les Enfants du sabbat 14

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les Enfants du sabbat 14
maxime BAUDOUIN hélène BIGNER clément MURIN sophie
BONNET-POURPET victor BULLE morgan COURTOIS anna DANILO
hugo LIVET maxime LAMARCHE nelly MONNIER ye-eun MIN
mélika SHAFAHI
le CREUX DE L'ENFER
centre d'art contemporain
Thiers - Auvergne
les Enfants du sabbat 14 –
Le tropisme de Blanche-Neige
Ce sont quatre cadres photographiques avec peinture sur verre que
Très imprégnée d’art moderniste et de culture populaire, sophie BONNET-
maxime BAUDOUIN présente au Creux de l’enfer. L’espace d’exposition,
POURPET écrit de manière spontanée. Telle une Micheline type 23 avec un
et son vide aussi, en sont les deux sujets, laboratoire spatial à exploiter.
poste de conduite à chaque extrémité, transversale et obstinée est son
L’artiste entreprend de l’ausculter dans une épaisseur multiperceptive,
activité créative : l’artiste construit des sculptures en relation avec des
stratifiée et hiérarchisée, peinte et photographiée. Il en ressort une
métarécits ; et elle rédige des récits qui se matérialisent en
étrange représentation plastique, heuristique, mystérieuse, et qui
métasculptures. D’un périple au Mexique — puis à Los Angeles — elle a écrit
renvoie l’espace à la règle inventée. L’œuvre possède une profondeur
un étrange texte digne des Angelins, parsemé d’anecdotes pour
quelque peu opaque : interface à empilement, supraréalité en points de
Séraphins. Transposition plastique, l’œuvre, dans son archiforme
vue multipliés. Son champ d’instrument visuel inclut dans son procédé et
désarmante, convoque « salle des bouquets » et Theo Van Doesburg,
l’apparence donnée et sa profondeur cachée.
maquette boîte à chaussures dépliable et dépliage solaire : papier peint
protéiforme doté d’une haute teneur existentielle.
hélène BIGNER affirme une recherche photographique laborantine entre
autochrome photographique et image fabriquée/ numérisée. L’artiste
Dans la mythologie grecque, Poséidon rend Pasiphaé amoureuse d’un
saisit au plus près des portraits de proches, filtre mat accolé à l’objectif,
taureau blanc, et Dédale ne trouve rien de mieux à faire que de lui
puis les rephotographie à travers l’écran ordinateur. Il en ressort une
construire une vache en bois montée sur des roulettes. victor BULLE se
icône floue, ni photo documentaire ni photo d’identité, à la frontière du
saisit avec panache de cette symbolique atemporelle pour illustrer la
lisible, pixelisée, picturale au pointillisme carré. Cette figure quasi
solitude d’un être qui transgresse les principes admis de son temps.
abstraite, aux couleurs franches, acquiert alors une sensibilité visuelle
Formellement, l’artiste affirme sa version par une installation fétichiste
qui bascule vers le sens du toucher, d’une incomparable douceur veloutée.
en construction dépouillée : dessins au Bic épinglés, carrelage, néon,
De nature optique, l’image se pare avec grâce d’une peau sensuelle
mobilier fixe et roulant, chaussettes de sport, slips en coton souillés d’or,
haptique.
baskets, jock straps, cheveux, préservatif, coulures de cire…
morgan COURTOIS fait miracle de tout ce qu’il trouve et ne conserve
Véritable MacGyver des Enfants du sabbat, l’ingénieux maxime
rien de tout ce qu’il fait. C’est un choix, peu matérialiste. Pensée
LAMARCHE, couteau de Thiers en poche et diplôme des beaux-arts en
inductive en activité, il part souvent d’un fait particulier. De la parade
main, reprend sa Ford Taunus 76 dont la partie arrière flottait déjà, œuvre
nuptiale sophistiquée du Lophorina superba à des gestuelles de bataille,
amphibie, dans un bassin du Jardin des plantes de Nantes. L’artiste a fait
ces images font partie de ce qu’il conçoit ensuite comme un épisode. Pour
de l’avant un hors-bord typé Mad Max, prototype de véhicule hybride
Rosalind Krauss l’œuvre est une métaphore, un double du « moi », paré de
entre projet de tuning dubaïen et vaisseau fantôme, solidairement ancré
ses plus beaux atours pour mieux atteindre l’autre. L’humanité aussi, et
à sa remorque dystopique. La sculpture, roulante et routarde, met à
son économie, oscillent dans une herméneutique opaque. De la grotte à
disposition la commande de son volant, offrant au visiteur la liberté de
l’étage, théâtre troglodytique où siègent des fauteuils de cinéma, le
vaguer dans ses embruns nomades.
monde est surtout scène de combats, corneilles dans un parc.
