Des gorilles par milliers - Michel
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Des gorilles par milliers - Michel
Des gorilles par milliers L'Australie, vous connaissez, bien sûr. C'est le paradis des autruches et des kangourous. C'est aussi la terre natale d'un gorille-éprouvette dont la ré cente venue au monde réjouit la communauté scientifique in ternationale. Le faire-part de naissance précisait même que l'insémination artificielle, à la -Mention doit êtrefai- *te aussi des techniques de contrôle prénatal. L'élimi nation d'embryons ou de fœtus, que certains tests dénoncent comme por teurs plus ou moins proba bles de défauts congéni taux, est déplus en plus re commandée et pratiquée. Bref, l'ingénierie biomédica quelle on avait recouru, pour rait «contribuer à la préserva le a le vent en poupe : rien ne tion d'espèces animales en cap doit entraver la liberté du cher cheur; d'ailleurs des bioéthi- tivité». ritafres ou lesgroupe puissants dre là main pour s'en saisir; venues beaucoup plus fines et pour s'approprier et contrôler les techniques plus performan la production d'êtres sans père tes, les «normes» peuvent être ni mère, de pupilles à leur tota définies avec plus deprédsion le dévotion, de «gorilles» par et appliquées avec la rigueur milliers. Plus fort encore. Ces nou veaux esclaves, il faudra bien impitoyable qu'impose l'impé ratif d'efficacité. De tout quoi il résulte que, qu'ils soient conformes autant même hors d'Australie, il n'est que possible à un modèle déter recommandable ni pour un bio miné. On ne pourra donc plus logiste, ni pour un médecin, ni se contenter de laisser s'opérer pour un moraliste de pratiquer la sélection naturelle que prô la politique de l'autruche, sauf ciens le proclament. Car la bioéthique fait florès, et, selon naient Malthus et Darwin. 11 mes totalitaires de l'an 2000. l'usage, beaucoup de moralistes faudra, dans l'esprit de Galion, Car le vent de folie qui souffle de la biologie multiplient les instaurer un eugénisme quisoit sur certains milieux biologis points d'interrogation dans à la mesure des techniques dis tes, et parmi certains moralis l'espoir que la cantonnade una ponibles. Il faudra que l'Etat, ou telle institution, ou tel grou tes, incite à nous demander si nime louera leur largeur d'es Voilà qui ouvre les perspecti ves éblouissantes pour les régi Désormais cependant, puis n'auront bientôt plus qu'à ten que les manipulations sont de si tout ce beau monde tient ab solument à entrer dans l'histoi re comme responsable de la go rillisation de l'espèce humai ne... la gorillisation de l'espèce hu prit et leur sens inné du temps, pe particulier, définisse les maine n'est pas à l'horizon du de ses signes et du vent Ils ont standards, les «normes» aux XXIe siècle. Les Khomeyni de raison de se préoccuper, du res demain disposent de ressources te, car en morale, comme ail quelles devra obéir la produc tion du cheptel humain, comp biomédicales inouïes, qui leur leurs, Hne faut pas pratiquer la te tenu des exigences qualitati permettront de mettre efficace politique de l'autruche. ves et quantitatives impérieu Ajoutons donc une question sement inscrites dans leprojet ment en œuvre des program mes biopolitiques dont.Hitler aux leurs, à propos justement de société que l'on veut instaude la conquête technique qui rer. pouvait à peine rêver. La performance du génie vé faitle plus de bruit pourle mo- Bien entendu, il ne serapas térinaire australien ne serait, ment*: la fécondation in vitro, question de s'arrêter en si bonen effet, que dérisoire si elle Quese passerait-il si unrégime nie route. Il faudra que les dé n'était a'-mettre en parallèle çu un parti totalitaire mettait •lenteursdupouvoir pourvoient avec les prouesses du génie bio la main sur cette mirobolante à l'éducation des individus médical, dont oh nous rabat les découverte? qu'ils auront admis à l'existen oreilles depuis