I. Abus de majorité

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I. Abus de majorité
Fiche à jour au 11 octobre 2010
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DIPLOME : Licence en droit, 5ème semestre
MATIERE : Droit des Sociétés
Webtuteur : Olivier Rollux
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I.
ABUS DE MAJORITE ............................................................................ 3
A.
DEFINITION – HYPOTHESES ____________________________________________ 3
Com., 1er juillet 2003 .................................................................................................... 3
Com., 28 février 2006 ................................................................................................... 5
B.
SANCTION __________________________________________________________ 7
Com., 6 juin 1990.......................................................................................................... 7
Com., 21 janvier 1997................................................................................................... 8
II.
A.
ABUS DE MINORITE ....................................................................... 10
DEFINITION – HYPOTHESES ___________________________________________ 10
Com., 15 juillet 1992................................................................................................... 10
Date de création : année universitaire 2003/04
2
Com., 5 mai 1998 ........................................................................................................ 11
B.
SANCTION _________________________________________________________ 12
Com., 14 janvier 1992................................................................................................. 12
Cass.3ème civ., 16 décembre 2009 ............................................................................... 13
3
I.
Abus de majorité
A. Définition – Hypothèses
Com., 1er juillet 2003
La Cour rappelle ici les critères de définition de l’abus de majorité.
Sur le premier et le second moyens, pris en leurs diverses branches, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 3 février 1999), que MM. Antoine,
Ettore et René X... ont constitué en 1976 la société Mécano soudure (la
société) au capital réparti entre Antoine (850 parts), Ettore (840 parts) et
René (860 parts) ; que M. Ettore X..., gérant de la société, était rémunéré
pour cette fonction et bénéficait d'une procuration générale de M. René X...
pour le représenter lors des assemblées générales ; que, par délibérations
prises au cours des assemblées générales ordinaires tenues les 27 juin 1992
(3e résolution) et 26 juin 1993 (3e résolution), les associés ont décidé
d'affecter aux réserves de la société les bénéfices des exercices 1991 et 1992
; qu'ils ont également, au cours des assemblées générales ordinaires tenues le
18 décembre 1991 et le 12 décembre 1992 (1res résolutions), accordé une
prime de bilan au gérant pour les exercices 1991 et 1992 et approuvé, lors de
l'assemblée générale ordinaire des 27 juin 1992 et 26 juin 1993 (4es
résolutions), pour les mêmes exercices, la rémunération versée à la gérance ;
que, sur demande de M. Antoine X... du 3 août 1993, la cour d'appel a
annulé, d'une part, les troisièmes délibérations des assemblées des 27 juin
1992 et 26 juin 1993 en tant qu'elles avaient décidé d'affecter les bénéfices
aux réserves sous forme d'un compte "report à nouveau", d'autre part, les
premières résolutions des assemblées des 18 décembre 1991 et 12 décembre
1992 ayant accordé une prime de bilan au gérant pour les exercices 1991 et
1992 et, enfin, les quatrièmes résolutions des assemblées des 27 juin 1992 et
26 juin 1993 ayant approuvé pour les mêmes exercices la rémunération
versée à la gérance ;
Attendu que la SARL Mécano soudure et MM. René et Ettore X... font grief
à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / que l'intérêt d'une société commerciale est distinct de celui de ses
membres et que la non-distribution des bénéfices sociaux et leur
incorporation aux capitaux propres permettent à la société de mieux pouvoir
faire face à l'avenir ; qu'il s'ensuit que viole l'article 1382 du Code civil l'arrêt
attaqué qui considère que la décision systématique des associés majoritaires
d'incorporer le bénéfice de l'exercice aux capitaux propres ne correspond pas
à l'intérêt social ;
2 / qu'après avoir constaté que M. Ettore X..., associé majoritaire était seul
gérant, ne justifie pas légalement sa solution au regard de l'article 1382 du
Code civil l'arrêt attaqué qui, faute d'avoir précisé en quoi aurait pu consister
la "substantielle rémunération" de M. René X..., associé majoritaire non
gérant, et d'indiquer de quelle manière sa situation aurait été différente de
celle de M. Antoine X..., associé minoritaire, considère que "les associés
majoritaires s'octroyaient de substantielles rémunérations" au détriment de
M. Antoine X..., "privé par l'absence de dividendes du seul avantage issu de
sa qualité d'associé" ;
4
3 / que ce défaut de base légale est d'autant plus caractérisé que la cour
d'appel a considéré que la décision prise par les associés majoritaires
d'incorporer le bénéfice de l'exercice aux capitaux propres avait eu pour
conséquence de priver "l'ensemble" des associés de la rémunération de leurs
apports ;
4 / qu'enfin, les parts sociales étant représentatives de l'actif net de la société,
ne justifie pas légalement sa solution au regard des articles 34 et suivants de
la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 l'arrêt attaqué qui considère que
l'incorporation des bénéfices au capital d'une SARL n'a pas pour effet de
valoriser les parts des associés ;
5 / qu'ayant constaté que seul l'un des deux associés majoritaires (M. Ettore
X...) était gérant, ne justifie pas légalement sa solution au regard de l'article
1382 du Code civil l'arrêt attaqué qui considère que les décisions
d'augmenter la rémunération du gérant et de ne pas distribuer de dividendes
permettaient de compenser au profit des seuls associés majoritaires la perte
de l'avantage correspondant à la répartition de dividendes, sans préciser en
quoi aurait consisté la "compensation" dont aurait bénéficié M. René X...,
associé majoritaire non gérant ;
6 / qu'ayant constaté que les décisions litigieuses avaient eu pour effet de
