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REVUE INTERNATIONALE DE LA PROPRIÉTÉ
INDUSTRIELLE ET ARTISTIQUE
Créée en 1890
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sont autorisées les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à
une utilisation collective » (art. L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle).
RIPIA n° 265
E D IT O
POUR UN PARTAGE DE RESPONSABILITE ENTRE TITULAIRES DE DROITS
ET PLATEFORMES SUR INTERNET
Par Christian Peugeot, Président de l’Unifab
Au cours des vingt dernières années, internet a transformé de manière irréversible nos moyens de communiquer,
d’interagir et de s’informer et, pour les entreprises, de proposer des produits et des services aux consommateurs.
Son avènement a créé des opportunités sans précédent pour les entreprises, leur permettant de développer leurs
activités à l’échelle d’un pays, d’une région et du monde. Toutefois, ce processus s’accompagne d’un certain
nombre de défis pour les consommateurs et les entreprises, qui risquent d’entraver la capacité pour la France
et l’Europe de profiter pleinement des opportunités offertes par internet. La contrefaçon constitue l’un de ces
défis majeurs.
La lutte contre la contrefaçon requiert assurément la vigilance et les efforts de tous. Les plus actifs des acteurs
de l’internet ne peuvent s’y soustraire. Catalyseurs d’innovation, créateurs de fonctionnalités de grande valeur et
centralisateurs d’une partie toujours plus croissante du réseau, ceux que l’on appelle désormais les plateformes
(moteurs de recherche, réseaux sociaux, places de marché, etc.) doivent notamment y prendre toute leur part.
Véritable portail vers l’internet pour de nombreux consommateurs, les opérateurs de plateformes en ligne, qui
guident le plus souvent par inadvertance vers des produits/contenus illicites, doivent contribuer à la solution
de la lutte contre la contrefaçon.
La limitation de responsabilité instituée, à certaines conditions, par la directive sur le commerce électronique de
2000 (transposée en France via la loi pour la confiance dans l’économie numérique ou LCEN n°2004-575) au
bénéfice des hébergeurs – et d’eux seuls – ne peut être l’unique référence lorsqu’il s’agit d’apprécier l’implication
des différents acteurs de l’internet dans la lutte contre les contenus et produits illégaux et l’assainissement du
marché électronique.
L’heure est au partage de responsabilité entre les titulaires de droits de propriété intellectuelle, d’une part, et
les acteurs de l’internet au sens large, d’autre part. C’est pourquoi nous avons besoin d’un devoir de diligence
prévoyant que tous les opérateurs de plateformes en ligne agissent en prenant toutes mesures raisonnables,
adéquates et proactives afin de protéger les consommateurs et les titulaires de droits de propriété intellectuelle
contre la promotion, la commercialisation et la diffusion de produits contrefaisants.
Soulignons que cette disposition n’a rien de novateur, puisque de manière générale, tout opérateur est tenu
d’agir avec diligence et de déployer tous les moyens raisonnables pour éviter que ne se créent des situations
préjudiciables. Mais en pratique, nombreux sont les opérateurs qui n’adopte pas ce comportement de prudence.
Aussi, la nécessité et l’urgence de la lutte contre la contrefaçon imposent d’inscrire dans la loi une norme de
comportement spécifiquement applicable aux opérateurs de plateformes en ligne.
C’est pourquoi, vous pouvez être assurés qu’à vos côtés, l’Unifab, continuera de faire tout son possible, pour
que la législation évolue enfin dans ce sens.
Bonne lecture à tous.
Christian PEUGEOT
Président de l’UNIFAB
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RIPIA n° 265
S O MM A IRE
JU R I S P R U D ENC E F RA NÇ A ISE
Cour d’appel de Paris, 2ème chambre, 5 février 2016
Linkedin France et Linkedin Ireland c/ Colink’in, Madame X
Mots-clés : RISQUE DE CONFUSION – MARQUE NOTOIRE – MARQUE COMMUNAUTAIRE – RESEAUX SOCIAUX
....................................................................................................... p6
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1ère chambre, 15 mars 2016
APC, FNDF, SEVN, UPF, SPI c/ Yahoo, Microsoft, Orange, SFR, Auchan Télécom, Darty Télécom, Bouygues Télécom,
Numericable et Free
Mots-clés : SITE INTERNET – DEREFERENCEMENT – COUT – BLOCAGE – DROIT D’AUTEUR
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 19
Cour de cassation, chambre criminelle, 6 avril 2016
Administration des douanes et droits indirects c/ Folies Douces Sas
Mots-clés : CONTREFACON – MARQUE TRIDIMENSIONNELLE – MARQUE FIGURATIVE – DIFFERENCE VISUELLE –
RISQUE DE CONFUSION
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 51
Tribunal de grande instance de Nanterre, 7 avril 2016
Saint-Marseault c/ Boursalt
Mots-clés : ACTION EN CONTREFACON – CONCURRENCE DELOYALE – RISQUE DE CONFUSION – PARASITISME
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 59
Cour de cassation, chambre commerciale, 12 avril 2016
Maisons du monde c/ Gifi
Mots-clés : DROIT DES MARQUES – CONTREFAÇON – MARQUE DE RENOMMEE
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 71
Cour d’appel de Paris, 2ème chambre, pôle 5, 15 avril 2016
Debonix France c/ Quincaillerie Angles
Mots-clés : SITE INTERNET – CONCURRENCE DELOYALE – RISQUE DE CONFUSION – PARASITISME – REPARATION
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 76
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 21 avril 2016
Région Languedoc Roussillon c/ M. Azedine D
Mots-clés : ENREGISTREMENT MARQUE – REGION – CARACTERE INSTITUTIONNEL – CONFUSION
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 80
Cour de cassation, chambre commerciale, 3 mai 2016
Venaty France c/ Pindière France
Mots-clés : REPRODUCTION IDENTIQUE – CONTREFACON – REPRESENTANTS DE LA FORCE PUBLIQUE –
CONCURRENCE DELOYALE
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 84
Cour de cassation, chambre criminelle, 19 mai 2016
Alima T (épouse K) c/ Givenchy
Mots-clés : IMITATION – RISQUE DE CONFUSION – IMPRESSION D’ENSEMBLE –
VENTE PRODUIT AUTHENTIQUE – DETENTION ET IMPORTANTION DE MARCHANDISES CONTREFAISANTES
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 91
Cour d’appel de Paris, 3ème chambre, pôle 1, 14 juin 2016
Mme X. c/ Wikimedia Foundation Inc.
Mots-clés : HEBERGEUR – EDITEUR – TROUBLE MANIFESTEMENT ILLICITE – DROIT DE REPONSE
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 97
Cour d’appel de Paris, Pôle 1, 2ème chambre, 16 juin 2016
Mphasis Wyde c/ Protegys et Zag
Mots-clés : COMMUNICATION DELOYALE – CONCURRENCE DELOYALE – PUBLICATION DECISION DE JUSTICE
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 106
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RIPIA n° 265
JU R I S P R U D ENCE C OMMUNA UTA IRE
Cour de Justice de l’Union Européenne, 5ème chambre, 17 mars 2016, Affaire C 99/15
Christian Liffers c/ Producciones Mandarina SL, Mediaset España Comunicación SA
Mots-clés : ŒUVRE CINEMATOGRAPHIQUE – INDEMNISATION – MONTANT DES REDEVANCES –
AUTORISATION D’UTILISATION
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 111
Tribunal de l’Union européenne, 18 mars 2016, Affaire T-33/15
Grupo Bimbo c/ OHMI
Mots-clés : MARQUE COMMUNAUTAIRE – MOTIFS ABSOLUS DE REFUS – ABSENCE DE CARACTERE DISTINCTIF
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 117
Cour de Justice de l’Union Européenne, 2ème chambre, 7 juillet 2016, Affaire C‑494/15
Tommy Hilfiger Licensing LLC ; Urban Trends Trading BV ; Rado Uhren AG ; Facton Ktf ; Lacoste SA ; Burberry Ltd c/ Delta
Center a.s.
Mots-Clés : MARCHE PHYSIQUE – DROITS DES MARQUES – INTERMEDIAIRES
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 130
JU R I S P R U D ENCE ETRA NGERE
United States, Court of Appeals, Fourth Circuit, 23 mars 2016, No. 15–1335
Belmora LLC c/ Bayer Consumer care AG LLC
Mots-clés : FAUSSE ASSOCIATION – CONCURRENCE DELOYALE – PUBLICITE MENSONGERE
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 137
United States, District Court for the Eastern District of New York, 31 mars 2016
Innovation Ventures LLC et al. c/ Ultimate One Distributing Corp. et. al.
Mots-clés : CONTREFACON – DETOURNEMENT DE PRODUITS – MAUVAIS ETIQUETAGE
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 150
United States, Trademark Trial et Appeal Board, 23 mai 2016
Royal Crown Company Inc and Dr Pepper/Seven up, Inc c/ the Coca Cola Compagny
Mots-clés : PROTECTION EXCLUSIVE – DROIT DES MARQUES – CARACTERE DISTINCTIF – TERME GENERIQUE
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 157
I L Y A 1 0 0 ANS DA NS L A RIPIA …
Cuba, Tribunal de première instance du district sud de la Havane, 11 octobre 1916
Arturo Casimiro Bosqué y Reyes c/ Granado et Cie
Mots clés : ACTION EN CADUCITE – MARQUE INTERNATIONALE – FORCE MAJEURE – DELAI D’ACTION
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 174
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RIPIA n° 265
JU R I S PR U D E NC E F RA N C A ISE
COUR D’APPEL DE PARIS
2 ÈME CHAMBRE
5 FEVRIER 2016
Linkedin France et Lindedin Ireland
Contre
Colink’in, Madame X
R IS QU E D E C O N F U SI O N – MA R QUE NOT OIR E –
M A R QU E C O M MU N AU TAIR E – R ESEAUX SOCIAUX
Synthèse
Dans un arrêt rendu le 5 février 2016, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur le risque de confusion entre
les marques « Linked In » et « Colink’in ».
En l’espèce, les sociétés Linkedin France et Irelande, ont engagé une action en contrefaçon de leur marque
« Linked In » contre la société « Colink’in ». Les sociétés Linkedin ont demandé réparation pour l’atteinte
résultant du profit indûment retiré de l’utilisation de la marque « Linked in » ainsi que pour concurrence
déloyale et parasitaire.
Le tribunal de grande instance de Paris a, le 19 décembre 2014, rejeté les demandes des sociétés Linkedin. Selon
les juges, d’une part, le risque de confusion n’existait pas entre les deux marques, faute de similitude entre les
signes, et d’autre part, les dispositions relatives à la marque de renommée n’étaient pas applicables en l’espèce.
Les sociétés Linkedin interjettent alors appel.
Le 5 février 2016, la cour d’appel de Paris confirme le jugement précédent et déboute les demanderesses. Les
juges se sont attachés à vérifier s’il y avait un risque de confusion entre les deux signes, en prenant en compte
les éventuelles similitudes phonétiques, visuelles et conceptuelles. Selon eux, les caractéristiques visuelles ne
sont pas suffisamment similaires pour créer un risque de confusion auprès du public. Il en est déduit que « les
facteurs de rapprochement phonétiques se révèlent donc, sinon inexistants, à tout le moins particulièrement
ténus ». Concernant les similitudes conceptuelles, elles sont jugées inexistantes également. La cour d’appel
conclut en soulignant que les « éléments de différentiation, la construction, la prononciation et la perception
des signes opposés » sont de nature à écarter tout risque de confusion du public à propos des marques « Linked
In » et « Colink’in ».
Arrêt
La société de droit irlandais Linkedln Ireland Ltd (filiale de la société américaine Linkedln Corporation, à
l’origine, depuis 2003, d’un réseau social sur internet à finalité professionnelle conçu pour permettre aux
professionnels de se connecter entre eux, d’améliorer leur productivité et leurs relations) et qui a elle-même
pour filiale en France la société Linkedin France SAS, est notamment titulaire :
de la marque verbale communautaire « Linkedin », n°00841l928, déposée le 07 juillet 2009, enregistrée le 16
mars 2010 et publiée le 18 mars 2010 pour désigner des produits et services en classes 9, 35, 38, 41, 42 et 45
(explicités dans le jugement auquel il est expressément renvoyé),
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RIPIA n° 265
de la marque complexe communautaire« Linked in » n°008411936, déposée le 07 juillet 2009, enregistrée le
16 mars 2010 et publiée le 18 mars 20l0, pour désigner des produits et services en classes 9, 35, 38, 41, 42 et
45 (explicités dans le jugement auquel il est expressément renvoyé).
Ayant constaté que Madame X., anciennement directrice des ressources humaines dans de grands
groupes français et qui désirait exercer des activités de coach professionnel, avait déposé la marque verbale
française« CoLink’In », n° 12 3 885 792, le 02 janvier 2012 pour désigner des produits et services en classes
35, 3 8, 41 et 42 –laquelle marque a été cédée à la société Colink’in Sarl, ayant nom commercial et enseigne
éponymes, en cours de formation et immatriculée au Registre du commerce le 07 février 2012- et constaté
par ailleurs que Monsieur Y., salarié de la société Simtim (s’agissant de l’agence de communication à laquelle
Madame X. a eu recours pour créer cette entreprise) avait réservé, le 21 décembre 2011, huit noms de domaine
afin de les céder ultérieurement à la société Colink’in (à savoir : , , , , , , , ), en créant un logo « colinkin coaching for the best » visible sur son site, les sociétés Linkedln Ireland LTD et Linkedln France SAS [ci-après :
les sociétés Linkedln] ont d’abord mis en demeure Madame X. de cesser ces agissements avant de l’assigner,
ainsi que la société Colink’in dont elle est la gérante et Monsieur Y., en contrefaçon par imitation des marques
communautaires précitées, en réparation de l’atteinte et du préjudice causés du fait du profit indûment tiré de
la renommée et du caractère distinctif de la marque n° 008411928 et enfin, s’agissant de la société Linkedin
France, en concurrence déloyale et parasitaire, ceci selon exploit du 22 février 2013.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 19 décembre 2014, le tribunal de grande instance de Paris a, en
substance et avec exécution provisoire :
prononcé la mise hors de cause de Madame X., rejeté la demande d’annulation des marques communautaires
numéros 008411928 et 008411936 (fondée sur l’absence de caractère distinctif),
rejeté les demandes de la société Colink’In (au titre des préjudices financiers et moral subis ainsi que sur le
fondement de l’abus de procédure) et de Madame X. (au titre du préjudice moral subi), rejeté l’ensemble des
demandes des resquérantes, condamné in solidum ces dernières à verser à la société Colink’in ainsi qu’à
Madame X. une somme globale de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et
à supporter les dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 23 novembre 2015, la société de droit irlandais Linkedln Ireland Ltd
et la société par actions simplifiée Linkedin France, appelantes, demandent pour l’essentiel à la cour au visa,
notamment, des articles L 711-4, L 714-3, L 717-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 9 et
suivants du règlement (CE) n°207 /2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire et 1382
du code civil :
de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation des marques revendiquées ainsi que
les demandes indemnitaires reconventionnellement formées par les défenderesses à l’action constituées, de
l’infirmer pour le surplus, de les dires recevables et fondées en leurs demandes et : de dire que la marque
« Linkedin » n°008411928 de la société Linkedln constitue une marque renommée au sens de l’article 9 § 1
sous c) du règlement 207/2009 de considérer que le dépôt, l’enregistrement et l’usage de la marque française
« CoLink’in » n°12 3 885 792, de la dénomination sociale, du nom commercial et de l’enseigne « Colink’in »et
des noms de domaine précités constituent d’abord une imitation illicite des deux marques dont la société
Linkedln Ireland est titulaire au sens de l’article 9 § 1 sous b) de ce règlement et portent, par ailleurs, atteinte
à la marque communautaire de renommée n° 008411928 en ce qu’ils tirent indûment profit et/ou portent
préjudice à son caractère distinctif et à sa renommée au sens de l’article 9 § 1 sous c) de ce règlement, de
considérer que l’utilisation de la dénomination « Colink’in » par la société Colinkin en tant que dénomination
sociale et nom commercial constitue un acte de concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre de la société
Linkedln France SAS,
de dire que la demande en déchéance des droits de la société Linkedln Ireland sur ses deux marques est
irrecevable en ce qu’elle porte sur les produits et services en classes 9, 35, 38, 41, 42 et 45 (explicités en pages
129 et 130/142 de leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément renvoyé) et, en tout état de
cause, de considérer que la société Linkedln lreland a bien exploité les deux marques revendiquées au cours
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RIPIA n° 265
de la période du 18 juin 2010 au 18 juin 2015 pour les produits et services en classes 9, 35, 38, 41, 42 et 45
(explicités en pages 131 et 132/142 de leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément renvoyé), en
conséquence, de prononcer la nullité de l’enregistrement de la marque française « CoLink’in » n°12 3 885
792, avec inscription subséquente au Registre des marques, d’ordonner à la société Colink’in de procéder à un
changement de ses dénomination sociale, nom commercial, enseigne au profit d’une dénomination ne portant
pas atteinte à ses droits, avec accomplissement des formalités nécessaires sous astreinte, d’ordonner à Monsieur
Y. et/ou à la société Colink’in de radier les noms de domaine , et avec obligation d’en justifier sous astreinte,
d’ordonner sous astreinte les interdictions d’usage du signe « Colink’in » ou tout signe similaire portant atteinte
à leurs droits, de se réserver la liquidation de ces astreintes, de condamner la société Colink’in à verser :
- à la société Linkedln Ireland la somme indemnitaire de 30 000 euros en raison de l’imitation illicite des deux
marques communautaires revendiquées,
-à la société Linkedln Ireland la somme indemnitaire de 30 000 euros du fait du préjudice porté au
caractère distinctif et à la renommée de sa marque « Linkedin » n°008411928 et du profit indüment tiré
de son caractère distinctif et de sa renommée, au sens de l’article 9§1 sous c) du règlement sur la marque
communautaire,
- à la société Linkedin France la somme indemnitaire de 30 000 euros venant réparer le préjudice subi du fait
des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre,
- à chacune d’entre elles la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
et à supporter les entiers dépens, de débouter les intimées de l’ensemble de leurs demandes.
Par dernières conclusions notifiées le 25 novembre 2015, la société à responsabilité limitée Colink’in et Madame
X. prient, en substance, la cour, au visa des articles 9§ 1 sous b ), 9§ 1 sous c ), 51 du règlement 207/2009 sur
la marque communautaire et 1382 du code civil, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en
celles relatives au préjudice subi par la société Colink’in et, statuant à nouveau :
de constater le défaut d’exploitation des deux marques communautaires revendiquées pour différents produits
et services (explicités en pages 78 et 79/81 dans le dispositif de leurs dernières conclusions) et de prononcer en
conséquence la déchéance partielle des droits du titulaire sur les deux marques communautaires revendiquées,
d’infirmer le jugement, s’agissant du préjudice, et de condamner les deux appelantes, tenues in solidum, à verser
à la société Colink’in SARL les sommes de :
- 200 000 euros au titre du préjudice résultant de la perte de chiffre d’affaires,
- 12 500 euros au titre de la perte de retour sur investissement,
- 15 000 euros au titre du temps passé par la gérante pour la défense de ses droits,
- 50 000 euros au titre de son préjudice moral,
- 15 000 euros au titre du préjudice d’image
- 10 000 euros pour procédure abusive
de condamner in solidum les deux appelantes à verser à la société Colink’in la somme de 50 000 euros et à
Madame X. la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et enfin à
supporter les entiers dépens.
Monsieur Y., non comparant en première instance, n’a pas constitué avocat.
Les appelantes justifient de la signification de la déclaration d’appel par exploit du 18 mars 2015 et de son
assignation avec signification des conclusions (article 911 du code de procédure civile) par acte du 13 avril
2015.
