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Enseigner le dix-septième siècle : Au-delà du dualisme par Bernadette Höfer L’énigme de la relation entre l’esprit et le corps occupe une place considérable dans les médias et s’avère un facteur de grande actualité. Les revues et journaux américains Newsweek, Scientific American ou The New York Times relatent inlassablement les constantes recherches scientifiques visant à résoudre les questions suivantes à la fois brisantes et irrésolues : Comment décrire la conscience ? Qu’est-ce qu’une émotion, un sentiment ? Comment se fait la transmission de la joie, de la tristesse ou de la souffrance entre cerveau, corps et esprit ? Comment peut-on comprendre nos comportements éthiques ? La nouvelle vogue du yoga et de la méditation ou la grande résonance internationale aux entretiens avec le Dalaï-Lama sur la relation de l’esprit avec le corps,publiés par Daniel Goleman1, témoignent encore de l’intérêt populaire concernant le sujet. Pourtant, paradoxalement, comme le constatent le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux, auteur de L’homme neuronal (1993) ou le philosophe américain Daniel Dennett dans Consciousness explained (1991), l’héritage problématique du dualisme de Descartes persiste dans notre manière de penser ou d’approcher la réalité bien que nous le considérions obsolète et reconnaissions l’union entre le corps et l’esprit. La démarche scientifique de l’avenir doit constituer une libération du « dualisme cartésien » — soit avec lui — l’idée d’un lieu central dans le cerveau où l’âme et le corps se rencontrent (Dennett 1070). Lorsque le neurobiologiste portugais éminent, Antonio Damasio, évoque le dix-septième siècle, c’est pour y percevoir l’opposition entre Descartes et Spinoza. Dans Descartes’ Error (1994), il reconnaît que Descartes fut un grand penseur, mais réfute la scission de l’esprit et du corps dans laquelle il voit son « erreur » 1 Daniel Goleman, Healing Emotions. Le titre de la traduction française révèle davantage que les questions débattues tournent autour de la relation entre l’esprit et le corps : Quand l’esprit dialogue avec le corps : Entretiens avec le Dalaï-Lama sur la Conscience, les émotions et la santé. Trad. Par Philippe Cornu. 156 BERNADETTE HÖFER principale. Son livre le plus récent, Looking for Spinoza (2003), tend à montrer que Spinoza a proposé une conception stupéfiante, de type moniste, de la relation entre le corps et l’esprit, restée longtemps ignorée ou incomprise, et pourtant révolutionnaire et conforme aux théories actuelles dans son appréhension des affects2. Ces publications récentes traduisent la brisance de ce thème d’actualité. The New York Times du 26 juin 2007 publiait un article intitulé « Science of the Soul ? ‘I think, Therefore I Am’ is Losing Force ». Cet article décrit l’entreprise bouleversante des neuroscientifiques cognitifs et des biologistes évolutionnaires de montrer que la conception du dualisme des substances ne domine plus la science et la philosophie actuelles mais que, par contre, elle continue à s’exercer dans notre façon de penser quand, par exemple, nous continuons à éprouver du respect et de l’émerveillement vis-à-vis de l’esprit omettant de lier ses performances à des phénomènes physiques (Damasio, Looking for Spinoza 189-90). Dans son livre The Emotional Brain (1998), le neurologue Joseph LeDoux tente d’en finir une bonne fois pour toutes avec la conception cartésienne du primat de la raison et substitue au cerveau rationnel l’idée d’un cerveau émotionnel. Après trois cents ans de savoir scientifique fondé sur l’hégémonie de la raison instaurée par Descartes, nous vivons à notre époque « la révolution des affects » (Eakin 2003). 2 En même temps, les neurosciences déplorent que le corps demeure à nouveau prohibé, héritage de Descartes selon eux. Une étude allemande récente a lancé un concours d’écriture pour les étudiants universitaires sur la question « combien de corps l’homme doit-il avoir ? » [Gero von Randow, éd., Wie viel Körper braucht der Mensch?] Le résultat fut que dans la société actuelle, la notion d’avoir tout simplement un corps est perdue. Lorsque nous naviguons pendant des heures dans le monde virtuel jusqu’à-ce que nous brûlent nos yeux ou lorsque nous essayons de nous construire un corps impeccable en nous entraînant dans les gymnases, il nous paraît que le corps ne soit pas le siège de nos sentiments, mais un lieu de « production ». AU-DELÀ DU DUALISME 157 La préoccupation de nombreux penseurs actuels envers Descartes et Spinoza est frappante. Elle indique d’un côté une confrontation explicite avec le dix-septième siècle des neuroscientifiques et philosophes de l’esprit. De l’autre, elle montre que les enquêtes et les tensions qui traversent les disciplines scientifiques à l’aube du vingt-et-unième siècle existaient déjà au dix-septième siècle. Bien sûr, la