n'accorder qu'à un seul associé majoritaire, M. Ettore X..., "les fruits de la
prospérité de l'entreprise", se contredit dans ses explications, en violation de
l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui énonce
ensuite que lesdites décisions permettaient "de compenser au profit des seuls
associés majoritaires (à savoir MM. Ettore X... et René X...) la perte de
l'avantage correspondant à la répartition des dividendes" ;
7 / qu'en outre, ne justifie pas légalement sa solution au regard de l'article
1382 du Code civil l'arrêt attaqué qui retient l'existence d'un abus de majorité
au motif que M. Ettore X... (détenteur de 840 parts aux côtés de M. René
X..., détenteur de 860 parts et de M. Antoine X..., détenteur de 850 parts)
était un associé majoritaire pour l'unique raison qu'il disposait d'une
procuration de M. René X... à l'assemblée générale ordinaire des associés ;
8 / qu'après avoir constaté que la situation de la société Mécano soudure
apparaissait "florissante", ne justifie pas légalement sa solution au regard de
l'article 1382 du Code civil l'arrêt attaqué qui considère que la prime de bilan
allouée au gérant aurait été d'un montant abusif, faute d'avoir vérifié si le
montant global de la rémunération annuelle du gérant, salaire et prime de
bilan comprise, avait un caractère excessif au regard de la situation financière
de la société et des fonctions effectives de l'intéressé ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'entre 1988 et 1995, les bénéfices
d'exploitation de l'entreprise sont venus systématiquement accroître le
montant des capitaux propres, qui s'élevait en décembre 1995 à la somme de
1 927 814 francs dont 1 647 314 francs au titre du "report à nouveau", sans
que cette mise en réserve n'ait eu aucun effet sur la politique d'investissement
de l'entreprise tandis que les associés majoritaires ont voté des résolutions
octroyant au gérant une prime de bilan de 340 000 francs pour les exercices
1991 et 1992 correspondant à deux fois le montant du bénéfice de l'exercice
1991 et à quatre fois le montant du bénéfice de l'exercice 1992, et approuvant
pour les mêmes exercices la rémunération versée à la gérance de 270 920
francs pour 1991 et de 279 110 francs pour 1992 ; que la cour d'appel, qui a
ainsi fait ressortir que l'affectation systématique des bénéfices aux réserves
n'a répondu ni à l'objet ni aux intérêts de la société et que ces décisions ont
favorisé les associés majoritaires au détriment de l'associé minoritaire, a
caractérisé l'abus du droit de majorité ; que l'abus commis dans l'exercice du
droit de vote d'une assemblée générale affecte par lui-même la régularité des
5
délibérations de cette assemblée ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses
branches ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi
Com., 28 février 2006
Pour la première fois, la Cour de cassation retient l’abus de majorité à
l’occasion d’une opération de « coup d’accordéon ». Ce faisant, elle
revient sur sa jurisprudence antérieure1.
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que la société Schneider electrice
industries (la société SEI) a adressé le 9 mai 2000 à M. Le X... une offre de
collaboration dans le cadre de l'acquisition par SEI d'une participation
majoritaire dans le capital de la société Steve ingenierie (la société SI) "au
terme extinctif au 9 juin 2000" ; que, par accord du 12 juin 2000, concrétisé
le 21 juin suivant, la société Gardy, filiale à 100 % de la société SEI, et M.
Le X... ont conclu un contrat relatif à l'acquisition du capital des sociétés
Financière Le X... et SI, aux termes duquel la société Gardy s'est engagée à
acquérir, d'une part, 100 % des actions détenues par la société Financière Le
X... dans la société SI et, d'autre part, 33 % des actions détenues directement
par M. Le X... ; que ces différentes acquisitions ont permis à la société Gardy
de détenir 70 % du capital et des droits de vote de la société SI, les 30 %
restant demeurant la propriété de M. Le X... ; que, le 20 juin 2000, la société
SI a établi un contrat de travail au profit de M. Le X... en qualité de directeur
général ; que le même jour, par deux actes séparés, M. Le X... et la société
Gardy ont convenu des conditions dans lesquelles les actions représentant les
30 % restant du capital de la société SI pourraient être cédées ultérieurement
; qu'on été conclues une promesse unilatérale d'achat par laquelle la société
Gardy s'est engagée à acheter les 30 % du capital restant de la société SI
entre le 1er janvier 2003 et le 31 mars 2003, et une promesse unilatérale de
vente par laquelle M. Le X... s'est engagé à vendre ces 30 % à la société
Gardy, soit entre le 21 juin 2001 et le 31 décembre 2002, soit entre le 1er
avril 2003 et le 31 décembre 2003 ; que ces deux promesses ont fixé les
modalités de détermination du prix des actions, en précisant d'une part, que si
le résultat d'exploitation de la société SI était inférieur à 15 % du chiffre
d'affaires, le prix global et forfaitaire pour l'acquisition des actions serait fixé
à une somme de deux millions de francs, d'autre part, qu'en cas de démission
de M. Le X... de ses fonctions de mandataire social, ou de révocation de
celui-ci pour faute ou incompétence, le prix global et forfaitaire pour
l'acquisition des actions serait fixé à une somme de 600 000 francs ; que le
29 juin 2000, le conseil d'administration de la société SI a pris acte de la
démission de M. Le X... de ses fonctions de président du conseil
d'administration et d'administrateur, et a désigné celui-ci en qualité de
directeur général non administrateur ; qu'en juin 2001, le conseil
d'administration a arrêté les comptes, faisant apparaître une perte nette de 8
082 222,75 francs pour l'exercice clos au 31 décembre 2000, pour un chiffre
d'affaires de 1 445 472 francs et a proposé la restructuration du capital ; que,
par lettre du 27 juin 2001, M. Le X... a été convoqué aux assemblées
générales ordinaire et extraordinaire du 13 juillet suivant, ayant pour objet de
procéder à la recapitalisation de la société, mais a décidé de ne pas y
participer ; que le 13 juillet 2001, l'assemblée générale extraordinaire a
décidé d'apurer les pertes de l'exercice 2000 de la société SI, en deux étapes :
