Le Bulletin - District 2452
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Le Bulletin Volume 84 N°38 Année Rotarienne 2014 – 2015 Réunion du Lundi 8 Avril 2015 Président du R.I. : Gary C.K. Huang Gouverneur du District : Khalil Alsharif Déléguée du Gouverneur : May Monla Chmaytelly Assistante du Gouverneur : Mona Kanaan Président du RC Beyrouth: Antoine Hafez Secrétaire du RC Beyrouth : Roger Ashi Devise du Président du RI et du Club pour l’année 2014-2015 « Faire rayonner le Rotary » Le Protocole Ont assisté à la réunion : 15 Rotariens du Club ARAB Robert ASHI Roger BIKHAZI Rima BIZRI Zouheir CHERFAN Aida DAOU Aida DEBAHY Pierre (PE) EL SOLH A. Salam (PP) HAFEZ Antoine (P) JABRE Raymond KALDANY Savia (PP) KETTANEH Henry (PP) MENASSA Camille (PP) MEOUCHY Rita SAWAYA Assaad (PP) L’invité M. Amine Iskandar, notre conférencier, invité du Club. Annonces du Secrétaire Les messages d’excuses : En voyage : PP Aziz Bassoul, PP Halim Fayad, PP Malek Mahmassani, Toufic Aris, André Boulos, Empêchement : PP Nicolas Chouéri, PP Mustapha El Hindi, PP Maurice Saydé, Joëlle Cattan, Nabil Abboud, Mansour Bteish, Gabriel Metni. Prochains évènements du Club Lundi 20 avril à 13h30 – Conférence de Mme Nada Boulos Al Assaad sur « Un Musée en Devenir ». Le Courrier (détails envoyés par email à tous les membres) • Mardi 14 avril – Le RC Beirut Center organise un fundraising « Marathon Day of Fun » à l’hôtel Le Bristol de 10h30 à 17h ; • Mercredi 15 avril 2015 à 19h30 – Le RC Tripoli Cosmopolis en collaboration avec l’AUB nous invite à leur concert fundraising à l’Assembly Hall de l’AUB, au profit des élèves de l’école publique de Tripoli et des malades de l’AUBMC - billets disponibles au Secrétariat ; • Samedi 9 mai 2015 de 11h à 17h – Journée au village Arnaoon – Batroun, organisée par le Comité « The Country Public Image / Public Relations » - Billets disponibles au Secrétariat ; • La lettre du Gouverneur d’avril 2015 ; • Le calendrier des évènements rotariens mis à jour par la DDG May Monla Chmaytelly ; • L’assiduité du Club de janvier/février/mars 2015 est affichée au tableau. Anniversaires d'Avril Jour de Naissance André Boulos Rita Méouchy PE Pierre Debahy PP Henry Kettaneh Année d'Admission au RCB 2 5 15 24 PP Mohamad Fawaz PP Nicolas Chouéri PP Camille Ménassa PP Pierre Kanaan 1968 1985 1985 1985 Anniversaires d'Avril (Suite) Jour de Naissance Ahmad Tabbarah Georges Nasr PP Halim Fayad Année d'Admission au RCB 25 26 27 PP Assaad Sawaya PP Maurice Saydé PP Abdel Salam El Solh PP Savia Kaldany Toufic Aris Walid Dabbagh Zouheir Bizri 1985 1992 1995 2001 2007 2009 2011 Compte-Rendu de la Réunion Statutaire À l’occasion de la fête de Pâques, lundi 6 avril, notre réunion statutaire a été reportée au mercredi 8 avril. Comme l’a tout de suite constaté le P Antoine Hafez, les rotariens n’étaient pas nombreux à y assister. Après avoir souhaité une bonne fête de Pâques à celles et ceux qui célèbrent la Pâque orthodoxe le 12 avril, le P Antoine a tenu à souligner, que lors de la réunion statutaire précédente, consacrée d’ailleurs à la deuxième conférence du District, il avait omis d’annoncer que notre PE Pierre Debahy, ainsi que son épouse Zeina, avaient gagné chacun un PHF. En effet à l’occasion de la prochaine conférence du District, qui aura lieu en Jordanie l’année prochaine, et pour solliciter les rotariens à s’engager, nos amis jordaniens ont effectué un tirage au sort sur les inscriptions anticipées… Le PE Pierre a été vivement applaudi par tous les présents. Le P A. Hafez a ensuite cédé la parole à notre Secrétaire Roger Ashi qui a annoncé les messages d’excuses, les prochains évènements du club ainsi que le courrier reçu. Après le repas Aïda Daou, Chef du Protocole, a présenté notre conférencier, M. Amine Iskandar, en ces mots : « Le sujet de la conférence d’aujourd’hui est l’architecture libanaise