terminologie et la nature des investigations ont été bouleversées par le progrès scientifique. Mais en même temps, les neurobiologistes se placent explicitement et résolument sous l’égide du pionnier du dixseptième siècle : Spinoza. La référence au dix-septième siècle ne se borne donc pas à un simple rejet de Descartes. Il faut noter l’extrême attention portée à la conception spinoziste qui cautionne l’idée du primat de l’esprit sur le corps. Si, pour les neurobiologistes, le dix-septième siècle est plus qu’un engouement particulier et qu’ils revendiquent une filiation directe avec cette époque, il est donc indéniable que ce rapport nous invite à une réflexion sur les découvertes de ces penseurs du dix-septième siècle qui nourrissent le débat actuel. Le débat contemporain connu sous le terme anglais « the mind/body problem », à savoir si l’esprit et le corps forment deux substances différentes ou une seule substance unique a été lui aussi un centre prépondérant au dix-septième siècle. L’approche que nous envisageons est donc de montrer comment le dix-septième siècle pose les questions clés qui resurgissent de nos jours. Nous enquêterons sur le dialogue implicite entre le dix-septième siècle et le vingt-et-unième siècle. Tout en soulignant les mérites de Descartes, nous nous pencherons sur les impasses de sa pensée. Pour cela nous puiserons dans d’autres sources qui offrent une solution au problème laissé inachevé par Descartes. La pensée médicale de l’époque qui s’inspirait de la médecine galéniste précédant Descartes et éradiquée de la vision du philosophe mettait corps et esprit sur un pied d’égalité. Nous découvrirons encore des voix littéraires signifiantes qui affirment que l’esprit est inséparable du corps. Bien sûr, ces problèmes ne datent pas exclusivement du dixseptième siècle. La médecine ancienne tout comme la philosophie 158 BERNADETTE HÖFER classique se posaient la question de la nature et de l’interaction des substances. Mais il s’agit dans ce cours de s’intéresser à la filiation entre le dix-septième siècle et la neurobiologie des affects, plus précisément encore, aux idées de la correspondance entre le corps et l’esprit qui réapparaissent dans les théories actuelles et qui par-là lient les deux siècles. Les approches « cognitives » à la littérature gagnent progressivement en notoriété et nous montrent que la science cognitive peut contribuer de façon signifiante à comprendre des textes littéraires et seconder notre entendement des contextes historiques et culturels dans lesquels ils s’inscrivent. La connaissance établie par les sciences cognitives nous permet d’abandonner des modèles théoriques obsolètes et de réorienter nos études vers des angles de perspectives qui semblent plus pertinentes de nos jours. Plus spécifiquement, le souci est de montrer que certains thèmes ne se laissent pas trancher en des disciplines différentes mais méritent une perspective comparatiste et intégrée. En même temps, en dehors de son interdisciplinarité, l’objectif de ce cours demeurera le développement de la capacité de réflexion critique et de l’aptitude linguistique des étudiants par la lecture, la discussion et l’écriture. Nous aborderons l’étude de la relation entre l’esprit et le corps à travers une variété d’approches — littéraire, philosophique, médicale, culturelle — et ajouterons aussi les théories neuroscientifiques actuelles. Pour procurer à nos étudiants une connaissance de textes canoniques, ce cours inclura la lecture de trois textes littéraires intégraux : Le Malade imaginaire ; La Princesse de Clèves ; Phèdre ainsi que des extraits de Pascal et Descartes et autres auteurs moins connus. De même, les étudiants seront confrontés dans leur langue maternelle avec des textes actuels du domaine des neurosciences.3. 3 Le corpus se compose de Descartes, Méditations métaphysiques. Les Passions de l’âme. Œuvres et Lettres (tous lus en extraits). Pascal, Pensées (extraits). Spinoza, Ethique (extraits). Molière, Le Malade imaginaire. Lafayette, La Princesse de Clèves. Racine, Phèdre. AU-DELÀ DU DUALISME Partie 1 : Perspectives philosophiques et moralistes4 159 Ce cours commencera par souligner l’actualité des questions évoquées et cherchera à l’aide de questions préliminaires discutées collectivement à définir des notions de base : le monisme, le dualisme, la connaissance et le rôle joué par le corps dans l’acquisition de la connaissance. Le problème de la relation entre l’esprit et le corps sera d’abord étudié à travers la conception dualiste préconisée par Descartes. Les étudiants liront comme devoirs des passages choisis tirés des Méditations métaphysiques (1641), de la correspondance avec la princesse Elisabeth et du Traité des passions (1649). La discussion en cours tournera d’abord sur la distinction cartésienne catégorique entre deux substances de valeur différente : l’âme (ou l’esprit) et le corps.5 À