Montpellier (34), Halles Castellanes. Pour redonner vie à ces halles de 1850, classées, on
a conservé sa structure et revisité l’habillage par des ventelles de bois inspirées des projets
d’origine. Atelier Emmanuel Nebout. © Vincent Chevet & Gérald Garbez
La Grande Motte (34), née dans les années 1960, dont l’architecture tant décriée en son temps, vient de recevoir à juste
titre le Label Patrimoine du XXe siècle. Architecte en chef : Jean Balladur. © Odile Beseme CAUE 34
Sète (34), un immeuble du XXe siècle, dont les panneaux de cuivre et le verre contrastent
avec la minéralité de la pierre des immeubles du XIXe siècle, tout en respectant leur volumétrie.
Architecte Christophe Clair. © Michèle Bouis CAUE 34
Nîmes (30), Carré d’art. Construction en 1993 d’un musée d’art contemporain et d’une médiathèque sur l’emplacement
d’un ancien théatre. Architecte Norman Foster. © Odile Beseme CAUE 34
Mon métier
Sculpteur – Restaurateur
Travail d’équipe
D
’entrée de jeu, Jean-Loup Bouvier insiste sur les qualités de l’ensemble de ses compagnons et de leur encadrement : « Un atelier n’est pas une personne physique, dit-il, mais un ensemble de
compétences, c’est une équipe soudée. Sculpteur, restaurateur,
mouleur : nos trois activités sont, de fait, très complémentaires, chacun à
sa place dans chaque réalisation. » Les Ateliers Jean-Loup Bouvier basés
aux Angles sont présents en Languedoc-Roussillon sur des lieux emblématiques : Maison Carrée de Nîmes, Cathédrale Saint-Pierre à Montpellier, le théâtre Molière à Sète, la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon…
Mais aussi dans toute la France sur des chantiers les plus prestigieux :
les cathédrales Notre-Dame de Paris, Auxerre, Reims, Notre-Dame des
Doms à Avignon, où ils ont travaillé de nombreuses années. « En statuaire
de grande taille, raconte le directeur, nous avons réalisé les allégories du
Parlement de Bretagne, les trophées du château de Versailles, autant de
moments forts pour toute notre équipe. » Parcourir les ateliers, y admirer
les trophées, les grandes statues côtoyant des œuvres décoratives des
années 1930, des bas-reliefs, des modèles de statuaires réalisés pour
le parc de Marly, permet de mieux comprendre le processus de création
© François Carrascosa - Atelier JL Bouvier
« à la manière de » pour les œuvres qui sont confiées à la société. On peut
voir aussi les modèles au tiers ou grandeur nature ; « Après réception de
ces modèles, les architectes en Chef des Monuments Historiques ou les
Inspecteurs Généraux nous permettent de réaliser grandeur nature ces
statues qui, selon les choix arrêtés, peuvent être en pierre ou en bronze.
Quelques exemples : Alexandre Dumas, Allégories de Rennes, statue de
la Justice sur le dôme des Invalides. Dans ces cas, nous faisons réaliser
les épreuves en bronze par la Fonderie de Coubertin à St Rémy-les-Chevreuse. » Dans un autre atelier, voici Eliot, 15 ans ou Alice, 20 ans, tous
deux en formation de staffeur. Ils côtoient d’anciens apprentis (10 à 40 ans
de métier dans l’atelier). Jean-Loup Bouvier met un point d’honneur à ce
qui lui paraît essentiel : la formation. Traditionnels ou High-Tech, des collaborateurs et collaboratrices de très haut niveau sont les maillons essentiels
pour la bonne marche d’une entreprise, bases indispensables pour mener
à bien les tâches confiées, publiques ou privées. Et une fois encore, dans
un grand esprit d’équipe : après cinquante-trois ans d’activité de 1960 à
2014, il y tient plus que jamais.
Comment devenir sculpteur-restaurateur ?