Pour hugo LIVET le motif en dessin, à l’instar du don, est un processus
« Est-il possible d’être révolutionnaire et d’aimer les fleurs ? » demanda
pensé dans l’intimité de chacun, une structure en rhizome à cultiver et à
un proche à Lénine. Après Henri Matisse et Ellsworth Kelly, la question ne
partager, une feinte bénéfique. Son intervention performative le soir du
se pose plus. Pour le premier, la fleur se découpe entre forme et fond,
vernissage corrobore son action : ÉTREINDRE LE PUBLIC PAR L’OFFRANDE D’UN
dans un vase ou sur une table. Pour le second, rien du support et du fond,
OBJET PSYCHO-MAGIQUE. C’est une sculpture miniature, compacte, de
juste la fleur au trait courant vers sa tige. Chez anna DANILO même la
substance résine acrylique et à série limitée. Sa molécule artistique,
tige n’y est plus, juste la fleur, sa production colorée, ses lignes
hormone palliative du bonheur, sérotonine plastique, circulera de main en
géométriques, ses arabesques toniques. En aplats ou non, une fleur étale
main pour le bien de chacun.
ses pétales, huile sur toile, couleurs mouvantes et matière encore
vivante, jamais fanée. Et si la fleur est un motif visuel qui égaie la nature,
La chambre à coucher, ainsi exhibée par ye-eun MIN, n’a rien d’un caisson
la finalité n’est pas de faire ressembler son motif à la fleur. Le sujet est
d’isolement, elle s’offre aux regards du public. Pendant longtemps, en
dans le motif à peindre.
Asie, les familles ont dormi ensemble dans une même pièce, cette
chambre marque donc le refuge d’une individualité plurielle, lieu cosy de
repos et de désirs secrets. Comme toute chambre, elle accueille un
mobilier succinct : lit, table de chevet, bureau, horloge. Sauf que l’ordre
spatial et son mobilier ont été bouleversés, déconstruits et découpés,
puis reconstruits autrement, ouverts et dépliés. Tel un cube de Rubik
creux, sans axe central mais d’échelle humaine, l’œuvre propose son
potentiel à multiples facettes.
nelly MONNIER peint de vastes et beaux paysages panoramiques. Ce
Le tropisme d’orientations vers lequel tend cette quatorzième édition
sont des compositions de nature désertique, grandiose, presque sauvage.
d’artistes représentés dans les Enfants du sabbat, vise l’interprétation
Pourtant, à y regarder de plus près, cette nature pourrait bien mettre en
du monde autant que sa nature réceptive. Ils sont douze à mener une
péril les réalisations humaines, architecturales ou navales, qui la bravent.
recherche aux formulations et postures créatives émergeant de leur
Le traitement pictural, à l’huile et à l’acrylique sur support rigide, est
réflexion active. L’utilisation des procédés et registres convoqués, une
suffisamment souple pour susciter une narration dans l’esprit du
sensibilité réfléchie dans le savoir-faire de la main, démontrent un souci
regardeur. Chaque tableau en effet, seul ou en diptyque, dépeint
naturaliste soudé à une approche conceptualiste renouvelée. Explorant le
subtilement son énigme. L’intervalle qui sépare l’ensemble somptueux du
déjà-vu pour le réimplanter autrement et dans l’imprévu, croisant des
détail d’achoppement, comme le titre de l’œuvre, creuse le quiproquo mais
cultures et des formes à priori réfractaires entre elles, ces créateurs
n’ôte rien à la pure contemplation.
s’affirment pour une heure nouvelle, révisant s’il le faut les grands
mythes, sujets et contes universels ; même les fleurs, même Blanche-
Avec Rodin, les os et les muscles marquent de reliefs la peau des
Neige.