l’opposé de l’esprit, le corps matériel n’a pas la capacité d’affirmer sa propre existence et comme principe de mouvement, le corps est a priori un automate naturel, une machine, qui en tant que mécanisme libre, existe entièrement à part et se trouve dépourvue de toute capacité autoréflexive (Méditations 91)6. Au cœur de la philosophie cartésienne se trouve une séparation entre chaque substance dont un attribut particulier définit la nature. Ainsi, la substance pensante se démarque par la pensée et la corporelle par l’extension. Comment peut-on alors envisager la communication entre l’esprit immatériel et le corps matériel ? L’étude de passages choisis des Passions de l’âme servira à lancer la discussion sur cette interaction que Descartes explique à travers les passions et matériellement à travers le rôle physiologique de la glande pinéale 4 Une version analogue à ces trois parties mais plus développée méthodologiquement paraîtra sous la direction de Derval Conroy en 2010 dans un volume portant sur l’enseignement interdisciplinaire au dix-septième siècle. 5 6 Descartes utilise le mot esprit ou âme de façon interchangeable. Nous pourrions ajouter la lecture de la « Lettre au Marquis de Newcastle », le 23 novembre, 1646, dans Bridoux, éd., Oeuvres et lettres 1255. 160 BERNADETTE HÖFER située au milieu du cerveau et celui des esprits animaux (Art. 31). Même si Descartes connecte les deux substances différentes et inégales, cette interaction laisse de nombreuses imprécisions. Nous aborderons alors d’autres voix de l’époque classique qui réprouvent cette forme d’interaction. Sous forme de courtes présentations, les étudiants s’attacheront par exemple à la critique exprimée par Elisabeth de Bohême dans sa correspondance avec Descartes. 7 Il s’agira aussi de rectifier les erreurs attribuées à Descartes. Le livre de Erec Koch intitulé The Aesthetic Body pourrait servir à l’étude du principe physiologique à la base des passions de l’âme chez Descartes. Koch nous invite à repenser le dualisme cartésien en nous offrant une possibilité de contact entre les substances. Descartes indique que l’âme peut être sujette aux sensations et aux passions qui naissent dans le corps. On pourrait ajouter le point de vue d’autres critiques modernes qui, au lieu de se focaliser sur « l’erreur » de Descartes, mettent l’accent sur sa valeur : le philosophe pose et essaie de résoudre des questions essentielles concernant la définition du soi et de la conscience. Descartes postule que la conscience de soi se trouve dans l’esprit qui est distinct du corps. Son contemporain Bénédicte Spinoza cautionne l’idée du primat de la pensée et détermine dans son Ethique (1677) qu’il est nécessaire d’étendre l’esprit à la connaissance du corps. L’esprit n’existe pas en dehors du corps comme chez Descartes mais fait partie de la matière corporelle, ayant comme fonction de représenter les idées des affections physiologiques. L’affect est donc l’idée par laquelle l’âme s’imagine l’état actuel du corps, et Spinoza renforce par là le principe de dynamisme entre le corps et l’esprit. A cet égard, c’est bien le corps qui donne lieu à la vie de l’esprit ; l’esprit n’existe qu’en tant que puissance d’agir du corps. L’homme peut donc être défini comme l’union de l’âme et du corps. Les étudiants liront des extraits de la deuxième partie de l’Ethique où Spinoza affirme par analogie qu’« un cercle qui existe 7 Descartes, « Lettre à Élisabeth », le 18 mai, 1645 (1183) et « Lettres à Élisabeth », juillet 1647 (1280) dans Bridoux, éd., Oeuvres et lettres. AU-DELÀ DU DUALISME 161 dans la Nature et l’idée du cercle – idée qui est aussi en Dieu – sont une seule et même chose, qui s’explique par des attributs différents » (II, Prop. 7, Sc.) et que le corps est la même chose que l’esprit, ce dernier étant seulement conçu sous un attribut différent : «[l]’esprit humain, en effet, est l’idée même, autrement dit la connaissance du corps humain » (II, Prop. 19, Dém.)8. Nous nous tournerons alors vers un troisième grand philosophe de l’époque, Blaise Pascal et étudierons les passages des Pensées (1669) où celui-ci a recours à une théorie qui distingue bel et bien deux substances différentes (Pensée 233-418 et Pensée 252-821)9. Nous constaterons alors que, comme Descartes, Pascal privilégie l’esprit en ce qu’il y reconnaît l’outil de la connaissance10. Cependant cette distinction devient chez Pascal la base d’une philosophie morale et non pas, comme chez Descartes, le fondement d’une épistémologie philosophique et scientifique. Pascal en tire non seulement cette conclusion qu’il est difficile pour l’homme de distinguer les deux ordres (le corporel et le spirituel), mais aussi la réflexion que la nature de chaque substance est inconcevable pour l’humain et l’union de ces substances moins concevable encore (Pensée 72-199). Nous analyserons également comment Pascal transforme le dualisme cartésien de l’esprit et du corps en produisant de nouvelles divisions binaires entre la grandeur de Dieu et la misère humaine, entre la pureté divine et le péché humain, entre l’amour épuré pour Dieu et la concupiscence. Partie 2 : La mélancolie: Discours médical, artistique et culturel Le problème de la relation entre l’esprit et le corps ne date pas uniquement de l’époque de Descartes, tel que le soulignent les neurobiologistes actuels. Tout en révélant l’influence du 8 Nous pourrions ajouter Spinoza, Ethique partie II, Proposition 13 et partie III, Proposition 10. 