Article N°3 - UFR Lettres, Langues et Sciences Humaines, Sport
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Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008 3 . Le jeu en groupe, un guide vers l’apprentissage. Département STAPS de Tarbes Université de Pau et des Pays de l’Adour L’Histoire du jeu en éducation est complexe et ancienne. L’humanisme de la Renaissance associe de façon novatrice le jeu et l’apprentissage. Gargantua, le héros de Rabelais, joue aux cartes pour apprendre les mathématiques ; au XVIIIème siècle Rousseau propose d’aborder les apprentissages de façon ludique, comme l’a montré Emile, son traité d’éducation. Et c’est au XIXème siècle que le jeu quitte réellement la sphère de la frivolité pour devenir sérieux. Le sérieux du jeu sera repris par les mouvements de l'Éducation nouvelle 42 , qui va utiliser l’activité spontanée ludique de l’enfant et l’amener vers un travail ayant tous les caractères du jeu. En effet, « Le jeu est l’activité normale de l’enfant, il conduit à une multiplicité d’expériences sensorielles, motrices, affectives, intellectuelles… permet l’exploration des milieux de vie, la communication dans toutes ses dimensions, verbales et non verbales. Il est le point de départ de nombreuses situations didactiques, comme le jeu en équipe, proposées par l’enseignant, c’est par le jeu que l’enfant construit ses acquisitions fondamentales 43 ». Précisons tout de suite ce que nous entendrons par « jeu » en nous référant aux travaux de Roger Caillois 44 qui distingue quatre sortes de jeux suivant qu'ils sont dominés par la compétition (agôn), le hasard (alea), le simulacre ou le «faire-semblant» (mimicry) et la recherche d'un certain vertige (ilinx). Il semblerait, à la lecture de différentes littératures que chacun de ces jeux, et plus particulièrement le simulacre, l’agôn et l’ilinx peuvent avoir des valeurs éducatives et ainsi être utilisés à l’école. Rappelons que l’activité de l’enfant se déroule dans le cadre du groupe classe. De ce fait, que procure le jeu en groupe chez l’enfant ? Les facultés cognitives ne sont-elles pas plus faciles à développer grâce aux jeux en groupe ? Pour comprendre cela, il nous faudra faire appel à la psychologie cognitive qui étudie les grandes fonctions psychologiques de l’être humain que sont la mémoire, le langage, l’intelligence, le raisonnement, la résolution de problèmes, la perception ou l’attention et nous intéresser à ce qui se passe dans la tête de l’élève. Le groupe n’a-t-il pas des vertus éducatives à lui tout seul ? Dans ce contexte de groupe, quels sont les types de jeu les plus propices à l’éducation, l’apprentissage de l’enfant ? 42 Neill A.S. Libres enfants de Summerhill, 1914 - Cousinet Revue L’éducateur moderne. 1906 - Freinet Comment susciter le plaisir d’apprendre. 1936 43 BO du 14 Février 2002 44 Roger Caillois Les jeux et les hommes : le masque et le vertige. 1958 Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008 Parce que les différents types de jeu d’équipe sollicitent l’imaginaire de l’élève, ils vont l’aider sur le chemin de l’apprentissage en lui insufflant la motivation nécessaire et ainsi lui permettre d’acquérir de nouvelles compétences motrices ; la part accordée à ces trois notions, imaginaire, motivation et développement moteur variant selon la nature du jeu. Lors de cette étude, nous nous intéresserons aux élèves de l’école primaire. Dans une première partie nous nous interrogerons sur les avantages que peuvent présenter les jeux de rôle et d’expression corporelle, jeux où la dominante porte sur l’imaginaire. Ensuite, nous étudierons les jeux plus compétitifs, dits d’agôn, qui auront comme dominante la motivation. Enfin, nous nous pencherons sur les jeux de vertige, alliant à la fois l’imaginaire et la motivation. Le Simulacre est sans doute l'un des aspects les plus anciens du jeu. Jean Piaget a démontré le poids du jeu symbolique 45 dans le développement de l’enfant. Souvent le jeu est une continuation fictive de ce qui est dans la vraie vie. Mais la faculté à s'imprégner dans le « comme si j’étais... » du jeu coïncide avec la conscience de l’irréel et du réel : pour que le jeu soit, il faut qu'il existe une différence entre réalité et fiction. Il y a ambivalence entre le joueur