RACINES207 - Mai 2010

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RACINES207 - Mai 2010
Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous
Par Catherine Baty
(Photos : membres du comité de jumelage du Pays des Herbiers)
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De
Le Pays des Herbiers est jumelé avec Liebertwolkwitz,
un quartier de Leipzig en Allemagne. Trois membres du comité
de jumelage nous livrent leurs regards sur ce cœur de la Saxe.
ctobre 2009, une délégation
du comité de jumelage du Pays
des Herbiers se rend à Leipzig. La communauté de communes
du bocage vendéen est jumelée avec
O
Carte d’identité
En 1999, Liebertwolkwitz est rattachée à la ville de Leipzig, pour en devenir un quartier sous le nom de Leipzig-Liebertwolkwitz.
Liebertwolkwitz compte 5 380 habitants, Leipzig 512 000 habitants.
Leipzig est la première ville de la Saxe,
région (Land) à l'est de l'Allemagne
La religion majoritaire est le protestantisme (luthérien).
le quartier de Liebertwolkwitz au sudest de cette grande ville de Saxe, en
“ex RDA”. La date n'a rien d'un hasard.
20 ans plus tôt, le 9 octobre, ici,
70 000 Lipsiens manifestaient pacifiquement en scandant devant l'armée :
“Nous sommes le peuple !”. Le 9
novembre, c'est Berlin qui se révolte.
“La chute du mur est la conclusion des
manifestations de Leipzig”, explique
Rémy Durandet, trésorier du comité
de jumelage qui s'est passionné pour
cette page d'histoire. Dès le début de
l'année 1989, Leipzig montre des
signes de soulèvement, mais toujours
dans le calme. La population défile et
demande des réformes pour plus de
liberté, et contre l'oppression communiste.
En 2009, un grand rassemblement
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commémorait cet événement qu'on
appelle la Révolution pacifique. La
Fête des Lumières a réuni plus de
100 000 personnes, chacune une
bougie à la main, sur le parvis de
l'église Saint-Nicolas, ici même où,
en 1989, tous les lundis la population priait pour la paix. “Toutes les
familles voulaient être présentes, j'ai
vu des personnes âgées demander
qu'on les y emmène, décrit MarieAude Chabot, vice-présidente du
comité de jumelage. C'était tellement
important pour tous. Les gens tremblaient. Moi aussi j'ai pleuré.” Les Vendéens qui ont assisté à cet
anniversaire en ont tous gardé le
même souvenir bouleversant. 23
élèves du collège Jean-Rostand des
Herbiers étaient parmi eux. “Les
mai 2010
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jeunes ont été marqués par l'importance de cet événement, ils n'étaient
pas nés à l'époque du Mur. L'Histoire
a ainsi pris tout son sens pour eux”,
raconte Christine Padioleau, professeure à la retraite qui accompagnait
le groupe.
Du temps de la Stasi
Progressivement au fil des échanges
et des confidences dans les familles
d'accueil, malgré la barrière linguistique, les Vendéens ont découvert et
compris la vie de leurs jumeaux d'outre-Rhin. “Quand on évoque la RDA
avec eux, ils nous décrivent la pression
qu'ils subissaient au quotidien, la suspicion qui s'immisçait partout à cause
de la Stasi”, expliquent les membres
du comité de jumelage. L'un d'eux
ajoutant : “une interprète de Leipzig
m'a raconté que, missionnée par son
employeur au Maroc, elle avait été
époustouflée de voir qu'on pouvait se
permettre de critiquer un homme politique ouvertement à la terrasse d'un
café. C'était inconcevable en RDA. Elle
a alors réalisé sous quelle censure son
peuple
vivait.”
Mais
aujourd'hui l'amertume s'est
installée alors que la réunification coïncide avec un taux
de chômage pesant (entre
15 % et 18 % en Saxe).
Les mines de lignite à ciel
ouvert ont presque toutes
stoppé leur activité. Les Russes
sont repartis avec les outils de
travail, laissant des usines
démantelées et incapables de
produire. La main-d'œuvre
ouvrière de ces années de
RDA était peu qualifiée. Certains ont dû se former à
l'Ouest pour espérer décrocher un travail. “Sous le communisme, ils ne connaissaient
pas l'angoisse du chômage.
Aujourd'hui, les logiques sont
capitalistes. Il y a ceux qui s'en
9 octobre 2009, la Fête des Lumières
sortent et les autres qui restent commémore la Révolution pacifique de 1989.
dans le besoin”, résume Justin Muni Toké, président du comité de à l'économie des hautes technologies,
la culture classique aux mouvements
jumelage du Pays des Herbiers.
Mais Leipzig est aussi la ville du d'avant-garde. Et vous découvrirez chez
renouveau. À travers les siècles la cité nous une atmosphère ouverte sur le
rayonne par sa culture, son esprit d'ou- monde qui n'échappe à personne : un
verture. “Elle allie la tradition au dyna- vent de liberté souffle à Leipzig!”, vante
misme, la bonhomie saxonne typique une brochure touristique.
Au Moyen-Âge la ville jouissait d'un
privilège impérial lui attribuant le titre
de Ville de foire, faisant d'elle une
plaque tournante de l'économie euro-
Un jumelage intercommunal
Le Pays des Herbiers (huit communes) est jumelé avec trois villes européennes : Coria en Espagne, Newtown
au Pays de Galles et Leipzig-Liebertwolkwitz en Allemagne depuis 2005.
Mais c'est dès 1997 que la cité de Saxe
avait tissé des liens avec la commune
vendéenne des Épesses. En 1999 Liebertwolkwitz a été rattachée à Leipzig.