• École supérieure des beaux-arts Tours Angers Le Mans (TALM)
Cursus Conservation-restauration d’œuvres sculptées, cinq ans
http://tours.esba-talm.fr
• Lycée Saint-Lambert de Paris
Deux ans pour connaître les matériaux et techniques d’ornementation
www.saint-lambert.org
• INP (Institut national du patrimoine)
Formation des restaurateurs du patrimoine, cinq ans. Sept spécialités : arts du feu, arts graphiques et livre, arts textiles, mobilier, peinture,
photographie, sculpture
www.inp.fr
26
PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
Zoom I Pyrénées-Orientales
À Tautavel
le Centre Européen de Préhistoire
A
u Musée de Tautavel - Centre
Européen
de
Préhistoire,
construit autour de l’Homme de
Tautavel, on peut relire toute
l’histoire de l’humanité en Europe depuis
les premiers Européens jusqu’aux portes de
l’Histoire en prenant des exemples dans la
très proche région de Tautavel.
Tout commence pour le futur site en 1971,
à la Caune de l’Arago, avec la découverte
par les équipes du professeur Henry de
Lumley de l’Homme de Tautavel, âgé de
450 000 ans, dans la célèbre grotte. C’est le
plus vieux crâne d’humain européen connu
à ce jour. L’événement suscite la volonté de
créer un pôle scientifique et culturel. Ce pari
audacieux déclenche un développement
de la commune et lui apporte toute une
notoriété. Mais qui est donc de fabuleux
ancêtre ? Âgé de vingt ans, l’homme de
Tautavel mesurait 1m60. Cet homo erectus
présentait toutes les caractéristiques
des premiers Européens : un front fuyant,
un bourrelet au-dessus des orbites, des
pommettes saillantes et une mâchoire
avancée. Il ne maîtrisait pas encore le feu
mais se révélait être un excellent chasseur.
À Tautavel, on pense qu’il aurait choisi le
site de la Caune de l’Arago pour sa situation
privilégiée : il pouvait y dominer la vallée,
sa source d’eau et par conséquent ses
proies. Ainsi, le musée de la Préhistoire
permet d’aller à la rencontre de ces hommes
et de les replacer dans le contexte de la
Préhistoire européenne. Il est réputé pour
la richesse des collections comme pour les
activités ludiques et culturelles qui tout au
long de l’année permettent aux visiteurs de
s’approprier la vie de leurs lointains ancêtres.
pour éclairer le présent. Retenons quatre
grands moments pour le grand public :
Une rencontre avec l’astrophysicien
Hubert Reeves
À Tautavel le 26 avril, à 15h, le scientifique
donne au Palais des Congrès une conférence sur le thème : « L’Homme au sein de
l’Histoire de l’Univers et de la vie ». L’astrophysicien franco-canadien mondialement
connu va tenter de répondre aux grandes
questions que tout un chacun se pose en
reprenant en particulier les grandes découvertes d’hier et d’aujourd’hui.
Un concert sur l’Homme de Tautavel
Le 24 mai 2014, à 18h, au Musée de Tautavel, un concert promenade par Raphaëlle et
Gabrielle Rubio, guitariste et violoniste.
Un Spectacle : « Sur les Traces de
l’Homme de Tautavel »
Le 19 juillet 2014, à 21 h, Palais des Congrès
de Tautavel. Production Musique et Toile,
mise en scène de Pierre Clot.
D’avril à octobre, Tautavel célèbre les
cinquante ans de fouilles préhistoriques à
la Caune de l’Arago. Avec des conférences,
grand public et pour spécialistes, de la
musique, de la photo, on va remonter le
temps, c’est une habitude ici, mais toujours
Une conférence du Professeur
Henry de Lumley
Le 22 juillet 2014, à 15 h, sous la présidence
du prince Albert II de Monaco, à l’occasion
du 43ème anniversaire de la découverte du
crâne de l’Homme de Tautavel, Arago XXI.
