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14_PHI070627_05C.fm Page 109 Mardi, 24. juillet 2007 10:30 10 14 de l’homme, et en ce sens l’homme ne gagnerait pas seulement des conditions de vie possibles, un objet à posséder et donc du plaisir, mais accéderait à sa propre humanité, à sa dignité, à sa réalisation, ou encore au bonheur. Mais comment expliquer alors que le travail puisse être aliénant ? Le sujet LE TRAVAIL ET LA TECHNIQUE • SUJET ■ Éviter les erreurs C O R R I G É Les titres en couleurs servent à guider la lecture et ne doivent en aucun cas figurer sur la copie. La morale La politique L’erreur serait de s’en tenir aux lieux communs : le travail permet de gagner de l’argent, mais en contrepartie il produit de la fatigue. C’est peut-être réaliste, mais ce n’est qu’une réduction du travail à l’emploi. Une autre erreur serait de lister simplement sans problématiser les avantages et les inconvénients du travail, ou encore de lister les différents métiers « rentables ». Enfin, il ne faudrait pas dévier le devoir vers une analyse sociologique, économique ou faire un commentaire de l’actualité. La raison et le réel Dans un premier temps nous montrerons en quoi l’effort de travailler nous permet d’assurer notre survie. Cependant, et cela fera l’objet d’une seconde partie, l’homme peut aussi « perdre son âme » au travail. Nous nous demanderons alors à quelles conditions nous pouvons accéder à notre humanité dans le travail sans nous dénaturer. La culture Le plan La réalité du travail semble paradoxale : à la fois recherchée et à la fois évitée. En effet, le droit au travail est partout revendiqué, comme s’il était une fin en soi. Le travail se présente comme la condition nécessaire à la réalisation sociale et personnelle de l’homme. Pourtant le travail apparaît comme le © Hatier 2007 109 C O R R I G É Sujets d’oral Introduction 14_PHI070627_05C.fm Page 110 Mardi, 24. juillet 2007 10:30 10 LE TRAVAIL ET LA TECHNIQUE • SUJET 14 moyen de profiter des loisirs, (vacances, congés payés…). Si le travail en tant qu’emploi peut donner à l’homme les conditions de sa survie, on s’aperçoit aussi qu’il peut engendrer diverses formes d’aliénation. Au-delà d’une activité socialement rentable, le travail désigne toute forme de transformation de la nature par l’homme, mais aussi toute production culturelle. Devant la variété d’activités appelée « travail », on peut se demander s’il existe une essence propre au travail. Au-delà d’une nécessité vitale, l’homme peut se livrer à une forme d’activisme dans lequel il peut aller jusqu’à perdre son âme. Alors pourquoi travailler ? Que gagnons-nous à travailler ? À cette question qui peut sembler provocatrice, on peut d’abord répondre que par la transformation directe de la nature, ou par le biais d’un salaire, le travail semble nous donner les conditions de notre survie. Au-delà de cette nécessité vitale, le travail peut même nous permettre « d’acquérir » des objets sources de plaisirs, des objets consommables, ou un statut social. Cependant, l’homme peut aussi « se perdre » dans le travail jusqu’à l’aliénation et l’épuisement. À quelles conditions l’homme peut-il alors gagner sa dignité, se réaliser dans le travail ? 1. En travaillant, l’homme gagne les conditions de sa survie A. En transformant la nature, l’homme répond à ses besoins vitaux L’homme travaille car la nature est insuffisante à répondre à tous ses besoins. Il gagne alors la possibilité de survivre grâce à l’effort qu’il produit. Le travail consiste en une transformation ou assimilation de la nature. Il se comprend au sein d’un « système de besoins ». Ainsi l’économie classe le travail en secteur primaire, secondaire et tertiaire selon son caractère graduellement indirect de lutte ou d’extraction de la nature. Par exemple, la cueillette peut être considérée comme un degré presque zéro, la raffinerie comme un degré très élevé de transformation de la nature. Au paragraphe 196 des Principes de la philosophie du droit, Hegel décrit le travail comme intermédiaire entre l’homme et la nature, une médiation qui obtient pour un besoin