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50ème anniversaire du Théâtre de la Commune
Samedi 28 novembre 2015 au T.C.A.
Allocution de Jack Ralite, maire honoraire d’Aubervilliers
Chacune, chacun d’entre vous,
Aragon rapprochait deux mots « souvenir » et « avenir » dans une très belle
expression « se souvenir de l’avenir » indiquant un lien profond entre eux. Il n’y
a pas de souvenir sans avenir et pas d’avenir sans souvenir.
Cela vaut pour le Théâtre de la Commune dont nous fêtons le 50ème anniversaire.
Bien sûr qu’il est un souvenir, un très grand souvenir ce théâtre. Gabriel Garran
et le groupe Firmin Gémier ensemble l’ont truellé, soutenu sans faille par la
municipalité d’André Karman, le « lord maire d’Aubervilliers » disait Adamov.
Il y a eu d’abord les 5 années qui ont mis en vie le projet devenu une œuvre
collective réunissant beaucoup de citoyens singuliers.
Nombre des idées émises continuent à nous augmenter, ainsi l’élan d’énergie
démocratique qu’elles comprennent. D’autres sont devenues caduques par leur
évolution interne et surtout l’influence externe.
Albert Camus disait : « Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du
monde ».
Monsieur Sarkozy écrivait dans sa lettre de mission du 1er août 2007 à sa
ministre de la culture Christine Albanel : « Donner en matière d’art à la
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population ce qu’elle demande. Donner aux subventions un caractère aléatoire.
Donner aux directeurs d’équipements culturels des obligations de résultats, etc,
etc ».
Tout cela parce que le rapport Jouyet-Levy remis au ministre de l’industrie en
2006 proclamait cette néfaste consigne impérative : « Donner au capital humain
un traitement économique ».
C’est traiter l’homme et la femme comme des produits.
En 1987 les Etats Généraux de la Culture dont j’ai eu l’initiative, déclaraient au
Zénith de Paris devant 7000 personnes payantes, 300 artistes en colère, 3000
personnes restant à la porte : « Quand un peuple abandonne son imaginaire aux
grandes affaires, il se condamne à des libertés précaires ».
Nous y sommes. Il y a même aggravation. Il y a subversion du déchiffrage des
rêves par le chiffrage de gestion.
Il y a cette effarante réponse ministérielle, faite le 26 octobre dernier dans le
journal « Libération ». Question : « Ne trouvez-vous pas que l’argent public sert
davantage à financer une culture des élites ? » Réponse : « Les responsables des
institutions voient bien qu’on ne peut continuer de mener une politique pour 10
% de la population ».
C’est comme si on récusait les inventions scientifiques sous prétexte qu’au
début elles ne sont pas accessibles à tout le monde.
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Les arts comme les sciences pénètrent d’abord « un petit cercle des
connaisseurs ». C’est après un vrai travail qui devrait commencer à l’école que
le petit cercle devient « un grand cercle des connaisseurs ».
Catherine Tasca dont je salue l’amicale présence ébaucha quand elle était
ministre une politique ambitieuse sur « l’artiste à l’école ». A son départ, tout fut
abandonné et jamais repris. L’utopie est interdite d’école, le contraire de ce que
fait depuis 50 ans le TCA dans les écoles d’Aubervilliers.
Le TCA l’a faite sienne le 17 février 1967 quand Aragon vint y prononcer un
discours de haute mer tout comme Jean Vilar le 22 février 1969 quand il y vint
rendre hommage à Firmin Gémier, fondateur du TNP, natif d’Aubervilliers.
Ecoutez ces deux grands artistes, honneur de notre pays, s’exprimant dans notre
ville que l’un et l’autre respectaient.
Aragon : « L’art doit avoir constamment le caractère expérimental, il doit être un
art de perpétuel dépassement. Rien ne lui est plus opposé que la formule, la
recette, la répétition. Et qu’il s’agisse de la peinture ou de l’écriture, l’art c’est
toujours la remise en question de l’acquis, c’est le mouvement, le devenir » (…)
« Il s’agit d’un réalisme qui ne peut se contenter d’un rôle de constatation, de
description après coup, un réalisme de nomenclature. Il ne lui suffira pas, il n’a
jamais suffit à l’art de montrer ce qu’on voit sans lui. Le principe de crédibilité
dans le roman c’est plus qu’un rivage, un mur au bout d’une impasse (…) le
réalisme de l’avenir doit être et sera le lieu de convergence de l’invention de
l’esprit humain. C’est à lui (…) que pensait Guillaume Apollinaire quand il
écrivait en 1917 dans la préface des « Mamelles de Tirésias » : « Quand
l’homme a voulu imiter la marche, il a créé la roue qui ne ressemble pas à une
jambe ».
