RG 465 2016 - Tribunal de Commerce d`Abidjan

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RG 465 2016 - Tribunal de Commerce d`Abidjan
REPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE
------------------COUR D’APPEL D’ABIDJAN
--------------TRIBUNAL DE COMMERCE
D’ABIDJAN
--------------RG N°465/2016
------------JUGEMENT CONTRADICTOIRE
DU
27/04/2016
Monsieur ABASS ALI
(Maître Patrice D. GUEU)
Contre
Les ayants droit de feu BOUAKE
DOUMBIA
(Maître SINGO TIA Paul Oumar)
----------------DECISION
CONTRADICTOIRE
Rejette l’exception d’incompétence soulevée
par les défendeurs ;
Se déclare compétent pour connaître de la
présente cause ;
Déclare monsieur ABASS ALI recevable en
son action ;
Constate la non conciliation des parties ;
Dit cependant monsieur ABASS ALI mal
fondé en son action;
Le condamne aux dépens de l’instance.
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 27 AVRIL 2016
Le Tribunal de Commerce d’Abidjan, en son audience publique
ordinaire du 27 avril 2016 tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle
siégeaient :
Madame FIAN A. Rosine, Epouse MOTCHIAN Président;
Mesdames TANO A. Isabelle, Epouse DIAPPONON, TRAORE née
KOUAO Marthe, messieurs N’GUESSAN K. Eugène et EMERUWA
EDJIKEME, Assesseurs;
Avec l’assistance de Maître BAH Stéphanie, Greffier ;
Monsieur ABASS ALI, né le 12/06/1978 à SAHSALIE (Liban), fils de
ABASS et de FATIM, de nationalité Libanaise, commerçant,
demeurant à Daloa, quartier Commerce ;
Lequel fait élection de domicile au Cabinet de Maître Patrice D.
GUEU, Avocat à la Cour, sis aux II Plateaux, Boulevard Latrille,
Carrefour Duncan, Résidence SICOGI Latrille A, Bâtiment B, Apt. N°
15 au rez-de-chaussée à droite, 27 BP 179 Abidjan 27, Tél: 22 42 87
19 Cel. : 07 92 39 92
Demandeur;
d’une part,
Et
Les ayants droit de feu BOUAKE DOUMBIA :
1- DOUMBIA MAKEMISSA, majeure, de nationalité ivoirienne,
demeurant à Daloa ;
2- MAH TOURE DOUMBIA, majeure, de nationalité ivoirienne,
demeurant à Daloa ;
3- DOUMBIA MAMADOU, majeur, de nationalité ivoirienne,
demeurant à Daloa ;
4-MOUSSOKORO DOUMBIA, de nationalité ivoirienne, demeurant
à Daloa ;
5-DOUMBIA VABOUA, majeur, de nationalité ivoirienne, demeurant
à Daloa ;
6-DOUMBIA Mariam, majeure, de nationalité ivoirienne, demeurant
à Daloa ;
7-DOUMBIA KARAMOKO, majeur, de nationalité ivoirienne,
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demeurant à Daloa ;
8- DOUMBIA AMINATA, majeure, de nationalité ivoirienne,
demeurant à Daloa ;
9- DOUMBIA KARIDJATOU, majeure, de nationalité ivoirienne,
demeurant à Daloa ;
10- DOUMBIA ALI, majeur, de nationalité ivoirienne, demeurant à
Daloa ;
11- DOUMBIA MASSOGONA, majeure, de nationalité ivoirienne,
demeurant à Daloa ;
12- DOUMBIA ALPHA, majeur, de nationalité ivoirienne, demeurant
à Daloa ;
Pour qui domicile est élu en l’étude de maître SINGO TIA Paul
Oumar, avocat à la cour, 03 BP 404 Abidjan 03, demeurant à Adjamé
80 logements face de Fraternité Matin, téléphone 20 39 08 46 ; Cel :
07 51 50 63;
Défenderesse;
d’autre part,
Enrôlée pour l’audience du 17/02/2016, l’affaire a été appelée ; Le
tribunal a procédé à la tentative de conciliation qui s’est soldée par
un échec. Une mise en état a alors été ordonnée et confiée au Juge
DIAPPONON ISABELLE et la cause a été renvoyée à l’audience
publique du 06/04/2016;
La mise en état a fait l’objet d’une ordonnance de clôture N°587/16 ;
A l’audience du 06 Avril 2016, la cause a été mise en délibéré pour
décision être rendue le 27 Avril 2016 ;
Advenue cette date, le tribunal a vidé son délibéré ;
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier ;
Vu l’échec de la tentative de conciliation ;
Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit en date du 27 janvier 2016, monsieur ABASS ALI a
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fait servir assignation aux ayants droit de feu BOUAKE DOUMBIA,
d’avoir à comparaître devant le tribunal de ce siège le 17 février 2016,
aux fins d’entendre :
-Condamner les défendeurs à lui remettre les clés du local à usage
commercial sis à Daloa, quartier Commerce, en exécution de leur
contrat de location, sous astreinte comminatoire de cinq cent mille