Conférence du Professeur Henry de Lumley,
sur le bilan de 50 ans de recherches sur la
Caune de l’Arago.
www.450000ans.fr
PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
27
Lire, regarder & écouter
Cévennes aériennes, textes de Jean-Paul Chabrol,
photographies de Jean du
Boisberranger, Éd. Alcide, 39€.
Le photographe Jean du Boisberranger est un amoureux des
Cévennes, comme en témoigne
la photo de couverture de ce
numéro de Patrimoines en région et les nombreux ouvrages
qu’il a déjà publiés sur le sujet.
C’est aujourd’hui depuis le ciel
qu’il a voulu appréhender ces
paysages grandioses, du mont
Aigoual aux causses, en passant par les vallées, le Gardon
et le Tarn, ou encore les toits des villes et villages.
Jean du Boisberranger a ainsi survolé durant trois
ans cette zone. Son travail de photographie aérienne
met en lumière ces Cévennes vastes et ouvertes
au travers des saisons, tantôt sous la neige, tantôt
baignées de soleil.
editions-alcide.com
culture antique dans le Narbonnais. S’ouvre ensuite
le premier chapitre « Des travaux et des jours », par
Marc Pala, viticulteur à Sigean, qui trace les tâches
et le calendrier d’un professionnel de la vigne. Dans
le second chapitre, Jean-Louis Escudier, économiste, s’attaque au sujet de « La vigne au féminin ».
Plusieurs historiens et un géologue ont également
participé à la rédaction de ce Carnet.
Saint-Chinian : la mémoire des pierres, Alain
Ghisalberti, édité par l’association Richesses du
Saint-Chinianais, 15€.
L’association Richesses du
Saint-Chinianais publie un ouvrage mettant en valeur le riche
passé du village, qui restitue,
grâce à l’utilisation d’un logiciel
de 3D, des lieux aujourd’hui
disparus. Cette reconstitution
s’appuie sur une documentation
historique rigoureuse et l’on
découvre au fil des pages l’abbatiale qu’abritait au Moyen Âge le village.
Pour se procurer l’ouvrage, écrire à Association
Richesses du Saint-Chinianais, Mairie, 34360 SaintChinian.
Atlas des garrigues, regards croisés, Collectif des
garrigues, Éd. Écologistes de l’Euzière, 44€.
C’est un projet d’envergure qui a réuni plus de 100
auteurs et 80 photographes… Il voit
aujourd’hui le jour
avec la publication
de cet atlas, en
passe de devenir
une référence sur le
sujet. Cet ouvrage
entièrement consacré aux garrigues du
Languedoc, entre vallées de l’Hérault et de la Cèze,
se présente comme une synthèse permettant de
comprendre le passé et le présent de ces paysages,
à partir de dix thématiques : la géologie, l’eau, le
patrimoine naturel, le paradoxe du feu, l’occupation
des garrigues au cours de l’Histoire, les multiples
exploitations de la garrigue, le foncier, les nouveaux
usages de loisirs, les garrigues : espace privilégié
d’expression et d’échanges ?, entre ruralité et urbanité : à la recherche d’une nouvelle identité.
On notera par ailleurs la présence des cartes, photos
et illustrations qui viennent soutenir le propos.
Au-delà du livre, le site www.wikigarrigue.info assure
le rôle de recueil encyclopédique, de lieu de veille et
d’échanges.
www.euziere.org
Support pédagogique
Le temps de la vigne, Marc Pala
et Jean-Louis Escudier, photos de
Marc Médevielle, Les carnets du
parc N°14, Parc naturel régional
de la Narbonnaise en Méditerranée, 6€.
