KAZUSHI ONO direction musicale ANNE
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KAZUSHI ONO direction musicale ANNE
kazushi ono direction musicale Anne-Catherine Gillet, soprano james valenti, ténor Orchestre de l’opéra de Lyon Autour de Roméo et Juliette Serge Prokofiev Roméo et Juliette Extraits des suites d’orchestre nos 1 et 2, op. 64a et b – – – – – – – – – Les Montaigus et les Capulets (suite II, n° 1) Juliette jeune fille (suite II, n° 2) Masques (suite I, n° 5) Roméo et Juliette (suite I, n° 6) Danse (suite II, n° 4) Frère Laurent (suite II, n° 3) Mort de Tybalt (suite I, n° 7) Roméo et Juliette avant leur séparation (suite II, n° 5) Roméo au tombeau de Juliette (suite II, n° 7) Hector Berlioz Roméo et Juliette, symphonie dramatique - Extraits – Roméo seul – Tristesse – Bruits lointains de concert et de bal – Grande Fête chez les Capulets (extraits de la deuxième partie) Charles Gounod Roméo et Juliette, opéra en cinq actes - Extraits – Cavatine de Roméo « Ah, lève-toi soleil » (acte II) – Duo de Roméo et Juliette « Ô nuit divine » (acte II) – “Danse des Bohémiens“, extraite du ballet (acte I) – Ariette de Juliette “Je veux vivre dans un rêve“ (acte I) – Duo final de Roméo et Juliette “Viens, fuyons au bout du monde“ (acte V) Kazushi Ono Direction musicale Anne-Catherine Gillet, soprano James Valenti, ténor Orchestre de l’Opéra de Lyon Samedi 17 octobre à 20h30 1 Serge Prokofiev (1891-1953) Roméo et Juliette Suites d’orchestre op. 64a et b (extraits) En 1934, lorsqu’il reçoit la commande d’un ballet par Sergueï Radlov, directeur du Théâtre académique d’État de Leningrad, Sergueï Prokofiev caresse le projet de se réinstaller dans son pays après seize années passées en Europe et aux Etats-Unis. Monter un ouvrage d’une telle envergure sur l’une des deux principales scènes du pays lui offrirait l’occasion rêvée de rentrer dans les bonnes grâces de la toute-puissante Union des compositeurs et du Comité central du parti, condition sine qua non pour l’obtention d’un poste intéressant. Alors que les Ballets russes, la compagnie de Serge Diaghilev, lui avaient permis d’exprimer à Paris sa veine la plus novatrice dans trois ballets en un acte (Chout, Le Pas d’acier et Le Fils prodigue), il lui fallait à présent adopter un modernisme plus mesuré. Profitant d’un regain d’intérêt pour le théâtre classique, il proposa comme sujet Roméo et Juliette de Shakespeare, qui fut accepté : les autorités voyaient dans la tragique histoire des amants de Vérone la révolte d’un couple moderne et avide de liberté contre la société bourgeoise sclérosée, ce qui n’était pas pour déplaire. Radlov commença l’adaptation du drame, mais voulut rester trop près de Shakespeare : le premier jet du scénario nécessitait pas moins de vingt-quatre changements de décor. Prokofiev entreprit d’amener son collaborateur à un projet plus réaliste, mais n’était pas arrivé à ses fins quand survint un cataclysme politique : l’assassinat, le 1er décembre 1934, du secrétaire du parti à Leningrad, Sergueï Kirov. Il s’ensuivit une répression sévère, qui conduirait bientôt à des purges massives. Le Théâtre académique d’Etat prit le nom de Kirov, toute entreprise artistique sembla soudain impossible à Leningrad, et le projet de ballet passa au Théâtre Bolchoï de Moscou. Prokofiev travailla d’arrache-pied au cours de l’été 1935, paisiblement installé à Polenovo, une retraite campagnarde que possédait l’illustre scène moscovite. Le compositeur n’était pas au bout de ses peines : jouant à l’automne sa partition devant un parterre éminent, il s’entendit reprocher que sa musique soit impropre à la danse. Puis, au début de 1936, on l’obligea à modifier la fin heureuse que ménageait le scénario élaboré avec Radlov. Mais surtout des pressions gouvernementales s’exercèrent, si bien que la représentation n’eut jamais lieu. Pendant deux ans, on ne connut donc le ballet qu’au travers des deux suites orchestrales assemblées par Prokofiev dès 1936 et créées respectivement le 24 novembre 1936 à Moscou, sous la direction de George Sebastian, et le 15 avril 1937 à Leningrad, sous la direction de l’auteur (une troisième suite, op. 101, naîtrait en 1946). 