modèles. La modernité, à contrario, refoule la profondeur mais accuse
l’apparence et le message. Avec tant d’enseignes lumineuses, publicitaires
Frédéric Bouglé, commissaire de l’exposition
ou de marketing, notre actualité s’affiche dans une scénographie
janvier 2013
organisée. clément MURIN s’inspire de l’architecture de ces dispositifs
urbains, retirant en réaction tout le contenu du contenant, la fonction et
l’injonction du slogan. Il s’empare du corps de ces structures porteuses
après en avoir extirpé l’organe officiel. Il en résulte, par réduction,
agrandissement et ascèse formelle, des volumes à l’état de squelettes,
des modules sculpturaux justes et épurés.
De Michael Haneke à Claude Lévêque, certains auteurs se sont arrêtés
sur la perte de l’innocence enfantine, condition de l’éveil d’une chrysalide
juvénile. Avec cette série intitulée « Snow White » [Blanche- Neige ],
mélika SHAFAHI s’empare d’un conte sans frontières déclinant une série
de saynètes photographiques. Les clichés d’une culture persane
traditionnelle se confondent avec une autre, plus occidentale, qui
imprègne désormais la jeunesse iranienne. La figure angélique de l’héroïne
centrale, brune ou blonde, est costumée d’un bleu fatal et toujours
entourée de sept personnages masculins, mais ici point de nains.
Children of the Sabbath 14
Snow White’s tropism
maxim BAUDOUIN presents four photographs with painting on glass at the
In Greek mythology, Poseidon made Pasiphae fall in love with a white bull, and
Creux de l’Enfer. A space laboratory to operate, the exhibition hall and its space
Daedalus had nothing better to do than build a wooden cow on wheels. victor
are the two subjects. The artist examines it in multi-perceptive layers,
BULLE seized this timeless symbolism with panache to illustrate the solitude
stratified and hierarchical, painted and photographed. It produces a strange
of one who transgresses the principles recognized by his time. Formally, the
plastic representation, heuristic, mysterious, taking the space to the invented
artist makes a statement using a fetishist installation with bare construction:
rule. The implementation reveals a somewhat opaque deepness, stacked
pinned ball-point pen drawings, tiling, neon, wheeling and fixed furniture, sports
interface, in a super-reality with multiple viewpoints. The visual instrument’s
socks, gold-soiled cotton panties, sneakers, jock straps, hair, condoms, wax
field includes the given appearance and its hidden depth in the process.
runs
hélène BIGNER attests to photo lab research somewhere between the
morgan COURTOIS performs miracles with everything he finds and conserves
photographic autochrome and the manufactured/scanned image, that is neither
nothing of what he produces. It is a choice that is not very materialistic. In a
documentary nor identity photography. The artist captures intimate portraits
process of inductive thinking, he often uses a particular fact as a starting
of close family members, with a mat filter attached to the lens, then re-
point. From the Lophorina superba’s sophisticated mating dance to battle
photographs them via the computer screen. It produces a blurred icon, on the
gestures, these images are part of what he sees as an episode. For Rosalind
limits of the readable, pixelated, in a squared pointillist pictoralism. This almost
Krauss art work is a metaphor, a copy of the ego adorned in formal dress to
abstract figure, with bold colors, then acquires a visual sensitivity switching to
attract the other. Humanity, like its economy, oscillates in opaque
the sense of touch, an incomparable velvety softness. The image of optical
hermeneutics. From the cave to the next floor, in a troglodytic theater filled
nature
flesh.
with cinema seats, the world is mainly a combat scene, carrion crows in a park.
Quite influenced by modernist art and popular culture, sophie BONNET-
“Is it possible to be revolutionary and love flowers?” asked a person close to
POURPET writes in a spontaneous way. Like a push-pull locomotive, her
Lenin. Since Henri Matisse and Ellsworth Kelly, the question was no longer asked.
creative activity is cross cutting and obstinate: the artist builds sculptures in
For the former, the flower is outlined between form and content, in a vase on a
relation to “meta-narratives” and writes stories that materialize as meta-
table. For the latter no substrate or content, just the flower’s line running to
sculptures. Back from a trip to Mexico—then Los Angeles—she has written a
the stem. With anna DANILO there is no longer a stem—just the flower, its
strange text worthy of Angelinos, sprinkled with stories for Seraphims. In its
colorful production, its geometric lines, tonic arabesques. Flattened or blooming,
plastic transposition, the work in a disarming absolute form, evokes a “salle des
a flower spreads its petals, oil on canvas, moving colors and live material, never
fleurs” and Theo Van Doesburg, the model in a folding shoebox and solar
wilting. And if the flower is a visual motif that brightens nature, the finality of
unfolding: protean wallpaper with a highly existential content.
the motif is not to look like the flower. The subject is in the painted motif.
is
gracefully
adorned
with
sensually
haptic
...