Cet ouvrage raconte l’histoire
de l’installation et de l’épanouissement de la viticulture dans
la région narbonnaise depuis
l’époque romaine. En préface, Stéphane Mauné,
Directeur de recherches au CNRS, présente la viti-
Animalle Loup
Cette malle pédagogique
comprend plusieurs outils
permettant de connaître
et comprendre le loup,
son milieu de vie et sa
cohabitation avec l’homme. La richesse du matériel
permet d’adapter l’animation à l’âge des participants
(de l’école maternelle au collège), aux questions
et aux souhaits du groupe. De nombreux supports
sont à disposition pour encourager les investigations des participants, l’autonomie et la réalisation
28
PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
Frédéric Mistral, illustre et méconnu, Gérard
Baudin, HC éditions, 24,5€.
Note de l’éditeur : Frédéric
Mistral, grand poète provençal,
auteur de Mireille, a été lauréat
du prix Nobel de Littérature
en 1904. Aujourd’hui pourtant,
Mistral semble avoir été oublié,
disparu du paysage culturel
français. Au fil des ans, si
le nom du Mistral survit, le
souvenir de son œuvre s’estompe. Les écoles ont
depuis longtemps évincé ses écrits. Pour cause :
ses poèmes et sa prose, dont toute la sève coule
de sa langue maternelle, sont exagérément rangés
sur les étagères des langues minoritaires, du folklore. L’auteur Gérard Baudin, qui fonde dès 1979
le Conservatoire documentaire et culturel Frédéric
Mistral, a rassemblé depuis plus de trente ans une
quantité inégalable de documents, lettres, photographies et autres témoignages sur la vie et l’œuvre de
Frédéric Mistral. Il publie ici la première biographie
illustrée du poète.
d’une production concrète : un CD Rom interactif
d’environ 450 pages, un puzzle, des bâches avec
des traces en taille réelle, des cartes d’Europe et de
France, des reproductions de crânes (chien, loup,
mouton), de fausses queues et oreilles de loup…
mais aussi un jeu sur la vie d’une meute de loups,
des CD audio, des illustrations et photos, une bande
dessinée et un DVD sur les chiens de protection. Il
est prévu au printemps ou dans l’été de réaliser une
formation pour les animateurs qui souhaiteraient
utiliser « Animalle loup » sur les territoires français
où l’animal est signalé.
Contact et renseignements : Association Sours,
Carme Ruset Font, http://associationsours.overblog.com
Contes pour enfants
Esprit Média éditions, agence de communication et éditeur du
magazine économique Performances, se lance dans les ouvrages
Jeunesse dédiés à l’éducation au goût. Déjà trois beaux livres
sont parus pour les 7-9 ans, avec pour objectif de transmettre un
patrimoine culturel, naturel et culinaire à travers l’univers magique
du conte. Leur point commun ? Leur auteur tout d’abord, Andrée
Avogadri. Elle travaille dans la communication mais rêvait de coucher
sur papier les rêves et les histoires qu’elle porte en elle. C’est
aujourd’hui chose faite. Le sujet des ouvrages ensuite, l’auteur a
choisi de mettre à l’honneur les produits de notre région : l’oignon
doux des Cévennes, les abricots rouges du Roussillon, l’huître
de Bouzigues. Chaque ouvrage développe un univers graphique
personnel, grâce à l’intervention d’un nouvel illustrateur à chaque
parution. C’est beau, c’est instructif, c’est à découvrir sans tarder !
Déjà parus :
Polo Cippolo ou la véritable histoire de
l’oignon doux des Cévennes, Andrée
Avogadri et Pauline Comis, Éd. Esprit
Média, 12€.
Paco et Aléna ou la véritable histoire
des abricots rouges du Roussillon,
Andrée Avogadri et Joël Cimarrón, Éd.
Esprit Média, 12€.
Marin et le secret de l’huître de
Bouzigues, Andrée Avogadri et Émilie
Ruiz, Éd. Esprit Média, 12€.
