Information et "communication" : chacun dans son rôle

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Information et "communication" : chacun dans son rôle
Communiquer avec les médias
Information et "communication" :
chacun dans son rôle
Yves Agnès,
journaliste, ancien rédacteur en chef du journal Le Monde,
ancien directeur général du Centre de formation
et de perfectionnement des journalistes (CFPJ)
Un mot malheureux
"La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme" :
l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 août 1789) consacre ce beau concept
de communication dans son sens le plus large (la relation à autrui) et le plus noble qui soit. Las ! La montée
en puissance dans les années 1980 d’une "société de communication" – avec les progrès de la science et
des technologies – et de "services de communication" – dans les entreprises, les administrations, etc. – a
dévoyé le terme. Au sens trivial, désormais, la "communication", par opposition à l’information, est souvent
synonyme de promotion, de publicité, voire de propagande…
Et le "communiquant", par opposition au journaliste, est moins celui qui donne de l’information aux citoyensconsommateurs (directement ou par le truchement des médias) que celui qui vante des produits, des
services, des organisations, à travers des "plans de communication" et au risque, si l’on n’y prend garde,
d’une certaine manipulation. Pourtant, la communication d’informations exactes par des "sources" est
nécessaire au journaliste pour faire correctement son métier. Il devra de son côté respecter l’une des règles
fondamentales du journalisme : "les faits sont sacrés, les commentaires sont libres".
Rôles et vertus
Le rôle du "communiquant", de la "source", est de fournir de l’information. Il ne peut le faire au
détriment de l’organisme qui l’emploie, ce qui n’est pas obligatoirement contradictoire avec le droit à
l’information du public. Mais c’est le plus souvent au bénéfice de l’entreprise, de l’établissement, de
l’administration, de l’association… qu’il va exercer sa fonction. La "communication", presque
toujours, met en avant le positif. Les vertus que doit cultiver ce "communiquant" sont la disponibilité,
le savoir-faire, l’honnêteté ;
le rôle principal du journaliste est de fournir de l’information au bénéfice exclusif de son public
(lecteur, auditeur, téléspectateur, internaute). Si celui-ci peut lui faire un reproche, c’est parfois
d’écrire davantage pour ses informateurs que pour lui, voire d’être trop en connivence avec ses
sources, alors que son indépendance est le gage de sa crédibilité. Contrairement au
"communiquant", sa production est bien souvent négative, hors de la norme. Les trains qui arrivent à
l’heure ne l’intéressent pas et l’on connaît l’adage fameux des écoles professionnelles : "quand un
chien mord un banquier, ce n’est pas une information, quand un banquier mord un chien, oui". Les
vertus que doit s’approprier le journaliste sont la compétence, le souci de la vérité et de la qualité de
l’information.
Opposer les deux fonctions est stérile. Les rapprocher est possible. Au reste, lorsqu’un "communiquant"
devient "public" dans un autre domaine que le sien, il demande au journaliste de faire preuve
d’indépendance à l’égard de ses sources. Et lorsque le journaliste devient militant, d’une association par
exemple, il comprend aisément la nécessité de communiquer au bénéfice de son organisation…
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Communiquer avec les médias
Ce qu’il faut bannir (notamment)
Chez le "communiquant" d’un service public :
o la langue de bois, c’est-à-dire la non réponse claire et sans détour aux questions posées ;
o la déformation des faits ou leur présentation tendancieuse (par exemple par omission
d’autres faits) ;
o le secret, sauf si la dignité, la réputation ou la position des personnes est en cause. Le
service public appartient aux citoyens, pas aux fonctionnaires, les premiers ont droit à la
transparence ;
o la production d’articles ou d’émissions "clés en mains" qui dispensent d’un travail
journalistique. Le communiqué ou le dossier de presse, en revanche, concoure à ce travail.
chez le journaliste :
o l’erreur, l’inexactitude dans la relation des faits ;
o le manque d’équité (par exemple donner la parole à une seule partie dans un conflit) ;
o la diffusion de rumeurs non fondées ;
o le non-respect de la dignité des personnes ;
o le conflit d’intérêt ;
o la reproduction d’informations "clés en mains" sans vérification ni travail personnel.
Faire coïncider les démarches
Les journalistes ont besoin de leurs sources, celles-ci ont besoin des journalistes pour atteindre le public.
Pour se comprendre, et faire coïncider les démarches, rien ne vaut la rencontre, l’échange, le dialogue dans
la franchise et la clarté.
Les bons rapports entre le "communiquant" et le journaliste ne peuvent s’établir que sur une base : la
confiance réciproque. Celle-ci s’acquiert et s’entretient si chacun reconnaît la compétence et l’honnêteté de
l’autre ; et si tous deux restent dans leur rôle.
Pour aller plus loin :
AGNÈS, Yves. Manuel de journalisme, La Découverte, deuxième édition 2008
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