les écoles ouvrent leurs portes à des leçons de style de vie en tunisie

Transcription

les écoles ouvrent leurs portes à des leçons de style de vie en tunisie
Prévention
Les écoles ouvrent leurs
portes à des leçons de
style de vie en Tunisie
Jihene Maatoug, Nawel Zammit, Firas Chouikha, Sana Bhiri, Aymen Salem,
Nathalie Farpour-Lambert et Hassen Ghanem
Une transition épidémiologique est
en cours en Tunisie. La prévalence
du diabète est passée de 2,3 % en
1977 à 6,4 % en 1990, pour ensuite
atteindre 10 à 15 % en 2000. La
prévalence du diabète augmente en
parallèle avec l'obésité, qui constitue
un facteur de risque important du
diabète de type 2.
La prévalence de l'obésité à l'enfance
a augmenté partout dans le monde
au cours des dernières décennies.
La prévalence actuelle des enfants
en surpoids et obèses était respectivement de 23,7 % et de 5,1 % pour
les filles et de 21,1 % et 7 % pour les
garçons dans la région de Sousse,
en Tunisie. Une étude de cohorte
a par ailleurs démontré la stabilité
de l'obésité chez les enfants de la
région.1 La prévention et la gestion
de la surcharge pondérale à un âge
22
DiabetesVoice
précoce, avant l'apparition de problèmes chroniques, revêtent une
importance cruciale.
Le défi au cours de
cette étape consistait à
sensibiliser les élèves
à leur surpoids.
De nombreuses études réalisées dans
des pays développés, dont le programme suisse « Contrepoids », ont
prouvé l'efficacité d'interventions
sur le style de vie pour gérer l'obésité
et le surpoids.2
Impact des interventions sur le
style de vie en milieu scolaire
Dans le cadre de ce projet financé par BRIDGES, « Intervention
sur le style de vie chez des élèves
obèses et en surpoids à Sousse,
en Tunisie », des acteurs clés du
programme suisse « Contrepoids »
ont formé l'équipe de l'étude.
Notre tâche consistait à mettre
sur pied et à évaluer une intervention sur le style de vie adaptée au
contexte culturel pour des élèves
en surpoids et obèses âgés de 1416 ans afin de prévenir le diabète
de type 2. Les interventions sur le
style de vie consistaient notamment à encourager une activité
physique régulière et une alimentation saine et incluaient un soutien psychologique pendant toute
une année. Cette intervention était
le premier programme en milieu
scolaire pour les enfants obèses et
en surpoids en Tunisie. Il constituait également une « première »
pour l'équipe de l'étude.
Le programme a débuté par le dépistage des enfants en surpoids. Notre
Juin 2014 • Volume 59 • Numéro spécial
Prévention
plan de recrutement était simple :
nous avons demandé aux enfants et
à leurs parents de participer à l'étude
en vue de parvenir à une perte de
poids. Le défi au cours de cette étape
consistait à sensibiliser les élèves à
leur surpoids. En effet, d'un point de
vue culturel, la surcharge pondérale
demeure perçue comme un signe de
bonne santé en Tunisie. Ce projet a
offert l'opportunité d'expliquer aux
enfants et à leurs parents les conséquences possibles du surpoids et les
facteurs de risque associés.
Le programme de l'intervention s'est
déroulé sur un an, de décembre 2012
à fin novembre 2013. Deux stratégies d'intervention ont été mises en
place : une intervention collective
pour tous les enfants recrutés (en
surpoids et obèses) et une intervention individuelle uniquement pour
les enfants obèses ayant besoin d'une
gestion intensive.
Des sessions collectives ont été
organisées pour l'ensemble des
participants (enfants en surpoids
et obèses). Elles incluaient souvent
Les élèves rencontrent un infirmier pour contrôler leur glycémie
au Collège Massaadine de Msaken en Tunisie
des groupes ou plusieurs élèves
sous la houlette d'un psychologue,
d'un diététicien et d'un médecin.
Malheureusement, le taux de participation des enfants et de leurs parents à ces sessions était très faible,
malgré des invitations lancées à
plusieurs reprises et par différents
biais, tels que des lettres d'invitation
et des appels téléphoniques.
Certains parents et leurs enfants
n'étaient pas motivés à l'idée de
participer au programme de l'intervention car ils ne comprenaient pas
ou ne percevaient pas les risques
Certains parents et leurs
enfants n'étaient pas motivés
à l'idée de participer car ils
ne comprenaient pas ou ne
percevaient pas les risques.
Juin 2014 • Volume 59 • Numéro spécial
associés au surpoids et à l'obésité.
Mais même s'ils n'avaient pas envie
de changer de style de vie à cette
occasion, les informations reçues
pourraient les aider à prendre
conscience du problème et à s'y
attaquer dans le futur.
D'autres parents étaient très motivés
à l'idée de participer et ont amené
leurs autres enfants en surpoids
pour qu'ils rejoignent le programme
dans l'espoir de les aider eux aussi.
L'équipe de l'étude a saisi ces opportunités pour aider la famille toute
entière, en apprenant aux parents, et
en particulier aux mères, à utiliser
des méthodes de cuisine saines.
