Pessimisme Maximum vol.2 - L`Investisseur Français

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Pessimisme Maximum vol.2 - L`Investisseur Français
L’INVESTISSEUR
FRANÇAIS
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Pessimisme Maximum vol.2
Juillet 2015
Le cours de Sears Holdings a
baissé d’un tiers en l’espace d’à
peine dix jours.
Serge : Ah bon ? Nous avons reçu
un dividende spécial entre $3,5 et
$6. Pour une action qui cotait $35
au moment du détachement, c’est
déjà sympathique.
Il n’empêche que l’action SHLD
est tombée à $24 aujourd’hui.
Rassure-nous, l’IF est-il toujours
aussi
performant
sur
ses
investissements ?
Les soldes sont ouvertes. Qui va
s’en plaindre ?
C’est ce que tu dis aux gens qui
paient mille euros l’adhésion au
Club de l’IF ?
Soyons sérieux. Ce qui se passe
fondamentalement, c’est que la
holding vient de rentrer $3B de
cash pour de l’immobilier qui était
porté
au bilan
à
$1,2B.
Apparemment, le fait de réaliser du
profit ne satisfait pas le marché.
Et maintenant ?
Au niveau consolidé, les pertes ont
commencé à se réduire. Il reste
$7B d’immobilier porté à son coût
d’acquisition, en plus de tous les
autres businesses de la holding :
KCD, Home Services, Auto
Centers, Sears Guarantee, Sears
Re, sans même évoquer Sears
Roebuck et Kmart, les marques
genre Nicky Minaj ou les
pharmacies de K-Mart [NDLR :
voir l’Aparté « Sur Le Grill » pour
la valorisation de ces entités]. Tout
cela, plus les $3B qui rentrent en
caisse via Seritage et les jointventures… et Sears Holdings
s’échange pour $2,8B. Ce n’est
franchement pas de l’analyse de
haute volée, plutôt du calcul
niveau cours élémentaire.
____________________________
UN CAS D’ECOLE EN
GRAHAM & DODD,
LA DECOTE LA PLUS
SPECTACULAIRE DE
LA COTE AMERICAINE
____________________________
Donc tu penses que c’est une
bonne affaire ?
Comment as-tu deviné ?
Et la dette ?
Il y en a un peu, mais il y a aussi
tout ce qu’il faut en actifs pour
largement la couvrir.
Selon la norme GAAP, les $7B
d’immobilier sont portés au bilan
au coût d’acquisition. Sousentendu : au prix du marché, ces
$7B valent beaucoup plus.
On sait que le prix de l’immobilier
aux Etats-Unis a été multiplié par
[1]
huit en soixante ans : chacun peut
en tirer les conclusions qu’il veut
quant à la valeur du foncier
historique de Sears… Mais en
réalité, on s’en fiche : même s’il ne
valait que ces $7B inscrits au
bilan, ce serait très bien aussi.
Et Shop Your Way ?
C’est un business infiniment
supérieur à la location du foncier.
Sans blagues ?
Il n’y a aucun capex là-dedans. Si
ça tourne, on tient une cashmachine en or massif.
Pas pour te bousculer, mais
quand les références dans le ecommerce sont des poids-lourds
comme Amazon ou Wal-Mart, il
faut du cran pour soutenir que
SYW est une call-option valable...
La plupart des gens pensent que
Shop Your Way est un concurrent
d’Amazon, soit une boutique en
ligne qui sert à mettre en avant les
produits Sears. Mais ce n’est pas
du tout ça ! Shop Your Way est un
programme
de fidélité
qui
s’adresse potentiellement à tous les
consommateurs et tous les
marchands, que ce soit Wal-Mart,
Target, Sears, ou d’autres marques
et plus petits détaillants.
Tu veux dire que c’est de la soustraitance de programme de
fidélité ?
Oui, ainsi qu’une nouvelle vitrine
sous forme de réseau social pour
mettre en avant des produits et des
offres. Au niveau de la galaxie
Sears, c’est la possibilité de
promouvoir
des
services
directement liés à leur empreinte
géographique inimitable sur tout
le territoire.