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Jean Vilar : « Le premier, en ce XX° siècle du moins, Gémier a posé
incessamment et jusqu’à épuisement une question : « La société française
contemporaine accepte-t-elle, oui ou non, un théâtre populaire et ce théâtre
populaire, que doit-il être ? » Ce n’est certes pas atténuer la portée et
l’originalité du travail de ceux qui sont venus par la suite que d’affirmer que ce
fils d’aubergiste, ce fils de la toute petite bourgeoisie, ce fils d’exploitantexploité, ce laborieux, ce cœur généreux, l’a posé violemment, publiquement,
politiquement, aussi bien dans le forum des journaux et des revues que dans les
couloirs des ministères et des commissions. S’il s’est compromis, il s’est
compromis pour nous. De cela, et quoiqu’il advienne dans l’avenir de la notion
de culture populaire, les classes laborieuses d’aujourd’hui et de demain
devraient lui témoigner cette année très objectivement leur reconnaissance ».
C’est clair, net et précis comme est sombre, nette et précise l’attaque-épouvante
du Bataclan le vendredi 13 novembre où se produisait un orchestre, faisant 89
morts et beaucoup de blessés. Cette horreur, ce monument de sang, indique que
Daech haït la culture, ceux qui la font comme ceux qui l’applaudissent. Ils ont
peur des artistes, pas nous, même si c’est parfois difficile comme à prononcer
les noms des étrangers-résistants de « L’Affiche Rouge ». Ils étaient les
immigrés d’alors, nos frères et sœurs de combat et d’espérance, qui habitaient
comme nous, avec nous, en banlieue.
Replaçant les 50 ans du théâtre dans le cadre politique qu’il a connu et refusé à
sa manière, était absolument nécessaire.
Mais si ce cadre politique me rappelle « L’Etrange Défaite » de Marc Bloch en
1940, l’histoire du TCA me semble être une « Etrange réussite ».
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Le projet a mis 5 ans à s’élaborer. Ce délai fut très précieux. L’Etat se tenait à
distance. Allions-nous réussir ? La voie démocratique au niveau du faire nous a
semblé la meilleure venelle à emprunter, c’est-à-dire un chemin au milieu et
avec la population.
L’idée d’origine de quelques uns devint pendant les 5 ans de préparation l’idée
de tous.
Le groupe Firmin Gémier comprenait 88 jeunes gens et jeunes filles. Un fait
exceptionnel. Ils faisaient du théâtre avec Garran. On se souvient de « La
Cruche Cassée » de von Kleist. Ils faisaient aussi du porte à porte faisant
partager d’abord puis s’engager ensuite dans le projet auquel ils apportèrent
leurs points de vue, leurs pensées, leurs songes, bref une participation populaire.
S’opérait ainsi une mêlée qui s’enrichissait à chaque démarche. Garran écrivait
chaque semaine un article substantiel dans « Le Journal d’Aubervilliers ». Les
Comités d’Entreprise qui à l’époque n’étaient jamais un relai de la billetterie de
l’industrie culturelle soutenaient cette politique culturelle du TCA. C’était une
ressource d’idées syndicales originales.
La tenue d’un Festival en 1961, 1962, 1963, 1964 au gymnase Guy Moquet,
prêté par les sportifs pendant un mois, était une préfiguration avec « La Tragédie
Optimiste », « L’Etoile devient rouge », « Charles XII » et « Coriolan ». Les
amateurs du groupe Firmin Gémier étaient dans les distributions et un public
local se formait. Garran en ouvrant le TCA en 1965 avait déjà 7000 personnes
venues le rencontrer. Garran avait avant l’inauguration 7000 correspondants
comparables aux correspondants ouvriers et paysans des journaux communistes.
L’expression professionnelle avait rencontré l’expression de la population de la
ville, le tout constituant un brassage de perspectives auquel participèrent deux
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magnifiques artistes lors de soirées préfaces : Jean Dasté, directeur-artiste du
premier Centre Dramatique National à Saint-Etienne et Antoine Vitez dont le
talent exceptionnel surgissait à ce moment.
Voilà la base de lancement du TCA. Il ne tombait pas du ciel d’autant que le
ministère n’intervint que par un prêt limité dans le temps de 60 projecteurs et de
deux tables à repasser sans les fers. La ville dont la population était pauvre mit
400 millions d’anciens francs pour créer cet équipement d’avenir. Elle se
donnait elle-même une suite à ses origines sans rien effacer de sa réalité rude,
mais tendre.