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RIPIA n° 265
DISCUSSION
Sur la mise hors de· cause de Madame X
Considérant que cette intimée sollicite la confirmation du jugement qui l’a mise hors de cause du fait de la
reprise, par la société Colink.’in SARL, des engagements pris en cours de formation de cette société, ajoutant
qu’il se déduit de l’absence de demandes formées à son encontre en cause d’appel que les appelantes ont renoncé
à la poursuivre ;
Mais considérant que contrairement à ce qui est ainsi affirmé, figure au dispositif des appelantes une demande
d’interdiction d’usage à l’encontre de Madame X., dirigeante de la société Colink’in, si bien que sa présence
apparaît nécessaire à la solution du litige ;
Qu’il s’en induit qu’il n’y a pas lieu de prononcer sa mise hors de cause et que le jugement doit être infirmé
de ce chef ;
Sur la demande de déchéance des droits de la société Linkedln lreland sur les marques communautaires
« Linkedin », verbale n°008411928 et complexe n°08411936
Considérant que la société Colink’in qui ne reprend pas en cause d’appel son moyen de nullité des deux
marques « Linkedin » revendiquées, tiré de leur défaut de caractère distinctif, poursuit, sur appel incident,
la déchéance des droits de leur titulaire en faisant valoir que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés
appelantes, elle est recevable en sa demande pour tous les produits et la plupart des services visés aux dépôts
(pages 12 à 15/81 de ses dernières conclusions) qui ne font pas l’objet d’une exploitation, quand bien ils ne
lui seraient pas opposés ;
Qu’elle se prévaut, sur le ·fondement de l’article 51 du règlement 207/2009 sur la marque communautaire, de
l’absence de démonstration, par les appelantes, d’une exploitation réelle et sérieuse de ces deux marques pour
lesdits produits et services ;
Sur la recevabilité de la demande telle que formulée
Considérant, que cette demande formée pour la première fois en cause d’appel est recevable dans la mesure
où l’écoulement de cinq années à compter de la publication de ces marques, devenu effectif durant l’instance
d’appel, s’analyse en la survenance d’un fait, au sens de l’article 565 du code de procédure civile ; qu’au
demeurant les appelantes ne se prévalent pas de l’exception de nouveauté ;
Que la recevabilité à agir de la société Colink’in, défenderesse à une action en contrefaçon de marques, n’est
pas davantage contestée ;
Que les parties s’opposent, en revanche, sur la recevabilité de l’intimée à solliciter la déchéance des droits de la
société Linkedin sur ses marques en ce qu’elles désignent des produits et services qui ne lui sont pas opposés ;
Qu’à cet égard, est dénué de pertinence l’argument des intimées selon lequel le droit communautaire n’apporte
aucune exception ni restriction au champ des demandes reconventionnelles en déchéance de la marque
communautaire et se distingue, par conséquent, des règles procédurales applicables aux mêmes types d’actions
relatives à une marque nationale dans l’Etat membre sur lequel est situé le tribunal des marques communautaires
dès lors que l’article 100 § 3 du règlement 207/2009, qu’elle cite pourtant, renvoie expressément à l’application
de ces règles procédurales internes ;
Que les sociétés Linkedln, qui rappellent à juste titre que l’OHMI a compétence exclusive pour connaître des
demandes en déchéance formées à titre principal à l’encontre des marques communautaires, sont de ce fait
fondée à leur opposer les dispositions de l’article 70 du code de procédure civile selon lequel « les demandes
reconventionnelles ( ... ) ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien
suffisant » ;
9
RIPIA n° 265
Que l’action en déchéance des droits du titulaire sur sa marque ayant pour finalité de lever l’entrave que
constitue, pour celui qui exploite un signe similaire ou identique ou entend développer son activité sous ce
signe, une marque inexploitée désignant des produits ou services identiques ou similaires à ceux qui sont
concernés par son domaine d’activité, la demande des intimées tendant à rendre disponible le signe qu’elles
considèrent comme inexploité ne peut porter que sur ceux qui lui sont opposés, sa demande reconventionnelle
se rattachant ainsi par un lien suffisant à la demande en contrefaçon du titulaire de la marque ;
Qu’est, par ailleurs, indifférent et sans effet sur la présente procédure, contrairement à ce que soutiennent
les intimées, le fait que la société Linkedln Ireland, titulaire de ces marques, a pu restreindre, en cours de
procédure, le périmètre des produits et services opposés dans la mesure où, selon l’article 954 du code de
procédure civile, à défaut de reprise des prétentions précédemment présentées, une partie est réputée les avoir
« abandonnées » et « la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées » ;
Qu’en contemplation des éléments de la cause soumis à l’appréciation de la cour et faute, par les intimées, de
démontrer qu’elles envisagent une extension de leurs activités, il y a lieu de considérer que l’appelante doit
être suivie lorsqu’elle identifie comme suit les produits et services couverts par les marques communautaires
concernées qui ressortent du secteur d’activité économique des intimées :
« (classe 9) logiciels informatiques ; logiciels de communication ; (classe 35) services de conseils en ressources
humaines ; fourniture de conseils interactifs en ligne en matière d’emploi ; (classe 41) services d’éducation ; diffusion
d’informations dans le domaine du développement personnel et professionnel, de l’établissement de relations, de la
formation, du recrutement, des conseils commerciaux, du développement commercial et du réseautage ; organisation
et conduite d’événements d’éducation el de formation en ligne, y compris réunions et séminaires virtuels ; (classe
42) conception et développement de logiciels pour des tiers ; (classe 45) services personnels et sociaux pour répondre
aux besoins des personnes ; fourniture d’informations en matière de développement personnel, à savoir de progrès
personnels, d’accomplissement personnel » ;
Sur le défaut d’exploitation des marques communautaires « Linkedin »
Considérant que les appelantes font justement valoir que la publication de ces marques est intervenue le 18
mars 2010 (pièces 1 et 2), que la demande de déchéance pour défaut d’usage sérieux a été présentée sur le
fondement de l’article 51 précité par conclusions notifiées le 18 juin 2015 et que, par conséquent, la période
de référence à prendre en considération est celle qui s’étend du 18 juin 2010 au 18 juin 2015 ;
Qu’il appartient au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée de rapporter la preuve d’un tel usage,
en l’espèce au sein de l’Union européenne et éventuellement cantonné à un seul des Etats membres ;
Qu’il résulte, en particulier, de la jurisprudence communautaire (CJCE, 27 janvier 2004, La Mer Technology
Inc.) qu’une marque « fait l’objet d’un« usage sérieux » lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle
qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou
de conserver un débouché pour ces produits ou services, à l’exclusion d’usages purement symboliques ayant pour seul
objet le maintien des droits conférés par cette marque. L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque
doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de
celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné
pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature
de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue ou la fréquence de ladite marque. Lorsqu’il
répond à une réelle justification commerciale, dans les conditions précitées, un usage même minime de la marque
ou qui n’est le fait que d’un seul importateur dans l’Etat membre concerné peut être suffisant pour établir l’existence
d’un caractère sérieux au sens de (la) directive (sur la marque) » ;
Que les appelantes soutiennent avec justesse que le caractère sérieux de l’usage résulte d’une appréciation
globale tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et, au cas particulier, de la circonstance
que leurs produits ou services sont fournis non point dans des points de vente mais à partir d’une plateforme
internet ; que la nature des preuves qu’elles fournissent et qui sont issues de leur site ne peut donc être critiquée
par les intimées, d’autant que divers éléments permettent de les inscrire dans la période de référence retenue ;
10
RIPIA n° 265
Qu’à tort, également, les intimées portent la critique sur la présentation par catégories adoptée par les
appelantes au motif qu’elle constituerait un brouillage des preuves d’usage de chacun des produits ou services
dès lors que celles-ci n’omettent pas de s’y référer ; qu’il y a donc lieu de suivre cette présentation visant
uniquement à clarifier l’examen des éléments pertinents du cas d’espèce et en lien avec la spécificité de l’activité
des appelantes revendiquant l’envergure de leur plateforme, accessible dans 20 pays et territoires (dont ceux de
l’Union européenne) et dans 19langues, avec 300 millions d’utilisateurs dont 9 sur le territoire de l’Union ;
Que, s’agissant des produits ou services relevant du domaine informatique, les sociétés Linkedln regroupent les
preuves d’usage des marques en cause pour (en classe 9) les « logiciels informatiques ; logiciels de communication »
et (en classe 42) les services de « conception et développement de logiciels pour des tiers » et produisent les pièces
33.2, 34, 11.3.4, 11.3.12, 11.2, 11.4.5, 11.6.1, 11.6.3, 11.6.6, 11.6.11, 11.3.10, 33.12 et 37 ;
Qu’en vain les intimées consacrent des développements aux logiciels en tant que supports et aux logiciels en
tant que bases de données· dès lors que les appelantes justifient à suffisance des applications de sa plateforme en
ligne fournies sous la marque « Linkedin » (en particulier sur iPhone) permettant de considérer qu’elle conçoit,
propose et fournit à ses utilisateurs des applications logicielles, créant de plus des interfaces de programmation
à destination des autres programmeurs, et invoquent (en pièce 42) la note explicative relative à la classe 9 de
la classification de Nice (à savoir : « cette classe comprend notamment : ( ... ) les programmes informatiques et
logiciels de toutes sortes quel que soit leur support d’enregistrement ou de diffusion, les logiciels enregistrés sur support
magnétique ou téléchargés depuis un réseau informatique externe ») ;
Que tout aussi vainement se prévalent-elles d’une absence de datation alors que les appelantes objectent, à
raison, qu’en particulier la pièce 11.3.4 précise que l’application mobile pour iPad a été lancée au deuxième
semestre de l’année 2012, que la pièce 34 porte la date du 13 avril2015 et la pièce 33.2 celle de 2015, s’inscrivant
ainsi dans la période de référence, ou encore invoquent-elles l’absence d’usage dans la zone géographique de
protection des marques dès lors qu’une rédaction en langue anglaise, destinée au public européen, n’est pas un
grief pertinent à cet égard ou qu’il ressort, notamment, d’un article sur une application « Linkedin Recruter » dont la dénomination n’altère pas le caractère distinctif des marques« Linkedin » - daté du 20 septembre 2012
(pièce 11.3.1 0) qu’ « en France, plus de 100 entreprises, y compris 75 % de sociétés du CAC 40, utilisent
actuellement la solution Recruter » ;
Que ces différent éléments satisfont aux critères dégagés par la juridiction communautaire ;
Que, s’agissant de l’usage des marques « Linkedin » relevant des services de conseil et de fourniture d’informations
et qui concernent les services (en classe 3 5) « ( .. .) de conseils en ressources humaines ; fourniture de conseils
interactifs en ligne en matière d’emploi ; (en classe 41) « ( ... ) d’éducation ; diffusion d’informations dans le domaine
du développement personnel et professionnel, de l’établissement de relations, de la formation, du recrutement, des conseils
commerciaux, du développement commercial et du réseautage ; organisation et conduite d’événements d’éducation et de
formation en ligne, y compris réunions et séminaires virtuels », les appelantes produisent d’autres pièces destinées à
établir un usage réel et sérieux des marques en cause durant la période considérée (pièces 11.1, 11.3.12, 11.6.4,
11.6.5, 11.6.9, 11.6.11,.11.7.8, 11.7.9, 11.7.13, 11.7.15,33.3,33.4, 33.8 à 33.11) ;
Que si les intimées portent ici leurs critiques sur le fait que la société Linkedln n’invoque pas ses propres écrits
mais ceux de ses utilisateurs partagés sur son réseau social, sans aucun service de fourniture de conseils ou
d’informations, si elles invoquent aussi le défaut d’efficacité de la production de guides - non datés, dont la
diffusion est ignorée et qui, pour J’un (pièce 33.3.3), n’est qu’un guide pour optimiser le profil des utilisateurs
de Linkedin - afin de satisfaire à la démonstration requise ou si elles font état de l’exploitation du service non
par la société Linkedln mais par des tiers, tel l’Institut de sondage CSA, en affirmant qu’il n’est pas établi que
ce soit un service de publication électronique et en ligne propre aux appelantes, leur argumentation ne peut
être approuvée ;
Qu’en effet, la diffusion, sous les marques revendiquées, d’informations telles que celles spécifiées à
l’enregistrement ressort de l’activité des sociétés Linkedln, à l’origine du réseau social à finalité professionnelle,
utilisé dans le domaine du recrutement, de la recherche d’emploi ou de l’accompagnement professionnel, et est
attestée par les pièces produites ;
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RIPIA n° 265
Qu’elles prouvent qu’il a été fait un usage constant de ces marques pour désigner les services en question ;
qu’à titre illustratif, les appelantes évoquent le lancement, au mois de mars 2011, d’un produit « Linkedin
today » - dont la dénomination n’altère pas, ici non plus, la distinctivité du signe revendiqué - fournissant des
informations à ses utilisateurs ; que, par ailleurs, l’examen des guides dont la valeur probante est également
contestée permet de considérer qu’ils sont datables, directement ou indirectement, et diffusés sous la marque,
quand bien même des tiers interviendraient dans leur élaboration ;
Que les griefs articulés par les intimées se révèlent par conséquent dénués de pertinence ;
Que, s’agissant enfin des services de télécommunication opposés et qui concernent, (en classe 45) les
« services personnels et sociaux pour répondre aux besoins des personnes ; fourniture d’informations en matière de
développement personnel, à savoir de progrès personnels, d’accomplissement personnel », les appelantes font justement
valoir qu’en pages 12 et 13/81 de leurs dernières conclusions les intimées reconnaissent l’exploitation sous la marque
« Linkedin » des « services de télécommunication, à savoir services permettant aux utilisateurs de transmettre des
messages, commentaires, ( ... )informations et autres contenus créés par les utilisateurs via un réseau informatique
(. .. ) ; mise à disposition de forums (... ) » ; mise à disposition d’infrastructures de télécommunication (... ) » et
que les services couverts en classe 45 qui leur sont opposés sont, non point totalement différents et issus
d’entreprises dépourvues de liens, comme il est prétendu, mais similaires, voire complémentaires, à ceux dont
elles reconnaissent l’exploitation ;
Que cet autre chef de contestation du caractère réel et sérieux de l’usage de la marque « Linkedin » ne peut
non plus prospérer ;
Qu’il s’évince de tout ce qui précède que les intimées ne sont pas fondées en leur moyen et que leur action en
déchéance ne peut être accueillie ;
Sur les demandes distinctes formées à titre principal portant sur la contrefaçon par imitation des deux
marques communautaires « Linkedin » revendiquées ainsi que sur l’atteinte à la marque communautaire
de renommée « Linkedin » n°008411928
Considérant qu’aux termes précis du dispositif de leurs dernières conclusions, les appelantes demandent à la
cour de juger :
que le dépôt, l’enregistrement et l’usage de la marque française « CoLink’in » n°12 3 885 792, de la
dénomination sociale, du nom commercial et de l’enseigne « Colink’in »et des noms de domaine , , , , , , et
constituent une imitation illicite des enregistrements de marques communautaires « Linkedin » n°008411928
et « Linked in » n° 008411936 dont est titulaire la société Linkedln Ireland au sens de l’article 9 § 1 sous
b) du règlement (CE) 207/2009 sur lamarque communautaire, que le dépôt, l’enregistrement et l’usage de
la marque française « CoLink’in » n°12 3 885 792, de la dénomination sociale, du nom commercial et de
l’enseigne « Colink’in » et des noms de domaine , , , , , , et portent atteinte à la marque communautaire
renommée « Linkedin » n° 008411928 de la société Linkedln Ireland en ce qu’ils tirent indûment profit et/ou
portent préjudice au caractère distinctif et à la renommée de ladite marque communautaire au sens de l’article
9 § 1 sous b) du règlement (CE) 207/2009 sur la marque communautaire, et poursuivent l’indemnisation
des préjudices que le titulaire de la marque déclare avoir subis du chef de chacun de ces délits, à hauteur de la
somme de 30 000 euros au titre de chacun ;
Que les appelantes reprochent d’abord au tribunal d’avoir écarté le risque de confusion malgré les similitudes
entre les services et les signes qu’elles mettent en exergue ;
Qu’elles lui font, par ailleurs, grief d’avoir considéré que les dispositions relatives à la marque renommée
n’étaient pas applicables, faute de similitude entre les signes, et jugé que le titulaire de la marque devait être
débouté de cette demande sur ce fondement sans qu’il soit besoin d’examiner si sa marque bénéficiait de cette
protection mais par simple référence à l’analyse effectuée sur le fondement de la contrefaçon, alors, affirmentelles, que les standards d’appréciation de la similitude diffèrent selon que l’on se fonde sur les dispositions de
l’article 9 § 1 sous b) ou sous c) précités ;
12
RIPIA n° 265
Considérant, ceci rappelé, qu’il ressort des enseignements de la juridiction communautaire invoquée par le
appelantes (en particulier : CJUE, 20 novembre 2014, « Ballon rond ») que cette juridiction a dit pour droit
(au point 73) que « C’est uniquement dans l’hypothèse où les marques en conflit présentent une certaine similitude,
même faible, qu’il incombe au tribunal de procéder à une appréciation globale afin de déterminer si, nonobstant
le faible degré de similitude entre celles-ci, il existe, en raison de la présence d’autres facteurs pertinents, tels que la
notoriété ou la renommée de la marque antérieure, un risque de confusion ou un lien entre ces marques dans l’esprit
du public concerné », comme elle le fit dans l’arrêt CJCE, 23 octobre 2003, Adidas Fitness World (points 27
et 29) ;
Que l’action fondée sur l’article 9 § 1 sous c) ne sera donc examinée que « dans l’hypothèse où les marques en
conflit présentent une certaine similitude, même faible » ;
1 - Sur l’action en contrefaçon par imitation [article 9 § 1 sous b) du règlement CE 207120091
* du fait du dépôt, le 02 janvier 2012, de l’enregistrement et de l’usage de la marque « Colink’in » n° 12 3 885 792
A- Sur la comparaison des produits et services
Considérant qu’alors que les appelantes poursuivent la confirmation du jugement en ce qu’il conclut à l’identité
ou à la similitude des produits et services couverts par les marques en conflit, les intimées déduisent du succès
de leur action en déchéance sus-examinée le fait que très peu de· services sont, à leur sens, identiques et qu’en
réalité il ne s’agit que des services de télécommunications que la société CoLink’in n’exploite pas autrement
que pour la promotion de ses services ;
Considérant, ceci exposé, que la solution donnée à l’action en déchéance prive de toute pertinence le moyen
que les intimées voudraient tirer de ses effets ; que par ailleurs, la comparaison doit être menée sur les produits
et services visés à l’enregistrement, contrairement à ce qu’elles affirment ;
Qu’étant rappelé que les produits et services peuvent être tenus pour similaires lorsqu’ils répondent aux mêmes
besoins, ont la même destination ou finalité, sont vendus dans les mêmes lieux, relèvent des mêmes circuits de
distribution ou sont utilisés en complément l’un de l’autre, il y a lieu de considérer, à l’aune de ces éléments
d’appréciation, que sont identiques ou similaires aux produits et services opposés par les sociétés Linkedln,
explicités plus avant, les produits ou services suivants visés à l’enregistrement de la marque contestée :
« Conception et développement d’ordinateurs et de logiciels ; élaboration (conception), installation, maintenance, mise
à jour ou location de logiciels ; analyses de systèmes informatiques ; conception de systèmes informatiques ; consultation
en matière d’ordinateurs ; conversion de données et de programmes informatiques autres que conversion physique ;
conversions de données ou de documents d’un support physique vers un support électronique· ; programmation par
ordinateur ; éducation ; formation ; recyclage professionnel ; organisation et conduite de colloques, conférences
ou congrès ; évaluation, estimation et recherches dans les domaines scientifique et technologique rendues par des
ingénieurs ; études de projets techniques ; recherche et développement de nouveaux produits pour des tiers » ;
Qu’il s’en déduit que les produits et services couverts par la marque seconde sont pour partie identiques pour
partie similaires à ceux de la marque première qui leur sont opposés ;
B (1) - Sur la comparaison de la marque verbale communautaire « LINKEDIN » n°008411928 et de la
marque verbale française« CoLink’ln » n° 12 3 885 792
Considérant que la marque antérieure porte sur la marque verbale « LINKEDIN » calligraphiée en lettres
majuscules noires ;
Que la marque verbale « CoLink’In » est, quant à elle, calligraphiée en lettres minuscules noires, hormis trois
lettres (« C », « L » et « I » de la séquence finale) et comporte une apostrophe précédant le terme « In » ;
13
RIPIA n° 265
Considérant que le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l’identique de la marque première qui