9 On pourrait également inclure une lecture de Malebranche. 10 Voir chez Pascal: « Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C’est de là qu’il faut nous relever et non de l’espace et de la durée, que nous ne saurions remplir » (L 347-200). 162 BERNADETTE HÖFER philosophe français pour le « mind/body problem » actuel, il est nécessaire de recourir à d’autres influences pré-cartésiennes qui demeurent importantes au dix-septième siècle. La tradition hippocratique et galénique soulignait déjà les rapports entre l’âme et le corps. La santé du corps et celle de l’esprit s’influençaient mutuellement. Lorsque le corps tombe malade, l’esprit se trouve affecté lui aussi. De même, les maladies provoquées par des conflits mentaux perturbent la santé physiologique. Les médecins du dix-septième siècle avaient hérité la conception humorale de l’organisme. On croyait que les humeurs du corps humain (le sang, la bile noire ou la mélancolie, la bile jaune, la colère et le flegme) déterminaient le caractère de chaque individu. Par exemple, une légère accumulation du flegme rendait quelqu’un enclin à la passivité. Lorsque les humeurs n’étaient plus bien équilibrées, cette perturbation était associée à une maladie. Une accumulation excessive de la bile noire rendait le mélancolique dépressif, le dérèglement physiologique déclenchant des manifestations mentales et corporelles. De même des pensées négatives pouvaient mener à une accumulation de bile noire à l’intérieur du corps et constituer la source d’agitations humorales. Nous nous tournerons alors vers trois médecins représentatifs, penseurs qui semblent effectivement rejeter tout dualisme dans leur observation d’un concert entre perturbation physique et trouble mental. Nous lirons des extraits d’André du Laurens : Discours des maladies mélancholiques (1594) ; de Jacques Ferrand : De la maladie d’amour ou melancholie erotique (1623) ; et de Robert Burton : The Anatomy of Melancholy (1641) qui, bien qu’il ne fût pas directement médecin, avait fait des études de médecine. Pour eux, l’interdépendance entre l’accablement physiologique et mental est à la fois diagnostiqué et pratiqué dans l’utilisation de remèdes destinés à la guérison de la mélancolie. Ces médecins en viennent à penser que la mélancolie est une maladie du corps et de l’âme. Ces textes (par ailleurs nullement exclusifs) montrent qu’avant Descartes, la tradition médicale avait pensé l’union entre l’esprit et le corps et ressenti comment des processus humoraux (ou chimiques) pouvaient être à la source de transformations mentales AU-DELÀ DU DUALISME 163 et que c’est la correspondance entre le corps et l’esprit qui se manifeste à travers les humeurs.11 Cette représentation moniste de la mélancolie se manifeste également dans les beaux arts où elle est parfois représentée comme une maladie, une espèce de tempérament sublime ou associée même à la folie. Le catalogue de l’exposition du Grand Palais sur la mélancolie intitulé Mélancolie, génie et folie en Occident permettra par exemple aux étudiants d’étudier à travers les tableaux artistiques deux concepts antagonistes : celui de la mélancolie, manifestation du génie et celui de la mélancolie, perturbation pathologique. La description des perspectives s’effectuera à travers des mini présentations orales, le travail en groupe, la discussion en classe et de brefs rapports écrits. Nous étudierons 1. des images tirées de l’iconographie chrétienne du Moyen Age (la représentation de l’acédia chez Jérôme Bosch, La tentation de Saint-Antoine et Déodato di Orlando, Saint Jean) ; 2. la notion des quatre tempéraments (gravures de Johan Reinhard) ; 3. la fameuse estampe de Dürer (Melencolia I) qui combine le portrait du tempérament 11 La question des sexes se manifeste également dans l’analyse de la mélancolie et permet d’étudier de nouvelles divisions binaires (homme/femme) et par la suite, l’effondrement de ces binarismes. Ce débat intervient dans le contexte des possessions religieuses au début du dix-septième siècle et trois thèses divergentes reviennent régulièrement : véritable possession démoniaque, mal d’imagination ou mélancolie féminine. André Du Laurens, Jacques Ferrand ou Marc Duncan, clament nettement que la femme peut elle aussi être atteinte de cette maladie. A cette idée s’oppose tout particulièrement Hippolyte-Jules de La Mesnardière qui proteste obstinément et avec acharnement contre une telle possibilité. Dans les développements consacrés à la mélancolie féminine par la littérature médicale de la première moitié du dixseptième siècle, le dualisme prévaut, et les auteurs distinguent nettement entre constitution masculine et constitution féminine. Les parties du corps où se déclare et à partir desquelles se répand la maladie sont soigneusement distinguées selon qu’il s’agit d’un homme ou d’une femme et hiérarchisées (cerveau, coeur, rate/foi et utérus). Cependant, ces divisions apparaissent progressivement après les années 1650. 