1
V. par exemple Com. 18 juin 2002, JCP, E, 2002, p.1728, note Viandier.
6
- par une première réduction du capital à zéro, suivie d'une première
augmentation de capital d'un montant de 4 500 000 francs par l'émission de
45 000 nouvelles actions de 100 francs, avec droit préférentiel de
souscription au profit de tous les anciens actionnaires touchés par l'opération
de réduction de capital, - par une seconde opération de réduction du capital à
zéro, suivie d'une seconde augmentation de capital à hauteur de 4 500 000
francs, se matérialisant par l'émission de 2 500 actions de 1 800 francs ; qu'à
la suite de cette opération, les actions détenues par M. Le X... ont été
annulées, ce qui a entraîné la caducité des promesses d'achat et de vente
conclues le 12 juin 2000 avec la société Gardy ; que, par acte du 11 juillet
2001, M. Le X... a assigné les sociétés SI, Gardy et SEI afin d'obtenir, d'une
part, l'exécution de la promesse d'achat portant sur 30 % du capital de la
société SI et, d'autre part, la constatation du caractère prétendument abusif de
la révocation de ses fonctions de directeur général ; que la cour d'appel après
avoir mis hors de cause la société SEI, a décidé d'une part, que les deux
réductions et augmentations de capital successives, destinées à apurer les
pertes de la société SI et ayant conduit à annuler les actions détenues par M.
Le X..., étaient constitutives d'un abus de majorité commis par la société
Gardy, et a en conséquence condamné celle-ci à payer à M. Le X... la somme
globale de 305 446,85 euros et considéré d'autre part, que la révocation de
M. Le X... de ses fonctions de directeur général était abusive ; qu'elle a
condamné les sociétés SI et Gardy à verser solidairement à M. Le X... des
dommages-intérêts pour un montant de 30 000 euros et a rejeté la demande
de la société SI tendant à obtenir le remboursement par M. Le X... de la
somme de 114 364,68 euros, correspondant à la rémunération qui lui avait
été versée en tant que directeur général ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que les sociétés SI et Gardy font grief à l'arrêt d'avoir jugé que les
deux opérations combinées de réduction puis d'augmentation du capital
social de la société SI étaient constitutives d'un abus de majorité et d'avoir
condamné la société Gardy à payer à M. Le X... une somme globale de 305
446,85 euros, alors, selon le moyen, que seule une décision prise
contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de
favoriser les membres de la majorité au détriment de ceux de la minorité peut
être constitutive d'un abus de majorité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a
expressément relevé que l'opération de restructuration du capital de la société
Steve Ingenierie n'était pas "fondée sur le seul souci d'assurer la pérennité"
de celle-ci, ce dont il résulte qu'elle était nécessairement conforme à l'intérêt
social puisque l'une de ses finalités était en tout état de cause la sauvegarde
de l'entreprise ; qu'en décidant cependant que la décision ayant conduit à
l'opération litigieuse était constitutive d'un abus de majorité, la cour d'appel
n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé
l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour
d'appel, par motifs propres et adoptés, a retenu que les réductions et
augmentations successives du capital qui n'avaient pas eu pour seul objectif
de satisfaire à l'obligation légale de recapitaliser la société SI conformément
à l'article L. 225-248 du Code de commerce mais avait aussi permis aux
sociétés de ne pas honorer leurs engagements envers M. Le X... ; qu'en ayant
déduit que cette opération était constitutive d'un abus de majorité, elle a pu
statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
7
B. Sanction
Com., 6 juin 1990
La mise en réserves de bénéfices peut constituer un abus de majorité. La
Cour retient d’une part la responsabilité des actionnaires majoritaires et
d’autre part que l’action dirigée contre la société ne peut être recevable.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 9 septembre 1988), que Mme veuve
Alfred Lamps, Mlles Yvette et Annie Lamps, M. Jean-Pierre Lamps, Mmes
Harmer Hunt, Schmidt et Hardy (les consorts Lamps), porteurs de parts dans
la société à responsabilité limitée Huber et compagnie (la société Huber), ont
assigné celle-ci en nullité des assemblées générales des années 1978 à 1984,
ainsi qu'en dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° 88-19.420, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Huber reproche à l'arrêt, confirmatif de ce chef,
d'avoir annulé les délibérations des assemblées générales tenues en juin 1980
et juin 1984 aux motifs que le vote des associés majoritaires ayant affecté les
bénéfices des exercices 1979 et 1983 aux réserves, sans les attribuer aux
associés, était entaché d'abus de droit au préjudice des associés minoritaires,
alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il ne ressort pas de ses motifs que les
délibérations litigieuses aient été prises contrairement à l'intérêt social et
dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment
des membres de la minorité ; que spécialement la cour d'appel, qui s'est
bornée à énoncer, par un motif général, que la constitution de réserves
apparaît comme une politique de prudence qui " ne saurait être systématique
", n'a aucunement montré en quoi cette politique était, en l'espèce, contraire à
l'intérêt social, ni même établi son caractère systématique ; que pas