lui est opposée, il convient de rechercher s’il n’existe pas entre les deux signes un risque de confusion (lequel
comprend le risque d’association) qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs
pertinents du cas d’espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle,
phonétique et conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci
en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ;
Qu’en outre, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un
degré élevé de similitude entre les signes et inversement ;
Que, visuellement, s’il est vrai que les signes opposés se composent tous deux de huit lettres, dont six leur
sont communes, et que s’y retrouvent semblablement les séquences « link » et « in », comme soutenu par les
appelantes, ces dernières ne peuvent être suivies lorsqu’elles affirment que la séquence « Link’in » au sein de la
marque seconde en constitue l’élément distinctif et dominant et tenir pour « accessoire et secondaire le préfixe
« Co » » alors que le consommateur de !Union européenne lit de gauche à droite, qu’il s’attache à l’élément
d’attaque en le mémorisant et que, quand bien même serait insérée une majuscule au sein de la séquence
« CoLink », il ne la décomposera pas et la verra comme un tout en observant la particularité graphique que
constitue la présence, in fine, de l’apostrophe la rattachant au dernier terme « In » tandis que la marque
première se caractérise par sa compacité excluant toute différence dans le lettrage ;
Qu’en outre, la marque première inclut entre la séquence « LINK » et la séquence « IN » les deux lettres « ED »
qui ne se retrouvent pas dans la lecture de « CoLink’In » ;
Que les appelantes ne sont pas fondées à prétendre que ces marques sont « très similaires » sur le plan visuel alors que
pour le consommateur qui n’aura pas simultanément les deux marques sous les yeux, elles ne le sont que faiblement ;
Que, phonétiquement, la syllabe à forte sonorité « Co », placée en attaque, n’est pas présente dans la marque
première et singularise la prononciation de la marque seconde, contrairement à ce que prétendent les appelantes
qui n’y voient qu’une « entame », un préfixe par nature négligeable ;
Que, de plus, la présentation qu’elles font de la prononciation de ce qu’elles nomment le « son « d » » pour
dire que la séquence « ED » est phonétiquement peu perceptible se révèle contestable dès lors que ne sont pas
incriminés des actes de contrefaçon de cette marque communautaire bénéficiant en théorie d’une protection
uniforme ailleurs que dans l’Etat français et que rien ne permet d’affirmer que le public pertinent prononcera
la marque revendiquée « link[d]in » plutôt que « link[eud]in » ou « link[éd]in » ;
Qu’à cet égard, les intimées font état, en en justifiant (pièces 8 et 9), de la diffusion d’une vidéo issue du site
web d’hébergement YouTube intitulée « comment prononce-t-on Linkedin ? » révélant, selon une tendance
forte, une prononciation en trois temps ;
Que les facteurs de rapprochement phonétiques se révèlent donc, sinon inexistants, à tout le moins
particulièrement ténus ;
Que, conceptuellement, les signes opposées n’ont ni l’un ni l’autre de signification propre, le caractère
évocateur d’un réseau social que présente le néologisme « linked in » signifiant « lié dans »pour le public
anglophone n’étant pas transposable avec évidence pour le public français à la recherche d’emploi disposant
des rudiments de cette langue, contrairement à ce qui est prétendu ; que l’élément « Link » qui se fond dans
la marque seconde, tout comme l’élément « In » ne permettent pas de les rapprocher intellectuellement ou de
voir dans cette marque, envisagée comme un tout, une déclinaison de la marque première ;
Qu’il résulte de l’analyse globale ainsi menée qu’en dépit de l’identité ou de la similarité des produits et
services couverts par les marques opposées, le consommateur ne pourra se méprendre sur l’origine respective
des produits ou des services en cause, tant présentent des éléments de différentiation la construction, la
prononciation et la perception des signes opposés ; qu’en présence de trop faibles facteurs de rapprochement, il
ne sera pas conduit à penser qu’ils proviennent d’une même entreprise ou d’entreprises liées économiquement ;
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RIPIA n° 265
B (2) Sur la comparaison de la marque complexe communautaire « Linked in » n°008411936 et de la
marque verbale française « CoLink’In » n° 12 3 885 792
Considérant que la marque antérieure porte sur la marque verbale « Linked in » ; qu’alors que la séquence
« Linked » est calligraphiée en lettres minuscules noires à l’exception du « L »en majuscule, la séquence« in »
qui est calligraphiée en lettres minuscules blanches de même taille est incluse dans un carré noir aux bords
arrondis figurant sur la même ligne que la séquence« Linked » ;
Que la marque verbale seconde « CoLink’in » est, comme il a été dit, calligraphiée en lettres minuscules noires,
hormis trois lettres (« C », « L » et « I » de la séquence finale) et comporte une apostrophe précédant le terme
« In » ;
Considérant, selon la même approche, que le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l’identique de
la marque première qui lui est opposée, il convient de rechercher s’il n’existe pas entre les marques opposées
un risque de confusion (lequel comprend le risque d’association) qui doit être apprécié globalement en tenant
compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne
la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble
produite par celles-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ;
Qu’en outre, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés ou exploités peut être
compensé par un degré élevé de similitude entre les marques et inversement ;
Qu’il convient de se référer à ce qui est .énoncé précédemment sur la comparaison des produits et services ;
Que, s’agissant de la comparaison des signes en présence et de leur appréciation visuelle, ils se composent tous
deux, ici aussi, de huit lettres dont six leur sont communes ; qu’en outre, s’y retrouvent semblablement les
séquences « link » et « in » ;
Que, toutefois, les appelantes ne sont pas fondées à prétendre que la séquence « Link’In » au sein de la marque
seconde en constitue l’élément distinctif et dominant et ne peuvent tenir pour « accessoire et secondaire le
préfixe « Co » » alors que le lecteur de l’Union européenne lit de gauche à droite, qu’il s’attache à l’élément
d’attaque et que, quand bien même serait insérée une majuscule au sein de la séquence « CoLink », il ne
décomposera pas le signe et le verra comme un tout ;
Qu’il y a lieu d’ajouter que l’élément typographique particulier que constitue l’apostrophe reliant les termes
« CoLink » et « In » constitue un facteur de différenciation notable des signes, à l’instar de l’inclusion, dans
la marque communautaire, de la séquence« in » dans un carré distinct, contrastant, au surplus, par sa couleur
blanche avec le reste de l’élément verbal de ce signe ;
Qu’enfin, la marque première inclut entre les syllabes « Link » et « in » les deux lettres « ed » qui ne se retrouvent
pas dans la lecture de « CoLink’In » et que cette présence ne peut être négligée comme énoncé ci-avant ;
Que ne peut donc être retenue la similitude invoquée par les appelantes, sur le plan visuel ;
Que, phonétiquement et par mêmes motifs que précédemment, les facteurs de rapprochement se révèlent donc
particulièrement faibles, les intimées ajoutant avec pertinence sur ce point que l’intégration de la finale« in »
dans un carré distinct tend à mettre davantage encore en évidence la syllabe centrale « ed » précédant cet
élément géométrique ;
Que la comparaison des signes sur le plan intellectuel étant identique à celle précédemment développée, il
résulte de l’analyse globale ainsi menée qu’en dépit de l’identité ou de la similarité des produits et services
couverts par les marques opposées, le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif ne
pourra se méprendre sur l’origine respective des produits ou des services en cause, tant sont distinctes la
construction, la prononciation et la perception des signes opposés ; qu’en présence de trop faibles facteurs de
rapprochement, il ne sera pas conduit à penser qu’ils proviennent d’une même entreprise ou d’entreprises liées
économiquement ;
15
RIPIA n° 265
Qu’il résulte de tout ce qui précède que les appelantes doivent être déboutées de leur action en contrefaçon
de leurs marques communautaires par le dépôt, l’enregistrement et l’usage de la marque « CoLink’In », tout
comme de leurs demandes subséquentes, et que le jugement mérite confirmation sur ce point ;
* sur l’usage des autres signes distinctifs
Considérant, s’agissant de la dénomination sociale, du nom commercial et de l’enseigne « Colink’in », qu’il
résulte des statuts de la société Colink’in qu’elle a pour objet l’exercice d’une activité de conseil auprès
des entreprises privées ou publiques, des collectivités territoriales, des associations ou des particuliers et,
notamment, le conseil en organisation en stratégie, coaching, formation, recrutement du personnel, ainsi que
toutes les opérations s’y rapportant ;
Que, créée et dirigée par Madame B. également intimée, elle opère dans un secteur d’activité professionnelle
portant sur des produits et services se rapprochant de ceux qui sont désignés· à l’enregistrement des deux
marques communautaires verbale, « Linkedin » et, complexe, « Linked in » ;
Que les signes distinctifs incriminés à ce titre, qu’il s’agisse de la dénomination sociale « Colink’in » orthographiée
en majuscules ou de présentations du signe uniquement faites en lettres minuscules mais introduisant des éléments
de fantaisie - dans la ponctuation des « i » (par substitution de virgules aux points ou décalage du point, en couleur,
sur le« k »)ou dans l’emploi de la couleur (pièces 4, 9, 20 des appelantes)- ne constituent pas la contrefaçon des
marques communautaires revendiquées par mêmes motifs que ceux développés plus avant et, a fortiori, du fait de
l’adjonction de ces derniers éléments qui sont autant de facteurs de différenciation au plan visuel ;
Considérant par ailleurs et s’agissant des huit noms de domaine précités (pièce 6 des appelantes) qui ne
diffèrent que par leur suffixe, l’absence de risque de confusion entre les signes opposés doit de la même façon
être retenue en raison de ces mêmes éléments, l’absence de lettres majuscules renforçant d’ailleurs le caractère
unitaire du signe utilisé comme nom de domaine ;
Que les appelantes échouent, par conséquent, en leur action en contrefaçon des marques communautaires
revendiquées fondée sur l’usage dans la vie des affaires de ces autres signes distinctifs par les intimées ;
2 - Sur l’atteinte à la marque renommée [article 9 § 1 sous c) du règlement CE 207120097
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que si l’appréciation globale des marques en conflit ne permet pas de
retenir un risque de confusion, il n’existe pas moins entre elles des éléments de similitude, visuelle et auditive ;
Que la société Linkedln Ireland qui revendique le caractère de renommée de la marque communautaire
« LINKEDIN » n° 008411928 dont elle est titulaire couvrant notamment les services de réseautage professionnel
en ligne et services d’information en matière d’emploi, de recrutement, de ressource d’emploi et de listes d’emploi ainsi
que les services de réseautage et de rencontres sociales demande à la cour de lui accorder cette protection élargie et
de considérer qu’il existe des éléments de ressemblance, visuelle, auditive ou conceptuelle de nature à conduire
le public à établir un lien entr les signes, même s’il ne risque pas de les confondre ;
* sur la renommée de la marque « LINKEDIN » n°00841 1928
Considérant que la société Linkedln Ireland produit de multiples documents (regroupés en pièce 11) aptes à
démontrer que la marque en cause, massivement connue tant au niveau national qu’international, peut être
considérée comme jouissant d’une renommée auprès du public du fait de l’exploitation de ces services précis ;
Qu’elle justifie, en particulier, de nombreux communiqués et articles de presse, publiés entre 2007 et 2014,
attestant de l’emprise et de la valeur économiques de cette marque, de son rayonnement géographique auprès
de plusieurs centaines de millions d’utilisateurs mensuels actifs, soit une partie significative du public concerné,
ou encore de résultats financiers substantiels (avec un chiffre d’affaires de 85,6 millions d’euros en 2011) lui
ayant ; en particulier, permis une introduction en Bourse en mai 2011 qui se trouvent confortés par 1JI ?.e
enquête réalisée par l’Institut de sondage IFOP en novembre 2011 ;
16
RIPIA n° 265
Qu’il y a lieu de relever que les intimées, concluant notamment (page 50/81 de leurs dernières conclusions) que
« s’il n’est pas contesté que la société Linkedln remplit la condition de renommée pour les services .de réseautage
professionnel en ligne, cette renommée ne s’étend pas aux autres services revendiqués », ne contestent pas le
bénéfice de la protection spéciale ·accordée à cette marque, du fait de sa renommée, pour lesdits services ;
Qu’il échet, dans ces conditions, de lui reconnaître ce caractère ;
* sur la protection spéciale de la marque « LINKEDIN » dont le bénéfice est réclamé en l’espèce
Considérant qu’il résulte d’une appréciation globale tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas
d’espèce, tels que dégagés par la jurisprudence communautaire (CJCE, Intel, en particulier) et tels qu’évoqués
plus avant, que le public concerné par les produits ou services en cause ne sera pas conduit à faire un
rapprochement, de façon forte et immédiate, entre le signe litigieux et la marque renommée ;
Qu’à admettre même que la faiblesse des facteurs de rapprochement n’exclut pas qu’un lien s’établisse dans
l’esprit du public pertinent, il appartient à la société Linkedln Ireland qui entend voir juger que le simple usage
ou l’exploitation, dans la vie des affaires, de la marque « CoLink’in » est source de préjudice ou constitutive
d’une faute, d’établir, alternativement ou cumulativement, soit que « l’usage du signe sans juste motif tire
indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire », soit qu’il « leur porte
préjudice » et qu’à cet égard, les éléments qu’elle fournit ne permettent pas d’emporter la conviction de la cour ;
Qu’en effet, il n’est pas démontré que le signe litigieux ait eu pour effet ou risque d’avoir pour effet de provoquer
une dispersion de l’identité de la marque renommée, en en réduisant la valeur économique, ou d’être à l’origine
d’un ternissement, en en donnant une image négative, dès lors que les multiples documents produits par l’appelante
afin de pouvoir bénéficier de la protection élargie accordée à la marque renommée conduisent à considérer que la
marque exerce une force d’attraction croissante ; qu’à cet égard, l’appelante argumente pour l’essentiel en termes
généraux incluant l’ « effet boule de neige » identifié par l’OHMI sans pour autant établir une modification ou un
risque de modification du comportement économique du consommateur de ses produits ou services ;
Que le profit indûment tiré de la renommée de la marque n’est pas davantage démontré dans la mesure où il
n’est pas établi que la société intimée, dont la volonté de « suspendre toute visibilité de sa marque sur internet »
est incidemment évoquée par l’appelante, en ait tiré avantage auprès de sa propre clientèle ;
Qu’il s’évince de ce qui précède que la société Linkedln Ireland, titulaire de la marque renommée «  LINKEDIN  »
sera déboutée de sa demande indemnitaire formée à l’encontre de la société intimée ;
Sur la demande indemnitaire de ·la société Linkedin France SAS au titre de la concurrence déloyale et parasitaire
Considérant qu’au soutien de cette demande, la société Linkedin France se prévaut de la similitude « largement
démontrée » entre sa dénomination sociale« Linkedin France SAS », dont les deux derniers termes ne font
qu’indiquer la forme juridique et le pays de rattachement, outre son nom commercial « Linkedin » et son
enseigne éponyme qui lui permettent de développer son activité et le signe « Colink’in » utilisé par la société
intimée pour les services de conseil en organisation et stratégie, coaching, formation et recrutement de personnel ;
Qu’elle incrimine la faute commise par cette dernière dans la mesure où, à son sens, l’utilisation de ce signe,
fortement distinctif intrinsèquement et du fait de sa renommée, crée, dans l’esprit du public, un risque
de confusion avec ses propres activités qui portent sur le développement en France de celles de la société
américaine Linkedln dont elle est la filiale depuis décembre 2009 ;
Mais considérant que si la recevabilité de la demande de cette société juridiquement distincte de la société
titulaire de la marque ne peut valablement être contestée, il convient de considérer qu’il résulte de ce qui
précède que le risque de confusion allégué n’est que prétendu, de même que le profit qui serait indûment tiré
de ses investissements, et que sa demande à ce titre n’est pas fondée ;
Que, par voie de conséquence, le jugement qui en dispose ainsi mérite confirmation ;
Sur les demandes indemnitaires reconventionnellement formées
17
RIPIA n° 265
Considérant que, formant appel incident, la société Colink’in demande à la cour de condamner in solidum les
appelantes à réparer le préjudice qu’elle considère avoir subi du fait de l’introduction de la présente procédure,
ceci pour un montant total de 292 500 euros qu’elle décompose en une perte de chiffre d’affaires (non
démontrable mais indemnisable, expose-t-elle), une perte de retour sur investissement, une perte de temps
occasionné à sa gérante pour la défense de la société ainsi qu’en un préjudice moral et d’image, et de lui allouer,
de plus, la somme de 10 000 euros venant sanctionner l’abus de procédure ;
Qu’elle soutient cumulativement qu’il ne peut lui être reproché de n’avoir pas renoncé à sa marque et à sa dénomination
en poursuivant l’activité qu’elle ne venait que d’initier en 2012 mais sous un autre signe ; qu’elle s’est vue contrainte,
ajoute-t-elle, d’assurer sa défense et affirme qu’il est « particulièrement inéquitable » de considérer que des sociétés
comme la société Linkedln, par elle qualifiée de « géant mondial », peuvent, sans recherche de solution amiable,
contraindre une société de son propre type à renoncer à un droit légitime ; que si les sociétés appelantes ne sont pas
« coupables » d’avoir introduit cette procédure, elles n’en demeurent pas moins « responsables » des préjudices subis ;
qu’en outre, il ne peut non plus lui être fait grief de n’avoir pas, par précaution, développé son site internet sous le signe
contesté car, l’aurait-elle fait, elle s’exposait à des demandes indemnitaires nettement plus importantes ;
Considérant, ceci exposé, que si l’appelante qui fait un rapprochement, dans son argumentation, avec la perte
de chance peut être suivie lorsqu’elle affirme que celle-ci est réparable, encore faut-il que la chance perdue
soit sérieuse et que cette société démontre, par conséquent, qu’était importante la probabilité que l’événement
favorable dont elle estime avoir été privée survienne ;
Qu’à cet égard, force est de constater que la procédure a été introduite lors de la création de la société Colink’in et
que n’est produit au soutien de cette demande aucun document permettant à la cour de considérer que le succès
escompté dont il est fait état à travers cette demande d’indemnisation n’était pas -seulement hypothétique ;
Que les préjudices d’image et moral que la société intimée déclare avoir subis ne sont, quant à eux, aucunement·
caractérisés et que la perte de temps invoquée a vocation à être indemnisée au titre des frais non compris dans les dépens ;
Qu’enfin, en dépit de la solution donnée au présent litige, rien ne permet de considérer que les demanderesses
à l’action aient fait dégénérer en abus leur droit d’ester en justice pour défendre les droits que, titulaire et
exploitante, elles tiennent des marques revendiquées ;
Que la société Colink’in sera, dans ces conditions, déboutée de sa demande, comme en dispose le jugement ;
Sur les autres demandes
Considérant que l’équité conduit à allouer aux intimées une somme complémentaire globale de 15 000 euros
(soit : celle de 13 000 euros au profit de la société Colink’in et 2 000 euros au profit de Madame X.) en
application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Que, déboutées de ce dernier chef de prétentions, les appelantes qui succombent supporteront les dépens d’appel ;
DECISION
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a mis hors de cause Madame X. et, statuant à nouveau en y ajoutant ;
Rejette la demande de Madame X. tendant à voir prononcer sa mise hors de cause ;
Déclare la société Colink’in partiellement recevable mais mal fondée en sa demande de déchéance des droits de
la société Linkedln lreland sur les marques communautaires (verbale) « Linkedin » n°008411928 et (complexe)
« Linked in » n°008411936 dont elle est titulaire pour défaut d’exploitation réelle et sérieuse ;
Déboute les sociétés Linkedln Ireland et Linkedin France SAS de leurs entières demandes ;
Condamne in solidum les sociétés Linkedln Ireland et Linkedin France SAS à verser aux intimées une somme
complémentaire globale de 15 000 euros (soit : celle de 13 000 euros au profit de la société Colink’in et
2 000 euros au profit de Madame X.) en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter
les entiers dépens, avec faculté de recouvrement conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
18
RIPIA n° 265
COUR D’APPEL DE PARIS
POLE 5
1 ÈRE CHAMBRE
15 MARS 2016
APC, FNDF, SEVN, UPF, SPI
Contre
Yahoo, Microsoft, Orange, SFR, Auchan Télécom, Darty Télécom,
Bouygues Télécom, Numericable et Free
S I T E I NTERN ET – D EREFER ENCEMENT – COUT –
BLO C AGE – D R OIT D’ AUT EUR
Synthèse
Dans cette affaire Allostreaming, la cour d’appel de Paris a décidé de mettre les coûts de blocage et de
déréférencement empêchant les internautes de visionner illégalement des films et séries, à la charge des
fournisseurs d’accès internet et des moteurs de recherche.