particularisé un moyen particularisé. Mais en transformant la nature, l’homme se transforme lui-même car grâce à la technique qu’il crée et qu’il emploie, il gagne son autonomie. Il n’est plus soumis à ses besoins vitaux. Ainsi, paradoxalement, en cherchant à répondre aux exigences de la nature, l’homme va s’arracher à elle et gagner sa liberté. B. Avec la division du travail, l’homme gagne sa survie sociale Mais l’homme ne vit ni ne travaille jamais seul, et c’est dans le cadre d’échanges avec autrui que son travail s’accomplit. © Hatier 2007 110 C O R R I G É 14_PHI070627_05C.fm Page 111 Mardi, 24. juillet 2007 10:30 10 A. Avec le machinisme, le travailleur s’aliène Affirmer que le travaille libère semble contradictoire avec toute réalité du travail avilissant et épuisant, dans la mesure où il peut menacer la vie de l’homme lui-même, comme dans le travail forcé. Pour Marx, l’homme se réalise dans le travail grâce à la technique. Mais lorsque la machine remplace le simple outil, le travail se déshumanise. L’apparition du machinisme crée des conditions de travail de plus en plus pénibles parce que répétitives, abrutissantes et parcellaires. Paradoxalement, elles augmentent la pression des besoins vitaux lorsque le salaire n’est plus que le minimum pour vivre. L’homme, en perdant la maîtrise de la technique, devient lui-même de plus en plus mécanisé et se transforme en « rouage » d’une machine qui le dépasse. Le travail devient l’ennemi de sa spontanéité, de sa personnalité. Il est aliéné, il ne se reconnaît plus dans ce qu’il fait. Il peut « perdre » le sens de sa vie. B. La société peut augmenter les besoins artificiels et pervertir l’homme Marx explique que dans le cadre d’une division du travail capitaliste, l’activité du travailleur devient de plus en plus abstraite et aliénante. Il n’est plus qu’un salarié, qu’une marchandise que l’on achète. Il produit une valeur ajoutée que le capitaliste divise entre son profit et le salaire. Le travailleur est aliéné, exploité, lorsqu’il est obligé de se vendre pour survivre. © Hatier 2007 111 C O R R I G É La culture La raison et le réel La politique 2. Mais en travaillant, l’homme peut aussi « perdre son âme » La morale Par le travail, l’homme apprend à se maîtriser en exerçant sa volonté sur ses propres désirs, sur ses passions. Il canalise différentes énergies afin de mieux s’intégrer dans un système culturel et socio-économique. Par le travail l’homme participe à l’organisation d’une société, dans la mesure où il prend sa place au sein d’une division du travail qui se fait, selon Platon dans la République II, non seulement selon la pluralité des besoins mais aussi selon la diversité des aptitudes. [Transition] Le travail se présente comme un moyen pour s’émanciper des nécessités vitales. Mais en transformant la nature, l’homme transforme sa propre nature. Il apprend, crée, progresse et développe ce qui relève de ses compétences. Il gagne alors une place dans la société. Pourtant, l’idée de travail est souvent associée à l’idée de pénibilité, comme son étymologie tripalium qui signifie « souffrance », l’atteste. Si le travail donne à l’homme les conditions de son accomplissement en lui permettant de maîtriser la nature, il reste de fait l’objet de multiples souffrances dont l’esclavage (sous toutes ses formes) est paradigmatique. Le sujet 14 Sujets d’oral LE TRAVAIL ET LA TECHNIQUE • SUJET 14_PHI070627_05C.fm Page 112 Mardi, 24. juillet 2007 10:30 10 LE TRAVAIL ET LA TECHNIQUE • SUJET 14 Dépossédé des moyens de production, il vend sa force de travail (lui-même) et non son produit. Or personne ne doit être assez riche pour acheter quelqu’un, met en garde Rousseau dans le Contrat social, II, 11. Dans l’Essai sur l’origine des langues, il affirme qu’à l’état de nature il y a un équilibre entre les besoins strictement naturels et les moyens de les satisfaire. Si l’homme développe en société des passions qui le rendent plus compétitif, plus laborieux, c’est encore et toujours dans le dessein de trouver un meilleur repos. L’homme exalté par l’appât du « gain » peut y perdre son âme. À vouloir trop gagner, il risque de se perdre lui-même. [Transition] Si le travail prétend mettre l’homme dans les meilleures conditions pour se réaliser, de fait il s’y perd car il perd ce qu’il a de plus cher, sa liberté. Quelles sont alors les conditions pour que l’homme puisse s’accomplir dans le travail ? Ce que l’homme peut y gagner sera-t-il encore de l’ordre de l’objet à posséder ? 