L`intégration du pilotage des performances en finances publiques

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L`intégration du pilotage des performances en finances publiques
PREMIER MINISTRE
MEMOIRE PRESENTE EN VUE DE L’OBTENTION DU MASTER
EN ADMINISTRATION PUBLIQUE
THEME : L’INTEGRATION DU PILOTAGE DES PERFORMANCES
EN FINANCES PUBLIQUES CAMEROUNAISES
Par Richard EVINA OBAM
Cadre de nationalité camerounaise
Ancien élève CIC ENA 2003/2004
Sous la Direction du Professeur Robert HERTZOG
Centre de recherches constitutionnelles, administratives et financières
Université de Strasbourg III
Octobre 2005
THEME :
L’INTEGRATION DU PILOTAGE DES PERFORMANCES EN
FINANCES PUBLIQUES CAMEROUNAISES
RESUME
La philosophie d’une gestion orientée vers la performance n’est plus l’apanage du seul secteur
marchand. De plus en plus la tendance libérale amorcée par l’ensemble des nations du fait de
la mondialisation amène les décideurs publics à repenser leur approche managériale et à se
désengager des secteurs productifs pour se consacrer à des missions de souveraineté et de
régulation. Mais le succès relatifs des recettes issues du management privé trouve de plus en
plus un terrain d’expression dans la conduite de l’action publique au point où la démarche de
la performance se diffuse progressivement dans les administrations. Après l’adoption de la
gestion par la performance en sphères anglo-saxonnes, la France est entrain d’amorcer un
nouveau cap dans le processus de modernisation de sa gestion publique à travers la loi
organique relative aux lois de finances (LOLF). Dans cette perspective, les pays africains
soumis aux rigueurs des programme économiques et financiers négociés avec les partenaires
au développement essayent d’améliorer leur mode de fonctionnement en s’orientant de plus
en plus vers une gestion par la performance. Cette option apparaît plus pressante dans le
domaine du pilotage des finances publiques dont les dysfonctionnements appellent une
besoin réel assainissement pour le redressement économique. La question se pose donc de
savoir si la culture du résultats qui est induite par la démarche de performance peut s’intégrer
avec succès dans le contexte de gestion des finances publiques camerounaises miné par des
pesanteurs sociologiques et un environnement mal préparé à une mutation de cette ampleur.
En d’autres termes l’environnement des finances publiques dominé par les procédures peut-il
être réceptif aux exigences de résultats ayant cours dans le secteur économiques au sein
duquel le management trouve un terrain fertile ? En tout état de cause, comment la longue
marche pour une gestion des finances publiques orientée vers les résultats s’effectue-t-elle
dans un pays en voie de développement en proie à des difficultés économiques et à des
incertitudes sur le plan de la stabilité sociopolitique. Les développements qui suivent portent
sur l’introduction timide mais progressive du de la gestion par la performance en finances
publiques camerounaises (Partie I) même si cette mutation demeure un véritable pari dont le
succès dépend de la volonté des acteurs à s’approprier les contraintes des réformes envisagées
(Partie II).
Le besoin réel de pilotage des performances en finances publiques camerounaises se heurte à
la présence d’un cadre normatif déficient doublé d’un dispositif institutionnel inadapté.
L’ordonnance de 1962, les lois de finances annuelles et les autres textes normatifs n’intègrent
pas encore les exigences de performance. Sur le plan institutionnel, les administrations et les
juridictions restent mal préparés alors que le parlement est encore en panne d’initiative en
matière budgétaire. Au surplus, la culture des résultats éprouve des difficultés à s’implanter en
raison des avatars d’une administration déployée dans un environnement qui ne l’a pas
enfanté et qui reste sujette à des pesanteurs sociologiques difficiles à surmonter (Chapitre I).
1
Malgré de nombreux écueils constituant des entraves à l’éclosion d’une gestion des fiances
publiques orientée vers les résultats, une dynamique est impulsée au Cameroun par les
Administrations fiscales astreintes à une obligation de résultats en matière de mobilisation des
ressources budgétaires non pétrolières et dans le cadre des critères de réalisations admis par la
communauté financière internationale. La pratique de la Direction par Objectifs (DPO) a
connu un succès au point de s’exporter vers les Administrations gestionnaires qui connaissent
à leur tour des transformations en profondeur de leur mode de fonctionnement. Les réformes
visent la révision de la nomenclature budgétaire, l’adaptation de la fonction de contrôle ainsi
que des mutations concernant la fonction comptable à travers la création de nouveaux outils
destinés à la production et à la conservation de l’information budgétaire (Chapitre II).
Mais l’urgence de la transformation de la gestion publique camerounaise par ses finances
connaît des avancées à travers les renforcements des capacités des administrations,
l’affinement des indicateurs de performances, l’évaluation périodique des activités entraînant
des résultats satisfaisants sur le plan des recettes fiscales et la diffusion d’une nouvelle culture
managériale. Dans le volet dépense, l’introduction de la démarche de performance a appelé la
mise en place d’un système d’information plus intégré et l’usage de documents de synthèse
propice à l’avènement de finances publiques plus transparentes. Les résultats escomptés
portent sur l’espoir d’une maîtrise de la dépense publique aussi bien en volume qu’en ce qui
concerne la qualité afin d’aboutir à des administrations centrées sur les services (Chapitre III).
La mise en place d’un dispositif de pilotage des performances reste tout de même un chantier
de longue haleine qui verra des aménagements institutionnels et des novations normatives au
service des finances publiques. Le Ministère des finances devra actualiser son organisation
afin de mettre en cohérence ses effectifs, des missions et les exigences plus pressantes de
résultats auxquelles il est de plus en plus confronté. Les fonctions juridictionnelles et
parlementaires seront revalorisées dans le sens d’un approfondissement des contrôles de
régularité et de qualité. Les textes relatifs au régime financier de l’Etat devront intégrer des
dispositions relatives à la performance en même temps que la généralisation des savoirs
managériaux apportera une meilleure approche dans la gestion des ressources humaines et une
conduite méthodiques des changements projetés (Chapitre IV).
2
THEME:
THE INTEGRATION OF THE PILOTING OF PERFOMANCES IN THE
CAMERONIAN PUBLIC FINANCE.
SUMMARY
The philosophy of a management directed towards performance no more the prerogative of
the commercial sector only. More and more the liberal tendency started by all nations because
of globalisation leads the public decision makers to reconsider their managerial approach and
to disengage themselves from the productive sectors and concentrate on missions of
sovereignty and regulation. But the relative success of the receipts resulting from private
management finds a ground of expression more and more in the conduct of the public action
so much so that the concept performance is gradually integrated in the administrations. After
the adoption of management by the performance in Anglo-Saxon spheres, France is in the
process of modernization of its public management through the organic law relating to the
finance laws (LOLF). From this point of view, African countries subjected to the rigours of
the economic and financial programmes negotiated with development partners are trying to
improve their operating mode by turning more and more towards management by
performance. This option appears more pressing in the field of the piloting of public finance
for which the dysfunctions show a real need for cleansing in order to achieve economic
recovery. The question that thus arises is that of knowing if the culture of the results which is
induced by the performance approach can be integrated successfully in the context of
management of the Cameroonian public finance mined by sociological gravities and an
environment badly prepared for a change of this dimension. In other words can the
environment of public finance dominated by procedures be receptive to the requirements of
results having course in the economic sector in which management finds a fertile ground? In
any event, how can the long walk towards the management of the public finance directed
towards results be carried out it in a country in the process of development facing economic
difficulties and uncertainties in the field of socio-political stability. The developments which
follow relate to the timid but progressive introduction of management by performance in the
Cameroonian public finance (Part I) even if this change remains a true bet whose success
depends on the will of the actors to adapt to the constraints of the considered reforms (Part II).
The real need for piloting of the Cameroonian public finance performances runs up against
the presence of a defective normative framework and an unsuitable institutional system. The
ordinance of 1962, the annual finance laws and the other normative texts do not yet integrate
the requirements of performance. On the institutional level, the administrations and the
jurisdictions remain badly prepared whereas Parliament is still lacking initiative in budgetary
matters. Furthermore, the culture of the results is facing difficulties in being established
because of the misadventures of administrations deployed in an environment which did not
give birth to it and which remains prone to sociological gravities difficult to surmount
(Chapter I).
In spite of many obstacles to the blossoming of a management of public finances directed
towards results, a dynamics is impelled in Cameroon by the Tax administration with an
obligation of results in the mobilization of the no oil budgetary resources and within the
framework of the criteria of achievements admitted by the international financial community.
The practice of Management by objectives was a success at a point where it was exported
towards other Administrations which have in turn witnessed a transformation of their
operating mode. The reforms aim at the revision of the budgetary nomenclature, the
adaptation of the function of control as well as changes concerning the accounting function
3
through the creation of new tools intended for the production and the conservation of
budgetary information (Chapter II).
But the urgency of the transformation of Cameroonian public management by its finances has
progressed through the reinforcement of the capacities of the administrations, refinement of
the indicators of performances, the periodic evaluation of the activities involving satisfactory
results in the field of the revenues from taxes and the diffusion of a new managerial culture.
As concerns expenditure the introduction of a performance based evaluation has called for the
installation of a more integrated information system and the use of summaries favourable to
the advent of a more transparent public finance. The anticipated results relate to the hope of a
mastery of the public expenditure in volume as well as with regard to quality in order to lead
to administrations centred on services (Chapter III).
The installation of a device of piloting of the performances remains all the same a long-term
construction which will see institutional installations and normative innovations at the service
of the public finance. The Ministry of finances will have to bring up to date its organization in
order to put in order its manpower, missions and more pressing requirements of results with
which it is confronted more and more. The judicial and parliamentary functions will be
revalorized in the direction of a deepening of the regularity and quality of controls. The texts
relating to the financial system of the State will have to integrate provisions relating to
performance at the same time as the generalization of the managerial knowledge will bring a
better approach in human resource management and a methodical conduct of the projected
changes (Chapter IV).
4
INTRODUCTION GENERALE
INTERET DU SUJET
La prise en compte de la performance en droit budgétaire constitue un axe majeur des
politiques menées par beaucoup de nations développées en vue de mettre en œuvre une
allocation plus rationnelle des ressources publiques. Elle s’insère dans un mouvement général
de réforme de l’Etat inscrit sur les agendas gouvernementaux avec en toile de fond le passage
d’une approche juridique et technique sur le fonctionnement des Administrations vers un
regard sur la pérennité des institutions publiques s’appropriant avec plus ou moins de succès
les recettes du management privé dans un contexte de mondialisation, de décentralisation,
d’intégration et de libéralisation1.
L’essor vertigineux des interventions publiques nonobstant la tendance générale à la
libéralisation a entraîné un amoncellement de déficits qui dans le cadre de la construction
européenne constitue un risque de gestion soumis au contrôle et à la sanction des instances
communautaires. Dans le même ordre d’idées et suivant des modalités différentes, les pays
africains à l’instar du Cameroun sont soumis au contrôle strict des institutions de Brettons
Wood pour ce qui est de l’assainissement de leurs finances publiques au travers d’une
meilleure mobilisation des recettes et une maîtrise adéquate de la dépense2.
L’étude envisagée présente dès lors un intérêt politique parce qu’elle prétend passer en revue
les conditions de faisabilité d’une mutation qui verrait les finances publiques camerounaises
se tourner vers le pilotage par la performance au moment où les exigences de rigueur et de
discipline budgétaires se font de plus en plus ressentir dans le cadre des programmes
économiques et financiers élaborés et exécutés en relation avec les bailleurs de fonds
internationaux. Cette réflexion pourrait ainsi constituer un apport scientifique dans la
construction d’un nouveau système de gestion orienté vers les résultats ainsi qu’une
contribution conceptuelle au débat sur la nouvelle gestion publique appliquée cette fois, à un
pays africain aux héritages politique, culturel et historique divers et contrastés. En effet,
l’exception camerounaise vient de sa diversité sociologique qu’influence la triple présence
allemande, française et anglaise dans la formation de son histoire politique et administrative3.
Par ailleurs, l’enjeu sous l’angle professionnel se situe dans la volonté de confronter notre
activité quotidienne au ministère de l’Economie et des finances à la pratique budgétaire issue
du droit public classique au moment où de sérieuses mutations ont cours en France dans le but
d’introduire la gestion par la performance dans le travail administratif. Il s’agira d’intégrer
l’idée de la performance tant au stade de la mobilisation des ressources qu’au niveau de la
1
CHEVALIER Jacques et ROUBAN Luc, Introduction, La réforme de l’Etat et la nouvelle gestion publique,
Revue française d’Administration publique, N°105/106, 2003.
2
Dans le cadre des programmes économiques et financiers mis en œuvre en relation avec la communauté
financière internationale, la mobilisation des recettes fiscales non pétrolières est un critère de réalisation soumis
à évaluation.
3
Cette triple influence coloniale n’est pas sans effet sur la formation de la personnalité administrative du
Cameroun qui fait côtoyer un système juridique d’inspiration française et l’application du common law dans la
partie anglophone du pays.
5
maîtrise de la dépense. Cette étude pourrait à terme constituer un outil didactique dans le
cadre des réformes engagées pour l’assainissement des finances publiques camerounaises et
leur rationalisation. Les finances publiques demeurant au cœur de la mise en œuvre des
politiques publiques inscrites sur l’agenda gouvernemental, leur étude sur le plan managérial
pourrait être porteuse d’espoir pour une meilleure conduite des affaires publiques.
LE CONTEXTE DE L’ETUDE
La présente étude s’inscrit dans le cadre de notre formation au cycle international court de
l’ENA au titre de l’année académique 2003-2004. Dans ce contexte, l’une des réflexions qui
aura marqué de manière considérable les esprits est celle concernant le renouvellement en
profondeur de la perception que les analystes ont de la gestion publique contemporaine4. En
effet, l’efficacité et l’efficience, jadis considérées comme l’apanage de la gestion privée, ont
fait leur entrée dans le débat sur un meilleur pilotage de l’action publique au point où la quête
de la performance semble être aujourd’hui une ambition légitime des Administrations. La
culture des résultats qui en découle a amené la France à briser les tabous habituels du
management classique pour s’arrimer aux pratiques de la gestion par la performance à travers
la loi organique relative aux lois des finances (LOLF) adoptée par sa représentation nationale
le 1ER août 2001.
Le Cameroun, qui à l’instar des autres pays francophones, a hérité de l’architecture
institutionnelle et normative éprouvée en hexagone en matière administrative, sera
certainement séduit par les recettes actuelles que suggèrent les réformes, ce d’autant plus que
les pays africains restent fortement soumis aux rigueurs des programmes économique et
financier impulsés par les bailleurs de fonds internationaux (FMI, Banque Mondiale).
Le cadre de l’étude projetée, dynamique en raison de la nécessaire remise en cause des
mécanismes actuels de présentation et de gestion budgétaire, présente la particularité d’être un
contexte de crise qui appelle une réflexion d’ensemble sur l’introduction d’une culture des
résultats en finances publiques. L’adoption de la loi suscitée s’est faite en France dans une
conjoncture politique favorable mais les conditions de sa mise en œuvre bien définies, se
heurtent à des difficultés pratiques dont pourraient bien s’inspirer les Etats qui souhaiteraient
engager ce type de réforme.
Au Cameroun, l’ordonnancement juridique en vigueur ignore pour le moment les
préoccupations de performance même si certaines administrations à l’instar des impôts et de
la douane ont en interne des systèmes embryonnaire d’indicateurs de gestion. Ces expériences
concernent, davantage des administrations de « production » au sein desquelles les résultats
quantitatifs occupent une place de choix alors que les structures dépensières demeurent pour
l’instant coupées des exigences minimales de gestion par la performance. L’étude s’effectuera
dans un environnement où le dispositif juridique est à inventer et à adapter tandis que la
culture d’une gestion publique orientée vers les résultats reste à mettre en place et à
développer dans un contexte où des habitudes bureaucratiques se sont fortement enracinées.
4
Au cours de cette formation, l’ensemble des enseignements semblait converger vers les outils de gestion
orientés vers la performance : management, contrôle de gestion, évaluation des politiques publiques, séminaire
sur la LOLF, gestion publique décentralisée….
6
L’analyse portera aussi sur les difficultés liées à l’introduction de recettes importées ayant du
mal à faire face à des résistances d’ordre politique, bureaucratique, culturel et sociologique.
PROBLEMATIQUE
Au travers d’une étude de finances publiques au Cameroun, la question se poserait de savoir
si l’ambition de la performance affichée dans les structures privées peut être compatible avec
la gestion des affaires publiques fondée sur l’application littérale des règles, parfois rigides, de
droit. Le dispositif juridique régissant les finances est-il suffisamment étoffé pour accueillir la
mesure des résultats spécifiques recherchés dans la mise en œuvre de l’action publique ? Le
droit et l’économie peuvent-ils se réconcilier sous l’égide de la performance publique dans un
espace à forte teneur en pesanteur politique et sociologique? Le Cameroun qui est un produit
du bi juridisme et du biculturalisme franco-anglais, serait-il à même d’intégrer aussi
harmonieusement les exigences d’efficacité et d’efficience dans son modèle de gestion de
finances publiques en s’inspirant des modèles expérimentés dans l’Hexagone et OutreManche. La grande interrogation porte donc sur les conditions de réception, d’adaptation ou
de transposition du modèle de gestion par la performance dans un cadre national qui ne l’a ni
enfanté, ni expérimenté mais qui dans une période de crise, devrait l’envisager comme porte
de sortie pour une réforme de ses finances publiques.
OBJECTIFS DU SUJET
Les objectifs visés lors du choix du sujet sont d’abord intellectuels : combler un vide constaté
dans la littérature managériale camerounaise et apporter une contribution sur la problématique
de la transition partant des budgets de moyens vers des budgets de résultats. Il s’agit aussi
d’élaborer un outil d’incitation à la culture de la performance dans les pays en voie de
développement à l’instar du Cameroun. En effet, la quête de la performance est porteuse
d’émulation, de qualité et davantage de professionnalisme dans le pilotage des politiques
publiques. L’étude projetée pourrait donc constituer un appel à l’amélioration de la qualité de
gestion au moment où l’ensemble des pays du monde connaît des chocs internes dus parfois
au phénomène de la globalisation. Sur le plan académique enfin, ce sujet permettra de passer
en revue plusieurs disciplines utiles à la compréhension de la gestion des affaires
publiques notamment le droit des finances publiques, l’économie publique, le management, la
gestion publique, le contrôle de gestion, les politiques publiques ...
METHODOLOGIE
La recherche envisagée va s’appuyer sur une analyse juridique que complétera
nécessairement une approche économico managériale des questions budgétaires. En effet, les
mécanismes budgétaires de l’Etat camerounais sont définis par un corpus de règles contenues
dans les textes constitutionnels, législatifs et réglementaires qu’accompagne une
jurisprudence résiduelle. Une meilleure compréhension de la question viendrait d’une mise en
situation qui emprunterait les recettes qu’offre la théorie économique et le nouveau
management public. Afin de prétendre à une étude approfondie du thème, il conviendra de
recourir à une démarche comparative axée sur les expériences avérées en matière de prise en
compte de la performance dans le droit budgétaire. A cet effet, les réformes en cours en
France constitueront un appoint en plus des expériences étudiées en milieu anglo-saxon. La
conduite de la recherche devra tenir compte de l’environnement en réservant une place de
7
choix aux outils souvent mis à contribution en sciences sociales à l’instar des enquêtes
sociologiques.
ETENDUE DE L’ETUDE
Le débat sur la performance budgétaire est fortement axé sur la maîtrise et la rationalisation
de la dépense publique en ne réservant qu’une place secondaire aux questions relatives à la
mobilisation des ressources. Est-ce à dire que la culture des résultats n’est opérante qu’en
matière de gestion de la dépense et demeure inefficace en ce qui concerne la mobilisation des
recettes? La présente réflexion entend ouvrir une brèche sur l’introduction de la performance
à la fois pour les volets recettes et dépenses qui constituent l’essentiel du droit budgétaire.
Elle ambitionne aussi d’ouvrir dans un contexte africain le débat sur la compatibilité entre la
rationalité juridique et les exigences de performances qui caractérisent la gestion publique
moderne. Sans prétendre épuiser tous les enjeux, cette réflexion ne fait pas l’économie d’une
extension de l’élargissement de la démarche de performance aux démembrements de l’Etat
que sont les établissement publics, les entreprises publiques ainsi que les collectivités
territoriales, composantes essentielles d’un système financier public fortement imbriqué.
Toutefois, cette réflexion ne saurait être exhaustive dans la mesure où le champ des finances
publiques ne cesse de s’élargir avec les mutations que connaissent les sociétés modernes
(intégration, décentralisation, sécurité sociale) et cette discipline est prise d’assaut par des
influences diverses (économie, droit, sociologie, management)5.
