Introduction

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de l’homme, et en ce sens l’homme ne gagnerait pas seulement des
conditions de vie possibles, un objet à posséder et donc du plaisir,
mais accéderait à sa propre humanité, à sa dignité, à sa réalisation, ou
encore au bonheur. Mais comment expliquer alors que le travail puisse
être aliénant ?
Le sujet
LE TRAVAIL ET LA TECHNIQUE • SUJET
■ Éviter les erreurs
C O R R I G É
Les titres en couleurs servent à guider la lecture et ne doivent en aucun cas
figurer sur la copie.
La morale
La politique
L’erreur serait de s’en tenir aux lieux communs : le travail permet de
gagner de l’argent, mais en contrepartie il produit de la fatigue. C’est
peut-être réaliste, mais ce n’est qu’une réduction du travail à l’emploi.
Une autre erreur serait de lister simplement sans problématiser les
avantages et les inconvénients du travail, ou encore de lister les différents métiers « rentables ».
Enfin, il ne faudrait pas dévier le devoir vers une analyse sociologique,
économique ou faire un commentaire de l’actualité.
La raison et le réel
Dans un premier temps nous montrerons en quoi l’effort de travailler
nous permet d’assurer notre survie.
Cependant, et cela fera l’objet d’une seconde partie, l’homme peut
aussi « perdre son âme » au travail.
Nous nous demanderons alors à quelles conditions nous pouvons
accéder à notre humanité dans le travail sans nous dénaturer.
La culture
Le plan
La réalité du travail semble paradoxale : à la fois recherchée et à la fois évitée.
En effet, le droit au travail est partout revendiqué, comme s’il était une fin en
soi. Le travail se présente comme la condition nécessaire à la réalisation
sociale et personnelle de l’homme. Pourtant le travail apparaît comme le
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Sujets d’oral
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LE TRAVAIL ET LA TECHNIQUE • SUJET
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moyen de profiter des loisirs, (vacances, congés payés…). Si le travail en tant
qu’emploi peut donner à l’homme les conditions de sa survie, on s’aperçoit
aussi qu’il peut engendrer diverses formes d’aliénation.
Au-delà d’une activité socialement rentable, le travail désigne toute forme
de transformation de la nature par l’homme, mais aussi toute production
culturelle. Devant la variété d’activités appelée « travail », on peut se
demander s’il existe une essence propre au travail. Au-delà d’une nécessité
vitale, l’homme peut se livrer à une forme d’activisme dans lequel il peut
aller jusqu’à perdre son âme. Alors pourquoi travailler ? Que gagnons-nous
à travailler ?
À cette question qui peut sembler provocatrice, on peut d’abord répondre
que par la transformation directe de la nature, ou par le biais d’un salaire, le
travail semble nous donner les conditions de notre survie. Au-delà de cette
nécessité vitale, le travail peut même nous permettre « d’acquérir » des
objets sources de plaisirs, des objets consommables, ou un statut social.
Cependant, l’homme peut aussi « se perdre » dans le travail jusqu’à l’aliénation et l’épuisement. À quelles conditions l’homme peut-il alors gagner sa
dignité, se réaliser dans le travail ?
1. En travaillant, l’homme gagne les conditions
de sa survie
A. En transformant la nature, l’homme répond à ses besoins vitaux
L’homme travaille car la nature est insuffisante à répondre à tous ses
besoins. Il gagne alors la possibilité de survivre grâce à l’effort qu’il produit.
Le travail consiste en une transformation ou assimilation de la nature. Il se
comprend au sein d’un « système de besoins ». Ainsi l’économie classe le
travail en secteur primaire, secondaire et tertiaire selon son caractère graduellement indirect de lutte ou d’extraction de la nature. Par exemple, la
cueillette peut être considérée comme un degré presque zéro, la raffinerie
comme un degré très élevé de transformation de la nature.