164 BERNADETTE HÖFER mélancolique avec ses dangers et dons ; 4. des conceptions alchimistes (Wolfgang Kilian, Emblême 4 dans M. Geiger, Microcosumus) ; 5. le lien entre la mélancolie et la vanité (Bruegel de Velours , La vue) ; 6. la tristesse comme l’une des manifestations psychiques principales de cette maladie dans l’iconographie médiévale et de la Renaissance ; 7. le rapport entre la mélancolie et la mort (par exemple, Georges de la Tour, La Madeleine à la vieillesse et Ferdinand Bol, Le vieux savant) ; 8. le rôle de la musique comme un remède efficace aux tristes pensées (la musique élisabethéenne ; Bernardo Cavallino , David jouant devant Saül ; Giovanni Francesco Barbieri , Le Roi David )12 ; 9. ou, au contraire, la musique profondément mélancolique (nous pourrions, par exemple, incorporer le film d’Alain Corneau, Tous les matins du monde). Après avoir vu la prépondérance qu’adopte la mélancolie dans les études médicales et dans les beaux-arts, nous mesurerons sa portée dans la culture sociale du dix-septième siècle. A l’opposé de la foule des manifestations artistiques, elle est décriée à la cour en France et le courtisan se rend compte qu’il doit en camoufler ses marques. D’un côté, elle est rejetée car elle renvoie aux années des insurrections de la Ligue. De l’autre elle se heurte aux nouveaux modèles sociaux de l’honnêteté. L’honneste-homme ou l’art de plaire à la court (1630) de Nicolas Faret décrit cette étiquette de la cour qui érige que l’art du courtisan consiste en la dissimulation. La grâce du corps et la qualité de l’esprit vont de pair. Faret insiste en particulier sur les règles concernant le corps, le courtisan ne devant jamais subir passivement l’intempérance de ses humeurs ni succomber au dérèglement que peuvent engendrer les passions. « Etre maître de soi-même » et de son corps, contrôler ses humeurs et ses affects est le principe énoncé par l’auteur en vue de guider l’honnête homme dans son apprentissage de la vie à la cour du Roi (163-165). La détermination du corps par la volonté de l’esprit nous fait penser à au concept « l’âme généreuse » des Passions de l’âme : tout courtisan garde secret ses dérèglements intérieurs. La 12 Tous ces exemples sont tirés de Clair, Jean. éd. Mélancolie, génie et folie en Occident. AU-DELÀ DU DUALISME 165 culture de la cour insiste sur l’entretien de l’âme et du corps par une surveillance rigoureuse de soi-même. Partie 3 : Voix littéraires Le territoire d’antagonismes binaires entre esprit et corps, homme et femme, culture et nature, « trois dichotomies pernicieuses », selon Lawrence E. Cahoone (233-234) est examiné sous une perspective critique par Molière, Lafayette et Racine à travers la maladie de l’esprit et du corps de leurs personnages. Ces trois auteurs ne séparent plus, comme le fait Descartes, la réalité intérieure et l’espace extérieur, mais perçoivent l’expérience du « je sens physiquement » d’où découle un « je pense » comme l’expression immédiate de la pensée basée sur l’expérience corporelle. Ils révèlent les conséquences nocives provoquées par le « dressage » de l’individu dans son corps, ses désirs, ses humeurs et par l’idéal socioculturel d’auto maîtrise du langage corporel et verbal. Ils dévoilent l’utopie de la pensée rationaliste de l’époque qui prône la libération de l’âme libre par l’empire absolu de la raison sur le corps et les passions. Comme nous cherchons à aborder une étude comparatiste entre le dix-septième et le vingt-etunième siècle, nous découvrirons l’apparition de perspectives qui ouvrent la voie aux recherches actuelles et font apparaître d’importantes parentés conceptuelles. Chez Le Malade imaginaire, le corps du personnage se révèle uniquement affecté dans son imagination. Dans cette pièce, la maladie ne relève pas d’une simple explication humorale et ne se laisse pas soigner par des remèdes organiques qui visent la santé du corps, et par là les traitements demeurent inefficaces. L’éloignement délibéré des théories humorales de l’hypocondrie chez Molière nous conduit à considérer deux questions principales : 1. l’origine de la maladie (vu que Molière s’affranchit des explications humorales) ; 2. Le rôle des sens et de l’imagination, c’est-à-dire la présence d’un corps