En l’espèce, les 25 et 30 novembre 2011, l’APC, la FNDF, le SEVN, l’UPF et le SPI ont assigné les sociétés
Numéricables, Orange France, France Télécom, SFR, Free, Bouygues Télécom, Darty Télécom et Auchan
Télécom, sur la disposition de l’article L 336-2 du Code de la propriété intellectuelle, afin de faire interdire
l’accès au contenu des sites allostreaming ; alloshowtv ; alloshare ainsi qu’allomovies.
APC et FNDF ont également assigné Yahoo ! Inc., Microsoft Corporation, Google Inc, Google France, Yahoo !
France Holdings, Microsoft France et le GIE Orange Portails, afin qu’ils suppriment tout résultat sur leur site
permettant aux utilisateurs d’être renvoyés sur ces sites litigieux en raison du caractère contrefaisant de ceux-ci.
Le tribunal a jugé que les demandeurs avaient suffisamment démontré que le réseau « allostreaming » avait
pour vocation la mise à disposition d’œuvres visuelles sans le consentement de leurs auteurs, constituant une
atteinte à leurs droits.
En 2013, le tribunal de grande instance de Paris avait ainsi ordonné pour une durée de douze mois, le blocage
ainsi que le déréférencement de différents sites web. Cette décision constituait une réelle victoire pour les
producteurs et distributeurs de film qui se plaignaient de la mise en ligne sans autorisation, d’œuvres protégées
par le droit d’auteur. Cette première décision mettait les coûts de blocage et de déréférencement à la charge
des demandeurs.
Pourtant, les syndicats professionnels n’étaient pas totalement satisfaits de la précédente décision et de son
exécution, estimant qu’ils étaient toujours menacés par la réapparition de contenus illicites.
Si elle confirme la décision des premiers juges quant au blocage des sites, la cour d’appel de Paris, dans cet arrêt,
infirme la partie concernant la question des coûts de déréférencement. Elle se place sur le terrain des grands
principes généraux du droit français en énonçant qu’ « une partie qui doit faire valoir ses droits en justice n’a
pas à supporter les frais liés à son rétablissement dans ses droits ».
Estimant que les fournisseurs d’accès internet ainsi que les moteurs de recherche sont effectivement à l’origine
des activités de mise à disposition des sites, et qu’ils en « tirent économiquement profit », les juges considèrent
19
RIPIA n° 265
qu’il est légitime que ceux-ci paient les coûts liés au blocage et au déréférencement des sites litigieux.
Arrêt
Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé
au jugement déféré et aux écritures des parties ;
Considérant qu’il suffit de rappeler que par actes des 25 et 30 novembre 2011, l’APC et la FNDF ont fait
assigner, sur le fondement des dispositions de l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle, d’une
part les sociétés Numéricable, Orange France, France Télécom, SFR, Free, Bouygues Télécom, Darty Télécom
et Auchan Télécom, pour voir ordonner diverses mesures de nature à empêcher l’accès à partir du territoire
français et/ou par leurs abonnés, à raison d’un contrat souscrit sur ce territoire, au contenu des sites accessibles
aux adresses <www.allostreaming.com>, <www.alloshowtv.com>, <www.alloshare.com> et <www.allomovies.
com> et d’autre part les sociétés Yahoo ! Inc., Microsoft Corporation, Google Inc., Google France, Yahoo !
France Holdings, Microsoft France et le GIE Orange Portails, pour voir ordonner à ces moteurs de recherche
de supprimer toutes réponses et résultats renvoyant vers les sites en cause, en raison du caractère qu’elles
estiment contrefaisant des contenus vers lesquels pointent ces liens ;
Que le SEVN,l’UPF et le SPI sont intervenus volontairement à cette instance le 31 mai 2012 ;
Considérant que le jugement entrepris a, en substance :
dit recevables les interventions volontaires du SEVN, de l’UPF et du SPI,
rejeté les demandes des sociétés Google et Microsoft tendant à voir écarter des écritures, rejeté la demande de
sursis à statuer,
dit recevable l’action des demandeurs et intervenants volontaires, en leur qualité d’organismes de défense
professionnelle au sens de la loi,
donné acte à l’APC, à la FNDF, au SEVN, à l’UPF et au SPI de leur désistement d’instance et d’action à
l’égard de la SAS Auchan Télécom et à cette dernière de son désistement d’instance et d’action à l’égard des
demandeurs, déclaré ces désistements parfaits, 3 dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens,
dit que l’APC, la FNDF, le SEVN, l’UPF et le SPI démontrent suffisamment que le réseau allostreaming
constitué des sites principaux allostreaming.com, allomovies.com, alloshowtv.com et alloshare.com et de
sites secondaires actifs dpstream.tv et fifostream.tv est entièrement dédié ou quasi entièrement dédié à la
représentation d’oeuvres audiovisuelles sans le consentement des auteurs ce qui constitue une atteinte aux droits
d’auteur telle que prévue à l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle,
ordonné aux sociétés Orange, Bouygues Télécom, NC Numéricable, Free, SFR et Darty Télécom de mettre en
oeuvre et/ou faire mettre en oeuvre, selon les termes précisés ci- après, toutes mesures propres à empêcher l’accès,
à partir du territoire français, y compris dans les départements ou régions d’outre-mer et collectivités uniques
ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle Calédonie et dans les Terres Australes et Antarctiques
Françaises, et/ou par leurs abonnés à raison d’un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen efficace et
notamment par le blocage des noms de domaines, aux sites ci-après visés : dpstream.tv, fifostream.tv et en
tant que de besoin : allostreaming.com, alloshowtv.com, allomovies.com, alloshare.com, allomegavideo.com,
allseven.com, allourls.com, fifstream.com, fifostream.net, fifostream.org, fifostreaming.com, fifostreaming.org
et fifostreaming.tv, sans délai et au plus tard dans les quinze jours à compter de la signification de sa décision
et pendant une durée de douze mois à compter de la mise en place des mesures,
dit que les fournisseurs d’accès à l’Internet devront informer les demandeurs de la réalisation de ces mesures
en leur précisant éventuellement les difficultés qu’ils rencontreraient, sous réserve d’un meilleur accord entre
les parties, dit qu’en cas d’une évolution du litige notamment par la suppression des contenus contrefaisants
constatés ou la disparition des sites visés, ou par la modification des noms de domaines ou chemins d’accès,
20
RIPIA n° 265
les demandeurs pourront en référer à la présente juridiction, en mettant en cause par voie d’assignation les
parties présentes à cette instance ou certaines d’entre elles, en la forme des référés, afin que l’actualisation des
mesures soit ordonnée, au vu notamment des constats réalisés à leur demande et éventuellement des résultats
préalablement communiqués résultant de l’application permettant le suivi des sites en cause, ordonné aux
sociétés Google Inc., Google France, Microsoft Inc., Microsoft France, Yahoo ! Inc., Yahoo ! France Holdings
et Orange (anciennement GIE Orange Portails) de prendre ou de faire prendre toute mesure utile en vue
d’empêcher sur leurs services l’apparition de toute réponse et tout résultat renvoyant vers l’une des pages des
sites fifostream et dpstream, et en tant que de besoin vers l’une des pages des sites “allostreaming”, “alloshowtv”,
“alloshare” et “allomovies” en réponse à toute requête émanant d’internautes, dans les départements français et
collectivités uniques ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle Calédonie et dans les Terres Australes
et Antarctiques Françaises, sans délai et au plus tard dans les quinze jours à
compter de la signification de sa décision et pendant une durée de douze mois à compter de la mise en place
des mesures,
dit que les fournisseurs de moteurs de recherche Internet devront informer les demandeurs de la réalisation de
ces mesures en leur précisant éventuellement les difficultés qu’ils rencontreraient,
sous réserve d’un meilleur accord entre les parties, dit qu’en cas d’une évolution du litige notamment par la
suppression des contenus contrefaisants constatés ou la disparition des sites visés, ou par la modification des
noms de domaines ou chemins d’accès, les demandeurs pourront en référer à la présente juridiction, en mettant
en cause par voie d’assignation les parties présentes à cette instance ou certaines d’entre elles, en la forme des
référés, aux fins d’actualisation des mesures susvisées, débouté les demandeurs de leur demande de prise en
charge des frais des mesures susvisées par les fournisseurs d’accès à l’Internet et aux fournisseurs de moteurs de
recherche qui devront les mettre en oeuvre,
dit n’y avoir lieu à astreinte, 3 rappelé qu’il appartient à toute partie, les mesures ayant un caractère provisoire,
d’en référer à la présente juridiction en cas de difficulté ou d’évolution du litige,
rejeté les demandes de dommages et intérêts,
rejeté les demandes d’indemnités de procédure et laissé à la chaque partie les frais non compris dans les dépens
ainsi que ses propres dépens,
rejeté toute autre demande, 3 rappelé que sa décision est exécutoire par provision ;
I - SUR LA PROCÉDURE
Considérant que dans ses conclusions de procédures signifiées le 12 janvier 2015 à 17 h 03, soit postérieurement
à l’ordonnance de clôture prononcée le même jour à 14 h 04, la société Microsoft Corporation demande la
révocation de l’ordonnance de clôture afin de déclarer recevable ses conclusions signifiées le même jour à 16 h
43 et ses trois pièces communiquées simultanément à ces conclusions ;
Qu’elle fait valoir que l’APC, la FNDF, le SEVN, l’UPF et le SPI ont signifié leurs dernières conclusions n° 7
le 15 décembre 2015, soit pendant la période de vacations et moins d’un mois avant la date de clôture fixée
au 12 janvier 2016, comprenant 55 pages supplémentaires et ont communiqué 52 pièces supplémentaires,
la mettant dans l’impossibilité de conclure avant la clôture, chaque régularisation de conclusions adverses et
communication de pièces nécessitant un travail de traduction préalable à toute analyse ;
Qu’étant donné la nature de l’affaire et le nombre des parties (dont certaines ont leur siège social aux ÉtatsUnis), elle avait sollicité le report de l’ordonnance de clôture à la veille de l’audience au fond, ce à quoi se sont
opposés l’APC, la FNDF, le SEVN, l’UPF et le SPI qui ont cependant communiqué le 12 janvier 2016, juste
avant la clôture, de nouvelles pièces ;
Considérant que l’APC, la FNDF, le SEVN, l’UPF et le SPI s’opposent à cette demande de révocation en
21
RIPIA n° 265
faisant valoir que les éléments invoqués sont antérieurs au prononcé de la clôture et ne constituent pas une
cause grave au sens de l’article 784 du code de procédure civile ;
Qu’ils font valoir que leurs dernières conclusions du 15 décembre 2015 ne comportent que 6 pages nouvelles
concernant la société Microsoft Corporation et que seulement 12 pièces concernent spécifiquement cette
société ;
Qu’ils font ainsi observer que la société Microsoft Corporation a disposé d’un mois pour répondre à six pages
nouvelles au soutien desquelles sont produites douze décisions de justice convergentes et sept pièces traduites,
l’ensemble se limitant à renforcer les arguments développés en réplique des moyens soulevés par la société
Microsoft Corporation ;
Qu’ils ajoutent que les deux pièces communiquées le 12 janvier 2016 ne font que répondre à la SA SFR ;
Considérant ceci exposé, qu’il ressort des pièces de la procédure que le 10 décembre 2014 le conseiller de la
mise en état avait adressé aux parties un calendrier de procédure prévoyant une clôture le 22 septembre 2015
à 13 h et une date de plaidoiries le 27 octobre 2015 à 14 h ;
Que néanmoins, la SA SFR ayant conclu le 16 septembre 2015, la SA Orange et le groupement Orange
Portails ayant conclu le 17 septembre 2015, la SA Free ayant conclu le 18 septembre 2015 et les sociétés NC
Numéricable, Google Inc., Google France, Microsoft France et Microsoft Corporation ayant conclu le jour
même prévu pour la clôture, soit le 22 septembre 2015, le conseiller de la mise en état a accepté le 23 septembre
2015 de fixer un nouveau calendrier de procédure avec une clôture prévue pour le 05 janvier 2016 à 13 h et
une date de plaidoirie au 20 janvier 2016 à 14 h, afin de permettre à l’APC, la FNDF, le SEVN, l’UPF et le
SPI de prendre connaissance de ces conclusions et d’y répondre avant le 15 décembre 2015, date fixée par ce
magistrat ;
Qu’il sera relevé que par la suite la SA Bouygues Télécom et la SAS Darty Télécom d’une part et les sociétés
Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings d’autre part, ont encore conclu le 13 octobre 2015 ;
Qu’il apparaît ainsi que les conclusions n° 7 signifiées par RPVA le 15 décembre 2015 et les pièces
communiquées le même jour par l’APC, la FNDF, le SEVN, l’UPF et le SPI venaient en réponse à ces
conclusions et en particulier aux conclusions n° 3 signifiées le 22 septembre 2015 par la société Microsoft
Corporation ;
Que le même jour le conseiller de la mise en état acceptait de repousser une fois de plus l’ordonnance de clôture
au 12 janvier 2016 sans modification de la date des plaidoiries ;
Considérant que la comparaison entre les conclusions n° 6 de l’APC, la FNDF, le SEVN, l’UPF et le SPI
signifiées le 29 juin 2015 et celles n° 7 signifiées le 15 décembre 2015 démontre que ces dernières conclusions
n’apportent de modifications à l’égard de la société Microsoft Corporation que pour répondre aux conclusions
de celle-ci du 22 septembre 2015 et ne concernent que les pages 241 et 242 d’une part et les pages 254 et 255
d’autre part, outre des références jurisprudentielles et doctrinales relatives à la protection du droit d’auteur et
des droits voisinsd’une part et à la loi applicable d’autre part, soit moins de six pages ;
Que de même seules douze nouvelles pièces communiquées le 15 décembre 2015 (n° 214.12, 257.1 à 257.8,
255.1, 255.3 et 255.4) concernent spécifiquement la société Microsoft Corporation, les pièces 217 ter et 217
quater, 250 à 253 concernant l’ensemble des moteurs de recherche, qu’enfin les pièces communiquées par
l’APC, la FNDF, le SEVN, l’UPF et le SPI le 12 janvier 2016 ne concernent que la SA SFR ;
Considérant qu’il apparaît en conséquence que les dernières conclusions de l’APC, la FNDF, le SEVN, l’UPF
et le SPI, signifiées un mois avant la date fixée pour la clôture dans le respect du calendrier fixé par le conseiller
de la mise en état, répondaient seulement aux dernières conclusions des parties adverses et en particulier à
celles de la société Microsoft Corporation et qu’elles ne contenaient aucun moyen nouveau auquel la société
Microsoft Corporation n’aurait pas été en mesure de répondre, de telle sorte qu’il n’est justifié d’aucune cause
grave au sens de l’article 784 du code de procédure civile pour révoquer l’ordonnance de clôture ;
22
RIPIA n° 265
Considérant en conséquence que les conclusions n° 4 signifiées par la société Microsoft Corporation le
12 janvier 2016, postérieurement au prononcé de l’ordonnance de clôture seront déclarées irrecevables
conformément aux dispositions de l’article 783 du code de procédure civile et que la cour ne statuera, à l’égard
de cette partie, qu’au vu de ses conclusions n° 3 signifiées le 22 septembre 2015 ;
Que de même les pièces n° 32 à 34 communiquées par la société Microsoft Corporation postérieurement à
l’ordonnance de clôture seront également déclarées irrecevables et écartées des débats ;
II - SUR LA QUALITÉ À AGIR DE L’APC, DE LA FNDF, DU SEVN, DE L’UPF ET DU SPI
Considérant qu’il n’est pas contesté que l’APC, la FNDF, le SEVN, l’UPF et le SPI sont des syndicats
professionnels qui ont le pouvoir d’ester en justice pour la défense des intérêts moraux de la profession qu’ils
représentent et qu’ils estiment atteints en raison de l’existence des sites contrefaisants visés dans leurs actes ;
Qu’en conséquence le jugement entrepris sera confirmé par adoption de ses moyens pertinents et exacts,
tant en fait qu’en droit, en ce qu’il a déclaré recevable leur action en leur qualité d’organismes de défense
professionnelle au sens de la loi ;
III - SUR LA RECEVABILITÉ DE L’ACTION DE L’APC, DE LA FNDF, DU SEVN, DE
L’UPF ET DU SPI À L’ENCONTRE DES SOCIÉTÉS YAHOO ! INC. ET YAHOO ! FRANCE
HOLDINGS
Considérant qu’à titre principal les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings soulèvent au visa des
articles 30 et 31 du code de procédure civile l’irrecevabilité de l’action introduite par l’APC, la FNDF, le
SEVN, l’UPF et le SPI (ci-après les syndicats professionnels) en faisant valoir qu’aux termes d’un accord
officialisé le 29 juillet 2009 avec la société Microsoft Corporation, cette dernière était, lors de l’introduction de
la présente demande, le fournisseur exclusif des résultats de recherche affichés sur son moteur de recherche et
que même si désormais la fourniture de résultats de recherche par Microsoft n’est plus exclusive, il n’en reste
pas moins que les services de cette société sont toujours utilisés par Yahoo ! pour l’indexation et la fourniture
de résultats de recherche sur ses sites ;
Qu’elles font ainsi valoir qu’au jour de l’introduction de l’instance elles n’avaient pas la mainmise sur
l’algorithme à l’origine de l’apparition, sur leurs sites Internet, des résultats de recherche litigieux et qu’ainsi
elles ne sont pas les “légitimes contradicteurs” des prétentions introduites par les syndicats professionnels et
qu’un justiciable ne saurait introduire des demandes de déréférencement à l’égard d’une personne qui n’est pas
même en mesure de les mettre en oeuvre et dont la participation directe et effective à la fourniture du service
litigieux n’est pas caractérisée ;
Qu’elles ajoutent que le nom de domaine yahoo.fr appartenait jusqu’en 2014 à la société Yahoo ! France, entité
distincte de la SAS Yahoo ! France Holdings et appartient aujourd’hui à la société de droit irlandais Yahoo !
EMEA ;
Considérant que les syndicats professionnels répliquent que la convention du 29 juillet 2009 n’est pas versée
aux débats et leur est inopposable et qu’en tout état de cause rien n’indique que les sociétés Yahoo ! seraient
dans l’incapacité de procéder elles-mêmes à un contrôle sur l’affichage des résultats des recherches en réponse
aux requêtes des internautes sur leurs propres pages ;
Qu’ils concluent à la confirmation du jugement sur ce point, les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France
Holdings étant en situation de prendre ou faire prendre toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser
une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin, sans que l’existence d’un simple accord de prestations
de services conclu avec la société Microsoft Corporation soit de nature à fonder une irrecevabilité de leurs
demandes de restriction d’accès à Internet formulées à leur encontre s’agissant du moteur de recherche Yahoo ! ;
23
RIPIA n° 265
Considérant ceci exposé, que la cour relève que l’accord du 29 juillet 2009 invoqué par les sociétés Yahoo !