inspirée de l’art syriaque. La langue syriaque était la langue de la montagne avant la conquête arabe. Je vais donc introduire M. Amine Iskandar, architecte DPLG : 2007, diplômé de l’Ecole d’Architecture et d’Urbanisme de Versailles en France DEA en art sacré de l’USEK Enseignant à l’USEK, ALBA, NDU et l’UL Nombreuses publications : notamment dans l’Orient-Express (supplément de l’OLJ), ainsi que dans la revue Byzance. Il a publié trois livres dont ‘Temples en blanc’. Le bureau de M. Iskandar a signé d’autre part de nombreux travaux d’architecture. La question qui se pose : « Où l’architecture libanaise a-t-elle puisé ses racines ? » À vous la parole M. Iskandar ! » Après avoir remercié le RCB de son accueil, M. Iskandar a longuement parlé de la Trifora - triple baie, motif très répandu dans l’architecture libanaise - à travers l’histoire : son sens, ses origines. Images à l’appui, M. Iskandar a souligné également l’importance du motif de la fleur de lys dans de nombreuses architectures libanaises. (Exposé en annexe) Le sujet est très vaste ; et le temps pressait. Le P A. Hafez a remercié M. A. Iskandar pour sa présentation et lui a remis un souvenir ainsi que le livre historique sur le RCB et la ville de Beyrouth. Avant de lever la séance, comme de coutume en cette première réunion du mois, le P A. Hafez a invité tous les présents à célébrer les anniversaires des rotarien(ne)s nés ou admis au RCB au mois d’avril ; et ils étaient bien nombreux ! La séance a été levée à 15 heures. *********************************************************** Annexe – Conférence de l’Architecte Amine Jules Iskandar LA TRIFORA LIBANAISE LA TRIFORA La trifora, ou triple baie, demeure probablement le motif le plus largement répandu dans l’architecture libanaise. Elle ornait déjà les monuments chrétiens de Phénicie à l’époque byzantine, mais elle avait disparu depuis le début du Moyen Âge. Lorsqu’au XVII° siècle Facardin II embaucha à son service les architectes italiens, on ne vit nullement apparaître au Liban les ordres classiques de la Renaissance italienne. L’architecture libanaise n’importa nullement le produit fini de la Renaissance mais préféra puiser à sa source, l’esprit qui l’avait engendrée. Ce sont l’humanisme et les sciences positives qui intéressèrent Facadin II et l’Église libanaise, non l’image des ordres doriques ou corinthiens. Les savants du Collège Maronite de Rome ne procédèrent pas au copiage des façades européennes mais partirent à la recherche de leur propre histoire, de leurs motifs artistiques, de leur signification et de leur sens profond. Ils composèrent des ouvrages d’étude sur le Codex Rabulensis, non sur les palais de Rome ou de Florence. Ils ramenèrent à la lumière de leur temps, des motifs disparus depuis des siècles du paysage libanais. C’est ainsi qu’on vit réapparaître à partir du XVIII° siècle, les fines colonnes surmontées d’arcades semblables aux Tables de Concordance du Codex Rabulensis et aux fresques médiévales de Saint-Théodore de Béhdidet dans la montagne de Byblos. Qu’est ce qui permit la résurrection de la triple baie dans l’architecture libanaise dès le XVIII° siècle ? Avant que d’aborder cette question, ou celle de l’architecture libanaise en général, il conviendrait d’abord de remémorer trois périodes de l’histoire du Liban. 1. La première de ces périodes consiste en ce Haut Moyen Âge qui vit les grandes vagues d’émigrations vers la Phénicie. Plusieurs villages syriaques venus du reste du Croissant Fertile s’y établirent et y fondèrent un grand nombre de monastères et d’églises. Les communautés monastiques arrivées dans les montagnes de Phénicie étaient chargées de trésors artistiques tels que le Codex Rabulensis, un évangéliaire de l’an 586, et tels que la peinture iconographique de Notre-Dame - dite d’Ilige - remontant au IX°-X° siècle. La langue de ces émigrants, étant le syriaque comme celle des Phéniciens de l’époque, ils purent se mélanger et édifier ensemble les complexes monastiques qui allaient servir d’écoles et de musées vivants où étaient conservés les manuscrits à miniatures et où était perpétuée la tradition du chant syriaque. 