souffrant, susceptible et émotif à partir duquel le personnage tire sa seule conscience de soi. Nous étudierons alors l’idée du délire 166 BERNADETTE HÖFER d’imagination sans fièvre ni fureur conçue dans l’univers classique.13 Une recherche lancée sur Internet portant sur la définition actuelle de l’hypocondrie nous permettra d’établir que celle-ci est considérée de nos jours comme une maladie psychosomatique, que le trouble concerne le fonctionnement des organes, et que ses causes sont socioculturelles. Chez Molière cette maladie est conçue comme une maladie de l’âme et du corps dont le principal agent réside dans l’imagination. Celle-ci ne doit pas être comprise comme une production nocive dépourvue de rapport au réel — ce qui rapprocherait Molière de Descartes — mais plutôt comme une faculté qui produit un sentiment d’état du corps où la somatisation ressentie (bien qu’invisible) est intrinsèquement liée à une souffrance psychique. Molière en fait le lieu de naissance d’une subjectivité intimement liée avec le corps car Argan se définit à travers la sensation d’avoir un corps.14 Cette idée émise par Molière apparaît aujourd’hui sous un jour nouveau avec l’apport des recherches de la médecine du vingtième siècle. Henri Ey souligne le lien intime qui existe entre l’hypocondrie, l’imagination et la réalité : L’hypocondrie est une illusion, et le problème de l’hypocondrie n’est qu’un aspect de celui de la projection hallucinatoire et délirante. Mais le propre de l’illusion est précisément d’être vécue à la fois sur le registre de l’imaginaire et sur celui du réel. La réalité que contient l’hypocondrie n’est pas autre chose que la réalité même de l’appartenance de notre corps à notre « monde », […] cette expérience « par quoi je suis mon corps » et qui lie « mon corps » à « moi » dans la relation de 13 Des extraits du livre de Gérard Ferreyrolles, Les Reines du monde, seront incorporés dans ce contexte. 14 Le livre de John Lyons, Before Imagination, sera utile dans ce contexte. AU-DELÀ DU DUALISME l’« avoir ». C’est la parfaite disposition de mon corps qui m’échappe dans l’hypocondrie et ce que je sens dans mon corps alors c’est un événement et non seulement un accident qui s’y passe malgré moi et contre moi (tome II, 479 ; c’est moi qui souligne). 167 L’imagination se manifeste par une autonomie de l’expérience du corps (et de la subjectivité) par rapport à la pensée, et elle peut jouer un rôle véritable et décisif dans la corrélation entre esprit et corps, déterminer l’évolution de la santé ou avertir du conflit qui se cache derrière l’apparence d’une maladie et d’une souffrance du corps. Elle devient le traducteur le plus direct d’une détresse intérieure qui renvoie à une autre idéologie de l’état absolutiste, celle de l’honnête homme occulté de sa chair, dressé à réprimer toute manifestation publique d’« intempérance » physiologique. Les étudiants analyseront la maladie comme une marque du sujet marginal qui souffre et se révolte contre les refoulements imposés. Lafayette, elle aussi, conçoit la maladie comme un « langage de détresse »15 et conteste les contextes dualistes sociopolitiques et philosophiques qui élèvent la faculté réflexive et imposent le dressage des passions et du corps. Lors de la lecture de La Princesse de Clèves, le lecteur remarque directement la grande quantité de maux non identifiés dans ce roman: maladies feintes, douleurs ardentes, fièvres violentes ou angoisses mentales frisant même un état proche de la folie, tous indiquant une souffrance intense chez les personnages, une agitation aussi bien mentale que physique. Dans ces maladies (touchant autant les protagonistes féminins que les personnages masculins sans différenciation sexuelle), le corps traduit un trouble qui a été tenu au silence, étouffé ou « réprimé » antérieurement avant de se manifester apertement par la somatisation. La concordance entre Lafayette et les recherches neurobiologiques actuelles réside dans le fait de concevoir la « cartographie » du corps : soit l’inclination, le trouble et la 15 J’emprunte cette expression au titre de l’ouvrage de Lilian R. Furst, Idioms of Distress. 168 BERNADETTE HÖFER tristesse perçus physiquement qui révèlent l’état d’âme des personnages avant même qu’ils ne l’aient conçu. L’idée de la « marque » de la passion est capitale dans le roman. La passion naît d’abord sur et dans le corps et se manifeste par des signes corporels sans que le « frein » de la volonté n’intervienne (153, 169, 194). C’est le corps qui traduit la naissance de l’amour entre Nemours et la princesse. Tandis que l’entourage lit les marques de cette passion (167, 207, 310 etc.), la protagoniste ne la conçoit qu’après l’avoir déclarée physiquement à travers ses manifestations corporelles. La princesse de Clèves est si marquée par sa passion que la seule mention du nom de Nemours lui « donna un tel trouble […] qu’elle ne put le