2 Une première représentation du ballet, assez confidentielle, eut lieu à Brno le 30 décembre 1938, sous la direction de Quido Arnoldi. Un an plus tard, le 11 janvier 1940, le public du Kirov découvrait à son tour l’ouvrage. La création russe ne se passa pas sans heurts : le chorégraphe, Léonid Lavrovski, exigea quelques coupures et l’ajout de numéros supplémentaires, et certains danseurs – au nombre desquels Galina Oulanova, la créatrice de Juliette – se plaignirent que l’orchestration raffinée rende certains passages indansables. En 1946, le ballet était enfin présenté au Bolchoï, mais réorchestré par un percussionniste ; cette version perdurerait pendant de nombreuses années. Dans cette œuvre majeure, Prokofiev se plie aux canons du « réalisme socialiste » tout en conservant des desseins artistiques élevés. Le compositeur déclarait ainsi, dès 1934 : « On pourrait qualifier la musique dont on a besoin ici de “facile et savante” ou “savante mais facile”. […] Elle doit être mélodique, d’une mélodie simple et compréhensible qui ne doit pas pour autant être une redite ou avoir une tournure banale. » La partition frappe par son inventivité, ses contrastes, son aptitude à caractériser la situation en quelques mesures. Les vents occupent le devant de la scène, qu’ils soient suaves ou grinçants, secrets ou effrayants. De nombreux retours thématiques tissent un réseau dramatique puissant, et les moments de forte intensité alternent habilement avec les morceaux plus pittoresques ou lyriques, permettant un relâchement bienvenu de la tension. Dans les suites d’orchestre, Prokofiev retient les principales scènes du ballet mais les condense, y supprime les redites, en remanie sensiblement l’orchestration et les place dans un ordre différent, sans souci du déroulement chronologique. Il est donc tout à possible d’y puiser à loisir pour former toutes sortes de combinaisons. « Les Montaigus et les Capulets » (suite II, n° 1) ouvre la seconde suite. Les accords cataclysmiques du début proviennent du n° 7 du ballet (« Le Duc prononce son arrêt »). Puis on entend le morceau le plus célèbre de l’ouvrage, la « Danse des chevaliers » (n° 13) ; les arpèges rugueux y entourent la danse ridicule de Pâris, qui tente vainement de séduire Juliette. 3 « Juliette jeune fille » (suite II, n° 2), qui reprend le n° 10 du ballet, nous rappelle que Juliette n’est qu’une enfant de quatorze ans. Son espièglerie est illustrée par une musique piquante (premier thème aux violons, ponctué par les bois). Un second thème énoncé à la clarinette, puis un duo de flûtes à découvert évoquent l’aspect plus rêveur de sa personnalité, laissant entrevoir ses chagrins ultérieurs. « Masques » (suite I, n° 5) provient de la scène de la fête chez les Capulets, où elle porte le n° 12. Trois Montaigus (Roméo, Mercutio et Benvolio) se sont introduits, dissimulés sous des masques. La plume volontiers sarcastique de Prokofiev saisit brillamment la nervosité et la hardiesse qui caractérisent cette intrusion en territoire ennemi. Dans « Roméo et Juliette » (suite I, n° 6), Prokofiev rassemble deux numéros de l’acte I (le n° 19, « Scène du balcon », et le n° 21 « Danse d’amour de Roméo et Juliette ») qui forment l’essentiel de la scène au balcon. Les cordes en trémolos, la flûte et la harpe installent un climat nocturne. Le violon solo murmure le thème du « Madrigal », vite interrompu à la flûte par le second thème de Juliette (le thème de clarinette de « Juliette jeune fille »). Puis la « Danse d’amour » s’élève, de plus en plus exaltée, avant le retour au murmure initial. « Danse » (suite II, n° 4) est une version condensée de la « Danse des cinq couples » (n° 24 du ballet), une danse très vive emmenée par le hautbois solo, à laquelle les cordes, le tambour, la harpe et le piano impriment des accents vigoureux. L’orchestre à l’unisson dans le grave brosse le portrait du bon « Frère Laurent » (suite II, n° 3) ; la harpe et la moitié des violoncelles en pizzicatos lui apportent une touche supplémentaire d’humanité. Ce numéro, baptisé dans le ballet « Roméo chez Frère Laurent » (n° 28), précède l’arrivée de Juliette chez le moine et le mariage secret des deux tourtereaux. La « Mort de Tybalt » (suite I, n° 7) rassemble en fait trois épisodes de la fin de l’acte II : la « Dispute entre Tybalt et Mercutio » (n° 33), celle entre Tybalt et Roméo (n° 35, « Roméo décide de venger la mort de Mercutio ») et la mort de Tybalt proprement dite (n° 36, « Finale »). La « Mort de Mercutio » (n° 34) est omise. Tous ces épisodes se succèdent rapidement, dans des climats contrastés. La querelle entre Roméo et Tybalt s’engage au son d’un mouvement perpétuel de cordes proprement obsédant, conduisant à l’inéluctable : le coup fatal sur Tybalt, qui signera le basculement dans la tragédie. La mort du cousin de Juliette est marquée par quinze accords massifs de l’orchestre. Puis résonne la procession funèbre, sur un ostinato effrayant. 