2. La seconde période est celle des États latins du Levant. Ce fut une grande ère d’échanges entres Arméniens, Syriaques et Francs. Le patriarcat syriaque-maronite fut alors transféré à Ilige dans le pays de Byblos auprès des seigneurs croisés. On y déposa le Codex Rabulensis ainsi qu’une multitude d’autres ouvrages et d’objets d’art. Mais d’autre part, on ne se contenta plus de préserver les trésors du Haut Moyen Âge et l’on assista à la construction de plusieurs églises toutes couvertes de fresques syriaques. Ce fut le cas de Saint-Théodore de Béhdidét, de Saint-Cerbelus de Maad et de Saint-Sabas de Éddé. La Deisis de Saint-Théodore ainsi que la Dormition de Saint-Cerbelus représentent aujourd’hui deux des plus beaux témoignages de la peinture syriaque médiévale1. 3. La troisième période est celle des princes des Druzes. Elle se répartit entre trois dynasties : les Maan (1506-1697), les Chéhab (1697-1841) et les Bellama (1841-1860). C’est la première de ces dynasties qui profita du retrait des Mamelouks face aux Turcs ottomans et qui usa d’une politique judicieuse, afin de se forger une autonomie politique dans la montagne libanaise. Facardin II le Grand (1590-1635) exploita alors les relations de l’Église syriaquemaronite avec l’Italie et la France afin de consolider l’indépendance de sa principauté. Son règne coïncida avec les premières années du Collège Maronite de Rome fondé en 1584. Les meilleurs conseillés et ambassadeurs de ce prince furent les savants maronites issus alors de ce collège2. Les Druzes invitèrent ainsi les Chrétiens à fonder de nouveaux villages dans la partie Sud du Liban où la rencontre entre les civilisations druzo-arabe et syriaque fut très féconde. Les derniers princes des deuxième et troisième dynasties (descendants des Maan) se convertirent au christianisme renforçant l’échange entre les deux cultures. De cette osmose allait naître l’architecture libanaise telle que nous la connaissons aujourd’hui. Durant cette période, il est vrai que Facardin II ramena de Toscane où il s’était pour un temps réfugié, des artistes et des architectes italiens pour l’embellissement de Beyrouth (sa ville de loisirs) et de Sidon3 (son port et sa capitale). Leur influence sur l’architecture libanaise fut indéniable et elle vint prolonger l’influence vénitienne qui avait déjà réussi à se perpétuer durant la période mamelouke. Mais la véritable Renaissance de l’époque fut celle entreprise par les savants du Collège Maronite de Rome encouragés par Facardin II et par ses successeurs4. Parmi ces nombreux savants tels que Sionita, Hesronita, Ecchelensis, Risius, Accurensis, Carmeniensis et Sciadrensis, nous nous intéresseront plus particulièrement à Estéphanos Douayhi (dit Aldoensis) (1630-1704) et à Joseph Simon Assemani (dit Le Grand Assemanus) (1687-1768). Le premier fut à la fois patriarche des Maronites et savant5. Il effectua les plus anciennes recherches sérieuses sur l’histoire des Syriaques-maronites, sur leur architecture et leur art sacré ainsi que sur leur musique liturgique. Le second fut responsable de la bibliothèque orientale du Vatican qu’il enrichit considérablement après plusieurs missions en Orient pour le compte du pape Clément XI6. Il composa le catalogue de cette bibliothèque et effectua des études approfondies sur de précieux manuscrits dont notamment le Codex Rabulensis. Son poste lui permit d’enrichir les études d’Estéphanos Douayhi en y rajoutant les détails stylistiques et historiques concernant des œuvres particulières du patrimoine syriaque-maronite. Ces savants ramenèrent ainsi