(500 000) FCFA par jour de retard à compter du prononcé de la
décision à intervenir ;
-Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir
nonobstant toutes voies de recours;
-Condamner les défendeurs aux dépens de l’instance;
Au soutien de son action, monsieur ABASS ALI expose que les ayantsdroit de Feu BOUAKE DOUMBIA regroupés au sein de la succession
EL HADJ BOUAKE DOUMBIA, tous représentés par monsieur
DOUMBIA KARAMOKO, ont signé avec lui un contrat de bail portant
sur un immeuble à usage commercial sis à Daloa, quartier Commerce;
Il ajoute que ce bail est conclu pour une période de six (06) ans allant
du 10 Janvier 2016 au 09 Janvier 2022, moyennant un loyer mensuel
de 250 000 F CFA ;
Il précise que les négociations et le contrat lui-même étaient d’abord
oraux et que par la suite, les bailleurs ont reçu de lui divers paiements
d’un montant total de 4.500.000 F CFA, représentant la caution et 16
mois de loyer d’avance ;
II souligne qu’alors que conformément aux clauses de leur contrat, le
bail prend effet à partir du 10 janvier 2016, les bailleurs refusent de
s'exécuter de bonne foi, en procédant à la remise des clés du local;
Estimant que cette réticence des bailleurs s’analyse en une abstention
abusive qui ne se justifie pas, il sollicite que le tribunal les condamne
à lui restituer ces clés, sous astreinte comminatoire de 500.000 F
CFA par jour de retard à compter du prononcé de la décision à
intervenir ;
En réplique, les ayants droit de feu BOUAKE DOUMBIA soulèvent in
limine litis l’incompétence du tribunal de céans pour connaître de la
présente action, au motif que l’immeuble objet du contrat de bail
litigieux est sis à Daloa et les différentes parties sont domiciliées à
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Daloa ;
Sur le fond, ils font valoir que monsieur ALI ABASS était le gérant de
la société Etablissement Champion qui occupe le local donné à bail et
qu’il a été convenu avec lui, qu’un congé soit servi à ladite société et
au cas où elle ne conteste pas ce congé, il pourrait intégrer le local
conformément au contrat antidaté, qu’ils ont signé;
Ils ajoutent qu’au moment de la signature de ce contrat, ladite société
n’avait pas encore contesté ce congé et que suite à la contestation
intervenue le 1er Décembre 2015, ils ont signifié au demandeur une
sommation interpellative du 04/12/15, à l’effet de récupérer ses
fonds ;
Estimant que les sommes perçues dans le cadre du contrat signé avec
le demandeur sont disponibles, ils sollicitent que le tribunal déclare
monsieur ALI ABASS mal fondé en son action et l’en déboute ;
En réaction à cette réplique, monsieur ABASS ALI relève que le
tribunal de céans est compétent parce que l’article 25 de leur contrat
contient une clause attributive de compétence au tribunal d’Abidjan ;
Il explique que les défendeurs semblent vouloir soutenir que le
contrat a été conclu sous condition suspensive, alors qu’ils ne
produisent pas d’éléments de preuves pour soutenir cette allégation ;
Selon lui, en vertu du principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de
sa propre turpitude, ceux-ci sont mal venus à faire valoir que le
contrat qu’ils ont signé est antidaté, surtout qu’ils n’en font pas la
preuve;
En outre, poursuit-il, ils avancent des arguments qui devaient être
défendus par la société Etablissement Champions, alors que nul ne
plaide par procureur ;
Il conclut qu’à défaut de mettre ladite société en cause ou de la faire
intervenir dans la présente procédure, ils ne sont pas fondés à plaider
en ses lieu et place;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Sur le caractère de la décision
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Les ayants droit de feu BOUAKE DOUMBIA ont comparu et ont
même fait valoir leurs moyens de défense ;
Il y a lieu de statuer par décision contradictoire;
Sur le taux du ressort
Aux termes de l’article 8 de la loi organique n°424/2014 du 14 juillet
2014, « Les tribunaux de commerce statuent :
-En premier ressort, sur toutes les demandes dont l’intérêt du litige
est supérieur à un milliard de francs CFA ou est indéterminé.