Au paragraphe 196 des Principes de la philosophie du droit, Hegel décrit le
travail comme intermédiaire entre l’homme et la nature, une médiation qui
obtient pour un besoin particularisé un moyen particularisé. Mais en transformant la nature, l’homme se transforme lui-même car grâce à la technique qu’il
crée et qu’il emploie, il gagne son autonomie. Il n’est plus soumis à ses
besoins vitaux. Ainsi, paradoxalement, en cherchant à répondre aux exigences de la nature, l’homme va s’arracher à elle et gagner sa liberté.
B. Avec la division du travail, l’homme gagne sa survie sociale
Mais l’homme ne vit ni ne travaille jamais seul, et c’est dans le cadre
d’échanges avec autrui que son travail s’accomplit.
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A. Avec le machinisme, le travailleur s’aliène
Affirmer que le travaille libère semble contradictoire avec toute réalité du
travail avilissant et épuisant, dans la mesure où il peut menacer la vie de
l’homme lui-même, comme dans le travail forcé.
Pour Marx, l’homme se réalise dans le travail grâce à la technique. Mais
lorsque la machine remplace le simple outil, le travail se déshumanise.
L’apparition du machinisme crée des conditions de travail de plus en plus
pénibles parce que répétitives, abrutissantes et parcellaires. Paradoxalement, elles augmentent la pression des besoins vitaux lorsque le salaire
n’est plus que le minimum pour vivre. L’homme, en perdant la maîtrise de la
technique, devient lui-même de plus en plus mécanisé et se transforme en
« rouage » d’une machine qui le dépasse. Le travail devient l’ennemi de sa
spontanéité, de sa personnalité. Il est aliéné, il ne se reconnaît plus dans ce
qu’il fait. Il peut « perdre » le sens de sa vie.
B. La société peut augmenter les besoins artificiels et pervertir l’homme
Marx explique que dans le cadre d’une division du travail capitaliste, l’activité du travailleur devient de plus en plus abstraite et aliénante. Il n’est plus
qu’un salarié, qu’une marchandise que l’on achète. Il produit une valeur
ajoutée que le capitaliste divise entre son profit et le salaire. Le travailleur
est aliéné, exploité, lorsqu’il est obligé de se vendre pour survivre.
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La culture
La raison et le réel
La politique
2. Mais en travaillant, l’homme peut aussi « perdre
son âme »
La morale
Par le travail, l’homme apprend à se maîtriser en exerçant sa volonté sur ses
propres désirs, sur ses passions. Il canalise différentes énergies afin de
mieux s’intégrer dans un système culturel et socio-économique.
Par le travail l’homme participe à l’organisation d’une société, dans la
mesure où il prend sa place au sein d’une division du travail qui se fait,
selon Platon dans la République II, non seulement selon la pluralité des
besoins mais aussi selon la diversité des aptitudes.
[Transition]
Le travail se présente comme un moyen pour s’émanciper des nécessités
vitales. Mais en transformant la nature, l’homme transforme sa propre
nature. Il apprend, crée, progresse et développe ce qui relève de ses
compétences. Il gagne alors une place dans la société. Pourtant, l’idée de
travail est souvent associée à l’idée de pénibilité, comme son étymologie tripalium qui signifie « souffrance », l’atteste. Si le travail donne à l’homme les
conditions de son accomplissement en lui permettant de maîtriser la nature,
il reste de fait l’objet de multiples souffrances dont l’esclavage (sous toutes
ses formes) est paradigmatique.
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Sujets d’oral
LE TRAVAIL ET LA TECHNIQUE • SUJET
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Dépossédé des moyens de production, il vend sa force de travail (lui-même)
et non son produit.
Or personne ne doit être assez riche pour acheter quelqu’un, met en garde
Rousseau dans le Contrat social, II, 11. Dans l’Essai sur l’origine des langues, il affirme qu’à l’état de nature il y a un équilibre entre les besoins
strictement naturels et les moyens de les satisfaire. Si l’homme développe
en société des passions qui le rendent plus compétitif, plus laborieux, c’est
encore et toujours dans le dessein de trouver un meilleur repos. L’homme
exalté par l’appât du « gain » peut y perdre son âme. À vouloir trop gagner,
il risque de se perdre lui-même.