à la lumière du jour, le motif de la triple baie si longtemps égaré dans les méandres de l’histoire. Avec la prospérité économique et la sécurité connues sous Facardin II, ce motif s’éleva à nouveau dans la pierre de l’architecture. LE SENS DE LA TRIPLE BAIE Afin de saisir le sens de la triple baie dans la tradition libanaise, il conviendrait de se référer à trois sources syriaques : Les écrits du patriarche Éstephanos Douayhi, l’hymne de la cathédrale SainteSophie d’Édesse, et les dessins du Codex Rabulensis. Considérons d’abord le texte du patriarche ; en citant Saint Jean, il écrit dans son Candélabre des Saints Mystères : Il a dit que de chaque côté les portes étaient au nombre de trois parce que les personnes de la Sainte Trinité sont trois et qu'en leur nom nous avons reçu l'ordre de baptiser ceux qui l'aiment et croient en lui7. Ces propos nous laissent comprendre qu’il existe une symbolique et un sens donnés à ces triples baies qui ornent les maisons dites libanaises. Mais on a souvent laissé entendre que ces significations ou explications assez forcées n’étaient que des interprétations plus ou moins tardives. Considérons alors une autre source, plus ancienne celle-là, puisqu’elle remonte au VI° siècle. Il s’agit de l’hymne syriaque de Sainte-Sophie d’Édesse contemporaine de Sainte-Sophie de Constantinople (532-537 DC). Son intérêt est d’être contemporaine des architectes Assaph et Addaï, auteurs du monument. Elle ne correspond donc pas à l’une de ces interprétations hasardeuses de période tardive. Elle se devait de demeurer conforme aux concepts élaborés par les architectes de l’époque. L’étude de cette hymne faite par André Grabar8 a le mérite de nous éclairer sur l’importance de la triple baie dans le monde chrétien oriental et chez les Syriaques en particulier. En voici donc la traduction fournie par Dupont-Sommer9 : Le chœur compte trois fenêtres dont l'éclat représente la lumière unique de la Sainte Trinité. Notons surtout que cette cathédrale avait été édifiée sous Justinien par l'évêque Amidonius et qu’à cette époque il était de coutume à Byzance, de nommer deux architectes pour de tels projets : l'un était théoricien et l'autre praticien, le rapport entre la création matérielle et sa symbolique spirituelle étant d'une grande importance. Considérons simplement, à titre d’exemple, la coupole byzantine qui concrétisait en quelque sorte la voûte céleste et l'Orbis Romanus (l'univers) sans oublier aussi sa base percée de quarante fenêtres supposées représenter l'Integritas Saeculorum (l'intégrité des siècles). L'espace et le temps se trouvaient donc résumés dans ce qui, matériellement, constituait la couverture de la cathédrale. Et pour que le microcosme reprenne entièrement le macrocosme, il lui suffisait d'ajouter à cet univers matériel, le monde de l'Au-delà faisant ainsi appel à la Sainte Trinité représentée par la triple baie. Venons-en donc à notre troisième source syriaque : le Codex Rabulensis, aujourd’hui à la bibliothèque Médicéenne Laurentienne de Florence sous le code Laur. Plut. I, 56. Ce manuscrit de l’an 586 représente plusieurs exemples de triples baies parmi ses Tables de Concordance. Ces dernières, appelées aussi Canons, consistent en compositions allant de deux à quatre arcades. La Table de Concordance présente, sous forme de listes numériques, les correspondances entre les récits des quatre évangélistes Marc, Matthieu, Jean et Luc. Les parallélismes entre deux ou quatre évangélistes se font assez rares contrairement à ceux qui en présentent trois. C’est pour cette raison seulement que la triple baie demeure majoritaire parmi ces compositions. Mais indépendamment de cette réalité purement mathématique au départ, le motif devint imposant avec le temps et finit, semble-t-il, par influencer le répertoire purement formel des artistes. De plus, ce qui s’avère