davantage la cour d'appel n'a expliqué en quoi les délibérations litigieuses
conféraient un avantage aux associés majoritaires, la seule référence aux
rémunérations allouées à ceux-ci étant à cet égard insuffisante dès lors qu'il
n'était ni constaté que leur montant fût excessif, ni précisé en quoi elles
auraient été permises ou accrues par les délibérations litigieuses ; que de la
même façon, la cour d'appel n'a nullement exposé en quoi la mise en réserve
des bénéfices, qui accroissait la valeur des parts de tous les associés, aurait
causé aux associés minoritaires un préjudice que ne subissaient pas les
associés majoritaires, se bornant à cet égard à affirmer l'existence d'un
préjudice qu'elle tient pour évident mais ne caractérise pas ; qu'ainsi, faute
d'avoir caractérisé l'abus de droit par elle retenu, la cour d'appel n'a pas
légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; et
alors, d'autre part, que l'abus du droit, étant exclusivement sanctionné au titre
de la responsabilité civile de son auteur, ne peut fonder qu'une mesure prise à
l'encontre de celui-ci et constituant un mode de réparation adéquat du
préjudice causé par l'abus ; que par suite, la cour d'appel ne pouvait, en se
fondant sur l'abus prétendument commis par certains associés, prononcer à
l'encontre de la société l'annulation des délibérations litigieuses dès lors que
celle-ci, n'impliquant aucunement la distribution des sommes mises en
réserves, ne constitue pas un mode adéquat de réparation du préjudice
résultant de l'absence de distribution des bénéfices ; qu'en prononçant
néanmoins l'annulation de ces délibérations, la cour d'appel a violé l'article
1382 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt a retenu par motifs propres et adoptés
que, depuis la création de la société Huber, tous les bénéfices d'exploitation
avaient été affectés entièrement aux réserves, portant le montant de celles-ci
à vingt deux fois celui du capital, sans que cette mise en réserve n'ait eu
8
aucun effet sur la politique d'investissement de l'entreprise, tandis que les
deux associés détenant les 4/5 du capital social disposaient de rémunérations
importantes dont la croissance a été anormalement rapide et qui ont permis
en particulier au gérant de réaliser des investissements personnels se
substituant à ceux qui auraient dû être réalisés normalement par la société
Huber s'agissant des immeubles qu'elle occupait et dont elle devait payer le
loyer au gérant ; qu'en outre, le fait que les réserves constituées n'avaient
jamais été incorporées au capital, ainsi que les restrictions apportées par les
statuts à la cessibilité des parts à des tiers étrangers à la société privaient les
associés minoritaires de toute perspective de récupération des profits non
distribués qui auraient pu accroître la valeur des parts ; que la cour d'appel
qui a ainsi fait ressortir que l'affectation systématique des bénéfices aux
réserves n'a répondu ni à l'objet ni aux intérêts de la société Huber et que ces
décisions ont favorisé les associés majoritaires au détriment des associés
minoritaires, a caractérisé l'abus du droit de majorité ;
Attendu, d'autre part, que l'abus commis dans l'exercice du droit de vote lors
d'une assemblée générale affecte par lui-même la régularité des délibérations
de cette assemblée ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé ni en l'une ni en l'autre de ses
branches ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° 88-19.783, pris en ses deux branches :
Attendu que les consorts Lamps reprochent à l'arrêt, infirmatif de ce chef,
d'avoir déclaré irrecevable leur demande de dommages-intérêts aux motifs
qu'elle était dirigée à l'encontre de la société Huber et non contre les associés
majoritaires, conformément à l'article 41 de la loi du 24 juillet 1966, alors,
selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 24
juillet 1966, l'action en responsabilité doit être dirigée contre les associés et
les premiers gérants lorsque le dommage résulte de la nullité de la société,
qu'en l'espèce, il ne s'agissait pas du dommage découlant de la nullité de la
société mais du dommage résultant de délibérations abusives de l'assemblée
générale des associés ; d'où il suit que la cour d'appel a fait une fausse
application et par suite a violé les dispositions de l'article 41 de la loi du 24
juillet 1966 ; et d'autre part, que la responsabilité civile d'une société est
engagée par les agissements fautifs de ses organes, que l'assemblée générale
des associés, organe de décision de la société, ayant commis un abus de
pouvoir, la société est responsable des conséquences dommageables vis-à-vis
de ce détournement, d'où il suit que la cour d'appel a violé les dispositions de
l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'abstraction faite du motif surabondant justement critiqué par
la première branche, la cour d'appel, après avoir retenu que les délibérations
litigieuses avaient été adoptées par abus du droit de majorité, a décidé à bon
droit que seuls les associés majoritaires qui avaient commis cet abus devaient
en répondre à l'égard des demandeurs et qu'en conséquence, l'action dirigée
contre la société Huber n'était pas recevable ; que le moyen ne peut être
accueilli ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois
Com., 21 janvier 1997
Le gérant a qualité pour agir devant les juridictions afin de faire constater
l’abus de majorité, la qualité de « minoritaire » n’est pas une condition
d’exercice de l’action.
