24 décembre La Libération de l`Italie
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24 décembre La Libération de l`Italie
24 décembre La Libération de l’Italie Une veillée de Noël Mer Tyrrhénienne, 00h30 – La seconde partie du convoi allié commence à quitter la rade de Palerme. 03h30 – La jonction entre les bateaux de Palerme et ceux venus de Tunis et Bizerte se fait à la hauteur de l’île d’Ustica. Le convoi, sous la protection de son escorte rapprochée mais aussi des porte-avions et de la Strike Force de l’amiral Rawlings, met le cap sur Naples. 07h45 – Deux avions sont détectés, espacés de 30 nautiques. Si les Martlet II du Sqn 806 (HMS Indomitable) règlent son compte au premier (un Ju 88), le second (un Bf 110 D) détecte le convoi. L’information est immédiatement transmise au maréchal Kesselring, qui a établi son quartier général au sud de Bologne. Bologne, 08h45 – Kesselring met toutes les troupes allemandes en alerte. ……… Livourne, 11h00 – Le capitaine de corvette (et prince) Borghese, qui commande la Decima en l’absence du CF Forza, reçoit un message codé de GeneralMas ordonnant à toutes ses unités de prendre la mer avant la nuit, en embarquant le maximum de spécialistes et d’armes spéciales, pour gagner la Sardaigne ou Naples. Rendu soupçonneux par l’atmosphère générale d’incertitude qui règne depuis l’éviction de Mussolini et par le caractère insolite du message, Borghese essaye d’obtenir confirmation de cet ordre : malgré de nombreuses tentatives, il ne réussit ni à joindre son chef ni à contacter qui que ce soit à Rome. Il ordonne la mise en alerte de son unité sans lui faire quitter ses casernements. ……… Rome, 11h45 – L’ambassadeur Rahn, reçu par Badoglio, l’informe du repérage du convoi allié. « Nous les attendons de pied ferme, répond le maréchal. La bataille décisive aura lieu vers Cosenza. » Et Badoglio en profite pour demander à l’ambassadeur de faire accélérer les livraisons de mazout à la flotte italienne ! Rahn promet de s’en occuper et l’entrevue prend fin vers 12h20. ……… Gênes et La Spezia, 12h30 – Toutes les unités en état de naviguer quittent les deux bases ou se mettent en mesure de le faire. Pour ce qui est des navires de surface, à Gênes, les torpilleurs anciens Palestro et San Martino, les modernes Ariete, Arturo et Perseo accompagnés des corvettes Artemide, Cicogna, Gabbiano et Procellaria et des MAS-577, 579, 580 et 581 prennent la mer en direction de Livourne. A La Spezia, les torpilleurs Orione et Pegaso doivent appareiller plus tard, en emmenant avec eux le maximum de spécialistes qui, pour l’heure, préparent le sabotage de divers équipements de la grande base navale (les instructions prohibent cependant les destructions trop importantes dans les ports et arsenaux, afin de ménager l’avenir). Quant aux sous-marins, compte tenu d’une part des récentes pertes du Mocenigo et du H-8, d’autre part du redéploiement en Corse de trois des vieux classe H survivants, il n’en reste que huit basés à La Spezia même. Deux d’entre eux, les Finzi (LV Angelo Amendolia) et Otaria (CC Emilio Berengan), ne sont pas encore rentrés de leur dernière opération contre les Alliés. Deux autres, les Acciaio (LV Ottorino Beltrami) et Platino (LV Vittorio Patrelli Campagnano), sont en pleins travaux d’entretien à la suite de leur dernière mission ; on s’efforce en toute hâte de les mettre en état de partir. Trois sont incapables de se mouvoir : l’Axum (LV Emilio Ferrini) et le H-6 (LV Renzo Fossati), tous deux en carénage, ainsi que le Pietro Micca (CC Pietro Abate), victime d’une collision accidentelle avec une barge de servitude alors qu’il allait prendre la mer vers le sud. De sorte que seul l’Alagi (LV Sergio Puccini) appareille pour se rendre à Naples, à peu près au moment où la petite escadre de surface quitte Gênes. Dans les deux ports, sur les unités immobilisées par des avaries ou par le manque de mazout, les équipages commencent à placer des charges de démolition. 13h00 – Bien loin de vouloir faciliter l’approvisionnement de la flotte italienne, Rahn câble à Berlin que les réactions du gouvernement italien confirment sa duplicité. ……… Civitavecchia, Viterbe, 13h15 – La division Hermann-Göring reprend sa marche vers le sud. Région d’Ancône/Pescara, 13h30 – Les unités de reconnaissance de la 10. Panzer et de la Das Reich s’engagent sur la route conduisant à Avezzano et à l’Aquila. ……… Ajaccio, 14h00 – Le général Giovanni Magli, nouveau gouverneur militaire de la Corse, a, ces dernières semaines, pris des contacts indirects avec la Résistance corse par l’intermédiaire de l’évêque d’Ajaccio, Mgr Jean-Baptiste Llosa. En cette veille de Noël, il rencontre de nouveau celui-ci et lui remet un message que tous les prêtres de l’île liront à leurs ouailles lors de la messe de Minuit. Ce sont des vœux de Joyeux Noël où le gouverneur explique à ses administrés que le nouveau gouvernement italien est animé d’un grand désir de paix, qu’à Noël – Paix sur la terre ! – de bons chrétiens doivent pouvoir s’entendre… En résumé, il s’agit d’une offre à peine déguisée de cessez-le-feu. ……… Sparte (Péloponnèse), 17h00 – Le général Giraud est en train de travailler à son discours de Noël (de transpirer dessus serait plus exact, mais c’est la coutume, il doit adresser quelques mots à son état-major avant d’aller assister à la messe de Minuit)… quand son secrétaire lui annonce la visite d’un officier d’état-major qui arrive directement d’Alger. – De quoi s’agit-il ? bougonne Giraud, mécontent d’être dérangé dans l’exécution de son pensum. L’éloquence n’est pas son point fort, et il peine à contrôler sa tendance naturelle à houspiller tout son monde – chose assurément à éviter dans un discours de Noël. – Je ne peux vous le dire, mon général. Le capitaine de Courcel a l’ordre de vous transmettre son message en personne, oralement. Et le secrétaire retourne à sa machine à écrire après avoir introduit le visiteur. Courcel ! Giraud le connaît un peu. Ancien aide de camp de “Gaulle”. A demandé fin 41 à rejoindre une unité combattante. A été nommé dans l’une des divisions qui ont participé à l’opération Croisade – donc sous les ordres de Giraud ! Belle campagne, blessé, décoré, s’est retrouvé à Alger où, ancien attaché d’ambassade à Varsovie et à Athènes, il a travaillé en liaison avec les états-majors polonais et grec… Intrigué (et, au fond, ravi d’échapper aux banalités qu’il se sent contraint d’aligner avec un manque évident de sincérité), Giraud somme son visiteur de parler dès que la porte s’est refermée. – A vos ordres, mon général, répond le messager. Et, de la voix un peu mécanique de celui qui récite par cœur : « Le GQG vous informe que des négociations secrètes sont en cours depuis plusieurs jours avec l’Italie. Elles sont susceptibles d’aboutir, à moyenne voire à brève échéance, à une capitulation de l’ensemble des troupes italiennes. Celles-ci pourraient même joindre leurs forces à celles des Alliés pour combattre l’Allemagne et le Japon. Le GQG vous demande de prendre les mesures nécessaires pour faire face à ces éventualités, tout en gardant cette information strictement confidentielle. » Malgré les questions de Giraud, Courcel ne peut ajouter aucune précision. Seulement ceci : « Le secret est essentiel ». Tiens donc ! Resté seul, Giraud secoue la tête : « Voilà qui me fait une belle jambe. Je suis au courant de ces négociations, mais je ne peux rien en faire puisque je n’ai pas le droit d’en informer mon état-major. Evidemment, je pourrai toujours charger le front italien tout seul, à la baïonnette, dès l’annonce de la capitulation. C’est sans doute ce qu’espèrent les Anglais… » « Enfin, se dit-il en retournant à son brouillon de discours, je verrai demain ce que je peux faire. Et je suppose que Martin, en Indochine, sera ravi de la perspective de voir arriver des Italiens en renfort. » ……… Au large de Livourne, 17h00 – Sous l’œil inquisiteur de trois Junkers 88, la flottille italienne venue de Gênes est rejointe par le croiseur Scipione Africano et le contre-torpilleur Bersagliere [ex-Squadrista], escortés par les corvettes Antilope et Gazzella. Le croiseur est encore inachevé, le contre-torpilleur est aux essais et les corvettes sont neuves (la Gazzella n’a été remise à la Regia Marina que le 6 décembre !). Naples, 18h00 – La flotte italienne prend la mer : deux cuirassés (le récent Italia [ex Littorio] et l’ancien Andrea Doria), quatre croiseurs (CA Fiume, CL Attilio Regolo, Muzio Attendolo [en réparations] et Giulio Germanico [inachevé]), six contre-torpilleurs modernes (Corsaro, Grecale, Maestrale, Pancaldo, Scirocco et Velite), six torpilleurs (un ancien, le Fratelli Cairoli, et cinq modernes : trois classe Ciclone, les Ardente, Impavido et Impetuoso, et deux classe Spica, les Antares et Calipso). Quant aux quatre sous-marins encore basés dans le grand port de Campanie, deux, les Turchese (LV Eugenio Parodi) et Velella (LV Pasquale Terra) sont à la mer, en opérations contre les Alliés. Un troisième, le Beilul (LV Francesco Pedrotti), est en réparations. Le dernier, le Barbarigo, tout juste rentré d’une croisière victorieuse, vient de changer de commandant : le LV Roberto Rigoli, officier fidèle à son serment au Roi, a succédé au CC Enzo Grossi, qui ne cachait pas ses sympathies fascistes. Tandis que le premier travaille loyalement à mettre son bateau à la disposition du gouvernement Badoglio, le second, qui devait rejoindre l’état-major de Betasom, hâte son départ pour le nord… par la route. Ancône, 18h10 – Appareillage du cuirassé récent Roma (à peine terminé) et de sa suite : CL Pompeo Magno (inachevé), contre-torpilleurs Artigliere (ex Camicia Nera), Bombardiere et Gioberti, torpilleurs (anciens contre-torpilleurs) Antonio Mosto, Audace, Enrico Cosenz, Francesco Stocco, Giuseppe Sirtori et Giuseppe Missori (ce dernier en réparations), torpilleurs d’escorte (classe Ciclone) Ciclone, Fortunale et Uragano et vedettes rapides MS15 et 16 et MAS-567, 568, 569 et 570. Pola, 18h30 – Appareillage tardif du sous-marin Giada (LV Gaspare Cavallina), dernier des bateaux basés à Pola à fuir les Allemands de façon programmée. L’avaient précédé, après les Narvalo (coulé en route) et Squalo, les Jalea (LV Pasquale Gigli) et Asteria (LV Dante Morrone). En revanche, les tout récents Tritone (CC Paolo Monechi) et Gorgo (CC Innocenzo Ragusa), dont la mise au point n’était pas terminée, n’ont pas quitté le port d’Istrie. Par ailleurs, deux unités, les Sirena (LV Vittorio Savarese) et Santorre Santarosa (LV Giuseppe Simonetti) patrouillent en Mer Ionienne. ……… Rome, 19h00 – De sa propre autorité, le général Carboni commence à faire distribuer des armes (1 500 fusils et 500 mitraillettes) au Comité Central du Front National d’Action. Ancône, 20h30 – Les officiers de la Pasubio et de la Trieste arrivent pour la soirée de Noël au quartier général de la Das Reich et de la 10. Panzer, où ils sont accueillis avec force témoignages de sympathie par leurs hôtes allemands. Rome, 21h00 – Le général Carboni fait savoir au Roi et au maréchal Badoglio qu’une action allemande se prépare et pourrait avoir lieu dans la nuit. Le Roi et sa maison militaire, ainsi que le maréchal, se rendent au ministère de l’Intérieur, gardé par les hommes du SIM de Carboni. 21h10 – Le général Ambrosio est informé que des unités de la Das Reich et de la 10. Panzer sont en marche vers Avezzano et l’Aquila. Ancône, 22h00 – Le drame se noue. Au quartier général de la Das Reich et de la 10. Panzer surgissent brutalement les SS de Wolff et Dollmann. Ils arrêtent les généraux Biglino et La Ferna ainsi que leurs états-majors et les emmènent dans la nuit. On retrouvera les corps criblés de balles au petit matin. Au même moment, des unités allemandes pénètrent dans les cantonnements des deux divisions italiennes et désarment sans ménagement les soldats qui se préparaient pour la veillée de Noël. Il y aura quelques cas de résistance isolés (ainsi, un officier du 8e Régiment d’Artillerie Pasubio se fait sauter avec les munitions de ses obusiers de 100 mm). Mais dans la plupart des cas, c’est la stupeur ; les hommes se laissent désarmer et sont fait prisonniers. Aérodromes de Rome-Fiumicino et Rome-Guidonia, 22h15 – Des unités de la division Hermann-Göring se présentent sur les aérodromes du nord-ouest et du nord-est de Rome, où l’on prépare aussi Noël. Ils capturent sans coup férir les garnisons. Rome, 23h00 – Trois colonnes de Waffen-SS – de l’infanterie en camions – se présentent aux portes de la capitale. Deux d’entre elles sont facilement refoulés par les soldats de la division Ariete, qui ont établi des barrages. La troisième réussit à s’infiltrer dans la ville et se dirige vers l’état-major général. Elle tombe sur les hommes postés là par Carboni, que viennent de renforcer plusieurs centaines de civils en armes. Après une demi-heure de violents combats, les SS sont repoussés. Ce combat marque symboliquement le début de ce que les Italiens appellent aujourd’hui la Lutte de Libération Nationale. 