et le rôle qu'il incarne : il se sert de facettes ou d’expériences de sa propre personne mais reste conscient et critique de ce que le rôle lui fait vivre. Parmi les jeux de simulacre nous pouvons analyser l'expression corporelle, le théâtre et les jeux de rôle présents dans l’univers scolaire. Dans un premier temps, nous traiterons de l’expression corporelle et nous nous appuierons sur la définition de Maria Pia Pineau : L'expression corporelle se définit comme étant un enchaînement de productions physiques spontanées du corps dans le temps et dans l’espace réclamant une utilisation optimale de l’énergie et possédant une valeur propre et esthétique dans un but d’expression, d’évocation et/ ou de communication. 46 Ainsi, nous conviendrons que l’élève doit avant tout « travailler sur lui-même », savoir utiliser les innombrables capacités de son corps, pour petit à petit pouvoir jouer avec un, deux ou plusieurs partenaires. Mais ceci n’est pas une règle absolue, car un élève, « noyé » dans un groupe pourra faire des progrès grâce à la dynamique créée, surtout s’il s’entraîne avec des partenaires ayant déjà une certaine habitude. Par exemple, dans le jeu « La construction d'une machine », par groupe de cinq ou six, les participants construiront soit une machine de guerre (deux machines pouvant alors entrer en conflit), soit une machine classique, fonctionnelle (pelleteuse, moissonneuse...), soit une machine ne servant à rien. La difficulté est ici de donner du mouvement à la machine, chacun des participants devant parfaitement s'accorder avec les autres. Ainsi, chaque participant bouge en fonction de l'autre formant alors une cohésion. De plus, tous les exercices proposés exigent de la part des participants une grande sincérité. Cette authenticité n’est cependant pas toujours possible à cause d’une sorte de masque, de carapace qui se forme face aux contraintes, aux exigences de la vie sociale ; au cours des séances, il arrive souvent qu’une situation, a priori banale devienne conflictuelle, mettant mal à l’aise un ou plusieurs participants. En effet, dans la vie de tous les jours, chacun de nos actes est contrôlé, dirigé par les normes sociales de façon plus ou moins consciente. Il est à noter que ces normes sociales sont exigées par les programmes : « Il s’agit de mettre en place un véritable parcours civique de l’élève, constitué de valeurs, de savoirs, de pratiques et de comportements dont le but est de favoriser une participation efficace et constructive à la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa liberté en pleine conscience des droits d’autrui, de 45 Le développement de l’imaginaire selon Piaget et Vugotsky : d’un acte spontané à une activité consciente. Andrée Archambault et Michèle Venet. Revue des sciences de l’éducation, volume 33, n°1, 2007 5-24 46 Pia Pineau Maria in mémoire de DEA en philosophie de la culture Paris, Sorbonne, 1982 Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008 refuser la violence » 47 . Il sera difficile pour des enfants à qui nous aurons appris à respecter certains codes de les transgresser. Par exemple, dans le jeu du « Toucher inconnu », par groupe de trois ou quatre, un des membres du groupe touchera les trois autres dans leur dos avec l'une des parties son corps (nuque, coude, main, orteils, genoux..). Les trois autres devront deviner quelle est la partie du corps qui les a touchés. Cet exercice affine la sensibilité corporelle et demande une très grande attention, une écoute très fine. Cependant, ce jeu peut mettre mal à l'aise des enfants qui n'oseraient pas toucher leurs camarades car leur éducation leur à imposé d'être un minimum tactile avec les gens qui les entoure, ce que les textes appellent « le rapport au monde ». C’est en ce sens que la notion de jeu est importante afin de prendre beaucoup de recul, de distance par rapport à la situation, qui, sinon, risquerait de devenir trop angoissante et pourrait entraîner le groupe vers le psychodrame ou la thérapie. Selon Jacques Choque 48 , « c’est une possibilité de travail extrêmement riche, intéressante, enrichissante, bien que la frontière entre ces différentes techniques soit très mince ». En effet, selon cet auteur, « l’expression corporelle cherche surtout à développer et à