The ingenious maxime LAMARCHE, the MacGyver of Children of the Sabbath,
With Rodin, bones and muscles mark the reliefs of his models’ skins. Modernity,
with his Thiers pocketknife and Fine Arts degree in hand, revisits his 76 Ford
in contrast, represses depth, summoning appearance and the message. With so
Taunus whose back half already floated in an amphibious work in the Jardin des
many signs, advertising or marketing, our present time is displayed in an
Plantes of Nantes. The artist has made a Mad Max type speedboat out of the
organized setting. clément MURIN inspired by the architecture of these urban
front, prototype of a hybrid vehicle somewhere between a dubaï tuning project
devices, in response removes the entire contents of the containers, the
and a ghost ship, anchored to its dystopian trailer. The sculpture, freewheeling
function and the command of the slogan. He takes over the body of these
and on wheels, is available for steering, the visitor is free to roam on its
bearing structures, extirpating its official organ. The result by enlargement and
nomadic waves.
the formal asceticism, reduces the volumes to skeletons, to purified sculptural
For hugo LIVET the motive for drawing—like for giving—is a thoughtful process,
in the privacy of each individual, a rhizome structure to grow and share, a
beneficial feint. His performance on the opening night corroborates his action:
EMBRACING THE PUBLIC BY OFFERING OF A PSYCHO-MAGICAL OBJECT. It is a compact
miniature sculpture, produced in a limited series, the substance is acrylic resin.
The artistic molecule, a palliative happiness hormone, plastic serotonin, will
circulate by hand for the well- being of everyone.
modules.
From Michael Haneke to Claude Lévêque, some authors have dwelt on the loss of
childhood innocence, the state of awakening to its juvenile chrysalis. With this
series titled “Snow White” mélika SHAFAHI uses a universal fairy tale declining
a series of photographic scenes. Clichés of traditional Persian culture merge to
a more Western one that now permeates Iranian youth. The angelic figure of
the heroine, in a fatal blue costume is constantly surrounded by seven male
The bedroom exhibited by ye-eun MIN has nothing of an isolation room, it more
characters, but dwarves there is none.
offers itself to the public eye. Forever Asian families have slept together in a
Tropism of orientations toward which this fourteenth edition of artists
common room; this room especially marks the refuge of plural individuality, a
represented in the Children’s Sabbath aims to the interpretation of the world
cozy place for resting and secret desires. Like each bedroom, this one’s brief
as well as its receptive nature. Twelve artists have conducted research in
furnishings consist of a bed, bedside table, desk and a clock. But the spatial
formulations and creative postures, emerging from their active reflection. The
order and furniture have been disrupted, deconstructed and cut into pieces,
use of the processes and registers implemented, the reflected sensibility in
then reconstructed differently, opened and unfolded. Like a Rubik’s Cube
the expertise of the hand, demonstrate a naturalistic concern combined with a
without the central axis but on a human scale, the work offers its
renewed conceptualistic approach. Exploring the dejà vu to relocate it in the
multifaceted
unexpected, crossing
potential.
contentuous cultures and form, these creators argue for a new era, revisiting
nelly MONNIER paints vast and beautiful panoramic landscapes. These
great myths, stories and universal subjects, even flowers and Snow White.
compositions are of a desert nature, grandiose and almost wild. However,
looking closer, we see that this nature could endanger human achievements:
architectural, naval, that challenge it. Her pictorial treatment in oil and acrylic
Frédéric Bouglé, curator of the exhibition
on its rigid support is flexible enough to excite the mind to the narrative. Each
January 2013
painting, alone or in a diptych, subtly depicts its enigma. The interval between
the sumptuous ensemble and the snagging detail, like the title of the work,
deepens the misunderstanding, but does not lessen the pure contemplation.

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