9
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, que la Société industrielle
et financière Bertin (SIFB), aux obligations de laquelle se trouve la société
Delattre-Levivier, qui possédait 140 des 200 parts de la société à
responsabilité limitée Contact sécurité (la société Contact sécurité), a, le 5
janvier 1987, conclu avec cette société deux conventions dites " d'assistance
" et " de groupe " ; que la société Contact sécurité a assigné la SIFB en
annulation de ces conventions et restitution des sommes versées lors de leur
exécution ainsi qu'en réparation du préjudice qu'elles lui ont causé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Contact sécurité fait grief à l'arrêt d'avoir jugé
irrecevable son action en responsabilité, alors, selon le pourvoi, que, selon
l'article 53 de la loi du 24 juillet 1966, les actions en responsabilité prévues
par l'article 50 de ladite loi, relatif à l'approbation des conventions conclues
entre les associés et la société, se prescrivent par 3 ans à compter du fait
dommageable, ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation, qu'ainsi, le fait
générateur de l'action se trouve défini non par la signature d'un acte en soi
régulier, mais bien du refus des associés de le ratifier, si bien qu'en jugeant
irrecevable son action pour avoir été mise en oeuvre plus de 3 ans après la
conclusion des conventions litigieuses, la cour d'appel a méconnu les textes
précités ;
Mais attendu que, s'agissant d'une action en réparation des conséquences des
conventions litigieuses préjudiciables à la société Contact sécurité, la cour
d'appel a jugé à bon droit que, hors toute dissimulation, le fait dommageable,
au sens de l'article 53 de la loi du 24 juillet 1966, constituant le point de
départ de la prescription triennale, était la conclusion desdites conventions ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 49, alinéa 5, et 50 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Attendu que, pour écarter la demande de la société Contact sécurité tendant à
l'annulation des conventions d'assistance et de trésorerie conclues par elle
avec la société SIFB, l'arrêt énonce que la demande en nullité des
conventions d'assistance et de trésorerie conclues en 1987, formée par la
société Contact sécurité pour abus de majorité, est irrecevable, faute par
celle-ci d'être ou d'avoir été " un minoritaire ", et faute en conséquence de
justifier de sa qualité ou d'un intérêt pour agir ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le gérant de la société Contact sécurité
avait vocation à agir au nom de la société, sur le fondement des pouvoirs
légaux qui lui sont conférés, pour faire constater par la juridiction
compétente la nullité des conventions litigieuses et l'atteinte portée à l'intérêt
social par les agissements de son ancien gérant et de la SIFB, constitutifs
d'abus de majorité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE
10
II. Abus de minorité
A. Définition – Hypothèses
Com., 15 juillet 1992
La Cour rappelle ici les critères de définition de l’abus de minorité.
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 16 juin 1986, une assemblée générale
extraordinaire de la société à responsabilité limitée Tapisseries de France a
décidé de transformer cette société en société anonyme ; que Mme Six,
associée, a demandé l'annulation de cette délibération qui avait été votée à
une majorité inférieure à celle des trois-quarts des parts sociales ;
Sur le second moyen, qui est préalable :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que, pour débouter Mme Six de sa demande, l'arrêt retient que celleci avait commis un abus de minorité en s'abstenant systématiquement de
participer aux décisions intéressant la vie sociale, de sorte que, par son
abstention, elle avait entravé une prise de décision jugée souhaitable par les
autres associés, qu'elle n'établissait nullement que la transformation en
société anonyme ait été dommageable pour la société Tapisseries de France
et qu'en particulier les inculpations d'infractions aux lois sur les sociétés et
banqueroutes notifiées à M. Laurent, dirigeant social, aient été la
conséquence de la décision prise par l'assemblée générale extraordinaire du
16 juin 1986 ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir en quoi
l'attitude de Mme Six avait été contraire à l'intérêt général de la société, en ce
que Mme Six aurait interdit la réalisation d'une opération essentielle pour
celle-ci, et dans l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au
détriment de l'ensemble des autres associés, la cour d'appel n'a pas donné de
base légale à sa décision ;
Et sur le premier moyen :
Vu l'article 69 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Attendu que, pour débouter Mme Six de sa demande, l'arrêt retient encore
que celle-ci avait commis un abus de minorité dont les effets dommageables
pour l'intérêt social ne pouvaient être réparés que par le rejet de l'action en
nullité de la délibération qui, bien que litigieuse, avait déterminé les statuts et
le mode de fonctionnement de la société depuis le 1er janvier 1986 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la transformation d'une société à
responsabilité limitée en société anonyme décidée à une majorité inférieure
aux trois-quarts des parts sociales est nulle et que l'abus de ses droits par
l'associé minoritaire, à le supposer établi, n'était pas susceptible d'entraîner la
validité de la décision irrégulière, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE
11
Com., 5 mai 1998
Les motivations personnelles d’un associé minoritaire peuvent constituer
un abus de minorité.
Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par M. Couvaud que sur le
pourvoi principal formé par la société Arti Moul SAAM ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Riom, 13 mars 1996) et du jugement
qu'il a partiellement confirmé, que les capitaux propres de la société Arti
Moul SAAM (la société SAAM) étant devenus inférieurs à la moitié du
capital social, une assemblée générale extraordinaire avait été convoquée afin
de décider s'il y avait lieu à dissolution anticipée, et dans la négative, de
procéder à une augmentation de capital ; que la dissolution ayant été
repoussée, l'augmentation de capital n'avait pu être adoptée à la majorité
requise, par suite du refus de M. Couvaud, détenteur de quarante pour cent
des actions, de la voter ; que la société l'avait alors assigné pour voir dire que
son attitude constituait un abus de minorité, obtenir la désignation d'un
mandataire chargé de le représenter et de voter à une assemblée générale à
venir le principe de l'augmentation de capital et sa condamnation au
paiement de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses première et troisième
branches :
Attendu que la société SAAM reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de
dommages-intérêts alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte des
propres constatations de la cour d'appel que le refus par M. Couvaud de voter
pour l'augmentation de capital a constitué un abus de droit, celle-ci étant une
opération essentielle, indispensable à la préservation des intérêts sociaux,
seule de nature à assurer la survie de l'entreprise et son fonctionnement
normal, aucun crédit ne pouvant plus lui être accordé, à défaut, par les
organismes bancaires ; qu'en estimant néanmoins, après avoir ainsi
caractérisé elle-même une entrave dans le fonctionnement normal de la
société, que l'existence d'un préjudice ne serait pas établie, la cour d'appel n'a
pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations
au regard de l'article 1382 du Code civil qu'elle a violé ; et alors, d'autre part,
qu'il appartient aux juges du fond, s'ils ne s'estiment pas convaincus par la
démonstration chiffrée de la victime, d'évaluer eux-mêmes au besoin en
recourant, s'ils l'estiment nécessaire, à une expertise, le montant des
dommages-intérêts de nature à réparer le préjudice invoqué ; qu'en rejetant sa
demande en réparation, motif pris de l'impossibilité de vérifier son décompte,
la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil outre les articles 12, 143 et
144 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que l'existence des frais financiers dont
faisait état la société SAAM au soutien de sa demande de dommages-intérêts
ne résultait pas du refus de M. Couvaud de voter l'augmentation de capital,
c'est souverainement que la cour d'appel a considéré que la réalité du
préjudice financier invoqué n'était pas établie ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :
Attendu que la société SAAM demande en outre la cassation de l'arrêt en ce
qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts comme conséquence de la
cassation d'un arrêt rendu le 17 juillet 1995 par la cour d'appel de Riom et
faisant l'objet du pourvoi n° S 95-15.690 ;
Mais attendu que ce dernier pourvoi a été rejeté le 27 mai 1997 par la
Chambre commerciale et financière de la Cour de Cassation ; que le moyen
ne peut donc être accueilli en sa seconde branche ;
12
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que M. Couvaud reproche à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement en
ce qu'il avait ordonné la convocation d'une assemblée générale extraordinaire
pour voter le principe d'une augmentation de capital et nommé un mandataire
ad hoc afin de voter le cas échéant en ses lieu et place dans l'intérêt de la
société alors, selon le pourvoi, que l'abus de minorité se définit comme
l'attitude des associés minoritaires qui porte atteinte à l'intérêt social, en
empêchant la réalisation d'une opération essentielle pour la société, et dans le
but unique de favoriser égoïstement leurs intérêts personnels ; qu'en l'espèce,
en se bornant à affirmer que son opposition apparaissait dictée par des
considérations purement personnelles, sans indiquer en quoi, selon elle,
celui-ci agissait de la sorte dans le seul but de favoriser ses propres intérêts,
la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382
du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le refus de M. Couvaud de voter
l'augmentation de capital indispensable à la survie de la société, avait eu pour
seul but d'entraver le fonctionnement de celle-ci et avait été dicté par des
considérations purement personnelles, notamment son éviction du conseil
d'administration et les intérêts qu'il possédait dans une société concurrente,
dont son gendre, lui-même évincé de la société SAAM, détenait la majorité
du capital ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a
légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois tant principal qu'incident.
B. Sanction
Com., 14 janvier 1992
En ce qui concerne l’abus de minorité, la Cour rappelle que l’octroi de
dommages-intérêts n’est pas la seule sanction possible.
