CHAPITRE 4 : La France, sauveur de l`Inde
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CHAPITRE 4 : La France, sauveur de l`Inde
CHAPITRE 4 : La France, sauveur de l’Inde L’Inde fascinait beaucoup d’écrivains français du XIXe siècle comme Chateaubriand, Lamartine, Mallarmé. Ces écrivains qui n’ont jamais mis pied en Inde, transportaient toutefois leurs lecteurs dans ce pays exotique à travers leurs oeuvres. On trouve plusieurs romans français portant sur l’Inde. Mais concernant Pondichéry avant l’indépendance, le nombre se réduit à une dizaine. En ce qui concerne ce comptoir français, les écrivains français semblent privilégier le XVIIIe siècle durant lequel ce comptoir français a failli devenir pour toujours la capitale d’un vaste empire français en Inde. Judith Louise Gautier, fille du célèbre écrivain français Théophile Gautier, occupe une place importante dans cette liste d’écrivains français du XIXe siècle, qui étaient fascinés par l’Inde. Née à Paris le 25 Août 1845, Judith Gautier a été l’une des femmes les plus remarquables dans la littérature française du XIXe siècle. Elle a été la première femme membre de l’Académie Goncourt en 1910. Encore très jeune, elle a fait connaissance des grands écrivains français de son époque tels que Flaubert, Baudelaire, les frères Goncourt, qui étaient aussi amis de son père. Son article sur la traduction française d’Euréka d’Edgar Poe par Baudelaire a été sa première contribution à la littérature. Cet article a présenté au cercle littéraire français du XIXe siècle le talent littéraire de cette femme qui deviendra l’une des figures les plus importantes de son époque. Sous la conduite d’un réfugié politique chinois, Ding Dunling, recueilli par son père, elle a été initiée à la littérature et civilisation chinoises. La publication de son oeuvre, Le Livre de Jade rassemblant l’adaptation des poèmes chinois, qui lui a valu les félicitations de nombreux écrivains français, notamment de Victor Hugo, a introduit la littérature de son époque à un monde très méconnu. L’oeuvre de Judith Gautier est vaste et variée : Elle est l’auteure des romans comme Iskender, des ouvrages historiques comme La Conquête du Paradis, des contes comme Mémoires d’un éléphant blanc, d’un ouvrage autobiographique, Le Collier des jours. Ce qui est remarquable dans son oeuvre, c’est la porte qu’elle a ouverte sur l’exotisme de l’Orient et la manière dont elle a recrée les pays évoqués avec un sens poétique. On peut même dire que Judith Gautier représente dans la littérature française contemporaine le goût de l’exotisme. Son ouvrage historique, La Conquête du Paradis, inspirée de l’oeuvre de son père Théophile Gautier, est un livre important sur l’Inde, en particulier, sur Pondichéry. À la fois un roman historique et un roman d’aventures, La Conquête Conquête du Paradis couvre une période glorieuse de l’histoire de l’Inde Française (1746-1750) durant laquelle l’Inde a failli devenir française. Dans ce roman, l’auteur entraîne ses lecteurs non seulement ailleurs, mais aussi en arrière : l’histoire se déroule sur la côte du Coromandel, au milieu du XVIIIe siècle. Judith Gautier semble avoir une grande admiration pour l’Inde, en particulier Pondichéry, bien qu’elle dénonce ses préjugés de caste et ses superstitions : « Bussy s’émerveillait de Pondichéry… »20 Ceci est révélé dans le titre même du roman, La Conquête du Paradis. L’Inde, pour l’auteur, est un paradis qui doit être conquise. Conquis, parce qu’il s’y trouve des serpents sous la forme des superstitions et des préjugés de caste. GAUTIER, Judith, La Conquête du Paradis, Édition Kailash, Pondichéry, 2004, p.69. 