cacher » (249). Cette manifestation physique — si flagrante que M.de Clèves la remarque — exprime la souffrance douloureuse de son âme qui ainsi se trahit. Elle « s’en revint chez elle, l’esprit plus agité qu’elle ne l’avait jamais eu. Son mari s’aperçut aisément de l’augmentation de son embarras » (250). Le corps devient chez Lafayette le lieu d’une certaine intelligence et sans doute d’une profonde intimité car il module les déclencheurs de l’émotion, rôle qu’il n’acquiert jamais chez Descartes. C’est-à-dire que le corps est un principe fondamental qui enregistre et articule le vécu premier de l’émotion (trouble, angoisse, honte) et par la suite transmet une « alerte mentale » quant au danger des circonstances qui ont suscité l’émotion. Cette « cartographie » du corps paraît significative et pertinente pour les recherches d’aujourd’hui. La neurobiologie parle des « images du corps » : la gamme de changements corporels (sensibles et chimiques) est encartée au cerveau où se fond l’esprit (Damasio, Looking for Spinoza 195197). Le « je sens » précède donc le « je pense » chez Lafayette. Chez Racine, la mélancolie d’amour de Phèdre apparaît comme le signe visible d’une perturbation manifeste sur le corps et dans l’esprit. Une visualisation de la pièce peut aider les étudiants à dépasser les difficultés linguistiques et les allusions mythologiques qui la rendent difficile à lire et les aider à saisir l’abattement corporel et mental qui agissent de concert (insomnie/ affaiblissement corporel et pensées suicidaires, chagrin, désordre d’esprit), et le tiraillement de l’héroïne entre une phase dépressive et une phase maniaque. Le trouble intérieur que produit sa passion AU-DELÀ DU DUALISME 169 illégitime se manifeste alors de façon simultanée intérieurement et extérieurement par une foule de symptômes connexes, tel que l’accablement dû à l’insomnie et au refus de nourriture, les pensées suicidaires, l’égarement périodique de ses pas, un état proche de la manie, la fuite dans un monde fantasmatique, les larmes, la désaffection envers ses enfants et les crises de fureur. Deux points essentiels nous occuperont par la suite : 1. Comprendre les passions comme un processus unifié entre corps et esprit chez Racine, qui préfigure l’idée du théâtre du corps et du théâtre de l’esprit en neurobiologie; 2. Percevoir dans l’expression de la mélancolie une transgression des dogmes sociopolitiques et de la conception du dualisme de l’époque. Racine conçoit les signaux corporels comme des processus cognitifs qui ne sont pas irrationnels mais qui, au contraire, constituent la base des sentiments et de la conscience. Les passions se traduisent par une construction corporelle ( fait que la neurobiologie appelle « les émotions » et qui se manifestent sur le théâtre du corps) à laquelle suit une réaction mentale connexe, les « sentiments » qui se manifestent sur le théâtre de l’esprit. Selon le neurologue Joseph LeDoux, alors que les émotions sont des phénomènes physiques, observables (expressions faciales, signaux chimiques et manifestations sensibles), les sentiments sont le vécu de l’émotion, ce qui est perçu de l’émotion lorsque naissent les idées (298). D’un côté, le corps expose la division intérieure de Phèdre et reflète ainsi les processus mentaux, mais de l’autre, et ceci rend Racine intéressant pour la neurobiologie actuelle, il constate l’autre face de leur rapport, que le corps façonne de nombreux contenus mentaux. Esprit et corps se reflètent mutuellement16. Nous placerons aussi la mélancolie de Phèdre dans un contexte politique et culturel et expliquerons qu’elle marque le sujet clivé entre la loi et ses désirs. La mélancolie de la protagoniste reflète un conflit irrésolu qui se manifeste dans son déchirement entre le désir transgresseur et libéré et la honte de son crime qu’elle admet à Thésée (v. 916-20). Le tableau du déchirement irrésolu de Phèdre 16 Voir par exemple les vers 581-582 ; v. 261 ; v. 273, v. 275-276 ; v. 715-716. 170 BERNADETTE HÖFER fait découvrir et concevoir chez les spectateurs les zones de fonction du patriarcat, les fantasmes de la sexualité et l’identification problématique avec la loi. À travers les divisions irréconciliables chez Phèdre, Racine conteste subversivement l’idée louis-quatorzienne de l’unité de son régime et peint le tableau d’un tourment irrésolu entre raison et passion, entre loi et désir. La mélancolie de Phèdre adopte symboliquement le rôle d’une rupture avec la société et fait apercevoir les frontières inhérentes à toute société et à tout individu : celles entre la santé et la folie, entre la loi et le désir, entre la vie et la mort. Conclusion En organisant le cours autour d’un thème d’intérêt persistant et prépondérant, et en favorisant une approche cognitive de la littérature, nous créons un lien entre un dix-septième siècle (souvent connoté par les étudiants comme difficile et