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux Tehranchi, porteurs de parts de
la société à responsabilité limitée Vitama et convoqués à une assemblée
générale du 4 mai 1987 qui devait statuer sur une augmentation du capital de
100 000 à 2 300 000 francs, ont fait savoir qu'ils s'opposaient à la mesure
proposée ; que la société Vitama les a assignés pour voir dire que ce refus
constituait un abus de droit de la minorité et qu'il y avait lieu en conséquence
de l'autoriser à effectuer l'augmentation de capital envisagée dont le principe
avait été arrêté lors de l'assemblée générale extraordinaire du 25 octobre
1986 ;
Et sur le second moyen pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient qu'il n'était pas
démontré que les époux Tehranchi avaient commis un abus de droit en
s'opposant à l'augmentation de capital litigieuse et qu'à supposer qu'un tel
abus pût être établi, cette circonstance ne pouvait avoir pour conséquence
qu'un éventuel recours en dommages-intérêts ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, hormis l'allocation d'éventuels
dommages-intérêts, il existe d'autres solutions permettant la prise en compte
de l'intérêt social, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse
application ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
13
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier
1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence,
la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et,
pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement
composée
Cass.3ème civ., 16 décembre 2009
Le juge ne pouvant se substituer aux organes sociaux, il pourra désigner
un mandataire ad’hoc qui votera au nom des minoritaires (Arrêt Flandin,
Com., 9 mars 1993). En outre, l’arrêt du 16 décembre 2009 précise que
le juge ne peut fixer le sens du vote du mandataire qu'il désigne.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 16 octobre 2008), rendu sur renvoi
après cassation (Civ. 3e, 14 février 2007, pourvoi n° 06-10. 318), que la
société civile immobilière La Varenne-Bourgogne (la SCI) a été constituée
en 1988 avec pour objet l'acquisition d'immeubles " en vue de leur
administration, soit par bail ou autrement, soit par leur attribution en
jouissance gratuite aux associés " ; que les deux cent parts composant le
capital social ont été réparties entre les trois associés à raison de cent pour M.
Y..., quatre-vingt dix pour Mme X..., et dix pour son père, M. X... ; qu'après
le mariage de M. Y... et de Mme X..., la SCI a acquis un immeuble dont la
jouissance a été gratuitement attribuée aux époux ; qu'après le dépôt par
Mme X... d'une requête en divorce, M. Y... a convoqué une assemblée
générale pour voter la suppression de l'attribution gratuite de l'immeuble et
sa mise en location ; que Mme X... et son père (les consorts X...) ayant voté
contre cette résolution, M. Y... et la SCI, alléguant que le vote des consorts
X... constituait un " abus d'égalité ", les ont assignés pour obtenir la
désignation d'un mandataire ad hoc avec mission de voter en leurs lieu et
place l'occupation de l'immeuble moyennant le paiement d'un loyer ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de déclarer cette demande
recevable, alors, selon le moyen :
1° / que le juge ne peut s'affranchir des clauses claires et précises des statuts
qui lui sont soumis et qui font la loi des associés ; qu'il résulte des termes
mêmes de l'arrêt que l'article 21 des statuts de la SCI Varenne Bourgogne
prévoyait, dans le cas où le premier vote en assemblée générale ne ferait
ressortir aucune majorité, que " les associés sont convoqués une seconde fois
et les décisions sont prises à la majorité des votes émis, quelle que soit la
portion du capital représenté, à condition toutefois de ne pas être inférieur au
quart " ; qu'il est constant que la seconde convocation ainsi exigée par les
statuts n'a pas eu lieu ; qu'en considérant néanmoins que ce préalable à la
saisine du juge pouvait être escamoté, pour en déduire la recevabilité de
l'action dont elle était saisie, la cour viole, par refus d'application les articles
1134 du code civil et 122 du code de procédure civile, ensemble viole le
principe selon lequel le juge ne peut dénaturer un écrit clair ;
2° / qu'en ne recherchant pas, comme elle y était pourtant invitée, si loin
d'être inutile dans l'hypothèse même où tous les associés seraient présents ou
représentés dès la première convocation, la réunion d'une nouvelle assemblée
générale n'avait pas notamment pour objet de permettre qu'une résolution
d'abord repoussée soit à nouveau débattue, la cour d'appel ne justifie pas
légalement sa décision au regard des articles 1134 du code civil et 122 du
code de procédure civile ;
14
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé qu'à l'assemblée
générale du 21 juillet 2003 l'ensemble des associés était présent ou représenté
et retenu que cette seconde convocation n'aurait été justifiée que si tous les
associés n'avaient pas été présents à la première et qu'ainsi une seconde
convocation était inutile puisque la majorité aurait été la même eu égard aux
positions exposées par les parties dans la procédure, la cour d'appel, qui
n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations
rendaient inopérantes, a pu, sans dénaturation, en déduire que la demande de
M. Y... et de la SCI était recevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les dire coupables d'un
abus de minorité et de désigner un administrateur ad hoc à l'effet de voter en
leurs lieu et place, alors, selon le moyen :
1° / que l'abus d'égalité ou de minorité postule que l'attitude des associés
auxquels il est imputé fasse obstacle à la réalisation d'une opération
essentielle pour la société ; que pour qualifier " d'essentielle à la survie
financière de la société " la décision de passer d'une jouissance gratuite à une
jouissance rémunérée de l'immeuble, la cour se borne à faire état " des