5
Les réflexions consacrées aux finances publiques sont orientées vers l’international, le communautaire, le
social, et le local et subissent l’influence des autres champs des connaissances académiques. Une étude riche
ressort des actes de la 1ere université de printemps de finances publiques du groupement européen de recherches
en Finances publiques(GERFIP) sur le thème Réforme des finances publiques, démocratie et bonne gouvernance
sous la Direction de Michel Bouvier.
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PARTIE I
UNE INTRODUCTION TIMIDE MAIS PROGRESSIVE
DU PILOTAGE DES PERFORMANCES EN FINANCES
PUBLIQUES CAMEROUNAISES.
9
L’intégration du pilotage des performances n’est pas un mouvement général conçu dans le
cadre d’une politique inscrite sur l’agenda du gouvernement camerounais. Cette dynamique
est imposée dans quelques compartiments de l’Administration en raison des contraintes
budgétaires imposées par la crise économique ou du fait d’une impulsion souvent donnée par
quelques dirigeants ouverts à l’innovation. Malgré l’existence d’un environnement mal
préparé au système de gestion par la performance, ce dernier gagne progressivement et
irréversiblement du terrain dans le domaine du pilotage des finances publiques
camerounaises, le ton étant donné par les instances supérieures de l’Etat6.
CHAPITRE I: LE BESOIN D’UN PILOTAGE DES
PERFORMANCES EN FINANCES PUBLIQUES CAMEROUNAISES
Dans le cadre des mesures envisagées par les autorités camerounaises en vue de redresser
l’économie, la prise en compte de la performance est entrain de s’insérer irréversiblement
dans les pratiques. Face aux exigences de résultat imposées par les bailleurs de fonds
internationaux et à la forte demande de bien-être formulée par les populations, le besoin de
performance se heurte à l’absence d’un véritable cadre de référence (Section I) auquel se
greffe une adhésion difficile à cette nouvelle philosophie. (Section II). En désespoir de cause,
le décor de la nouvelle gestion publique reste à planter.
SECTION I : L’INEXISTENCE D’UN VERITABLE CADRE DE
REFERENCE REGISSANT LA BUDGETISATION PAR OBJECTIFS.
La pratique de la performance n’est pas un exercice ex-nihilo. Elle se fonde sur une base
conceptuelle et un cadre structurel propice à son éclosion. Le contexte camerounais en ce qui
concerne les finances publiques brille par la présence d’un cadre normatif déficient (A)
doublé d’un dispositif institutionnel inadapté (B).
A
Un Cadre normatif déficient
Au Cameroun, le droit des finances publiques est basé sur une ordonnance datant de 1962.
Les lois de finances annuelles par lesquelles le régime financier de l’Etat est régulièrement
mis à jour n’intègrent pas les exigences de performance. Enfin, on observe une absence de
cohésion de l’ordonnancement juridique régissant l’ensemble des finances publiques.
6
La circulaire présidentielle N°001/CAB/PR du 11 Septembre 2004 relative à la préparation du budget de l’Etat
pour l’exercice 2005 précise en son chapitre II (5) relatif aux orientations en matière de dépense : « la nécessité
de promouvoir le bien-être de la population et de garantir le fonctionnement optimal des services publics
commanderait que les choix budgétaires du gouvernement soient orientés vers des dépenses de qualité résultant :
-des stratégies sectorielles ;
-de la définition d’objectifs assortis d’indicateurs pertinents ;
-d’une programmation budgétaire rigoureuse ».
10
1- L’ordonnance de 1962 portant régime financier de l’Etat : Un instrument désuet
L’ordonnance de 02/OF/4 du 7 février 1962 réglant les modes de présentation, les conditions
d’exécution du budget de la République du Cameroun, de ses recettes, de ses dépenses et de
toutes les opérations s’y rapportant est le document cadre régissant les finances publiques
camerounaises.
Survivance de la pratique des ordonnances, consacrée par la constitution française de 1958, ce
texte a été élaboré dans un contexte historique particulier. Le Cameroun accède à
l’indépendance en 1960 au moment où ses finances ne sont pas encore confrontées aux
difficultés actuelles provenant en grande partie de sa dépendance vis-à-vis d’une conjoncture
internationale impitoyable. Les ressources publiques de cette époque ne sont pas confrontées
aux contraintes budgétaires actuelles et les dépenses publiques restent modestes. Les enjeux
de ce moment ne fournissent pas des conditions de la floraison d’une gestion publique
orientée vers la performance, l’action publique étant tournée vers l’amorce du développement
économique, la stabilité sociale, l’obsession sécuritaire et la construction nationale.
En effet, les années post-indépendance coïncident avec l’environnement global des trente
glorieuses où les jeunes économies de rentes africaines connaissent de phases extraordinaires
de croissance tirée par la tenue des économies occidentales destinataires des produits
d’exportation. La production pétrolière bien marginale commence à contribuer de manière
remarquable à l’augmentation de la richesse nationale.
Dans cet environnement, les finances publiques sont orientées vers des dépenses
d’investissement et de fonctionnement que pilote une élite de nationaux formés à l’école
occidentale. Le texte de 1962 revisité par les lois de finances annuelles s’inscrit en droite
ligne de la philosophie de moyens qui permet d’évaluer l’exécution des politiques publiques
non sur la base des résultats obtenus mais plutôt à partir des moyens mobilisés.
2- Les lois de Finances annuelles aussi n’intègrent pas les exigences de performance.
Aux côtés de l’ordonnance de 1962 qui constitue la charpente originelle du régime financier
de l’Etat camerounais, les lois de finances annuelles apparaissent comme des sources
permanentes d’encadrement de l’activité financière de la puissance publique.
Préparées dans leurs volets recettes et dépenses par les Administrations compétentes, la loi de
finances s’est toujours appuyée sur la philosophie d’un budget de moyens plutôt qu’un budget
de résultats.
Pour des raisons historiques, le régime financier de l’Etat camerounais a hérité de la pratique
budgétaire axée sur les services votés et les mesures nouvelles. Les conférences budgétaires
récemment instaurées ne sont pas des cadres de discussions véritables permettant une
allocation rationnelle des ressources mais des instances de reconduction des provisions
budgétaires avec pour référence la consommation des crédits de l’exercice écoulé.
Sur ces entrefaites, les ministères dépensiers n’ont pas d’objectifs prévus en terme de mise en
exécution de politiques publiques bien définies à l’échelle stratégique. En effet, ni la
Présidence de la République, ni les Services du Premier Ministre n’ont souvent fixé des
objectifs quantifiables aux différents ministères en terme de réalisation de politiques
11
publiques. Ainsi, de la préparation à l’exécution, les ministères ne se sentent soumis à aucune
obligation de résultats lorsqu’ils font valoir leur exigence de moyens. Bien au contraire, le
gestionnaire exemplaire est celui qui établit sa capacité de consommation des crédits et qui
excelle en pugnacité dans la propension à augmenter ses nouvelles dotations budgétaires.
Cette absence d’obligation de performance est aussi perceptible en ce qui concerne la
mobilisation des recettes autorisées par la loi de Finances. En effet, le législateur camerounais
ne fixe pas d’objectifs précis aux services d’assiette et de recouvrement. Le budget voté dans
le cadre de la loi des finances est chiffré mais les élus du peuple répugnent à prescrire des
obligations de résultats aux Administrations.
On en conclut que le travail administratif d’exécution de la loi de finances n’est pas soumis à
la pression de résultats précis à atteindre.
3- Un manque de cohésion de l’ordonnancement juridique
Comme partout ailleurs, le droit camerounais de finances publiques a plusieurs sources dont
la conséquence n’est pas toujours propice à l’émergence d’un management par objectifs. En
effet, des actes réglementaires et conventionnels s’enchevêtrent avec les sources législatives
évoquées plus haut. A titre d’exemple, la question des exonérations constitue un frein à la
performance en matière de mobilisation des recettes fiscales. Il peut ainsi arriver qu’une
activité rentre dans le champ d’application d’un impôt en vertu des dispositions législatives
mais qu’une mesure de faveur contraire ad hoc soit prise par voie réglementaire.
Sur le plan réglementaire, les mesures d’application des dispositions de la loi de finances
n’incitent pas toujours les administrateurs à la performance. Les instructions et circulaires
prises par le Ministre des Finances ou ses collaborateurs explicitant des dispositions,
apportent parfois des éléments nouveaux à l’état du droit mais sans faire allusion à des
objectifs à atteindre par les services7.
Sur le plan conventionnel, les instruments internationaux qui interfèrent dans la vie financière
de l’Etat ne sont pas toujours soucieux des exigences de performance. A titre d’exemple, les
conventions de financement relatives au projet d’investissement ne contiennent pas des
clauses relatives à la performance qui auraient pu inciter les Administrations à placer leur
action sous le signe d’une obligation de résultats dans le cadre de la bonne gouvernance.
B
Un dispositif institutionnel inadapté.
Les institutions de mise en œuvre et de contrôle des Finances publiques existent au Cameroun
mais leur mode de fonctionnement ne cadre pas avec les exigences de la nouvelle gestion
publique. Les Administrations à compétence financière connaissent une instabilité dans leur
organisation (1) tandis que la juridiction financière et fiscale reste inopérante (2) dans ce
contexte où la représentation nationale demeure en panne d’initiative (3).
7
A la Direction Générale des Impôts où est expérimenté un dispositif de management par objectif très connu
sous l’appellation DPO, il n’existe pas d’instrument règlementaire formellement édicté pour en expliciter le
contenu, encore moins un manuel interne à l’instar d’un guide permettant d’en faciliter la compréhension.
12
1- L’Organisation des administrations financières est instable.
Au Cameroun, la mise en œuvre des Finances Publiques appelle une intervention de plusieurs
acteurs politiques et administratifs: la Présidence de la République pour les grandes
orientations, l’Assemblée Nationale pour l’examen, l’adoption et le contrôle de la loi de
finances et le Gouvernement pour l’exécution quotidienne à travers l’appareil administratif.
En pratique, l’essentiel de l’activité de la préparation et de l’exécution de la loi de finances
repose sur le Ministère de l’Economie et des Finances au sein duquel le pilotage des
performances reste laborieux et incertain en raison de l’instabilité de son organisation ainsi
que les incertitudes liées au redéploiement permanent des ressources humaines.
En effet, ce ministère a connu en l’espace de six ans trois organigrammes porteurs de
multiples réformes qui ont anéanti les vertus de la continuité, créant des ruptures dans le suivi
de certains dossiers, hypothéquant par là, les performances du dispositif de pilotage des
missions de cet important département ministériel.
C’est ainsi que la partie camerounaise a souvent eu de la peine à trouver sa cohésion dans le
cadre de l’exécution du Programme Economique et Financier mis en œuvre en relation avec la
communauté financière internationale. La conséquence aura été l’échec retentissant qu’a
connu le Cameroun en 2004 dans la perspective de l’atteinte du point d’achèvement de
l’initiative des pays pauvres très endettés qui aurait permis un allègement substantiel de sa
dette extérieure et un redressement de ses finances publiques afin de créer les conditions de
réalisation d’une croissance durable.
Au sein même du Ministère de l’Economie et des Finances, l’organisation des
Administrations des Impôts, Douanes et Trésor a connu une instabilité qui n’avait pas
toujours favorisé le pilotage des performances. Les objectifs assignés à ces administrations
ont été atteints laborieusement parfois à cause des changements structurels y étant intervenus.
Viennent aussi aggraver ces entraves à la performance, certains changements intervenus soit à
la tête de ces structures, soit à des échelons inférieurs ou intermédiaires. Il convient de noter
que les changements en soi ne sont pas des sources de régression ou d’immobilisme mais les
changements inopportuns et sans pertinence entravent la réalisation des performances des
administrations.
Au moment où le Ministère de l’Economie et des Finances est restauré, l’espoir de sa
pérennité permet d’envisager une continuité dans le pilotage des performances quand bien
même les hommes se substituent à des fonctions de responsabilité8.
8
Trois organigrammes ont ponctué l’existence de ce ministère depuis 1998 :
-le décret du 8 Septembre 1998 portant organisation de Ministère de l’Economie et des Finances ;
-le décret du 30 Juin 2003 portant organisation du Ministère des Finances et du Budget ;
-le décret du 15 Avril 2005 portant organisation du Ministère de l’Economie et des Finances ;
-un autre décret est en cours d’élaboration devant porter organisation internes des structures du Ministère de
l’Economie et des Finances
13
2- La juridiction financière et fiscale reste inopérante
Dans une société bien organisée, la justice est normalement une garantie pour la bonne
administration des finances publiques par le contrôle exercé sur le respect de la légalité, de la
régularité, de l’efficience. Ce que l’on observe dans le dispositif de finances publiques
camerounais, c’est une sorte d’inertie de la fonction juridictionnelle.
Sur le plan purement financier, l’absence d’un juge des comptes est restée un handicap réel
pour les performances des administrations. Un espoir naît avec la loi constitutionnelle du 18
janvier 1996 qui créé une chambre des comptes au sein de la Cour Suprême.
Sur le plan fiscal, le Cameroun a effectivement hérité du dualisme juridictionnel qui fait
intervenir l’administratif et le judiciaire pour ce qui est du contentieux fiscal. Mais la
jurisprudence en la matière reste infertile en raison d’une absence réelle d’expertise fiscale
chez les juges, leur manque de hardiesse ainsi qu’une grande pusillanimité des contribuables
dont les rares réclamations se limitent très souvent au stade de la procédure administrative. La
conséquence est cette pauvreté de la production jurisprudentielle en ce qui concerne le
contentieux d’assiette et celui du recouvrement dans le paysage fiscal camerounais.
La faillite de la juridiction financière et fiscale porte un coup au devoir de performance qui
aurait dû être imposé aux services administratifs en charge de l’exécution des finances
publiques. A la peur du juge qui aurait dû constituer un facteur porteur d’obligation de résultat
accompagnant les agents publics dans leurs errements, s’est substitué le sentiment d’impunité
tant décrié par les observateurs, qui ne manquent pas de relever avec force, les insuffisances
des contrôles politiques de la mise en œuvre de l’action publique.
3- Un parlement en panne d’initiative en matière de finances publiques
Par un sens élevé de l’initiative, un activisme dans la mission de législation ainsi qu’une
efficacité dans le pouvoir de contrôle, le parlement camerounais aurait servi d’aiguillon dans
le pilotage des performances des finances publiques. A l’instar des autres pays africains, le
Cameroun a hérité du procédé de la rationalisation parlementaire issue de la Vème
République.
Sur le plan formel, le texte de la Constitution opère une restriction de l’action parlementaire
en posant un encadrement rigoureux du droit d’amendement, en limitant la compétence en
matière de loi de finances à la seule assemblée nationale, en permettant à l’exécutif de
légiférer de temps en temps par voie d’ordonnance.
Sur un plan purement politique, l’Assemblée Nationale camerounaise reste tributaire de son
histoire marquée par l’omnipotence d’un exécutif fortement aiguillonné par la machine du
parti unique. Dans ce sens, même la restauration du multipartisme au début des années 1990
n’a pas contribué à relancer le jeu politique dans l’optique d’une restitution au parlement de
ses lettres de noblesse.
La conséquence est que la représentation nationale procède à des autorisations qui ne cadrent
pas avec l’obligation des résultats. A posteriori, la fonction de contrôle est ignorée dans la
mesure où la loi de règlement apparaît comme une formalité, un exercice de pure forme
14
devenu un rituel pour des députés exposés aux avatars du fait majoritaire concrétisé au
Cameroun par une forte discipline du parti au pouvoir.
Dans le même ordre d’idées, les outils de contrôle que sont les questions écrites et orales, les
commissions d’enquêtes demeurent formels en matière de gestion des finances publiques
compte tenu du manque d’expertise des parlementaires ainsi que leur forte collusion avec les
membres de l’exécutif.
La budgétisation par objectifs qui aurait permis d’insuffler une dynamique de performance est
orpheline d’un cadre juridique et institutionnel propice à son éclosion. Ce déficit structurel est
aggravé par les considérations sociologiques liées à la difficile adhésion des administratifs à la
philosophie de la performance.
SECTION II. LA DIFFICILE ADHESION A LA PHILOSOPHIE
DE LA PERFORMANCE
Le pilotage des performances dans le domaine des finances publiques suppose au delà du
discours déclamatoire, une adhésion des acteurs sociaux et surtout le ralliement de l’ensemble
des composantes de l’Administration. Les difficultés actuelles de l’administration
camerounaise sont liées à un héritage de pratiques peu propice à l’émulation (A) que
renforcent des résistances intrinsèques qu’il convient de contourner (B).
A
Un héritage administratif peu propice à l’éclosion d’une culture
des résultats.
Pour plusieurs raisons, la culture des résultats qui semble aujourd’hui être le référentiel de la
nouvelle gestion publique peine à s’insérer dans les habitudes administratives camerounaises
même si certains secteurs d’activités en ont fait un point de mire dans le cadre de leurs
stratégies. Il apparaît au départ que le cadre administratif importé s’inscrit dans une rationalité
managériale embryonnaire baignant dans une perception de la puissance publique inadaptée
aux enjeux de l’heure.
1- Une administration « importée »?
Le mode de gestion légalo-rationnelle entre au Cameroun avec la pénétration coloniale
allemande, française et anglaise. A ce moment, ce qui importe pour le personnel administratif
est l’accomplissement de certaines prestations publiques et l’exécution des missions purement
sécuritaires. Les finances de l’Etat n’ont pas encore gagné en volume, leur mobilisation ne se
fonde pas encore sur des techniques fiscales sophistiquées et l’aide au développement ne
constitue pas encore un enjeu particulier à l’échelle internationale.
Cette administration souple qui accompagne le pays à l’autonomie puis à l’indépendance ne
connaît pas les contraintes de la performance publique. Elle est la transposition quasi fidèle
15
des techniques et pratiques administratives usitées par la métropole sujette à une euphorie liée
à la croissance économique d’après-guerre.
Avec l’arrivée de l’indépendance en 1960, les techniques générales qui connaissent un
immense succès dans les contextes anglo-saxons et particulièrement dans le secteur privé,
tardent à se répandre dans l’ensemble des pays africains davantage préoccupés par la volonté
de bâtir l’unité nationale et engager la bataille pour le développement. Les élites
administratives sont formatées dans le créneau et les administrés voient surtout dans l’appareil
d’Etat l’instrument de répression de la puissance colonisatrice.
La « camerounisation » progressive de l’élite formée le plus souvent à l’étranger n’apporte
pas un changement en ce qui concerne la façon de piloter les organisations et manier les
deniers publics. Les règles d’organisation de la fonction publique sont orientées vers la
carrière et non sur le management. Avant la création d’une école d’Administration pour la
formation de la haute fonction publique, beaucoup de jeunes camerounais suivent des
enseignements dans les universités françaises, à Sciences Po Paris, à l’Institut des Hautes
Etudes d’Outre-Mer (IHEOM) et reviennent construire une administration publique calquée
sur les principes en vigueur en hexagone. La pression des résultats n’est pas encore forte dans
les services publics orientés vers les missions d’intérêt général sous-tendues par des finances
publiques saines et dépourvues des contraintes extérieures.
2- Une rationalité managériale encore virtuelle
Les assises de la gestion administrative sont juridiques dans la bureaucratie camerounaise.
L’importance pour le gestionnaire de crédits et pour le contrôleur des finances publiques est la
régularité des opérations, leur conformité aux règles préétablies et non leur orientation vers la
performance. C’est le règne de la rationalité juridique au détriment de la rationalité
managériale9.
Pourtant, le monde opère en matière de gestion des finances publiques, une mutation menant
droit vers une gestion orientée vers les résultats. La règle de l’efficience et de l’économie
prend le pas sur l’obsession pour la régularité.
La rationalité managériale dans laquelle la nouvelle gestion publique puise ses ressources
commence à pénétrer dès le début des années quatre vingt les sphères administratives
camerounaises. A cet effet, un institut de management public est créé, de hauts cadres de
l’Administration sont envoyés en Europe et en Amérique du Nord pour étudier le
management et cette discipline est introduite dans le programme des grandes écoles de
formation à l’instar de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM).
Bien que séduits par les recettes managériales importées, les décideurs camerounais en
matière de finances publiques sont restés assez réticents à introduire dans la pratique le
9
CHEVALIER Jacques et LOSCHAK Danièle, Rationalité juridique et rationalité managériale dans
l’Administration française, Revue Française d’Administration Publique, N°24, 1982 ;
16
pilotage par objectifs dans leur mode de gestion, tellement la conception de la puissance
publique est restée contraire aux évolutions et enjeux contemporains.