Inc. et Yahoo ! France Holdings n’est pas versé aux débats par celles-ci ; qu’en effet elles ne produisent qu’un
communiqué de presse de la Commission européenne (pièce n° 1 de leur dossier) et deux articles de presse
en ligne des quotidiens Le Figaro (pièce n° 3) et Le Monde (pièce n° 4) faisant état de la conclusion d’un tel
accord sans en citer textuellement les termes, ne mettant ainsi pas la cour en mesure d’analyser par elle- même
les termes de cet accord, en particulier en ce qui concerne le caractère exclusif de l’usage du moteur de recherche
des sociétés Microsoft et la durée de cet accord, alors surtout que les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France
Holdings indiquent dans leurs conclusions que cet accord aurait “très récemment fait l’objet d’un amendement”
(page 10 de leurs conclusions) sans davantage produire aux débats cet avenant, ni même en préciser la date ;
Qu’il ressort d’un article publié le 22 avril 2015 sur le site <http://siliconvalley.blog.lemonde.fr> dont la
véracité des termes n’est pas contestée par les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings (pièce n° 226
des syndicats professionnels), que depuis cet “amendement” seulement 51 % des recherches effectuées sur le
site <www.yahoo.fr> sont réalisées par le moteur de recherches “Bing” de Microsoft, les 49 % restant pouvant
provenir soit d’un partenariat avec une autre entreprise, soit du propre moteur de recherche du groupe Yahoo ! ;
Que ce point est d’ailleurs confirmé par les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings qui
écrivent en page 10 de leurs conclusions que désormais en vertu de cet amendement “la fourniture de résultats
de recherche par Microsoft [n’est] plus exclusive” ;
Que la cour relève toutefois que les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings ne précisent pas quel
moteur de recherche est utilisé par elles pour les 49 % des recherches ne relevant plus de l’exclusivité accordée
à la société Microsoft Corporation ;
Que de ce fait la mention, aux “Conditions Générales d’utilisation des Services Yahoo !” (pièce n° 6), de ce que
“les résultats naturels (ou “algorithmiques”) sont désormais fournis par et sous la responsabilité de la société
Microsoft Corp” n’est pas pertinente, ce document portant la date du 21 mai 2013, soit antérieurement à la
conclusion de l’avenant à l’accord du 29 juillet 2009 puisqu’il ressort d’un article en ligne du quotidien Le
Monde (pièce n° 178 des syndicats des syndicats professionnels) que dès le début de l’année 2013 le groupe
Yahoo ! “cherch[ait], sans succès, à mettre fin à son partenariat dans la recherche avec le groupe informatique
Microsoft” ;
Qu’il en est de même de la mention “Powered by BingTM” figurant en bas de page des résultats de recherches
effectuées sur les sites <www.yahoo.fr> et <www.yahoo.de> et dont une copie d’écran est versée aux débats par
les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings (pièce n° 2), ces pages étant datées de l’année 2012 ainsi
que cela ressort de la mention du Copyright y figurant ;
Considérant par ailleurs que les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings ne justifient pas autrement
que par leurs seules affirmations péremptoires que le nom de domaine yahoo.fr aurait appartenu jusqu’en 2014
à une société Yahoo ! France qui serait distincte de la SAS Yahoo ! France Holdings, ni qu’il appartiendrait
désormais à une société de droit irlandais ;
Considérant en tout état de cause que même si, pour une durée de temps limitée, la société Microsoft
Corporation a pu être le fournisseur exclusif des résultats algorithmiques des recherches effectuées par les
internautes sur le site <www.yahoo.fr>, il n’est pas démontré que les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France
Holdings n’auraient eu de ce fait aucun moyen de contrôler elles-mêmes l’affichage de ces résultats sur leur
site alors que selon le communiqué de presse de la Commission européenne précité, “Microsoft utilisera (...) le
personnel travaillant pour le moteur de recherche en ligne et pour les annonces liées à ces recherches de Yahoo”
et que selon l’article en ligne du Figaro précité, “Yahoo continuera d’enrichir comme il le souhaite le moteur
de recherche de Bing sur ses propres pages, par exemple avec des modules de suggestions de recherche ou de
recherche avancée. Yahoo garde en effet le contrôle sur ses pages et sur son interface” (souligné par la cour) ;
24
RIPIA n° 265
Considérant en conséquence que les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings ne démontrent pas qu’au
jour de l’introduction de l’instance elles n’auraient eu aucun contrôle sur les pages de son site <www.yahoo.fr>,
en particulier sur les résultats affichés à l’aide du moteur de recherche “Bing” de Microsoft, ni qu’elles n’auraient
aucun moyen de mettre en oeuvre les mesures de déréférencement sollicitées par les syndicats professionnels ;
Qu’en outre à ce jour, du fait de l’absence d’exclusivité du recours au moteur de recherche de la société
Microsoft Corporation pour 49 % des résultats des recherches, les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France
Holdings ne justifient pas n’avoir aucun moyen de contrôler elles-mêmes l’affichage des résultats effectués grâce
à un autre moteur de recherche, quel qu’il soit ;
Considérant dès lors que les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings sont bien les “légitimes
contradicteurs” des syndicats professionnels, de telles sorte que ceux-ci ont un intérêt légitime, au sens de
l’article 31 du code de procédure civile, à engager la présente action à leur encontre ;
Que les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings seront donc déboutées de leur demande principale en
irrecevabilité de l’action des syndicats professionnels à leur encontre ;
IV - SUR LA DEMANDE DE QUESTION PRÉJUDICIELLE
Considérant qu’à titre subsidiaire, les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings demandent à la cour
de transmettre à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle portant sur l’étendue de
l’application de l’article 8, §3, de la directive 2001/29/CE ;
Qu’elles font valoir que l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle doit être interprété à la lumière
des limitations fixées par cette directive, étant précisé que la Cour de justice de l’Union européenne n’a à ce
jour jamais fait application de ce texte aux moteurs de recherche, lesquels doivent, en raison de la nature de
leur activité, être exclus du champ d’application de la directive ;
Qu’elles soutiennent que le législateur national doit tenir compte des limitations découlant de la directive et
en particulier du fait que les exigences d’efficacité et de proportionnalité doivent présider à toute mesure de
blocage relative à un site Internet ;
Qu’elles affirment ainsi qu’il convient de s’interroger sur le point de savoir si la notion d’“intermédiaire”
visée à l’article 8 §3 s’applique à tous les opérateurs de l’Internet, en ce compris les moteurs de recherche, ou
à seulement une catégorie d’entr eux, dont les services sont utilisés pour porter atteinte à un droit d’auteur ;
Que selon elles il importe en effet de savoir si les moteurs de recherche peuvent remédier aux atteintes alléguées dans
le respect des impératifs d’efficacité et de proportionnalité qu’exige la réglementation européenne et si cette notion
“d’intermédiaire” ne constitue pas une limite dont le législateur national aurait dû tenir compte en transposant la directive ;
Qu’elles indiquent que la Cour de justice de l’Union européenne ne s’est pas prononcée sur l’applicabilité
de l’article 8, §3, aux moteurs de recherche dont il convient de savoir si, pris dans leur fonction naturelle
d’indexation et de référencement, ils peuvent être considérés comme des fournisseurs d’accès à internet et qu’il
est donc nécessaire de soumettre cette question nouvelle à la Cour de justice de l’Union européenne ;
Qu’elles soutiennent que les moteurs de recherche ne jouent qu’un rôle purement technique, automatique et
neutre dans l’indexation des sites et, plus généralement, de l’information disponible sur le net et que de ce fait,
ils ne transmettent pas d’oeuvres contrefaisantes ;
Qu’en conséquence elles demandent que soit posée à la Cour de justice de l’Union européenne la question
préjudicielle suivante :
“La notion d’‘intermédiaire dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur
ou à un droit voisin’ visée à l’article 8 §3 de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 doit-elle être interprétée
en ce sens que relève de cette notion le moteur de recherche permettant à tout internaute, par la saisie de motsclés, d’afficher une liste de sites internet en rapport avec les termes choisis par ces derniers ?”
25
RIPIA n° 265
Ajoutant qu’il soit dès lors ordonné un sursis à statuer dans l’attente de la décision de la juridiction européenne ;
Considérant que les syndicats professionnels demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce
qu’il a rejeté cette demande de question préjudicielle en répliquant que les injonctions prévues à l’article 8, §3,
de la directive ont pour objet la protection effective selon un haut degré de protection du droit d’auteur et des
droits voisins ;
Qu’ils précisent que cet article doit être lu à la lumière du considérant 59 et que ces dispositions autorisent
les États membres à accompagner celles-ci d’autres règles nationales conformes à l’objectif poursuivi par la
directive ;
Qu’ils font valoir que l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle est une transposition conforme de
l’article 8, §3, de la directive 2001/29/CE, le fait de ne pas limiter à telle ou telle catégorie d’opérateur le champ
des personnes destinataires des injonctions résultant expressément de la volonté du législateur ;
Qu’ils ajoutent que la cour de cassation a déjà jugé que les injonctions rendues sur le fondement de l’article L
336-2 du code de la propriété intellectuelle visent “toutes personnes susceptibles de contribuer à y remédier”
et trouvent donc à s’appliquer aux moteurs de recherche dès lors qu’il est constant que ceux-ci permettent
l’affichage, à destination des internautes, de sites comportant des enregistrements audiovisuels mis à la
disposition du public sans l’autorisation des artistes- interprètes et des producteurs de phonogrammes, de sorte
que ce service offre les moyens de porter atteinte aux droits des auteurs et aux droits voisins et que les opérateurs
de ces moteurs de recherche peuvent, en tout hypothèse, contribuer à y remédier en rendant plus difficile la
recherche des sites litigieux, sans pour autant qu’il y ait lieu d’en attendre une efficacité totale ;
Qu’ils en concluent que la question posée par les sociétés Yahoo ! n’est pas nécessaire à la solution du litige dès
lors que le juge communautaire ne connaît que des mesures nationales entrant dans le champ de la directive,
l’absence de reprise à l’identique des termes d’une directive dans sa loi de transposition excluant la nécessité
d’interprétation de cette loi à l’aune de la directive évoquée ;
Qu’ils font valoir que les moteurs de recherche permettent à leur utilisateurs de trouver facilement et
efficacement des contenus présents sur Internet en communiquant et mettant à disposition de leurs utilisateurs
les résultats de leur recherche ; que ce sont donc bien des intermédiaires dont les services peuvent être utilisés
par les tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin, conformément aux dispositions de
l’article 8, §3, et qu’ils assurent bien la transmission d’informations sur les réseaux de communication ;
Considérant ceci exposé, que l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dispose
que “la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances
nationales la compétence quant à la forme et aux moyens”, qu’ainsi elle définit l’objet à atteindre par une
politique commune en laissant aux États membres le soin de choisir les formes et les instruments nécessaires
pour s’y conformer ;
Que l’article 267 du Traité dispose que la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer,
à titre préjudiciel, sur “l’interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union” et
que lorsqu’une telle question est soulevée devant une juridiction d’un des États membres, celle-ci “peut, si elle
estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer
sur cette question” ;
Que cet article reprend textuellement l’article 234 du Traité instituant la Communauté européenne (version
consolidée Nice 2002), anciennement l’article 177 du traité CEE du 25 mars 1957, et que la Cour de justice
de l’Union européenne a dit pour droit dans son arrêt SRL CILFIT du 06 octobre 1982 que :
“L’article 177, alinéa 3, du traité CEE doit être interprété en ce sens qu’une juridiction dont les décisions
ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne est tenue, lorsqu’une question de droit
communautaire se pose devant elle, de déférer à son obligation de saisine, à moins qu’elle n’ait constaté que la
question soulevée n’est pas pertinente ou que la disposition communautaire en cause a déjà fait l’objet d’une
26
RIPIA n° 265
interprétation de la part de la Cour ou que l’application correcte du droit communautaire s’impose avec une
telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable ; l’existence d’une telle éventualité doit être
évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit communautaire, des difficultés particulières que
présente son interprétation et du risque de divergences de jurisprudence à l’intérieur de la Communauté.”
Que cet arrêt précise à son point 9 qu’“il ne suffit (...) pas qu’une partie soutienne que le litige pose une
question d’interprétation du droit communautaire pour que la juridiction concernée soit tenue de considérer
qu’il y a question soulevée au sens de l’article 177 » ;
Qu’au point 18 de son arrêt Pasquale Foglia du 16 décembre 1981 la Cour de justice de l’Union européenne
soulignait déjà “que l’article 177 donne mission à la Cour non de formuler des opinions consultatives sur
des questions générales ou hypothétiques, mais de contribuer à l’administration de la justice dans les États
membres” et qu’“elle ne serait donc pas compétente pour répondre à des questions d’interprétation qui lui
seraient posées dans le cadre de constructions procédurales arrangées par les parties en vue d’amener la Cour
à prendre position sur certains problèmes de droit communautaire qui ne répondent pas à un besoin objectif
inhérent à la solution d’un contentieux” et qu’il convient “d’éviter l’utilisation de la procédure de l’article 177
à des fins autres que celles qui lui sont propres” ;
Considérant qu’en l’espèce l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
“En présence d’une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d’un service
de communication au public en ligne, le tribunal de grande instance, statuant le cas échéant en la forme des
référés, peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les oeuvres et objets protégés, de leurs ayants
droit, des sociétés de perception et de répartition des droits visées à l’article L 321-1 ou des organismes de
défense professionnelle visés à l’article L 331-1, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle
atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y
remédier.”
Que cet article est la transposition en droit interne de l’article 8, §3, de la directive n° 2001/29/CE du 22 mai
2001 du Parlement Européen et du Conseil sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des
droits voisins dans la société de l’information, ainsi rédigé :
“Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu’une ordonnance sur requête
soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un
droit d’auteur ou à un droit voisin.”
Que le 59ème considérant de cette directive précise que “les titulaires de droits doivent avoir la possibilité de
demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre d’un intermédiaire qui transmet dans un
réseau une contrefaçon commise par un tiers d’une oeuvre protégée ou d’un autre objet protégé” et que “les
conditions et modalités concernant une telle ordonnance sur requête devraient relever du droit interne des
États membres” ;
Considérant en effet que dans la mesure où les États membres sont tenus seulement à la réalisation des buts de
la directive, ils disposent, pour sa transposition au droit national, d’une marge de manoeuvre leur permettant
de tenir compte des spécificités nationales ;
Considérant que la Cour de justice de l’Union européenne, dans son ordonnance LSG- Gesellschaft
zur Wahrehmung von Leistungsschutzrechten GmbH du 19 février 2009 a dit pour droit que “le droit
communautaire exige que les États membres, lors de la transposition (...) [de la directive] 2001/29/CE du
Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur
et des droits voisins dans la société de l’information, (...) veillent à se fonder sur une interprétation de [celle-ci]
qui permette d’assurer un juste équilibre entre les différents droits fondamentaux en présence. Par ailleurs,
les autorités ainsi que les juridictions des États membres doivent, lors de la mise en oeuvre des mesures de
transposition desdites directives, non seulement interpréter leur droit national d’une manière conforme à ces
dernières, mais également veiller à ne pas se fonder sur une interprétation de ces directives qui entrerait en
27
RIPIA n° 265
conflit avec les droits fondamentaux ou avec les autres principes généraux du droit communautaire, tels que le
principe de proportionnalité” ;
Qu’à son point 45, la Cour rappelle que “la finalité de la directive 2001/29 (...), telle qu’elle ressort notamment
de l’article 1er, paragraphe 1, de celle-ci, vise à assurer la protection juridique effective du droit d’auteur et des
droits voisins dans le cadre du marché intérieur” ;
Considérant qu’il sera relevé que cette décision a été rendue par ordonnance en application de l’article 104,
§3, du règlement de procédure de la Cour de justice de l’Union européenne dès lors que la réponse à une
question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à une
telle question ne laisse place à aucun doute raisonnable ;
Considérant qu’au point 25 de son arrêt UPC Telekabel Wien GmbH du 27 mars 2014, la Cour de justice de
l’Union européenne rappelle que selon les dispositions de l’article 3, §2, de la directive, les titulaires de droits
jouissent du droit exclusif d’autoriser ou d’interdire tout acte de mise à la disposition du public et qu’un acte
de mise à la disposition du public d’un objet protégé sur un site Internet effectué sans le consentement des
titulaires de droits porte atteinte au droit d’auteur et aux droits voisins.