23h50 – Le général Ambrosio, qui a suivi le combat de sa fenêtre de l’état-major, se rend au ministère de l’Intérieur, où il va tenter de convaincre Badoglio de rendre public son message. Une princesse (et sa famille) dans la guerre Genazzano – Inconscients du drame qui se joue à Rome, la reine Elisabeth, la princesse Marie-José et les enfants royaux assistent à la messe de Minuit à l’église Saint-Nicolas, dissimulés derrière une tenture dans une chapelle absidiale. Heurs et malheurs (ordinaires) des sous-marins des deux bords Golfe Thermaïque, 05h30 (GMT + 2) – Pour les forces de l’Axe, qui ignorent tout de ce qui se passe en Italie, les vingt-trois premiers jours de décembre ont été frustrants. C’est ainsi que les convois BE 7 et YMB 7 ont tour à tour traversé l’Egée sans pouvoir être attaqués et en échappant aux mines mouillées par la vedette LS-6 et des avions allemands. Mais la chance va tourner… Bénéficiant de la clarté d’une lune quasi pleine, le mini-sous-marin italien CB-10 (EV1 Sorrentino) surprend en surface, à 10 nautiques dans l’ouest de l’embouchure du canal de Potidée, le HMS P48 (Lt M.E. Faber). Sans doute en train d’achever la recharge de ses batteries, celui-ci se déplace à petite vitesse. Ayant manqué un premier sous-marin allié le 16 octobre (il s’agissait du MN Narval), le commandant Sorrentino, décidé à ne pas gâcher cette seconde chance, va se rapprocher le plus possible avant de lancer. Au bout de 25 minutes de prudentes manœuvres, ayant pu réduire la distance à moins de 1 500 mètres, il fait tirer ses deux torpilles de 450 1. Si l’un des engins passe sur l’avant du P48, l’autre le touche au droit du kiosque : le classe U coule rapidement sans laisser de survivants. Giovanni Sorrentino ne le sait pas encore, mais il vient de remporter la dernière victoire de la Regia Marina dans la guerre contre les Alliés. ……… C’était pour les sous-mariniers italiens le septième succès de décembre. Outre celui-ci et les deux du Mocenigo, quatre autres ont été obtenus, du 14 au 22. Le 14, le Barbarigo (CC Enzo Grossi) a coulé le cargo britannique Edencrag (1 592 GRT), allant en convoi d’Alger à Palerme chargé de diverses fournitures militaires. Le 17, l’Acciaio (LV Ottorino Beltrami) a envoyé par le fond, au large du cap Bougaron (Algérie), le chalutier 1 Heure de lancement consignée dans le journal de bord du CB-10 : 05h56 heure italienne. ASM HMS Tervani (409 GRT). Enfin, le 22, le Finzi (LV Angelo Amendolia) a attaqué à la hauteur d’Oran un convoi se dirigeant vers l’ouest, coulant l’arraisonneur-dragueur français Poitou (AD216, chalutier de 309 GRT) et endommageant gravement le pétrolier Capitaine Damiani (4 818 GRT) qui se rendait à Aruba (le fait de naviguer lège a certainement sauvé le navire, qui ne reprendra du service qu’en janvier 1944). ……… Du côté allié, sans compter les résultats des actions menées contre les divers mouvements de la Regia Marina, le bilan à la veille de l’armistice italien est satisfaisant, en dépit des deux bateaux perdus. Outre deux succès obtenus en Egée (deux voiliers grecs réquisitionnés coulés au canon par le RHN Papanikolis), neuf navires, tous italiens, ont été coulés dans les mers Méditerranée, Ionienne et Adriatique. Ce nombre sera porté à onze quand seront connues les deux victimes des mines mouillées en Adriatique le 8 décembre par le HMS Rorqual : le chasseur de sous-marins italien Zuri (AS.99) 2 et le cargo allemand Ankara de 4 768 GRT 3. Comme à l’accoutumée, l’importance de ces succès varie beaucoup, de 49 à 6 958 GRT. Le HMS P211/Safari (Cdr B. Bryant) a remporté à lui seul le tiers de ces victoires sur les côtes occidentales de Sardaigne et de Corse. Certes, il s’agit de succès modestes (448 GRT au total) : le 18, le voilier Eufrasia C. (49 GRT), le 20, le caboteur Costantina (345 GRT) et le 21, un autre voilier, l’Eleonora Rosa (54 GRT). Deux autres succès ont été obtenus par les sous-marins de Sa Majesté, tous deux en Mer Ionienne : le P46/Unruffled (Lt J.S. Stevens) a coulé le 14 le cargo Castelverde (6 958 GRT) et le Taku (Lt A.J.W. Pitt) a envoyé par le fond le 16 le cargo Delfin (5 210 GRT). Ces cinq victoires placent les sous-marins britanniques en tête des marines alliées pour le mois de décembre. Les Français n’en ont remporté que trois : outre celle du Nautilus, le Junon (CC Querville) a torpillé le 15, en Mer Ionienne, le cargo Sant’Antioco (4 995 GRT) et le Fresnel (LV Saglio, sur le point de quitter son commandement) a coulé le 21 au canon et à la torpille, à mi-chemin des côtes ligures et du Cap Corse, le dragueur magnétique auxiliaire Rosina S. (DM.23, 297 GRT). Enfin, le Yougoslave Neboj!a (CC Mitrovi!) a coulé en Haute Adriatique le cargo Sacro Cuore (1 084 GRT), son deuxième succès plein : depuis le premier, obtenu le 28 janvier 1942, il n’avait pu qu’endommager au canon, en avril, le transport militaire Cherso (1 756 GRT). 25 décembre La Libération de l’Italie Natale di Sangue Montecelio, 00h10 – Alors que partout en Italie les fidèles assistent à la messe de Minuit, les premiers combats éclatent à l’est de Rome entre les unités de reconnaissance de la 10. Panzer et le 8e Rgt d’Exploration Blindé Lancieri di Montebello (2e Division Rapide Emanuele Filiberto Testa di Ferro). Les Allemands sont repoussés. ……… Rome, 00h30 – La démarche d’Ambrosio était inutile : de sa propre initiative, un des directeurs de la radio nationale ordonne la diffusion du message de Badoglio. Ce message sera ensuite répété toutes les heures. C’est un texte court, dit d’une voix sourde et sans intonations : « Le gouvernement italien, reconnaissant l’impossibilité de continuer une lutte inégale, a demandé un armistice aux 2 Ex-caboteur yougoslave Neretva (160 GRT), capturé en mai 1941 et transformé. Le navire a repris le nom du mouilleur de mines (ex-yougoslave Labud) coulé à Augusta le 17 septembre 1942. 3 Outre l’Ankara, les Allemands ont également perdu le 5 décembre le navire-hôpital Graz (ex-navire-école grec Ares, 2 200 GRT), victime d’une mine aérienne alliée au nord de Leucade. gouvernements des Alliés. La demande a été acceptée. Tout acte d’hostilité contre les forces des Alliés doit cesser partout et immédiatement de la part des forces italiennes. Elles réagiront cependant à d’éventuelles attaques d’autres provenances. » 00h35 – Tandis que le message de Badoglio passe sur les ondes, le général Castellano parvient à contacter les Alliés pour leur signaler ce qui vient de se produire dans la capitale. 01h15 – Le contact téléphonique est coupé avec Viterbe. Peu après, c’est au tour de Bologne de ne plus répondre. ……… Bologne, nuit de Noël – Quoique bien informé de la tension croissante avec les Allemands, le général Alberto Terziani, chef du commandement de défense de Bologne, est allé à la messe de Noël avec sa famille, après avoir consigné ses hommes dans leurs casernes. Dans la journée du 24, il a rencontré des représentants du Front National, mais a refusé d’armer la population (« Pas la veille de Noël ! » aurait-il dit). C’est en plein dîner de réveillon qu’il est capturé par les Allemands, lesquels prennent aisément le contrôle de la ville, malgré quelques actes héroïques de petites unités qui tentent de résister. Portoferraio (île d’Elbe), 00h15 – Le commandant des E-Boots S-152, 153 et 154 a reçu l’ordre d’appareiller avant que les Italiens ne songent à bloquer sa flottille. Il doit se diriger vers Livourne : contrairement à celle de l’île d’Elbe, la prise de contrôle de ce port par les forces allemandes peut en effet être rapide. Pour donner le change, officiers et hommes d’équipage ont ostensiblement fêté Noël tout en préparant discrètement leur sortie. Les trois vedettes mettent en route dans un port endormi qu’elles ne vont pas tarder à réveiller. Leur chef, qui n’apprécie guère ses alliés de la veille, a en effet décidé de ne pas partir sans faire quelques dégâts. Faute de but valant d’être torpillé, il décide de s’en prendre aux trois VAS (VAS-209, 214 et 217) mouillées non loin de ses bateaux. Les E-Boots élongent leurs cibles en faisant feu de tous leurs canons et mitrailleuses avant de prendre de la vitesse pour sortir du port. Les quelques marins italiens de garde à bord des VAS n’ont pu répliquer ; seule une position de DCA légère placée à l’entrée du port ouvre le feu au passage des E-Boots, en vain… Les vedettes allemandes s’éloignent indemnes dans la nuit, laissant derrière elles les trois VAS durement touchées. Dévorée par un incendie incontrôlable, la VAS-214 finira même par couler. C’est le premier acte de ce que l’on appellera, suivant les auteurs et leur origine géographique, “les Dix jours de l’Elbe” ou “d’Elbe-Piombino” voire “de Piombino”. Le commandant de la Regia Marina à Portoferraio, responsable de la défense de l’île, rend compte immédiatement, mais en cette nuit de Noël très animée, son message va se perdre avant d’atteindre Rome. Personne dans la flotte italienne ne sera informé de la présence de trois vedettes lance-torpilles hostiles en Haute-Tyrrhénienne… Frioul, 01h30 – Le général Mario Robotti fait route vers Fiume, que les Slaves appellent Rijeka. Dès réception du Promemoria N.1, il a tenu à se rendre à Padoue pour se concerter avec son voisin Ezio Rosi, commandant de la 8e Armée. Le temps de pourvoir aux conséquences de son absence (même si elle ne doit être que de courte durée), il est arrivé à Padoue le 23 au matin. Après deux jours de kriegspiels intenses (et aux résultats jamais très réjouissants), Rosi l’a convaincu de partager avec lui le dîner du réveillon (« Que voulez-vous qu’il arrive à Noël ? »). La dernière bouchée avalée, il a pris la route du retour afin de se trouver à son quartier général au moment de l’armistice, qu’il sait proche. Les phares bleus éclairent très peu et il lui semble que son nouveau chauffeur connaît mal la région. Ne devraient-ils pas avoir traversé l’Isonzo ? Le chauffeur, embarrassé, s’arrête pour prendre la carte dans sa boîte à gants et s’aperçoit qu’au lieu d’une carte du Frioul, il a pris par erreur une carte… du désert égyptien, à l’ouest d’Alexandrie. Furieux, Robotti n’a pas le temps de décider d’une sanction adéquate : son Alfa-Romeo 2500 est encadrée par des side- cars BMW R-75, d’où pointent vilainement des fusils-mitrailleurs. L’un des soldats allemands se penche à la portière : « Herr General ? Veuillez nous suivre… » Fiume/Rijeka – Le général Gastone Gambara est furieux lui aussi, mais c’est parce qu’il a appris par la radio la capitulation du royaume, comme n’importe qui. Commandant par intérim de Supersloda, il n’a pas eu le temps de prendre ses dispositions. Il vient à peine de terminer le déménagement de l’état-major de Su"ak à Fiume, ordonné dès le 21 décembre par Robotti. Décision sans doute judicieuse : non seulement Su"ak est pleine de Slaves de la MVAC (Milice volontaire anticommuniste, dite Garde Blanche) à la loyauté très douteuse, mais Gambara suppose (avec raison) que les Alliés ne vont pas tarder à ramener les Italiens à l’intérieur de leurs frontières d’avant-guerre. Autant prendre les devants, pour une fois… En privé, Gambara ne cache pas son peu d’estime pour les talents politiques et militaires de Badoglio. Et Robotti, son supérieur, qui ne revient pas ! ……… Rome, 02h20 – Après avoir discuté avec des membres de l’état-major de la Regia Aeronautica, le général Ambrosio fait transmettre un ordre consignant au sol tous les avions italiens afin d’éviter toute erreur ou confusion pour la journée à venir. Dans la foulée, il se résout enfin à donner des instructions claires aux grands commandements des Balkans. En effet, l’annonce de l’armistice leur semblant assez explicite, Badoglio et Ambrosio étaient tombés d’accord sur l’inutilité de diffuser les messages codés relatifs à la mise en œuvre du Memoria 44 op et des Promemoria N.1 et N.2. Ce qui était oublier un peu vite que ces instructions, et notamment la dernière, n’avaient pas forcément atteint tous leurs destinataires ! Comprenant son erreur, Ambrosio fait adresser des radiogrammes au Comando Forze Armate Montenegro et aux Comandi Superiori FF. AA. d’Albanie et de Grèce. Ils ne seront pas d’une grande utilité… Bref et vigoureux, mais sans doute guère plus utile, est le message que le général Roatta fait téléphoner un peu plus tard aux commandements occidentaux – les seuls à avoir reçu naguère le Memoria 44 op – entre 02h50 et 03h35. Rédigé de façon à ne pas contrevenir à l’ordre de Badoglio interdisant la diffusion du message codé prévu (« Attuare misure ordine pubblico Memoria 44 », « Exécuter mesures ordre public Mémoire 44 »), il dit sobrement : « Ad atti di forza reagire con atti di forza », « A la force réagir par la force ». Mais, en divers lieux, il est déjà dépassé. 02h30 – Des éléments du 2e Groupement Blindé San Marco (rattaché à la 2e Division Rapide) tentent de se porter vers l’aérodrome de Guidonia, au nord-est de la capitale. Ils sont arrêtés à la lisière du terrain par les soldats de la Hermann-Göring. ……… Tunis, 03h00 – On décide d’embarquer dans les planeurs de la première vague les éléments anti-chars du 2e REP et de la 82e Airborne. ……… Rome, 03h15 – Au standard du Ministère de l’Intérieur transformé en Quartier Général, le contact est perdu avec Milan. Les dernières communications indiquaient que la SS-Division Hohenstaufen contrôlait la ville, mais qu’une résistance sporadique enflammait plusieurs quartiers. 03h15 – Ambrosio confère avec les généraux Baldassare et De Stefanis. En attendant des nouvelles de la Trieste et de la Pasubio, dont le silence est inquiétant, les trois hommes décident d’envoyer un des trois bataillons de chars de l’Ariete en renfort du Groupement San Marco, qui tient la route allant de Guidonia à Rome, et d’envoyer un autre bataillon blindé vers Fiumicino. Pendant la réunion des trois généraux, les communications sont interrompues avec Vérone et Padoue. 03h40 – Le maréchal Badoglio, les généraux Ambrosio, Carboni et Castellano et le Roi tiennent une réunion avec la maison militaire de ce dernier. Le maréchal conseille de quitter Rome au plus vite : « S’ils nous trouvent [i.e. les Allemands], ils nous coupent la tête à tous ! » Un plan d’évacuation vers le Lido di Roma est préparé pour le Roi, sa famille, le gouvernement et l’état-major, mais tout va dépendre des informations que le bataillon de chars chargé de reprendre Fiumicino pourra recueillir. 