Léon Joulin, inventeur discret de la Protohistoire toulousaine - 01

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Léon Joulin, inventeur discret de la Protohistoire toulousaine - 01
Léon Joulin, inventeur discret de la Protohistoire toulousaine - 01-20-2016
by Pierre-Yves Milcent - Encyclopédie de Protohistoire en Midi-Pyrénées (EPMP) - http://epmp.huma-num.fr
Léon Joulin, inventeur discret de la Protohistoire toulousaine
by Pierre-Yves Milcent - mercredi, janvier 20, 2016
http://epmp.huma-num.fr/leon-joulin-inventeur-discret-de-la-protohistoire-toulousaine/
Quoique méconnu, Léon Joulin joue un rôle clef dans le développement de l'archéologie protohistorique à
Toulouse au début du XXe s. Ses fouilles et publications en font l'inventeur principal des grands sites de
l'âge du Bronze final et de l'âge du Fer toulousains.
L'homme et sa carrière professionnelle
Georges Léon Joulin est né le 7 juin 1838 à Tours et meurt le 31 août 1928 à Saint-Avertin (Indre-etLoire). Ancien élève de l'Ecole polytechnique, docteur ès sciences physiques (1872), Maître de
conférences en chimie à la Faculté des Sciences de Toulouse (1877-1883), il fait principalement carrière
dans l'administration et l'industrie militaires à Toulouse. Il est promu notamment au poste d'Ingénieur en
Chef de 1ère classe des Poudres et salpêtres, puis devient en 1874 directeur de la Poudrerie nationale de
Toulouse. Parallèlement, Léon Joulin accomplit différentes missions de renseignement militaire à
l'étranger, notamment en Prusse, des années 1864 à 1883, et semble-t-il avec un certain succès. Cette
carrière professionnelle de notable est couronnée en 1894 lorsqu'il est fait officier de la Légion d'honneur.
Léon Joulin prend sa retraite en 1900, ce qui lui laisse plus de temps pour des recherches en archéologie,
spécialement protohistorique.
Vie savante
Léon Joulin n'a pas laissé d'archives répertoriées. Ses collections archéologiques sont aujourd'hui
dispersées dans différents musées (Musée Saint-Raymond, Musée des Amis du Vieux Toulouse,
collections de la Société archéologique de Touraine) et ne sont pas nécessairement bien identifiées. Des
vestiges mobiliers sont perdus, mais sans que l'on sache précisément ce que cela représente comme
lacunes. Ce sont essentiellement les publications et notes dans les bulletins des sociétés savantes qui
permettent de mieux cerner son apport à la Protohistoire régionale.
Léon Joulin est représentatif de la sociologie des archéologues s'intéressant aux antiquités nationales à
l'articulation des XIXe et XXe s. Il appartient aux cercles de la notabilité érudite toulousaine et
tourangelle, puisqu'il fut notamment membre de la commission du Musée Saint-Raymond à son ouverture
(1891), de la Société archéologique du Midi de la France (ill.1), de la Société archéologique de Touraine
et ancien trésorier perpétuel de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse. Ses
relations avec le milieu savant toulousain se distendent toutefois à la fin des années 1900, suite à des
conflits portant sur le financement de ses fouilles et le devenir du mobilier archéologique issu de ses
recherches. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles ses travaux n'obtinrent pas une pleine
reconnaissance par la suite.
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ill. 1 - Léon Joulin en compagnie d'autres membres de la Société archéologique du Midi de la France sur
le perron de l'hôtel d'Assézat pour l'accueil d'une promotion de l'École des Chartes en 1896. Recadrage
d'une photo conservée au Musée Paul Dupuy.
Recherches archéologiques de terrain
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Peu avant et au début de sa retraite, de 1898 jusqu'au début des années 1910, Léon Joulin réalise
l'essentiel de ses recherches consacrées à la Protohistoire régionale, sachant qu'il contribue aussi à l'étude
de l'Antiquité avec ses fouilles du grand établissement antique de Chiragan à Martres-Tolosane (HauteGaronne), de 1897 à 1900.