3- Une perception de la puissance publique inadaptée aux enjeux de l’heure.
Au Cameroun comme dans plusieurs autres pays, le rôle de l’Etat puissance publique,
continue d’être perçu sous le prisme du sacré. L’hymne néolibéral qui abreuve le phénomène
d’une mondialisation axée sur le moins d’Etat n’a pas encore complètement transformé les
convictions et les représentations.
L’Etat continue d’être un acteur majeur de la vie économique et sociale malgré l’aspiration
collective au dogme de la concurrence au point où les privatisations et autres actions de
déréglementation sont subies par les autorités au lieu de constituer des mesures conçues et
délibérées. A ce titre, le Cameroun éprouve des difficultés à mener à son terme le plan de
privatisations de certaines entreprises publiques dans le cadre des critères structurels de son
programme économique et financier.
L’appel à la performance qu’implique l’actuel enjeu libéral ne cadre pas avec la conception
camerounaise d’un Etat fort, acteur multisectoriel de la vie nationale. Ce conservatisme pour
légitime et naturel qu’il soit n’est pas de nature à favoriser l’émergence d’une culture des
résultats pourtant déjà assez présente dans la pratique du secteur privé.
B
Des résistances sociologiques à une gestion rationnelle
Le pari de la performance ne s’accommode pas des modes de fonctionnement ayant cours
dans les services publics africains en général. En effet, ces administrations aux lourdeurs
notoires subissent en même temps les contrecoups des défauts relatifs à la complexité
sociologique de l’environnement camerounais. Au bureaucratisme fortement avéré (1) se
greffent de permanents conflits d’intérêts (2) qu’intensifie une influence des circuits informels
(3).
1- Un bureaucratisme fortement enraciné.
L’Administration camerounaise a été fortement centralisée depuis l’indépendance. Ainsi, la
Constitution fait du Président de la République l’autorité administrative suprême. En matière
de finances publiques, cette autorité par la traditionnelle circulaire budgétaire reste au centre
de l’impulsion économique et financière. Pourtant, il est difficile de soutenir de la bonne
application des dispositions de ladite circulaire.
C’est ainsi que les instructions relatives à la budgétisation par objectifs réaffirmées, n’ont pas
toujours été suivies d’effet et aucune évaluation n’en a été faite aux fins d’en tirer des
conclusions utiles. En plus, les services de la Présidence de la République n’opèrent pas un
suivi rigoureux de l’exécution des prescriptions contenues dans les circulaires budgétaires.
Cette absence de suivi sur le pan budgétaire est aggravée par des défauts traditionnels des
services publics camerounais :
17
-carence en terme d’accueil des usagers ;
- accumulation de la paperasse ;
- archivages défectueux ;
-management directif ;
-lenteurs dans le traitement des dossiers ;
-manque de célérité dans les réponses adressées aux usagers…
Tous ces défauts ne sont pas de nature à favoriser l’émergence d’un système de gestion par la
performance.
2- Des conflits d’intérêts permanents
L’objectif originel de toute Administration est l’accomplissement des missions d’intérêt
général. Les moyens utilisés sont des deniers publics dont la collecte et l’affectation obéissent
à des règles précises.
Au Cameroun, l’expérience montre que l’intérêt public reste un principe formel qui est
démenti par les faits. On observe une forte patrimonialisation de la chose publique qui
engendre des conflits d’intérêts préjudiciables à l’intégration de la performance dans la
gestion.
Ainsi, la politisation de l’Administration par une gestion des ressources humaines sur la base
de leur militantisme, annihile toute idée d’administration d’un service de qualité. La
mobilisation des ressources budgétaires et leur affectation se trouvent biaisées par le jeu des
majorités politiques et surtout par les contraintes liées au respect des équilibres sociologiques
dans la répartition des fonctions au sein de l’Administration publique confirmant ainsi
l’acception selon laquelle la compétence à elle seule ne suffit plus pour aspirer à un poste de
responsabilité.
Sur un autre terrain, une gestion rationnelle des finances publiques se trouve limité par les
influences extérieures au système publico administratif. En effet, tous les bailleurs de fond de
l’Etat ne visent pas une communion d’intérêts dans le cadre des investissements publics au
Cameroun. Les priorités ne sont pas les mêmes dans les cadres multilatéral ou bilatéral.
Par ailleurs, le conflit entre l’intérêt général et les intérêts particuliers fait que l’on observe
des indélicatesses dans la gestion de l’argent public aux fins de satisfaire des exigences
inavouées.
Face à ces conflits d’intérêts, les exigences de performances se trouvent reléguées au second
plan par les agents publics.
3- L’influence négative des circuits informels.
La présence des circuits informels dans le fonctionnement des Administrations n’est pas un
phénomène propre à la vie publique camerounaise. Si l’action publique s’en trouve parfois
renforcée dans sa mise en œuvre, il convient de relever que ces circuits informels apparaissent
très souvent comme des entraves à la réalisation de la performance en matière de finances
publiques.
18
Sur le terrain de la mobilisation des ressources fiscales, l’élaboration de la loi subit au
Cameroun les assauts de groupes de pression mûs par leur volonté d’influencer la décision de
la représentation nationale. Le phénomène apparaît aussi lorsqu’il faut procéder à l’exécution
des recettes fiscales à travers l’activisme des groupes socioprofessionnels à l’instar du
patronat qui essaye systématiquement d’orienter les décisions de l’Administration.
En ce qui concerne l’exécution de la dépense, les procédures normales sont contournées par
certains acteurs en raison des rapports de force existant dans le microcosme géopolitique
camerounais. C’est ainsi que dans la programmation des apurements de la dette publique, il
peut arriver que par une démarche de lobbying auprès des services du Trésor, certains
opérateurs économiques par leur activisme de couloirs, soient prioritaires au détriment des
autres créanciers.
Ainsi, la démarche par la performance qui suppose la définition d’objectifs ne saurait cadrer
avec l’intervention parfois intempestive des acteurs informels dans le processus décisionnel.
19
CHAPITRE II L’EMERGENCE PROGRESSIVE D’UNE GESTION
PUBLIQUE ORIENTEE VERS LES RESULTATS
La gestion orientée vers les résultats n’est pas complètement absente de la conduite de
l’action publique dans le paysage camerounais. A côté des expériences menées par les
opérateurs du secteur privé, les opérateurs du secteur public essayent de s’approprier les
mécanismes propres à la philosophie de la nouvelle gestion publique. Aujourd’hui, les
organisations à l’échelon stratégique se fixent des objectifs, se dotent de moyens ainsi que des
dispositions d’évaluation et de contrôle. Cette tendance s’observe au sein des Administrations
fiscales ainsi que dans l’action de certaines Administrations de gestion.
SECTION I
LES ADMINISTRATIONS FISCALES SONT AU
CAMEROUN, LES PIONNIERES DU PILOTAGE PAR OBJECTIFS
A partir des années quatre vingt dix, l’Administration fiscale camerounaise est rentrée dans le
mouvement du pilotage des performances à travers la Direction par objectifs (DPO)10. Après
une période de tergiversation, cette approche s’est diffusée dans l’ensemble du réseau de la
Direction Générale des Impôts au point où cette dernière apparaît comme la pionnière du
management par objectifs au Cameroun.
A
Les fondements du système de gestion par la performance
La mise en œuvre de la Direction par Objectifs (DPO) par les services fiscaux tire ses racines
dans un ensemble de facteurs qui leur sont extérieurs et constitue la résultante des mesures
préconisées pour le redressement économique du pays.
1- Une politique économique largement axée sur l’obligation d’assainissement des
finances publiques
L’attrait pour la gestion par objectifs dans l’action des administrations fiscales est une
conséquence logique de la mise en œuvre d’une politique économique fortement influencée
par le souci d’assainissement des finances publiques. En Effet, l’agenda du gouvernement
place la discipline budgétaire au rang des priorités en raison des déséquilibres nés des chocs
extérieurs, d’un service de la dette lourd.
Afin d’alimenter le budget en ressources face à l’essoufflement de l’aide, les services fiscaux
doivent mobiliser davantage de recettes car « l’économie camerounaise demeure obérée par le
poids de la dette et la nécessité de rembourser celle-ci pour accéder aux financements
10
La Direction par objectifs (DPO) est une approche de management par objectifs conçue au cours des années
cinquante. Elle a connu des évolutions à l’instar de la Direction Participative Par Objectifs (DPPO).
20
extérieurs alors que les ressources budgétaires demeurent limitées »11. L’action des
Administrations de douanes et des impôts s’inscrit donc dans la logique de la performance
afin de trouver au sein de l’Etat les voies et moyens permettant à celui-ci d’être autonome visà-vis de la contrainte extérieure.
A cet effet, les Finances Publiques cessent d’être une donnée passive de la mise en œuvre de
l’action publique et deviennent un élément primordial du dispositif de redressement
économique. En effet, malgré le courant de libéralisation ambiant, les pouvoirs publics ont
besoin de leviers leur permettant d’assurer les missions de souveraineté tout en se
désengageant progressivement des opérations de production économique. Au surplus, les
conséquences désastreuses des plans d’ajustement structurel de première génération amènent
les pouvoirs publics en relation avec les partenaires au développement à œuvrer pour une
dimension sociale des programmes économiques. Cette tendance implique la mobilisation de
ressources budgétaires qui permettront d’orienter la dépense publique vers la réalisation des
infrastructures, le développement des investissements dans les domaines de la santé et de
l’éducation. Les ressources nécessaires à ce recentrage des missions du secteur public
reposent essentiellement sur la mobilisation des recettes fiscales et douanières.
Dans cette optique, le paradigme de la lutte contre la pauvreté est hissé au rang des priorités
gouvernementales en relais d’un courant internationalement admis. Avant de solliciter
l’apport de la communauté internationale pour ce nouveau combat, les pays en développement
doivent rechercher des résultats substantiels en terme de recettes budgétaires internes. A cet
égard, des programmes de renforcement des capacités des services fiscaux sont mis en place
avec un accent sur la qualité de leurs effectifs ainsi que l’amélioration du cadre de travail.
On assiste à la mise en œuvre d’une politique économique à prédominance budgétaire dans la
mesure où le levier monétaire demeure régi par les instances communautaires. Dans la
pratique, l’œuvre des administrations fiscales porte sur la réalisation des critères quantitatifs
prévus dans les programmes économiques et financiers élaborés en relation avec la
communauté financière internationale.
2- L’incontournable réalisation des critères quantitatifs des programmes économiques et
financiers
La démarche de la performance actuellement inscrite dans l’agenda des Administrations
financières répond aux obligations de résultats imposées par les bailleurs de fonds
internationaux dans le cadre des programmes économiques et financiers. En effet, la
mobilisation des recettes budgétaires est un critère dont la réalisation appelle la mise en place
d’un système de pilotage des performances susceptible d’apporter une réponse satisfaisante
aux exigences de résultats. Pour le Fonds Monétaire International (FMI), les critères de
réalisations sont des conditions spécifiques qui doivent être remplies pour permettre le
décaissement des montants convenus en vue de financer le redressement économique et lutter
contre la pauvreté.
11
HUGON Philippe, la réforme fiscalo-douanière dans le contexte de l’ajustement structurel de change au
Cameroun et au sein de la CEMAC, in fiscalité, développement et mondialisation, Maison neuve et larose,
orstom, Paris, 1999.
21
Le suivi est assuré par un outil important à savoir la revue du programme qui permet au FMI
d’effectuer une évaluation périodique des progrès accomplis par rapport aux objectifs arrêtés.
A cette occasion, les objectifs quantitatifs inscrits lors du cadrage budgétaire sont déclinés au
sein des Administrations fiscales qui à leur tour les répercutent auprès des structures
opérationnelles.
Autant la démarche d’évaluation est engagée vis-à-vis des Administrations fiscales dans les
rapports avec les bailleurs autant lesdites administrations exercent-elles en leur sein les
mêmes mécanismes de suivi-évaluation sur la base d’objectifs assortis d’indicateurs de
gestion. A la Direction Générale des Impôts, la réalisation des objectifs quantitatifs assignés
aux structures opérationnelles d’assiette et de recouvrement est évaluée au cours d’une
réunion mensuelle.
3- L’évolution irréversible vers des transitions fiscales
Le souci de performance qui habite désormais les Administrations fiscales est guidé par un
ensemble de mutations que connaît la vie économique internationale. En effet, les
négociations amorcées sous l’égide du GATT ont surtout porté sur la libéralisation des
échanges. Avec la naissance de l’Organisation Mondiale du Commerce après la conférence de
Marrakech, l’option forte est au démantèlement des barrières tarifaires à l’horizon 2008.
Cette nouvelle donne va amener les pays en développement à prendre irréversiblement
conscience de la décrue de la fiscalité de porte au rang des ressources publiques et de
l’irrésistible montée en puissance de la fiscalité interne comme principal pourvoyeur du
budget de l’Etat. De fait, la baisse de droits de douane dans le cadre du « désarmement
douanier » va connaître une sorte de compensation à travers une mobilisation plus accrue de
l’impôt au point où on parle de « transition fiscale »12.
Au sein de la CEMAC13, la marche vers les transitions fiscales est marquée par une réforme
fiscalo-douanière en 1994 qui procède à la simplification de la fiscalité de porte à travers
l’instauration d’un tarif extérieur commun et l’instauration d’une taxe sur le chiffre d’affaires
qui deviendra en 1999 une taxe sur la valeur ajoutée.
A côté de la dimension communautaire, les pays de la Sous région Afrique Centrale amorcent
des réformes fiscales14 à l’interne aux fins de rompre avec les archaïsmes et moderniser leurs
systèmes fiscaux par des mécanismes de simplification et d’adaptation au nouvel
environnement libéral et concurrentiel.
12
Quelques excellentes études sont axées sur la problématique des transitions fiscales dans les pays en
développement : Gérard Chambas (sous la direction) Afrique au sud du Sahara : mobiliser des ressources fiscales
pour le développement, Economica, Paris, 2005
13
Il s’agit de la Communauté Economique des Etats de l’Etats de l’Afrique Centrale qui regroupe dans le cadre
d’un processus d’intégration sous-régionale le Cameroun, le Tchad, la Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale,
la République Centrafricaine
14
Le Cameroun a engagé une réforme fiscale substantielle en 1995 pour amorcer son processus de transition
fiscale.
22
Mais le tout n’est pas de renouveler un système fiscal par le biais des mesures de politique
fiscale, il convient en appui, d’imaginer des mécanismes structurants d’administration de
l’impôt. Dans cette optique, la logique de la performance s’est progressivement introduite
dans le paysage administratif camerounais à travers un management par objectif diffusé par
les autorités sous le label de Direction par Objectifs (DPO).
B
La mise en œuvre progressive d’un système de gestion par la
performance
Le pilotage des performances au sein de l’Administration fiscale est devenu une pratique
normale tellement le cadrage budgétaire impose à cette dernière des objectifs de recettes allant
grandissant au fil des années. Le mouvement d’ensemble repose sur une projection à moyen
ou à long terme déclinée en objectifs annuels mis en œuvre aux différents échelons
hiérarchiques des Administrations.
1- Une pratique embryonnaire mais réelle de la planification stratégique
La démarche prévisionnelle est rentrée dans les usages de l’Administration fiscale
camerounaise. En effet, depuis plusieurs années les programmes économiques définis en
relation avec les partenaires au développement sont étalés sur des périodes qui excèdent le
simple cadre de l’annualité budgétaire en s’inscrivant dans une perspective de moyen et de
long terme.
Cette vision qui sort du court terme habituel a entraîné un changement en profondeur du style
managérial ayant cours dans les services fiscaux. Ainsi, les personnels assumant des fonctions
d’encadrement se voient obligés d’entrevoir leur activité dans le cadre d’une stratégie qui
épouse la vision d’ensemble impulsée par les niveaux de management supérieur à savoir
l’échelon ministériel et la Direction Générale. L’examen du potentiel économique nécessaire
au rendement fiscal ne se limite plus au cadre annuel qui apparaît réducteur et moins
ambitieux. Les services opérationnels dans le cadre de la politique fiscale d’élargissement de
l’assiette, essayent de dénicher les activités et les personnes imposables dans une perspective
pluriannuelle.
Sans reposer sur des outils de projections sophistiqués, la démarche prévisionnelle et de
planification stratégique est devenue une réalité constante dans la pratique managériale des
services fiscaux. Dans ce sens, les projections macroéconomiques effectuées dans le cadre du
DSRP15 intègrent des recettes fiscales quantifiées pour une période de plus de dix ans. Le
Cameroun s’étant engagé dans la voie de la lutte contre la pauvreté, l’obligation de résultats
en matière de mobilisation des ressources fiscales l’amène à imaginer des mécanismes qui lui
permettront de réussir le pari de la performance budgétaire.
15
Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté élaboré comme préalable dans le cadre des mesures
d’allégement de la dette engagées par la communauté financière internationale
23
2- La déclinaison annuelle des actions à l’échelle opérationnelle
Si la pluri annualité entre dans les mœurs en matière stratégique, l’Administration de l’impôt
connaît au Cameroun une déclinaison annuelle dans le cadre de l’exécution de la loi de
finances. En effet, le principe de l’annualité budgétaire reste en vertu de la Constitution, une
règle constante de gestion financière publique. Les impôts sont assis et recouvrés pour une
année donnée et les actions y afférentes demeurent aussi calées sur la période annuelle.
Après le cadrage budgétaire effectué en relation avec les partenaires au développement dans
le cadre de l’exécution du programme économique, les services fiscaux élaborent au niveau
central un plan d’action annuelle sur les bases des propositions élaborées par les structures
déconcentrées. L’organisation administrative fait apparaître au niveau central, la Direction
Générale des Impôts, à l’échelle provinciale des centres principaux qui coordonnent l’activité
des centres départementaux et divisionnaires des impôts auxquels sont assignés des objectifs
de production.
Au titre de chaque année budgétaire, les structures opérationnelles de la Direction générale
des impôts se voient assignées des objectifs en matière d’élargissement de l’assiette fiscale,
d’apurement des dossiers contentieux, d’intensification des contrôles et de dynamisation de
l’action en recouvrement.
L’on peut tout de même relever que le cadre d’activité annuelle n’est pas rigide dans la
mesure où la législation fiscale prévoit certains cas d’imposition se chevauchant sur deux
exercices budgétaires.
Cette lancée vers l’évaluation des performances annuelles a amené les autorités fiscales
camerounaises à mettre en place un dispositif de pilotage par objectifs communément appelé
Direction par Objectifs (DPO).
3- L’application du management par objectifs
De toutes les administrations camerounaises, la Direction Générale des Impôts est la seule qui
s’est engagée résolument et irréversiblement dans la voie pleine d’embûches de la gestion par
objectifs. Le dispositif mis en place est la Direction Par Objectifs (DPO) qui permet à
l’autorité centrale d’assigner des objectifs aux structures déconcentrées en soumettant ces
dernières à évaluation périodique.
Au sein de l’Administration fiscale camerounaise, le personnel s’est accommodé depuis
environ une décennie à la pratique de la DPO au point où cette dernière semble aujourd’hui
constituer la trame sans laquelle les performances attendues par le gouvernement seraient
irréalisables.
Chaque responsable de structure opérationnelle reçoit les objectifs quantitatifs qui lui
incombent et se fait le devoir de procéder à la répartition desdits objectifs aux autres
structures qui lui sont rattachées en les soumettant aussi périodiquement à évaluation. La
conséquence de cet exercice est que les services fiscaux qui doivent alimenter le budget de
l’Etat en grande partie sont mis sous pression et atteignent les résultats chaque année à la
24
grande satisfaction du gouvernement qui réalise ainsi ce critère quantitatif essentiel dans le
cadre de son programme avec les institutions de Brettons Wood.
La pratique de la DPO a connu un essor important à travers la fixation des objectifs à la fois
quantitatifs et qualitatifs assortis d’indicateurs de performances dont l’évaluation est effectuée
régulièrement. Les objectifs quantitatifs portent surtout sur la réalisation des recettes
budgétaires tandis que les objectifs qualitatifs portent sur la bonne exécution du service en
vertu des exigences de pertinence et d’efficience. Ainsi, en matière de contrôle fiscal un des
indicateurs d’activités est le nombre de contrôles effectués par brigade tandis que sur le plan
quantitatif, les vérificateurs sont évalués sur la base de la statistique produite en terme de
redressements chiffrés. En matière d’élargissement de l’assiette fiscale, les services
opérationnels de base sont évalués sur la base du nombre de nouveaux contribuables
immatriculés et confirmés tous les mois.