04h30 – Le ministère de l’Intérieur reçoit un message annonçant que le quartier général de la police à Turin est encerclé par les forces allemandes, mais qu’un soulèvement s’est déclenché dans les quartiers ouvriers. Ce soulèvement est soutenu par une partie des troupes de la 105e DI Rovigo, qui est malheureusement encore en cours de transfert de Cannes à Turin et ne dispose pas d’armes lourdes. Fiumicino, 05h00 – Des combats éclatent entre l’aérodrome et la côte : les premiers éléments de l’Ariete se heurtent aux unités avancées de la Hermann-Göring. Rome, 05h05 – Le contact téléphonique est perdu entre le ministère de l’Intérieur et le QG de la police à Turin. 05h15 – Des nouvelles venues d’un poste de police à Turin confirment que des combats ont lieu dans les quartiers ouvriers ; l’un des halls de montage de la Fiat est occupé par des ouvriers et des soldats de la Rovigo. ……… Genazzano, 05h20 – La reine Elisabeth se réveille en pleine nuit, croyant entendre dans le lointain des tirs d’artillerie. Alors qu’elle sort de sa chambre, la mère supérieure se dirige vers elle, affolée : les Alliés ont débarqué à Gaète et on se battrait contre les Allemands dans les environs de Rome. « Gaète ! » pense la Reine avec effroi. Elle se souvient de la malédiction que sa tante Marie-Sophie avait proférée lorsqu’elle avait appris les plans de mariage entre Marie-José et Umberto. La dernière reine des Deux-Siciles, âme de la résistance désespérée des dernières troupes napolitaines dans Gaète assiégée, n'avait jamais pardonné aux Savoie de lui avoir dérobé son trône. Elisabeth réveille Marie-José, pourtant épuisée par sa grossesse finissante. Que faire ? S’enfuir, mais de quel côté ? Personne n’a la moindre idée de l’emplacement du front. On ne peut évidemment pas prendre le risque de tomber sur une patrouille hostile. Non, finalement, le mieux est de rester cachés au couvent en attendant que la situation se décante. ……… Reggio de Calabre, 05h30, opération Bedlam – Trois brigades du Ve Corps d’Armée britannique, les 14e et 231e Brigades d’Infanterie et la 22e Guards Brigade, débarquent sur des plages un peu au nord de Reggio. Les troupes italiennes n’opposent aucune résistance. Cependant, Allfrey, respectant les ordres de Montgomery, s’applique à sécuriser le secteur et à préparer l’arrivée du reste de ses troupes sans s’aventurer à filer vers le nord. ……… Montecelio, 06h00 – Renforcées par des unités mécanisées et l’équivalent d’une compagnie de chars (en fait, la compagnie légère de l’un des deux bataillons de Panzers), les troupes de la 10. Panzer contre-attaquent. Après une demi-heure de combat, elles forcent les éléments avancés du Lancieri di Montebello à se replier. ……… Fiumicino, 06h45 – Les blindés italiens arrivent à reprendre le contrôle de l’aérodrome après plus d’une heure et demie de combats confus. Ils trouvent dans les bâtiments les cadavres d’une centaine de soldats italiens sommairement exécutés par les Allemands. ……… Ile d’Elbe, 06h50 – Après bien des hésitations, le commandant de la défense terrestre de l’Elbe, poussé par des marins furieux, réagit à l’agression commise par les vedettes allemandes en ordonnant la neutralisation des forces terrestres du Reich présentes dans l’île. La mission de liaison de la Kriegsmarine ayant plié bagage à bord des E-Boots, il s’agit de membres de la Luftwaffe : quelques hommes chargés des liaisons avec la Regia Aeronautica et surtout 120 artilleurs de DCA. Ces hommes servent deux batteries placées en des points stratégiques de l’île et fortes chacune de quatre pièces de 88 mm et de trois canons de 20 mm Flak-38. Ces batteries ne se rendent pas sans combattre – les combats durent une dizaine d’heures, faisant quinze morts chez les Allemands et dix chez les Italiens. Ces derniers font plus de cent prisonniers, qui seront bien traités et transférés en Sardaigne. Ils éviteront à Elbe de sanglantes représailles… Au large de Livourne, à partir de 07h00 – Les E-Boots S-152, 153 et 154, qui croisent au large du port toscan, ont reçu pour mission de s’opposer à la fuite vers le sud de tout navire de guerre ou bâtiment de commerce italien. De fait, les trois vedettes ont intercepté successivement près des Secche de la Meloria quatre petits bateaux de commerce ou de pêche venant du nord et se dirigeant vers Livourne, supposé encore sûr. N’entendant couler leurs prises qu’en cas de nécessité, les E-boots sont en train de naviguer en convoi avec elles, à faible allure, quand les vigies signalent l’arrivée de navires de guerre, les torpilleurs d’escorte Orione (CC Emanuele Bertetti) et Pegaso (CF Riccardo Imperiali di Francavilla, chef de groupe), partis de La Spezia peu avant 05h00. Réagissant avec promptitude, le chef d’escadrille décide de tendre un piège aux nouveaux venus, trop bien armés pour un combat à découvert. Espérant ne pas avoir été repéré par les Italiens, il utilise comme écran ses quatre prises, les contraignant à hisser le signal de demande d’assistance. Comme escompté, les deux torpilleurs infléchissent leur route pour venir voir ce qui se passe. Le piège semble fonctionner à merveille quand un incident imprévu l’évente prématurément. Malgré la présence d’une garde armée, l’homme de barre du chalutier Amba Aradam (405 GRT) n’hésite pas à abattre brutalement sur bâbord de façon à révéler aux torpilleurs la présence de la S-153 naviguant à ses côtés. Il paie son geste de sa vie, mais son sacrifice force la S-153 à se lancer en avant prématurément. C’est le début d’une mêlée sauvage où la fortune favorise alternativement chaque camp. Tout de suite, la S-153 est touchée par les tirs du Pegaso, qui lui tuent plusieurs hommes. Le CF Imperiali s’apprête à l’achever, mais son navire est alors attaqué par la S-154 et il dirige son feu vers ce nouvel adversaire. Ce duel est fatal aux deux combattants : la vedette parvient à blesser à mort son adversaire d’une torpille qui le frappe au tiers arrière, mais elle est touchée de plein fouet par un obus de 100 mm et explose, pendant que le Pegaso sombre lentement. Imperiali commentera ainsi la perte de son navire : « En fin de compte, ces Allemands m’ont évité de choisir entre livrer mon navire à l’ennemi d’hier ou le saborder, c’est à dire entre un acte contraire à l’honneur et un acte contraire à la discipline ! » De son côté, la S-152 tente de s’en prendre à l’Orione, mais ne parvient pas à gagner une bonne position pour lancer. Son commandant préfère rompre le combat, profitant de sa vitesse très supérieure, mais la chance l’abandonne : un incident mécanique (peut être dû à un near miss) ralentit brutalement l’E-boot, qui succombe sous les tirs de l’Orione. Enfin, la S-153, quelque peu oubliée, pourrait chercher à se dérober, mais son commandant, disposant encore de ses deux torpilles, veut liquider ses plus grosses prises : il lance une torpille sur l’Amba Aradam et l’autre sur le Pertinace (498 GRT). La première manque, la seconde touche et envoie par le fond le caboteur. Mais quand la S-153 veut décrocher, elle se fait elle-même torpiller par l’Orione, qui a réglé ses deux engins à la profondeur minimum pour en finir avec ce trop véloce adversaire. Le commandant Bertetti n’a plus qu’à récupérer les rescapés du Pertinace, l’équipage et les passagers du Pegaso (moins dix-sept tués ou disparus) et quelques prisonniers allemands (dont les gardes placés sur les prises). Cela fait, il met le cap sur Portoferraio accompagné des trois bateaux libérés : outre l’Amba Aradam, la petite citerne Baciccia (180 GRT) et le voilier Idria (160 GRT). ……… Haut-Adige (alias Tyrol du Sud), 07h00 – La prise de contrôle de Bolzano (Bozen) s’est accomplie très rapidement dans la nuit : le quartier-général du XXXVe Corps d’Armée est tombé après une courte résistance. Il est vrai que sa principale force, la Division Alpine Tridentina, a, selon ses ordres, presqu’entièrement repassé la cluse de Salorno/Salurn pour aller renforcer la défense de la Vénétie julienne. Dès le 26 décembre, ses derniers éléments sur place seront réduits à la capitulation, à Bressanone (Brixen) comme à San Candido (Innichen). Dans la nuit du 25 au 26, suivant un plan arrêté depuis des mois, le Südtirol Ordnungsdienst, police clandestine nazie composée d’hommes trop jeunes ou trop âgés pour être enrôlés dans les forces armées italiennes, va passer à l’action. En peu de temps, ses éléments vont partout remplacer les carabiniers. ……… Gênes, 07h15 – Dans le grand port ligure, la cible la plus alléchante pour les Allemands est sans doute le cuirassé Giulio Cesare, dont les réparations sont presque achevées, mais qui est encore en cale sèche. Son commandant, le CV Vittorio Carminati, fait pétarder les machines et mettre hors d’usage l’artillerie principale. Aux chantiers navals Ansaldo de Sestri Ponente et Voltri, les torpilleurs Auriga, Eridano et Rigel ainsi que les corvettes Cormorano et Gru sont coulés en bassin par des charges de sabordage, tandis que les corvettes Folaga et Ibis sont remorquées en mer et sabordées à 500 mètres de la côte. En revanche, le croiseur léger Cornelio Silla est laissée intacte, mais il est est bien loin d’être opérationnel : depuis les dommages subis en novembre 1941, alors qu’il était en achèvement à flot, et son renflouement au début de l’année, les réparations ont avancé très lentement. La Spezia, 07h20 – Un message radio apprend au QG de la Regia Marina, à Rome, que les marins et les ouvriers de l’arsenal résistent aux forces allemandes envoyées pour prendre le contrôle du port et se saisir des navires. Plusieurs centaines d’hommes luttent pied à pied. Ils sont aidés par des éléments de la 58e DI Legnano – comme la 105e DI Rovigo à Turin, celle-ci est en cours de transfert à partir de la Côte d’Azur, mais son appui est décisif pour empêcher les chantiers navals de tomber rapidement aux mains des Allemands. Conformément à leurs ordres, les torpilleurs d’escorte Orione et Pegaso sont partis – nous l’avons vu – à 04h50, emmenant avec eux nombre d’hommes du Génie Naval. En revanche, incapable de prendre la mer, le tout récent torpilleur d’escorte Ardimentoso est coulé, vannes ouvertes. Pour ce qui est des sous-marins, les trois éclopés sont sabordés sans attendre : tandis que le Pietro Micca est proprement coulé, l’Axum et le H-6 sont sabotés dans leur cale sèche. Quant aux Acciaio et Platino, la ferme résistance opposée au nouvel ennemi par les ouvriers permet de tenter de les mettre en état de prendre la mer. Comme les trois unités de classe Tritone, Murena, Grongo et Sparide, en construction aux chantiers du Muggiano, demandent encore plusieurs mois de travaux chacune, elles sont plus légèrement sabotées. Le personnel des chantiers fait surtout disparaître une partie des approvisionnements nécessaires à la poursuite de leur construction. ……… Golfe de Gaète, 07h30 – Les premières troupes alliées mettent pied à terre sans aucune opposition. ……… Rome, 07h40 – Les torpilleurs Palestro et San Martino (venus de Gênes) sont déroutés vers le Lido di Roma pour y recueillir le Roi et le gouvernement. ……… Albano (banlieue sud de Rome), 08h00 – Les premiers planeurs Horsa se posent sans incident et débarquent les hommes de la 82e Airborne et du 2e REP. ……… Golfe de Salerne, 08h00 – Les troupes alliées commencent à débarquer. ……… Au large de Foggia, 08h15 –Le radar du cuirassé Roma repère une formation d’avions se dirigeant vers la petite escadre, qui a été retardée par des avaries sur les machines du Giuseppe Missori et de l’Antonio Mosto. Après quelques minutes d’attente, il apparaît que ces avions sont allemands. Ce sont 18 Do 217 E-5 et K-2 escortés par 12 Bf 110 G-1 et 16 Bf 109 G. Les Dornier larguent, à distance respectable, 18 missiles guidés Hs 293 et autant de bombes planantes FX 1400 (chaque avion embarque une paire de l’une ou l’autre de ces armes nouvelles). Sur les 18 missiles, cinq, probablement défectueux (à moins que l’opérateur de l’avion lanceur n’ait pas pu “capturer” le missile à temps), s’écrasent en mer à quelque distance (entre 800 et 1 500 mètres) de l’escadre italienne. Dix missiles se concentrent sur le CL Pompeo Magno, qui les évite sans trop de problème en zigzaguant (bien que son commandant, pas plus que quiconque à bord des navires italiens, ne sache de quoi il s’agit). Enfin, trois visent le torpilleur Ciclone, en train d’émettre un écran de fumée. Ce dernier réussit à éviter deux des missiles, mais le troisième explose à moins de 10 mètres de lui. L’onde de choc endommage sérieusement le gouvernail du petit bâtiment et arrache l’hélice tribord. La plupart des bombes planantes FX-1400 se concentrent sur le cuirassé Roma, qui ouvre le feu avec la partie de son armement AA opérationnel. Grâce à la maîtrise de son commandant, le Roma évite quatre bombes, qui explosent en mer à proximité de lui. Mais trois vont le toucher. La première frappe sur la plage avant, traverse le navire de part en part et explose après être ressortie, faisant un trou de 18 mètres dans la coque. La deuxième frappe au milieu du navire, pénètre dans la salle des machines, perce le fond de la coque et explose sous l’eau, causant d’importants dégâts. La troisième frappe au niveau de la passerelle, tuant le commandant et plusieurs officiers, poursuit sa route vers l’intérieur du navire et explose dans la soute à munitions avant. Une immense explosion, dont le souffle est ressenti sur les navires voisins, secoue le grand bâtiment, qui se brise en deux et sombre rapidement. À peine cette tragédie a-t-elle eu lieu que l’Artigliere (ex-Camicia Nera) est pris à partie par au moins cinq bombes. Grâce à sa vitesse et sa manœuvrabilité, il échappe à