4 « Roméo et Juliette avant leur séparation » (suite II, n° 5) reprend en les condensant plusieurs extraits de l’acte III du ballet : la musique accompagnant l’éveil des jeunes mariés après leur nuit de noce, leurs tendres adieux avant le départ de Roméo et la scène mélancolique où Juliette, après avoir fait mine d’accepter la demande en mariage de Pâris, avale la potion fournie par Frère Laurent qui lui donnera l’apparence d’une morte ; dans cette dernière section, hantée par un motif de quatre notes ascendants, on entend s’élever aux instruments graves une funeste prémonition du thème des funérailles de Juliette. « Roméo au tombeau de Juliette » (suite II, n° 7) correspond dans le ballet aux « Funérailles de Juliette » (acte IV, n° 51). C’est cette marche funèbre poignante qui résonna aux funérailles de Prokofiev sur un magnétophone, car tous les musiciens avaient été réquisitionnés pour les obsèques de Staline, mort le même jour que le compositeur. Une réminiscence de la « Danse d’amour » est vite balayée, mais le mouvement s’achève néanmoins paisiblement, comme si le dénouement tragique avait définitivement enterré les querelles. 5 Hector Berlioz (1803-1869) Roméo et Juliette, symphonie dramatique (Extraits de la 2e partie) La découverte de Shakespeare par Berlioz, en 1827, exerça sur le compositeur un choc personnel considérable, en même temps qu’elle influença profondément le développement de sa carrière de compositeur. Bien qu’il ignorât pour ainsi dire tout de la langue anglaise, il se sentit pris dans un tourbillon et emporté dans un univers dramatique inconnu, rempli de personnages et de sujets plus vivants, plus éclatants que tous ceux qu’il avait croisés jusqu’alors : de l’amour le plus ardent à la cruauté la plus vile, tout l’éventail des passions humaines était brossé. Au lieu de privilégier la mesure, le bon goût et le respect des unités classiques de temps, de lieu et d’action, le théâtre de Shakespeare faisait en outre d’étranges digressions, développait des intrigues secondaires et recourait à un mélange des genres audacieux, avec un sens de l’ironie et de l’outrance qui reflétait et stimulait à la fois, chez Berlioz, les turbulences de sa propre imagination poétique. Il assista tout d’abord à une représentation d’Hamlet, tombant immédiatement sous le charme de l’actrice principale, Harriet Smithson, interprète d’Ophélie – après une cour assidue de cinq ans, elle accepterait enfin de devenir sa femme. Puis ce fut Roméo et Juliette, une secousse plus forte encore : « Après la mélancolie, les navrantes douleurs, l’amour éploré, les ironies cruelles, les noires méditations, les brisements de cœur, la folie, les larmes, les deuils, les catastrophes, les sinistres hasards d’Hamlet, après les sombres nuages, les vents glacés du Danemark, m’exposer à l’ardent soleil, aux nuits embaumées de l’Italie, assister au spectacle de cet amour prompt comme la pensée, brûlant comme la lave, impérieux, irrésistible, immense, et pur et beau comme le sourire des anges, à ces scènes furieuses de vengeance, à ces étreintes éperdues, à ces luttes désespérées de l’amour et de la mort, c’était trop. Aussi, dès le troisième acte, respirant à peine, et souffrant comme si une main de fer m’eût étreint le cœur, le me dis avec une entière conviction : – Ah ! je suis perdu. » Hector Berlioz fut saisi jusqu’à en perdre le sommeil, et presque l’entendement. L’œuvre du dramaturge anglais irriguerait une bonne part de son œuvre, comme elle inspira tant de romantiques. Voire audelà : Roméo et Juliette, le couple d’amants tragiques, a fait le tour de la terre et des siècles. Lui, si fougueux dans l’ardeur de sa passion ; elle si pure dans sa jeunesse et sa fidélité. Tous deux poussés par un désir d’absolu qu’ils atteignent dans la mort… 6 En 1830, alors qu’il passait un an en Italie, Berlioz assista à la Pergola de Florence à une représentation de l’opéra de Bellini I Capuletti e i Montecchi, sur le sujet de Roméo et Juliette. Il fut très déçu par cette soirée, mais en sortit plus convaincu que jamais du fait que la pièce de Shakespeare se prêtait éminemment à un traitement musical : « Quel sujet ! Comme tout y est dessiné pour la musique !