SECTION II
LES ADMINISTRATIONS GESTIONNAIRES ONT
SUIVI LE MOUVEMENT D’ORIENTATION VERS LA
PERFORMANCE
Dans un environnement où le credo de la discipline budgétaire semble être de mise en raison
des engagements des autorités vis-à-vis des partenaires au développement, la démarche de
performance ne pouvait se limiter au pilotage des seules Administrations d’assiette sans
envahir le cercle des Administrations de gestion quotidienne. Autant, il apparaît aujourd’hui
impérieux de mobiliser davantage de ressources budgétaires non pétrolières, autant la maîtrise
de la dépense constitue un souci pour les autorités gouvernementales.
A
Les transformations intervenant dans l’environnement des
gestionnaires de crédits
L’enracinement de la gestion orientée vers les résultats est laborieux en ce qui concerne
l’administration des crédits et surtout l’exécution d’une dépense de qualité. Quelques
dispositions ont été prises dans le contexte camerounais pour donner une meilleure lisibilité à
la dépense publique.
1- Une reconfiguration de la nomenclature budgétaire vers plus de simplification et de
transparence
Au moment où les finances publiques s’enrichissent de nouveaux principes à l’instar de celui
de la transparence chère au courant institutionnel chargé de la surveillance financière
internationale, les Etats essayent d’améliorer leurs systèmes d’information pour assurer un
meilleur enregistrement et une bonne présentation des opérations. L’un des axes marquant la
prise en compte de ce souci de transparence et de lisibilité a amené les autorités
camerounaises à réviser la classification comptable de ses opérations financières à travers le
décret N°2003/011/PM du 09 Janvier 2003 portant nomenclature budgétaire de l’Etat.
La présentation codifiée des imputations budgétaires continue de se faire en recettes et en
dépenses mais l’orientation principale des autorités est à la classification fonctionnelle qui
25
permet de recenser les activités, les mettre en cohérence entre elles, et mesurer l’ensemble des
moyens financiers destinés à ces activités.
En ce qui concerne les recettes fiscales, la nouvelle nomenclature s’adapte à la réforme fiscale
en prenant désormais en compte des prélèvements nouvellement consacrés par le législateur
notamment la fiscalité des forêts, des mines, des carrières, de l’eau et autres ressources
naturelles.
A côté de ces avancées incontestables devant permettre une meilleure présentation des
opérations budgétaires sur une base fonctionnelle et en fonction de la nature économique de la
dépense, il aurait été indiqué d’approfondir la simplification du schéma au travers d’une
nomenclature comptable reflétant la déclinaison financière des politiques publiques mises en
œuvre par les pouvoirs publics.
La classification fonctionnelle présente certes l’avantage de faire ressortir la contrepartie
financière du rôle caractéristique de chaque administration, mais, la vision moderne repose
sur un compartimentage en politiques publiques déclinées en actions dans le cadre des
programmes bien précis16. L’intérêt d’une telle présentation est dans l’allure synthétique des
documents budgétaires qui en résultent facilitant ainsi le travail aux comptables et aux
évaluateurs.
2- Les adaptations mitigées de la fonction de contrôle financier
La fonction de contrôle dans la chaîne dépense est assurée par le contrôleur financier qui
appose son visa après ordonnancement et avant le payement par le comptable du Trésor. Ce
fonctionnaire qui dépend du Directeur Général u Budget est placé auprès de chaque structure
dépensière pour assurer un contrôle a priori de régularité, de disponibilité des crédits
permettant d’exécuter une dépense publique.
Pourtant, on observe une récurrence des irrégularités dans le processus de gestion de crédits
au point où certains ont pu suggérer la suppression pure et simple du contrôle financier au
profit du renforcement des contrôles administratifs a posteriori. Le débat ainsi posé devrait au
préalable faire l’objet d’un diagnostic qui permettrait d’identifier les sources de
dysfonctionnement liées au contrôle financier et qui constitueraient des entraves au
développement de la performance dans l’exécution de la dépense publique.
A l’analyse, l’institution en elle-même ne semble pas être en cause, ce qui poserait problème
c’est l’usage qu’on en fait au quotidien. On observe comme un détournement de mission de la
part des contrôleurs financiers eux-mêmes qui, d’intelligence avec les gestionnaires de crédits
organiseraient la patrimonialisation des deniers publics décriée par tous. La question est donc
celle de l’appropriation des préceptes de la bonne gouvernance par tous les maillons de la
chaîne dépense.
Au-delà des questions relatives aux comportements administratifs déviants, il serait tentant de
revisiter sur le plan technique, le travail du contrôle financier dans le sens d’une grande
16
Tel est le schéma français consacré par la LOLF en missions, programmes, actions.
26
flexibilité de son action au moment où on envisage le cadre du management par objectifs plus
responsabilisant. On accordera ainsi beaucoup d’attention aux contrôles a posteriori effectués
sur le base des engagements sur les résultats des gestionnaires assortis d’indicateurs pertinents
de performances.
3- L’encadrement de la procédure de dépense
Après les dérapages budgétaires de l’année 2004 ayant conduit à des résultats non
satisfaisants dans le cadre des programmes économiques et financiers, les autorités
camerounaises ont entrepris de ne dépenser qu’en fonction des ressources disponibles. La
pratique de la régulation budgétaire qui s’ensuit s’est orientée vers deux principaux outils : le
blocage de précaution et les quotas d’engagement des dépenses.
S’agissant du blocage de précaution, les crédits destinés à l’achat de biens et services
subissent une ponction de 10% à l’exception des lignes budgétaires relatives aux réceptions,
fêtes, cérémonies, alimentation des hôpitaux, des prisons, des dépenses scolaires, rencontres
sportives internationales et autres dépenses relatives à l’enseignement, la santé publiques et
les infrastructures
Pour ce qui est des quotas d’engagement des dépenses, ils sont communiqués chaque
trimestre aux Administrations en fonction des informations issues de la trésorerie de l’Etat.
Ces quotas sont des plafonds à ne pas dépasser afin de garantir une meilleure adéquation
ressources/emplois. Dès lors, les services financiers sont tenus de s’assurer que les
engagements émis par les ordonnateurs sont conformes au rythme de consommation des
crédits qu’autorise le plan de trésorerie et les quotas trimestriels.
Toutes ces mesures de régulation budgétaire sont exécutées dans un contexte de morosité
économique et de politique d’assainissement des finances publiques. Elles s’inscrivent surtout
dans une orientation générale de maîtrise de la dépense assortie d’une obligation de
performance pour les services dépensiers.
Toutefois, si la discipline budgétaire ainsi véhiculée est source d’imagination pour les
gestionnaires de crédits pour l’instauration d’un management orienté vers les résultats, il
convient de relever que ce changement de cap semble prendre de cours l’ensemble des acteurs
de la chaîne dépense. En effet, les conditions psychologique et structurelle d’une nouvelle
gestion orientée vers les résultats ne semblent pas encore réunies et les conséquences
pourraient être dommageables quant aux résultats finaux des politiques menées par les
ministères dépensiers.
En somme, la chaîne dépense reste un chantier pour l’introduction du management par
objectifs et l’intégration des mécanismes de mesure de la performance. Ce secteur d’activité
des finances publiques reste un terrain d’expérimentation des outils de pilotage et
d’évaluation mis en œuvre pour l’avènement d’une gestion publique axée résolument vers la
performance. Au-delà des obstacles techniques et de pur management, des pesanteurs
sociologiques planent toujours dans la conduite d’une dépense publique de qualité
(surfacturation, manque de transparence des marchés publics, marchés fictifs…).
27
B
Les mutations concernant la performance de la fonction
comptable
La quête d’une culture de la performance en Finances Publiques camerounaise a fait naître
dans l’environnement de la fonction comptable, des évolutions allant dans le sens d’une plus
grande modernisation de la présentation des états financiers. La production de la balance des
comptes est devenue un impératif, le suivi de la trésorerie est actuellement une exigence de
gestion incontournable tandis que la comptabilité de l’Etat se reforme pour s’adapter aux
mutations.
1- L’obligation de production dans les délais de la balance des comptes du trésor
La balance des comptes du Trésor est un document de synthèse de comptabilité générale qui
retrace pour une période donnée (le mois, le trimestre, l’année), les informations relatives à
l’exécution du budget conformément aux autorisations des lois de finances. Y figurent
également les informations relatives aux diverses opérations de trésorerie.
Ce document est produit au niveau de chaque circonscription financière par les comptables
centralisateurs. Dans le réseau Trésor public, il existe au Cameroun treize comptables
centralisateurs chargés chacun en ce qui le concerne de la consolidation des comptabilités des
postes comptables rattachés à sa circonscription financière (perceptions, recettes des fiances,
recettes des impôts, recettes des douanes…).
En terme d’amélioration de la qualité de l’information budgétaire, la balance renseigne sur
l’exécution du budget à tout moment de l’année par exemple le niveau de recouvrements
fiscaux, douaniers, domaniaux. En matière de dépense, elle apporte des précisions sur les
engagements, les paiements et les restes à payer.
Pour ce qui est de son apport sur la mesure de la performance, la balance permet par nature de
dépenses d’apprécier le volume et de se prononcer sur l’exécution par rapport aux objectifs.
Comme document de contrôle, la balance permet au regard des anomalies décelées, de
prévenir ou de sanctionner des dérapages perpétrés par les comptables dans l’exercice de leurs
fonctions en ce qui concerne le respect des procédures de la comptabilité publique, la bonne
utilisation de la nomenclature des comptes, l’application rigoureuse du plan comptable
général de l’Etat ainsi que les diverses instructions du Directeur Général du Trésor.
La production de la balance est encadrée par des délais qui mettent sous pression tous les
services appelés à la nourrir par le ravitaillement en informations : les postes comptables du
Trésor, les recettes des impôts et des douanes…L’ensemble du Ministère de l’Economie et
des Finances se trouve lié par une obligation de cohérence dans les délais prescrits. Ainsi au
niveau de toutes les circonscriptions financières, la balance du mois est attendue à l’Agence
Comptable Centrale du Trésor (ACCT) au plus tard le 10 du mois suivant. Ces délais
permettent la production d’une balance actuelle, critère indispensable pour garantir la bonne
qualité de l’information produite.
28
2- L’avènement d’un dispositif de suivi de la Trésorerie de l’Etat
La marche vers la gestion par la performance des finances publiques a amené les autorités
camerounaises dans le cadre de leurs rapports avec les bailleurs de fonds à mettre en place un
dispositif de gestion de la trésorerie à l’instar de la pratique avérée dans le secteur privé.
Autant une entreprise a le souci de connaître ses besoins en fonds de roulement, autant l’Etat
cherche à ajuster sa trésorerie aux dépenses et aux recettes budgétaires préalablement
quantifiées à travers le tableau des opérations financières.
Dans un environnement de gestion caractérisé par plus d’exigences de discipline budgétaire,
le plan de trésorerie assigne aux Administrations des objectifs précis que l’on évalue a priori
et a posteriori. En ce qui concerne les dépenses, les plafonds de crédits ouverts sont
dorénavant considérés comme des « possibilités de consommation » et non plus « des
consommations obligatoires ». a cet effet, les mouvements de fonds de L’Agence Comptable
Centrale du Trésor obéissent à un contrôle strict de manière à irriguer le réseau des postes
comptables en fonction des restes à payer réels et éviter des gaspillages. On assiste alors à une
régulation budgétaire qui se traduit par des quotas au niveau des ordonnancements des
dépenses permettant à terme d’équilibrer l’offre de paiement à la demande de paiement.
La logique qui sous-tend la pratique du plan de trésorerie permet d’arriver à la vérité
budgétaire qui amènerait les gestionnaires de crédits à ne dépenser que ce qu’ il y a de
disponible comme le rappelait le Ministre de l’Economie et des Finances : « sur le plan
budgétaire, le principe de la régulation des dépenses en fonction des ressources disponibles a
continué à être appliqué avec rigueur, permettant d’apurer la dette intérieure de manière
significative, tout en exécutant le budget 2005, conformément au tableau prévisionnel des
opérations financières de l’Etat convenu avec nos partenaires »17
3- Le processus de réforme de la comptabilité de l’Etat
Le passage d’une gestion par moyens vers une gestion par les résultats appelait une réforme
des outils nécessaires pour l’analyse des informations financières. Aussi les autorités
camerounaises ont-elles songé à la reforme de la comptabilité de l’Etat.
Les grands axes de cette reforme portent sur l’informatisation de l’enregistrement des
écritures comptables jusque là manuel à travers l’application « patriot ». Au moment où on
parle de modernisation des systèmes d’information pour rendre efficace la conduite des
finances publiques en y introduisant la démarche de performance, la mise à contribution de
l’outil informatique a permis de dégager incontestablement des gains de productivité dans les
administrations financières.
En terme de fonctionnalité, la nouvelle comptabilité permet l’établissement dans de bons
délais des états de synthèse comme la balance des comptes et le tableau de bord des finances
17
Intervention de Monsieur ABAH ABAH Polycarpe, Ministre de l’Economie et des Finances à l’occasion de la
conférence annuelle des responsables des services centraux et extérieurs du Ministère de l’Economie et des
Finances
29
publiques. Sur le plan organique, les Trésoreries générales se voient dotées d’un service de
contrôle et traitement informatique des comptabilités (SCTIC) qui sont d’un apport
remarquable en matière de centralisation des opérations émanant des circonscriptions
financières.
Toutefois, le paysage de la comptabilité publique camerounaise devra connaître des
évolutions nouvelles pour cadrer avec la recherche de plus de performance. A cet effet, les
reformes pourraient porter sur :
-
l’approfondissement de l’informatisation ;
la formation des agents à la manipulation du système d’information automatisé ;
l’affinement de la comptabilité pour la prise en compte de la situation patrimoniale
de l’Etat et l’introduction de l’analyse des coûts en matière de dépenses publiques ;
la fixation d’objectifs aux comptables du Trésor assortis d’indicateurs de gestion
pertinents ;
En somme, l’appropriation du pilotage des performances en finances publiques camerounaises
se poursuit malgré l’existence d’un cadre institutionnel et un dispositif normatif inadapté. Le
plus important est cette prise de conscience faite dans certains pans de gestion de la haute
Administration sous l’influence non contestable de la communauté financière internationale.
La culture du résultat est donc entrain de s’essaimer progressivement dans la conduite de
l’action publique au Cameroun même si ce projet reste un véritable défi dont le succès
dépendra de la volonté des décideurs à mener des réformes appropriées et adaptées.
30
PARTIE II
LA MUTATION VERS LA PERFORMANCE : UN
PROJET DONT LA MISE EN ŒUVRE DEMEURE UN
PARI POUR LES FINANCES PUBLIQUES
CAMEROUNAISES
31
La démarche de la performance est progressivement devenue une réalité qui prend corps dans
l’univers managérial camerounais. Cette entreprise semble actuellement s’imposer dans
l’ensemble des cadres d’expression de la gestion publique de sorte que l’impulsion est donnée
par les autorités en charge de la définition à l’échelon stratégique des politiques publiques. En
effet, après la formation le 8 décembre 2004 du gouvernement dit des « grandes ambitions »18,
tous les départements ministériels ont été invités à mettre sur pied « une feuille de route »19
soumise à évaluation périodique. Dans cette perspective, les finances publiques semblent
rester au coeur de ce mouvement général vers le modèle de gestion par la performance
(Chapitre III) même si le chantier camerounais de la nouvelle gestion publique reste un pari
(Chapitre IV).
CHAPITRE III
L’URGENCE D’UNE GENERALISATION DU
MODELE DE GESTION PAR LA PERFORMANCE EN FINANCES
PUBLIQUES
Les diagnostics effectués autour de la crise économique qui frappe le Cameroun tourne en
majorité autour de la « mal administration » de ses finances publiques. En effet,
l’amenuisement des apports extérieurs oblige ce pays à compter davantage sur la mobilisation
accrue des ressources internes au premier rang desquelles se situe l’impôt. Par ailleurs, les
ressources mobilisées doivent connaître une utilisation appelant une rationalisation des
mécanismes et plaçant la démarche de performance en première ligne.
SECTION I
LA PERFORMANCE EST UN CATALYSEUR DE LA
MOBILISATION DES RESSOURCES BUDGETAIRES
La culture de la performance est devenue au Cameroun un aiguillon pour la production plus
intense de recettes fiscales nécessaires à l’alimentation du budget de l’Etat au moment où
l’impôt s’érige en principale ressource publique. Les actions entreprises par les autorités pour
un meilleur pilotage des performances ont entraîné des résultats indéniables.
A
Les actions entreprises au sein des services fiscaux
L’Administration fiscale camerounaise est la première à avoir engagé une mutation partant
d’une gestion axée sur les moyens vers une gestion orientée vers les résultats à travers la
18
C’est sous ce thème que le Président de la République élu a battu campagne et placé son action sur les sept
années à venir
19
La notion de « feuille de route » préfigure déjà de la démarche de performance en tant qu’elle envisage des
objectifs, les moyens, les actions à mener, l’évaluation afin d’aboutir à une boucle de rétroaction. Mais les outils
de suivi à l’échelon stratégique ne sont pas encore suffisamment affinés. Ne serait-il pas permis d’envisager
l’introduction du contrôle de gestion au sein des Ministères comme dispositif de pilotage des performances ?
32
Directions par Objectifs (DPO)20. Cette ambition s’est concrétisée au fil des jours par un
renforcement de ses capacités, une amélioration des indicateurs de performances ainsi que
l’introduction d’une culture de l’évaluation.
1- Le renforcement des capacités des Administrations
La performance d’une organisation ne se mesure pas seulement à l’aune des résultats socioéconomique qu’elle génère. Le préalable est dans les inputs qu’elle expose pour arriver aux
résultats escomptés. Pour la mise en œuvre des programmes économiques auxquels il est
soumis, le renforcement des capacités administratives aura constitué un axe stratégique de la
politique gouvernementale tout au long de la dernière décennie.
S’agissant du développement des ressources humaines, le diagnostic portant sur le constat
d’une insuffisance numérique et qualitative des personnels a amené les décideurs publics à
prendre les mesures suivantes :
-mise en place d’un partenariat avec l’ENAM21 pour l’implication de l’Administration
à la définition des programmes de formation ainsi que leur contenu ;
-contribution des praticiens aux enseignements professionnalisés ;
-encadrement des stagiaires dans les centres des impôts ;
-contribution de l’Administration dans la négociation des partenariats pédagogiques de
la coopération internationale.
En ce qui concerne la gestion interne des ressources humaines, l’Administration fiscale a
procédé à une étude prospective portant sur les entrées et les sorties22 à l’horizon 2010
entraînant un politique de recrutement massif d’Inspecteur et Contrôleurs des Impôts. Ces
actions ont permis de mettre en cohérence l’élargissement croissant des missions avec
l’évolution des effectifs aux fins de mieux soutenir la démarche de la performance en
construction dans cette organisation.
Pour mieux piloter son système de gestion par la performance, un accent particulier a été mis
dans l’augmentation de la dotation budgétaire allouée à l’Administration fiscale
particulièrement en ce qui concerne son fonds d’équipement. La conséquence aura été
perceptible en terme de rénovation des locaux abritant les services, le renouvellement des
biens meubles et surtout l’accroissement exponentiel du parc informatique mettant
l’Administration fiscale à la première loge des organismes publics innovants et inscrits
irréversiblement dans la voie de la modernité.
Dans cette structure qui apparaît comme singulière dans le paysage administratif camerounais,
l’appropriation de l’outil informatique et la familiarisation au traitement automatisé des
20
En France, l’Administration fiscale fait aussi figure de pionnière d’une gestion par objectifs à travers les
contrats d’objectifs et des moyens ainsi que la démarche diagnostic plan d’action (DPA).
21
Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature. Il s’agit d’un établissement public de formation de la
haute fonction publique camerounaise (Administrateurs civils, magistrats, Inspecteurs des Impôts, Douanes,
Trésor et affaires sociales).
22
Dans cette perspective, la Direction Générale des Impôts camerounaise peut apparaître dans une certaine
mesure comme un chantier du management par la GPEEC (Gestion prévisionnelle des effectifs et des
compétences).
33
informations a entraîné une mutation consistant à recycler une bonne partie du personnel
secrétaire et sa reconversion vers des tâches de production fiscale. En effet, une grande partie
des cadres utilise avec aisance Word et Excel et peut restituer en toute autonomie et
confidentialité des travaux relevant de son métier.
Au-delà d’une nouvelle philosophie liée la modernisation de la gestion des ressources
humaines et du développement des aspects matériels en vue de l’amélioration du cadre du
travail, le pilotage des performances axé sur la Direction Par Objectifs s’est vue amélioré par
l’affinement progressif des outils de mesure des résultats.