En octobre 2009, à l'occasion de la
commémoration de la Chute du Mur
de Berlin et de la Révolution pacifique,
En octobre 2009, une délégation une délégation du Pays des Herbiers
du comité de jumelage s’est rendue s'est rendue à Leipzig (23 membres du
en Allemagne. Ici à Berlin.
comité de jumelage, 23 élèves du collège Jean-Rostand et le président de la communauté de communes). Une
centaine de familles sont adhérentes au comité de jumelage intercommunal. Des cours de langue (50 élèves actuellement) sont organisés pour
l'apprentissage de l'espagnol, de l’anglais et de l’allemand.
Contact : Comité de Jumelage du Pays des Herbiers, 43 rue du 11 novembre, aux Herbiers.
Tél. 02 51 66 82 27 (Communauté de communes). www.jumelage-paysdesherbiers.com.
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péenne. Leipzig entretient encore cette
identité historique (lire ci-contre). Cette
ville a toujours été et reste aussi un pôle
artistique et culturel incontournable.
Plusieurs grands musiciens ont été
imprégnés par cette ville et réciproquement : Wagner y est né, Mendelssohn,
Schumann, Bach y vécurent. Leipzig
est une référence culturelle avec son
Opéra, le Gewandhaus où un demimillion de mélomanes affluent tous les
ans et qui a connu de grands chefs
d'orchestre comme Kurt Masur. C'est
aussi ici qu'a été imprimé le premier
quotidien du monde en 1650, et l’activité commerciale y a développé l'édition et l'imprimerie dès le Moyen-Âge.
Leipzig accueille d’ailleurs chaque
printemps le Salon international du
livre.
Des trompe-l’œil
Une autre particularité de Leipzig,
que l'on retrouve dans d'autres grandes
villes d'Allemagne est ses espaces naturels. Un tiers de sa superficie est recouvert de forêts, parcs ou jardins publics.
La forêt Auenwald traverse toute la ville
sur une large bande. Formidable pour
les balades ! On peut aussi découvrir
Leipzig en gondole sur le canal KarlHeine et l'Elster. Vous verrez alors ces
bâtiments industriels en briques devenus des immeubles branchés aux loyers
prohibitifs. Plus loin, des trompe-l'œil
ahurissants donnent une nouvelle vie
à des façades tristes et sans intérêt
architectural. “Le centre ville ancien de
Leipzig est vraiment magnifique et
agréable avec ses petites rues, ses nombreuses rénovations. Progressivement,
on a embelli ces bâtiments de l'époque
communiste”, décrit Marie-Aude Chabot, un peu moins emballée par la campagne environnante. “C'est vrai que c'est
plat !” résume Rémy Durandet. Des
champs d'éoliennes donnent un peu de
relief à ce paysage de plaine qui
accueille des céréales et du colza. Ici
l'agriculture a des airs capitalistes. “Ce
sont des sociétés anonymes qui gèrent
des exploitations agricoles de 5 000 ha
avec une petite dizaine d'ouvriers”, précise Justin Muni Toké. Certains Vendéens
ont visité une “ferme” de 22 000 ha
cotée en bourse. “On m'a expliqué, note
Rémy, que la RDA avait réquisitionné
des terres, et qu'à la réunification les
propriétaires se sont retrouvé dans un
grand imbroglio car certaines parcelles
étaient exploitées par d'autres ou ont
disparu sous des autoroutes. Aujourd'hui,
il faudrait tout redistribuer ou indemniser les descendants… Rien n'est au clair”.
Progressivement, la région de Leipzig se réinvente pour compenser ses
handicaps liés à son histoire récente.
Les lacs ont remplacé les mines pour
en faire des plages et des centres nautiques attractifs. Le mois prochain, des
Allemands de Liebertwolkwitz seront
En se promenant sur le canal
Karl-Heine ou sur l’Elster, on peut voir
ces immeubles en briques auxquels
on redonne un look contemporain.
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La ville des foires !
Depuis des siècles, les foires
font l'identité de Leipzig. Au
Moyen-Âge, on accorde même à la
cité une exclusivité: toute organisation
de grands marchés alentour est interdite afin de conforter la puissance des
foires de Leipzig ! La ville est ainsi marquée par le brassage des populations
et le commerce. D'anciens palais des
foires restaurés, des passages couverts
et des immeubles bourgeois baroques
témoignent de ces périodes. Au jourd'hui, ce sont des endroits attractifs pour les visiteurs en déambulation.
La ville a conservé une activité commerciale internationale en étant un
pôle européen pour l'organisation de
grands événements : le salon international de l'automobile, la Games
Convention (le plus grand salon européen de jeux vidéo ouvert au public),
les enchères internationales de pelleterie (dans le passé Leipzig en était la
plus grande place commerciale)…
Des grandes sociétés ont choisi Leipzig pour installer de nouvelles unités :
Siemens, Porsche ou BMW. La
construction automobile est l'activité
industrielle dominante. Les banques
ont aussi repris une position centrale
pour faire de Leipzig un nouveau centre financier.
en visite en Vendée. Parmi eux des
bénévoles de l'association La Bataille
des nations. Ces passionnés d'histoire
entretiennent le souvenir d'un épisode
clef des guerres napoléoniennes. En
octobre 1813, l'empereur français
subit sa plus lourde défaite contre une
coalition européenne (Anglais, Russes,
Prussiens, Espagnols…). Les Saxons
sont aux côtés de Napoléon. Le combat a lieu dans la campagne de Liebertwolkwitz où s’élève aujourd'hui
une stèle commémorative et où ont
lieu des reconstitutions. L'association
La Bataille des nations fêtera les 200
ans de cet événement en 2013. En
attendant, les Allemands viennent
recueillir quelques conseils auprès des
techniciens du Puy du Fou. Ce sera
aussi certainement une belle occasion
de retrouvailles entre le Pays des Herbiers et sa ville jumelle.
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