Les médecins assignés au projet ont
été formés à la prise en charge d'enfants obèses et en surpoids. Cette
subvention a également permis
d'améliorer l'équipement sportif des
écoles, jugé trop rudimentaire pour
encourager l'activité physique ou la
participation du corps enseignant.
Le programme en milieu scolaire a
DiabetesVoice 23
Prévention
également encouragé les élèves à interagir. Les filles désireuses de perdre
du poids dans le cadre du programme
ont développé un esprit de rivalité
amicale avec leurs camarades.
Contribution de l'étude
Cette intervention a identifié de
multiples opportunités de prévention de l'obésité et du diabète.
L'élément le plus important a été la
prise en charge multidisciplinaire
des enfants obèses et en surpoids,
qui n'existe pas en Tunisie. Le programme de l'étude a en outre amélioré l'accès des soins à des enfants
n'ayant pas le temps ou l'argent
nécessaire pour se rendre à des
consultations médicales. Malgré la
hausse de la prévalence de l'obésité
chez les jeunes Tunisiens, aucune
assistance médicale n'existe pour
assurer la prise en charge des enfants obèses et en surpoids, ce qui
constitue un argument de poids
en faveur d'une intervention en
milieu scolaire.
Plusieurs produits et services subsistent aujourd'hui dans les écoles,
au terme du programme de l'intervention. Voici quelques recommandations pour contenir, d'un point
de vue stratégique, la hausse de
l'obésité à l'enfance et le diabète
de type 2 en Tunisie :
1. Distribution de brochures et
prospectus encourageant des
changements alimentaires et
augmentation de la disponibilité
de médecins et d'infirmiers dans
les écoles
24
DiabetesVoice
2. Renforcement des capacités de
formation des médecins et infirmiers scolaires afin d'assurer une
meilleure prise en charge des enfants obèses et en surpoids. Des
activités de formation pourraient
également être organisées dans
les centres de soins de santé primaires où consultent les médecins. La formation des professeurs
d'éducation physique afin qu'ils
adaptent les exercices de façon à
aider les enfants obèses pourrait
également s'avérer très utile.
3. Les directeurs d'école doivent
gérer et améliorer l'infrastructure
scolaire de façon à proposer une
activité physique quotidienne à
tous les élèves intéressés.
La continuité du programme de
l'intervention pourrait aider tous les
partenaires susmentionnés à réduire
et à prévenir l'obésité et le diabète,
qui constitue un problème de santé
publique majeur en Tunisie. Il est
recommandé d'utiliser notre programme d'intervention en milieu
scolaire en tant que programme de
référence national en Tunisie. Un
rapport à propos de cette étude sera
présenté aux ministères de l'éducation et de la santé, avant d'être
partagé avec l'ensemble des écoles
tunisiennes.
Jihene Maatoug, Nawel Zammit,
Firas Chouikha, Sana Bhiri,
Aymen Salem, Nathalie FarpourLambert et Hassen Ghanem
Jihene Maatoug est professeur assistante
de santé publique au sein du département
d'épidémiologie de l'hôpital universitaire
Farhat Hached, à Sousse, en Tunisie.
Nawel Zammit suit une formation
en résidence au sein du département
d'épidémiologie de l'hôpital universitaire
Farhat Hached, à Sousse, en Tunisie.
Firas Chouikha est infirmière auxiliaire au sein
du département d'épidémiologie de l'hôpital
universitaire Farhat Hached, à Sousse, en Tunisie.
Sana Bhiri suit une formation en résidence au
sein du département d'épidémiologie de l'hôpital
universitaire Farhat Hached, à Sousse, en Tunisie.
Aymen Salem est médecin au sein du
département d'épidémiologie de l'hôpital
universitaire Farhat Hached, à Sousse, en Tunisie.
Nathalie Farpour-Lambert est directrice
du programme de soins de l'obésité au sein
du service de spécialités pédiatriques, du
département des enfants et des adolescents
des hôpitaux universitaires de Genève et de
l'Université de Genève, à Genève, en Suisse.
Hassen Ghanem est professeur de
santé publique et chef du département
d'épidémiologie de l'hôpital universitaire
Farhat Hached, à Sousse, en Tunisie.
Projet BRIDGES
Intervention sur le style de vie chez
des élèves obèses et en surpoids : étude
quasi expérimentale pré et post-test avec
groupe de contrôle à Sousse, en Tunisie
Remerciements
Ce projet est soutenu par BRIDGES.
BRIDGES est un programme de la Fédération
internationale du diabète financé par une
bourse éducative accordée par Lilly Diabetes.
Remerciements
1. Harrabi I, Maatoug J, Ben Hammouda H, et al.
Tracking of overweight among urban school
children: a 4 years cohort study in Sousse Tunisia.
J. Public Health Epidemiol 2009; 1: 31-6.
2. Baker JL, Farpour-Lambert NJ, Nowicka P, et
al. Evaluation of the overweight/obese child –
practical tips for the primary health care provider:
recommendations from the Childhood Obesity
Task Force of the European Association for the
Study of Obesity. Obes Facts 2010; 3: 131-7.
Juin 2014 • Volume 59 • Numéro spécial