Il a décrit, fouillé, étudié et publié les sites et vestiges archéologiques de la rive droite de la Garonne
localisés au sud de l'agglomération toulousaine, plus précisément sur les coteaux de Pech David et ses
marges. Ces sites sont proches des usines de la Poudrerie de Toulouse installée sur l'île d'Empalot, ce qui
n'est peut-être pas un hasard. Sur la première terrasse de la Garonne, au quartier Saint-Roch,
l'emplacement de la future caserne Niel et ses environs immédiats ont été fouillés ou observés par ses
soins de 1901 à 1903, sans doute au moyen de tranchées. 150 cavités, réparties entre fosses, silos et puits,
sont recensées (Joulin 1911). Il s'agit là des premières fouilles de sauvetage faites dans la région puisque
les recherches sont effectuées durant les travaux de fondation des bâtiments militaires. Il est probable que
le passé professionnel de Léon Joulin lui ait permis d'accéder plus facilement aux terrains. A l'extrémité
sud du coteau de Pech David, Léon Joulin sonde l'éperon barré du Cluzel de 1907 à 1912, et le considère
comme une nécropole à crémation associée à un habitat. Ce dernier serait englobé dans un établissement
plus vaste, installé principalement à Vieille-Toulouse. Un peu plus loin, l'éperon d'Estarac est identifié
aussi comme une occupation gauloise partie prenante de cet établissement. Léon Joulin a aussi prospecté
le plateau de Vieille-Toulouse et réalisé quelques fouilles à partir de 1900. Les sépultures, niveaux
d'habitat, puits et autres fosses domestiques mis au jour sur l'ensemble de ces sites, mais aussi
l'exhumation d'un mobilier abondant représentent des découvertes importantes à l'époque, ainsi que l'a
signalé Joseph Déchelette. Le mobilier de ces fouilles peut encore être étudié avec profit, notamment pour
documenter des objets originaux ou bien des périodes mal connues de la Protohistoire toulousaine (ill.2).
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Fig. 2 - Fragment d'anneau de cheville à nodosités du IIIe s. av. J.-C. issu des fouilles de Léon Joulin à
Vieille-Toulouse. Dessin P.-Y. Milcent.
Publications
Les articles consacrés à la Protohistoire par Léon Joulin datent des années 1900 et 1910. Ils sont
suffisamment nombreux pour se faire une idée assez précise de ses méthodes d'investigation, des résultats
qu'il obtient, et de ses concepts. Au sujet du Toulousain, les derniers articles répètent les informations
fournies dans les premiers. Ces informations demeurent très synthétiques, ce qui ne permet pas, sauf
exceptions, de savoir ce que Léon Joulin a découvert dans le détail.
Dans les publications, les plans insérés en appui aux descriptions montrent un attachement à la
prospection de surface, à la topographie et à l'étude des retranchements, qu'ils soient naturels ou
artificiels, autant de préoccupations qui peuvent s'expliquer par une formation militaire.
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ill. 3 - Carte archéologique dressée par Léon Joulin des vestiges protohistoriques de Toulouse et ses
environs (Joulin 1912 pl.B).
Plus largement, la carte archéologique des sites protohistoriques du Toulousain proposée par Léon Joulin
est la première du genre (ill.3) ; celle-ci soutient la comparaison avec les cartes les plus récentes puisque
tous les principaux sites sont déjà recensés et précisément localisés. Quelques coupes et descriptions
révèlent un certain sens de la stratigraphie, mais surtout le fait que les fouilles sont encore réalisées au
moyen de simples tranchées (ill.4). Le mobilier céramique occupe une place très importante dans ses
publications, ce qui est nouveau dans les études sur la région. Les tableaux de comptage de la céramique
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et la caractérisation de la faune découvertes dans le quartier Saint-Roch apparaissent également originaux
pour l'époque.
ill. 4 - Relevés par Léon Joulin de fosses et puits protohistoriques du quartier Saint-Roch à Toulouse
(Joulin 1912 pl.D).