Un Blue Chip Stamps [NDLR :
l’une des premières acquisitions
phares de Berkshire Hathaway]
version digitale ?
Donc il y aurait un authentique
intérêt à s’affilier à Shop Your
Way ?
Et pas que pour les distributeurs,
aussi pour les marques, comme
Rolex par exemple, qui a rejoint le
programme depuis un certain
temps déjà. N’importe quel
vendeur peut s’exposer à une
communauté de dizaines de
millions de personnes : pourquoi
s’en priver ?
____________________________
Précisément. Et le charme de Blue
Chip…
… La génération d’un flottant ?
Bingo. Sears Re et KCD [NDLR :
le business de licencing] peuvent
aussi sortir du flottant. Pour un
investisseur comme Lampert, une
fois la transformation terminée, ça
ferait beaucoup de flottant à
réinvestir.
Un indice de plus que Sears
Holdings pourrait devenir un
futur Berkshire Hathaway ?
Peut-être. Il existe des dizaines de
scénarios potentiels. A notre stade,
nous restons concentrés sur la
marge
de
sécurité
et
la
préservation du capital.
En pratique, ça donne quoi Shop
Your Way ?
Par exemple, tu achètes une
machine à laver chez Home Depot
en utilisant tes points Shop Your
Way. Sur la même plate-forme, en
quelques clics, tu obtiens le
meilleur prix, un discount via le
programme de fidélité, et Sears
Home Services vient te l’installer.
La plate-forme est communautaire,
bâtie comme un réseau social, avec
les revues des membres et toutes
les fonctionnalités qu’on attend de
ce type de support.
Il ne s’agit pas du tout d’un
concurrent de Home Depot ou de
Wal-Mart…
C’est un partenaire, l’occasion
pour eux de faire plus de ventes et
de fidéliser plus de clients. Pour
moi c’est un vrai coup de génie :
parvenir à se lancer ainsi dans le
retail online sans concurrencer les
champions du secteur, genre
Amazon, c’est fort, très fort !
SHOP YOUR WAY,
SEARS RE, KCD :
DU FLOTTANT A
REINVESTIR POUR
EDDIE LAMPERT
____________________________
Nous avions déjà présenté Shop
Your Way dans le premier Aparté
de l’IF, tout entier consacré à
Sears. Tu avais manifesté
quelques réserves à l’époque. Ton
opinion a-t-elle évolué depuis ?
Mon opinion a très positivement
évolué, même si j’éprouve toujours
des réserves et que je suis très
content d’avoir la marge de
sécurité sur actifs pour les
compenser. Au niveau du service,
la
plate-forme
s’est
spectaculairement métamorphosée
en deux ans, pour le meilleur.
Outre Sears et K-Mart, de
nombreux autres noms se sont
greffés au programme, comme
Wal-Mart
récemment.
Les
partenariats se mettent en place.
On voit qu’il y a une politique
d’acquisition des membres très
agressive, et c’est la raison qui
explique qu’il y ait des pertes dans
la holding. Je sais que j’ai l’air de
faire de la provocation en disant
ça, mais selon moi Sears pourrait
tout à fait être profitable
aujourd’hui.
prend forme, mais bien sûr elle ne
se fait pas du jour au lendemain.
Tout ça est très bien expliqué
dans les présentations qui
accompagnent les résultats.
Tout à fait. Pour l’instant, on
comprend qu’il privilégie de
réinvestir dans le business plutôt
que de le milker. Il y a un coût
d’acquisition des membres à
supporter, c’est une condition
préalable à leur engagement sur la
durée. En l’état, et attention ce
n’est que ma modeste opinion, sa
stratégie est rationnelle et fait
parfaitement sens.
C’est un peu comme l’IF à
l’époque où nous lancions le
Club, et faisions d’outrancières
réductions pour le développer.