frappant pour une étude comparative, ce sont les détails et les proportions des colonnes, des chapiteaux et des arcades qui se retrouvent à l’identique dans l’architecture libanaise des XVIII-XIX° siècles. LA FLEUR DE LYS Après avoir saisi le sens de la triple baie grâce à ces trois sources syriaques, il conviendrait d’élargir le champ culturel afin d’aller vers une civilisation voisine et sœur puisqu’il s’agit du monde arménien. Pourquoi se tourner vers l’art arménien ? Il se trouve que les tapis arméniens offrent plusieurs motifs en cours de leur processus d’abstraction. En ayant sous les yeux des exemples où les modèles sont encore proches de leur état originel, et d’autres exemples où ils ont atteint leur état d’abstraction, il est possible de saisir la signification de ces motifs dans l’architecture. Parmi ceux-là, le thème le plus lié à la triple baie est incontestablement la fleur de lys suspendue ou redressée. Elle orne les arcades, parfois même les chapiteaux de plusieurs édifices sacrés ou profanes à travers le pays. Lorsqu’elle ne figure pas dans la pierre, elle se répète inlassablement dans les boiseries d’inspiration gothique typiques de l’architecture libanaise jusqu’au début du XX° siècle. La fleur redressée, figure sur le cadre d’un tapi arménien connu sous le nom de Gorzi. Ce chef d’œuvre, aujourd’hui disparu, fut admirablement analysé par Volkmar Gantzhorn dans son étude sur le tapis chrétien oriental10. Il est d’un grand intérêt pour l’explication des éléments de l’architecture libanaise puisqu’il constitue une belle synthèse de la Porte du Paradis symbolisée par la triple baie de la Trinité. Le tapis porte une bordure en S couronnée d'une inscription arménienne qui l'identifie comme une offrande de 1651 dédiée à Sainte Hripsimé. Au-delà de cette bordure, apparaît la bande de lys continue en vert sur fond rouge. Le tapis contient donc, non seulement l'arc et le lys, mais aussi la preuve écrite de sa destination sacrée. Pour Volkmar Gantzhorn qui s’intéresse à l’identité et au sens du motif, il s’agit là incontestablement de lys et non d’une autre fleur. Il écrit sur ce sujet : Il s'agit très clairement ici de lys de l'espèce Lilium Candidum, le lys blanc, une plante cultivée déjà dans l'antiquité et d'origine libanaise. Symbole de la grâce divine, elle représente ici la grâce de Dieu au jugement dernier11. D'après plusieurs auteurs dont notamment Jules Leroy12, le dédoublement des colonnes, comme dans les triples baies du Codex Rabulensis et dans le tapis Gorzi, est une évocation de la perspective. Il s'agit donc de la représentation d'une église à trois nefs qui n’est autre que l’accès, en d’autres termes, la porte du Paradis. Cette porte est alors ornée de lys, fleur de la grâce divine. Résumons le message de ce tapis à arc, écrit Volkmar Gantzhorn: l'église est la porte de l'au-delà et du paradis. On y parvient par l'arc de triomphe de la foi avec l'aide de la grâce de Dieu au jugement dernier13. LA TRIFORA À TRAVERS L’HISTOIRE En termes de plan architectural, la triple baie évoque en fin de compte, le hall central de la maison Libanaise ou le grand hall de la maison vénitienne. Elle est devenue une des composantes du paysage libanais. Sur le littoral comme en montagne, elle orne les façades des maisons autant que celles des immeubles de la ville. Elle développa ainsi autour d’elle, une série de variantes iconographiques et architectoniques. Le thème initial du Codex Rabulensis s'est donc développé sur les palais, les maisons paysannes ou bourgeoises, les églises et les immeubles. Nous en rencontrons plusieurs variantes allant de l'arc en plein cintre à l'arc brisé. Certains exemples évoquent l’art gothique, tandis que d’autres renvoient à l’art roman. La boiserie va également du motif gothique trilobé aux dentelles entrelacées se terminant par des multitudes de