3. À quelles conditions l’homme peut-il alors gagner son humanité sans se perdre ? A. Par le travail, l’homme accède à la conscience de lui-même Pour Hegel, le travail est libérateur dans la mesure où il s’accompagne d’une prise de conscience de soi à travers le monde qu’il transforme. La marque que l’homme met sur le monde lui renvoie concrètement une image de lui-même et de ses compétences. Le travail, comme médiation qui libère, devient ce par quoi l’homme devient lui-même. Marx, dans Les Manuscrits de 1844, reconnaît à Hegel le mérite d’avoir saisi l’essence du travail et « l’homme objectif véritable parce que réel, comme le résultat de son propre travail ». Le travail devient production de l’homme par lui-même. Pour Marx, ce qui distingue « le plus mauvais architecte » de « la meilleure abeille » c’est la représentation des fins qui permet à l’homme de s’extérioriser dans son travail et d’acquérir ainsi son autonomie. L’homme gagne donc son humanité, mais en produisant un travail qui s’élabore différemment de celui des animaux, et ce n’est qu’à ce titre qu’il gagne sa dignité. B. Le travail est libérateur s’il ne répond pas seulement à des besoins vitaux, mais à une nécessité culturelle Soit le travailleur mène une activité animale servile à la nature dans la mesure où elle n’obéit qu’à des nécessités vitales, en ne travaillant par exemple que pour un salaire assurant sa survie. Il est alors animal laborans. Soit le travailleur a conscience de ce qu’il fait et obéit aux fins qu’il s’est luimême fixées : il est alors homo faber. Seul ce dernier réalise une activité © Hatier 2007 112 C O R R I G É 14_PHI070627_05C.fm Page 113 Mardi, 24. juillet 2007 10:30 10 Conclusion © Hatier 2007 113 C O R R I G É La culture Sujets d’oral La morale Le travail comme médiation avec la nature n’est qu’un moyen pour donner à l’homme les conditions de son accomplissement. Très vite ces conditions peuvent se retourner contre lui et le ramener à ses besoins primitifs. Un travail qui serait exclusivement productif, qui ne ferait que répondre à une nécessité vitale, ramènerait l’homme à sa condition d’animal. Seul un travail créatif, c’est-à-dire un travail marqué par l’originalité culturelle de l’homme, peut lui permettre de s’accomplir. Le travail ne serait plus seulement un moyen pour gagner, posséder un objet, au risque de se perdre soi-même, mais une fin en soi dans la mesure où il désigne l’expression, l’extériorisation de l’homme lui-même qui se réalise en tant qu’être de culture. En ce sens l’homme gagne son humanité. Si l’homme est capable de « se perdre », il semblerait aussi qu’il soit capable de « se gagner ». La raison et le réel dans laquelle il peut s’épanouir car il agit de manière indépendante en répondant à une nécessité culturelle, c’est-à-dire une activité produite par ses propres fins selon ses désirs. En ce sens, le travail qui permet à l’homme de se réaliser est plus une œuvre, car il ne porte plus seulement sur des biens de consommation périssables mais sur des produits durables. Ce n’est alors plus seulement le plaisir (dans la possession d’un objet) qui semble visé, mais le bonheur (état général de satisfaction). Ainsi le travail peut être épanouissant pour l’homme lorsque celui-ci répond à un besoin culturel, et non pas seulement une nécessité vitale. L’homme peut se réaliser dans le travail quand celui-ci lui renvoie sa propre image. Si le travail devient aliénant, c’est qu’il a été perverti au point de redevenir une activité quasi animale et non plus digne d’humanité. L’homme ne peut plus alors s’y retrouver puisque l’essence même du travail, qui porte en elle l’essence de l’homme, est perdue. Le sujet 14 La politique LE TRAVAIL ET LA TECHNIQUE • SUJET