Un grand historien du début du 19° siècle, Augustin Thierry, marqué par la
Révolution Française déclarait : « Quand vous voulez connaître le véritable
auteur d’une réalisation, cherchez qui y a intérêt, là est son véritable auteur ».
C’était le premier théâtre permanent de banlieue, mais c’était beaucoup plus,
c’était une création par une collectivité ouvrière en mouvement de son premier
équipement artistique où furent présentées depuis 501 créations théâtrales dont
23 (si j’ajoute Zingaro) méritèrent d’être programmées au Festival d’Avignon
dont le directeur-fondateur Jean Vilar vint un jour visiter le chantier
accompagné
de
Madame
Jeanne
Laurent,
haut
fonctionnaire
de
la
décentralisation théâtrale. Jean Vilar m’invita à Avignon en 1966 pour expliquer
la politique culturelle d’Aubervilliers et la Fédération Nationale des Centres
Culturels Communaux adopta l’alphabet de cette politique dans son congrès de
Toulouse la même année.
Je m’aperçois que j’ai fait un oubli. Gabriel Garran avait été embauché comme
ouvrier-paveur et Noel Napo son cher ami, technicien, comme ouvriercantonnier. En ce temps là, il n’y avait pas dans la nomenclature du personnel
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communal de profession artistique. Nous étions alors en état d’émancipation et
avions entendu la voix de l’incorruptible Maximilien Robespierre, cet inventeur
du « droit à l’existence » qui recommandait : « Laisser faire au peuple tout ce
qu’il peut faire par lui-même, et seulement le reste par ses représentants ». Ça
marche comme on dit, le moteur tournait. C’est la fondation démocratique de ce
théâtre.
Un colloque sur « Ecole et Culture » eut lieu à ce moment à l’école Joliot Curie
organisé par les CEMEA. Il révèle la profondeur de notre démarche. Une
institutrice, jeune maman, y expliqua ceci : Quand son garçonnet est né, il a eu
des jouets qui étaient souvent des trains avec leurs locomotives et leurs wagons.
A la maison ces noms train, wagon, locomotive, étaient vite maitrisés oralement
par les enfants. Mais à l’école quand il fallut écrire ces mots, ce fut pour l’enfant
une petite tragédie : le mot train a cinq lettres et c’est long. Le mot locomotive,
dix lettres, et c’est court. Alors la jeune maman-institutrice de dire : « Ma tache
principale est de m’acharner pour que cet enfant comme d’autres « accède à
l’arbitraire du signe ». C’est incontournable, c’est une étape décisive sur le
chemin de la connaissance et de l’imagination. C’est toujours présent dans la
mémoire du Théâtre de la Commune.
Cette expression nous conduit aux programmes. Gabriel Garran s’est inspiré dès
le départ d’un conseil de Vilar : « Mon rêve, c’est de mettre en scène des pièces
dont les spectateurs qui les verront pour la première fois ne sauront pas encore
qu’ils vont les aimer », tout le contraire des oukazes de monsieur Sarkozy. Autre
conseil entendu par Gabriel Garran, mais cette fois venu de Planchon :
« Engager une politique d’abonnements ».
Précisons que Garran, dès le début, entoura ses créations théâtrales d’initiatives
exigeantes concernant les écoles, le cinéma, la télévision, la danse, la chanson,
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les arts plastiques, la musique avec Boulez, la Ligue d’Improvisation, le débat et
l’action
démocratiques.
Plus
tard,
nous
avons
eu
les
Laboratoires
d’Aubervilliers, les conférences du Collège de France, aujourd’hui reprises à
Moulins, et bientôt à Blois, et « ici et là » dans tous les quartiers.
C’est un paquet-souvenir de la création du Théâtre de la Commune, une mêlée
de « démocratie des profondeurs » comme dit le philosophe André Tosel. Une
multiplicité de petites mains à l’ouvrage inventant un théâtre à Aubervilliers,
ville où la municipalité traite « l’homme dans le pauvre et non le pauvre dans
l’homme ».
Ce sont mes souvenirs de la création du Théâtre de la Commune. Qu’en est-il de
son avenir ? D’abord les successeurs de Garran ont gardé le cap, la visée, dans
leurs spécificités artistiques pluralistes et ont fait vivre cet acquis. Après les 171
spectacles de Garran, Arias en assura 34, Brigitte Jaques 42, Didier Bezace 212,
et Marie-José Malis 33 à l’issue de la session en cours.