quatre d’entre elles, mais la cinquième touche le navire en plein milieu, confirmant cette vieille croyance des marins que le changement de nom d’un bateau attire sur lui la malchance. L’impact détruit la turbine bâbord et la bombe ressort sous la coque avant d’exploser. Le choc est violent et le malheureux contre-torpilleur commence à tourner sur lui-même sous la poussée de la turbine tribord. Quand il s’arrête, son équipage ne peut que constater qu’il prend l’eau de manière importante. Il pourrait peut-être être sauvé, mais le chef de l’escorte, sur le Bombardiere, craint d’autres attaques. Il donne l’ordre aux survivants d’évacuer à bord des Fortunale et Uragano et de saborder le navire. Les avions allemands se retirent sans une perte. La première attaque de l’Histoire à l’aide de missiles air-mer guidés a été un succès. ……… Guidonia, 08h30 – Des éléments blindés allemands tentent de percer vers Rome et engagent le combat contre le Groupement San Marco et l’un des trois bataillons de l’Ariete. L’affrontement est violent et les Italiens perdent une vingtaine de blindés, mais ils arrivent à arrêter les Allemands. ……… Rome, 08h45 – Le colonel Gavin et le Lt-colonel Glaizot, avec deux jeeps, font leur entrée par le sud dans la Ville Eternelle. Glaizot se tourne vers son collègue américain : « Vous croyez que les livres d’Histoire diront un jour que nous avons pris Rome à nous tout seuls ? » Gavin sourit : « Et le jour de Noël, en plus ! » ……… Venise, 08h50 – Fermement invité à rejoindre la famille royale, le prince Ferdinando di Savoia-Genova, amiral commandant le Département naval de la Haute-Adriatique, a transmis une demi-heure plus tôt le commandement à l’adjoint que lui avait tout récemment envoyé un amiral de Courten très prévoyant : l’amiral de division Emilio Brenta, jusqu’alors chef du département Opérations de la Regia Marina. Le premier acte de ce dernier est d’ordonner le départ vers le Sud de tous les navires en état de le faire dans l’étendue de son Département et notamment à Venise même. ……… Tarente, 09h00, opération Slapstick – La “Force principale ” de l’Escadre de Mer Egée, ses navires débordant de parachutistes de la 1st Airborne britannique embarqués la veille à Benghazi, se présente devant le champ de mines qui protège le port de Tarente. Le destroyer Sikh négocie très prudemment le passage du champ de mines et entre dans le port sans opposition. La Force principale de l’Escadre de Mer Egée (Captain Guy Grantham, RN) comprend le CL HMS Aurora ; les CLAA HMS Cleopatra et Dido (amiral) ; les DD HMS Isis, Laforey, Maori, Partridge, Sikh et Somali ; les DE (classe Hunt-III) MN L’Impérieuse, L’Iphigénie et La Résolue. Le commandement naval allié en Grèce leur a adjoint pour cette mission les mouilleurs de mines rapides HMS Latona et Welshman. ……… Ajaccio, 09h00 – Le général Magli informe Rome de son plein soutien. Dès l’aube, il a fait désarmer les personnels au sol de la Luftwaffe préposés à la garde des aérodromes d’Ajaccio et de Bastia (souvent utilisés par les appareils allemands) – tout comme les troupes allemandes avaient désarmé les gardes des aérodromes italiens. Il fait mettre aux arrêts les officiers de liaison allemands dans l’île. Le cas du bataillon SS envoyé par les Allemands après la disparition de Carlo Scorza, pour donner aux troupes italiennes des leçons de répression, est plus délicat. Heureusement, cette unité (qui, en quelques mois, a fourni aux Corses les meilleures raisons de la haïr) est dirigée par un chef brutal mais pas fou. Depuis la veille, sous prétexte de célébrer « un Noël à l’allemande », il a réuni dans un seul casernement, près de Campo dell’Oro, la plupart de ses hommes éparpillés dans l’île. Dans un premier temps, les Italiens pourront se contenter de faire en quelque sorte le siège de ces bâtiments. Au même moment, Magli transmet aux chefs de la Résistance locale une offre que ceux-ci ne peuvent guère refuser : jusqu’au rétablissement de « circonstances normales », les troupes d’occupation italiennes resteront autant que possible dans leurs zones de cantonnement et s’abstiendront de la moindre action un tant soit peu agressive à l’égard de la Résistance, dès l’instant que celle-ci en fera autant. Tous les pouvoirs civils seront délégués « aux autorités françaises civiles légales ». Une restriction : les Français « qui le désireraient » (en pratique, les administrateurs nommés par Laval !) doivent pouvoir se rendre sans être inquiétés dans les cantonnements italiens – Magli ne veut pas avoir sur les mains le sang d’hommes qu’il devait protéger. ……… Rome, 09h15 – En exécution des ordres d’Hitler en cas de résistance italienne, 18 Do 217 E4 et 21 Ju 88 des IV/KG 100 et I/KG 26 bombardent Rome. Le ministère de l’Intérieur est miraculeusement épargné (même si toutes les fenêtres sont soufflées par une bombe tombée à proximité), mais le Quirinal est assez sérieusement touché. Fiumicino, 09h30 – Contre-attaqués par les éléments blindés de la Hermann-Göring, les troupes italiennes sont obligées d’évacuer Fiumicino, mais elles arrivent à constituer une ligne de défense à 3 km de l’aérodrome. Rome, 9h50 – Gavin et Glaizot, qui ont assisté au bombardement allemand, arrivent au ministère de l’Intérieur. Ils ont immédiatement une réunion avec le général Ambrosio. ……… Montecelio, 10h15 – Les Stukas des I et II/StG 1 frappent durement les défenseurs italiens. Le général Enrico Kellner, qui commande la 2e Division Rapide, est blessé. Les chars allemands passent à l’attaque et bousculent les troupes italiennes en pleine confusion. ……… Golfe de Gaète, 10h20 – Deux Ju 88 sont abattus dans le golfe de Gaète par les Martlet II du Sqn 885 (HMS Victorious). ……… Hôtel Campo Imperatore, Gran Sasso, 10h30 – L’inspecteur Gueli, chargé de garder Mussolini dans sa résidence surveillée, reçoit un appel de son ancien patron, Senise, qui était chef de la police jusqu’au 1er novembre. ……… Rome, 10h40 – Nouveau bombardement allemand. Cette fois, ce sont 14 He 111 H6 escortés par 16 Fw 190 A4 qui larguent leurs bombes sur la ville. La basilique Saint-Pierre est touchée à deux reprises. Au ministère de l’Intérieur, Gavin et Glaizot décident d’envoyer tous les parachutistes disponibles renforcer les défenses des portes est de la ville. Des camions italiens viennent embarquer les parachutistes tandis que les unités anti-chars (armés de canons de 57 mm et de canons sans recul de 3,45 pouces et de 81 mm ) suivent avec leurs jeeps sorties des planeurs. ……… Reggio de Calabre, 11h00, opération Bedlam – Aucune opposition n’ayant gêné le débarquement de ses trois premières brigades, la tête de pont sécurisée, Allfrey peut ordonner la traversée du reste de la 6e Division d’Infanterie, régiment de reconnaissance en tête. ……… Tarente, 11h00, opération Slapstick – Le Sikh est de retour auprès du reste de l’Escadre de la Mer Egée, avec à son bord un pilote italien du port. Le Captain Grantham peut donner l’ordre à tous ses bâtiments d’entrer dans la rade. ……… Sur les ondes, 11h00 – La radio allemande diffuse en italien un communiqué signé de Vittorio Mussolini, Pavolini, Ricci, Farinacci et Preziosi : « La trahison ne s’accomplira pas. Un gouvernement national-fasciste est constitué. Il travaille au nom de Mussolini. Soldats, marins, aviateurs, rejoignez vos camarades allemands. » ……… Livourne, 11h30 – Après vingt-quatre heures terribles sans nouveaux ordres mais pendant lesquelles la radio se fait l’écho d’annonces incroyables du gouvernement et de terribles combats fratricides à Rome, Borghese réunit ses hommes pour leur annoncer la fuite du Roi et du gouvernement et le retournement d’alliance de l’Italie. Tous sont choqués par cette conduite honteuse, contraire à leur sens de l’honneur (les plus critiques disent que la maison de Savoie est restée fidèle à sa tradition de trahison) : eux qui, depuis deux ans et demi, se battent aux côtés des Allemands, se refusent à retourner leur veste et à trahir des camarades de combat. Borghese explique sa décision de rester à Livourne par son désir de défendre son drapeau et son honneur à tout prix ; il demande pourtant à chacun d’agir selon sa conscience et promet un congé régulier à ceux qui veulent partir. La grande majorité des hommes de la Decima Mas décident de le suivre, avec les navires qui se trouvent encore sur place : l’aviso rapide Diana, le chalutier Cefalo et le sous-marin Durbo. Le charisme de Borghese entraîne aussi les quatre MAS (582, 584, 585 et 586), voisines des navires de la Decima et qui collaboraient à l’occasion avec elle. Ni le combat naval des Secche de la Meloria, ni les heurts qui ont opposé dans la matinée ici quelques fantassins, là des guardie di finanza aux troupes allemandes venues s’assurer de Livourne n’ont pesé sur le choix des marins. Les quelques engagements terrestres n’ont d’ailleurs guère retardé la chute de la ville. Quand un combat plus sérieux éclate aux portes de la ville en début d’après-midi entre des renforts italiens tardivement venus de Pise et une colonne allemande en marche vers Livourne, les jeux sont déjà faits. Le seul échec – relatif – de Borghese est aux chantiers navals Odero-Terni-Orlando : il n’est pas parvenu à convaincre le CV Carlo Dessì, commandant du croiseur léger Caio Mario, dont la construction est bien avancée (il n’a pas d’armement mais sa machinerie est en partie fonctionnelle) de ne pas saborder son navire. Mais une partie des charges de sabordage font long feu : quoique coulé, le bateau s’incline du côté du quai dont on venait de l’écarter et ses hauts viennent reposer dessus, ce qui l’empêche de chavirer complètement et pourrait faciliter son éventuelle récupération… En revanche, Borghese a pu sauvegarder les corvettes Alce, Camoscio, Capriolo et Renna, en achèvement à flot. ……… Gran Sasso, midi – Les hommes d’Otto Skorzeny attaquent la station inférieure du funiculaire et s’en emparent sans grande difficulté. C’est tout simplement par cette voie que Skorzeny monte ensuite à l’hôtel Campo Imperatore où Mussolini est détenu. Il a une conversation de cinq minutes avec l’inspecteur Gueli, qui décide de suivre le conseil que Senise lui a donné un peu plus tôt : « Ne fais pas d’histoire, pas un jour de Noël, hein ! ». Skorzeny prend donc Mussolini en charge sans violence. À 14h00, les deux hommes sont redescendus en bas du funiculaire et Mussolini est conduit à Pescara d’où, à 15h30, un avion l’emmène vers Munich. De là, il repartira aussitôt vers Vienne, où s’est réfugiée sa famille. ……… Baie de Gaète, 12h40 – Un Ju 88 de reconnaissance arrive à esquiver les patrouilles de chasse alliées et peut informer le commandement allemand sur le débarquement en cours au nord de Naples. ……… Rome, 12h40 – Seize P-38F du 1er Fighter Group de l’USAAF survolent la capitale – ce sont les premiers avions alliés à le faire sans intention agressive. 12h45 – Les colonels Gavin et Glaizot transmettent au général Clark un message indiquant en substance que la situation est très sérieuse mais potentiellement prometteuse et qu’il est absolument urgent de renforcer les défenses de Rome, où les combats fixent un nombre important d’unités allemandes. ……… Rastenburg, 13h00 – Hitler et son état-major font le point de la situation en Italie, mais aussi dans les Balkans et en France. Des consignes très fermes ont été données aux forces allemandes en Yougoslavie et en Grèce, tandis que l’armée d’occupation en France a reçu l’ordre de pénétrer dans la zone d’occupation italienne et de désarmer le plus vite possible les troupes qui s’y trouvent. A Nice, la 48e DI Taro a été désarmée sans résistance, d’autant plus que le général Ollearo, chef du XXIIe CA, dont fait partie la 48e DI, vient d’affirmer son soutien au gouvernement national-fasciste de Vittorio Mussolini. La 7e DI Lupi di Toscana a été surprise à Vintimille, en pleine opération d’embarquement dans les trains qui devaient la conduire à Rome. En revanche, à Grenoble, le coup de main allemand est tombé dans le vide – l’essentiel de la 5e DI Alpine Pusteria, dès le passage sur les ondes du message de Badoglio, a interrompu son réveillon et déménagé à la cloche de bois. Elle est passée sur le versant italien, où la division va se disperser ; beaucoup de ses éléments, sous l’autorité du général Lazzaro Maurizio De Castiglione, vont créer des noyaux de résistance armée dans le Val d’Aoste et les Alpes italiennes. « La trahison de certains généraux italiens pourrait-elle donner des idées à des traîtres en puissance en Allemagne ? » demande Hitler à Goebbels. Celui-ci se récrie : « Evidemment non ! C’est inimaginable ! » Le soir même, il écrira dans son journal : « Avec Mussolini s’en va le dernier des Romains. Derrière lui, c’est un peuple de Bohémiens qui achève de se décomposer. » Apparemment satisfait de la réponse de son principal propagandiste, Hitler donne l’ordre de « punir Rome par tous les moyens ». ……… Guidonia, 13h30 – La 10. Panzer lance en direction de Rome une cinquantaine de chars et un bataillon de Panzer-Grenadiers, appuyés par un bataillon motorisé de la Das Reich. L’attaque est repoussée par ce qui reste du régiment de chars de l’Ariete, renforcé par les canons AA de 90/53 du 132e Rgt d’Artillerie Motorisée ou empruntés à la division Ariete II (utilisés comme antichars, ils valent bien les 88 allemands), ainsi que par des unités de parachutistes américaines et françaises. Le poids de la menace allemande facilite grandement la collaboration des ennemis de la veille et au bout de deux heures de combat, l’attaque est brisée. Trente-quatre panzers restent sur le terrain. ……… Syracuse, 14h00 – Le général Clark et le général de Lattre, constatant la lenteur des