CARCASSONNE Blouses grises et vouvoiement pour une école
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CARCASSONNE Blouses grises et vouvoiement pour une école
CARCASSONNE Blouses grises et vouvoiement pour une école autrement Ouverte à la rentrée dernière, rue Trivalle, l’École des Sarments est l’un des 460 établissements privés dits hors contrat existant en France. En marge des programmes et règlement intérieurs de l’Éducation nationale, le directeur applique des méthodes qu’il estime éprouvées. Trois fillettes en blouse grise récitant une leçon sur les Gaulois devant une planche illustrée d'autrefois : on croirait à une mise en scène nostalgique, mais c'est bien une salle de classe d'aujourd'hui. Nous sommes à l'école des Sarments, un établissement privé, hors contrat, ouvert à la rentrée dernière, rue Trivalle. Dégagé de tout lien avec l'Education nationale, son statut lui permet de dispenser un enseignement indépendant des programmes nationaux, tant dans les connaissances que dans la pédagogie. Une singularité qu'accentue le tout petit effectif : 16 élèves en maternelle, à peine 5 en primaire. Le directeur envisage son école hors contrat dans un « projet humaniste ». Photo Claude Boyer Morale et culture biblique Ce vendredi, comme tous les matins, la journée des cours préparatoire et cours moyen commence par un quart d'heure de culture biblique. Cette discipline a succédé au deuxième trimestre à l'« instruction morale ». Après avoir abordé, en début d'année, les thèmes de l'amitié ou de la famille, Alyette, Fleur et leurs camarades écoutent, cette fois, un petit exposé sur l'histoire de Samson et Dalila, épisode célèbre de l'Ancien Testament. Pour Olivier Lefèvre, le jeune fondateur de l'école des Sarments, qui vouvoie les élèves dès le CP, il ne s'agit pas d'instruction religieuse, mais de « connaissances sur la culture judéo- chrétienne, au même titre que nous traitons la culture gréco-romaine. Nous sommes un établissement d'esprit chrétien, mais non confessionnel. L'enseignement n'inclut pas de catéchisme ». Si les attaches catholiques de l'école se lisent dans la crèche qui décore le hall, ou Le Divin enfant inscrit au cahier de chant des élèves, dans les classes, ni crucifix, ni image pieuse. La référence qui a guidé le projet d'Olivier Lefèvre, c'est plutôt l'école de la IIIe République. « J'admire l'intuition d'un Jules Ferry », confie cet ancien professeur de lycée, diplômé en lettres et philosophie, convaincu des bienfaits des matières fondamentales enseignées, selon les méthodes éprouvées de jadis. Les manuels qu'il utilise proviennent de la Librairie des écoles, un éditeur, adepte de la méthode syllabique, longtemps décriée par l'école publique, mais aussi des maths concrètes (méthode de Singapour) et des leçons apprises par cœur. La comtesse de Ségur et Victor Hugo Ce matin-là, Louis et Édouard, les deux élèves de cours moyen, se plient à l'exercice de la dictée. Ici, on en fait une tous les jours. Idem pour l'analyse grammaticale et le calcul mental. Les textes étudiés sont puisés dans les classiques de la littérature : la comtesse de Ségur, dès la maternelle en lecture suivie, Victor Hugo pour les poésies en primaire. « Par rapport à l'école publique, le volume d'heures en maths et français est multiplié par trois », estime Olivier Lefèvre. Les autres matières sont programmées l'après-midi : l'histoire de France, « telle qu'on l'enseignait jusqu'aux années 70 », la géographie, le dessin et le chant. « On a dû faire face à des méfiances » Arrivés à Carcassonne récemment, Olivier Lefèvre (photo C. B.), et son épouse, ont ouvert l'école des Sarments dans un local que leur prête une famille de parents d'élèves. Le recrutement des premiers enfants s'est fait par bouche à oreille. Parmi eux, plusieurs étaient scolarisés auparavant à Jeanne-d'Arc, un établissement catholique de Carcassonne. L'installation de l'école privée, rue Trivalle, a évidemment suscité des commentaires. « Comme toujours, avec un projet novateur, on a eu affaire à certaines méfiances, des gens qui parlaient sans savoir », confie le directeur, tout en soulignant le « très bon accueil des autorités locales », tant en mairie qu'à l'Inspection académique. Le directeur travaille avec une institutrice formée à la pédagogie Montessori, qui prend en charge la maternelle. « Ici, le faible effectif me permet de faire véritablement de la pédagogie, de suivre les enfants, selon leur rythme », témoigne-t-elle. Autre membre de l'équipe, une enseignante retraitée, bénévole, qui apprend la lecture aux CP et aux moyennes et grande sections de maternelle. Le petit Guillaume, 4 ans et demi, déchiffre déjà des mots. L'école des Sarments, avec son enseignement plus désuet qu'austère, délivré dans un environnement protégé, trouve des adeptes à Carcassonne et au-delà. Une famille vient de Lézignan-Corbières pour offrir cette scolarité à ses enfants. Les tarifs vont de 1 500 € annuels pour la maternelle à 1 600 € pour le primaire, mais Olivier Lefèvre réfute l'image d'une « école bourgeoise ». « Si nos parents d'élèves ont, en commun, certaines attentes en matière d'éducation, leurs situations financières sont très contrastées, assure-t-il. Ceux qui ne peuvent assumer le coût de l'inscription sont aidés par une association ». Fabien Arnaud