faire vivre des rapports vrais entre les participants grâce à toutes les formes de communication possible ». Ainsi, nous pouvons mettre en relation l'expression corporelle avec le Socle Commun qui dit : « Il faut que l'élève se montre capable de concevoir, de mettre en oeuvre et de réaliser des projets individuels ou collectifs dans les domaines artistiques, sportifs, patrimoniaux ou socioéconomiques ». De plus, l'expression corporelle répond bien au premier pilier du Socle Commun qui impose à chaque élève à la fin de sa scolarité de « maîtriser la langue française » puisque grâce a cette activité, les élèves vont pouvoir développer un vocabulaire, ce que Jacques Choque appelle « Le vocabulaire de l'Expression Corporelle ». Ainsi, les jeux de simulacre, à travers l’expression corporelle à l’école élémentaire ont pour principaux objectifs de vaincre les inhibitions des enfants plutôt timides et de canaliser l’énergie des enfants plutôt extravertis. Elle permet de découvrir son corps pour s’exprimer grâce à lui, découvrir un autre code que les mots pour faire passer des sentiments et de communiquer avec les autres, partager des idées, des émotions. Elle vise également le développement de la motricité (utilisation du corps et de l’espace), la mobilisation de l’imaginaire (domaine cognitif) et à faire intervenir tout ce qui est du domaine affectif avec la prise en compte de la présence et du regard de l’autre (entrer en contact avec autrui). Donc, à travers les jeux de mimicry et notamment grâce à l’expression corporelle, le but est de faire découvrir aux enfants leurs propres moyens d’expression en les plaçant dans des situations un peu inhabituelles. Poursuivons notre analyse des activités ludiques dans le secteur scolaire et plus particulièrement cette fois les jeux de simulacre, que nous pouvons retrouver dans les activités théâtrales, répondant aux attentes du Socle Commun. En effet, « l’envie de prendre des initiatives, d’anticiper, d’être indépendant et inventif dans la vie privée, dans la vie publique et plus tard au travail, constitue une attitude essentielle […] » se retrouve dans la création d’une pièce de théâtre, dans laquelle l’élève doit construire le décor, les costumes, ce qui nécessite une prise d’initiative, une volonté d’imaginer pour créer. A travers le théâtre, les élèves vont développer leurs capacités expressives, corporelles, relationnelles, verbales, sensibles et imaginatives au sein d'un groupe. Ils sont amenés à explorer et découvrir quelques règles et conventions du jeu théâtral : la scène, les personnages, le jeu pour le public... Enfin, chaque fois que possible, la relation au spectacle vivant sera développée ainsi qu'une approche de réflexion critique. 47 48 Le Socle Commun de connaissances et de compétences. Décret du 11 Juillet 2006 Choque J. L’expression corporelle. 2005 Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008 De plus, le Socle Commun nous dit que « chaque élève doit être capable de communiquer et de travailler en équipe, ce qui suppose savoir écouter, faire valoir son point de vue, négocier, rechercher un consensus, accomplir sa tâche selon les règles établies en groupe ». L’activité théâtrale impose ces compétences dans le sens où l’élève doit travailler en collaboration avec ses partenaires pour aboutir à la conception de leur projet qu’est la mise en scène de la pièce. Pour réussir cela, il leur faudra s’écouter, se critiquer de manière constructive et créer des règles à respecter au sein de leur groupe de travail. Les élèves entreront en conflit sociocognitif 49 , ils partageront leurs idées, leurs conceptions, pour arriver à un but commun. Si le théâtre et l’expression corporelle ont pour but de créer de nouvelles choses, d’obliger l’élève à inventer ses propres situations, les jeux de rôles vont quant à eux guider l’élève dans son imaginaire, le faisant prendre part à des situations bien précises en se substituant par exemple aux rôles de personnes adultes (arbitre, leader…). Le jeu de rôle parfois appelé « jeu de rôle sur table » est un jeu de société dans lequel plusieurs participants créent et vivent ensemble une histoire par le biais de dialogues, chacun incarnant un personnage. C’est « un medium qui permet à une personne de s’immerger