20 Judith Gautier exprime également son amour pour l’Inde à travers son héros : « …j’aime ce pays avec passion. »21 La Conquête Conquête du Paradis Paradis est un roman historique très minutieusement documenté. L’auteur ne manque pas de donner même les détails les plus précis. Par exemple, la description de Pondichéry au Chapitre VIII et d’une fête chez Dupleix, Gouverneur de l’Inde à Pondichéry, des invités et de leur costume au Chapitre X, montre que Judith Gautier a, en fait, consulté beaucoup de livres historiques et récits de voyages sur l’époque en question. La romancière est aussi très fidèle dans sa description des faits historiques. Judith Gautier y retrace les grandes étapes de la politique de Dupleix dont le but était de donner l’Inde à la France : « Eh bien, ce dont je rêve, c’est de conquérir ce pays, de lui rendre le calme et la prospérité, cela pacifiquement, sans combat ni violence. Si l’on me seconde, la chose est faisable. Je peux donner, peut-être, à la France l’empire de l’Inde. »22 On peut aussi noter q’elle ne relate que les moments glorieux du gouvernement de Dupleix. En fait, le récit se 21 22 Ibid., p.72. Ibid., p.138. termine juste avant le rappel de ce dernier par la Cour Royale qui ne comprenait pas grand chose à sa politique. Dupleix, cependant, n’est pas le héros du roman. C’est son lieutenant, le Marquis de Bussy qui prend ce rôle. Celui-ci est non seulement le héros, mais aussi le lecteur du roman, comme le lui affirme le fakir, un personnage important du roman français sur l’Inde : « …à quoi bon déflorer le livre que tu vas lire ? »23 Judith Gautier décrit avec grande précision, les victoires militaires de Bussy, tout en restant fidèle à sa biographie. Ce qui est notable dans ce roman, c’est la manière dont la romancière relie le récit historique au récit des aventures amoureuses du jeune lieutenant qu’elle invente. Ce dernier fait plus que doubler le récit des conquêtes guerrières, mais progresse aussi beaucoup plus lentement. Ainsi, la structure même du roman révèle son thème principal : conquérir les traditions indiennes se révèle être beaucoup plus difficile que conquérir le territoire indien. 23 Ibid., p.85. Le Marquis de Bussy accompagne Mahé de la Bourdonnais dans sa mission aux Indes, espérant y faire fortune. Dès les premiers pages du roman, on peut voir le rêve utopique du jeune Marquis sur l’Inde : « Le nom de l’Inde avait toujours eu pour le jeune Marquis quelque chose de magique. Ce pays lui apparaissait comme une terre mystérieuse, une création supérieure, chefd’œuvre de la nature, paradis primordial dont l’humanité accrue avait débordé comme d’une coupe trop pleine. »24 « Il imaginait des aventures, des rencontres singulières ; de merveilleux palais ; une femme belle comme la légendaire Sita, s’éprenant de lui, l’entraînant dans une vie pleine d’enivrement et de dangers. »25 Ce rêve, Bussy le vit lorsqu’il rencontre Ourvaci, la Reine de Bangalore, qu’il sauve de la menace d’une tigresse sauvage. « … Bussy eut le temps de saisir dans ses bras la femme qu’il venait de sauver… ».26 Ibid., p.21. Ibid., p.22. 26 Ibid., p.25. 24 25 Après cet épisode, il devient amoureux fou de la jeune Reine et cherche à la conquérir. Mais très vite, il s’aperçoit qu’il doit faire face à une ‘guerre’ complètement différente des guerres militaires, une guerre qui lui serait un véritable défi. Il doit se débarrasser des superstitions et des préjugés de caste pour conquérir la Reine, comme il se dit au début du roman : « Ne serait-ce pas vraiment une belle victoire que de vaincre tous ces préjugés et de conquérir cette femme ? »27 C’est aussi ce que la France aurait dit au début de son entreprise coloniale. La Reine Ourvaci, malgré ses sentiments, semble éprouver une grande haine vis-à-vis du jeune Marquis qu’elle assimile à un Intouchable et traite avec un grand mépris. Le fait que Bussy l’a tenue dans ses bras lorsqu’il l’a sauvée d’une tigresse sauvage, la rend folle : « Ah ! L’horreur me saisit quand je me souviens qu’il m’a tenue dans ses bras… »28 27 28 Ibid., p.57. Ibid., p.55, 56. Elle se sent humiliée par le contact physique qu’elle a eu avec un Français qui est considéré comme un Intouchable et dont les habitudes sont vues avec un grand mépris. C’est ce que révèlent les paroles de Naïk, un Intouchable, qui joue un rôle vital dans l’aventure