2- L’amélioration et la diffusion des indicateurs de performance
La démarche de la performance entre à la Direction Générale des Impôts pour faire face aux
nouvelles exigences de mobilisation plus accrue des ressources budgétaires non pétrolières.
L’instauration de la DPO obéît en ce moment à des considérations de quantité et à des besoins
immédiats de statistiques. Un service opérationnel est performant lorsqu’il présente une
statistique impressionnante en terme de réalisations budgétaires. Un vérificateur est
performant lorsqu’il réussit à émettre des montants importants de redressements à la suite de
contrôles fiscaux.
Si les résultats du point de vue budgétaire apparaissent satisfaisants aux yeux des autorités
ainsi que des bailleurs de fonds internationaux, cette option managériale va pourtant connaître
un revirement à l’épreuve des faits, son enracinement dans une perspective pérenne se
révélant sujet à caution.
En effet, les résultats en recouvrement issus de la période post reforme fiscale23 ont été
important mais au fil du temps, la matière fiscale a connu une sorte d’amenuisement due à la
capacité des contribuables à s’ajuster et à s’entourer de conseils qui pour certains, sortaient
pratiquement de l’Administration fiscale en raison de leur mise en disponibilité ou en retraite.
A la Direction Générale des Impôts, les réflexions menées ont abouti à la remise en cause des
outils de pilotage notamment à une définition de nouveaux indicateurs axés beaucoup plus sur
la qualité que sur la quantité. Dans la perspective de l’élargissement de l’assiette fiscale
inscrite au cœur de l’agenda de la politique fiscale, des indicateurs sont mis en place à l’instar
du taux d’immatriculation mensuel de nouveaux contribuables pour mesurer les efforts
d’élargissement de l’assiette. En matière de recouvrement, l’instrument de mesure de la
performance est le taux d’apurement de restes à recouvrer recouvrables. En matière de
contrôle, des tableaux de suivi de l’activité sont élaborés et diffusés tandis que le taux de
réalisations ne se limite plus en rendement chiffré mais aussi sur le nombre d’opérations
clôturées suivant une cible projetée.
Ce mouvement de rénovation des outils de pilotage n’est pas resté ancré dans la pratique des
services centraux, il s’est diffusé sur l’ensemble du réseau de la Direction Générale des
23
Le Cameroun a effectué une réforme fiscale de grande ampleur en 1995 dans le sens de la modernisation de
son système fiscal et de la simplification des procédures dans un contexte de libéralisation économique impulsée
par l’ouverture des échanges à l’échelle internationale.
34
Impôts au point de constituer un nouveau cap de la mise en management des activités
incombant à cette Administration.
3- L’évaluation périodique des activités
La culture de l’évaluation s’est développée progressivement au sein de l’Administration
fiscale en raison des exigences de performances auxquelles est soumise cette structure. De
fait, les années post indépendance coïncident avec la période prospère des Trente Glorieuses
qui crée un environnement propice à l’insertion des pays du Sud au concert de l’économie
mondiale.
Mais avec la détérioration des termes de l’échange et l’essoufflement de l’aide publique au
développement, les nations en voie de développement se voient soumises à des contraintes de
performances internes devant nécessairement être évaluées pour un meilleur suivi.
L’impératif d’évaluation vient du souci de rendre compte qui doit habiter toute personne en
charge de la mobilisation ainsi que de la gestion des ressources publiques24. S’agissant du
pilotage des performances en finances publiques, les exigences d’évaluation s’opèrent à
plusieurs échelons de la hiérarchie des Administrations. Au sein de la Direction Générale des
Impôts, une réunion mensuelle de coordination des services est instituée aux fins de procéder
à l’évaluation des différentes structures opérationnelles qui à leur niveau de responsabilité
effectuent le même exercice sur la base des outils de reporting habituels.
A un échelon supérieur, le Secrétaire Général du Ministère de l’Economie et des Finances
organise des séances de travail de même nature dans le cadre d’un dispositif dit de « suiviévaluation » à travers une Cellule de suivi qui lui est rattachée. Si le mécanisme est ambitieux
dans son intention, il reste que les outils de suivi restent à approfondir aux fins d’installer une
véritable boucle de rétroaction25 qui permettra un enchaînement séquentiel entre les objectifs,
leur mise en œuvre, les résultats, l’évaluation et la réorientation des objectifs.
Après cette chaîne d’évaluation aux différents échelons hiérarchiques des Administrations, les
partenaires au développement (FMI, Banque Mondiale et Union Européenne) effectuent aussi
dans le cadre de leurs revues trimestrielles et semestrielles des missions permettant aux
autorités camerounaises de rendre compte de leur action en matière de pilotage des finances
publiques sur la base d’objectifs assortis d’indicateurs.
En somme, la culture de l’évaluation de l’activité commence à s’ancrer dans les mentalités à
tous les échelons de la société. Toutefois, le nouveau pas devra consister à inscrire
l’évaluation dans le moyen et le long terme en vue de mieux juger de l’impact non seulement
des actions précises dans certains secteurs d’activités mais de mesurer les résultats socioéconomiques des politiques publiques en général. A titre d’exemple, si l’application des
mesures fiscales fait régulièrement l’objet d’évaluation, la politique fiscale en elle-même n’a
pas encore connu d’évaluation après son implémentation durant une période de moyen ou de
long terme.
24
25
Article de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
Bouvier Michel, Barilari André, la nouvelle gouvernance financière, LGDJ, Paris, 2005.
35
B
Les résultats perceptibles
Les changements intervenus dans la gestion publique camerounaise à travers l’Administration
fiscale ont permis de dégager d’énormes gains en termes de volumes de recettes budgétaires,
d’enracinement d’une nouvelle approche managériale et l’émergence d’une culture citoyenne.
1- Une augmentation du volume des recettes
La mobilisation des ressources internes non pétrolières est un critère quantitatif de réalisation
soumis à évaluation par les partenaires au développement dans le cadre des programmes
économiques et financiers. Depuis la réforme fiscale intervenue au Cameroun en 1995 qui lui
a permis de se doter d’un système fiscal apte à faire face aux enjeux politiques, économiques
et sociaux liés à la modernité, l’apport des recettes fiscales au budget de l’Etat est allé
croissant traduisant ainsi une démarche de performance inscrite résolument dans l’agenda de
l’Administration fiscale (les tableaux ci-après reflètent cette évolution des chiffres des recettes
fiscales).
Dès lors, il n’est pas étonnant de voir le management par objectif plus connu sous le vocable
de la Direction par Objectif (DPO) se muer dans les esprits en réalisation quantitative des
recettes. C’est le règne de la statistique à tous les échelons hiérarchiques du Ministère de
l’Economie et des Finances.
Réalisations en Milliards
1995
1996
1997
253,3 277,3296,9
388,6
945,2
1998
1999
2000
646,4
425,2
643,1
518,7
690,2
2001
2002
2003
2004
Réalisations en Milliards
950,00
945,2
850,00
750,00
690,2
650,00
518,7
550,00
450,00
350,00
643,1 646,4
425,2
388,6
296,9
253,3277,3
250,00
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
36
2- L’enracinement généralisé de la culture managériale axée sur des résultats
L’expérience de l’Administration fiscale en matière de gestion par la performance connaît un
succès qui a tendance à s’étendre au sein de l’ensemble du périmètre camerounais de la
gestion publique. Outre les Administrations purement financières, les départements
ministériels et les instances supérieures de coordination ressentent le besoin de s’inscrire dans
une perspective de gestion orientée vers les résultats. A cet effet, l’impulsion est donnée par le
Chef de l’Etat à travers les discours politiques26 et ses traditionnelles circulaires budgétaires
qui donnent les grandes orientations en matière de finances publiques27.
Malgré cette nouvelle tendance, l’appropriation généralisée des techniques managériales reste
embryonnaire et tarde à se matérialiser dans la quotidienneté des acteurs de la vie publique
camerounaise. De fait, la pratique rompt avec le discours, les opérations s’éloignent de la
stratégie, la règle se dessine mais les faits tardent à suivre. Les ingrédients de la nouvelle
gestion publique tardent à prendre corps dans cet environnement mal préparé, des agents
publics insuffisamment conditionnés, une élite en retard vis-à-vis de la nécessaire
technocratisation des savoirs managériaux28 qui est un processus de longue haleine appelant
des investissements en terme de ressources humaines et matérielles.
La culture de la performance devra s’étendre dans les démembrements de l’Etat qui impactent
substantiellement les finances publiques. Dans cet esprit, le Ministre de l’Economie et des
Finances en Juillet 2005, les Directeurs Généraux et Présidents des Conseils d’Administration
des établissements publics et entreprises du secteur public et parapublic. Après avoir rappelé
l’impératif d’assainissement des finances publiques en vue d’accroître la stabilité
macroéconomique et l’investissement, de stimuler la croissance et d’améliorer les conditions
de vie des populations. Le Ministre reprécise la philosophie générale en ces
termes : « l’entreprise publique doit désormais s’approprier la culture du résultat longtemps
réservée aux seules entreprises du secteur privé. Elle doit pouvoir l’intégrer et en faire
l’aiguillon de ses programmes d’action…Je vous exhorte à vous adapter en rompant
définitivement avec les habitudes du passé. Chacun d’entre vous répondra désormais des
résultats de sa gestion sur la base de critères de performance prédéfinis. Dans cette optique,
une évaluation systématique et plus régulière de l’entreprise publique sera prescrite et
observée »29.
La gestion orientée vers les résultats et la démarche de la performance qui la suppose a été
souvent consacrée par le législateur dans certains secteurs d’activités impliquant le Ministère
chargé des finances30. Mais l’éternel grief fondé sur la rupture entre le droit et les faits peut
26
Après la formation du gouvernement dit des grandes ambitions le 08 Décembre 2004, le Président de la
République a prescrit au Premier Ministre, Chef du Gouvernement, d’instruire tous les ministres d’élaborer des
feuilles de route c’est-à-dire des programmes à mettre en œuvre et soumis à évaluation périodique.
27
La circulaire précise clairement que les objectifs
28
Pour BEZES, le processus de professionnalisation du management public en France englobe les années 1970
aux années 1980 ; L’Etat et les savoirs managériaux : essor et développement de la gestion publique en France
in30 ans de réforme de l’Etat, Expériences françaises et étrangères : stratégies et bilans, Dunod, Paris, 2005.
29
Extrait de l’allocution de Monsieur Abah Abah Polycarpe, Ministre de l’Economie et des Finances au Palais
des Congrès de Yaoundé à l’occasion de la rencontre avec les Présidents des Conseils d’Administration et les
Directeurs Généraux des entreprises publiques.
30
Loi n°99/016 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des entreprises du
secteur public et parapublic en son article 8 de la section 2 intitulé « du suivi de la gestion et des performances ».
37
aussi être invoqué en l’espèce, les textes demeurant parfois inappliqués quand bien même ils
seraient correctement ficelés.
3- La construction d’une culture citoyenne
Le rapport de réciprocité entre les droits et les obligations structure la problématique de la
citoyenneté dans un contexte républicain. Le prélèvement fiscal a pour vocation de permettre
une meilleure couverture des charges publiques. Autant le citoyen contribuable a le devoir
d’accomplir ses obligations citoyennes en acquittant l’impôt, autant la collectivité se doit de
lui apporter en retour des résultats intéressants quant à la mise en œuvre des politiques
publiques.
Le développement d’une culture de la performance dans la conduite de l’action publique est
une exigence citoyenne, une approche prenant en considération les devoirs qui incombent aux
pouvoirs publiques dans leur rapport avec les contribuables.
Au Cameroun, l’obligation de résultats imposée aux agents du fisc pour l’accomplissement
des statistiques influence durement l’activité des opérateurs économiques qui récusent le
harcèlement fiscal dû à la multitude de contrôles, l’ampleur des redressements,
l’intensification des mesures coercitives. En retour, les contribuables, à travers les élus et les
organismes socioprofessionnels, ne cessent de revendiquer que l’obligation de résultats soit
plus sévère quant à l’usage fait du produit des prélèvements en terme d’allocation, de
redistribution ainsi que d’investissements socioéconomiques.
La dialectique ainsi instaurée est porteuse de plus de démocratie et de transparence dans la
gestion des affaires publiques. En généralisant le pilotage des performances dans la conduite
des politiques publiques, l’esprit citoyen en sortira grandi dans la mesure où les déperditions
décriées en matière de gouvernance pourraient être amoindries à défaut d’être annihilées.
La culture de la performance participe donc au renforcement de la culture citoyenne par une
demande plus forte de résultats aux gestionnaires de la part des contribuables-citoyens mais
aussi à travers une grande responsabilisation des agents publics, un surcroît de patriotisme
consécutif à l’obligation de bien faire et rendre compte dans les conditions les meilleures.
SECTION II
LA CULTURE DE LA PERFORMANCE EST UN
OUTIL DE MAITRISE DE LA DEPENSE PUBLIQUE
L’un des maillons faibles des finances publiques camerounaises est la maîtrise de la dépense
quand bien même la mobilisation des recettes fiscales aura été satisfaisante. Non seulement le
cadre de la gestion budgétaire n’a pas encore intégré les outils modernes de mesure de la
performance dans la dépense publique, mais surtout, l’environnement du pilotage des finances
publiques reste miné par les travers enracinés dans les consciences et constituant des freins à
l’éclosion d’un véritable management par objectifs .Quelques mesures ont été prises dans le
sens d’une meilleure maîtrise de la dépense publique mais les résultats restent mitigés.
38
A
Les mesures prises pour la maîtrise de la dépense
Les autorités camerounaises ont essayé d’améliorer la performance du système d’information
sans lequel aucune transparence des finances publiques ne serait envisagée et ont perfectionné
les documents de synthèse. L’avènement de la juridiction financière constitue aussi un espoir
pour le renforcement de l’efficacité de la chaîne dépense.
1- La modernisation du système d’information
A près un diagnostic ayant révélé des carences en terme de transparence et de traçabilité dans
la gestion des finances publiques, le Gouvernement a entrepris de repenser le système
d’information en place dans la perspective d’un décloisonnement et d’une intégration plus
poussée des systèmes sectoriels et un rapprochement automatisé entre la dépense et la recette.
En effet, le pilotage des finances publiques camerounaises souffre d’une dispersion de son
système d’information à travers une coexistence entre des applications informatiques mises en
place au sein des Administrations dépendant pourtant du Ministère de l’Economie et des
Finances : TRINITE à la Direction Générale des impôts, PATRIOT à la Direction Générale
du Trésor, PAGODE devenu SYDONYA à la Direction Générale des Douanes, IBIS-DM à la
Direction Générale du budget.
Ces applications constituent certes de véritables avancées vers une gestion moderne des
finances publiques mais la quête de la performance appelle une orientation vers des systèmes
intégrateurs facilitant la coordination de l’information et des données nécessaires à la décision
politique, économique, financière et fiscale.
Dans cette optique, le projet SIGEFI a été mis en place pour favoriser un brassage en temps
réel d’informations entre les Administrations et organismes financiers à travers une inter
fonctionnalité des applications sectorielles existantes. Le système ainsi mis en place
constituera un outil d’aide à la décision et une base de recoupement pour les données et
informations utilisées par ces différentes Administrations dans leurs missions respectives.
Ce projet encore à sa phase de construction est suffisamment ambitieux pour ne pas séduire
tout acteur favorable à une gestion publique orientée vers les résultats. Il reste tout de même
exposé à des pesanteurs liées à la conduite du changement dont il est porteur. En effet, la
marche vers l’internalisation des technologies de l’information et de la communication ne
manque pas de soulever des résistances dues au conservatisme naturel des uns et à la volonté
des autres de garder le statu quo en raison de certaines situations de rentes favorisées par la
perméabilité du système. Par ailleurs, un système d’information intégré soulève évidemment
des problèmes réels d’investissement, de formation du personnel et surtout de révolution
mentale dans la perception de la chose publique.
39
2- Accompagner l’avènement d’une Chambre des Comptes
La Chambre des comptes camerounaise est intégrée dans la Cour Suprême à coté de la
Chambre Administrative et de la Chambre Judiciaire. A la différence des structures similaires
mise en place dans les autres pays, elle n’est compétente que pour le jugement des comptes
des comptables publiques.
Ce choix du législateur camerounais reste fortement critiqué par les analystes qui auraient
bien souhaité voir la juridiction financière étendre sa compétence quant au contrôle de la
gestion ainsi qu’au contrôle de la performance des Administrations et organismes publics. Là
n’est pas toute la pertinence du débat !
En effet, le rattachement le juge des comptes à l’appareil judiciaire et la limitation de son
champ d’action au seul jugement des comptes constitue un choix politique dont le revirement
ne peut être opéré que par voie de révision constitutionnelle et par voie législative. Mais en
attendant, une telle démarche, la question de la performance dans la gestion des finances
publiques reste toute entière et appelle une réflexion sur les pistes qui permettront d’optimiser
les acquis et à améliorer l’existant.
Dans cette optique, la Chambre des comptes camerounaise devra sortir du schéma purement
judiciaire ambiant au sein de la Cour Suprême pour s’ouvrir aux autres métiers devant
contribuer à son efficacité : Inspecteurs des Régies financières, auditeurs des comptes privés,
universitaires…..A cet effet, la formation constituera un axe stratégique majeur à travers
l’initiation à l’ENAM31 ainsi que les programmes post scolaires à travers les séminaires,
stages, recyclage et autres. En ce qui concerne son activité, la jeune Chambre des comptes
devra s’approprier plus de professionnalisme et de management à une bonne programmation
des actions, une indépendance et une impartialité dans le traitement de ses dossiers.
3- L’affinement des outils d’information et des documents de synthèse
Le bon pilotage de l’exécution du budget suppose la mise à la disposition des décideurs d’une
information financière et comptable exhaustive. A cet effet, une bonne conduite des finances
publiques requiert des outils d’informations plus affinés ainsi que des documents de synthèse
fiables.
Le principe fondamental des programmes budgétaires au Cameroun est que les dépenses à
effectuer doivent totalement être couvertes par les ressources en présence. En vue d’assurer
un suivi rigoureux des programmes, les autorités camerounaises font usage du Tableau des
Opérations Financières de l’Etat (TOFE). Il s’agit d’un tableau récapitulatif de la globalité des
opérations financières effectuées par l’Etat au cours d’une période donnée : recettes
budgétaires, dons, dépenses publiques, soldes budgétaires dégagés, variations des arriérés,
opérations de financement extérieur et intérieur…Le TOFE camerounais s’inspire des
standards internationaux de comptabilité nationale mais sa présentation obéît à des exigences
de facilitation des comparaisons en matière de performances budgétaires.
31
Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature
40
Si le TOFE apparaît comme le plus important des documents de synthèses, l’ensemble des
informations fondamentales pour les finances publiques camerounaises se trouve dans le
Tableau de Bord (TABORD) tenu par la Direction des affaires économiques anciennement
appelée Direction de la Prévision. Il relate le solde primaire (tableaux M2, M7 et M8), la
situation de trésorerie (M3), le financement du solde des opérations de l’Etat (M4), la dette
publique intérieure et extérieure (M5 et M6), le recouvrement des recettes (M7), les dépenses
effectives (M8), les émissions fiscales et douanières (M9), les dépenses des services centraux
(M10) et les dépenses des services extérieurs (M11).
Toute cette masse d’informations permet de contrôler et d’évaluer en temps réel et
périodiquement, l’état d’exécution du budget dans le cadre du programme et le cas échéant,
de prendre des mesures correctrices allant dans le sens de l’intensification de l’action en
recouvrement ou de la mise en œuvre des mécanismes serrés de régulation de la dépense.
Il faut toutefois relever qu’un meilleur suivi de l’exécution budgétaire appelle un
renforcement de la synergie entre les parties prenantes à la gestion des finances publiques. Le
travail de coordination qui s’ensuit exige donc beaucoup de professionnalisme de la part des
acteurs qui devront davantage être proactifs, rigoureux et réactifs dans la production des
données fiables et auditables.
A cet effet, le renforcement des capacités des Administrations financières et économiques se
pose en axe majeur pour l’amélioration des performances en matière de gestion des finances
publiques. La politique managériale orientée vers la performance devra accorder une place de
choix à l’intégration des applications informatiques et le renforcement des conditions de
transparence dans la transmission des données. La sécurisation du système d’information
passe aussi par le développement concomitant du contrôle et de l’audit internes.
B
Les résultats attendus pour une implémentation de la démarche
de performance
S’agissant des mesures mises en œuvre pour favoriser l’essor de la performance dans le
processus de gestion des finances publiques, les résultats recherchés portent de plus en plus
sur la maîtrise effective de la dépense, une meilleure traçabilité de la chaîne dépense et une
amélioration de la qualité du service rendu à l’usager.