dans un rôle et dans l’univers qui lui est afférent. Ce faisant, il peut entrer en interaction avec le contenus de ce monde et ses participants » 50 . Ils se distinguent des autres jeux de société car il n’y a généralement ni gagnant ni perdant. Ils sont une forme interactive de contes, basés sur des relations sociales et collaboratives plutôt que sur la compétition. Le but sera de favoriser la motivation des élèves et de servir de leviers d’apprentissage car c’est l’élève lui-même qui se transforme dans son rapport avec le monde, soit en se créant un autre personnage soit en provoquant un certain trouble intérieur. Le jeu de rôle permet le jeu en groupe : il requiert un investissement important de la part de chacun des participants sous peine de détériorer le climat au sein du groupe. En effet, ce jeu rassemble un maître de jeu et plusieurs joueurs autour d’une même table. Une partie de jeu de rôle est une interaction entre les participants. Il s’agit de la construction collective d’une histoire imaginaire qui se déroule et prend forme au fur et à mesure de l’avancement de la partie. Si les enfants jouent spontanément à la maîtresse d'école, aux cow-boys et aux indiens nous pouvons constater que les jeux de rôles à l'école soutiennent leur développement. Ils leur permettent de se détacher de leur personnalité, ainsi les enfants vont pouvoir oser plus. Par exemple, un enfant dont le rôle est d'être un Roi ou un chef de bande va devoir devenir autoritaire, être un leader et se faire respecter. Un enfant timide, introverti pourra grâce au jeu devenir quelqu'un d'autre et prendre confiance en lui. De plus, apprendre à faire semblant, imiter pour de faux aide l'enfant à prendre du recul, c'est pourquoi c'est plus facile pour lui de devenir quelqu'un d'autre. Par le jeu de rôle, l'enfant fait l'apprentissage de l'écoute, de l'expression orale qui aide à la socialisation. Cette volonté de socialisation se retrouve dans le Socle Commun par la recherche d’attitudes visant « le respect de soi ; le respect des autres (civilité, tolérance, refus des préjugés et des stéréotypes) ; le respect de l’autre sexe ; la conscience que nul ne peut exister sans autrui ». En effet, un enfant ne peut pas jouer seul, il doit respecter les camarades, les règles 51 s'il ne veut pas être exclu du jeu. De plus, passer d'un rôle à l'autre, par exemple d’arbitre à joueur développe chez l'enfant ses capacités d'empathie à l'égard des autres. Ainsi à travers les jeux de rôles et l’expression corporelle l’élève parvient véritablement à s’exprimer et nous pouvons, en l’observant, avoir des indices sur ce qui se passe dans son esprit ; le jeu est son langage secret qui nous dévoile une part de ses émotions, de ses difficultés et de ses préoccupations. 49 Doise W & Mugny G. Le développement mental de l’intelligence. 1981 50 Henriksen 2004 51 Méard J.-A et Bertone S. L’élève qui ne veut pas apprendre en EPS. 1996 Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008 Si les jeux de rôle permettent l’apprentissage en mettant l’accent sur l’imaginaire des élèves, les jeux d’Agôn vont, grâce à la compétition, favoriser la motivation et ainsi permettre l’investissement de chaque élève pour aboutir à des « révolutions motrices » 52 . Mais pour favoriser la motivation de l’élève, il faut que celui-ci prenne confiance en lui, un manque de confiance au moment de la réalisation de la tâche l’empêcherait alors de réaliser une bonne performance ou de franchir un obstacle. Pour cela, il va faire un calcul d’engagement 53 , c’està-dire qu’il se pose la question de savoir si oui ou non la situation devant laquelle il est placé vaut le coup d’être exécutée. La confiance en soi est un déterminant évoqué le plus souvent dans la performance, dans les jeux de compétition. Elle fait partie du concept de soi 54 , qui fait référence aux représentations que l’individu a de lui-même (par exemple, est-ce que je m’apprécie en tant qu’individu ?) et de l’estime de soi qui correspond à de l’amour propre. Chez l’enfant, le concept de soi est peu diversifié et lié au concret, aux situations vécues, aux rapports avec les pairs. C’est ainsi que placer les élèves en équipes dans des jeux favorisant la compétition peut aider à développer ce concept de soi, de