amoureuse de Bussy : « …tu manges de la chair de vache, crime irrémédiable qui te rend impur à ses yeux autant qu’un paria »29 Cette ‘guerre’ contre les préjugés de caste paraît à Bussy beaucoup plus compliquée que ses expéditions militaires qu’il remporte avec une facilité incroyable. D’une part, il multiplie les victoires militaires, alors que d’autre part, il doit lutter pour conquérir Ourvaci. Là, il faut apprécier le génie de la romancière qui fait ressortir ce contraste de manière efficace. Dans ce conflit culturel, la Reine Ourvaci, qui concentre en elle presque toutes les caractéristiques de la culture indienne, représente l’Inde, les préjugés et les traditions auxquelles elle est soumise et le personnage de Bussy symbolise la France qui a une culture beaucoup moins discriminante : 29 Ibid., p.56. « Dans mon pays, il y a certes une distance énorme entre le noble et le vilain ; mais si celui-ci est honnête et intelligent, s’il nous sert avec fidélité, c’est un homme comme un autre et qui mérite estime et affection. »30 Bussy, dégoûté de la manière dont Naïk et lui-même sont traités dans le palais de la Reine de Bangalore, lors de sa première conversation avec Naïk, appelle les hors-castes à se révolter contre ses préjugés de caste. Bussy est ici le porteparole de l’auteure qui semble être très bien instruite de la condition des Intouchables en Inde. L’objectif principal de Bussy est de vaincre les préjugés de caste et les superstitions et de conquérir la Reine de Bangalore. La romancière justifie, à travers ce récit de l’aventure amoureuse, l’entreprise coloniale des Français qui veulent libérer l’Inde non seulement dans le domaine social et économique mais aussi dans le domaine idéologique. Elle défend la mission civilisatrice des Français en Inde. Dans cette entreprise, Bussy est soutenu par un Intouchable, Naïk, qui le tient au courant de tout ce qui se passe chez la Reine Ourvaci et des motifs du Brahmane Panch Anan qui, avide du pouvoir, essaie de conduire délibérément la 30 Ibid., p.31. Reine vers sa destruction, sous le prétexte des préjugés de castes. À travers l’opposition Naïk-Panch Anan ou IntouchableBrahmane, Judith Gautier condamne le système des castes en Inde et le personnage de Naïk lui permet à la fois d’évoquer et de rejeter le destin auquel les Intouchables sont soumis. Là, il faut bien préciser que la romancière ne dénonce pas les Brahmanes en général car, dans le roman, il est très évident que Rugoonat Dat, un autre Brahmane, est présenté de manière positive. Celui-ci éprouve une grande admiration pour Bussy et essaie même de l’aider dans son aventure amoureuse. L’auteur veut seulement dénoncer les injustices criantes, nées des préjugés de castes. Les deux chants de Naïk au Chapitre VI donnent une description précise de la situation des Intouchables qui étaient considérés pires qu’un animal au temps de Dupleix : « Ah ! terre et ciel ! voyez ce que nous sommes ! Les tigres ont leurs antres, les serpents leurs trous, les oiseaux ont leurs nids dans les branches. … Où donc peut-il naître, le paria ? Le paria, où donc peut-il mourir ? Ah ! terre et ciel ! voyez ce que nous sommes ! »31 Ainsi, le sort d’un Intouchable, représenté ici par le personnage de Naïk, est pire que celui d’un animal. Même les animaux ont un lieu de demeure dans ce monde, alors qu’un Intouchable n’y possède rien. La romancière parvient, à travers la poésie, à évoquer la situation pathétique des Intouchables dans la société indienne et à émouvoir ses lecteurs. Le personnage de Naïk éprouve une grande admiration pour Bussy qui est le premier à le considérer comme un être humain : « _ Ah ! Seigneur ! s’écria le paria en tombant à genoux, est-il possible que, sachant qui je suis, tu m’adresses de telles paroles ? »32 Naïk, qui n’avait pas de nom ou d’identité pour les hommes de caste, deviendrait, sous Bussy, le premier Scribe de l’Ecriture fine et Lieutenant, que même les grands seigneurs devaient respecter. 