quelque temps ; Il est, en effet, possible dès à ce. Un grand système éducadans les médias. Car les scien présent d'appeler à l'existence tionnél unique jet très évidemces.et techniques biomédicales un être humain qui ne saurait mentlaïque'(dans le style Sava ont déjà dépassé les frontières ni quiest sonpère, ni quiestsa ry) fera l'affaire. l'Etat - et étriquées du monde animal mère.Unovuleaspiréchezune 'plus précisément legroupe parpour s'avancer triomphale donneuse Opeut être fécondé xicuÉer qui l'«occupera» - sera ment dans celui de l'espèce hu in vitro par les spermatozoïdes ainsi la nouvelle Providence. maine. Parmi les pratiques nouvel les, bornons-nous à signaler : • - Les interventions sur les spermatozoïdes. Ceux-ci peuvent être conservés Michel SCHOOYANS. Professeur à l'Université de Louvain (Louvaln-la-Neuvel •d'un donneur ,S, et ensuite Celle-ci aprèsavoirdécidé, par réimplanté dans l'utérus d'une la médiation des médecins et '. couveuse C. L'enfant nédans de.des biologistes, qui peut vivre, telles conditions pourrait tout quidoitmourir, quipeut ouqui ignorer del'identité deO, de S doit donner ses cellules germi- et mêmede C. Userait dèsl'ori- nales, mettra}a gestion de ce pendant un temps indéter |gine un être humain privé de «matériau»qu'estla vieaupre- miné, ce qui permet leur . Jitilisation au-delà de la mort du donneur. Ces mê mes spermatozoïdes peu- ]toute relation. Or, lamanière la mierrang desesobjectifs plus spontanée de définir Les heureux sélectionnés et l'identité de quelqu'un, consis- leur progéniture seront alors te à indiquersa filiation. Telle tout a sadévotion :tous«Pupil- . vent également être fil-' est du reste l'origine de beau- les de la République». C'est ce très; ceux qui spnt^por- coup de patronymes:Janssens, qu'avait parfaitement prévu le teurs.de <chromosoines y Johnson, etc. marquis de Sade: «En France, seront séparés de ceux qui Mais dans le casquenous en- où la population est beaucoup portent des chromosomes visageons, l'être humain serait trop nombreuse..., U faudrait X. Les premiers donne ;un simple individu, non référé fixer le nombre des enfants, ront des garçons, les au: 'à qui que ce soit Lancé dans faire noyer impitoyablement très des filles. Enfin, le re l'existence absolument seul toutiè reste... Le gouvernecours à l'hétêrodonneur, en cas de défaillance du mari, est • de moins :en sansprotection, il serait exposé rnent, maître alors de ces en- à tous les dénis de reconnais- fants et deleur nombre, comp- sance et ne se sentirait respon- feraitnécessairement autantde sable de personne. Userait à la défenseurs qu'il en aurait éle- Les ovules ne peuvent merci du technicien qui l'eu- vés». moins rare.. être conservés. Parjj&ntre \rait mené à la vie, et, le cas y Un projet d'eugénisme presles manipulations" ^'em •échéant, du commanditairede$que aussi ambitieux apparaît, bryons - implantation de celui-ci. l'œuf fécondé dans l'uté rus de la mère ou d'une on s'en souvient, dans «Mein Pour la première fois dans Kampf». Là surgit l'idéeduper- l'hlstoire, les ressources biolo- roiset même du devoirpairioti- «couveuse», stockage, dans giques offrent ainsi aux utopies Que deprocréation pour lesin- nent pratiqué fréquente. ques de réaliser leur rêve. Platon pouvait rêver d'une cité qui contrôlerait la quantité et la qualité des enfanté. Au- •des «banques».'.. - devien •totalitaires les moyens techni- dividus répondant aux «nor-Les fœtus sont volon tiers utilisés comme maté riaux de laboratoire avant d'être récupérés par l'in dustrie cosmétique. mes» de l'idéologie raciste; là se faitjour aussi, comme corolîai-. re négatif, l'idée de l'interdicr tion et même de l'impossibilité. fourd'hui, la «maîtrise totale de de se reproduire imposée à des la fécondité» est offerte comme individus déclarés trop diverune Dossibilité. Les Etats auto- gents par rapport aux «normes» en question. Vendredi 5 octobre 1994