1- Une maîtrise du volume de la dépense publique
Si l’évaluation concernant la mobilisation des ressources budgétaires non pétrolières est
satisfaisante au Cameroun depuis que ce pays est entré en partenariat avec les institutions de
Bretton Woods, la maîtrise de la dépense continue d’être le maillon faible des programmes
mis en oeuvre.
Avant d’en arriver à l’interrogation sur la qualité de la dépense, la préoccupation première
semble aujourd’hui être la maîtrise en volume des engagements budgétaires. En effet,
41
l’ampleur de la dépense telle qu’elle se dégage dans les écritures comptables de l’Etat
contraste avec la réalité des actifs publics.
Cette préoccupation se rapproche de celle vécue par les européens en ce qui concerne la
maîtrise des déficits dans leur processus d’intégration. Toutefois, l’aggravation absurde de la
dépense au Cameroun se fonde non seulement sur une emprise démesurée des interventions
publiques malgré le vent de libéralisation qui a cours, mais surtout sur des dérapages perpétrés
dans la gestion des finances publiques :
-insuffisances et parfois inexistence des contrôles ;
-surfacturation de la dépense publique ;
-violation des règles de transparence prévues par le code des marchés publics ;
-absence de sanctions à l’encontre des contrevenants aux règles d’exécution
budgétaire ;
-programmation approximative des paiements ;
-comportements déviants de certains agents ;
Les mesures correctives qui seront prises par les décideurs après un diagnostic permettront
d’inscrire résolument les finances publiques camerounaises sur le chemin de la performance.
Mais l’essentiel n’est pas dans la maîtrise en volume de la dépense publique à travers des
mesures de régulation. Il s’agit de créer les conditions d’une meilleure traçabilité de la chaîne
dépense en vue d’en améliorer la qualité.
2- L’exigence de traçabilité pour une meilleure qualité de la dépense
Le principe de la transparence en matière de gestion des finances publiques suppose dans le
domaine de la dépense la possibilité de suivre la procédure budgétaire tout au long de son
itinéraire en remontant de l’ordonnancement au paiement effectif.
Afin d’en arriver à un tel niveau de lisibilité, quelques conditions minimales doivent être
réunies notamment des règles de jeu préétablies et connues de tous, la rigueur dans le travail
administratif, l’efficacité et la fiabilité du système d’information, l’existence des mécanismes
de contrôle.
Pourtant il serait excessif d’affirmer que ces préalables font défaut au dispositif camerounais
de pilotage des finances publiques. Les règles de qualité sont courantes mais leur application
effective par les acteurs est souvent sujette à caution étant entendu que si la culture du service
public n’est pas encore enracinée, celle du service public performant reste à bâtir.
La traçabilité dans le domaine des finances publiques, pour louable qu’elle se présente,
demeure une exigence qui suscite beaucoup de résistances de la part de ceux qui entendent
éviter de rendre compte et de travailler dans la transparence.
42
3- Une amélioration de la qualité du service à l’usager
Dans tous les chantiers de modernisation de la gestion publique, la démarche qualité est un
des axes stratégiques des organisations administrant un service aux usagers. Elle s’inscrit dans
l’optique d’une amélioration des rapports entre l’Administration et les administrés car les
performances ne demeurent pas toujours quantitatives, elles sont de plus en plus qualitatives.
Comme le précise Bruno Parent : « des objectifs ambitieux, des réformes, des coûts maîtrisés,
tel le triangle d’exigence de la DGI. Chacune de ces ambitions prise isolément est un chantier
en soi. Leur combinaison, qui constitue notre feuille de route, montre que service public peut
rimer avec performance et modernité. Nos objectifs ont pour la plupart été atteints ou
dépassés, comme le montre ce bilan. Nos réformes internes de grande ampleur, se déroulent
selon le planning prévu, pour un meilleur service à l’usager »32.
On le voit bien, les exigences de qualité sont plus fortes aujourd’hui en matière de conduite
des affaires publiques. La demande en qualité de service est davantage importante en ce qui
concerne les usagers directement concernés par les questions de finances publiques.
Au Cameroun, les contribuables deviennent de plus en plus exigeants en raison du nouvel
environnement libéral mais surtout grâce aux conseils et avocats qui les entourent dans
l’accomplissement de leurs obligations fiscales. De même, pour ce qui est de l’apurement de
la dette publique interne, les usagers exigent de l’Etat beaucoup de considération dans le
processus de paiements de leurs factures.
Pour assurer un pilotage harmonieux et performant des finances publiques, les autorités
devront approfondir les dispositifs de suivi mis en place à travers des indicateurs de gestion
pertinents et orientés vers la qualité du service. A ce sujet, les expériences étrangères sont
éloquentes33 et pourraient inspirer les réformes dans les Administrations financières
camerounaises.
32
Editorial de Bruno Parent, Directeur Général des Impôts, La lettre, N° 341/Mai 2005
L’article 1er du contrat de performance de l’Administration fiscale française dispose : « devenir une
administration de service de référence ».
33
43
CHAPITRE IV LE PARI DE LA MISE EN PLACE D’UN SYSTEME DE
GESTION PAR LA PERFORMANCE
Bien que la gestion par la performance soit devenue une exigence dans l’approche
managériale des opérateurs en charge des finances publiques et malgré les expériences
embryonnaires identifiées au sein des Administrations camerounaises, il faut relever que cette
orientation reste un projet à conduire avec beaucoup d’humilité et de circonspection. Cette
nouvelle orientation des managers devra surmonter des obstacles de natures diverses et
connaître une maturation progressive en fonction des succès et échecs rencontrés.
SECTION I
DES DIFFICULTES STRUCTURELLES A
SURMONTER
Le pari de l’introduction du pilotage des performances en finances publiques camerounaises
appelle une préparation adéquate qui favoriserait des aménagements institutionnels adaptés au
contexte ainsi qu’un toilettage du dispositif normatif régissant la conduite des affaires
publiques. Ce changement de cap sur le plan structurel devra s’accompagner d’une mutation
d’approche sur le plan culturel.
A
Les aménagements institutionnels à apporter
Au niveau des instances supérieures de coordination, la gestion publique orientée vers les
résultats est appelée à être au centre des grandes orientations stratégiques. Mais, l’exemple
viendra du Ministère de l’Economie et des Finances qui est au cœur de la gestion des finances
publiques. La fonction juridictionnelle devra être dynamisée dans le sens d’un contrôle de la
régularité mais aussi de la performance. Mais toutes ces réformes seraient vaines si la
représentation nationale ne prenait pas en main ses responsabilités en matière budgétaire.
1- Une meilleure organisation du Ministère chargé des Finances
Le Ministère de l’Economie et des Finances est considéré comme chef de file dans
l’agencement des finances publiques camerounaises. A la manière d’une pieuvre, il impacte
dans l’ensemble les politiques publiques définies et mises en œuvre par les autorités
gouvernementales. A ce titre une bonne organisation de ce département ministériel pourrait
apporter des garanties d’efficacité pour l’action publique.
Au Cameroun, la création et l’organisation de ministères relèvent de la compétence du
Président de la République. La configuration actuelle de cette structure est définie par le
décret 2005/115 du 15 Avril 2005 qui énumère ses missions et consacre ses différentes
composantes à savoir le Secrétariat Général, les Inspection Générales, les Conseillers
techniques, les Directions Générales et les Directions. Un deuxième texte présidentiel précise
l’organisation interne de ces différentes structures.
44
S’agissant de la mutation vers la performance, l’organigramme de ce ministère laisse une
place de choix pour la fonction de contrôle interne à travers l’Inspection Générale des services
administratifs et économiques et l’Inspection Générale des services budgétaires et des régies
financières. Ces structures qui ont en charge les missions de vérification des services ainsi que
des audits devront connaître un changement de cap impulsé par une volonté politique, une
réceptivité des cadres devant y exercer et dont des préalables en terme de formation seront
satisfaits. En effet, les Inspections Générales ont connu pendant longtemps une inertie liée à la
place secondaire à laquelle elles étaient reléguées dans le pilotage des activités des
départements ministériels. Aujourd’hui, ces outils d’accompagnement de la marche vers la
nouvelle gestion publique doivent sortir de leur léthargie et se positionner comme supports
essentiels à l’action des différents ministres.
En ce qui concerne, l’organisation des directions opérationnelles, la fonction de contrôle et
d’audits internes devra être généralisée. A cet effet, l’expérience des inspections des services
pourrait prospérer dans un cadre au sein duquel la culture de la performance et du reporting
serait propagée.
Dans le même esprit, l’urgence semble être aujourd’hui à la création des structures
spécialisées dans la définition des stratégies et dans le suivi de leur mise en œuvre aux fins
d’aide à la décision, l’obligation de résultats devenant de plus en plus saillante dans les
organisations.
Tous ces axes de réforme ne sauraient prospérer sans une réelle détermination des autorités à
l’échelon stratégique et sans une adhésion progressive de l’ensemble des acteurs à la culture
de la performance. De même, dans un ministère aussi important que celui des finances, la
capacité de la coordination devrait être renforcée et la démarche de responsabilisation pourra
être suffisamment développée pour permettre de décongestionner le centre. Délégation et
déconcentration34 seraient ainsi les pistes à explorer pour rationaliser le processus décisionnel
et engranger des gains de productivité substantiels.
2- Une revalorisation de la fonction juridictionnelle
La performance des finances publiques entretient un rapport étroit avec l’idée de bonne
gouvernance inscrite en droite ligne parmi les critères structurels de réalisation des
programmes économiques diligentés par les partenaires au développement. Pourtant, on peut
raisonnablement poser que sans bonne administration de la justice, pas de bonne gouvernance
dans la mesure où la fonction juridictionnelle constitue un verrou par son action de
dissuasion, de sanction et de régulation des rapports sociaux.
Comment mobiliser davantage de recettes fiscales dans le respect des règles de procédures
consacrées par la loi et en tenant compte des droits des contribuables dans un contexte de
libéralisation de la société ainsi que de l’économie ? Si dans les nations développées, le
contentieux fiscal connaît une éclosion satisfaisante, le contribuable camerounais reste
orphelin de la justice fiscale formellement consacrée mais demeurant dans une torpeur
malheureuse. En l’absence d’un réveil du juge fiscal, les performances accomplies par les
34
Bernard Abate, la nouvelle gestion publique, LGDJ, Paris
45
administrations seraient sujettes à caution parce que les garanties des assujettis seraient
ignorées en raison d’un exercice sans limites réelles du pouvoir fiscal.
Sur le plan financier, les contrôles juridictionnels des gestionnaires de crédits et des
comptables constituent des axes majeurs des réformes envisagées. L’on pourrait déplorer le
schéma de la justice financière adopté par le législateur camerounais confinant la Chambre
des Comptes au contrôle des seuls comptables. Au-delà de ce cliché réducteur, le modèle
camerounais n’intègre pas la dimension économique et comptable de la fonction du juge
financier qui fait de ce dernier non seulement un acteur au service de l’efficience mais aussi
un sujet de certification des comptes publics35. Il est vrai que la mise en œuvre de ce type de
prérogatives appelle la mobilisation de ressources en termes d’expertise et de logistique,
difficile à entrevoir dans un contexte de crise économique.
Sous un autre angle, l’implication des autres juges en matière financière serait d’un apport
indéniable pour l’assainissement des finances publiques à travers la prévention et la
répression des indélicatesses commises dans le maniement des deniers publics. Car si la
performance publique implique maîtrise de la dépense et mobilisation des ressources fiscales,
la justice constitue le rempart pour la garantie de l’Etat de droit.
Mais, il convient de relever en ce qui concerne le citoyen camerounais que l’efficacité d’une
justice se mesure aussi par la propension contentieuse des justiciables, le juge ne statuant pas
de sa propre initiative..
3- La prise en main par le Parlement de la fonction budgétaire
L’une des entraves à la mise en œuvre d’un dispositif de pilotage des performances en
finances publiques camerounaises est sans doute l’inertie de la représentation nationale dans
son ensemble. Si l’agencement actuel de l’institution porte en elle les germes d’une
philosophie constitutionnelle fondée sur la rationalisation parlementaire, on ne saurait limiter
les marges en matière de finances publiques aux considérations organisationnelles. En effet, la
fonction parlementaire financière n’est pas seulement victime de la nature régime politique où
prédomine l’exécutif, elle est aussi affaiblie par son environnement et ses composantes qui ne
favorisent pas des développements dans le sens de l’innovation.
L’environnement au sein duquel le parlement camerounais se meut est aujourd’hui
concurrentiel et dynamique en raison des chocs liés à la mondialisation ainsi qu’au
développement endogène des forces centrifuges. L’assainissement des finances publiques qui
passe par la conclusion d’accord avec les partenaires extérieurs amène les autorités publiques
à définir le cadrage budgétaire en tenant compte des paramètres exogènes appelant davantage
de performance dans les actions à mener. Comment donc rester en marge de cette vague qui
aiguillonne la marche vers la généralisation de l’obligation de résultats.
35
A ce sujet, la nouvelle législation française opère une réelle avancée en permettant à la Cour des Comptes de
procéder à la certification des comptes publics ;
46
Les élus camerounais doivent prendre davantage d’initiatives et des risques pour la
modernisation de la gestion publique par l’exercice avec hardiesse de leur droit d’initiative36
et de contrôle. Les dispositions constitutionnelles laissent tout de même des ouvertures
permettant à la fonction parlementaire de s’émanciper en innovant dans la définition du cadre
de référence des finances publiques.
Il est vrai que la prise en main par les parlementaires de la fonction budgétaire va nécessiter
des préalables en matière de cadre d’exercice du travail parlementaire, de formation des élus
ainsi que de leurs staffs, de développement d’attitudes consensuelles entre les chapelles
politiques dans le sens d’une plus grande considération de l’intérêt général37.
A cet effet, l’urgence de la fonctionnarisation en aval des savoirs managériaux devra donc
s’accompagner en amont d’une politisation des enjeux contemporains de la gestion fondée sur
la performance. Car, l’Administration peut être immergée de la nouvelle perception de la
conduite des affaires publiques mais l’impulsion politique du parlement est un gage de
réussite comme le démontrent les expériences étrangères. Comme le précise Irène
BOUHADANA, « le parlement doit consacrer une attention particulière aux transformations
qui affectent les règles du droit budgétaire et financier afin de veiller au bon fonctionnement
de la démocratie. A cet égard, les commissions des finances des assemblées ont un rôle
déterminant à jouer puisqu’elles sont le lieu où se révèlent avec force les évolutions du droit
budgétaire et financier »38.
B
Les apports normatifs à la réforme
L’édiction de la norme est un pré requis de l’Etat de droit en ce sens que tous le sujets doivent
connaître les règles de jeu propres à orienter leur action quotidienne. La révolution culturelle
que va entraîner l’introduction du pilotage des performances en finances publique devra
passer par des fondements juridiques constituant les bases de références de l’action publique
surtout dans le contexte camerounais à forte prédominance de la règle de droit. Il ne s’agira
pas d’écrire à nouveau des très beaux textes mais surtout de pouvoir en assurer la saine
application dans le sens de la mise en œuvre effective du mode de gestion qui se veut axé vers
les résultats.
36
On ne cessera de relever que la réforme de la gestion publique en France d’une proposition de loi de
l’Assemblée Nationale qui a vu l’adhésion du Sénat afin d’aboutir la loi du 1er Aout 2001 relative aux lois de
finances.
37
Le changement de cap par l’introduction de la performance en matière de finances publiques marque un retour
en force du parlement dans le jeu démocratique. La contribution Fabrice ROBERT est édifiante à ce propos la
rénovation des pouvoirs du parlement, la loi organique relative aux lois de finances, RFFP, n°76, Novembre
2001.
38
BOUHADANA Irène, vers un nouveau rôle des commissions des finances des assemblées parlementaires, in
Réformes des finances publiques, démocratie et bonne gouvernance, Actes de la première université de
printemps de finances publiques du GERFIP, LGDJ, Paris, 2004.
47
1- L’introduction des dispositions relatives à la performance dans le régime financier de
l’Etat.
Le dispositif juridique camerounais de finances publiques est en voie de transformation
depuis le début des années 2000 dans le cadre d’une matrice de mesures élaborée en
partenariat avec l’Union Européenne et sur la base du mémorandum de politiques
économiques et financières.
Dans cette perspective, trois textes sont en chantier : La loi portant régime financier de l’Etat,
le décret portant règlement général sur la comptabilité publique et l’instruction sur les
comptes des ordonnateurs. Ces trois textes rationalisent le cadre juridique des finances
publiques nationales à travers une meilleure organisation et répartition des responsabilités
entre les acteurs. La présentation des documents budgétaires fait aussi ressortir des fonctions,
des objectifs et des programmes dans la mesure où « les crédits ouverts par les lois de
finances pour couvrir chacune des charges budgétaires de l’Etat peuvent être regroupés par
programmes attachés aux objectifs fonctionnels. Ces crédits doivent concourir à la réalisation
d’un objectif relatif à une même fonction.… Des indicateurs permettent de mesurer les
performances atteintes au regard des objectifs »39.
Toutefois, l’examen de l’ensemble des textes et particulièrement celui portant régime
financier de l’Etat ne fait pas ressortir de manière bien affinée des dispositions relatives à la
philosophie de la performance. A l’échelon politique, l’élaboration de la loi de finances et son
exécution n’appellent pas d’obligations de résultats comme on aurait pu le souhaiter dans un
contexte de mutation et de modernisation de la gestion publique en général.
Comparativement au dispositif français instauré par la LOLF, les réformes camerounaises ne
semblent pas à ce jour intégrer les projets annuels de performances en amont et le rapport
annuel de performance en aval40. De même, les dispositions relatives à la discussion
budgétaire en phase de préparation n’annoncent pas pour l’avenir des conférences budgétaires
dynamiques rompant avec la pratique désuète des services votés et mesures nouvelles.
En choisissant le cap d’une gestion publique orientée vers la performance, le cadre juridique
régissant le régime financier de l’Etat devra connaître une transformation en profondeur en
intégrant non seulement la logique de la régularité mais surtout les exigences techniques du
management moderne. Les acteurs du système camerounais des finances publiques se
sentiraient ainsi liés par les règles posées par un législateur de plus en plus impliqué par la
gestion effective des deniers publiques.
39
40
Article 15 et 16 du projet de loi portant régime financier de l’Etat.
Article de la loi organique relative aux lois de finances
48
2- Renforcer les législations et réglementations sectorielles dans le sens du management
par objectifs.
S’il est urgent d’adapter le cadre général des finances publiques camerounaises à la nouvelle
donne de la gestion par la performance, les résultats d’une telle démarche seraient creux en
l’absence d’une extension de la philosophie vers les autres secteurs d’activités.
Les finances publiques camerounaises doivent sortir de leur conception traditionnelle limitée
à la sphère étatique et surtout de leur cantonnement à l’activité du Ministère de l’Economie et
des Finances, chef de file dans la conduite des réformes dans le cadre des programmes
économiques et financiers. L’introduction de la gestion par les résultats devra s’étendre dans
tous les ministères ainsi que les démembrements territoriaux et spécialisés de l’Etat appelés à
manier des deniers publics, les finances publiques contemporaines étant devenues un système
composite, hétérogène et asymétrique engendrant des désordres et en quête de cohérence41.
Au-delà de la gestion matérielle des finances publiques, l’objectif premier de cohérence
viendrait de la nécessité de conformer les législations et réglementations sectorielles à la
logique de la performance. Ainsi, les politiques publiques qui n’intégreraient pas de gestion
orientée vers les résultats se trouveraient naturellement en déphasage dans le cadre du pilotage
d’ensemble. A cet effet, une plus grande demande de coordination se fera ressentir à l’échelle
stratégique de l’Etat aujourd’hui fortement engluée dans le carcan de la routine administrative
et des résistances à l’innovation.
De même, les échelons intermédiaires de l’Administration portent une lourde responsabilité
quant à la bonne implémentation de la démarche de performance en tant que relais auprès des
« publics » de plus en plus exigeants en satisfaction de besoins et en qualité de service.
Cette ambition de législation et de réglementation prenant en compte l’obligation des résultats
ne pourrait prospérer si elle ne trouve pas dans sa mise en œuvre une adhésion des usagers de
plus en plus regardants sur l’utilisation faite du produit des prélèvements fiscaux ainsi que du
traitement réservé à l’usager dans l’administration du service public42.
3- Le Cameroun à l’épreuve des transformations du droit des finances publiques
Le renouvellement des outils de pilotage des finances publiques ne saurait faire fi des
évolutions que connaît cette matière tant sur le plan normatif que le plan pédagogique. Au
Cameroun, l’accent mis par les autorités pour l’assainissement des finances publiques est
étroitement lié aux politiques mises en œuvre pour assurer le redressement économique.