31 32 Ibid., p.51. Ibid., p.31. Ainsi, Judith Gautier justifie une fois de plus l’entreprise coloniale des Français dans le domaine idéologique : Les Intouchables, symbolisés par le personnage de Naïk, sont libérés par les Français, représentés, dans ce roman, par Bussy et ils ont désormais une identité. « Mais aujourd’hui je ne suis plus misérable : grâce à toi, j’ai pu rompre le silence où mon esprit se mourait, le bonheur de t’avoir rencontré me sauve. »33 Judith Gautier dénonce également dans son roman le sati, qui était très pratiqué en Inde au XVIIIe siècle. Le sati est une tradition hindoue instaurée au 4ème siècle qui veut qu'une veuve soit immolée sur le bûcher funéraire de son mari. C’était le symbole de la soumission ultime de la femme indienne. Juste avant la fin du récit d’amour, Ourvaci, croyant ne plus voir Bussy et poussée par le personnage barbare de Panch Anan, décide de pratiquer le sati. Mais Bussy vient au bon moment pour la sauver : 33 Ibid., p.36. « …quand elle vit entrer dans la fumée, un cheval couvert d’écume et de sang, l’œil fou de terreur et portant le cavalier chéri, qui la saisit dans ses bras, l’enleva. »34 Ainsi, pour la romancière, lorsque Bussy vient sauver sa bien-aimée, c’est la France même qui sauve l’Inde de cette tradition barbare, le sati. Panch Anan meurt dans le bûcher qu’il avait préparé pour tuer la Reine Ourvaci. Avec lui, sont éliminés aussi, au moins dans ce récit, les coutumes barbares dont l’Inde était esclave. Le peuple indien peut désormais célébrer : « …et, dans l’ivresse de sa joie, le peuple oublie ses préjugés et ses superstitions ; sache profiter de cet instant de sagesse. »35 Dans le récit d’amour entre Bussy et Ourvaci, le développement de ces deux partenaires est inégal : On peut voir que la Reine Ourvaci semble éprouver, au début du roman, un grand mépris vis-à-vis de Bussy : 34 35 Ibid., p.321. Ibid., p.322. « Alors il me fait don de la vie ! s’écria la reine, dans une vive agitation, et tu as supporté une pareille injure ? Tu n’as pas retenu le maudit. »36 Mais, à la fin, elle change, cédant à l’amour de Bussy, et le couronne roi : « Défaillante de bonheur, elle s’appuyait sur le Roi… »37 Bussy, toutefois, reste le même tout au long du roman. Au début, Bussy dit, « Vraiment ! rien n’est aussi délicieux que ce nom d’Ourvaci ! »38 Cet amour pour Ourvaci est toujours présent chez Bussy, jusqu’à la fin du roman où il lui affirme, « Tu es mon paradis… »39 C’est ce caractère fort et stable de Bussy qui sauve la Reine et donne une fin heureuse à son aventure amoureuse. Ibid., Ibid., 38 Ibid., 39 Ibid., 36 37 p.55. p.323. p.76. p.323. Là aussi, la romancière légitime, à travers son héros, l’entreprise coloniale des Français, plus particulièrement de Dupleix dont l’objectif n’a jamais changé. Les deux récits se terminent heureusement : d’une part, le récit historique se conclue par la victoire de Dupleix. Judith Gautier termine son récit historique juste avant la chute de Dupleix pour rendre cette période glorieuse éternelle. D’autre part, le récit d’amour se termine par le mariage de Bussy avec Ourvaci. Cette fin traduit l’espoir d’un rapprochement harmonieux de la France avec l’Inde. Cette union parfaite est même traduite par la rime des noms, Bussy/Ourvaci. Judith Gautier souligne également le fait que cette union entre la France et l’Inde était même accueillie par la masse. Ceci est bien révélé lorsque le peuple acclame Bussy et Ourvaci : « Tenant Bussy par la main, Ourvaci s’avança jusqu’à la balustrade de la terrasse, comme pour le présenter au peuple qui, en les apercevant, les acclama avec délire »40 Le récit d’amour vient compléter le récit historique. Les victoires de Dupleix et de Bussy qui semblent être si réelles à 40 Ibid., p.323. la fin du récit historique, deviendraient très vite aussi irréelles que le mariage de Bussy avec Ourvaci. Judith Gautier sait bien que ni le mariage entre Bussy et Ourvaci, ni l’union entre la France et l’Inde n’ont eu lieu. Ainsi, elle donne à son récit l’effet