opérations de débarquement, décident de donner la priorité au 2e Régiment de Spahis Algériens, unité de cavalerie organique du Corps américano-français. ……… Rome, 14h30 – La Ville est à nouveau bombardée par 18 Do 217 E4, puis par 9 Ju 88. ……… Montecello, 15h00 – Quarante-huit B-26 (24 de la 11e Escadre de Bombardement, 24 du 17e Bombardment Group), escortés par 32 P-51B (79e FG) et 16 Mustang-II (5e EC) bombardent les troupes allemandes sur la route entre Avezzano et Montecello. ……… Approches est de Rome, 15h30 – Seize Mustang IA/C escortés par huit Mustang II de la 5e Escadre font leur apparition au-dessus du champ de bataille, aux portes de Rome. Alors que les Mustang IC chassent les chars de la 10.Panzer (ils en détruisent onze), surviennent 16 Fw 190 Jabos de la II/JG 2 escortés par 16 Fw 190 chasseurs du III/SKG 10 (ex-ZG 2). Un sauvage combat s’engage alors ; 5 Mustang IC, 3 Mustang IA et 3 Mustang II sont abattus en échange de 9 Fw 190 A4. Si les chasseurs de chars ont payé un lourd tribut, les Jabos n’ont pu intervenir dans la bataille et ont été forcés de lâcher leurs bombes au hasard. Huit pilotes français (dont trois blessés) seront récupérés par les parachutistes. Rome, 16h00 – Devant la détérioration de la situation, le général Ambrosio décide d’évacuer le Roi et sa famille. Cependant, le Lido di Roma paraissant peu sûr, c’est à Anzio que Leurs Altesses doivent être prises en charge par le Palestro et le San Martino, qui sont à nouveau déroutés. Au dernier moment, le colonel Arena rappelle que Marie-José et ses enfants sont réfugiés au couvent de Genazzano. Victor-Emmanuel laisserait bien sa bru moisir au couvent, mais il veut s’assurer de la sécurité de ses petits-enfants (dont son petit-fils et héritier). On essaie de joindre Genazzano par téléphone, mais en vain : les lignes ont été coupées. Le prince Umberto veut aller les chercher, mais son père lui ordonne de partir avec lui, car il ne veut pas mettre en danger son héritier : « Beppo, si les Allemands te prennent, ils te tueront ! ». Pour la première fois, le fils s’oppose à la volonté de son père et souverain : « Je dois rester, père, pour défendre Rome et sauver ma femme et mes enfants. Et si j’y perds la vie, j’aurai du moins sauvé l’honneur des Savoie ! ». Alors, la reine Elena supplie son fils de les accompagner et Arena se porte volontaire pour se rendre à Genazzano afin de s’assurer de la sécurité de la Princesse et des enfants. Mort de honte, Umberto obéit, une fois encore… Il avait pourtant raison : l’honneur des Savoie va définitivement sombrer dans l’affaire et la dynastie n’y résistera pas 4. Arena part immédiatement, mais il n’arrivera jamais jusqu’à Genazzano. Toute la région de Rome est plongée dans la confusion la plus totale et les multiples barrages militaires de diverse nationalités n’ont que faire d’un colonel qui cherche la famille du prince héritier d’Italie. Le malheureux Arena a de la chance dans son malheur – il n’est ni abattu sur place, ni même emprisonné par les groupes de parachutistes, escouades d’infanterie et pelotons blindés qui lui barrent la route. Il est vrai que tous ont bien d’autres préoccupations ! Pendant ce temps, alors que la famille royale fait ses bagages, la sœur d’Umberto, la princesse Jolanda, réalise soudain que son mari, le général Calvo di Bergolo, qui se trouve en Grèce à la tête de la Division Centauro, est sans doute encore plus en danger dans le Péloponnèse qu’eux-mêmes à Rome. « Le colonel Arena est parti chercher Marie-José, mais qui ira chercher Calvo ? » s’exclame-t-elle. Affolée, elle éclate en sanglots, demandant qu’on lui envoie un avion, qu’on le prévienne au moins par radio, bref qu’on fasse quelque chose ! Sa famille tente de la calmer, lui représentant que le fait d’être le gendre du Roi protège son mari, mais il faut que le médecin attaché à l’entourage royal lui donne un sédatif pour qu’on puisse l’entraîner vers Anzio. Jolanda l’ignore, mais il est inutile de tenter d’alerter son mari, Bergolo est déjà prisonnier. Par bonheur, ses pires inquiétudes sont vaines : les Allemands n’ont nullement l’intention d’exécuter un otage aussi précieux. Abords sud de Rome, 16h15 – Le largage de la troisième vague de parachutistes commence au-dessus des champs entre Albano et Rome. Pas moins de 45 planeurs Horsa chargés d’armes lourdes et de munitions accompagnent les paras. Dès qu’ils en sont informés, Ambrosio et Glaizot organisent une navette de camions pour récupérer les parachutistes et les convoyer au plus vite jusqu’à Rome. ……… Gênes, 16h30 – Les combats prennent fin, mais les vainqueurs ne se sentent pas le moins du monde obligés d’appliquer les lois de la guerre. Les Allemands sont d’autant plus furieux qu’à La Spezia, les combats continuent ; ils passent sommairement par les armes 218 Italiens (166 marins et 52 ouvriers de l’arsenal). Environ 600 ouvriers seront déportés – bien peu en reviendront. ……… Reggio de Calabre, 16h30, opération Bedlam – Les éléments de tête du régiment de reconnaissance de la 6e DI britannique quittent Reggio de Calabre par la route côtière 18, vers le nord, en direction de Salerne ; les trois brigades doivent progressivement suivre la même route. Mais l’opération est loin d’être achevée. Les chalands, trop peu nombreux sans doute pour l’ampleur de l’opération, poursuivent sans répit les allers-retours à travers le détroit. Ils transportent désormais les éléments organiques de la 6e DI, qui seront suivis par les premiers éléments de la 5e Division Indienne. ……… Rome, 17h00 – Seize Bf 109F Jabos escortés par autant de Bf 109G de la II/JG 77 bombardent la Ville. Ils sont coiffés par huit Mustang II de la 7e EC puis par 16 P-38F du 82e FG. Au terme d’un combat acharné au-dessus des toits de Rome, neuf Bf 109 sont abattus, contre un Mustang II et trois P-38. 17h20 – Dès la fin du combat aérien, un convoi de 14 voitures emmène le Roi, la famille royale et les membres du gouvernement vers Anzio. 4 Selon nombre de politologues, si Umberto était resté à Rome et avait couru la campagne à la recherche de son épouse et de ses enfants, l’issue du référendum sur le maintien de la monarchie, après la guerre, aurait sans doute été différente. Même (et surtout, diront quelques cyniques) si Umberto s’était fait tuer… Abords est de Rome, 17h30 – Les Allemands de la 10.Panzer, renforcés par des éléments de la Das-Reich arrivés par la route, repassent à l’attaque. Ils se heurtent violemment aux défenseurs italiens, ainsi qu’aux parachutistes américains et français. Dans la lumière incertaine du crépuscule d’hiver, les combats sont très violents. Les chars allemands percent les premières lignes, mais sont arrêtés par les canons antichars lourds des Italiens et les canons sans recul des “tank-killer teams” des parachutistes. Le général Baldassare est tué au moment où il coordonnait une contre-attaque par un groupe de Semoventi. On relèvera près de 500 morts chez les défenseurs italiens et plus de 250 chez les parachutistes, mais les pertes allemandes sont au moins aussi lourdes. ……… Ajaccio, 17h45 – A l’évêché, donc “en terrain neutre”, le général Magli rencontre dans le bureau de Mgr Llosa un homme souriant, qui se présente comme « Monsieur Hector ». L’évêque fait comprendre à Magli que le nommé Hector est l’un des principaux représentants d’Alger en Corse. Il est chargé de négocier avec Magli la prolongation de la trêve et l’évacuation des divisions d’occupation Friuli et Cremona dès que les Alliés pourront les relever. La réunion se déroule d’abord « dans l’esprit de Noël » (racontera l’évêque), d’autant plus que Magli affirme à ses visiteurs que les hommes de ses deux divisions, informés des événements des dernières vingt-quatre heures, n’ont qu’une hâte : aller se battre pour chasser les Allemands d’Italie. Il y a cependant quelques problèmes. Si Monsieur Hector ne voit pas d’inconvénient à ce que les Lavalistes soient livrés aux autorités dès le rétablissement de la légalité, les SS de Campo dell’Oro n’ont pas droit à sa mansuétude. Mais Magli est très ferme : « Ces hommes sont en pratique des prisonniers de guerre. Je ne vais ni donner l’assaut à Campo dell’Oro pour les désarmer, ni vous laisser le faire. A l’arrivée des troupes alliées, je remettrai l’affaire entre les mains de leur commandement. » Cela ne plaît guère à Hector, qui a un autre motif de mécontentement : « Vous avez parmi vos hommes des individus qui ont commis des exactions dignes de celles des SS. Vous avez entendu parler du hameau de La Maddalena ? » Magli accuse le coup. Il est parfaitement au courant – de plus, si La Maddalena est un symbole, toute la Corse a payé le prix fort ces vingt mois d’occupation et de Résistance 5. Mais il ne cède pas. « Signor Hector, si tout se passe comme je l’espère, mes hommes vont bientôt aller se battre contre les Allemands. Permettez à ceux qui ont eu le malheur d’obéir à des ordres honteux de se racheter en se faisant tuer contre l’ennemi commun. Quant au principal responsable, le Signor Carlo Scorza, je parie que vous savez mieux que moi où le trouver. » A ce moment, le secrétaire de l’évêque Llosa demande à lui passer une communication urgente. C’est le curé du village de Vivario, près de Corte : « Monseigneur, vous devez être au courant de la scène affreuse à laquelle je viens d’assister. Une centaine de SS avaient dû passer la nuit de Noël dans le village, nous nous serions passés de ces hôtes, Monseigneur… » – Mais je croyais qu’ils avaient tous rejoint Ajaccio ? – Hélas, Monseigneur, la neige bloquait le col de Vizzavona, par lequel ils devaient passer. Ce matin, une unité italienne est arrivée de Corte pour désarmer ces hommes, en application des ordres donnés par le gouverneur Magli, paraît-il. Mais les SS ont froidement abattu le commandant italien, qui venait leur demander de se rendre – sur le parvis de l’église, un jour de Noël, Monseigneur ! Mais au lieu de se replier, comme les Allemands l’avaient sans doute espéré, les soldats italiens se sont rués sur eux. Monseigneur, j’étais jeune aumônier pendant 5 NDA – Il n’existe pas en Corse de hameau du nom de La Maddalena. Les auteurs ont souhaité utiliser ce nom pour en faire un symbole des souffrances corses et préserver l’anonymat de certains personnages. l’Autre guerre et je vous assure que je n’ai rien vu alors de plus sauvage ! Tout le monde semblait être devenu fou. Les Allemands se sont battus avec l’énergie du désespoir, mais les Italiens étaient plus nombreux – Monseigneur, je crois bien qu’ils n’en ont pas laissé un seul en vie ! C’est horrible, il y a des morts jusque devant l’autel. Il faudra purifier et reconsacrer ma pauvre église…O mon Dieu, mon Dieu, pardonnez-moi, pardonnez-moi mon Dieu ! L’affaire restera dans l’histoire locale comme « A tumbera di Natale » (la tumbera est l’abattage du porc). L’évêque, très ému, passe le téléphone à Hector. Pendant que le curé répète son histoire (transmise avec retard en raison de la coupure des lignes téléphoniques pendant le combat), l’ordonnance de Magli pénètre dans la pièce avec un message pour son chef – c’est en fait la confirmation du récit du prêtre. Suit un instant de silence, puis l’évêque soupire : « Je me demande pourquoi ce pauvre curé Garneri demandait au Ciel de lui pardonner... » A son grand étonnement, le général Magli a la réponse : « Eh bien, Monseigneur, qui croyezvous qui a prévenu mes troupes à Corte de la présence des SS à Vivario ? » « Un ange est passé, littéralement je pense – un ange désolé » racontera l’évêque Llosa. Après un nouveau silence, Hector accepte les conditions de Magli, à une réserve près : les Italiens fourniront à la Résistance corse la liste des hommes engagés dans les opérations de maintien de l’ordre les plus sanglantes. « Et s’il leur prenait l’envie, après la guerre, de se soustraire à la justice française, ajoute Hector, qu’ils sachent que j’ai des cous… des amis qui n’hésiteront pas à rendre la justice sans juges ni avocats et qu’une frontière n’intimidera pas. » ……… Plages de Gaète, 18h00 – Pendant que les combats font rage près de Rome, 170 km plus au sud, les Français constituent un groupe de combat à partir de l’un des escadrons de reconnaissance du 2e Spahis et de ses escadrons anti-char et d’appui-feu. 18h45 – Le groupe de combat quitte les plages napolitaines en direction de Rome. A sa tête, le chef d’escadron Castries est bien décidé à être le premier cavalier français à entrer dans Rome. ……… Tarente, 19h00, opération Slapstick – Le port et la ville de Tarente sont désormais aux mains des parachutistes britanniques de la 1ère Airborne Brigade, qui en ont pris le contrôle sans tirer un seul coup de feu et ont déployé des positions défensives aux sorties nord de la ville. ……… Rome, 19h00 – Ambrosio reçoit un message adressé au Roi et à Badoglio par le général Antonio Basso, commandant des forces italiennes en Sardaigne. La Sardaigne est occupée par une puissante garnison : les deux divisions anéanties sur place en 1940 (30e DI Sabauda et 31e DI Calabria) ont été reconstituées, la 1ère DI de Montagne Superga, qui avait participé à la reconquête en 1941, est restée dans l’île et la 47e DI Bari y a été envoyée en renfort à la suite de l’opération Mincemeat, qui avait fait croire à une prochaine invasion de la Sardaigne. Il faut y ajouter les 204e et 205e Divisions côtières et d’autres unités locales. L’ensemble forme les XIIIe et XXXe CA. Le général Basso (qui a été informé du basculement de la Corse en faveur du gouvernement Badoglio et des Alliés) déclare qu’il soutient « de tout son cœur » le Roi et son gouvernement, tout comme l’amiral de division Bruno Brivonesi, qui commande la Regia Marina en