confiance en soi 55 . Cet esprit de compétition qui sera créé par l’affrontement permettra le franchissement de certains obstacles, le dépassement de soi au sein même du groupe. Prenons l’exemple de la gymnastique qui peut être utilisée sous forme de petits jeux par l’enseignant. Par exemple, il peut demander à ses élèves d’exécuter quatre roulades sur la poutre. Pour solliciter l’engagement de tous, il va attribuer des points au groupe qui réussira le plus rapidement à exécuter ces quatre roulades. Cette situation permettra l’engagement des élèves qui tenteront de franchir l’obstacle qu’est la poutre et de surpasser leur peur vis-à-vis de celle-ci et ainsi d’augmenter leur confiance en soi. Nous pourrions également prendre l’exemple de la natation. En effet, il est fréquent qu’un certain nombre d’élèves ait peur de plonger. Néanmoins, nous nous apercevons que lorsque l’enseignant organise l’activité sous forme de jeux, comme par exemple une course de relais en départ plongé, les élèves effrayés par le plongeon tenteront quand même de l’exécuter afin de ne pas pénaliser leur équipe. Par l’utilisation de ce jeu, l’élève va améliorer l’estime qu’il a de lui-même car il éprouvera un sentiment de fierté, de satisfaction, au regard de ce qu’il aura pu accomplir pour les autres élèves du groupe, mais surtout pour lui-même. Nous pourrions nous appuyer sur le modèle de Fox et Corbin 56 sur le concept de soi physique qui montre que l’estime de soi globale est influencée par la valeur de soi physique, elle-même influencée par quatre caractéristiques physiques : la compétence physique, c’est-àdire l’évaluation de son aptitude sportive et de sa capacité à apprendre de nouvelles techniques ; l’apparence corporelle, qui est l’évaluation de son attrait physique ; la force physique, qui est l’évaluation de sa force musculaire et la condition physique, c’est-à-dire la perception de sa capacité à maintenir un effort. Les jeux d’agôn seraient donc un moyen de modifier la façon dont l’élève s’investit, le comportement de celui-ci par rapport à l’obstacle à franchir. Nous pourrions nous servir de tels jeux afin de permettre aux élèves d’acquérir des compétences demandées dans les programmes 57 . Ainsi, lorsqu’en jeu de raquette il est demandé à l’élève de réussir à effectuer quelques échanges, mettre les enfants en situation de compétition dans laquelle chaque doublette devrait compter le nombre d’échanges effectués, serait un moyen de les amener à améliorer leur compétence en leur apprenant à travailler ensemble dans un but commun : celui 52 Marsenach J. & Amade-Escot C. Les recherches en didactiques de l’EPS. 1995 53 Famose JP. La motivation en éducation physique et en sport. 2001 54 Shavelson, Hubner & Stanton (1976) 55 R.S Weinberg et D. Gould. La psychologie du sport et de l’activité physique. 1995 56 Fox K.R et Corbin C.B. The physical self-perception profile: development and preliminary validation. 1989 57 BO hors série du 19 Juin 2008 ; Socle Commun de connaissances et de compétences, décret du 11 Juillet 2006 Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008 d’être le plus performant. De la même façon, la compétition pourrait répondre aux attentes du socle commun : le développement de la « conscience de la nécessité de s’impliquer, de rechercher des occasions d’apprendre » car pour gagner, l’élève va comprendre que sa technique ne lui suffit plus, il va de lui-même se mettre en projet afin d’augmenter une fois de plus ses performances et d’acquérir de nouvelles conduites motrices. Enfin, à la suite des jeux de simulacre et d’agôn, nous pouvons envisager les jeux d’ilinx, de vertige, comme une nouvelle source d’apprentissage pour les élèves. Jouer sur l’affectif, qui lors de la pratique de certaines activités pourrait être un frein aux apprentissages, se révèlerait ici un moyen efficace pour l’enfant afin de passer outre ses appréhensions. Ainsi, jouer sur la motivation intrinsèque 58 de l’élève, c’est-à-dire par le plaisir que procure l’activité et sa réussite l’amènerait au franchissement de l’obstacle, qui au départ pouvait quelque peu l’intimider, et à revoir son calcul d’engagement de manière à, grâce au jeu, oublier sa peur pour ne se consacrer qu’à la réussite de la tâche. Les jeux d’ilinx, en