… D’abord le bal éblouissant dans la maison de Capulet, où, au milieu d’un essaim tourbillonnant de beautés, le jeune Montaigu aperçoit pour la première fois la Sweet Juliet, dont la fidélité doit lui coûter la vie ; puis ces combats furieux, dans les rues de Vérone, auxquels le bouillant Tybalt semble présider comme le génie de la colère et de la vengeance ; cette inexprimable scène de nuit au balcon de Juliette, où les deux amants murmurent un concert d’amour tendre, doux et pur comme les rayons de l’astre des nuits qui les regarde en souriant amicalement, les piquantes bouffonneries de l’insouciant Mercutio, le naïf caquet de la vieille nourrice, le grave caractère de l’ermite, cherchant inutilement à ramener un peu de calme sur ces flots d’amour et de haine dont le choc tumultueux retentit jusque dans sa modeste cellule... puis l’affreuse catastrophe, l’ivresse du bonheur aux prises avec celle du désespoir, de voluptueux soupirs changés en râle de mort, et enfin le serment solennel des deux familles ennemies jurant, trop tard, sur le cadavre de leurs malheureux enfants, d’éteindre la haine qui fit verser tant de sang et de larmes. » Les idées germées dès 1827 mirent cependant douze ans à trouver leur expression musicale. A la fin des années 1830, Berlioz avait déjà composé de nombreux chefs-d’œuvre (notamment la Symphonie fantastique, Harold en Italie, le Requiem et Benvenuto Cellini), mais l’establishment musical parisien considérait cet esprit trop original comme un mouton noir. Il n’avait aucun poste officiel et le peu d’argent qu’il gagnait lui venait des critiques de concerts qu’il rédigeait pour divers journaux. Le salut vint d’un don inattendu de 20.000 francs, fait par le violoniste Nicolò Paganini après une exécution d’Harold en Italie ; cela offrit à Berlioz le temps et la sécurité financière nécessaires à la composition de Roméo et Juliette et lui permit d’organiser trois exécutions de l’œuvre en novembre et décembre 1839. La création, le 24 novembre 1839 au Conservatoire de Paris, fut très bien accueillie. Echaudé par l’accueil médiocre réservé à Benvenuto Cellini en 1838, Berlioz n’envisagea pas la composition d’un opéra et imagina une « symphonie dramatique » pour alto, ténor et basse solos, chœur et orchestre à la forme totalement originale où il faisait siens la liberté structurelle et le mélange des genres qu’il admirait tant chez Shakespeare. 7 L’équilibre entre pages vocales et instrumentales est dosé avec soin dans ces quatre parties qui ne suivent pas toujours la stricte chronologie de la pièce de théâtre. La seconde partie est largement instrumentale, et Berlioz y montre la variété de son imagination orchestrale en une succession de trois tableaux colorés. Le premier, joué ici, s’ouvre par « Roméo seul » (andante) ; une longue mélodie des violons traduit l’exaltation croissante du jeune homme seul dans la demeure des Capulets, dans un climat proche de celui du premier mouvement de la Symphonie fantastique (1830). On entend au loin des bruits de fête, mais Roméo reste plongé dans une rêverie mélancolique (solo de hautbois, larghetto). Le tempo et le climat changent soudainement (allegro) : la brillante fête donnée par les Capulets résonne désormais au premier plan, et Roméo – qui appartient à la famille ennemie des Montaigus – la rejoint incognito. C’est à cette occasion qu’il rencontrera Juliette, la fille de la maison, et que tous deux tomberont éperdument amoureux. 