Qu’aux points 26 et 27, la Cour rappelle encore que pour remédier à une telle situation d’atteinte aux droits en
question, l’article 8, §3, de la directive prévoit la possibilité, pour les titulaires de droits, de demander qu’une
ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers
pour porter atteinte à l’un de leurs droits en relevant, comme l’indique le considérant 59 de la directive, que
les services d’intermédiaires sont de plus en plus utilisés pour porter atteinte au droit d’auteur ou à des droits
voisins et que ces intermédiaires sont, dans de nombreux cas, les mieux à même de mettre fin à ces atteintes ;
Qu’aux points 30 et 31, elle précise qu’il découle du considérant 59 de la directive que le terme
d’« intermédiaire », employé à l’article 8, §3, de cette directive, vise toute personne qui transmet dans un réseau
une contrefaçon commise par un tiers d’une œuvre protégée ou d’un autre objet protégé ;
Qu’en effet selon elle, eu égard à l’objectif poursuivi par la directive 2001/29, tel qu’il ressort notamment
de son considérant 9, qui est de garantir aux titulaires de droits un niveau de protection élevé, la notion de
contrefaçon ainsi employée doit être entendue comme incluant la situation d’un objet protégé mis sur Internet
à la disposition du public sans l’accord des titulaires de droits en question ;
Considérant que si ces deux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne ont été rendues à l’égard de
fournisseurs d’accès à Internet, il résulte des termes généraux employés par la Cour aux points précités de ces
deux décisions que la finalité de la directive 2001/29 est d’assurer une protection effective du droit d’auteur et
des droits voisins en garantissant à leurs titulaires un niveau de protection élevé, notamment lorsque l’oeuvre
contrefaite est mise en ligne sur l’Internet et rendue accessible au public grâce à un intermédiaire, défini de
façon générale comme “toute personne qui transmet dans un réseau une contrefaçon commise par un tiers
d’une oeuvre protégée” ;
Qu’il sera d’ailleurs relevé que l’avocat général, au point 101 de ses conclusions dans l’affaire UPC Telekabel
Wien GmbH, cite expressément les moteurs de recherche comme pouvant être utilisés par les internautes pour
trouver le site Internet illicite si celui-ci, suite à une mesure de blocage par le fournisseur d’accès à Internet,
exploite son site sous une autre adresse IP ou sous un autre nom de domaine ;
Considérant en effet que le recours à un moteur de recherche sur Internet permet à l’internaute qui ignore
les adresses URL des sites mettant à la disposition du public par téléchargement ou visionnage en streaming
des contenus audiovisuels sans l’autorisation de leurs ayants droit et qui désire soit accéder à une oeuvre
audiovisuelle déterminée, soit plus généralement découvrir l’étendue de l’offre en ligne de telles oeuvres
audiovisuelles contrefaisantes, non seulement de connaître les adresses URL de ces sites mais d’y accéder
directement grâce à l’affichage, dans les résultats de cette recherche, de liens hypertextes sur lesquels il suffit à
l’internaute de cliquer ;
28
RIPIA n° 265
Qu’ainsi par le biais de ces liens hypertextes, les moteurs de recherche sur Internet - qui n’ont pas qu’une
fonction limitée et purement neutre d’indexation et de référencement - participent bien, comme les
fournisseurs d’accès à Internet, à la transmission dans un réseau d’une contrefaçon commise par un tiers d’une
oeuvre protégée, ce qui correspond à la définition du terme “intermédiaire” comme le précise le considérant 59
de la directive et comme le rappellent les deux décisions précitées ;
Qu’en effet, comme pour les fournisseurs d’accès à Internet, exclure les moteurs de recherche sur Internet du
champ d’application de l’article 8, §3, de la directive 2001/29 diminuerait substantiellement la protection des
titulaires de droits, voulue par cette directive, cette application concrète du droit communautaire ne pouvant
ainsi laisser place à aucun doute raisonnable et s’imposant avec évidence au sens de l’arrêt SRL CILFIT précité ;
Qu’il sera d’ailleurs relevé que la Commission européenne, dans son rapport au Parlement européen, au Conseil,
au Comité social et économique européen et au Comité des régions du 22 décembre 2010 sur l’application de
la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits
de propriété intellectuelle [dont l’article 9.1 sous a) renvoie expressément à la directive 2001/29], donne une
définition très large de la notion d’intermédiaire en citant expressément les moteurs de recherche sur Internet :
“Les plates-formes internet telles que les marchés en ligne ou les moteurs de recherche (souligné par la cour)
peuvent aussi jouer un rôle essentiel dans la réduction du nombre d’infractions, par le biais notamment de
mesures de prévention et de politiques de « notification et retrait »” ;
Considérant qu’il s’ensuit que l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle qui vise “toute personne
susceptible de contribuer à (...) remédier” à une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin, interprété à la
lumière de l’article 8, §3, de la directive 2001/29, s’applique notamment aux moteurs de recherche sur Internet
sans qu’il y ait lieu à saisir sur ce point la Cour de justice de l’Union européenne de la question préjudicielle
invoquée par les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings, lesquelles seront donc déboutées de cette
demande ;
V - SUR LES MESURES DE DÉRÉFÉRENCEMENT À L’ÉGARD DES MOTEURS DE
RECHERCHE
Considérant qu’il sera préalablement relevé que si le jugement entrepris a notamment ordonné des mesures de
déréférencement à l’encontre des moteurs de recherche des sociétés Google France et Google Inc. d’une part et
du GIE Orange Portails d’autre part, les sociétés Google France et Google Inc. se sont désistées de leur appel
et ne sont plus en la cause devant la cour et le GIE Orange Portails n’est pas appelant du jugement entrepris
dont il conclut expressément à la confirmation “en toutes ses dispositions”, de telle sorte que la cour ne statuera
sur ce point qu’au regard des appels respectivement formés par les sociétés Microsoft France et Microsoft
Corporation d’une part et Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings d’autre part ;
La demande de mise hors de cause de la SAS Microsoft France :
Considérant que la SAS Microsoft France demande sa mise hors de cause en soutenant qu’elle ne joue aucun
rôle technique dans la conception, le contrôle et la mise en oeuvre du moteur de recherches “Bing” ;
Qu’elle affirme que les syndicats professionnels ne rapportent pas la preuve de sa participation directe et
effective à la fourniture de ce moteur de recherches alors que c’est la société Microsoft Corporation qui assure
sans sa filiale française l’exploitation et la fourniture de ce moteur de recherches, quelle que soit sa version,
depuis le territoire des États-Unis ;
Qu’elle fait encore valoir que les utilisateurs de “Bing” résidant en France ne sont pas liés contractuellement
à la SAS Microsoft France, l’article 12 des conditions générales d’utilisation des services Microsoft prévoyant
expressément que tout résident en Europe est lié contractuellement à la société Microsoft Luxembourg S.à.r.L. ;
Qu’elle ajoute ne pas être intervenue dans le traitement des notifications des sites litigieux, ne pas être titulaire
du nom de domaine <bing.fr>, ne pas être propriétaire des marques sous lesquelles la société Microsoft
Corporation exploite le moteur de recherches “Bing” et ne pas être l’hébergeur du service “Bing” ;
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Qu’en tout état de cause elle affirme être dans l’incapacité d’assurer la mise en oeuvre des mesures réclamées
par les syndicats professionnels ;
Considérant que les syndicats professionnels répliquent que le critère de “participation directe et effective” aux
atteintes au droit d’auteur et aux droits voisins est inopérant et que la SAS Microsoft France doit être retenue
dans la cause au regard du seul critère de “capacité à contribuer à remédier” à ces atteintes ;
Qu’ils soutiennent que la SAS Microsoft France par son action juridique, économique, politique et technique
se trouve bien en situation de contribuer au trouble subi du fait de l’accès des internautes français à des
contenus contrefaisants indexés sur ses services ;
Qu’ils font valoir que la SAS Microsoft France est titulaire du nom de domaine <bing.fr>, lequel redirige vers
la page française du site <bing.com>, ainsi que de la marque française “adcenter” relatif au service d’annonces
sponsorisées sur “Bing” ;
Qu’ils ajoutent que les utilisateurs français du service “Bing” concluent un contrat de service avec la filiale locale
et non avec la société Microsoft Corporation et que le site “Bing” tel qu’accessible aux utilisateurs français met
à leur disposition un système de notification des contenus illicites propres aux obligations que s’est reconnue
pour elle- même la SAS Microsoft France, membre élu de l’Association des Fournisseurs d’Accès et de Services
Internet (AFA) ;
Considérant ceci exposé, qu’il sera rappelé que l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle s’applique
expressément à toute personne susceptible de contribuer à prévenir ou à faire cesser une atteinte à un droit
d’auteur ou un droit voisin occasionnée par le contenu d’un service de communication au public en ligne ;
Que cet article n’exige donc pas une “participation directe et effective” de la SAS Microsoft France à la
fourniture du moteur de recherches “Bing” comme le soutient celle- ci en invoquant une jurisprudence relative
à l’application de l’article 6.I.2 de la loi du 21 juin 2004, inopérante en l’espèce, mais simplement de rechercher
si cette société est “susceptible de contribuer” à remédier à une telle atteinte à un droit d’auteur ou à un droit
voisin ;
Considérant que l’inauguration de la version française du moteur de recherche “Bing” en 2011 a été présentée
par le président de la SAS Microsoft France (pièce 177.6 des syndicats professionnels) qui l’a qualifié de “plus
français des moteurs de recherche” (pièce 177.7) et que ce moteur de recherche est accessible sur le site <www.
bing.fr> ;
Qu’il ressort tant du procès-verbal de constat ALPA du 19 mai 2014 (pièce 176 des syndicats professionnels)
que du procès-verbal de constat d’huissier dressé le 11 février 2015 à la requête de la SAS Microsoft France
(pièce 9 de celle-ci) que cette société est bien titulaire du nom de domaine “bing.fr”, le nom de M. Benjamin
Orndorff n’étant mentionné qu’en sa qualité de contact administratif (avec pour adresse celle du siège social
de cette société à Issy-les- Moulineaux) et qu’il importe peu que celui-ci soit par ailleurs secrétaire adjoint de la
société Microsoft Corporation ou président de la SAS Microsoft Research & Development (dont le siège social
est situé à la même adresse que la SAS Microsoft France), la SAS Microsoft France ne justifiant pas autrement
que par ses propres affirmations que cette personne n’exercerait aucune fonction en son sein ;
Qu’en outre il ne saurait sérieusement être soutenu que la mention de la SAS Microsoft France comme titulaire
de ce nom de domaine ne serait que “la survivance d’une règle ancienne” ;
Que par ailleurs la SAS Microsoft France est titulaire de la marque française “adcenter” enregistrée le 18
août 2010 pour désigner notamment des services de publicité en ligne sur un réseau informatique, le service
Adcenter étant la plate-forme d’achat et de gestion des liens sponsorisés du moteur de recherche “Bing” ;
Qu’enfin le procès-verbal de constat ALPA susvisé relève que sur la page d’accueil du site <www.bing.fr>
figure un lien “contenu illicite” permettant aux utilisateurs de signaler tout contenu choquant qu’ils pourraient
rencontrer, ce lien étant inexistant sur les autres sites “Bing” étrangers accessibles par le site <www.bing.com> ;
30
RIPIA n° 265
Que ce lien renvoie vers le site <www.pointdecontact.net> de l’AFA dont la SAS Microsoft France est le membre
élu, ce qui implique que selon l’article 6 des statuts de cette société, elle est à même de “fournir l’infrastructure
technique, l’ingénierie et les services (mise en forme, développement de sites etc.) nécessaires à la mise à disposition
de contenus ou de moyens de paiement sur Internet pour le compte de tiers” ; qu’il ne saurait davantage être
soutenu sans autre justification qu’au sein de cette association la SAS Microsoft France n’interviendrait qu’en
représentation de la société Microsoft Corporation, ces deux personnes morales étant juridiquement distinctes ;
Considérant qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments que la SAS Microsoft France, dont l’activité selon son
extrait Kbis concerne la “distribution et promotion de produits et de vente de services informatiques” a bien la
capacité de contribuer à prévenir ou à faire cesser une atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin occasionnée
par le contenu d’un service de communication au public en ligne, en l’espèce le moteur de recherche “Bing” ;
Considérant que c’est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu en la cause la SAS Microsoft France,
laquelle sera déboutée de sa demande de mise hors de cause ;
La preuve des actes de contrefaçon allégués :
Considérant qu’à titre principal la société Microsoft Corporation soutient qu’en l’absence des responsables des
actes de contrefaçon allégués tenus à l’écart des débats par les syndicats professionnels, la cour ne serait pas en
mesure de statuer contradictoirement sur l’existence de l’atteinte alléguée à un droit d’auteur ou à un droit
voisin ;
Qu’elle fait valoir que certains tiers impliqués ont été identifiés par les syndicats professionnels et pouvaient dès
lors être assignés dans la présente instance, qu’il aurait également été possible de s’adresser aux hébergeurs des
sites litigieux pour permettre leur identification ;
Qu’elle ajoute que la cour est également privée des éléments de preuve suffisants pour démontrer l’existence
d’une atteinte avérée à un droit d’auteur ou un droit voisin dans la mesure où les syndicats professionnels se
sont contentés de procéder par “échantillonnage”, un tel mode de preuve étant très insuffisant ;
Qu’elle soutient que ce mode de preuve est tout d’abord opaque en l’absence d’explications quant à la
constitution du ou des échantillons utilisés comme référence pour chacun des sites litigieux, ce qui ne
permet pas à la cour d’en apprécier l’objectivité et la fiabilité, aucune explication n’étant fournie quant au
fonctionnement du programme informatique développé par les syndicats professionnels eux-mêmes en vue de
constituer leur propre preuve ;
Qu’elle ajoute que les syndicats professionnels ne rapportent pas la preuve de l’originalité de chacune des oeuvres
présentées globalement comme étant originales ni ne démontrent oeuvre par oeuvre qu’ils ont eu l’initiative
et la responsabilité de la première fixation de chacune de ces oeuvres de telle sorte qu’ils ne fournissent pas la
preuve de l’existence tant de droits d’auteur que de droits voisins sur l’ensemble des prétendues oeuvres sur
lesquelles ils revendiquent des droits ;
Qu’elle affirme en outre que le mode de preuve conçu par les syndicats professionnel ne permettrait pas de
conclure valablement que les sites litigieux seraient entièrement dédiés à la contrefaçon puisque 95 % des liens
actifs proposés sur ces sites n’ont fait l’objet d’aucune vérification ;
Considérant que les syndicats professionnels répliquent que l’article L 336-2 du code de la propriété
intellectuelle ne prévoit, ni a fortiori n’impose, la présence à la procédure de l’auteur des atteintes aux droits
de propriété intellectuelle et que les infractions ont été constatées sur les différents sites litigieux par 40 procèsverbaux d’agents assermentés versés aux débats et soumis à débat contradictoire tant en première instance que
devant la cour ;
Qu’ils ajoutent avoir rapporté la preuve d’atteintes à des droits d’auteur et à des droits voisins sur chacun
des sites en cause dont ils sollicitent le déréférencement, par une analyse quantitative et statistique de leurs
contenus, plus de 13 764 oeuvres audiovisuelles ayant été précisément identifiées et manuellement constatées
par les agents assermentés de l’ALPA ;
31
RIPIA n° 265
Qu’ils affirment également ne pas avoir à rapporter la preuve de l’originalité (que personne n’a jamais
contestée) de chacune de ces oeuvres, rappelant qu’ils s’agit d’oeuvres scénarisées, bénéficiant d’un script, de
mises en scène ayant pour objet de raconter une histoire, avec des dialogues rédigés puis interprétés par des
artistes, dans des décors construits et/ou choisis et filmés selon un angle et un mouvement de caméra défini,
une bande son originale étant créée pour l’occasion et accompagnant l’histoire et les images ainsi tournées étant
ensuite découpées et montées selon un ordre résultant des choix du metteur en scène ;
Que selon eux la multiplicité des contributions créatives est consubstantielle aux oeuvres audiovisuelles de
fiction, lesquelles sont de par leur nature nécessairement imprégnées de l’empreinte de la personnalité de ses
auteurs ;
Qu’ils font encore valoir que le litige n’est pas relatif à la contrefaçon d’une ou plusieurs oeuvres, mais à
des actes d’exercice des droits exclusifs sans autorisation portant sur des milliers d’oeuvres et que la doctrine
majoritaire considère qu’en l’absence de toute contestation de la défense sur l’originalité de l’oeuvre, aucune
preuve en ce sens n’est exigée des titulaires de droits ;
Qu’ils ajoutent que l’argument tenant à l’absence prétendue d’originalité de l’oeuvre présente sur le
vidéogramme est sans aucune incidence sur les droits voisins du producteur aux termes de l’article L 215-1
du code de la propriété intellectuelle dont la protection repose sur leur initiative et leur responsabilité dans la
première fixation d’une séquence d’images ;
Qu’ils font valoir que les différents échantillons prélevés sur chacun des sites litigieux par le biais d’une
méthodologie de recensement aléatoire décrite par les agents assermentés l’ayant mise en oeuvre dans chaque
procès-verbal, a permis de déterminer le pourcentage de contenus contrefaisants mis à disposition sur chacun
des sites en cause allant de 86 à 99,86 % des contenus vérifiés ;
Qu’ils indiquent que cette méthodologie d’échantillonnage procède d’une démarche rigoureuse dont le
principe et mathématiquement inattaquable et que force est de constater que la société Microsoft Corporation
n’a pas produit la moindre preuve matérielle, ni le moindre constat technique, rapport technique ou analyse
statistique d’aucune sorte, permettant de commencer à contredire leurs éléments ;
Considérant ceci exposé, que l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle, transposition en droit
interne de l’article 8, §3, de la directive 2001/29, instaure une action spécifique en cessation d’actes portant
atteinte au droit d’auteur ou aux droits voisins, indépendante de la mise en oeuvre de la responsabilité civile du
contrefacteur, l’illicéité étant caractérisée par la seule violation du droit exclusif, conséquence de l’opposabilité
de ce droit à l’égard de tous ;
Que cette action est ouverte non seulement aux titulaires de droits sur les oeuvres protégées et à leurs ayants
droit, mais également aux sociétés de gestion collective ainsi qu’aux organismes de défense professionnelle visés
à l’article L 312-1 du code de la propriété intellectuelle, tels que les syndicats professionnels demandeurs à la
présente action ;
Que cette action peut être intentée à l’encontre de toute personne susceptible de remédier aux atteintes
alléguées et n’est donc subordonnée, ni à la preuve d’une faute des défendeurs, ni à celle de leur qualité de
contrefacteurs ;
Considérant en conséquence que l’article L 336-2, tel qu’interprété à la lumière de la directive 2001/29,
n’impose pas la mise en cause des auteurs des actes de contrefaçon allégués ;
Considérant que le principe du contradictoire a bien été respecté à l’égard des défendeurs, en particulier de la
société Microsoft Corporation, puisque les atteintes alléguées ont fait l’objet de quarante procès-verbaux de
constatations par les agents assermentés de l’ALPA sur les sites “megavideo.com”, “alloshowtv.com”, “alloshare.
com”, “allomovies.com”, “fifostream.com” et “allostreaming.com”, lesquels ont tous été régulièrement versés
aux débats et soumis à discussion contradictoire dans le cadre de la présente instance ;
32
RIPIA n° 265
Qu’en outre les procès-verbaux initiaux des 30 juin 2010, 03 et 07 septembre 2010, 13, 14 et 15 décembre
2010, 28 février 2011, 01 et 03 mars 2011, 09 mai 2011, 04 et 08 juillet 2011, 05, 12, 13 et 30 septembre
2011 (pièces 1 à 20 du dossier des syndicats professionnels) ont tous été déjà communiqués les 12 août et 08
novembre 2011 à la société Microsoft Corporation (ainsi qu’aux autres sociétés défenderesses) et ont fait aux
même dates l’objet de mises en demeure visant l’article L 336-2 (pièces 36.4, 38.5, 42.12 et 43.17 du dossier
des syndicats professionnels) ;
Considérant qu’en ce qui concerne la preuve des atteintes alléguées au droit d’auteur et aux droits voisins, il
ressort du rapport d’expertise privée de M. Bernard DENIS-LAROQUE, ingénieur- conseil, du 15 novembre
2011, régulièrement versé aux débats et soumis à discussion contradictoire (pièce 51 du dossier des syndicats
professionnels), qu’il existe deux catégories de sites centrés sur la contrefaçon d’oeuvres protégées : d’une
part des plates-formes constituées de bases de données sur lesquelles sont stockées les oeuvres (tels que les
sites “Megavideo”, “Megaupload” ou “Stagevu.com”) et d’autre part des annuaires de liens permettant aux
internautes de trouver ces oeuvres en pointant vers ces plates- formes ;
Que le rapport de la société ADOMIA (spécialisée dans les systèmes informatiques et les réseaux de
transmission) sur la situation des sites litigieux, également versé aux débats et soumis à discussion contradictoire
(pièces 49.1 à 49.5 du dossier des syndicats professionnels), précise que les sites “alloshowtv.com”, “allomovies.
com” et “alloshare.com” sont des annuaires de liens proposant à leurs visiteurs de procéder à la visualisation
ou au téléchargement des oeuvres physiquement hébergées sur les plates- formes de stockage “Megavideo.
com”, “Megaupload.com” et “Stagevu.com” et que le site “ allostreaming.com” est un portail renvoyant ses
utilisateurs vers les annuaires de liens “alloshowtv.com”, “allomovies.com” et “alloshare.com” ainsi que vers les
plates-formes susvisées ;
Considérant qu’en ce qui concerne le site “alloshowtv.com”, les agents assermentés de l’ALPA ont procédé du
28 juin au 12 juillet 2010, via l’utilisation d’un programme informatique spécifiquement développé pour les
besoins de la cause, à la récupération automatisée de certaines informations ciblées, collectées directement sur
les pages de ce site, relevant ainsi la présence de 45 530 liens actifs et uniques permettant soit la visualisation,
soit le téléchargement de 137 séries télévisées uniques (la cour renvoyant pour l’intégralité du listing à l’annexe
2 du procès-verbal du 07 septembre 2010, pièce 7), 78,26 % de ces oeuvres étant stockées sur “Megavideo.