Sardaigne. Mais Basso laisse entendre que leur position serait très fragilisée si les Français détestés s’avisaient de vouloir remettre la main sur l’île… Ambrosio prend l’initiative de répondre que les seules troupes alliées qui viendront s’installer en Sardaigne seront américaines. A Cagliari, Basso embarque aussitôt les officiers de liaison allemands et quelques hauts gradés italiens partisans de Mussolini (dont le général Sozzani, chef de la Sabauda) dans un chalutier, qui aura la chance d’atteindre Gênes le lendemain sans avoir attiré de bombes, de missiles, de torpilles ou d’obus. Dès le lendemain, Clark confirmera l’initiative d’Ambrosio, après une discussion « animée mais cordiale » avec Frère. Les Français finiront par donner leur accord pour que l’Armée de Terre ne remette pas les pieds en Sardaigne, en échange du soutien américain pour la récupération et le ravitaillement de la Corse d’une part, de l’usage d’une base navale pour unités légères dans l’archipel de La Maddalena et de facilités aéroportuaires au sein des futures bases américaines en Sardaigne d’autre part. Tout le monde aura sauvé la face. ……… Abords est de Rome, 19h30 – Les combats prennent fin, mais une partie de la population, prise de panique, commence à quitter la ville. ……… Anzio, 19h45 – Le Roi, la famille royale, leur suite et le gouvernement embarquent sur les deux torpilleurs qui les attendaient. Les navires quittent le port en toute hâte et filent vers Naples. ……… Naples, 20h00 – Sous les acclamations d’une petite foule, le général Ritchie arrive devant le Municipio. Il transmet simplement à Clark : « Naples is ours. » ……… La Spezia, 20h15 – Les sous-marins Acciaio et Platino sont enfin parés et tentent de quitter le port. Mais ce dernier étant désormais battu par l’artillerie allemande, leur fuite ne va pas être de tout repos. Alors qu’ils viennent à peine de larguer les amarres, deux obus de 88 mm frappent successivement l’Acciaio : le premier atteint la “baignoire”, tuant trois des hommes qui s’y trouvaient et en blessant trois autres, dont le commandant Beltrami ; le second touche la poupe, endommageant le gouvernail. Sous la protection tardive offerte par les appareils fumigènes de petits navires auxiliaires, le Platino du commandant Patrelli Campagnano prend le risque de venir se ranger contre l’Acciaio blessé et d’en récupérer l’équipage, y compris le LV Beltrami et l’ingénieur-mécanicien, resté le dernier à bord pour ouvrir les purges et saborder le bateau. Ayant réussi son évasion, le Platino, avant de se rendre aux Alliés, ira faire escale dans le port sûr le plus proche, Bastia, pour y débarquer les blessés de l’Acciaio, dont seul survivra le commandant Beltrami 6. ……… Rome, 20h30 – Les généraux Ambrosio et Carboni reçoivent les délégués du Front National d’Action, qui s’est transformé en Front National de Libération. Après une chaude discussion, ils acceptent de distribuer aux volontaires du Front qui commencent à se rassembler devant le ministère de l’Intérieur des armes prélevées sur les stocks des casernes. Ces hommes vont être encadrés par des officiers et sous-officiers. Le geste est très symbolique ; il marque, dans la conscience italienne, la création des divisions « Giustizia e Liberta ». 21h00 – Ambrosio et Carboni retrouvent les colonels Gavin et Glaizot. Au vu de la situation, ils décident d’envoyer l’équivalent d’un bataillon de parachutistes, prélevé sur la troisième vague, pour renforcer les défenses aux portes nord de Rome. 21h30 – Ambrosio reçoit un appel téléphonique du général Clark (dont les services ont trouvé, non sans mal, un appareil en état de marche). L’Américain indique à son interlocuteur que le Combat Command A de la 1st Armored Division (1ère DB-US) est prêt à quitter les plages pour Rome – il partira vers 22h00. 6 Ottorino Beltrami perdra cependant une jambe dans l’affaire. Cela ne l’empêchera pas de rejoindre le service de renseignements de la Regia Marina puis de la Marina Militare avant de faire une belle carrière dans l’industrie privée. 22h00 – L’artillerie allemande commence à tirer sur la capitale. Ce sont surtout des tirs de harcèlement et de démoralisation, mais certains sont assez précis pour inciter Ambrosio et les autres officiers à quitter le ministère de l’Intérieur. L’artillerie italienne répond sporadiquement. 23h00 – Un nouveau raid de bombardement touche la Ville. C’est une formation de 15 Heinkel 111 H6 et de 9 Dornier 217 E4 qui frappe au hasard. Une bombe touche la nef de Saint-Jean de Latran. Ce bombardement crée un moment de panique dans la ville. Peu avant minuit – Le groupe de combat du 2e Spahis arrive aux portes sud de Rome. Dans un chaos indescriptible, un Castries rayonnant se fraye un chemin jusqu’aux positions des défenseurs des portes est. Opération Ciseaux Sparte (Péloponnèse) – En cette nuit de Noël, le général Giraud fait un rêve fort plaisant : il morigène durement un certain Charles de Gaulle, jeune colonel naguère sûr de lui et dominateur placé sous son commandement, mais responsable d’un échec sanglant qui a vu son régiment se faire massacrer. Effondré, “Gaulle” tombe à genoux et, en se tordant les mains, supplie Giraud de le pardonner d’avoir désobéi à ses ordres et de l’aider à sauver ce qui reste de sa carrière militaire. Giraud refuse et s’apprête à le faire dégrader sous les huées des troupes. En même temps, paradoxe des rêves, ces dernières commencent à l’acclamer aux cris délicieux de « Giraud maréchal ! Giraud maréchal ! », lorsqu’il est réveillé en sursaut. – Mon général ! Mon général ! Réveillez-vous, c’est urgent ! Giraud se retourne dans son lit. À la lueur d’une lampe à pétrole, il reconnaît son aide de camp. Sur sa table de chevet, sa montre n’indique que 02h15. Il a dormi moins de trois heures (et encore, parce que l’aumônier a accepté de célébrer la messe de Minuit à 22h00). – En pleine nuit ? J’espère que ça en vaut la peine, grommelle-t-il en se frottant les yeux, la moustache agressive, pendant que son rêve se dissipe dans la froideur de la nuit spartiate. – Ce sont les Italiens, mon général. – Quoi, les Italiens ? Qu’est-ce qu’ils ont, les Italiens ? Ils attaquent, peut-être ? – Non, mon général. Ils se rendent, mon général. Le cerveau de Giraud se met soudainement à fonctionner à toute allure. Le message “Très secret” qui lui a été transmis la veille au soir n’anticipait donc l’événement que de quelques heures ! En somme, on l’avait prévenu à la dernière seconde, on le tenait pour quantité négligeable ! Rejetant rageusement les draps, il se lève d’un bond et se met à trépigner devant son aide de camp pétrifié, les poings serrés, en criant : « Les chameaux ! Ah, les chameaux ! » Puis il sort dans le couloir et se dirige à grands pas vers la salle de conférence, son aide de camp sur ses talons, avant de se rendre compte que sa tenue est fort peu martiale (il porte un pyjama à rayures acheté aux Galeries de France, à Alger, rayon Spécial Grandes Tailles). Il retourne dans sa chambre, claque la porte avant de la rouvrir aussitôt et de jeter au pauvre officier complètement perdu un « Faites venir Dentz immédiatement ! » sans réplique. La porte claque de nouveau et l’aide de camp file ventre à terre remplir sa mission. ……… Trois quarts d’heure plus tard, c’est un Giraud toujours aussi énervé, mais en uniforme, qui accueille Dentz et le met au courant des maigres informations dont il dispose. – Me prévenir aussi tard de ces négociations ! Franchement, Dentz, que les responsables de ce pataquès soient les Anglais ou Alger, ce sont de fieffés crétins ! Voyez dans quelle situation nous nous trouvons, à présent ! Le général Dentz tique un peu devant le langage de son supérieur, mais il passe outre en le mettant sur le compte de l’énervement et de l’heure plus que matinale. Abstraction faite de ces débordements oratoires, il partage d’ailleurs pleinement l’irritation de Giraud. – Il nous faut immédiatement mettre l’Armée d’Orient et la 8e Armée en état d’alerte maximum, dit-il. Nos avant-postes risquent d’être submergés par une marée d’Italiens désireux de se rendre : imaginez que nous tirions sur nos nouveaux alliés ! Et des fidèles du Duce pourraient essayer de profiter de la cohue pour s’infiltrer dans nos lignes. Sans même parler des Allemands… – Certes, Dentz, faites, faites. Dentz commence un brouillon de message, mais il remarque vite que son supérieur a la tête ailleurs. – Quelque chose ne va pas, mon général ? – Ah, parce pour vous tout va bien ? fulmine Giraud, avant de se reprendre. Désolé, Dentz, vous n’y êtes pour rien. Mais notre situation ne me satisfait pas. Nous passons à côté d’une occasion en or, insiste-t-il en frappant du poing sur la table. Le front ennemi va s’effondrer, et nous sommes incapables d’en profiter. À moins que… Où en êtes-vous de cette opération contre Corfou et Eubée dont nous avions parlé le mois dernier ? Couteau ? Harpon ? – Vous voulez sans doute parler du projet d’attaque contre Andros, répond Dentz, soudain trempé d’une sueur glacée. Nous l’avions appelé « Ciseaux » à cause de ses deux branches, l’une vers… – Oui oui, je sais tout cela, le coupe Giraud. Où en êtes-vous, alors ? – Eh bien, le commandant Bloch m’a rendu un rapport préparatoire il y a deux semaines, répond prudemment Dentz. Les perspectives ne sont pas brillantes, ajoute-t-il immédiatement. Les Anglais ont refusé leur concours… – Comme par hasard, hein, commente rageusement Giraud. – …et nous n’avons ni les troupes nécessaires à cette opération, ni les navires de transport pour les convoyer. À part la 13e DBLE, nos réserves sont inexistantes, et la capitulation italienne nous interdit le moindre prélèvement sur le front tant que nous n’aurons pas une meilleure vue d’ensemble de la situation. Giraud se lève et marche jusqu’à la fenêtre. Il contemple quelques instants la nuit qui enveloppe Sparte, et se retourne vers son subordonné. – Vous savez que les Anglais veulent ma peau, n’est-ce pas, Dentz, dit-il en interrompant d’un geste sec les protestations de son interlocuteur. Je le sais. Ils rêvent de mettre un des leurs à ma place, peut-être même Cunningham, et ils intriguent à Alger contre moi, mais je n’entends pas leur laisser ce plaisir. Et je veux leur montrer à tous ce que je…, ce que l’Armée d’Orient a dans le ventre ! Alors, j’ai décidé que la 13e DBLE débarquerait à Andros le plus tôt possible, et qu’elle prendrait cette île. Prévenez immédiatement Amilakhvari de rassembler ses hommes. Faites-moi passer d’urgence le rapport de Bloch et s’il est en Crète, faites-le venir ici aujourd’hui même. Et trouvez-moi des bateaux, n’importe lesquels ! Pétrifié, Dentz parvient quand même à articuler quelques mots. – Et les Anglais ? Les Cyclades sont sous leur responsabilité ! Et le gouvernement grec ? Ce sont nos alliés, nous devons au moins les prévenir de nos intentions ! – Hors de question, tranche Giraud. Les Anglais voudront réunir d’interminables conférences qui prendront des jours et ne déboucheront sur rien, alors que le temps presse. Quant aux Grecs, ils voudront nous entraîner tout de suite en Grèce continentale. J’aimerais bien, mais pour le coup c’est impossible sans les Anglais. Encore du temps qui sera perdu en palabres inutiles. C’est toujours moi qui commande sur ce théâtre d’opérations, n’est-ce pas ? En rédigeant les ordres du généralissime qui mettent les troupes alliées en alerte maximale et qui expliquent à leurs commandants la situation confuse à laquelle ils vont devoir faire face, Dentz parvient in extremis à convaincre Giraud de rajouter une ultime phrase qui pourra justifier et expliquer le lancement de Ciseaux : « Enfin, les troupes placées sous mon commandement saisiront, dès qu’elles se présenteront et avec la plus grande célérité, toutes les opportunités tactiques, notamment de gains territoriaux, que pourrait leur offrir la capitulation italienne ». Peu de commandants d’unités seront en mesure – ou auront la volonté – d’exécuter ce dernier ordre. Le général Cunningham, commandant la 8e Armée, ordonnera même à ses troupes et à son aviation de rester pendant quelques jours sur une stricte défensive… Mais, alors que leurs messages partent dans toutes les directions, Giraud et Dentz ne le savent pas encore. ……… Il est 04h00 quand le colonel Amilakhvari reçoit communication des ordres de Giraud. Après avoir fait réveiller ses hommes plus tôt que prévu, il constate avec satisfaction que ses légionnaires sont plutôt heureux de quitter des casernements qu’ils n’ont que trop fréquentés… jusqu’à ce qu’il mentionne la destination assignée à son unité et l’indispensable épisode maritime qu’elle implique ! Dès l’aube cependant, les premiers éléments de la 13e DBLE prennent la route de Kalamata. ……… Au même moment, Giraud termine la lecture du mémo de Bloch. Il note avec satisfaction la solution proposée par le commandant : utiliser les bâtiments de l’escadre de la mer Égée pour convoyer les troupes vers Andros. Dentz est nettement moins enthousiaste. – La situation a considérablement changé depuis que Bloch a rédigé son rapport, renâcle-t-il. D’après les informations qui nous parviennent, l’escadre de la mer Égée est actuellement en Italie, en soutien du débarquement prévu ce matin même ! – Il nous reste encore les navires de Perzo, n’est-ce pas ? – Effectivement, général, maugrée Dentz. Mais je n’ai aucune idée de leur disponibilité, ni même de leur localisation actuelle. – Alors renseignez-vous tout de suite et ordonnez-lui d’envoyer tous ses destroyers et contretorpilleurs disponibles à Kalamata dès aujourd’hui. Je veux que la 13e DBLE débarque à Andros dans deux jours. Convaincu de l’impossibilité de débarquer aussi rapidement