8 Charles Gounod (1818-1893) Roméo et Juliette, opéra en cinq actes (extraits) Si le Roméo et Juliette de Gounod est lié à l’Italie par son sujet, il l’est aussi par sa genèse. L’idée d’un opéra sur le drame de Shakespeare remonte à 1841 quand Gounod, pensionnaire de la Villa Medicis après avoir remporté le prix de Rome deux ans plus tôt, se lance dans la composition d’un Giulietta e Romeo sur un livret en italien. Il laisse ce projet de côté, sans l’évacuer totalement de son esprit. Quatorze ans plus tard, fuyant Paris et son tumulte, le compositeur se réfugie à Saint-Raphaël. Le soleil provençal lui a déjà inspiré Mireille, créé l’année précédente. Il ravive cette fois les souvenirs romains, et les amants de Vérone refont surface dans l’esprit du compositeur, tout en le renvoyant à cette époque heureuse de sa jeunesse : « Je m’assois, écrit-il à sa femme en 1865, sous la galerie ou au bord de la mer, où il fait délicieux, et là, respirant à pleins poumons la santé des belles matinées, je commence mes journées de travail. Il me serait impossible de te peindre avec des mots ce qui se passe alors... Au milieu de ce silence, il me semble que j’entends me parler en dedans quelque chose de très grand, de très clair, de très simple et de très enfant à la fois. Il me semble me retrouver avec ma propre enfance, mais élevée à une puissance toute particulière. C’est la possession entière et simultanée de toute mon existence. C’est un état de dilatation qui a toujours été l’essence de mes plus grandes impressions et de mes plus beaux souvenirs. C’est alors que j’entends m’arriver la musique de Roméo et Juliette. Autant l’agitation me fait nuit, autant la solitude et le recueillement me font lumière. J’entends chanter mes personnages avec autant de netteté que je vois de mes yeux les objets qui m’environnent, et cette netteté me met dans une sorte de béatitude. » Dans l’isolement de Saint-Raphaël, Gounod compose avec frénésie durant quatre mois : le 10 juillet 1865, il met le point final à son opéra. Il le retouchera toutefois l’année suivante, ajoutant au quatrième acte la scène du mariage avec Pâris (qui n’apparaît pas chez Shakespeare), certainement à la demande du directeur du Théâtre-Lyrique, Léon Carvalho. C’est l’une des rares infidélités à la pièce, que par ailleurs les librettistes, Jules Barbier et Michel Carré, suivent scrupuleusement. Neuvième des douze opéras de Gounod, Roméo et Juliette est le seul à rivaliser avec l’illustre Faust, qu’il suit de huit ans. C’est même le seul dont la création, le 27 avril 1867 au Théâtre-Lyrique de Paris, ait connu un succès immédiat auprès du public tant que de la critique. Au moment de la reprise en 1873 à l’Opéra-Comique, Gounod se trouve à Londres. Il confie à son élève Georges Bizet – le chef d’orchestre des représentations – la réalisation d’un certain nombre de retouches et de coupures, très minutieux dans ses désirs et très clairvoyant quant aux effets 9 obtenus : Roméo et Juliette est indiscutablement l’œuvre d’un musicien au faîte de son métier et de sa maturité artistique. Une troisième version voit le jour à l’occasion de la reprise triomphale à l’Opéra de Paris, en 1888. Pour satisfaire aux exigences de la rigoureuse maison, le compositeur doit mettre en musique tous les dialogues parlés et composer l’incontournable ballet. Il rétablit également certaines des scènes qu’il avait coupées en 1873 – l’entrée du Duc de Vérone à la fin de l’acte III et la scène du mariage (cortège nuptial et épithalame) de l’acte IV. Le premier acte, qui se déroule sur le fond de la fête chez les Capulets, est le plus brillant des cinq. Il renferme la célèbre « valse » de Juliette (« Je veux vivre »), morceau pétillant teinté d’une pointe de mélancolie, où l’insouciante enfant, à laquelle sa nourrice vient de vanter les mérites d’un prétendant, Pâris, s’esclaffe à l’idée de se marier : elle préfère jouir de sa jeunesse, qu’elle sait fugace, et conserver intact les rêves qui habitent son jeune esprit. Juliette va bientôt croiser le chemin et le cœur de Roméo, membre de la maison ennemie, et sera subitement inondée d’une gravité nouvelle : « La haine est le berceau de cet amour fatal ! C’en est fait ! si je ne puis être à lui, Que le cercueil soit mon lit nuptial ! » Entre-temps, la fête aura largement résonné, offrant à Gounod l’occasion de caser le ballet exigé par l’Opéra. Le numéro final de ce ballet, la « Danse des Bohémiens », est elle-même une succession de courtes danses propres