Revue de presse - Unsa

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Revue de presse - Unsa
Revue de
presse
Les forces de l’ordre
désespérément en demande
d’un texte sur la légitime
défense : les explications d’un
syndicaliste policier
Voici un triple défi à relever selon Philippe Capon, secrétaire général de l’Unsa-police : la justice doit s’expliquer
lorsqu’elle relaxe un délinquant à Calais … ou ailleurs.
La légitime défense, en matière de terrorisme, doit être
très vite encadrée juridiquement. L’état d’urgence doit
être maintenu tant que le texte de la réforme pénale n’a
pas été voté.
Gilles Gaetner : Question simple tout d’abord : manifestation des agriculteurs, des taxis, puis des VTC avec des
échauffourées, sans oublier une situation qui s’enlise à
Calais avec l’apparition du mouvement anti-migrants
Pegida. Dans quel état se trouve la police aujourd’hui ?
Serait-elle à bout de souffle ? Va-t-il falloir envoyer des
renforts ?
Philippe Capon : La multitude des «demandes de sécurité» depuis les événements tragiques de 2015 a forcément
multiplié les missions des forces de l’ordre. Les renforts annoncés en trois vagues, courant 2015 avec des entrées en
école d’un peu moins de 5000 policiers, puis en 2016 et en
2017 représenteront un gain aussi appréciable qu’indispensable dans la police nationale avec un gain net de plus de
3000 policiers à terme. Le seul «hic» c’est qu’ils ne seront
pas opérationnels avant courant 2017. En attendant, les
policiers doivent faire leur travail avec toutes les difficultés habituelles, et, au quotidien, des contraintes nouvelles
: la lutte contre le terrorisme et la lutte contre l’immigration clandestine ainsi que les trafics qui y sont directement
liés…
du 11/02/2016
Philippe Capon
secrétaire général
UNSA Police - FASMI
Revenons à Calais.
Le 26 janvier dernier, la police souhaite immobiliser un
véhicule qui transporte des migrants. Le conducteur refuse et fonce sur un policier. Celui-ci, qui estime être en
légitime défense, tire. Le conducteur est interpellé. Le
lendemain, la sanction tombe : relaxe pour le conducteur ! De quoi être abasourdi…
Effectivement. Aucune communication n’a été faite aux
policiers au sujet de cette décision, ce qui vous le comprendrez, ne peut que générer des tensions. La justice doit
expliquer les raisons de ces jugements. Ce serait non seulement utile pour les policiers dans les affaires qu’ils ont traitées mais également pour les «citoyens victimes» qui sont,
eux aussi laissés, dans l’ignorance.
Toujours à propos de Calais, il y
a un hôtel situé à
Loon-Plage près
de Dunkerque
où se côtoient
migrants et CRS. Cela paraît invraisemblable ! A cela
s’ajoutent les conditions d’hygiène déplorables… Des
cas de gale auraient en effet été dépistés. La hiérarchie
parisienne a-t-elle été alertée ?
Ces faits sont inadmissibles. Pour l’Unsa-Police il est intolérable que l’on ne prenne pas plus de précautions dans
l’hébergement de nos collègues lors de cette mission. L’Unsa-Police a évidemment saisi les autorités parisiennes pour
que cela ne se reproduise pas. Les responsables de la logistique qui prennent la décision de faire dormir des CRS
dans des lieux qui hébergent aussi des migrants devraient
faire preuve d’un sens plus aigu des responsabilités qui sont
les leurs…
Justement, parlons de la légitime défense. Le projet de
loi en matière de procédure pénale prévoit, semble-t-il,
d’élargir la légitime défense en matière de terrorisme. En
clair, si un fonctionnaire se trouve en présence d’un terroriste, sans que celui-ci ait fait usage d’une arme, vous
pourriez l’abattre. Cela vous convient-il ? Ou alors, estce la porte ouverte à une extension trop forte de la légitime défense ?
Les conditions d’intervention de forces de l’ordre font l’objet d’un flou juridique lors de manifestations extrêmement
violentes. Depuis plusieurs années, en effet, des individus
armés n’hésitent pas à faire usage de leurs armes sur les policiers. Ce phénomène très préoccupant, inquiétant même,
s’est accentué lors des attaques terroristes de janvier et novembre 2015. Il a mis davantage en lumière l’imprécision
du cadre juridique en matière de légitime défense… face
à des individus qui n’hésitent plus à utiliser des armes de
guerre et à porter sur eux des ceintures explosives.
La police et les forces de l’ordre doivent pouvoir intervenir
dans un cadre juridique adapté devenu aujourd’hui indispensable pour neutraliser ce type d’individus sans «foi ni
loi.»
L’état d’urgence devrait être renouvelé pour une période
de 4 mois. Qu’en pensez-vous ? Certes il y a eu, au cours
des mois précédents, des perquisitions nombreuses
(plus de 3200) et des saisies d’armes non négligeables
(560 dont 42 armes de guerre), mais ne s’agit-il pas d’un
retour à la politique du chiffre ?
L’état d’urgence a été mis en place légitimement après les
attentats les plus sanglants qu’ait connus la France le 13 novembre 2015. Pourtant, bon nombre de nos compatriotes
ont déjà oublié ces moments tragiques qui laisseront à jamais des séquelles pour beaucoup. Il ne s’agit pas d’un retour à la politique du chiffre puisque la politique du chiffre
n’a jamais cessé, tout n’est que chiffre et statistiques, c’est
malheureux mais cela dure. Je me suis à de nombreuses reprises élevé contre cette politique dont l’efficacité n’a jamais
été prouvée et qui aujourd’hui encore rythme trop souvent
le fonctionnement de certains services. A mes yeux, tant
que la loi sur la lutte contre le terrorisme et la réforme pénale qui lui est liée (actuellement en cours d’examen) n’auront pas été votées, il serait irresponsable de sortir de l’état
d’urgence…
Un dernier point : l’affaire de l’Anas - association des
œuvres de la police pour faire court. Elle a fait grand
bruit, l’année dernière, avec la mise en examen de Jo Masanet son président, et son fils pour malversations financières. Le rapport de la Cour des comptes, serait, dit-on,
encore plus accablant que l’enquête de l’IGPN. Qu’en savez-vous ?
L’enquête est en cours – je ne m’exprimerai donc pas sur
ce dossier. L’Anas a été pendant très longtemps un acteur
primordial du social dans la police nationale au service des
policiers.
Aujourd’hui, les problèmes rencontrés dans sa gestion passée mettent l’Anas en difficulté. Le Ministère de l’Intérieur
ne peut pas se priver d’un acteur tel que l’Anas. Mais il faut
que les bonnes décisions soient prises dans la gestion de
cette association.Son nouveau président, Pierre Cavret que
je connais et que j’ai rencontré dernièrement en a la ferme
volonté…
L’établissement de santé du Courbat (Indre-et-Loire) appartenant à l’Anas constitue le «poumon» du social et du
traitement des problèmes psycho-sociaux des policiers.
Ces derniers ne sont pas des fonctionnaires comme les
autres et doivent pouvoir être suivis dans un établissement
spécifique. Abandonner ces hommes lorsqu’ils sont en
souffrance et en grande détresse serait irresponsable…