C’est exactement la même chose,
mais bien sûr à une échelle
moindre... Le Club n’a pas les
dizaines de millions de membres
de Shop Your Way, ni une
empreinte
géographique
qui
recouvre toute l’Amérique du
Nord. Tout le monde comprend
bien qu’intrinsèquement le Club de
l’IF est un excellent business
model, mais ce qu’on oublie un
peu vite, c’est que nous avons
perdu de l’argent pendant plus
d’un an.
Il fallait supporter
d’amorçage…
le
coût
Je pense qu’il est nécessaire et
honnête de reconnaître que Shop
Your Way nous a beaucoup inspiré
pour concevoir le Club. Serving
your members, on est en plein
dedans chez l’IF.
Qui disait qu’un bon investisseur
devait avant tout penser comme
un entrepreneur ?
L’inverse est tout aussi vrai.
autant
Revenons-en à SYW. Comment le
recrutement progresse-t-il ?
S’il voulait, Lampert pourrait
milker le business avec ce qu’il a
déjà en place comme boutiques
profitables et sa communauté
existante d’utilisateurs engagés,
en plus de liquider son patrimoine
foncier. Il ne le fait pas, et à mon
avis, il a raison : la transformation
Les statistiques précises ne sont
pas dévoilées. Par contre, on sent
comme le management est
extrêmement positif dans les
conference calls. On voit les ventes
en
ligne
progresser :
elles
atteignent $4B aujourd’hui, c’est
significatif. Le système marche
mais il empiète sur les marges. On
Tu as toujours
d’imagination ?
[2]
eu
voit que la marge brute n’évolue
pas favorablement depuis des
années, alors qu’on s’oriente vers
un
business
aux
dépenses
opérationnelles très inférieures…
Pourquoi ? Parce qu’on fait du
discount pour recruter ?
Exactement. C’est Sears
qui
supporte le coût d’acquisition des
premiers membres, en finançant
leurs premiers achats. Dans le
club, Thomas disait qu’il avait
payé $1 pour une boite de Lego...
On sait bien qu’une boite de Lego
vaut normalement plus que $1…
En fait, c’est Sears qui lui paie sa
boite de Lego (rires) ! C’est
mauvais pour les marges, mais
positif pour que Thomas revienne
un jour utiliser la plate-forme et
utiliser ses points de fidélité.
Ce n’est pas inquiétant de confier
son capital à des gens qui bradent
ainsi le business ?
On sait pourquoi ils le font, et on
se doute bien que ça ne va pas
durer. Ce ne sont pas des débiles
aux commandes : ce sont des gens
qui savent ce qu’ils font, et qui
pour l’instant sont satisfaits des
résultats qu’ils obtiennent.
____________________________
LAMPERT ETAIT
IL Y A QUELQUES
ANNEES ENCORE L’UN
DES INVESTISSEURS
NORD-AMERICAINS
LES PLUS RESPECTES
____________________________
Lampert, c’est le genre pas un
centime qui pète de travers ?
C’est le genre pas un centime qui
ne produit pas de ROI.
La capitalisation boursière de
Sears a été divisée par dix ans
cinq ans.
Hors spin-offs et autres émissions
de droits.
Comme il détient la moitié de
Sears, en termes de ROI il a été
servi…
Son rendement annualisé est tout à
fait correct si tu comptes le produit
de toutes les opérations genre spinoffs. Autrement, que ce qu’il faille
faire à long-terme te fasse passer
pour un crétin à court-terme, c’est
très classique. Je ne vais pas
t’apprendre ça.
Un message caché derrière ce
sous-entendu ?
D’ailleurs, ça n’a pas marché…
Le retail a évolué.
La majorité des généraux
continuent de se préparer pour la
guerre d’avant.
Ce sont les visionnaires doublés de
fin stratèges qui l’emporteront.
Aucun message caché (rires).
Des gens comme Lampert ?