-En premier et dernier ressort sur toutes les demandes dont l’intérêt
du litige n’excède pas un milliard »;
En l’espèce, le demandeur sollicite la condamnation des défendeurs à
lui restituer ces clés, sous astreinte comminatoire de 500.000 F CFA par
jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir;
Le taux du litige étant indéterminé, il y a lieu de statuer en premier et
dernier ressort ;
Sur la compétence du tribunal
Les défendeurs prétendent que la juridiction de céans n’est pas
compétente pour connaître de la présente cause au motif que
l’immeuble objet du contrat de bail litigieux étant situé à Daloa et les
différentes parties étant domiciliées à Daloa, seul le tribunal de
première Instance de Daloa est territorialement compétent ;
En réaction à cette réplique, monsieur ABASS ALI relève que le
tribunal de céans est compétent puisque l’article 25 de leur contrat
contient une clause attributive de compétence au tribunal d’Abidjan ;
Aux termes de l’article 13 du code de procédure civile, commerciale
et administrative dispose : « Le Tribunal territorialement compétent
en matière commerciale est aux choix du demandeur :
-Celui du domicile réel ou élu du défendeur et en l’absence de
domicile, celui de sa résidence ;
-Celui dans le ressort duquel la promesse a été faite et la
marchandise a été ou devait être livrée ;
-Celui dans le ressort duquel le paiement a été ou devait être
effectué. Sont également applicables les dispositions des alinéas 2,
3, et 4 de l’article 12 ».
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En outre, l’article 18 alinéas 1 du code de procédure civile,
commerciale et administrative dispose : « il peut être dérogé aux
règles de compétence territoriale par convention expresse ou
tacite » ;
En l’espèce, il ressort certes de l’examen de l’exploit d’assignation et
des différents contrats versés au dossier que toutes les deux parties
sont domiciliées à Daloa et que ledit exploit leur a été servi en cette
ville et le local litigieux y est situé ;
Toutefois, de ces mêmes pièces du dossier, il ressort que les parties,
dans leur contrat de bail du 10 /01/2016, ont attribué compétence au
tribunal d’Abidjan en cas de litige ;
Or, aux termes des dispositions l’article 7 de loi organique 424/2014
du 14 Juillet 2014 portant création, organisation et fonctionnement
des Tribunaux de commerce dispose : « les Tribunaux de commerce
connaissent :
-des contestations relatives aux engagements et transactions entre
commerçants au sens de l’Acte Uniforme portant sur le droit
commercial général ;
-des contestations entre toutes personnes, relatives aux actes de
commerce au sens de l’Acte Uniforme portant sur le droit
commercial général ;
Toutefois, dans les actes mixtes, la partie non commerçante
demanderesse peut saisir les tribunaux de droit commun ….. » ;
Il ressort de l’analyse de ces dispositions que les contestations liées à
l’occupation d’un espace à usage commercial ou affecté à une activité
professionnelle, relèvent de la compétence des Tribunaux de
commerce ;
En l’espèce, le litige opposant les ayants droit de feu BOUAKE
DOUMBIA à monsieur ABASS ALI porte sur un bail commercial, pour
lequel compétence est expressément attribuée au tribunal de céans, la
matière étant dévolue audit tribunal.