En fouillant à l'emplacement de la caserne Niel, Léon Joulin met au jour dans le quartier Saint-Roch une
quinzaine de sépultures à crémation appartenant à une nécropole de la fin de l'âge du Bronze et du
premier âge du Fer (renvoi notice Cécile Rousseau), 140 fosses et puits d'un habitat du IIe s. av. J.-C.
(renvoi notice Guillaume Verrier), ainsi que quelques vestiges de crémations d'époque romaine. La
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complexité du site et l'inadéquation des techniques de fouilles l'amènent à considérer, abusivement, que
les trois périodes se succèderaient (nous savons aujourd'hui qu'un hiatus les sépare). Il suppose aussi à tort
que la nécropole fondée à l'âge du Bronze aurait perduré jusqu'à l'époque romaine (Joulin 1911). Bien
qu'il ne soit pas le premier à formuler la théorie des pseudo-puits funéraires, Léon Joulin, par ses fouilles
et publications, est celui qui l'impose dans le paysage intellectuel toulousain pour près d'un siècle. Le fait
que les fosses et puits gaulois de Midi-Pyrénées ont été interprétés systématiquement en tant que tombes
jusqu'à une époque très récente en est la preuve.
A Vieille-Toulouse, Léon Joulin est sans doute le premier aussi à caractériser l'occupation de l'âge du Fer
en s'appuyant sur des prospections et fouilles archéologiques. Le site était connu depuis longtemps par
des récoltes de surface, mais il n'avait jamais été étudié et interprété de cette façon. Fort de ses lectures
aussi (Joulin s'intéresse de près aux résultats des recherches conduites sur l'oppidum du Mont Beuvray, en
Bourgogne, par Gabriel Bulliot et son neveu Joseph Déchelette avec lequel il correspond activement),
Léon Joulin défend l'idée que l'habitat de Vieille-Toulouse est "le grand oppidum des Tolosates", dont
dépendrait l'habitat-nécropole du quartier Saint-Roch (Joulin 1901).
Conclusion
Par ses enquêtes archéologiques étendues et ses conceptions relativement nouvelles, Léon Joulin est
pionnier dans la recherche sur la fin de l'âge du Bronze et l'âge du Fer de Toulouse et ses environs. Ses
ambitions ne s'arrêtent pas là puisqu'il fait régulièrement référence à des sites plus éloignés et à un
contexte élargi, de même qu'il publie plusieurs synthèses couvrant le sud de la France et la péninsule
Ibérique, et même l'Europe entière, dans un périodique aussi prestigieux que la "Revue archéologique".
L'usage privilégié qu'il fait du terme de "Protohistoire" dans ses articles, à une époque où ce néologisme
de la seconde moitié du XIXe s. est d'un usage peu fréquent, montre également qu'il a conscience
d'inventer la Protohistoire toulousaine et de participer, plus largement, à l'étude des âges des métaux
européens.
Bibliographie sélective des travaux de Léon Joulin :
*Joulin L. 1901, Le grand oppidum des Tolosates, Comptes rendus des séances de l'Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, 45e année, 4, p.518-521.
*Joulin L. 1910, Les âges protohistoriques dans le sud de la France et dans la Péninsule hispanique.
Revue Archéologique, 4e sér., XVI, p.1-29.
*Joulin L. 1911, Les âges protohistoriques dans le sud de la France et dans la Péninsule hispanique.
Deuxième partie. Revue Archéologique, 4e sér., XVII, p.15-40.
*Joulin L. 1912, Les sépultures des âges protohistoriques dans le sud-ouest de la France. Revue
Archéologique, XIX, p.1-59.
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