On observe dès lors une montée en puissance des finances publiques au rang des leviers
prioritaires de l’action gouvernementale dans ses rapports avec les bailleurs de fonds
internationaux. Mais dans le contexte camerounais comme ailleurs, la perception du droit des
finances semble évoluer dans le sens d’une pluridisciplinarité impliquant à la fois des savoirs
juridiques et extra juridiques. Au moment où ce pays faisait ses premiers pas après
41
Sur cette vision systémique des finances publiques contemporaines, HERZOG Robert, A la recherche d’une
théorie du système financier public complexe, in Constitution et Finances publiques, Etudes en l’honneur de
Loic Philip, Economica, Paris 2005.
42
L’un des moteurs prépondérants de la nouvelle gestion publique est la qualité du service fourni à l’usager
49
l’indépendance, la logique juridique constituait le socle sur lequel était bâti le système
financier public, les exigences de cette époque étant le décollage pour le développement et la
consolidation de l’unité nationale.
Aujourd’hui, les données ont considérablement changé au moment où une crise économique
s’abat impitoyablement sur le Cameroun. La logique économique affecte désormais
l’ensemble des réformes envisagées par les autorités et les outils mis à contribution se
trouvent transformés en conséquence. Le régime des finances publiques connaît une
extension43 qui englobe à la fois la sous région Afrique Centrale, l’Etat, les établissements
publics, les collectivités territoriales décentralisées, la sécurité sociale, les associations
reconnues d’utilité publique…
Dans cet ordre d’idées, la rationalité managériale qui voyait un monopole du secteur privé va
envahir progressivement le secteur public au point où « l’entrecroisement des rationalités
juridique et managériale va se traduire par le double processus contraire de managériarisation
du droit mis au service de l’efficacité administrative et de juridicisation du management,
confortant l’impératif de régularité »44.
Afin d’introduire un pilotage idoine des performances en finances publiques camerounaises,
les évolutions des règles juridiques en la matière devront tenir compte des exigences
économiques et managériales propres à accompagner le changement de cap envisagé. Car
comme le souligne fort à propos Jacques Caillosse, « le juriste et le manager finissent sans
doute aujourd’hui par avoir partie liée. Chacun cherchant dans les excès et les insuffisances de
l’autre la justification de sa posture personnelle. Par ce mécanisme de dénégations croisées,
un système de gestion relativement stable a fini par s’imposer. Droit et management travaille
en interaction au soutien d’une même cause »45.
L’approche pluridisciplinaire qui emporte les finances publiques aujourd’hui est
incontournable pour la modernisation de la gestion publique au Cameroun.
SECTION II
DES PESANTEURS SOCIOLOGIQUES A DEPASSER
Les reformes en cours dans les pays en voie de développement portent sur des critères
structurels et sur des critères quantitatifs. Une telle approche bien que porteuse dans
l’ensemble, devrait se voir renforcée par des interrogations de nature purement sociologiques
qui verraient une adhésion globale des différents acteurs ainsi qu’une focalisation vers
43
Pour une réflexion plus générale, OLIVA Eric,
Essai de définition normative du domaine des finances
publiques, in Constitution et Finances publiques, Etudes en l’honneur de Loic Philip, Economica, Paris 2005.
44
CHEVALIER Jacques et LOSCHAK Danièle, Rationalité juridique et rationalité managériale dans
l’Administration française, Revue Française d’Administration Publique, N°24, 1982 ;
45
CAILLOSSE Jean, Les figures croisées du juriste et du manager dans la politique française de réforme de
l’Etat, Revue française d’Administration Publique, N°105/106, 2003, 121-134, ENA 2003.
50
l’objectif recherché à savoir l’exigence de plus de performance en matière de pilotage des
finances publiques.
A
Un renouvellement de la conduite de l’action publique
La définition et la mise en œuvre des politiques publiques étaient un devoir de l’Etat à travers
des ressources publiques mobilisées dans le cadre du budget. Aujourd’hui, la réalité est à un
système multipolaire d’agencement des finances publiques appelant une prise de conscience
de l’élite, une implication de la communauté internationale et une rénovation dans la gestion
des ressources humaines.
1- Le rôle de l’élite pour l’éclosion de la nouvelle gestion publique
Les mutations qui s’opèrent dans la société sont tirées par des forces dont les plus
remarquables constituent l’élite politico administrative. Au Cameroun, la prise en compte de
la performance dans la mise en œuvre de l’action publique interpelle au premier chef, le
personnel politique que soutien la grande technocratie.
S’agissant des politiques, le rôle moteur concerne les élus à tous les échelons. Au niveau
national, parlementaires représentants du peuple et le Président de la République à qui
incombe la définition de la politique de la nation46 se doivent de fixer des objectifs
stratégiques en matière de politiques publiques et en suivre la mise en œuvre à travers une
démarche d’évaluation.
Il est vrai que la culture de l’évaluation n’est pas encore ancrée dans les mœurs
administratives camerounaises au même titre que dans d’autres contextes nationaux. En effet,
l’évaluation s’inscrit aujourd’hui dans les pratiques comme un gage d’efficacité et de mesure
à moyen terme et à long terme des résultats concernant les politiques publiques.
En ce qui concerne, la grande technocratie, le Cameroun a réussi à bâtir une élite
administrative formée en grande partie à l’Ecole nationale d’Administration et des
Magistrature. Mais, en matière d’appropriation d’une culture de la performance publique, la
production de cette institution reste en retard par rapport aux évolutions de la gestion publique
contemporaine. Sans toutefois, préconiser la mise en œuvre d’un prêt-à-porter managérial
importé, il convient d’entrevoir une action administrative empreinte de transparence et habitée
par le souci de performance. Les hauts fonctionnaires qui assurent la conduite des affaires à
travers les différents départements ministériels sont interpellés dans ce mouvement à travers
l’exécution des feuilles de route préconisées au plus haut niveau de leur hiérarchie.
Ainsi, on pourra dans le contexte camerounais trouver la communion entre le politique et
l’Administratif sur la base de la perception commune de l’idée de la performance publique.
46
Article de la Constitution
51
2- L’apport de la coopération internationale pour la prise en compte de la performance
Plus que jamais, la vie publique camerounaise se trouve extravertie du fait de la forte emprise
de la communauté financière internationale dans la définition des politiques publiques. En
matière économique, la politique budgétaire est orientée vers l’assainissement dans le sens
d’une plus grande discipline et vers plus de transparence.
Les administrations d’assiette et les gestionnaires de crédits sont impliqués dans les
négociations relatives au cadrage budgétaire et se voient astreints à des contraintes de résultats
évaluées par les bailleurs de fonds dans le cadre des revues trimestrielles. Les fonctionnaires
en service dans ces structures se trouvent au cœur des réformes impliquant des
transformations en profondeur de leur mode habituel de fonctionnement et de leur culture
administrative fortement endurcie par les travers d’une bureaucratie qui tarde à s’arrimer à la
nouvelle donne managériale. Mais la pression qu’impulsent les bailleurs de fonds entraîne des
changements de mentalités qui au départ sont douloureuses mais qui à la longue commencent
à constituer des transformations normales des manières de faire dans les Administrations. Le
personnel administratif camerounais devrait profiter de ce contexte d’alerte maximale pour
réécrire son histoire par la mise en management de ses talents au profit de la performance.
Par ailleurs, l’aide au développement continuera d’être conditionnée par le respect des
critères de performance en matière de bonne gouvernance, de respect des droits de l’homme et
de l’Etat de droit, de la rigueur et la transparence dans la gestion des affaires publiques. Dès
lors si l’aide est accordée à ceux qui le mérite effectivement, des efforts endogènes seront à
accomplir pour plus de performance dans la gestion des finances publiques. En ce sens, des
résultats sont perceptibles dans la mobilisation des ressources fiscales et douanières tandis que
des efforts sont déployés pour une bonne maîtrise de la dépense publique à travers les
départements ministériels. En ce qui concerne, les programmes de coopération, la gestion des
projets intègre davantage la culture des résultats et la transparence en matière financière.
3- Une nouvelle approche pour la gestion des ressources humaines
L’essor de la gestion par la performance appelle un renouvellement d’approche en terme de
constitution et d’utilisation des ressources humaines. Outre le volet formation qui exige des
transformations en profondeur en matière d’enseignement des disciplines liées aux finances
publiques47, la formation permanente et la formation continue devront connaître une
revalorisation dans l’ensemble des corps de métiers. Ainsi, les cadres des Administrations
financières confrontés au quotidien à des exigences d’adaptation de leurs techniques de
gestion seront amenés à mettre en place des programmes de recyclage appropriés et
approfondis en rapport avec les enjeux ainsi que les grandes orientations stratégiques. Il serait
dans cette optique impératif d’exiger des écoles de formation, une révision du contenu des
programmes dans le sens d’une plus grande professionnalisation des enseignements ainsi
qu’une certaine ouverture vers l’innovation managériale.
47
« La première orientation prioritaire est de renforcer la place des finances publiques au sein de l’université.
Les finances publiques doivent devenir une discipline carrefour, avec une vision intégrée de l’approche
juridique, financière, comptable, économique et managériale, traitant à la fois des aspects recettes et dépenses ».
BARILARI André, les finances publiques dans la société d’aujourd’hui, in Finances publiques : scénarios pour
demain, N°87, Septembre 2004, LGDJ.
52
En ce qui concerne, la gestion proprement dite des ressources humaines, de nouveaux axes
stratégiques devront être explorés aux fins d’accompagner de la meilleure manière la
démarche de gestion par la performance. A cet effet, il conviendrait d’aménager le cadre de
gestion du personnel dans le sens d’une plus grande flexibilité même s’il est vrai que la
fonction publique camerounaise demeure une administration de carrière et que le
fonctionnaire reste placé en son sein dans une situation légale et réglementaire. Dans cette
perspective, on pourrait décongestionner la gestion du personnel de l’Etat dans le sens d’une
plus forte responsabilisation des chefs de départements ministériels utilisateurs. De même,
afin de consolider la gestion orientée vers les résultats, le développement de la rémunération
au rendement pourrait connaître un essor et progressivement diffusé dans la majorité des
services à l’instar des usages en cours dans les Administrations des douanes, impôts et trésor.
Il est vrai que la consécration et la généralisation de cette pratique appelle l’existence ou la
mobilisation d’un surcroît de ressources mais il reste que « le système de bonus ne joue pas
sur l’augmentation de salaire, mais constitue une vraie prime, dont le maintien et le niveau ne
sont nullement garantis l’année suivante »48.
Par ailleurs, le management par objectifs qui implique une démarche prévisionnelle dans le
cadre des dispositifs de planification stratégique devra être en phase avec le mode de gestion
des ressources humaines appelées à mettre en œuvre les actions au quotidien. L’occasion est
ainsi ouverte aux Administrations d’expérimenter des démarches innovantes comme la
gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC)49 par laquelle les
organisations recherchent l’adéquation, qualitative et quantitative, à moyen terme, de leurs
besoins et ressources en personnels. Une démarche embryonnaire de cette nature a été
expérimentée au sein de l’Administration fiscale camerounaise dans le cadre de son plan de
modernisation horizon 2010 de se préparer à la mise en œuvre des projections
macroéconomiques prévues par le Document de Stratégie pour la Réduction de la pauvreté
(DSRP).
Cette expérience devra connaître un approfondissement des techniques de prévision, une
bonne maîtrise du fichier du personnel avant de prétendre à une diffusion auprès des autres
administrations confrontées à la gestion prévisionnelle de leurs effectifs.
En plus, le renforcement des capacités des Administrations en personnel devra aussi
constituer un axe stratégique à consolider. Les pistes à explorer dans ce contexte sont à la fois
quantitative et qualitative afin d’assurer une mise en cohérence entre les missions des
organisations et les effectifs permettant de les accomplir avec efficacité, et efficience. Le but
recherché étant in fine, un bon investissement en ressources financières, une allocation de
deniers publics conforme aux exigences de performance en cohésion avec la gestion
rationnelle des effectifs à moyen et à long terme. En effet, « on ne peut développer une culture
de la performance et de résultat que si chaque agent, chaque fonctionnaire se sent
responsabilisé et motivé pour améliorer sa propre prestation, le résultat collectif n’étant jamais
que l’addition des résultats individuels »50
48
Henri Guillaume, Guillaume Dureau, Franck Silvent, Gestion Publique, l’Etat et la performance, Presses de
sciences po et Dalloz, Paris 2003.
49
Dictionnaire des ressources humaines, Jean Marie PERRETI, 3ème édition, Vuibert, page 120.
50
Parini Philippe, les adaptations des Administrations financières, Finances publiques : scénarios pour demain,
RFFP, N°87, Septembre 2004.
53
Planning des départs à la retraite horizon 2008
(Fonctionnaires des Catégories A et B, et Contractuels de la 8ème à la 12ème catégorie)
Centres
Adamaoua
Centre I
Centre II
Est
Extrême Nord
Littoral I
Littoral II
Nord
Nord-Ouest
Ouest
Sud
Sud-Ouest
SOUS-TOTAL I
Services Centraux
SOUS-TOTAL II
TOTAL GENERAL
2004
2
13
1
0
0
7
3
0
3
2
1
2
34
6
6
40
2005
1
9
1
1
0
2
0
0
3
6
1
2
26
5
5
31
2006
0
3
5
0
0
6
2
0
2
4
1
1
24
6
6
30
2007
1
16
2
0
1
5
4
3
1
1
1
3
38
8
8
46
2008
0
17
6
2
2
9
3
1
2
4
3
1
50
11
11
61
TOTAL
4
58
15
3
3
29
12
4
11
17
7
9
172
36
208
Il s’agit ici des personnes qui partent à la retraite à 55 ans.
Planning des départs à la retraite horizon 2008
Personnes détentrices de postes de responsabilité
(Fonctionnaires des Catégories A et B, et Contractuels de la 8ème à la 12ème catégorie)
Centres
CS
2004
CSA
Total
CS
2005
CSA
Total
SD
CS
2006
CSA
Total
SD
0
2
2
0
0
2
1
0
1
1
0
1
10
0
3
5
0
0
5
1
0
2
3
1
1
21
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
0
0
1
CS
2007
CSA
Total
SD
0
4
0
0
1
2
0
0
1
1
0
1
10
1
8
2
0
1
3
3
3
1
1
1
2
26
0
0
0
1
0
0
0
0
0
1
0
0
2
CS
2008
CSA
TOTAL
Total
Adamaoua
Est
Centre I
Centre II
Extrême-Nord
Littotal I
Littoral II
Nord
Nord-Ouest
Ouest
Sud
Sud-Ouest
SOUS-TOTAL
2
4
0
0
0
4
1
0
2
2
1
2
18
0
5
1
0
0
2
1
0
1
0
0
0
10
28
SD :
Sous-Directeur
2
9
1
0
0
6
2
0
3
2
1
2
28
0
4
1
0
0
0
0
0
1
3
1
1
11
0
1
0
1
0
2
0
0
1
3
0
0
8
0
5
1
1
0
2
0
0
2
6
1
1
19
19
0
0
0
0
0
1
0
0
0
0
0
0
1
0
1
3
0
0
2
0
0
1
2
1
0
10
21
CS : Chef de Service
1
4
2
0
0
1
3
2
0
0
1
1
15
26
0
7
5
1
1
3
3
1
1
2
1
1
26
38
0
2
0
1
0
4
0
0
1
1
1
0
10
0
9
5
3
1
7
3
1
2
4
2
1
38
CSA : Chef de Service Adjoint
Source : Sous Direction des ressources humaines et
Affaires générales de la Direction Générale des Impôts
54
3
34
14
4
2
23
9
4
10
16
6
7
132
132
B
Une appropriation des outils managériaux au service des
finances publiques
La diffusion des bonnes pratiques liées au New Public Management apparaît de nos jours
comme un impératif pour les nations confrontées à des déséquilibres macroéconomiques et
recherchant les voies et moyens permettant d’assurer un pilotage efficace de l’action publique.
La demande en outils managériaux est plus forte en matière de finances publiques en raison
de la place qu’occupent ces dernières dans le dispositif de conduite des politiques publiques
mises en œuvre par les collectivités. L’une des pistes les plus porteuses semble être
aujourd’hui le contrôle de gestion comme dispositif de pilotage des performances. Mais il est
aussi urgent de prévenir les risques de gestion par l’institution d’une fonction de contrôle et
d’audit performante au sein des organisations tout en assurant une bonne conduite des
changements.
1- L’introduction du contrôle de gestion comme dispositif de pilotage
L’option irréversible pour la démarche de performance implique un renouvellement des
techniques de gestion ainsi que le développement des meilleures pratiques au sein des
Administrations. La Direction par objectif (DPO) expérimentée au sein de l’Administration
fiscale a connu un succès au point d’inspirer des structures similaires dans l’exécution de
leurs activités. Pourtant, il faut reconnaître que la mise en œuvre de ce mode de management
n’a pas été exempte de quelques faiblesses :
-très forte prise en compte des objectifs quantitatifs de mobilisation des recettes
fiscales au détriment d’un travail de qualité ;
-manque de sélectivité et de lisibilité des indicateurs de performances ;
-faible implication des échelons inférieurs à la définition des objectifs et surtout des
moyens associés pour leur réalisation ;
-défaut de fiabilité des données soumises à analyse et évaluation en raison d’un
système d’information défectueux dominé par une informatique beaucoup plus axée
sur la bureautique ;
-suivi approximatif des plans d’action des structures et remontée insignifiante des
informations nécessaires à la réorientation des stratégies.
-déficit de probité de la part de certains agents publics dévoyant le dispositif de
pilotage et de suivi ;
-impréparation des agents à la gestion orientée vers la performance…
Face à toutes les insuffisances décelées dans le cas qui aurait pu servir de modèle en
terme de pilotage des performances, l’urgence est aujourd’hui à une meilleure élaboration
d’un dispositif de management par objectifs51. A cet effet, une des pistes porteuses pourrait
être l’appropriation par les Administrations du contrôle de gestion comme « source de défis
51
Certains auteurs préfèrent actuellement parler de management par objectifs, trouvant la Direction par Objectifs
vieillie car développée aux années 1950 dans le secteur privé. Mais au Cameroun et particulièrement au sein de
l’Administration fiscale la DPO est déjà fortement enracinées dans les esprits au point où tout revirement de
terminologie devrait s’accompagner d’une bonne gestion de changement.
55
pour les gestionnaires de l’Administration »52. En France, le Comité interministériel à la
réforme de l’Etat a donné une nouvelle impulsion à la démarche de la performance en faisant
de la généralisation du contrôle de gestion dans les Administrations de l’Etat un des axes
centraux de la modernisation de la gestion publique53. Ainsi la fonction de contrôle de gestion
va sortir de sa présence dans le secteur marchand pour conquérir le secteur public en
s’adaptant à ses contraintes.
Au Cameroun, le contrôle de gestion dans le secteur public peut apparaître comme une
discipline nouvelle dans la mesure où celui était resté confiné dans les pratiques du privé.
Pourtant, cette discipline permet aux Etats « d’assainir leur gestion publique, d’offrir aux
usagers un service public de qualité en adéquation avec leurs attentes. Pour un jeune pays
comme le Cameroun, confronté à des maux tels que la corruption, la mauvaise gestion des
ressources publiques, l’introduction d’un contrôle plus rigoureux et bien pensé peut être une
puissante arme contre les maux qui minent son développement… »54.
En ce qui concerne la Direction générale des Impôts qui disposait déjà d’un mécanisme de
management par objectifs, l’introduction du contrôle de gestion va tendre à
l’approfondissement des techniques de projections des objectifs, à l’affinement des méthodes
de suivi et au perfectionnement du dispositif d’évaluation existant aux fins de le rendre plus
efficace55. De même, les organigrammes en cours d’élaboration dans les Ministères accordent
une place de choix au pilotage des performances à travers l’outil contrôle de gestion même si
ce dernier reste une matière à définir et à diffuser dans l’ensemble du secteur public. Au
Ministère de l’Economie et des Finances, la vision stratégique fondée sur le pilotage des
performances a entraîné la création auprès du Secrétaire Général d’une Cellule de Suivi
appelée à accompagner un dispositif de Suivi-évaluation des activités des différentes
directions opérationnelles. Dans la même optique, l’Administration Fiscale envisage de créer
une Division des Etudes et des Stratégies qui aura entre autres missions d’assurer le pilotage
des performances à travers le contrôle de gestion.