d’une illusion qui traduit, à la fin du XIXe siècle, la nostalgie d’une période glorieuse qui n’a pas duré longtemps et le rêve non accompli. « Il n’y avait d’autre nuage, sur l’azur immaculé, qu’un vol de cygnes, dont les plumes neigeuses s’embrasaient au soleil, et qui sembler planer au-dessus des amants, comme un présage de gloire et de félicité. »41 À travers la fin utopique du récit d’amour, la romancière conclue que les victoires de Dupleix, si mal compris par la Compagnie et la Cour Royale, ne sont devenues qu’un rêve, qu’une illusion. Elle défend la politique ambitieuse de Dupleix qui avait tout à fait raison lorsqu’il disait qu’il donnerait l’Inde à la France. La vitesse dans laquelle les victoires militaires ont lieu dans le roman vient renforcer le point de vue de l’auteure sur l’entreprise coloniale de Dupleix. 41 Ibid., p.323. Dupleix, bien qu’il occupe une place secondaire dans le roman, par rapport au personnage de Bussy, y joue un rôle très important. Une étude plus précise du personnage de Dupleix dans la Conquête du Paradis révèle que la romancière a entrepris une étude bien documentée de ce personnage et de sa vie personnelle avant d’écrire son roman. Dupleix y est présenté comme un véritable chef, commandant un grand respect. L’auteure admire sa politique ambitieuse et ses entreprises militaires. Selon Judith Gautier, c’est un personnage qui mérite toute la gloire. Son génie politique était tel que même les princes locaux l’estimaient et le respectaient beaucoup. Si la Cour Royale avait compris les projets de Dupleix, la France aurait eu un vaste empire en Inde et Dupleix serait devenu un grand empereur. À travers le récit relatant la victoire de Bussy sur les superstitions et la conquête de la Reine Ourvaci, Judith Gautier défend, non seulement, l’entreprise coloniale de la France, mais aussi, la politique et le rêve social d’un individu, Joseph François Dupleix. Selon la romancière, si Dupleix avait pu continuer sa politique jusqu’à la fin et si la France lui avait accordé le soutien nécessaire, une union glorieuse aurait eu lieu entre l’Inde et la France comme celle de Bussy avec la Reine Ourvaci. Et même la masse aurait accueilli une telle union. Les paroles de Bussy, au début de son aventure avec Ourvaci, « Ah ! quand je pense que je l’ai tenue dans mes bras et que je n’en ai pas même eu conscience ! »42, c’est ce qu’aurait pu dire la France à propos de L’Inde en 1754, le début de la chute de l’empire français en Inde. Paradis, Judith Gautier, avec Ainsi, dans La Conquête du Paradis son style à la fois simple et riche et toute nourrie d’exotisme, assimile la relation franco-indienne à une histoire d’amour entre deux personnes dont l’union donnerait lieu à une vie paisible et agréable. Mais cette union, malheureusement pour la romancière, n’est restée qu’une illusion. Lorsque Judith Gautier écrit ce roman, c’est-à-dire, à la fin du dix-neuvième siècle, la France ne pouvait éprouver que de la nostalgie quand elle pensait à l’Inde. C’était une perte qui ne devrait pas avoir eu lieu. Ainsi, La Conquête du Paradis 42 Ibid., p.75. présente l’esprit commun des Français à propos de l’Inde dans cette fin du XIXe siècle. À travers les victoires militaires de Bussy qui sont atteintes très facilement et sa conquête de la Reine Ourvaci qui lui a été beaucoup plus difficile, la France est montrée comme un véritable sauveur de l’Inde, non seulement dans le domaine militaire mais aussi dans le domaine social. Les événements qui ont eu lieu suite au rappel de Dupleix ont écroulé tout rêve colonial des Français. En réalité, l’image de la France comme sauveur de l’Inde deviendra un souvenir lointain qui ne sera présente que dans les ouvrages comme le roman La Conquête du Paradis. Les Français échoueront dans les deux domaines, militaire et social. C’est avec le Second Empire qu’une lueur d’espoir apparaîtra pour les Français en ce qui concerne leurs comptoirs indiens, mais cette lueur, on verra, s’éteindra très vite.