[Transition]
Si le travail prétend mettre l’homme dans les meilleures conditions pour se
réaliser, de fait il s’y perd car il perd ce qu’il a de plus cher, sa liberté.
Quelles sont alors les conditions pour que l’homme puisse s’accomplir dans
le travail ? Ce que l’homme peut y gagner sera-t-il encore de l’ordre de
l’objet à posséder ?
3. À quelles conditions l’homme peut-il alors gagner
son humanité sans se perdre ?
A. Par le travail, l’homme accède à la conscience de lui-même
Pour Hegel, le travail est libérateur dans la mesure où il s’accompagne
d’une prise de conscience de soi à travers le monde qu’il transforme. La
marque que l’homme met sur le monde lui renvoie concrètement une image
de lui-même et de ses compétences. Le travail, comme médiation qui libère,
devient ce par quoi l’homme devient lui-même. Marx, dans Les Manuscrits
de 1844, reconnaît à Hegel le mérite d’avoir saisi l’essence du travail et
« l’homme objectif véritable parce que réel, comme le résultat de son propre
travail ». Le travail devient production de l’homme par lui-même.
Pour Marx, ce qui distingue « le plus mauvais architecte » de « la meilleure
abeille » c’est la représentation des fins qui permet à l’homme de s’extérioriser dans son travail et d’acquérir ainsi son autonomie. L’homme gagne
donc son humanité, mais en produisant un travail qui s’élabore différemment de celui des animaux, et ce n’est qu’à ce titre qu’il gagne sa dignité.
B. Le travail est libérateur s’il ne répond pas seulement à des besoins
vitaux, mais à une nécessité culturelle
Soit le travailleur mène une activité animale servile à la nature dans la
mesure où elle n’obéit qu’à des nécessités vitales, en ne travaillant par
exemple que pour un salaire assurant sa survie. Il est alors animal laborans.
Soit le travailleur a conscience de ce qu’il fait et obéit aux fins qu’il s’est luimême fixées : il est alors homo faber. Seul ce dernier réalise une activité
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Conclusion
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La culture
Sujets d’oral
La morale
Le travail comme médiation avec la nature n’est qu’un moyen pour donner à
l’homme les conditions de son accomplissement. Très vite ces conditions
peuvent se retourner contre lui et le ramener à ses besoins primitifs. Un
travail qui serait exclusivement productif, qui ne ferait que répondre à une
nécessité vitale, ramènerait l’homme à sa condition d’animal.
Seul un travail créatif, c’est-à-dire un travail marqué par l’originalité culturelle de l’homme, peut lui permettre de s’accomplir. Le travail ne serait plus
seulement un moyen pour gagner, posséder un objet, au risque de se
perdre soi-même, mais une fin en soi dans la mesure où il désigne l’expression, l’extériorisation de l’homme lui-même qui se réalise en tant qu’être de
culture. En ce sens l’homme gagne son humanité.
Si l’homme est capable de « se perdre », il semblerait aussi qu’il soit
capable de « se gagner ».
La raison et le réel
dans laquelle il peut s’épanouir car il agit de manière indépendante en
répondant à une nécessité culturelle, c’est-à-dire une activité produite par
ses propres fins selon ses désirs. En ce sens, le travail qui permet à
l’homme de se réaliser est plus une œuvre, car il ne porte plus seulement
sur des biens de consommation périssables mais sur des produits durables.
Ce n’est alors plus seulement le plaisir (dans la possession d’un objet) qui
semble visé, mais le bonheur (état général de satisfaction).
Ainsi le travail peut être épanouissant pour l’homme lorsque celui-ci répond
à un besoin culturel, et non pas seulement une nécessité vitale. L’homme
peut se réaliser dans le travail quand celui-ci lui renvoie sa propre image. Si
le travail devient aliénant, c’est qu’il a été perverti au point de redevenir une
activité quasi animale et non plus digne d’humanité. L’homme ne peut plus
alors s’y retrouver puisque l’essence même du travail, qui porte en elle
l’essence de l’homme, est perdue.
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La politique
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