En préparation :
Audeline ou la véritable histoire du haricot de Castelnaudary,
Andrée Avogadri et Claire Degans
L’inspecteur Zarbichette ou l’énigme des fromages de
Lozère, Andrée Avogadri et Lionel Brun
http://esprit-media.leblog.overblog.com
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Vie du Carrefour des Patrimoines
Les rencontres d’acteurs
du Carrefour des Patrimoines
A
© Marie Bazille
près une première journée qui s’est déroulée le 27 février avec l’association
Languedoc-Roussillon livre et lecture et l’équipe du musée Médard, nous
vous proposons des rencontres d’acteurs en relation avec le dossier central
de ce numéro de Patrimoines en région. Prenons un peu de hauteur et retrouvonsnous sur le plateau du Larzac Méridional. Au Caylar très exactement. Ici, le C.P.I.E.
(Centre Permanent d’Initiatives à l’Environnement) des Causses Méridionaux nous
ouvre ses portes pour aborder de façon concrète le pastoralisme dans sa grande
diversité. Cette journée invite les acteurs de terrain, professionnels ou bénévoles,
animateurs, éducateurs, enseignants, guides et administrateurs associatifs à se
retrouver au CPIE qui nous présentera son histoire, ses missions et ses actions.
Dans l’après-midi, nous rencontrerons des acteurs du pastoralisme et découvrirons
ce que l’on appelle le patrimoine « caché ». Cette journée se déroulera le 14 mai 2014, la participation est gratuite. Nous espérons vous y voir
nombreux.
Inscription par mail : [email protected] ou par téléphone auprès de Patricia Malric au 04 67 93 72 07.
Architecture et urbanisme… la suite
F
aisant suite à l’article « Les carrefours giratoires, des marqueurs
urbains toujours très prisés » paru dans le N°20 de Patrimoines en
région, un lecteur nous a fait part de l’intéressante initiative qu’il mène
sur ce même sujet. Claude Mauvy a réalisé une exposition photographique
intitulée « Des ronds-points marqueurs de l’histoire et de la culture du
Languedoc-Roussillon ». Celle-ci comporte environ 80 photographies
de ronds-points. On y découvre par exemple les mineurs d’Alès dans le
Gard, la révolte des vignerons dans l’Aude, Paul Riquet et les écluses du
Canal du Midi à Béziers dans l’Hérault, la sardane symbole de solidarité
catalane dans les Pyrénées-Orientales, la maison lozérienne à Mende… Les photographies sont accompagnées d’un commentaire. L’emprunt et l’installation de l’exposition sont
gratuits, prévoir simplement le remboursement des frais de déplacement. À l’occasion de l’inauguration de l’exposition, le photographe propose de présenter de manière approfondie le « phénomène » des ronds-points, et plus particulièrement dans le contexte du Languedoc-Roussillon.
Contact : Claude Mauvy, 04 67 64 74 39 ou 06 23 38 15 65, [email protected]
Aude : rond-point de Cabezac à Bize-minervois : commémoration du
centenaire de la manifestation de vignerons marchant vers Narbonne (motif
central et rond-point dans son ensemble)
Lancement de L’Agenda
du patrimoine 2014
B
ientôt l’été et de belles escapades en perspective. Balades et visites, spectacles, fêtes traditionnelles…
cette année encore, L’Agenda du patrimoine sera votre meilleur allié pour programmer toutes vos sorties en Languedoc-Roussillon. À l’invitation de la Région Languedoc-Roussillon et de son Président
Christian Bourquin, nous nous retrouverons le samedi 7 juin à Béziers, dans le cadre de Total Festum, pour
le lancement de l’édition 2014 !
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PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
Des paysages culturels vivants façonnés par
l’homme grâce à l’activité agropastorale depuis
des millénaires, inscrits sur la Liste du Patrimoine
mondial de l’unesco...
Causses et Cévennes,
un patrimoine vivant à
découvrir
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PATRIMOINES EN RéGION / 20 / AUTOMNE 2013
[email protected] – 04 66 48 31 23 – www.causses-et-cevennes.fr
PATRIMOINES EN RéGION / 22 / PRINTEMPS 2014
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