à mettre en valeur les étoiles et le corps de ballet de l’illustre maison. L’acte II s’ouvre avec un autre morceau fameux, la cavatine de Roméo « Ah ! lève-toi, soleil », si élégiaque. Sous le balcon de Juliette, le jeune homme guette son apparition à sa fenêtre, astre radieux qui illuminera la nuit. Découvrant sa présence, Juliette tente d’obéir à la loi familiale qui lui commande de le haïr, mais ne peut résister à son appel. Bientôt les deux jeunes gens laisseront parler leur sens, comptant sur le secours de la nuit pour ne pas être découverts : c’est le duo « O nuit divine », à la mélodie si irrésistible. L’acte III est celui où se noue le drame, avec le mariage secret des deux amants dans la cellule de Frère Laurent, puis le meurtre de Tybalt par Roméo, condamné à l’exil. L’acte IV celui de la dernière nuit d’amour, du mariage forcé avec Pâris et de la mort feinte de Juliette. L’acte V celui de la tragédie : Roméo croyant Juliette morte et avalant un poison mortel ; Juliette découvrant son mari expirant et se poignardant dans ses bras. Long et sublime tête à tête, cet acte ultime s’achève sur un duo poignant des deux amants, hanté par les échos vacillants de leurs premières rencontres et de leur nuit d’amour. Roméo et Juliette sera le dernier succès de Gounod à la scène. Après les déconfitures successives de Cinq Mars (1877), Polyeucte (1878) et Le Tribut de Zamora (1881), le compositeur abandonnera la carrière lyrique. 10 biographies kazushi ono Direction musicale Kazushi Ono est né à Tokyo. Depuis le début de la saison 2008-2009, il est le chef permanent de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon. Directeur musical du Badisches Staatstheater de Karlsruhe de 1996 à 2002, il a occupé les mêmes fonctions de 1992 à 1999 à l’Orchestre philharmonique de Tokyo, dont il est « chef d’orchestre lauréat ». Nommé directeur musical du Théâtre royal de la Monnaie de Bruxelles en 2002, il y a dirigé notamment Luci mie traditrici (Sciarrino), Elektra (Strauss), Don Giovanni (Mozart) – également en tournée au Japon –, Peter Grimes (Britten), Tannhäuser (Wagner), Aïda (Verdi), La Femme sans ombre (Strauss), Le Vaisseau fantôme (Wagner), Boris Godounov (Moussorgski), Falstaff (Verdi), Samson et Dalila (Saint-Saëns) en concert, Tristan et Isolde (Wagner), L’Ange de feu (Prokofiev), The Rake’s Progress (Stravinsky), Werther (Massenet) et Euryanthe (Weber). Il a fait ses adieux à la Monnaie en juin 2008 dans La Force du destin (Verdi). Il y a par ailleurs dirigé les créations mondiales de Ballata (Francesconi), Hanjo (Hosokawa) et Julie (Boesmans) ainsi qu’un grand nombre de concerts. De plus, il a été invité à diriger l’Orchestre de la Monnaie (Julie et Hanjo ; Le Tour d’écrou de Britten) au Festival d’Aix-en-Provence et l’Orchestre philharmonique de Radio France (Les Bassarides de Henze) au Théâtre du Châtelet à Paris. Il a assuré la direction musicale de Tannhäuser à la Deutsche Oper de Berlin, de Lady Macbeth de Mtzensk (Chostakovitch) et de Macbeth (Verdi) à la Scala de Milan. Il a récemment fait ses débuts au Metropolitan Opera de New York (Aïda) et à l’Opéra national de Paris (Cardillac de Hindemith). Il est sollicité par les orchestres les plus réputés. Ses prestations à la tête de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig et aux BBC Proms ont été très remarquées. Sa discographie avec l’Orchestre symphonique de la Monnaie comprend des œuvres de Mahler (Deuxième Symphonie), Prokofiev (les cinq concertos pour piano avec Abdel Rahman El Bacha), Boesmans (Julie), Rihm (Cuts and Disolves et Canzona per sonare), Benjamin (Olicantus) et Turnage (Etudes and Elegies). Il a récemment dirigé Hänsel und Gretel (Humperdinck) au Festival de Glyndebourne, Elektra (Strauss) à la Deutsche Oper de Berlin, et il dirigera à la fin de la saison Le Roi Roger (Szymanowski) à l’Opéra national de Paris. Sa première production à l’Opéra de Lyon a été Le Joueur (Prokofiev) en janvier et février 2009. Il dirige cette année Manon Lescaut (Puccini) et la création mondiale d’Emilie de Kaija Saariaho à l’Opéra de Lyon, ainsi que Le Vaisseau fantôme (Wagner) au Metropolitan Opera de New York en avril et mai 2010. 