dans de bonnes conditions, Dentz se promet d’infléchir la décision de son supérieur et de tout faire pour qu’il renonce à une opération aussi improvisée. Mais dans la matinée, son appel au capitaine de vaisseau Perzo ne lui fournit pas les arguments escomptés. Perzo se montre au contraire enthousiaste et promet que Le Fantasque et Le Terrible arriveront à Kalamata dans la journée. Dentz en retire toutefois deux motifs de satisfaction. D’une part, les autres navires dont peut disposer Perzo, soit le MN L’Indomptable et les DD RHN Psara et Kondouriotis, ne pourront rejoindre Kalamata que le 27 au matin. D’autre part, Perzo insiste pour que ses unités, qui seront lourdement chargées de troupes, disposent d’une protection contre les sous-marins et les vedettes lance-torpilles que les Allemands sont susceptibles de déployer. Or, les forces légères concernées (l’escadrille de patrouilleurs III/3 basée à Githion et à Kalamata) ne disposent pas de l’autonomie nécessaire pour rejoindre Andros et y être opérationnelles. Perzo demande donc à Dentz un délai d’une journée, indispensable pour trouver un pétrolier disponible en Méditerranée orientale et le dérouter vers les Cyclades, pour ravitailler les vedettes pendant l’opération. ……… En fin de matinée, Dentz est informé de l’ordre de Cunningham interdisant toute action offensive « prématurée ». Il se précipite immédiatement chez Giraud. – Mon général, nous avons un problème majeur pour Ciseaux. – Allons, Dentz, ne soyez pas aussi pessimiste, rétorque Giraud. Vous avez dû en voir de pires lors de l’affaire d’Irak, et vous n’avez pas jeté le manche après la cognée, n’est-ce pas ? Ce matin, nous n’avions pas de troupes et pas de navires. Il n’est même pas midi et nous les avons. Alors, qu’est-ce qui vous amène cette fois ? – Une véritable objection au lancement de Ciseaux, mon général, à moins que vous ne souhaitiez voir la 13e DBLE se faire décimer en débarquant, répond Dentz, touché au vif par le ton ironique de Giraud. Comprenant qu’il est allé trop loin, Giraud se radoucit : « Bon, qu’y a-t-il ? » Dentz expose alors ses objections : « L’Armée de l’Air n’a plus grand monde dans le secteur et sans l’accord de Cunningham, nous ne pouvons pas compter sur la RAF. Sans couverture aérienne, insiste-t-il, nous prenons le risque d’un massacre ! Je vous rappelle que l’aviation allemande n’est qu’à quelques minutes d’Andros ! » – Effectivement, concède Giraud, vous avez raison. Une couverture aérienne est indispensable… Mais dites-moi, reprend-il, pris d’une soudaine inspiration, n’y a-t-il pas des chasseurs yougoslaves à Mytilène ? – C’est exact. L’EC 80, capitule Dentz en devinant où les pensées de son supérieur le mènent. – Alors nous tenons notre solution ! Prévenez immédiatement son commandant. C’est dans son escadre que vole ce capitaine un peu bizarre qui fait le bonheur des journalistes, non ? Ce sera parfait pour couvrir Ciseaux. En son for intérieur, Dentz est bien obligé d’admettre que personne n’est plus indiqué que Miha Ostric pour appuyer une opération aussi folle. ……… C’est un commandant Bloch harassé qui arrive à Sparte à 18h15. Le matin même, dès réception du message annonçant le lancement de Ciseaux, il a donné l’ordre de réquisitionner tous les caïques disponibles dans le nord des Cyclades afin de pouvoir amener les troupes sur les rivages d’Andros et les ravitailler pendant la durée de l’opération. Et depuis, il a couru d’auto en avion en auto… Bloch est immédiatement introduit auprès de Giraud et de Dentz. Autant Giraud rayonne d’énergie, autant Dentz arbore un visage fermé. Mais Bloch ne peut qu’approuver le lancement de Ciseaux. Épuisé, il n’a même pas la force de contester la dernière décision du général, qui, avant de le congédier, lui ordonne de partir pour Kalamata et d’accompagner la force d’assaut jusqu’à Tinos, d’où il prendra en charge sa logistique. ……… En fin de journée, Dentz fait un dernier effort pour convaincre Giraud, sinon de renoncer à l’opération, du moins d’en modifier les contours et le calendrier. À force d’éloquence, et sur la base des rapports inquiétants provenant du front du Péloponnèse – les troupes alliées, occupées par la prise en charge des soldats italiens, seraient vulnérables à une attaque allemande –, il obtient de réduire les troupes engagées dans Ciseaux à un seul des deux bataillons de la 13e DBLE (l’impossibilité pour les navires de Perzo de transporter l’intégralité de cette unité en une seule vague l’a, il est vrai, bien aidé). Afin de pallier cette diminution d’effectifs, il arrache à Giraud le principe d’une demande de « participation » auprès des troupes grecques des Cyclades (« sans passer par le gouvernement grec ou les Anglais », exige Giraud). Devant le temps qu’il va falloir pour prendre les contacts nécessaires et les délais demandés par Perzo pour rassembler ses navires et les mettre en position, Giraud consent à retarder l’opération d’une journée. Il est 22h00 quand Dentz, épuisé, va prendre quelque repos, avec la ferme intention de convaincre Giraud d’abandonner Ciseaux dès le lendemain. Soldats italiens perdus en Grèce Rastenburg (Prusse Orientale), en fin de nuit – Une brève réunion d’état-major fait le point des conséquences de la défection italienne. Avant d’aller se coucher, Hitler renforce encore les consignes données aux forces allemandes dans les Balkans pour qu’elles désarment les troupes italiennes le plus vite possible, par la force s’il le faut. ……… Dans toute la Grèce occupée – Avant l’aube, un message de l’OKW ordonne à tous les commandants allemands en Grèce d’ouvrir des enveloppes d’instructions secrètes. Avec une réactivité digne de la meilleure époque de la Wehrmacht, chaque unité se met en route avec une liste de garnisons italiennes à désarmer. – Dans le Péloponnèse, la 131e Division Blindée Centauro et la 14e DI Isonzo sont neutralisées. Les officiers qui tentent de résister sont abattus ou fusillés, notamment le général Maccario, de l’Isonzo, tué le pistolet à la main. Fait prisonnier, le général Calvi di Bergolo, de la Centauro, devra son salut à son statut de membre de la famille royale italienne : il a épousé la fille aînée de Victor-Emmanuel III, Iolanda Margherita. Les Allemands ne l’exécutent pas, ils ne l’envoient même pas dans un Oflag mais l’assignent à résidence à Hirschegg (Ostmark, ci-devant Autriche). La tâche des Allemands est encore plus facile avec la 1ère Division Rapide Eugenio di Savoia ; en effet, une partie de l’encadrement, dont le général Lomaglio, se rallie à eux. Il y a néanmoins des heurts, étouffés dans le sang ; l’un d’eux est fatal au lieutenant-colonel Luigi Goytre, du régiment Nizza Cavalleria. Le général Carta, commandant la 51e Division d’Infanterie Siena, à laquelle avait été confiée la tâche de contrôle des approches de l’isthme de Corinthe, sera circonvenu le 25 par de prétendues négociations menées par le général Crüwell, chef du PanzerKorps Leonidas, avant d’être fait prisonnier le lendemain lors de la suite de ces discussions ; sa division sera alors elle aussi neutralisée. Le sort du 7e Régiment de Cavalerie Lanciere di Milano (colonel Morigi), sans doute le pire, ne sera vraiment réglé que le 26. La 4e DI Alpine Cuneense (général Battisti) et la 53e DI de Montagne Arezzo (général Rivolta), qui font partie du corps d’armée italo-allemand dit Skandenberg Korps, arrivent à gagner les lignes alliées en abandonnant leur matériel lourd. Le sort de la 18e DI Messina (général Spicacci) est intermédiaire – la moitié des hommes environ sont faits prisonniers, le reste s’échappe et passe aux Alliés. Quelques centaines d’Italiens des différentes unités du Péloponnèse réussiront à traverser le front dans les jours suivants, d’autres seront cachés par des civils grecs. Les troupes alliées, surprises, sont incapables d’exploiter la situation. Giraud trépigne, mais les Anglais « n’ont pas d’ordre » et l’arrivée de milliers d’Italiens qu’il faut encadrer et surveiller, tout de même, ne favorise pas la mise sur pied d’une attaque. Du coup, les Allemands parviennent à rétablir un semblant de front malgré la disparition des Italiens – mais il est clair que ce nouvel équilibre est des plus fragiles. En fait, Rommel et son étatmajor s’adaptent bien plus vite à la situation. Le sort des Italiens réglé, toutes les unités allemandes – 15. et 21. Panzer-Divisions, 1., 3. et 4. Gebirgs-Divisions, éléments de la 22. Luftland – entament un repli hâtif mais bien ordonné du Péloponnèse vers le continent. – Pendant ce temps, une colonne allemande se met en route d’Athènes et Corinthe vers Thèbes, deux autres de Salonique vers la Thessalie au sud et l’Epire à l’ouest, tandis que des unités venues du Péloponnèse (les premières évacuées) franchissent le détroit de Lépante pour former une quatrième colonne à Antirion. – Au Pirée et à Salonique, les navires italiens (que Supermarina n’a pas songé à prévenir !) sont capturés sans coup férir. Au Pirée, les Allemands mettent la main sur les dragueurs de mines RD-35 et 38, les vedettes rapides MAS-530, 533, 571 et les vedettes ASM/dragage Lombardi, Manca, Marcomeni, Nioi et Satta. A Salonique, la Kriegsmarine s’empare du contre-torpilleur récent Freccia et des mini-sous-marins CB-1, 6 et 10. Tous ces navires (sauf les sous-marins) seront remis en service par la Kriegsmarine. Le Freccia deviendra le ZI-5 Pfeil. Les dix petits bateaux se contenteront d’un matricule. Les mini-sous-marins seront bien saisis dans un premier temps. Mais le LV Enrico Lesen d’Aston, commandant du CB-1 et chef de la flottille, ayant manifesté sa volonté de poursuivre le combat aux côtés de l’Allemagne et entraîné derrière lui les équipages, les trois petites unités, vigoureusement réclamées par le commandant Borghese, seront finalement restituées à l’Italie mussolinienne. En revanche, les deux autres commandants, les EV1 Francesco Gallinaro (CB-6) et Giovanni Sorrentino (CB-10), faits prisonniers, réussiront à s’évader et, grâce à la résistance grecque, ils rejoindront fin mars 1943 l’Italie cobelligérante ! ……… Iles Ioniennes – La 33e Division Acqui (général de division Luigi Mazzini) choisit le camp de Badoglio. Pour la neutraliser, les Allemands prévoyaient une attaque contre Céphalonie ou Corfou, mais ils doivent y renoncer, faute de navires et à cause de la trop grande proximité de la base française de Zanthe. ……… Katerini (Macédoine orientale) – Les habitants n’ont guère dormi. A peine rentraient-ils de la messe de minuit qu’ils ont appris par la radio le basculement de l’Italie. La résistance communiste, bien implantée dans la région, a tôt fait de réunir ses groupes de combat. Au petit matin, la ville est envahie par une foule nombreuse, pas encore menaçante, mais où l’on entrevoit des brassards rouges, des fusils et des bombes artisanales en quantité. Drapeaux grecs et drapeaux rouges fleurissent partout. Le colonel italien qui commande la place n’est pas d’humeur batailleuse : il a sous ses ordres le 303e RI, de la 29e DI Piemonte – or, malgré son nom, cette division a été levée principalement en Sicile, et les hommes du 303e n’ont qu’une envie, se rendre aux Alliés pour pouvoir regagner leur île natale le plus vite possible. C’est avec soulagement qu’ils voient se présenter des parlementaires avec un drapeau blanc, autour d’un vieux général grec bardé de décorations qui se prétend chef des maquis de la région. C’est faux, mais sans importance : pour les Italiens, sa présence donne un air régulier à leur reddition. En un rien de temps, les groupes communistes s’emparent de tous les camions disponibles, vident les dépôts avec l’aide des Siciliens, et emmènent le tout vers la montagne. ……… Salonique – Le chef de la division Piemonte, le général Adolfo Naldi, a conclu un accord en trois points avec les Allemands : d’abord, ses troupes stationnées à Salonique et aux alentours – notamment le 3e RI – laisseront le champ libre à la Wehrmacht et seront consignées dans leurs casernements ; en second lieu, le 4e RI, en garnison dans les îles de Thasos et de Samothrace, tiendra ses positions contre toute action alliée jusqu’à ce que la Wehrmacht puisse les relever ; enfin, dans la région de Katerini, le 303e RI tiendra lui aussi ses positions jusqu’à l’arrivée de forces allemandes. Naldi ignore évidemment que le 303e a déjà tourné casaque… ……… Thessalie et Grèce centrale – À l’annonce du basculement italien, toute la montagne s’est mise en mouvement. Le docteur Karageorgis au mont Olympe, le colonel Sarafis aux Météores, Aris Velouchiotis dans sa citadelle des monts Agrafa, tous rassemblent leurs hommes dispersés dans les villages et convergent vers les villes de garnison de la plaine. Ils vont être aux premières loges pour assister aux déboires du Regio Esercito et à ses premiers heurts sanglants avec l’ex-allié allemand. – A Karditsa, ville ouvrière, et aux alentours, ce qui reste de la 11e DI de Montagne Brennero s’est coupé en deux : malgré les efforts du général Licurgo Zannini, le 331e RI Brennero, la 45e Légion CCNN d’assaut Alto Adige et la majeure partie du 9e Rgt d’artillerie divisionnaire Brennero ont décidé de continuer le combat aux côtés des Allemands. Pour ne pas risquer un affrontement entre Italiens, il ne reste à Zannini qu’à laisser les dissidents se retrancher dans la ville pour y attendre l’arrivée des Allemands. Quant à lui, il se replie vers Trikala le reste de ses hommes (notamment le 232e RI Avellino et un peu d’artillerie). En effet, Trikala a été solidement mise en défense par le général Soldarelli, chef de la 6e DI Cuneo, et Sarafis a dû renoncer à l’attaquer de front. – A Larissa, les maquisards arrivent trop tard : un bataillon SS