Je me souviens par exemple de Didier Bezace envisageant comme Georges Didi
Huberman, sa fonction, son travail à travers un rapport de forces dont l’enjeu
n’était rien moins que d’exiger l’impossible en face d’interlocuteurs (les
institutions culturelles ou politiques, le public lui-même) qui ne font somme
toute qu’attendre le possible d’une activité de l’esprit, l’art envisagé comme une
cerise sur le gâteau de l’histoire réelle comme un espace de réconciliation
symbolique. « Il en faisait une complicité chaleureuse en sorte que le pour soi de
chacune des créations pour beaucoup contemporaines devienne un véritable
pour autrui cet autre fut-il exclu de notre monde de l’art » poursuivait Didi
Huberman.
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Posons-nous alors la question suivante : « Etant donné que l’espace extérieur au
théâtre a beaucoup changé : mondialisation, technologies numériques,
diminution des crédits culturels directement ou indirectement, chômage,
diversification de la population, financiarisation de toutes choses et ses
conséquences, tout s’achète et se vend et produit des déchets matériaux et
moraux, etc, etc. Cela ne réclame-t-il pas de nouvelles pratiques, pour le moins
un infléchissement correspondant à de nouveaux commencements ».
Bernard Noël a dit que notre pays -c’est valable pour le monde entier- se fait
actuellement par des chemins invisibles frappés par la « SENSURE » et la
« CASTRATION MENTALE » au point, selon Pasolini dans « Lettres
Luthériennes », de faire douter certains citoyens de la possibilité d’une
alternative. Cette pensée ne peut venir à l’esprit d’un albertivillarien puisque ce
théâtre est considéré comme une mémoire, une luciole qu’il ne s’agit pas de
copier mais de s’inspirer. Recours mais pas retour. Il s’agit de faire travailler
ensemble les « connaissances conceptuelles » des experts et les « connaissances
en actes » des experts du quotidien lesquels souvent ignorent qu’ils les portent.
« Ce mélange, dit Jean-Luc Nancy, n’est pas. Il arrive, il survient. Il y a mêlée,
croisement, tissage, échange, partage, déplacement, hasard, migration, écart,
rencontre, chance et risque. Dans une mêlée, il y a l’encontre et la rencontre, ce
qui se rassemble et ce qui s’écarte, ce qui se pénètre et ce qui se croise, ce qui
fusionne et ce qui compose, ce qui fait contact et ce qui fait contrat, ce qui
concentre et ce qui dissémine, ce qui identifie et ce qui altère ».
C’est un vrai travail où se découvrent et agissent deux genres d’activités qui
n’obéissent pas aux mêmes visées, ne relèvent pas de la même temporalité, leur
tension en cela étant inéliminable. Leur distinction est même une des conditions
de tout dialogue possible, une autre étant leur rencontre en une zone commune
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de développement où se mettent à l’épreuve des compétences et des
préoccupations par nature hétérogènes qui nourrissent des tentations
d’instrumentalisation réciproque aussi bien le fantasme de l’expertise sociale
que le refus du concept et de l’analyse au nom du vécu.
Encore faut-il que chacun écoute l’autre, ait l’option d’autrui, « un cœur riche
d’avoir plus d’une tendresse » disait Marc Bloch.
Ajoutons que l’évolution du travail, sa tutelle dont s’est emparé le management
financiarisé rendent malade le travail et avec lui les travailleurs qui ne
reconnaissent plus leur métier, qui sont empêchés de bien travailler, ce qui les
mutile et en fait par expérience des partenaires indécis, voire pas de partenaire
du tout des activités culturelles et surtout de la création artistique. Ils deviennent
des « boxeurs manchots ». Tout cela conduit à réfléchir à la démocratie au
travail. Si celle-ci s’est répandue dans la cité, plus au moins bien depuis la
Révolution Française, elle est encore quasi interdite dans l’entreprise.
Qu’est-ce que cela signifie pour un centre dramatique ? Ce matin, une vraie
« bande » de directeurs de centres dramatiques s’est réunie ici même à
l’initiative de Marie-José Malis pour en débattre, sans conclusion achevée pour
aujourd’hui. C’est un travail passionnant, mais inouï qui a besoin de temps.
Quelques pistes :
1 – D’abord bannir de son vocabulaire ces quatre mots-canailles : impossible,
immobile, renoncement, achevé.
2 – Développer une politique de création en toute liberté comme disait Patrice
Chéreau qui joua au TCA : « casser les codes, les conventions pour en fabriquer
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d’autres. Ce qui compte c’est le renouvellement continu de ce que j’appellerai
« le fond commun » de chacun ».
3 – Ecouter éperdument les acteurs et les silencieux de la vie quotidienne, leur
permettre de faire quelque chose au théâtre et/ou dans son voisinage, un travail,
une activité, une dispute qui leur révèlent leurs « connaissances en actes ». Ils
seraient des amateurs d’un nouveau type.