11 Anne-Catherine Gillet Soprano Anne-Catherine Gillet débute à l’Opéra royal de Wallonie et y interprète de nombreux rôles : Première Dame dans La Flûte enchantée, Serpina dans La serva padrona, Sophie dans Werther, Clairette dans La Fille de Madame Angot, Jemmy dans Guillaume Tell… A partir de 2000, elle est invitée par les Opéras de Nancy, Montpellier, Amsterdam, Toulon, par le Théâtre royal de la Monnaie à Bruxelles (la Princesse dans L’Enfant et les Sortilèges, Frasquita dans Carmen), par l’Opéra de Genève (Karolka dans Jenufa, Tebaldo dans Don Carlo sous la direction d’Evelino Pidò). Depuis lors, elle s’engage dans de nombreuses prises de rôle, notamment au Capitole de Toulouse : Papagena dans La Flûte enchantée, Despina dans Così fan tutte, Zdenka dans Arabella, Poppea dans Le Couronnement de Poppée, Lauretta dans Gianni Schicchi et Sophie dans Le Chevalier à la rose. A Marseille, elle interprète le rôle titre de deux opéras de JeanMichel Damase, L’Héritière et Colombe, et à l’Opéra de Nice et au Capitole de Toulouse, elle chante Susanna dans Les Noces de Figaro. Elle a incarné Musetta dans La Bohème à la Monnaie sous la direction d’Antonio Pappano, à Genève sous la direction de Louis Langrée et à Bordeaux. Invitée à l’Opéra royal de Wallonie, elle y chante Constance (Dialogues des carmélites), Zdenka et Mélisande dans Pelléas et Mélisande. De 2006 à 2009, elle a également chanté à l’Opéra de Zurich Laoula (L’Etoile de Chabrier sous la direction de Sir John Eliot Gardiner), à l’Opéra-Comique de Paris Micaela dans Carmen (avec Sir John Eliot Gardiner), à Saragosse et au Théâtre des Champs-Elysées à Paris Evanco dans Rodrigo de Haendel en version de concert, à Toulouse Aricie dans Hippolyte et Aricie sous la direction d’Emmanuelle Haïm, et aux Chorégies d’Orange, aux côtés de Roberto Alagna, Lola dans Cavalleria rusticana. Anne-Sophie Gillet vient de faire ses débuts à l’Opéra de Paris en Vincenette (Mireille de Gounod). Suivront ensuite les rôles de Sophie (Werther) et Despina. Elle passera entre-temps par Lyon et Tokyo pour Sophie (Werther) et Toulouse pour Constance. 12 James Valenti Ténor Considéré comme l’une des principales étoiles montantes de sa génération, le ténor américain James Valenti est acclamé sur les plus grandes scènes pour la beauté de sa voix aux couleurs italiennes, sa magnifique présence scénique, son élégance musicale. Il a inscrit à son répertoire les principaux ouvrages romantiques français et italiens, notamment Rodolfo dans La Bohème et Pinkerton dans Madame Butterfly de Puccini, le Duc de Mantoue dans Rigoletto et Alfredo dans La Traviata de Verdi, et les rôles titres de Roméo et Juliette et Faust de Gounod. Il est également très à l’aise dans des rôles belcantistes comme Nemorino dans L’Elixir d’amour et Edgardo dans Lucia di Lammermoor de Donizetti. La saison 2009/2010 est marquée par ses débuts au Metropolitan Opera de New York (sous la direction de Leonard Slatkin) et à l’Opéra royal de Covent Garden à Londres (sous la direction d’Yves Abel), à chaque fois en Alfredo aux côtés d’Angela Gheorghiu. Il a incarné le Duc à Florence, et donnera un récital avec Angela Gheorghiu au Royal Festival Hall de Londres, avant sa prise de rôle dans le rôle titre de Werther de Massenet avec l’Opéra national de Lyon à Tokyo. Il donnera également un concert de gala au Kimmel Center de Philadelphie et chantera Rodolfo dans le Minnesota et à Santander (Espagne), et Pinkerton à Vancouver. La saison dernière, James Valenti a fait ses débuts à l’Opéra de Dallas en Rodolfo, rôle qu’il a également chanté au Japon avec Myung-Whun Chung. Il a interprété pour la première fois le Requiem de Verdi à Bergen (Norvège) et a fait ses débuts à la Deutsche Oper de Berlin en Alfredo. Il a été réinvité à l’Opéra de Palm Beach en Duc et à l’Opéra de Caroline en Faust, et a chanté un ouvrage rarement donné de Mercadante, Il giuramento, à Washington sous la direction d’Antony Walker. Parmi les temps forts de sa saison 2010/2011 figureront ses débuts à l’Opéra de Paris. 