venu de Lamia les a devancés et a obtenu sans peine le ralliement du commandant du IIIe CA, le général Enea Navarini, fasciste bon teint. Ce dernier entraîne derrière lui le général Antonio Franceschini (36e DIM Forli). ……… Salonique – La nouvelle de la défection du 303e RI à Katerini va manquer coûter la vie à Naldi. Furieux, les Allemands s’apprêtent à le fusiller. Il ne doit la vie sauve qu’à l’intervention de son supérieur, Enea Navarini, commandant du IIIe CA, à la condition toutefois que Naldi passe d’une collaboration passive à une « adhésion enthousiaste » à la poursuite du combat. Malgré cela, la carrière d’Adolfo Naldi ne se prolongera guère : il fera partie des premières fournées d’officiers supérieurs mis à la retraite d’office par la République Sociale Italienne. Ce qui lui évitera de trop gros ennuis par la suite… A la fin de la journée, Navarini peut considérer qu’il a rallié à la poursuite du combat la Forli et les deux tiers environ de la division Piemonte. Il a aussi récupéré – sans efforts – la partie de la division Brennero qui avait fait d’elle-même le choix de la fidélité au Duce. Soit l’équivalent de deux divisions, mais avec des éléments au moral disparate, de l’enthousiasme de la Brennero à la résignation de la Piemonte en passant par l’opportunisme de la Forli. Soldats italiens perdus en Albanie Albanie (et dans les territoires yougoslaves et grecs rattachés à ce pays par les Italiens) – Ce n’est que vers midi que les forces allemandes reçoivent l’ordre officiel d’Hitler de châtier la trahison des Italiens. Mais à Tirana, les commandos Brandenburg n’ont pas attendu le réveil du Führer : dès 04h30, ils ont capturé au lit le vice-roi civil, Francesco Jacomoni, et, dans leurs bureaux, le général Camillo Mercalli, chef du Comando Superiore Forze Armate Albania, et son état-major, réveillés par le radiogramme d’Ambrosio mais qui n’ont pas pris leurs précautions ! Sous la menace, les deux hommes signent l’ordre d’ouvrir les portes des casernes et arsenaux et de remettre les armes aux Allemands. Avec l’aide des hommes du 102e Rgt de Flak, les Brandenburgers font main basse sur le parc de camions et sur tout ce qu’ils peuvent d’armes et d’objets de valeur. Les miliciens fascistes albanais, changeant de protecteur, prêtent main-forte aux Allemands sans oublier de se servir au passage. Le major anglais Seymour, du SOE, qui venait négocier la reddition des Italiens aux Alliés, s’échappe de justesse. L’aéroport, à l’ouest de la ville, est bombardé par la Luftwaffe dès le lever du jour. Peu après, les Allemands et leurs miliciens parviennent à s’en emparer. Mais en fin de matinée, ils doivent faire face à la réaction du groupement spécial de cavalerie, qui n’a pas reconnu la reddition de Mercalli. Un combat violent les oppose aux Lancieri di Firenze, emmenés par le lieutenant-colonel Ludovico De Bartolomeis. Celui-ci est tué dans l’action, mais les Allemands sont incapables de conserver le terrain. Ils se replient en incendiant tout ce qu’ils ne peuvent pas emporter, notamment les dépôts d’essence et quelques avions qui avaient échappé au raid du matin. En effet, le général Gotthard Frantz, sachant Tirana intenable, a décidé d’évacuer la ville en direction de Durazzo/Durrës. A Durrës, le 135e régiment de Flak et quelques autres unités allemandes se sont retranchés dans un des forts. Les colons italiens, complètement paniqués, se pressent sur le port et demandent à être évacués, mais les bombardements d’août-septembre n’ont laissé que peu d’embarcations utilisables, et plusieurs épaves encombrent encore la rade. En ville, un affrontement manque d’éclater entre Italiens pro-allemands (Chemises Noires et 231e RI Avellino de la 11e DI Brennero) et pro-Badoglio (les marins et la Guardia di Finanzia surtout). Mais, encore bien tenue en main par son chef, le général Francesco Zani, la 23e DI de Montagne Ferrara ramène le calme. Dans le même temps, pour des raisons qui leur sont propres, les résistants albanais du Balli Kombëtar affrontent ceux du LNC. En fin de journée, la colonne du général Frantz atteint la ville et s’efforce en vain d’obtenir la capitulation générale des Italiens. Le commandant du secteur, le général Lorenzo Dalmasso, est enclin à se rendre, mais Zani pense au contraire qu’il est possible tenir le port quelques jours encore, le temps que – il en est persuadé – la Regia Marina vienne évacuer au moins les hommes et l’équipement léger… Il parvient pour l’heure à dissuader Dalmasso de céder. Frantz n’ayant pas les moyens de l’emporter de vive force, un accord de statu quo est conclu : le gros des Allemands restera aux portes de Durazzo, mais les Italiens ne tenteront pas de s’en prendre au fort, occupé par les éléments allemands naguère déployés dans la ville. Dans le reste du pays, la situation est aussi confuse sinon plus. A Elbasan, le général Gavino Pizzolato, chef de la 80e DI Aéroportée La Spezia, parvient à maintenir la discipline dans ses unités. Ce chef qui a combattu aux côtés des Allemands de Rommel dans le Péloponnèse passe pour un « dur ». Il fait ouvrir le feu sans hésiter sur un groupe communiste, allié du LNC, qui tentait de désarmer ses hommes. Puis il réunit un conseil de guerre et annonce son intention de « s’opposer à toute intrusion ». Les nouvelles contradictoires de Tirana ne lui permettent pas de prendre une orientation plus précise. Au sud-est, la ville de Korçë est tenue par une milice fasciste pro-allemande, mais elle est pratiquement encerclée par les maquisards ballistes du commandant Moisiu. A Valona/Vlorë, le général Paolo Micheletti, chef de la 49e DI Parma, voudrait évacuer ses troupes vers Corfou, mais le colonel Gino Fini, du 49e RI Parma, s’y oppose : ce serait abandonner à leur sort les soldats italiens du continent. Dans la partie de la Macédoine yougoslave rattachée à l’Albanie, les maquisards du Balli Kombëtar entrent à Kiçevo et Struga, forcent les Italiens à leur céder leurs armes et proclament la « république libre d’Albanie ». Ils devront se retirer quelques jours plus tard devant l’avance des troupes bulgares. Plus au nord, Debar reste provisoirement aux mains des royalistes du LNC. Au Kossovo, la 718e DI allemande franchit la frontière de l’Ibar et occupe Pristina dans la journée. Le général Federico d’Arle, chef de la 38e DI de Montagne Puglie, se rend sans combat. Soldats italiens perdus en Yougoslavie Slovénie – Les Allemands de la 173e Div. de Réserve (général Heinrich von Behr), basée à Kranj, n’ont qu’à franchir la Save pour s’emparer de Ljubljana et capturer le général italien Ruggero, qui assure l’intérim de Gastone Gambara, avec tout l’état-major du XIe Corps d’Armée. La prise de contrôle de la ville et de ses environs est largement facilitée d’une part par le ralliement du général Renzo Montagna et de ses Chemises Noires “de Montagne”, d’autre part par le retrait en direction de Fiume de la 22e DI Cacciatori delle Alpi, à la tête de laquelle le général de brigade Luigi Maggiore Perni, commandant de l’infanterie divisionnaire, assure l’intérim de Ruggero. Une fois assurée de Ljubljana, la 173e continue son chemin vers Trieste. La résistance yougoslave est aussi surprise que ses occupants de la veille, mais plus prompte à réagir. Dans cette région, elle compte deux mouvements rivaux : les Partisans titistes d’Edvard Kardelj et les Tchetniks (appellation locale : « Garde Bleue ») du major Karlo Novak. Ni les uns ni les autres n’ont les moyens d’attaquer de grosses garnisons italiennes ou allemandes. Leur priorité est politique : renforcer leurs unités en s’emparant de l’armement italien, et surtout mettre hors circuit les collabos slovènes de la MVAC (« Garde Blanche ») avant que les Allemands ne puissent les utiliser. Les Rouges de Kardelj encerclent les Blancs occupant le château de Gr#arice (commune de Ribnica, au sud-est de Ljubljana). Plus pacifiquement, le major Novak vient rejoindre les Blancs occupant le château de Turjak et tente de négocier leur ralliement, en leur promettant que les Alliés ne vont pas tarder à débarquer à Rijeka ou à Trieste. En fin d’après-midi, suivant l’exemple de la Cacciatori delle Alpi, la 5e DI Cosseria du général Mondadori, quittant la zone de Novo Mesto, entame un retrait en direction de Fiume. Son départ entraîne en cascade celui de la dernière division du XIe Corps, la 153e DI Territoriale Macerata (général Quarra Sito) : abandonnant Karlovac, garnison voisine de la province annexée de Lubiana/Ljubljana, mais située en Dalmatie (actuelle Croatie) et non en Slovénie, elle prend également, en bon ordre, la route de Fiume. ……… Zagreb – Le Poglavnik Ante Pavelic est furieux de la trahison des Italiens, mais, en même temps, assez satisfait de pouvoir récupérer “ses” provinces adriatiques confisquées par le Duce. Après une rapide consultation avec l’ambassadeur allemand Kasche, il fait désarmer et interner tout le personnel italien de Zagreb. Mais ses troupes sont largement dispersées pour faire face aux possibles attaques des Partisans ou des Tchetniks, et seules deux divisions, la 1ère DI à Karlovac et la 6e DI à Mostar, sont en mesure d’agir rapidement. ……… Dalmatie – Le général Renato Coturri, chef du Ve Corps d’Armée, donne l’ordre à toutes ses troupes mobiles ou non (13e DI Re, 57e DI Lombardia, XIVe Brigade côtière) de gagner Fiume. Suivant les Italiens à distance respectueuse, les Partisans dalmates de Martino Nikolic prendront dès le lendemain la ville d’Oto#ac sans un coup de feu, quelques éléments de la MVAC se ralliant à eux. Deux jours plus tard, ce sera le tour de Crikvenica. Plus au sud, à Metkovic, la 154e Division d’Infanterie Territoriale italienne Murge (général Paride Negri) n’a décidément pas de chance : déjà durement éprouvée par les combats contre les Partisans, elle a travaillé dur pour remettre en état la voie ferrée de Mostar à l’Adriatique, et c’est pour voir arriver par cette même voie les Allemands de la Division de Montagne SS Prinz Eugen, flanqués de quelques auxiliaires croates. Negri se rend sans combat. Des Italiens dans l’Atlantique : la fin Ports d’Europe occidentale contrôlés par l’Allemagne (dès le lever du jour) – Agissant suivant des plans établis de longue date, les Allemands s’emparent sans attendre de tous les navires italiens présents dans les ports du Reich et ceux des pays occupés. Soit, au total, quatre sous-marins et seize navires de commerce. En Allemagne, la seule prise de contrôle est celle du cargo Amicizia (1 716 GRT), bloqué à Hambourg depuis juin 1940 et dont le grand âge – 65 ans ! – réduit fortement l’intérêt 7. Une partie des cargos italiens parvenus en France ayant commencé à participer aux transports allemands, donc à naviguer entre les ports d’Europe du Nord, les cargos Drepanum et XXIV Maggio sont saisis à Amsterdam et le Fidelitas à Bergen (Norvège). Mais le gros de l’affaire se joue dans les ports français. A Saint-Nazaire et Nantes, les Allemands mettent la main sur six bâtiments. Ce sont trois pétroliers, les Burano, Frisco et Todaro (tous à Saint-Nazaire), et autant de cargos : les Butterfly et Eugenio C. à Saint-Nazaire, le Capo Alga à Nantes. A Bordeaux, le pétrolier Clizia et les cargos Atlanta, Capo Lena, Fusijama, Himalaya et Monbaldo tombent au pouvoir des Allemands. Le contre-amiral Romolo Polacchini (qui avait succédé à Parona à la tête de Betasom le 18 septembre 1941) est fait prisonnier avec son étatmajor et toute la garnison de Betasom. Mais surtout, quatre des cinq sous-marins encore à disposition du 11e Groupe se retrouvent germanisés : les Comandante Cappellini, Dandolo et Luigi Torelli, en cours d’entretien avant des missions prévues en janvier 1943, et l’Enzo Tazzoli (CC Giuseppe Caito), tout juste rentré de sa dernière croisière, du 12 au 21 décembre 1942 (trois navires coulés). Le cinquième sous-marin, le Guglielmotti (LV Federico 7 L’Amicizia a été lancé comme quatre-mâts, en 1877. Il a été transformé en cargo à vapeur en 1920. Il n’est italien que depuis 1940 (armement E.V. Parodi). Tamburini), est en mer : obéissant aux ordres reçus de Supermarina, il ira se rendre aux Alliés dans les parages de l’Islande. Betasom a vécu. Grâce à l’expérience et l’habileté de ses commandants et équipages, sa flottille a tiré honorablement son épingle du jeu malgré la maigreur de ses effectifs (onze bateaux en tout et jamais plus de huit en ligne) 8. Après vingt-six victoires remportées en 1941 (pour la perte de cinq submersibles : Glauco, Maggiore Baracca, Malaspina, Marconi, Michele Bianchi), trente-sept succès supplémentaires ont été acquis en 1942, en échange d’un seul sous-marin coulé (le Veniero). Plus des deux tiers de ces succès (26 sur 37) sont dus à trois bateaux : Enzo Tazzoli, 11 ; Luigi Torelli, 8 ; Guglielmotti, 7 [5 pour ses deux premières missions plus 2 sans doute pour la dernière, pour laquelle aucune trace écrite ne subsiste]. Les Cappellini et Dandolo ont obtenu chacun quatre nouvelles victoires 9 et le Veniero trois. 8 D’une part, un évadé de la Mer Rouge, le Guglielmotti. D’autre part, dix transférés de Méditerranée : 1er passage : 4 dont 3 réussissent (Malaspina, Cappellini, Dandolo) et un est coulé (Glauco) ; 2e passage : 5 dont 3 réussissent (Veniero, Marconi, Luigi Torelli) et 2 sont endommagés et forcés à faire demi-tour (Otaria, Michele Bianchi) ; 3e passage : 2 (Enrico Tazzoli, Maggiore Baracca) ; 4e passage : 1 (de nouveau le Michele Bianchi, coulé avant d'arriver à Bordeaux après une attaque victorieuse contre un convoi). 9 Parmi les victimes du Cappellini figure le paquebot français Porthos (12 633 GRT), coulé le 11 septembre 1942 alors que, venant des Antilles, il avait rejoint un convoi Recife-Casablanca.