com”, 21,43 % sur “Megaupload.com” et 0,31 % sur “Stagevu.com” ;
Qu’à partir de ce listing ils ont constitué du 09 au 26 août 2010 un échantillonnage de 2 290 liens correspondant
à une vérification globale de 5 % de l’ensemble des liens actifs de ce site et ont ensuite activé manuellement
chacun de ces liens permettant de procéder à la visualisation ou au téléchargement de l’oeuvre proposée sur la
plate-forme de stockage physique et donc à la vérification du caractère contrefaisant de cette dernière ;
Qu’il a ainsi été constaté la présence sur le site “Stagevu.com” de 14 épisodes de séries télévisées contrefaites,
sur le site “Megavideo.com” de 1 298 épisodes de séries télévisées contrefaites et sur le site “Megaupload.com”
de 956 épisodes de séries télévisées contrefaites, dont la liste complète est détaillée au procès-verbal auquel
renvoie la cour (pièce 7) ;
Qu’il en ressort que sur le site “alloshowtv.com”, 99,04 % des liens vérifiés correspondent à des contrefaçons
des oeuvres audiovisuelles annoncées par le site, 0,83 % des liens vérifiés correspondent également à des
contrefaçons d’oeuvres audiovisuelles, toutefois autres que celles annoncées par le site et 0,13 % des liens, bien
qu’annonçant également la possibilité de visualiser des oeuvres dont le titre revêt un caractère contrefaisant,
ne fonctionnent pas et n’ont donc pu faire l’objet de vérification, pas un seul des 2 290 liens testés ne
correspondant à une oeuvre non contrefaite ;
Considérant qu’en ce qui concerne le site “allomovies.com”, la collecte a permis de relever la présence de 15 296
liens actifs et uniques permettant soit la visualisation, soit le téléchargement de 3 748 oeuvres audiovisuelles
uniques (la cour renvoyant pour l’intégralité du listing à l’annexe 1 du procès-verbal du 03 septembre 2010,
pièce 15), 58,54 % de ces oeuvres étant stockées sur “Megavideo.com”, 38,53 % sur “Megaupload.com” et
2,92 % sur “Stagevu.com” ;
33
RIPIA n° 265
Qu’à partir de ce listing ils ont constitué du 09 juillet au 14 août 2010 un échantillonnage de 1 045 liens
correspondant à une vérification globale de 6,8 % de l’ensemble des liens actifs de ce site et ont ensuite activé
manuellement chacun de ces liens permettant de procéder à la visualisation ou au téléchargement de l’oeuvre
proposée sur la plate-forme de stockage physique et donc à la vérification du caractère contrefaisant de cette
dernière ;
Qu’il a ainsi été constaté la présence sur le site “Stagevu.com” de 45 oeuvrescinématographiques contrefaites,
sur le site “Megavideo.com” de 478 œuvres cinématographiques contrefaites et sur le site “Megaupload.com”
de 470 œuvres cinématographiques contrefaites, dont la liste complète est détaillée au procès-verbal auquel
renvoie la cour (pièce 15) ;
Qu’il en ressort que sur le site “allomovies.com”, 95,02 % des liens vérifiés correspondent à des contrefaçons
des oeuvres audiovisuelles annoncées par le site, 1,63 % des liens vérifiés correspondent également à des
contrefaçons d’oeuvres audiovisuelles, toutefois autres que celles annoncées par le site et 3,35 % des liens, bien
qu’annonçant également la possibilité de visualiser des oeuvres dont le titre revêt un caractère contrefaisant,
ne fonctionnent pas et n’ont donc pu faire l’objet de vérification, pas un seul des 1 045 liens testés ne
correspondant à une oeuvre non contrefaite ;
Considérant qu’en ce qui concerne le site “alloshare.com”, la collecte a permis de relever la présence de 25 999
liens actifs et uniques permettant, soit la visualisation, soit le téléchargement de 2 005 oeuvres audiovisuelles
uniques (la cour renvoyant pour l’intégralité du listing à l’annexe 1 du procès-verbal du 03 septembre 2010,
pièce 10), 76,86 % de ces oeuvres étant stockées sur “Megavideo.com”, 20,63 % sur “Megaupload.com”,
1,58 % sur “Stagevu.com” et 0,93 % sur “Dailymotion.com” ;
Qu’à partir de ce listing ils ont constitué du 27 juillet au 02 septembre 2010 un échantillonnage de 1 303 liens
correspondant à une vérification globale de 5 % de l’ensemble des liens actifs de ce site et ont ensuite activé
manuellement chacun de ces liens permettant de procéder à la visualisation ou au téléchargement de l’oeuvre
proposée sur la plate forme de stockage physique et donc à la vérification du caractère contrefaisant de cette
dernière ;
Qu’il a ainsi été constaté la présence sur le site “Dailymotion.com” de 25 oeuvres cinématographiques
contrefaites, sur le site “Stagevu.com” de 41 oeuvres cinématographiques contrefaites, sur le site “Megavideo.
com” de 700 oeuvres cinématographiques contrefaites et sur le site “Megaupload.com” de 536 oeuvres
cinématographiques contrefaites, dont la liste complète est détaillée au procès-verbal auquel renvoie la cour
(pièce 10) ;
Qu’il en ressort que sur le site “alloshare.com”, 98 % des liens vérifiés correspondent à des contrefaçons
des oeuvres audiovisuelles annoncées par le site, 1,84 % des liens vérifiés correspondent également à des
contrefaçons d’oeuvres audiovisuelles, toutefois autres que celles annoncées par le site et 0,16 % des liens, bien
qu’annonçant également la possibilité de visualiser des oeuvres dont le titre revêt un caractère contrefaisant,
ne fonctionnent pas et n’ont donc pu faire l’objet de vérification, pas un seul des 1 303 liens testés ne
correspondant à une oeuvre non contrefaite ;
Considérant qu’en ce qui concerne le site “allostreaming.com”, la collecte a permis de relever la présence
de 126 947 liens actifs et uniques permettant, soit la visualisation, soit le téléchargement de 15 726 oeuvres
audiovisuelles uniques (la cour renvoyant pour l’intégralité du listing à l’annexe 1 du procès-verbal du
30 septembre 2010, pièce 19), 65,42 % de ces oeuvres étant stockées sur “Videobb.com”, 31,23 % sur
“Megavideo.com”, 1,82 % ̈sur “Videozer.com” et 1,51 % sur “Mixturevideo.com”, seules 4 oeuvres étant
stockées sur “Stagevu.com”, 2 oeuvres sur “Megaupload.com” et 2 oeuvres sur “Nolimitevideo.com” ;
Qu’à partir de ce listing il a été constitué du 20 au 28 septembre 2011 un échantillonnage de 1 000 liens et ont
ensuite activé manuellement chacun de ces liens permettant de procéder à la visualisation ou au téléchargement
de l’oeuvre proposée sur la plate-forme de stockage physique et donc à la vérification du caractère contrefaisant
de cette dernière ;
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RIPIA n° 265
Qu’il a ainsi été constaté la présence sur le site “Videobb.com” de 640 œuvres cinématographiques contrefaites,
sur le site “Megavideo.com” de 306 œuvres cinématographiques contrefaites, sur le site “Videozer.com” de 18
oeuvres cinématographiques contrefaites et sur le site “Mixturevideo.com” de 15 oeuvres cinématographiques
contrefaites, dont la liste complète est détaillée au procès-verbal auquel renvoie la cour (pièce 19) ;
Que les oeuvres vérifiées sur les sites “Stagevu.com” (28 jours plus tard), “Nolimitevideo.com” (Pirate des
Caraïbes : La fontaine de jouvence) et “Megaupload.com” (Le chaperon rouge) se sont également révélé être
des oeuvres cinématographiques contrefaites ;
Qu’il en ressort que sur le site “allostreaming.com”, 98,2 % des liens vérifiés correspondent à des contrefaçons
des oeuvres audiovisuelles annoncées par le site, 1,1 % des liens vérifiés correspondent également à des
contrefaçons d’oeuvres audiovisuelles, toutefois autres que celles annoncées par le site et 0,7 % des liens, bien
qu’annonçant également la possibilité de visualiser des oeuvres dont le titre revêt un caractère contrefaisant ;
Qu’un constat effectué sur ce même site le 12 septembre 2011 (pièce 5) sur la rubrique “Top 100 Films du
mois” a amené la vérification sur l’intégralité des cent liens proposés (détaillés au procès-verbal auquel renvoie
la cour), établissant que 89 liens permettent de procéder à la visualisation d’oeuvres cinématographiques
contrefaites, correspondant à celles annoncées par le site, 3 liens correspondent à des contrefaçons d’oeuvres
audiovisuelles différentes de celles initialement annoncées par le site, 5 liens ne permettent de consulter que les
bandes annonces des oeuvres cinématographiques annoncées et 3 liens renvoient vers des vidéos inaccessibles ;
Considérant qu’en ce qui concerne le site “fifostream.tv”, la collecte a permis de relever la présence de
43 156 liens actifs et uniques permettant l’accès à des oeuvres audiovisuelles réparties sur 19 plates-formes
d’hébergement (la cour renvoyant pour la liste détaillée au procès- verbal du 30 mai 2012 (pièce 92),
Qu’un échantillonnage de 5 % des liens actifs proposés par ce site a été constitué le 16 avril 2012, soit 2 159
liens et il a été ensuite procédé à l’activation manuelle de chacun de ces liens permettant de procéder à la
visualisation ou au téléchargement de l’oeuvre proposée sur la plate- forme de stockage physique et donc à la
vérification du caractère contrefaisant de cette dernière ;
Qu’il a ainsi été constaté la présence sur la plate-forme “1fichier.com” de 8 oeuvres cinématographiques
contrefaites, sur la plate-forme “depositfiles.com” de 276 oeuvres cinématographiques contrefaites, sur la
plate-forme “dl.free.fr” d’une oeuvre cinématographique contrefaite, sur le site “filepost.com” d’une oeuvre
cinématographique contrefaite, sur le site “files-save.com” de 12 oeuvres cinématographiques contrefaites,
sur la plate-forme “hotfile.com” d’une oeuvre cinématographique contrefaite, sur la plate- forme “letitibit.
net” de deux oeuvres cinématographiques contrefaites, sur la plate-forme “mixturecloud.com” de 524 oeuvres
cinématographiques contrefaites, sur la plate-forme “purevid.com” de 694 oeuvres cinématographiques
contrefaites, sur la plate-forme “rapidshare.com” de 4 oeuvres cinématographiques contrefaites, sur la plateforme “turbobit.net” de 24 oeuvres cinématographiques contrefaites, sur la plate-forme “ul.to” de 116
oeuvres cinématographiques contrefaites, sur la plate-forme “uploaded.to” de 42 oeuvres cinématographiques
contrefaites, sur la plate-forme “uploading.com” de 121 oeuvres cinématographiques contrefaites et sur la plateforme “uptobox.com” de 21 oeuvres cinématographiques contrefaites, la cour renvoyant pour la liste détaillée
au dit procès-verbal et ses annexes ;
Qu’il en ressort qu’à la date de ce constat sur le site “fifostream.tv”, 85,55 % des liens vérifiés correspondent
à des contrefaçons des oeuvres audiovisuelles annoncées par le site, 0,74 % des liens vérifiés correspondent
également à des contrefaçons d’oeuvres audiovisuelles, toutefois autres que celles annoncées par le site et
13,71 % des liens, bien qu’annonçant également la possibilité de visualiser des oeuvres dont le titre revêt un
caractère contrefaisant, ne fonctionnent pas et n’ont donc pu faire l’objet de vérification, pas un seul des 2 159
liens testés ne correspondant à une oeuvre non contrefaite ;
Qu’un second procès-verbal de constat sur ce site a été établi le 06 septembre 2012 (pièce 102) permettant de
relever la présence de 69 344 liens actifs et uniques permettant l’accès à des oeuvres audiovisuelles réparties sur
4 plates-formes d’hébergement (la cour renvoyant pour la liste détaillée au dit procès-verbal) ;
35
RIPIA n° 265
Qu’un échantillonnage de 5 % des liens actifs proposés par ce site a été constitué le 09 juillet 2012, soit 3 467
liens et il a été ensuite procédé à l’activation manuelle de chacun de ces liens permettant de procéder à la
visualisation ou au téléchargement de l’oeuvre proposée sur la plate- forme de stockage physique et donc à la
vérification du caractère contrefaisant de cette dernière ;
Qu’il a ainsi été constaté la présence sur la plate-forme “Dailymotion.com” de 144 oeuvres audiovisuelles
contrefaites, sur la plate-forme “mixturevideo.com” de 1 241 oeuvres audiovisuelles contrefaites, sur la plateforme “purevid.com” de 1 644 oeuvres audiovisuelles contrefaites et sur la plate-forme “stagevu.com” de 17
oeuvres audiovisuelles contrefaites, la cour renvoyant pour la liste détaillée au dit procès-verbal et ses annexes ;
Qu’il en ressort qu’à la date de ce constat sur le site “fifostream.tv”, 87,86 % des liens vérifiés correspondent
à des contrefaçons des oeuvres audiovisuelles annoncées par le site, 0,14 % des liens vérifiés correspondent
également à des contrefaçons d’oeuvres audiovisuelles, toutefois autres que celles annoncées par le site et
11,13 % des liens, bien qu’annonçant également la possibilité de visualiser des oeuvres dont le titre revêt un
caractère contrefaisant, ne fonctionnent pas et n’ont donc pu faire l’objet de vérification, 0,87 % des liens
permettant la visualisation d’oeuvres audiovisuelles, diffusées sans violation manifeste des droits de propriété
intellectuelle de leurs auteurs et/ou ayants droit ;
Qu’un troisième procès-verbal de constat sur ce site établi le 21 juin 2013 (pièce 164 bis) sur la base d’un
échantillon de 660 liens, sélectionnés aléatoirement parmi les 688 003 liens recueillis par les agents de l’ALPA
(permettant d’obtenir des résultats avec un degré de précision de +/- 5 % et un niveau de confiance de 99 %) a
permis d’établir qu’à cette date 85,6 % des liens vérifiés correspondent également à des contrefaçons d’oeuvres
audiovisuelles annoncées par le site, 0,3 % des liens vérifiés correspondent également à des contrefaçons d’oeuvres
audiovisuelles, toutefois autres que celles annoncées par le site et 13,6 % des liens, bien qu’annonçant également
la possibilité de visualiser des oeuvres dont le titre revêt un caractère contrefaisant, ne fonctionnent pas et n’ont
donc pu faire l’objet de vérification, 0,5 % des liens permettant la visualisation d’oeuvres audiovisuelles, diffusées
sans violation manifeste des droits de propriété intellectuelle de leurs auteurs et/ou ayants droit ;
Considérant que ce sont ainsi près de 14 000 oeuvres audiovisuelles (séries télévision et films cinématographiques)
précisément identifiées par les agents de l’ALPA qui ont été constatées sur les sites en cause ;
Considérant que la méthodologie employée par les agents de l’ALPA pour procéder à leur échantillonnage est
précisément décrite dans chacun des procès-verbaux susvisé et est identique pour chacun des sites consultés ;
Que M. Gérard BIAU, professeur à l’Université Pierre-et-Marie-Curie à Paris, dans une consultation en date
du 18 décembre 2012 (pièce 100 des syndicats professionnels) effectuée au regard de la méthode employée
pour le site “fifostream.tv”, affirme que le protocole d’échantillonnage ainsi suivi s’apparente à un plan de
sondage aléatoire simple stratifié, avec allocation proportionnelle, modulo la prise en compte d’un léger biais
dans les strates qu’il faudra veiller à corriger et qu’en ce sens cette méthodologie présente toutes les garanties
d’une démarche scientifique rigoureuse ;
Que ce professeur ajoute, au terme d’une démonstration mathématique rigoureuse et non sérieusement
critiquée (la société Microsoft Corporation se contentant de la qualifier d’“expertise de complaisance” sans
pour autant en démontrer la fausseté ou l’inexactitude), que la méthodologie d’échantillonnage utilisée dans la
détection des contenus audiovisuels contrefaisants procède également d’une démarche scientifique rigoureuse,
dont le principe est mathématiquement inattaquable et que la proportion de liens de ce site renvoyant vers
des contenus contrefaisants peut être estimée au minimum à 87,34 % avec une marge d’erreur de +/-0,81 % ;
Qu’il en ressort que ce mode de preuve des atteintes au droit d’auteur et aux droits voisins sur les sites en cause
est scientifiquement rigoureux et mathématiquement inattaquable et ne saurait donc être qualifié d’“opaque”,
de “parcellaire” ou de “baroque” ;
Considérant qu’il sera rappelé que la présente action n’est pas une action en contrefaçon ou en revendication de
droits d’auteur ou de droits voisins mais une action spécifique en cessation d’atteintes à ces droits occasionnée
par le contenu d’un service de communication au public en ligne ;
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Que l’ensemble des oeuvres audiovisuelles ainsi relevées et décrites et dont les justificatifs de droits figurent à la
pièce 63 des syndicats professionnels à laquelle la cour se réfère expressément, sont des oeuvres audiovisuelles
que l’article L 112-2, 6° du code de la propriété intellectuelle considère comme des oeuvres de l’esprit au sens
dudit code ;
Qu’il s’agit d’oeuvres de fiction racontant une histoire (séries télévisées, films cinématographiques), résultat
d’une multiplicité de contributions créatives (élaboration du scénario, établissement du script, rédaction des
dialogues, mise en scène, construction ou choix des décors, tournage, création d’une bande son, découpage et
montage en post- production) faisant par là-même présumer de leur originalité dès lors que celle-ci n’est pas
contestée ;
Considérant qu’en l’espèce la société Microsoft Corporation se contente d’affirmer qu’il appartiendrait aux
syndicats professionnels de prouver a priori l’originalité des oeuvres audiovisuelles contrefaites, même en
l’absence de toute contestation de cette originalité, sans même alléguer que ces oeuvres ne seraient pas originales
alors qu’en vertu des dispositions de l’article 6 du code de procédure civile, la cour d’appel n’a pas à rechercher
l’existence d’éléments de fait non allégués propres à établir la prétention sur ce point de la société Microsoft
Corporation ;
Considérant qu’en ce qui concerne la protection des droits voisins des producteurs de vidéogrammes de
l’article L 215-1 du code de la propriété intellectuelle, la société Microsoft Corporation se contente d’affirmer
que la qualification de vidéogramme au sens de cet article devrait être rejetée “pour les mêmes raisons que
la qualification d’oeuvre audiovisuelle, soit l’absence de démonstration de l’originalité” (page 20 de ses
conclusions) ;
Qu’il sera en tout état de cause rappelé que le vidéogramme est une fixation de séquences d’images sonorisées
ou non, indépendamment de l’originalité ou non de l’oeuvre audiovisuelle ainsi fixée et que le producteur de
vidéogrammes est la personne, physique ou morale, qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation
d’une séquence d’images sonorisées ou non, son autorisation étant requise avant toute mise à la disposition du
public de son vidéogramme ;
Que les syndicats professionnels produisent en pièce 63 les justificatifs de l’existence des droits voisins des
producteurs des vidéogrammes contrefaits et qu’il n’est pas allégué que les personnes physiques ou morales
exploitant ainsi publiquement, paisiblement et de manière non équivoque ces enregistrements sous leur nom,
ne seraient pas titulaires sur ces enregistrements des droits prévus à l’article L 215-1 ;
Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a dit que les syndicats
professionnels démontraient suffisamment que le réseau “allostreaming” composé des sites principaux
“allostreaming.com”, “allomovies.com”, “alloshowtv.com” et “alloshare.com” et de sites secondaires actifs
“dpstream.tv” et “fifostream.tv” est entièrement dédié ou quasi entièrement dédié à la représentation d’oeuvres
audiovisuelles sans le consentement des auteurs et/ou ayants droit, ce qui constitue une atteinte au droit
d’auteur ou au droit voisin de producteur de vidéogramme telle que prévue à l’article L 336-2 du code de la
propriété intellectuelle ;
Les conditions d’application de l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle :
Considérant qu’à titre plus subsidiaire les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings soutiennent que
les conditions d’application de l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle ne sont pas réunies en
l’espèce ;
Qu’elles font valoir qu’en raison de la réserve d’interprétation de cet article émise par le Conseil constitutionnel
dans sa décision du 10 juin 2009, la lutte contre la diffusion de contenus illicites ne peut justifier le prononcé
et la mise en oeuvre de mesures de police, dont l’étendue irait bien au-delà de ce que commande la protection
des droits de propriété intellectuelle menacés ;
37
RIPIA n° 265
Qu’elles affirment que l’action introduite par les syndicats professionnels n’est susceptible de prospérer que si
les mesures sollicitées d’une part sont de nature à faire cesser l’atteinte qu’ils prétendent subi et d’autre part
remplissent l’exigence de nécessité fixée par le Conseil constitutionnel et les principes énoncés par le droit de
l’Union européenne et qu’en l’espèce aucune de ces deux conditions n’est remplie, la démarche des syndicats
professionnels invitant en réalité à une application extensive, contraire à la Constitution, de l’article L 336-2 ;
Qu’elles soutiennent à ce titre que les mesures de déréférencement sollicitées n’empêchent pas l’accès à un site
contrefaisant et ne conduisent donc pas à faire cesser le trouble invoqué et que les moteurs de recherche ne
peuvent donc pas remédier à l’atteint subie par les syndicats professionnels ;
Qu’elles ajoutent que ces mesures de déréférencement exigées des moteurs de recherche ne sont pas nécessaires
en présence de mesures de blocage, principalement par les hébergeurs du contenu qu’ils stockent dès lors qu’ils
ont été identifiés par les syndicats professionnels, ou encore par la saisie directe de noms de domaine telle que
réalisée notamment par la justice américaine et qu’ainsi les mesures prises à l’égard des moteurs de recherche
dépassent manifestement ce qui est nécessaire à la protection des droits de propriété intellectuelle lorsque les
sites litigieux font déjà l’objet d’une mesure de blocage ;
Qu’elles en concluent que les mesures sollicitées par les syndicats professionnels à l’encontre des moteurs de
recherche ni ne répondent à l’exigence constitutionnelle de nécessité, ni ne permettent de remédier à l’atteinte
alléguée, de sorte qu’elles n’entrent pas dans le champ d’application de l’article L 336-2 ;
Considérant que la société Microsoft Corporation fait également valoir à titre subsidiaire que les mesures
sollicitées à l’encontre des moteurs de recherche ne sont pas “strictement nécessaires” au sens de la règle posée
par le Conseil constitutionnel et que dès lors que le blocage de l’accès aux sites litigieux par les fournisseurs
d’accès à Internet est mis en place, les mesures de déréférencement ne peuvent qu’être accessoires ;
Qu’elle en conclut que les mesures sollicitées à l’encontre des moteurs de recherche comme services de
référencement naturel sont par nature inutiles, donc superflues, dès lors que des mesures de blocage d’accès par
nom de domaine ou filtrage DNS seraient mises en oeuvres, ces mesures étant irréconciliables avec l’exigence
de stricte nécessitée imposée par le Conseil constitutionnel ;
Qu’elle ajoute enfin qu’en tout état de cause l’atteinte alléguée a cessé, les quatre sites visés par l’assignation
étant désormais inactifs et les sites hébergeant les prétendues contrefaçons vers lesquels renvoyaient la majorité
des liens ayant été fermés début 2012 suite à une procédure judiciaire initiée aux États-Unis et que dès lors les
demandes sollicitées sont devenues sans objet de telle sorte que la condition d’application de l’article L 336-2
du code de la propriété intellectuelle n’est pas remplie en l’espèce ;
Considérant que les syndicats professionnels répliquent que dès les premières mesures de déréférencement prises
par Google sur son moteur de recherche, il en est résulté une chute drastique du pourcentage de visiteurs sur
les sites illicites passés par un moteur de recherche, ce qui confirme le lien causal existant entre la fréquentation
d’un site et son accessibilité par le biais des moteurs de recherche ;
Qu’ils font en particulier valoir que le site “allostreamingc.com” a fermé suite à son déréférencement par les
moteurs de recherche Google, Yahoo et Bing, et ce antérieurement au démantèlement du service Megaupload ;
Qu’ils précisent que ni l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle, ni l’article 8, §3, de la directive
2001/29 n’imposent de soumettre à une condition spécifique d’efficacité au sens de la cessation totale du
dommage, la recevabilité des actions entreprises à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés
par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin ;
Qu’ils ajoutent que les mesures de déréférencement d’un site sur les moteurs de recherche produisent des effets
qui s’additionnent à ceux du blocage par les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et qui les complètent en
permettant de limiter le contournement des mesures de blocage par nom de domaine (lesquelles au demeurant
n’affectent que les utilisateurs de ces FAI) ;
38
RIPIA n° 265
Qu’ils affirment que ces mesures sont conformes au principe de proportionnalité dans la mesure où elles ont
pour objet de forger une réponse judiciaire efficace au trouble causé par le regroupement et l’indexation de
contenus illicites sur les sites “Allostreaming” ;
Qu’ils affirment encore que ces mesures ont un caractère strictement nécessaire à la préservation des droits
en cause, le Conseil constitutionnel ne conditionnant pas ce caractère nécessaire à l’efficacité de ces mesures
pour atteindre l’objectif de cessation de l’atteinte, mais à la limitation de cette mesure aux contenus litigieux, à
l’exclusion des contenus licites et que les sites en question ont un caractère quasi-exclusivement contrefaisant ;
Qu’ils font enfin valoir que si, à la suite notamment des opérations de déréférencement opérées
de leur propre chef par les sociétés Google, Microsoft et Yahoo !, les administrateurs des sites litigieux ont
soit pointé vers des pages de type “parking” ou fait état de leur fermeture définitive, cette situation n’a
été que provisoire puisqu’il a été constaté en mai 2012 que ces noms de domaines pointaient vers le site
“fifostream” dont le caractère contrefaisant a été constaté et qu’en novembre 2014 ils pointaient encore vers
les sites “dpstream.net”, “dpstream.pw”, “dpstream2 » et “unlimstream.com” qui recensent tous des oeuvres
audiovisuelles contrefaites par le biais de liens ;
Considérant ceci exposé, que l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle résulte de l’article 10 de la
loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, qui a été
soumise au Conseil constitutionnel en application de l’article 61, 2ème alinéa de la Constitution ;
Que le Conseil constitutionnel, dans sa décision 2009-580 DC du 10 juin 2009, a validé ce texte sous la réserve
énoncée au considérant 38 de sa décision ainsi rédigé :
“Considérant qu’en permettant aux titulaires du droit d’auteur ou de droits voisins, ainsi qu’aux personnes
habilitées à les représenter pour la défense de ces droits, de demander que le tribunal de grande instance
ordonne, à l’issue d’une procédure contradictoire, les mesures nécessaires pour prévenir ou faire cesser une
atteinte à leurs droits, le législateur n’a pas méconnu la liberté d’expression et de communication ; qu’il
appartiendra à la juridiction saisie de ne prononcer, dans le respect de cette liberté, que les mesures strictement
nécessaires à la préservation des droits en cause ; que, sous cette réserve, l’article 10 n’est pas contraire à la
Constitution.”