13 L’Orchestre de l’opéra de Lyon Créé en 1983, l’Orchestre de l’Opéra de Lyon fête son 25e anniversaire en 2008. Il a comme premier directeur musical, John Eliot Gardiner. Kent Nagano, Louis Langrée et Iván Fischer lui succèdent jusqu’en 2003. Depuis, il a été dirigé par des chefs tels que William Christie, Leopold Hager, Emmanuel Krivine, Kirill Petrenko, Lothar Koenigs, Gerard Korsten, Evelino Pidò, Sebastien Weigle... En septembre 2008, Kazushi Ono en devient chef permanent. Reconnu d’emblée par ses qualités très françaises de transparence et de souplesse, il reçoit en 1999 la Victoire de la musique de la « meilleure formation lyrique ou symphonique ». L’Orchestre de l’Opéra participe à la diffusion audiovisuelle. Parmi les 70 enregistrements : des premières mondiales : Rodrigue et Chimène de Debussy, La Mort de Klinghoffer de John Adams, Susannah de Carlisle Floyd, Trois Sœurs de Peter Eövös, Faustus, The Last Night de Pascal Dusapin ; des ouvrages présentés dans des versions inédites : Salomé de Strauss dans la version française, Lucie de Lammermoor de Donizetti, dans la version française établie par le compositeur ; des opéras rarement enregistrés : L’Etoile de Chabrier, Dialogue des carmélites de Poulenc, L’Amour des trois oranges de Prokofiev, Arlecchino, Turandot et Doktor Faust de Busoni. Ces disques ont souvent été salués par des distinctions de la presse musicale et des prix nationaux et internationaux. Le dernier en date est La Somnambule de Bellini, sous la direction d’Evelino Pidò, avec Natalie Dessay. L’Orchestre participe également à l’enregistrement de musiques de films, notamment celle composée par Gabriel Yared pour Azur et Asmar de Michel Ocelot (2006). L’Orchestre est invité régulièrement en France et à l’étranger. Récemment, il s’est produit au Festival international d’Edimbourg 2006 dans Mazeppa de Tchaïkovski et dans Le Vol de Lindbergh et Les Sept Péchés capitaux de Kurt Weill. Il était au Festival d’Athènes en juillet 2008 pour Curlew River et Le Songe d’une nuit d’été de Benjamin Britten. En 2008-2009, l’Orchestre de l’Opéra de Lyon était au Théâtre des Champs-Elysées pour Anna Bolena de Donizetti et à l’Opéra Comique pour Lady Sarashina de Peter Eötvös. 14 Formation Violons Nicolas Gourbeix Laurence Ketels-Dufour Lia Snitkovski Fabien Brunon Maria Estournet Anne Vaysse Dominique Delbart Haruyo Nagao Calin Chis Frédéric Angleraux Camille Bereau Jean-Marie Baudour Sandrine Martin Audrey Loupy Karol Miczka Frédéric Bardon Frédérique Lonca Magdaléna Mioduszewska Vassil Deltchev Florence Carret Sophie Moissette Guillaume Roger Anne Menier Clara Abou Céline Lagoutière Anne Chouvel Altos Ignacy Miecznikowski Natalia Tolstaia Donald O’Neil Henrik Kring Ayako Oya Pascal Prévost Nagamasa Takami François Duchesne Lauriane David Samuel Hengebert Violoncelles Ewa Miecznikowska Alice Bourgouin Jean-Marc Weibel Andrei Csaba Naoki Tsurusaki Henri Martinot Augustin Lefebvre Nanon Fustier Contrebasses Cédric Carlier Jorgen Skadhauge Richard Lasnet François Montmayeur Benjamin Hebert Jérôme Bertrand Flûtes Julien Beaudiment Catherine Puertolas Gilles Cottin Hautbois Frédéric Tardy Jacek Piwkowski Patrick Roger Clarinettes Jean-Michel Bertelli Sandrine Pastor Sergio Menozzi Bassons Carlo Colombo Cédric Laggia Yoko Fujimura Nicolas Cardoze Cors Thierry Lentz Thierry Cassard Etienne Canavesio Pierre-Alain Gauthier Trompettes Philippe Desors Pascal Savignon Pierre Desole David Dicicco Trombones Eric Le Chartier Gilles Lallement Mathieu Turbe (trombone basse) Tuba Maxime Duhem Timbales Olivier Ducatel Percussions Christophe Roldan Philippe Mathias Jean-Marie Paraire Guillaume Sere Harpes Sophie Bellanger Laure Beretti Claviers Graham Lilly Futaba Oki Saxophone Laurent Blanchard 15 L'Opéra national de Lyon remercie pour leur généreux soutien, les entreprises mécènes et partenaires Mécènes principaux Partenaire du projet Kaléidoscope Les jeunes à l’Opéra Mécène fondateur Mécènes de projets Partenaire de la Journée Portes Ouvertes Cercle de soutien à Kazushi Ono le Club Entreprises de l’Opéra de lyon Partenaires Partenaires d’échange Partenaires médias opéra de lyon - Directeur général Serge Dorny Rédaction Sophie Gretzel Opéra national de Lyon Place de la Comédie 69001 Lyon Directeur général : Serge Dorny 0 826 305 325 (0,15E/ mn) fax + 33 (0) 4 72 00 45 46 www.opera-lyon.com L’Opéra national de Lyon est conventionné par le ministère de la Culture et de la Communication, la Ville de Lyon, le conseil régional Rhône-Alpes et le conseil général du Rhône.