4 – Se battre à tous les niveaux de la société pour que l’art, tous les arts, et leur
mouvement, soient libres, respectés, soutenus, encouragés et financés à l’étage
voulu. Sauver le statut d’intermittents du spectacle.
C’est avec cet alphabet d’hier vers aujourd’hui et d’aujourd’hui vers hier, mis en
circulation, qu’on parviendra à une incontournable démocratie impliquant que le
peuple devienne populaire. Le théâtre sera alors pleinement le bêchage incessant
du terrain humain où dans son champs de force très petit se joue toute l’histoire
de l’humanité. L’amnésie et la déterritorialisation reculeront, les générations
ensemble se souviendront de l’avenir.
Depuis son arrivée, Marie-José Malis, qui vient de nous présenter un beau
spectacle « La volupté de l’Honneur » de Pirandello, exprime un goût des
espaces de recherche, d’invention et de travail collectif, son espérance de livrer
de nouveaux prototypes pensables par et pour les nouvelles générations. Elle a
toute liberté d’agir et de créer : osons penser à neuf et mettre tous ces problèmes
en « dispute » pour les 50 ans du centre dramatique.
J’évoque là avec plaisir l’une des pièces d’actualité interprétée par des sanspapiers qui allèrent jusqu’à Avignon et lundi dernier l’importante conférence
d’Alain Badiou sur les évènements actuels où le public composé de beaucoup de
jeunes remplit la grande salle et la petite salle du théâtre. Ajoutons aussi
qu’après une riche rencontre le 17 octobre de près de 400 albertivillariens à
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« l’Embarcadère » avec Leïla Shahid, Edgar Morin et Edwy Plenel, il a été
décidé la création d’un groupe de réflexion pour un en-commun d’aujourd’hui et
de demain dont le siège social sera au Théâtre de la Commune que nous
remercions de sa complicité. On ne peut ignorer aussi l’initiative d’élèves du
lycée Le Corbusier pour « l’anthropologie pour tous » qui trouvent au TCA un
lieu d’accueil.
Après
avoir
salué
Pascal
Beaudet,
maire
d’Aubervilliers,
conseiller
départemental, qui avec Marie-José Malis, directrice du Centre Dramatique,
nous accueillent, je remercie de leur présence, le représentant de la ministre de
la culture qui a répondu positivement à notre demande de subvention pour
organiser dignement le 50ème anniversaire du théâtre, Patrick Le Hyaric, député
européen, Elisabeth Guigou, députée, Evelyne Yonnet, sénatrice, le Président du
Conseil Général, Stéphane Troussel, la vice-présidente de l’Assemblée
Départementale, Meriem Derkaoui, chargée des questions culturelles, Magali
Cheret, maire-adjointe à la culture et ses deux prédécesseurs Lucien Marest et
Guy Dumélie, Jacques Salvator, ancien maire, la directrice de la DRAC de la
région parisienne, Madame Véronique Chatenay-Dolto. Je salue aussi les
associations et les équipements culturels de la ville qui surent en janvier dernier
avec le théâtre se retrouver autour de l’Appel d’Aubervilliers relatif au
financement de la culture.
Je conclurai ce propos d’« Aubervilliers debout » et se battant avec une vitalité
fut-elle parfois, comme dit Pasolini, désespérée, en vous offrant un bouquet de
pensées constructives :
Predrag Matvejevic : « Nous avons tous un héritage et nous devons le défendre,
mais dans un même mouvement nous devons nous en défendre, autrement, nous
aurions des retards d’avenir, nous serions inaccomplis ».
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Georges Balandier : « Nous sommes dans l’obligation de civiliser les nouveaux
nouveaux mondes issus de l’œuvre civilisatrice ».
Jean-Pierre Vernant : « Pas d’hommes sans outillage, mais pas d’hommes non
plus à côté des outils et techniques sans langage ».
Bruno Trentin : « La question de la liberté dans le travail devient la question de
la liberté tout court ».
On me permettra d’évoquer pour finir une lettre adressée à Pascal Beaudet
signée par Gabriel Garran, Alfredo Arias, Brigitte Jaques, Didier Bezace et
Marie-José Malis, lui disant « qu’ils aiment Aubervilliers pour son combat
créateur, démocratique et social, qui a entendu le poète Saint-John Perse
recommander pour la pratique quotidienne du théâtre : « Le luxe de
l’inaccoutumance, seule l’inertie est menaçante ».
Le 7 décembre un conseil municipal sera consacré au TCA et à son futur tandis
que le 16 novembre dernier, la Bibliothèque Nationale de France lui rendait un
hommage.
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