Si le paysage administratif camerounais présente des atouts réels en terme d’accoutumance à
la vision pluriannuelle des objectifs et de ressources humaines appropriées, il reste que des
efforts sont à déployer par les autorités publiques qui doivent dépasser le stade des catalogues
d’intentions pour passer à celui de l’action56. A cet effet, il serait pressant de préparer les
agents chargés d’assurer le pilotage des finances publiques à la « dictature des résultats » à
travers :
-l’introduction du contrôle de gestion dans le programme de formation initiale et
continue ;
52
Gibert Patrick, Préface dans le Contrôle de gestion dans les Administrations de l’Etat, Eléments de
méthodologie, Ministère de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de l’aménagement du territoire,
Juin 2002.
53
Circulaire interministérielle du 21 Juin 2001 relative au contrôle de gestion dans les Administrations publiques
française.
54
ATECK A DJAM Félix, Introduction du contrôle de gestion au Cameroun, mémoire présenté en vue de
l’obtention du master en Administration publique, ENA, Octobre 2003.
55
Dans cet esprit, le Directeur Général des Impôts à signé l’instruction N° du 22 Juillet 2005 relative au suivi des
performances de la Direction Générale des Impôts en vue de préparer ses collaborateurs au nouveau cap de
Direction Par Objectifs.
56
ATECK A DJAM, op cit….page 68
56
-une adaptation de cette discipline au secteur public en général et aux réalités
sociologiques du Cameroun en particulier ;
-un renforcement en personnel de qualité aux échelons stratégiques de
l’Administration publique et une internalisation effective des savoirs managériaux
innovants ;
-une meilleure dotation des services en ressources matérielles ;
-une amélioration des capacités et de la qualité des systèmes d’information à
travers l’automatisation et la dématérialisation en fonction des enjeux et des
possibilités propres à chaque organisation ;
-un développement de la culture du résultat à travers la réaffirmation de rendre compte
en matière de finances publiques ;
-la diffusion du contrôle de gestion ainsi que son placement au cœur de la démarche de
la performance au sein l’Etat ainsi qu’à ses démembrements que sont les
établissements publics, les entreprises publiques ainsi que les collectivités
décentralisées.
2- Un recentrage urgent de la fonction contrôle en finances publiques
Dans des contextes de plus en plus exposés aux rigueurs de la discipline budgétaire exigées
par les bailleurs de fonds en vue du redressement économique, la fonction de contrôle des
finances publiques s’érige naturellement en dogme de suivi de gestion.
Pour en arriver à un système optimal de pilotage des performances, les opérateurs du service
public doivent se sentir sous pression et surtout sous contrôle permanant. A cet effet, le
premier axe de contrôle se situe au niveau politique par une réhabilitation du Parlement dans
ses prérogatives budgétaires à travers une présentation des documents budgétaires plus lisibles
et auditables. Ensuite, plus de responsabilisation quant à la surveillance de la mise en œuvre
des politiques publiques par une budgétisation orientée vers les résultats ainsi qu’un usage
effectif des armes dont cet organe est doté de par la Constitution57.
En ce qui concerne, le contrôle juridictionnel et sans préjudice de la mise en œuvre effective
de la Chambre des comptes, la question se résume en une réactivation de tous les pôles de
justice concernés par les litiges relatifs aux finances publiques. Dans une approche systémique
du droit processuel financier, il reviendra au juge constitutionnel de censurer les dispositions
législatives s’inscrivant dans une logique contraire à la philosophie ambiante de la
performance, au juge judiciaire de réprimer les infractions liées aux maniements indélicats des
deniers publics, au juge fiscal de veiller à l’équilibre entre les droits du contribuable et les
pouvoirs du fisc.
S’agissant du contrôle et de l’audit internes, le plus important n’est pas aujourd’hui la
multiplication des organes comme on peut à juste titre le relever pour le déplorer. En matière
de Finances publiques au Cameroun, une institution supérieure de contrôle au-dessus de
laquelle un Ministre Délégué rattaché à la Présidence de la République : Le Contrôle
Supérieur de l’Etat. Au sein des Ministères, l’organisation prévoit des Inspection Générale
57
Questions écrite et orale, commissions d’enquête, motion de censure, pouvoir d’amendement certes restreint,
initiative à travers des propositions de lois…
57
ainsi que des Inspections de Services au sein des Directions pour assurer le contrôle interne et
l’audit. Par ailleurs, le Ministère de l’Economie et des Finances emploie en son sein une
structure de contrôle budgétaire et des contrôleurs financiers déployés dans l’ensemble des
organismes publics dépensiers.
Si le principe de l’institution de cette armature de contrôle est louable quant à l’objectif
recherché, il n’en demeure pas moins vrai que l’efficacité et l’efficience de ces modes de
fonctionnement semble sujet à caution, tellement le mal apparaît profond en ce qui concerne
les finances publiques camerounaises.
Le mieux ne serait pas la solution radicale consistant en la suppression des organes de
contrôle interne au sein de l’Etat. Il conviendrait simplement de rationaliser l’activité de ces
structures à travers :
-la nomination à des fonctions d’inspection et de contrôle de personnes compétentes et
motivées ;
-l’exploitation effective dans le processus décisionnel des rapports issus des corps de
contrôle ;
-la prise en compte par les décideurs publics des recommandations consécutives aux
audits ;
-le renforcement des capacités d’intervention des structures de contrôle ;
-l’intériorisation des vertus de la fonction de contrôle par tous managers à l’échelle
stratégique ;
-l’évolution de la mission de contrôle de la régularité vers l’obligation de
performance ;
-la délimitation du champ des activités en précisant la nature des actions à mener en
différenciant contrôle et audits ;
-formation des cadres face aux évolutions des techniques en vue de minimiser les
risques ;
Les reformes à engager sont à la hauteur des ambitions affichées et leur mise en management
mérite d’être méthodique et réaliste.
3- Un management réaliste pour un pilotage performant des finances publiques
Les grandes orientations concernant l’intégration de la démarche de performance en finances
publiques connaîtront un succès si le processus de management est mené avec à travers une
approche réaliste et adaptée. Les conditions d’une symbiose entre management stratégique et
management opérationnel58 devront être réunies par les acteurs d’une réforme aussi
ambitieuse.
S’approprier les savoirs managériaux constitue certes un préalable, mais ce serait remplir une
condition nécessaire mais pas suffisante pour une intégration de la performance au rang des
priorités des finances publiques camerounaises. En effet, le management ne saurait être un
58
Le management stratégique consiste à élargir son horizon et à dépasser l’immédiat pour mettre en perspective
l’action de l’entité dont le cadre a en charge tandis que le management opérationnel se caractérise par un
horizon de court terme pour le fonctionnement de l’organisation dont on a la charge au quotidien. Alecian Serge,
Dominique Foucher, le management dans le secteur public, Editions d’Organisation, Paris, 2002.
58
ensemble de connaissances théoriques sans prise sur la pratique quotidienne des
organisations. La sensibilité de la question est d’autant plus criarde que l’implémentation des
mesures concernant la conduite des affaires publiques se heurte de front à des réalités diverses
qui font aussi bien la force que la faiblesse du Cameroun59 : diversité sociologique à prendre
en compte dans la conduite de l’action publique, biculturalisme et bilinguisme officiel
s’agissant du français et de l’anglais, forte patrimonialisation de la chose publique,
technocratisation du politique et politisation de l’Administratif, résistances diverses aux
réformes…..
Le Cameroun n’est pas seulement malade de ses finances publiques du fait de la morosité
économique, il est surtout un grand chantier de rénovation de l’ensemble de son système
financier public dont la conduite du changement appelle beaucoup de circonspection et
d’imagination.
Les bouleversements institutionnels, économiques et technologiques que connaît ce pays
depuis plus d’une décennie appellent des mesures d’accompagnement dont l’effectivité serait
gage de succès. La perception des réformes en matière de Finances Publiques par les acteurs
n’est pas toujours sans rapport avec les rapports de force existants ainsi que la subjectivité qui
entoure le sujet appréciant face à l’objet apprécié. Comme quoi il est difficile de mener des
réformes dans le cadre d’une organisation ou d’une activité à laquelle on est concerné,
tellement les exigences peuvent apparaître contradictoires. Dans le contexte camerounais, si
les forces extérieures à l’instar des syndicats ne disposent pas d’une influence très forte
susceptible d’entraver la réalisation d’une réforme, les schémas mentaux des fonctionnaires
sont de nature à constituer des obstacles dans la mise en œuvre des mesures innovantes.
Le changement de cap vers la démarche de performance dans les finances publiques devra
donc s’accompagner d’un dispositif de communication transversal entraînant une mobilisation
des énergies et une focalisation vers les référentiels de la nouvelle gestion publique. Les
acteurs d’une réforme d’une telle ampleur devront être capables d’échanger, de communiquer
sur le bien fondé du redressement des finances publiques à travers la culture de la
performance.
59
On qualifie le Cameroun d’Afrique en miniature en raison de sa diversité qui bien appréhendée constitue une
richesse mais mal orientée pourrait s’avérer une faiblesse.
59
CONCLUSION GENERALE
Les finances publiques offrent un cadre propice pour l’introduction de la gestion par la
performance dans la conduite des affaires publiques. Dans les pays en développement comme
le Cameroun où le redressement économique passe par l’assainissement des finances
publiques, la démarche de performance constitue un outil de pilotage et d’évaluation porteur
d’espoir. Loin de l’attitude mimétique qui consiste à transposer les techniques et pratiques
usitées dans les pays occidentaux dans le pilotage de l’action publique, la problématique de la
performance se pose avec acuité dans l’espace de gestion des pays africains confrontés à des
crises socioéconomiques les plaçant sous la tutelle des institutions financières internationales.
Les programmes économiques et financiers mis en œuvre par le FMI et la Banque Mondiale,
sont des exemples de pilotage des activités orientés vers la performance. La démarche ainsi
adoptée se doit d’être déclinée sur l’ensemble de la chaîne de gestion d’un pays aux fins
d’assurer une certaine cohérence des opérations de gestion.
Au Cameroun, le management par objectifs s’inscrit progressivement dans les habitudes
administratives malgré des pesanteurs sociologiques et un cadre normatif et institutionnel pas
encore adaptés aux réformes. La culture des résultats en devenir, se heurte à des élans
conservatistes inhérents à tout processus de changements de grande ampleur. Surtout que la
gestion publique à orienter vers les résultats entraîne de la transparence et permet de prévenir
des écueils et dérapages s’écartant de la bonne gouvernance. Le changement de cap vers la
démarche de performance devra donc s’accompagner de réformes structurelles et normatives.
Mais, tout ne se limitera pas à des bouleversements juridico institutionnels qui ne seraient pas
du tout efficace en l’absence d’une politique volontariste accompagnée de changements de
mentalités propice à la pénétration de la culture des résultats dans tous les pans de
l’Administration publique. L’expérience embryonnaire de la Direction Générale des Impôts
reste à approfondir au moment où les autres services publics commencent à peine à songer à
une gestion publique orientée vers les résultats. Les réformes envisagées devront sortir de
l’importation des modèles managériaux ayant cours dans les autres pays pour mettre à
contribution tout le capital d’imagination et d’ingéniosité devant permettre la mise en œuvre
d’un type de management des finances publiques adapté aux réalités camerounaises mais
conciliable avec les standards internationaux.
60
ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE
Manuels
Finances publiques
.
BOUVIER (Michel), ESCLASSAN (Marie Christine) et LASSALE (Jean Pierre), finances
publiques, 6ème éd., LGDJ, 2002 ;
LEKENE DONFACK (Etienne), finances publiques camerounaises, Berger-Levrault, 1997 ;
PHILIP (Loïc), Finances publiques, éd., Cujas, 2000, t. 1 : les dépenses publiques/le droit
budgétaire ; t. 2 : les recettes publiques : le droit fiscal ;
SAIDJ (Luc), finances publiques, Dalloz, 4ème éd., 2003 ;
LOIC P. (Etudes en l’honneur de), Constitution et Finances publiques, Economica, Paris,
2005.
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Gestion publique
ABATE (Bernard), la nouvelle gestion publique, coll. Système/Finances publiques, LGDJ,
2000 ;
BRAUN (Gérard), la réforme de l’Etat à l’étranger, rapport d’information au Sénat, 2001,
n°348 ;
DEMEESTERE (René), le contrôle de gestion dans le secteur public, Systèmes, LGDJ, 2002 ;
GREFFE (Xavier), gestion publique, Dalloz, 1999.
GUILLAUME (Henri), DUREAU (Guillaume) et SILVENT (Franck), la gestion publique :
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Périodiques
Revue française de finances publiques
N°73 2001, Réforme des finances publiques, réforme de l’Etat ;
N°76 2001 La loi organique relative aux lois de finances ;
N°77 2002 La dépense publique
I
N°82 2003 Mettre en œuvre la loi organique relative aux lois de finances ;
Revue Politiques et management public
Juin et Septembre 1997, politiques communautaires et management public
Juin et Septembre 1999, la performance publique
Décembre 2000, le management public et la mesure
Articles
GIBERT (Patrick), mesure sur mesure, Politiques et management public, vol.18, N°4-2000 ;
ABATE (Bernard), la réforme budgétaire et les attentes de la nouvelle gestion publique,
RFFP, n°77, mars 2000, p.55 ;
CAILLOSSE (Jacques), les figures croisées du juriste et du manager dans la politique
française de réforme de l’Etat, RFAP, N° 105-106, 2003
CHEVALIER (Jacques) et LOSCHAK (Danièle), rationalité juridique et rationalité
managériale, RFAP, N°24, 1982 ;
II
TABLES DE MATIERES
RESUME................................................................................................................................... 1
INTRODUCTION GENERALE ............................................................................................ 5
PARTIE I : UNE INTRODUCTION TIMIDE MAIS PROGRESSIVE DU PILOTAGE
DES PERFORMANCES EN FINANCES PUBLIQUES CAMEROUNAISES. ................... 9
CHAPITRE I: ...........LE BESOIN D’UN PILOTAGE DES PERFORMANCES EN
FINANCES PUBLIQUES CAMEROUNAISES............................................................. 10
SECTION I : L’INEXISTENCE D’UN VERITABLE CADRE DE REFERENCE
REGISSANT LA BUDGETISATION PAR OBJECTIFS. ............................................ 10
A
Un Cadre normatif déficient ............................................................................... 10
1- L’ordonnance de 1962 portant régime financier de l’Etat : Un instrument désuet... 11
2- Les lois de Finances annuelles aussi n’intègrent pas les exigences de performance.11
3- Un manque de cohésion de l’ordonnancement juridique................................... 12
B
Un dispositif institutionnel inadapté................................................................... 12
1- L’Organisation des administrations financières est instable.............................. 13
2- La juridiction financière et fiscale reste inopérante........................................... 14
3- Un parlement en panne d’initiative en matière de finances publiques .............. 14
SECTION II. LA DIFFICILE ADHESION A LA PHILOSOPHIE DE LA
PERFORMANCE .............................................................................................................. 15
A
Un héritage administratif peu propice à l’éclosion d’une culture des résultats. ... 15
1- Une administration « importée »?...................................................................... 15
2- Une rationalité managériale encore virtuelle ..................................................... 16
3- Une perception de la puissance publique inadaptée aux enjeux de l’heure. ...... 17
B
Des résistances sociologiques à une gestion rationnelle .................................... 17
1- Un bureaucratisme fortement enraciné. ............................................................. 17
2- Des conflits d’intérêts permanents..................................................................... 18
3- L’influence négative des circuits informels....................................................... 18
CHAPITRE II. L’EMERGENCE PROGRESSIVE D’UNE GESTION PUBLIQUE
ORIENTEE VERS LES RESULTATS............................................................................ 20
SECTION I LES ADMINISTRATIONS FISCALES SONT AU CAMEROUN,
LES PIONNIERES DU PILOTAGE PAR OBJECTIFS .............................................. 20
A
Les fondements du système de gestion par la performance ............................. 20
1- Une politique économique largement axée sur l’obligation d’assainissement des
finances publiques ............................................................................................................ 20
2- L’incontournable réalisation des critères quantitatifs des programmes
économiques et financiers ................................................................................................ 21
3- L’évolution irréversible vers des transitions fiscales......................................... 22
B
La mise en œuvre progressive d’un système de gestion par la performance ....23
1- Une pratique embryonnaire mais réelle de la planification stratégique............. 23
2- La déclinaison annuelle des actions à l’échelle opérationnelle ......................... 24
3- L’application du management par objectifs....................................................... 24
SECTION II LES ADMINISTRATIONS GESTIONNAIRES ONT SUIVI LE
MOUVEMENT D’ORIENTATION VERS LA PERFORMANCE............................. 25
A
Les transformations intervenant dans l’environnement de gestionnaires de
crédits……………………………………………………………………………………...25
1- Une reconfiguration de la nomenclature budgétaire vers plus de simplification et
de transparence................................................................................................................. 25
2- Les adaptations mitigées de la fonction de contrôle financier ........................... 26
3- L’encadrement de la procédure de dépense ....................................................... 27
B
Les mutations concernant la performance de la fonction comptable.............. 28
1- L’obligation de production dans les délais de la balance des comptes du trésor
.......................................................................................................................................... 28
2- L’avènement d’un dispositif de suivi de la Trésorerie de l’Etat........................ 29
3- Le processus de réforme de la comptabilité de l’Etat ........................................ 29
PARTIE II : LA MUTATION VERS LA PERFORMANCE : UN PROJET DONT
LA MISE EN ŒUVRE DEMEURE UN PARI POUR LES FINANCES PUBLIQUES
CAMEROUNAISES .......................................................................................................... 31
CHAPITRE III ...... L’URGENCE D’UNE GENERALISATION DU MODELE DE
GESTION PAR LA PERFORMANCE EN FINANCES PUBLIQUES ....................... 32
SECTION I LA PERFORMANCE EST UN CATALYSEUR DE LA
MOBILISATION DES RESSOURCES BUDGETAIRES............................................. 32
A
Les actions entreprises au sein des services fiscaux ......................................... 32
1- Le renforcement des capacités des Administrations.......................................... 33
2- L’amélioration et la diffusion des indicateurs de performance ......................... 34
3- L’évaluation périodique des activités ................................................................ 35
B
Les résultats perceptibles..................................................................................... 36
1- Une augmentation du volume des recettes......................................................... 36
2- L’enracinement généralisé de la culture managériale axée sur des résultats..... 37
3- La construction d’une culture citoyenne............................................................ 38
SECTION II LA CULTURE DE LA PERFORMANCE EST UN OUTIL DE
MAITRISE DE LA DEPENSE PUBLIQUE ................................................................... 38
A
Les mesures prises pour la maîtrise de la dépense........................................... 39
1- La modernisation du système d’information .................................................... 39
2- Accompagner l’avènement d’une Chambre des Comptes ................................. 40
3- L’affinement des outils d’information et des documents de synthèse.............. 40
B
Les résultats attendus pour une implémentation de la démarche de
performance……………………………………………………………………………….41
1- Une maîtrise du volume de la dépense publique ............................................... 41
2- L’exigence de traçabilité pour une meilleure qualité de la dépense .................. 42
3- Une amélioration de la qualité du service à l’usager ......................................... 43
CHAPITRE IV : LE PARI DE LA MISE EN PLACE D’UN SYSTEME DE
GESTION PAR LA PERFORMANCE…………………………………………………44
SECTION I
A
DES DIFFICULTES STRUCTURELLES A SURMONTER.......... 44
Les aménagements institutionnels à apporter ................................................... 44
1- Une meilleure organisation du Ministère chargé des Finances ......................... 44
2- Une revalorisation de la fonction juridictionnelle ............................................. 45
3- La prise en main par le Parlement de la fonction budgétaire............................. 46
B
Les apports normatifs à la réforme .................................................................... 47
1- L’introduction des dispositions relatives à la performance dans le régime
financier de l’Etat. ............................................................................................................ 48
2- Renforcer les législations et réglementations sectorielles dans le sens du
management par objectifs................................................................................................. 49
3- Le Cameroun à l’épreuve des transformations du droit des finances publiques 49
SECTION II DES PESANTEURS SOCIOLOGIQUES A DEPASSER ................. 50
A
Un renouvellement de la conduite de l’action publique.................................... 51
1- Le rôle de l’élite pour l’éclosion de la nouvelle gestion publique..................... 51
2- L’apport de la coopération internationale pour la prise en compte de la
performance...................................................................................................................... 52
3- Une nouvelle approche pour la gestion des ressources humaines ..................... 52
B
Une appropriation des outils managériaux au service des finances publiques ..... 55
1- L’introduction du contrôle de gestion comme dispositif de pilotage ................ 55
2- Un recentrage urgent de la fonction contrôle en finances publiques ................ 57
3- Un management réaliste pour un pilotage performant des finances publiques . 58
CONCLUSION GENERALE ............................................................................................... 60
ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................I