ennuyeux) et des thèmes actuels auxquels ils s’intéressent véritablement. L’intérêt du dix-septième siècle pour la neurobiologie actuelle — aussi frappant qu’il puisse être — fait dissoudre les frontières entre les deux siècles. En même temps, Molière, Lafayette et Racine illustrent la façon dont s’est formée en France, au dix-septième siècle, une vision de l’existence humaine anticipant de manière étonnante les découvertes neurobiologiques sur les répertoires corporels dans la formation du soi. Les trois auteurs contestent déjà de façon systématique les positions dualistes et proposent en retour une vision holistique de la vie humaine. L’approche comparatiste permet aussi aux étudiants de découvrir un « autre » dix-septième siècle qui formule des conceptions avancées sur le rôle du corps dans la production de la conscience et qui relie les phénomènes mentaux à des manifestations organiques. Même si chez certains auteurs étudiés le vocabulaire reste rudimentaire et simpliste, leurs notions peuvent paraître pionnières et visionnaires pour les recherches actuelles17. Bien sûr, le danger d’une confusion sur les époques et 17 Il aide l’étudiant non seulement à acquérir des connaissances sur le siècle passé mais à ériger une conception de l’humain : qui sommes- AU-DELÀ DU DUALISME 171 sur la terminologie se camoufle derrière ce type de cours interdisciplinaire qui pourrait courir le risque de devenir « anachronique ». De même, notre formation en études littéraires ne nous permet pas de nous considérer comme des savants ou spécialistes en psychologie et neurobiologie, et ce n’est point notre intention. Mais l’enseignement du dix-septième siècle à l’époque actuelle ne doit pas sombrer dans l’isolement, mais doit mener à une compréhension entre les disciplines18. L’approche multidisciplinaire permet aux étudiants d’intégrer leurs connaissances acquises dans d’autres matières et de créer une salle de classe qui est orientée vers l’étudiant (qui pourra sans doute avoir parfois plus de connaissances dans ce domaine que nousmêmes)19. On pourrait conclure ce cours en étudiant le souci éthique et moral caché derrière l’interrogation sur la relation entre l’esprit et le corps chez Descartes, Pascal et Spinoza. À leur conception commune de la dimension éthique des comportements humains et de la « responsabilité » morale de l’être l’humain, nous pourrions opposer ces voix actuelles matérialistes, qui proclament que nos nous, à quoi bon le progrès, comment comprendre la souffrance humaine, la douleur, la dépression ? 18 En février 2003, la revue Chronicle of Higher Education, rendant hommage à l’œuvre de Damasio, annonçait qu’une voie révolutionnaire s’ouvrait là pour la recherche littéraire actuelle et à venir dans le domaine des « affects », visant directement l’effondrement des approches cartésiennes et prédisant l’apparition d’études consacrées aux frontières intersubjectives entre science et littérature. Katherine Dauge-Roth étudie de façon très juste la valeur d’approche compréhensives et « d’ouvertures » à d’autres matières. Voir son « Crossing Lines »109. Voir aussi l’approche interdisciplinaire d’Allison Stedman : « Teaching the Interdiscplinary Seventeenth-Century to Undergraduates » qui insiste sur la valeur d’approches interdisciplinaires à l’époque contemporaine. 19 Au sujet d’un environnement centré sur l’étudiant, voir L. Dee Fink, Creating Significant Learning experiences et Maryellen Weimer, Learner-Centered Teaching. 172 BERNADETTE HÖFER sentiments et notre sens de la morale sont uniquement une production et un enchaînement de phénomènes physiques et rejettent entièrement l’idée de la « responsabilité » morale de l’être humain. Nous pourrions par exemple inclure un article tiré du New York Times du 26 juin 2007, intitulé « Science of the Soul ? ‘I think, Therefore I Am’ is Losing Force ». Cet article décrit l’entreprise bouleversante des neuroscientifiques cognitifs et des biologistes évolutionnaires de chercher à démontrer que nos sentiments et notre sens de la morale ne sont que la production d’un enchaînement de phénomènes physiques. Ces penseurs technologisent l’esprit, le corps, l’émotion, le sentiment, la mémoire et l’expérience. Selon eux, le cerveau (et avec lui l’esprit) n’est plus le lieu où émanent les pensées et les sentiments, mais un endroit déterminé par des anormalités génétiques et des déséquilibres hormonaux. Une telle théorie conteste même toute existence d’une âme individuelle, la remplace par la notion d’un « esprit universel cosmique » (Dean, New York Times), perçoit le monde dans des termes strictement matérialistes et conçoit même la possibilité de l’irresponsabilité de nos actes qui ne seraient plus que le résultat de mécanismes cérébraux. On pourrait ainsi terminer par la brisance de cette thématique qui nous concerne tous aujourd’hui. 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