petites fleurs de lys. L'effet observé à l'intérieur en est saisissant et vient se dessiner sur le fond du ciel ou de la mer en deçà de la vallée. Plutôt que de se laisser mourir, la triple baie se projeta dans les aventures de l’art moderne. Sa survivance au XX° siècle est visible un peu partout dans les villes comme Tripoli, Beyrouth et Sidon et même en montagne. Différents édifices de toutes les époques retracent ainsi l'évolution de la triple baie, allant du model originel, vers une interprétation moderne, en jonglant avec l'Art nouveau, puis avec les Arts déco. Originellement à trois arcades donnant sur des balcons ou sur des terrasses, la triple baie a fini par être embrassée par un seul arc de plus en plus aplati faisant appel aux courbures des Arts déco. De là nous passons à deux types de solutions totalement opposées. L'une interprète alors la triple baie comme trois ouvertures indépendantes tandis que l'autre la pousse vers son sens le plus large, celui d’une baie unique ouvrant le hall central sur son extension extérieure. La triple baie a sans doute représenté l'élément le plus stable et le plus souple à la fois dans l'architecture libanaise. Elle a permis l'introduction d'une typologie nationale dans le style moderniste qui se voulait international. Tous les mouvements architecturaux s'y sont soumis sans les moindres heurts ou incohérences. Le type haussmannien en a fait un bow-window comme on en voit beaucoup à Beyrouth entre les rues Foch et Allenby ; les Arts déco l'ont dessinée comme une composition rassemblant plusieurs ouvertures, tout en évoluant vers des formes plus pures ou cubistes ; et à la veille du mouvement moderne, son interprétation en grande baie vitrée pour le hall central, lui a garanti sa survie jusqu'au milieu du XX° siècle. ******************************************************** NOTES 1. Voir sur ce sujet Jean SADER, Peintures Murales dans les Églises Maronites Médiévales, Beyrouth, 1987 et NORDIGUIAN Lévon - VOISIN Jean-Claude, Châteaux et Églises du Moyen Âge au Liban, Beyrouth, 1999. 2. Voir sur ce sujet Nasser GEMAYEL, Les Échanges Culturels entre les Maronites et l'Europe -du Collège Maronite de Rome au Collège de Ayn Warqa (en 2 vol.), Beyrouth, 1984 ; Pierre RAPHAËL, Le Rôle du Collège Maronite Romain dans l'Orientalisme aux XVII° & XVIII° siècles, Beyrouth,1950 ; Ignace ZIADE, « Les savants libanais en Europe », in Phénicia, 11, Beyrouth, mars-avril 1939, pp. 15-19. 3. Michel CHÉBLI, Fakhreddine II Maan Prince du Liban, Beyrouth, 1984. 4. Michel CHÉBLI, Une Histoire du Liban à l’époque des Émirs, Beyrouth, 1984 ; Il traite de l’époque des princes Chéhab. 5. Sa canonisation par Rome est en cours. 6. Voir sur ce savant et les autres savants du Collège Maronite de Rome : Camille ABOUSSOUAN, Le Livre et le Liban, Paris, 1982. 7. Estéphanos DOUAYHI, Le Candélabre des Saints Mystères, Beyrouth, 1895, (en arabe) ; Youakim MOUBARAC, Pentalogie Antiochienne - Domaine Maronite, Beyrouth, 1984, t. 1, v. 1, p. 75. 8. André GRABAR, « Le témoignage d’une hymne syriaque sur l’architecture de la cathédrale d’Édesse au VI° siècle et sur la symbolique de l’édifice chrétien », in Cahiers Archéologiques, 2, 1947. 9. André DUPONT-SOMMER, « Une hymne syriaque sur la cathédrale d’Édesse », in Cahiers Archéologiques, 2, 1947 ; Henri STIERLIN, Orient Byzantin, Fribourg (Suisse), 1988, p. 90. 10. Volkmar GANTZHORN, Le tapis chrétien oriental, trad. franç. EVEQUOZ, Allemagne, 1991, p. 482 11. Ibid. 12. Jules LEROY, Les manuscrits syriaques à peintures, Paris, 1964. 13. Volkmar GANTZHORN, Op. cit., p. 482. ******************************************************** Rabulensis : Folio 6 th Tapis ‘Gorzi’ Kaslik Baabdét Amshit Hadat, pays de Gebbé Palais Sardouk, Beyrouth Palais Sardouk, Beyrouth Palais Donna Maria, Beyrouth ********************************************************