Il y a lieu de rejeter l’exception d’incompétence soulevée par les
défendeurs et de se déclarer compétent pour connaître de la présente
procédure;
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Sur la recevabilité de l’action
L’action de monsieur ABASS ALI a été introduite dans les forme et
délai légaux;
Elle est donc recevable;
AU FOND
Sur la demande de remise de clés
Monsieur ABASS ALI sollicite que le tribunal ordonne aux défendeurs
de lui remettre les clés du local à usage commercial en exécution de
leur contrat de location, sous astreinte comminatoire de cinq cent
mille (500 000) FCFA par jour de retard à compter du prononcé de la
décision à intervenir ;
Les demandeurs quant à eux concluent que le tribunal déclare
monsieur ALI ABASS mal fondé en son action et l’en déboute motif
pris de ce qu’au moment de la signature de ce contrat, ils étaient liés à
la société;
Le tribunal constate à l’examen des pièces que le local litigieux est
objet d’un contrat de bail entre les défendeurs en qualité de bailleurs
et le demandeur pour une durée de six (06) ans, du 10 janvier 2016 au
09 janvier 2022, pour un loyer de 250.000 F CFA par mois;
Qu’en vertu de ce contrat, le demandeur a versé aux défendeurs, les
sommes de 500.000F CFA et 3.500.000 F CFA, représentant la
caution et 16 mois de loyers d’avance ;
Toutefois, il ressort de ces mêmes pièces que les défendeurs, en cette
même qualité de bailleurs, étaient liés à monsieur AIDIDI NABIL,
preneur, par un contrat de bail à usage commercial portant sur le
même local, pour une durée de trois (03) ans, à compter du 1er janvier
2016 au 1er janvier 2018, moyennant loyer mensuel de 250.000 F
CFA ;
Et il n’est pas non plus contesté qu’avant la fin de ce bail, les
défendeurs, voulant reprendre le local loué, ont servi par exploit
d’huissier en date du 03 juin 2015, congé de six (06) mois expirant le
trois (03) décembre 2015, audit locataire qui a protesté le 01
décembre 2015 ;
Par ailleurs, il est établi que monsieur AIDIDI NABIL exploite dans le
local la société dénommée « Etablissement CHAMPION », une SARL
dont le Gérant était monsieur ABASS ALI, demandeur à la présente
instance ;
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En l’espèce, monsieur ABASS ALI qui estime que ses cocontractants
n’ont pas exécuté leur obligation de mettre à sa disposition le local
objet du contrat qui les lie, sollicite que le tribunal les oblige à le faire
en lui ordonnant la remise des clés dudit local ;
Or, non seulement il ne rapporte pas la preuve que le contrat qui lie
les défendeurs à la société dont il était le gérant jusqu’au moment du
congé en date du 03 juin 2015, était résilié et le locataire expulsé
mais, l’exécution qu’il sollicite ne peut matériellement se faire sans
implication de la personne même des défendeurs, débiteurs de cette
obligation ; ce qui n’est pas possible à réaliser de sorte qu’en
application de l’article 1142 du code civil, s’il estime qu’il subit un
préjudice, il ne peut que demander des dommages et intérêts;
Ainsi, de tout ce qui précède, il y a lieu de dire la demande de
monsieur ABASS ALI mal fondée et de l’en débouter ;
Sur les dépens
Monsieur ABASS ALI succombant en l’instance, il doit en supporter les
dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en premier et dernier
ressort ;
Rejette l’exception d’incompétence soulevée par les défendeurs ;
Se déclare compétent pour connaître de la présente cause ;
Déclare monsieur ABASS ALI recevable en son action ;
Constate la non conciliation des parties ;
Dit cependant monsieur ABASS ALI mal fondé en son action;
Le condamne aux dépens de l’instance ;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jours, mois et
an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER. /.
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