plus d’influer sur la motivation, peuvent également être un moyen de jouer sur l’imaginaire. Prenons l’exemple de l’escalade, pour qu’un enfant accepte de monter jusqu’en haut du mur, l’enseignant peut demander à ce dernier d’aller chercher un objet caché sur une des prises. Ainsi il va délaisser la peur de grimper, il va être obnubilé par sa tâche, éprouvant une sensation de plénitude, le plaisir d’avoir réussi dépassant de loin le vertige. Dans le Socle Commun, il est demandé de développer l’esprit d’initiative de l’enfant, ce qui pourrait se faire par l’activité gymnique sous forme de jeux. Cette activité peut entrainer des réels blocages émotionnels : « la poutre est beaucoup trop haute » ou « j’ai peur de mettre la tête en bas » (pour réaliser un appui tendu renversé). L’enseignant, peut grâce au jeu, demander à chaque enfant de se créer un atelier qui lui permettrait de se sentir en sécurité pour parvenir à réaliser correctement son enchainement, qui au départ l’inquiétait. Tout comme les autres jeux vus précédemment, les jeux d'Ilinx seront également intéressants pour permettre aux élèves d'essayer de comprendre ce qu'ils ressentent. Les faire « verbaliser 59 », c'est à dire leur faire exprimer à un autre élève ou même au professeur les raisons de leur réussite ou de leur échec, de leurs appréhensions... peut permettre à l'élève de progresser dans un jeu d'Ilinx. En escalade par exemple, exprimer les raisons de sa peur vont permettre à l'élève de se rendre compte que l'activité ne comporte pas de risques majeurs : « j'ai l'impression de ne pas être retenu ». À ce qu'énonce l'élève, l'enseignant pourra alors répondre en lui expliquant la façon dont fonctionne le matériel (frein, corde, harnais,...). Ce serait également pour l'enseignant l'occasion de proposer quelques jeux sur la confiance envers son partenaire : grimper de quelques mètres et se laisser tomber, le pareur nous retenant. Le fait que l'élève ait expliqué ce qui le gène pour franchir l'obstacle permet de mettre en lumière les processus mentaux qu'il effectue et ainsi d'accéder à ce qui se passe dans la tête de l'enfant, l'observation seule ne pouvant parfois suffire à savoir ce qui bloque un élève. Les jeux de vertige vont être un moyen de faire progresser l'élève en le confrontant à des situations parfois difficiles émotionnellement, le professeur servant alors de « garde fou » soutenant l'enfant dans certaines situations posant problème. Lors de cette étude nous nous sommes attachés à montrer que le jeu en groupe chez des élèves de primaire développe l’imaginaire grâce aux rôles socio-participatifs. 58 Vallerand et Grouzet. Théorie de la motivation et des pratiques sportives. 2001 59 Delignières D. Apprentissage moteur et verbalisation. 1992 Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008 De plus, le jeu en groupe est source de motivation permettant à l’élève de se rendre actif. Celle-ci crée des conditions favorables à l'apprentissage en ayant un impact positif sur les apprentissages cognitifs, affectifs et psychomoteurs. Ainsi, le jeu motive l'apprenant en structurant et consolidant ses connaissances. Enfin, c’est à travers l’imaginaire et la motivation qu’induit le jeu en groupe que l’enfant va s’investir et développer des compétences jusqu’alors inexploitées. Nous pouvons alors affirmer que l’apprentissage peut être guidé par le jeu car il déclenche des processus mentaux tels que l’imaginaire et la motivation qui aident l’élève à progresser en vue d’acquérir de nouvelles compétences motrices. Nous pouvons néanmoins nous demander si les objectifs pédagogiques auxquels les jeux doivent répondre, c’est-à-dire ouvrir des espaces d’expression et d’argumentation, des espaces de construction d’une identité et des espaces de dialogue autour des questions de société, sont adaptés aux élèves auxquels ils sont proposés. L’efficacité et la pertinence de l’apprentissage par le jeu en groupe dépendent de la manière dont le jeu est introduit et mis en œuvre dans la classe, et, surtout, du choix des jeux proposés. Il est nécessaire pour l’enseignant de s’informer, de se former pour sélectionner les jeux qui répondront aux objectifs pédagogiques et qui selon lui répondront le mieux au public avec lequel il souhaite intervenir.