On sait tous qu’Eddie Lampert est
un crétin fini…
Même s’il y a peu il était l’un des
investisseurs les plus respectés en
Amérique du Nord. Beaucoup de
gens continuent de voir Sears
comme un retailer mais, en réalité,
c’est de plus en plus un laboratoire
IT… De toute façon, un retailer
qui n’aurait pas de stocks, et c’est
justement le but de Lampert, ça n’a
pas vraiment de sens… Cela fait
des années qu’il réduit le BFR, et
ça nous permet de nous faire une
idée assez précise de ce qu’il veut
faire de Shop Your Way.
Un intermédiaire dématérialisé
entre les membres et les autres
commerçants…
Qui propose des réductions, des
programmes de fidélité, les
avantages d’un réseau social et
toutes la panoplie de services de la
galaxie Sears. Home Services,
c’est
le
premier
service
d’assistance
technique
en
Amérique du Nord.
Il est trop tôt pour le dire.
Il reste Sears et K-Mart, qui sont
encore les businesses retail de
papa.
Oui, mais on réduit la voilure pour
ne plus garder que les meilleurs
emplacements. Certains magasins
ont encore un ROI démentiel,
comme en Floride par exemple. La
fréquentation y est extraordinaire,
et contraste avec le délabrement de
certains magasins perdus au milieu
du Midwest, ceux qu’on nous
montre à longueur de temps pour
faire du sensationnel.
Sensationnel ou pas, il y a
pléthore de magasins qu’on laisse
tomber en ruine…
Ils gardent les activités et les
magasins qui font du ROI, et
abandonnent celles et ceux qui
n’en font pas. N’est-ce pas ce que
l’on
doit
attendre
d’un
entrepreneur rationnel ?
Présenté ainsi…
C’est le SAV Darty local ?
Si on veut.
J’ai noté que Sears recrute
agressivement ces temps-ci…
Des ingénieurs et des statisticiens,
des spécialistes internationaux du
big data, des spécialistes réseau et
SEO...
En revanche, pas de caristes ni de
chefs de rayons.
Sears aujourd’hui n’a déjà plus
grand-chose à voir avec le Sears de
papa… Quand Lampert parle de
transformation,
il
choisit
judicieusement ses mots. Ce n’est
pas d’un turnaround à la JCPenney
qu’il s’agit, du genre investir dans
la décoration des boutiques pour
tenter d’attirer le chaland.
[3]
Mais cela prend du temps, a
fortiori pour un business aussi
gigantesque que Sears. Et puis il
faut garder à l’esprit qu’on
commet parfois des erreurs...
Quelqu’un qui ne fait pas
d’erreurs, c’est quelqu’un qui
n’entreprend pas.
____________________________
SHOP YOUR WAY,
CLUB DE L’IF :
DEUX BUSINESSES
COMPARABLES
____________________________
Le Club de l’IF se développe
spectaculairement, mais nous
aussi nous avons connu des
débuts difficiles…
Notre première plate-forme était
peu ergonomique et peu pratique,
avec quelques bugs et un design
vieillot, et nous ne proposions pas
un dixième des services qu’on y
trouve aujourd’hui. Les premiers
balbutiements hasardeux ne nous
ont pas empêchés d’évoluer, parce
que nous avions une idée d’où
nous voulions aller, et parce que
nous étions prêts à apprendre de
nos erreurs.
SYW s’est déjà métamorphosé
depuis quelques mois…
Avec un business zéro capex et
une extraordinaire base de
membres à monétiser, si les
services
rendus
sont
authentiquement pertinents – et je
pense qu’ils le sont, et que
l’empreinte géographique de Sears
y fait beaucoup – il y a de quoi
pulser et sortir du free cash-flow…
beaucoup de free cash-flow.
Les gens qui se moquent de l’IF à
cause de Sears, que leur répondstu ?
Je les félicite : c’est bien qu’ils
pensent indépendamment. Si tout
le monde était d’accord avec nous,
je serais très inquiet.
Merci pour cette mise à jour du
dossier Sears.
C’est un inépuisable sujet de
discussion…
Dans le dernier Aparté, nous
survolions Alliance Holdings, une
autre situation intéressante avec
un
allocateur
de
capital
exceptionnel à la tête du business.
[…] Fin de l’échantillon.
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