risques financiers encourus par la SCI du fait de la gestion gratuite de son
immeuble " ; qu'en ne précisant pas la nature de ces risques et en s'abstenant
d'étayer cette assertion de la moindre donnée concrète de nature à la justifier,
quand les consorts X... faisaient pour leur part observer que l'absence de
recettes de la SCI était compensée par l'absence de toute rémunération des
comptes-courants des associés dont les apports avaient permis l'acquisition
de l'immeuble social et par le fait que Mme X... assumait seule les charges
financières de l'immeuble, la cour ne justifie pas légalement sa décision au
regard de l'article 1382 du code civil ;
2° / que la disparition, à la supposer établie, des mobiles intimes qui avaient
présidé à la détermination de l'objet social par les associés fondateurs ne
suffit pas à caractériser la disparition de cet objet, laquelle serait d'ailleurs
seulement de nature à justifier la dissolution de la société ; qu'en considérant
que la séparation des époux, dans l'intérêt desquels avait été arrêté le principe
d'une attribution gratuite en jouissance, avait entraîné la disparition de l'objet
social et que cette donnée permettait également de qualifier d'opération
essentielle à la survie de la société le passage d'une occupation gratuite à une
occupation onéreuse de son immeuble, la cour prive de nouveau sa décision
de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, violé ;
3° / qu'en considérant que l'attribution en jouissance gratuite de l'immeuble,
au profit d'un seul des associés, était contraire à l'intérêt social, sans
s'expliquer, comme elle y était invitée et comme l'avaient observé les
premiers juges, sur le fait que dès l'origine, M. X... , bien qu'associé de la
SCI, n'avait quant à lui jamais bénéficié, de façon effective, d'un tel droit de
jouissance, la cour prive encore sa décision de base légale en violant l'article
1382 du code civil ;
4° / que l'abus d'égalité ou de minorité postule que l'attitude des associés
auquel il est imputé, non seulement interdise la réalisation d'une opération
essentielle pour la société, mais qu'elle soit également dictée par l'unique
dessein de favoriser leurs propres intérêts au détriment des autres associés ;
que Mme X... soulignait que l'attribution en jouissance gratuite de
l'immeuble était profitable, non seulement à elle, mais également aux deux
enfants issus de son mariage avec M. Y... ; qu'en ne recherchant pas si, sous
cet angle, le maintien de l'occupation gratuite n'était pas conforme, tant à
l'objet et à l'intérêt de la société, qui avait pour but dès l'origine de permettre
15
aux deux principaux associés de loger leur famille, qu'à l'intérêt commun des
associés, compte-tenu de cette coparentalité, la cour prive encore sa décision
de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
5° / qu'aucun abus de minorité ou d'égalité n'est caractérisé lorsque la
situation dénoncée trouve son origine, non dans l'attitude des associés
défendeurs, mais dans le fait ou la décision préalable du demandeur ; qu'en
ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la rupture d'égalité
dénoncée par M. Y... n'était pas entièrement imputable à la décision préalable
qu'il avait unilatéralement prise de quitter l'immeuble appartenant à la SCI et
de renoncer ce faisant à l'exercice effectif de son droit à la jouissance gratuite
de l'immeuble, la cour prive de nouveau sa décision de base légale au regard
de l'article 1382 du code civil, violé ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le refus de deux des associés de voter en
faveur du versement d'un loyer en contrepartie de l'occupation, par un seul
des associés, constitue à la fois une atteinte à l'objet social et à l'intérêt
général de la société et que le vote de la gestion rémunérée de l'immeuble
doit être qualifiée d'opération essentielle à la survie financière de la société,
la cour d'appel, qui en a déduit qu'en refusant de procéder à un tel vote les
consorts X... avaient refusé de voter une opération essentielle à la société, a
légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1853 du code civil ;
Attendu que l'arrêt retient que la mission de l'administrateur ad hoc doit
consister à voter, aux lieu et place des consorts X..., en faveur d'une
occupation de l'immeuble moyennant le versement d'un loyer et, aux lieu et
place de M. Y..., l'affectation des loyers au remboursement des comptescourants d'associés au prorata de ceux-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le juge ne peut fixer le sens du vote du
mandataire qu'il désigne, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la mission de
l'administrateur ad hoc consistera à voter aux lieu et place des consorts X...
en faveur d'une occupation de l'immeuble litigieux moyennant le versement
d'un loyer et à voter aux lieu et place de M. Y... l'affectation des loyers au
remboursement des comptes courants d'associés au prorata de ceux-ci, l'arrêt
rendu le 16 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où
elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant
la cour d'appel de Lyon ;
Bibliographie : D.Tricot, Abus de droit dans les sociétés : abus de
majorité et abus de minorité, RTDCom. 1994, p.617 ; E. Lepoutre, Les
sanctions des abus de minorité et de majorité dans les sociétés
commerciales, Dr. et Patrimoine 12/1995, p.69 ; A. COURET, L’abus et
le droit des sociétés, Dr. et Patrimoine 06/2000, p.66.
Questions
16
1°/ Quelle est la définition jurisprudentielle de l’abus de majorité ? de
l’abus de minorité ? Ces définitions font-elle l’objet d’une jurisprudence
constante ?
Quelles sont les hypothèses dans lesquelles la jurisprudence a pu dégager
ces solutions ?
2°/ En matière d’abus de majorité, quels sont les fondements possibles de
l’action ? Quelles sont les différences entre les actions ?
3°/ Quelles sont les solutions retenues en jurisprudence concernant les
conséquences de l’action en abus de minorité ?

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