Considérant qu’en ce qui concerne l’article 8, §3, de la directive 2001/29, la Cour de justice de l’Union
européenne a dit pour droit dans son arrêt UPC Telekabel Wien GmbH du 27 mars 2014 que :
“Les droits fondamentaux reconnus par le droit de l’Union doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent
pas à ce qu’il soit fait interdiction, au moyen d’une injonction prononcée par un juge, à un fournisseur d’accès
à Internet d’accorder à ses clients l’accès à un site Internet mettant en ligne des objets protégés sans l’accord des
titulaires de droits, lorsque cette injonction ne précise pas quelles mesures ce fournisseur d’accès doit prendre et
que ce dernier peut échapper aux astreintes visant à réprimer la violation de ladite injonction en prouvant qu’il
a pris toutes les mesures raisonnables, à condition cependant que, d’une part, les mesures prises ne privent pas
inutilement les utilisateurs d’Internet de la possibilité d’accéder de façon licite aux informations disponibles et,
d’autre part, que ces mesures aient pour effet d’empêcher ou, au moins, de rendre difficilement réalisables les
consultations non autorisées des objets protégés et de décourager sérieusement les utilisateurs d’Internet ayant
recours aux services du destinataire de cette même injonction de consulter ces objets mis à leur disposition en
violation du droit de propriété intellectuelle, ce qu’il appartient aux autorités et aux juridictions nationales de
vérifier.”
Qu’aux points 58 à 61 de cet arrêt, la Cour relève “d’emblée (...) qu’il n’est pas exclu que l’exécution d’une
injonction, telle que celle en cause au principal, n’aboutisse pas à un arrêt total des atteintes portées au droit de
propriété intellectuelle des personnes intéressées”, qu’en effet, d’une part, “le destinataire d’une telle injonction
a la possibilité de s’exonérer de sa responsabilité et ainsi de ne pas adopter certaines mesures éventuellement
réalisables, dès lors qu’elles ne sont pas susceptibles d’être qualifiées de raisonnables” et “d’autre part, il n’est
pas exclu qu’aucune technique permettant de mettre complètement fin aux atteintes au droit de propriété
39
RIPIA n° 265
intellectuelle n’existe ou ne soit en pratique réalisable, ce qui aurait pour conséquence que certaines mesures
prises seraient, le cas échéant, contournables d’une manière ou d’une autre”, la Cour rappelant “qu’il ne ressort
nullement de l’article 17, paragraphe 2, de la Charte que le droit de propriété intellectuelle soit intangible et
que, partant, sa protection doive nécessairement être assurée de manière absolue (voir, en ce sens, arrêt Scarlet
Extended, précité, point 43)” ;
Considérant qu’il résulte donc tant de la réserve énoncée par le Conseil constitutionnel que des principes du
droit européen, que l’obligation de stricte nécessité doit s’entendre comme de ne pas aller au-delà de ce qui est
nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, les inconvénients pouvant s’ensuivre ne devant pas être démesurés
par rapport aux buts visés ;
Considérant qu’il ressort du procès-verbal de constat de l’ALPA du17 janvier 2012 (pièce 74 des syndicats
professionnels) que le site “allostreaming.com”a annoncé la fermeture définitive de ses services “due au
déréférencement de notre site par les moteurs de recherches (google, yahoo, bing)”, cette fermeture n’étant
donc pas la conséquence de la fermeture du service Megaupload par la justice américaine qui n’a été ordonnée
que le 19 janvier 2012 (pièce 78 des syndicats professionnels) ;
Que de même selon le procès-verbal de constat de l’ALPA du 25 janvier 2012 (pièce 75 des syndicats
professionnels), le site “alloshowtv.com” a annoncé la fermeture définitive de son site pour les mêmes motifs ;
Que plus généralement les différents liens vérifiés par les agents de l’ALPA se sont révélés être devenus inactifs,
que ces constatations ont ainsi permis d’établir que ces mesures de déréférencement ont contribué à réduire
de façon significative les atteintes aux droits d’auteur et aux droits voisins en rendant plus difficile la recherche
des internautes ;
Considérant que les mesures de déréférencement demandées ont donc prouvé leur efficacité et qu’il n’est pas
exigé tant par le Conseil constitutionnel que par le droit européen que ces mesures de protection des droits
d’auteur et des droits voisins doivent nécessairement avoir une efficacité absolue, le droit de la propriété
intellectuelle n’étant pas intangible ;
Qu’au demeurant l’article L 336-2 n’exige pas une telle efficacité absolue puisqu’il ne vise que toute personne
“susceptible de contribuer à (...) remédier” à ces atteintes au droit d’auteur et aux droits voisins ;
Considérant par ailleurs que ces mesures sont utiles pour contribuer à remédier aux atteintes sur Internet au
droit d’auteur et aux droits voisins, qu’en effet, comme le relève l’avocat général dans l’affaire UPC Telekabel
Wien GmbH précitée, l’internaute confronté à un blocage d’un site Internet contrefaisant par son FAI peut
tenter de contourner ce blocage en recherchant le site sous sa nouvelle adresse IP ou sous son nouveau nom
de domaine en recourant “à des moteurs de recherche pour trouver la page en question” et que cette recherche
peut s’avérer plus difficile en présence de multiples mesures de blocage (point 101 de ses conclusions) ;
Que les conclusions de l’avocat général se trouvent d’ailleurs confirmées par le procès- verbal ALPA précité du
25 janvier 2012 montrant que le site “alloshowtv.com”, après avoir annoncé sa fermeture, invite les internautes
à “faire une simple recherche sur un moteur de recherche” pour rechercher les “dizaines de sites avec un service
similaire” qui “existent toujours” ;
Qu’en outre si dans la présente instance les syndicats professionnels ont également assigné les huit principaux
FAI, il n’est pas contesté que l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes
(ARCEP) comptabilise plus de 1 330 FAI déclarés auprès d’elle et il ne saurait être exigé des syndicats
professionnels qu’ils mettent en cause la totalité des FAI, même les plus marginaux, pour pouvoir réclamer les
mesures prévues par l’article L 336-2 ;
Qu’ainsi seules des mesures de déréférencement des moteurs de recherche des sites contrefaisants sont
susceptibles de rendre plus difficile leur consultation par les utilisateurs de ces FAI marginaux, tiers à cette
procédure ;
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RIPIA n° 265
Qu’il apparaît donc que la conjonction de mesures de blocage par les principaux FAI et de mesures de
déréférencement par les moteurs de recherche, dont les effets s’additionnent, contribue à rendre encore plus
difficile l’accès des internautes aux sites contrefaisants, le cumul de ces demandes étant donc justifié sans qu’il
faille soumettre la demande de déréférencement à une obligation de subsidiarité par rapport à la demande de
blocage par les FAI ;
Qu’enfin en ce qui concerne la conformité des mesures de déréférencement au principe de proportionnalité, il
ressort des constatations des agents de l’ALPA et des pièces versées aux débats que les sites en cause se consacrent
exclusivement ou, pour certains d’entre eux, quasi- exclusivement à la transmission d’oeuvres audiovisuelles
en contrefaçon des droits d’auteur ou des droits voisins de leurs titulaires ou ayants droit et que ces sites et les
plates- formes où sont stockées ces oeuvres contrefaites, telles que Megaupload ou Allostreaming ont construit
leurs modèles économiques sur la contrefaçon en offrant à leurs utilisateurs la possibilité soit de visionner en
ligne des oeuvres protégées par le streaming, soit de télécharger ces oeuvres ;
Que la Cour de justice de l’Union européenne, aux points 51 à 53 de son arrêt UPC Telekabel Wien GmbH,
précise d’une façon générale (et non pas seulement limitée aux FAI) qu’“une injonction, telle que celle en cause
au principal, laisse à son destinataire le soin de déterminer les mesures concrètes à prendre pour atteindre le
résultat visé de sorte que celui-ci peut choisir de mettre en place des mesures qui soient les mieux adaptées
aux ressources et aux capacités dont il dispose et qui soient compatibles avec les autres obligations et défis
auxquels il doit faire face dans l’exercice de son activité” et qu’elle “permet à son destinataire de s’exonérer
de sa responsabilité en prouvant qu’il a pris toutes les mesures raisonnables”, “cette possibilité d’exonération
[ayant] de toute évidence pour effet que le destinataire de cette injonction ne sera pas tenu de faire des sacrifices
insupportables, ce qui paraît justifié notamment au regard du fait que ce dernier n’est pas l’auteur de l’atteinte
au droit fondamental de propriété intellectuelle ayant provoqué l’adoption de ladite injonction” ;
Qu’il s’ensuit que les mesures de déréférencement des sites contrefaisants des moteurs de recherche, couplées
aux mesures de blocage de ces sites par les FAI, ne portent pas atteinte à la liberté d’expression et de
communication et sont conformes au principe de proportionnalité, tel que défini par la Cour de justice de
l’Union européenne comme faisant partie des principes généraux du droit de l’Union et exigeant seulement
“que les mesures adoptées par les États membres dans ce domaine ne dépassent pas les limites de ce qui est
approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant
entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins
contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés” (arrêt
Azienda Agro-Zootecnica Franchini Sarl du 21 juillet 2011) ;
Considérant enfin que si à la fin de l’année 2011 les mesures de déréférencement prises par les moteurs de
recherche Microsoft, Yahoo ! et Google ont permis de réduire les atteintes aux droits d’auteur et aux droits
voisins sur Internet, il apparaît que dès le second trimestre de l’année 2012 les noms de domaine en cause
pointaient désormais vers le site “fifostream” dont le caractère contrefaisant a été constaté (procès-verbaux de
constat ALPA des 30 et 31 mai 2012, pièces 93 et 94 des syndicats professionnels) et qu’à la fin de l’année
2014 ils pointaient également vers les sites “dpstream.net”, “dpstream.pw”, “dpstream2.net” et “unlimstream.
com” qui recensent tous des oeuvres audiovisuelles contrefaites par le biais de liens (procès-verbal de constat
ALPA du 10 novembre 2014, pièce 211) ;
Qu’il s’ensuit que les atteintes au droit d’auteur et aux droits voisins par ces sites n’ont pas cessé et que les
mesures sollicitées sont toujours nécessaires pour y remédier ;
L’extraterritorialité des mesures sollicitées :
Considérant qu’à titre infiniment subsidiaire les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings soutiennent
que l’extraterritorialité des mesures sollicitées excèderait les pouvoirs de la cour de céans dans la mesure où
leur activité ne se limite pas à fournir un service de recherche et que les autres contenus (actualités généralistes,
articles classés par catégories) et services offerts ne sont pas les mêmes selon la zone géographique considérée et
que le périmètre territorial des mesures ordonnées est en réalité mondial, ce qui dépasse largement le cadre de
l’atteinte alléguée, laquelle n’est subie qu’en France ;
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RIPIA n° 265
Qu’elles rappellent que selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de droit
d’auteur, les juridictions françaises ne sont compétentes, s’agissant de contrefaçons accessibles en France sur
Internet, que dans la limite du dommage causé sur le territoire français ;
Qu’elles demandent donc de limiter le déférencement au moteur de recherche spécifiquement destiné au public
français, en l’occurrence <www.yahoo.fr> ;
Considérant que la société Microsoft Corporation conclut également que dans tous les cas, sauf à violer le
principe de territorialité, les mesures sollicitées ne pourraient viser que la version du moteur de recherche
“Bing” spécifiquement dédiée aux internautes résidant en France ;
Considérant que les syndicats professionnels répliquent que les mesures demandées seraient à l’évidence
frappées d’inefficacité dans l’hypothèse où elle ne seraient prononcées qu’en ce qui concerne la déclinaison
locale de chacun des moteurs de recherche concernés puisqu’il suffirait à l’internaute français d’utiliser les
services d’extensions francophones pour contourner aisément un déréférencement qui ne serait appliqué qu’aux
sites français ;
Qu’ils ajoutent qu’en tout état de cause, lorsqu’un moteur de recherche donne accès dans le cadre de ses
résultats de recherche, à un site rédigé en français et mettant à disposition de son public des oeuvres en
français ou en langue originale sous-titrées en français, sur lesquels les droits sont détenus par des ayants droit
établis en France, il génère un dommage éprouvé par ceux-ci en France ; que sans rechercher une application
extraterritoriale du droit français, le périmètre d’application des mesures sollicitées doit être défini dans les
conditions garantissant l’efficacité de la mesure en France ;
Considérant ceci exposé, qu’il sera à nouveau rappelé que l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle
ne concerne pas une action en responsabilité civile et en réparation du dommage en résultant mais prévoit une
action spécifique en cessation d’atteintes au droit d’auteur et aux droits voisins occasionnées par le contenu
d’un service de communication au public en ligne ;
Qu’en tout état de cause si l’article 5, point 3, du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre
2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution de décisions en matière civile et
commerciale dispose qu’ “une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans
un autre État membre (...) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait
dommageable s’est produit ou risque de se produire”, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit
dans son arrêt Peter Pinckney du 03 octobre 2013 que :
“L’article 5, point 3, du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la
compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution de décisions en matière civile et commerciale, doit
être interprété en ce sens que, en cas d’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur garantis par l’État
membre de la juridiction saisie, celle-ci est compétente pour connaître d’une action en responsabilité introduite
par l’auteur d’une œuvre à l’encontre d’une société établie dans un autre État membre et ayant, dans celui-ci,
reproduit ladite œuvre sur un support matériel qui est ensuite vendu par des sociétés établies dans un troisième
État membre, par l’intermédiaire d’un site Internet accessible également dans le ressort de la juridiction saisie.
Cette juridiction n’est compétente que pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre
dont elle relève.”
Que cet arrêt précise à ses points 42 et 43 que cet article “n’exige notamment pas que l’activité en cause soit
« dirigée vers » l’État membre de la juridiction saisie” et qu’“il s’ensuit que, s’agissant de la violation alléguée
d’un droit patrimonial d’auteur, la compétence pour connaître d’une action en matière délictuelle ou quasi
délictuelle est déjà établie, au profit de la juridiction saisie, dès lors que l’État membre sur le territoire duquel
se trouve cette juridiction protège les droits patrimoniaux dont le demandeur se prévaut et que le dommage
allégué risque de se matérialiser dans le ressort de la juridiction saisie” ;
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RIPIA n° 265
Considérant qu’en ce qui concerne les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings il ressort des pièces
versées aux débats que les résultats de recherches effectuées à partir du site yahoo.com (et non pas yahoo.fr)
sont en français et que plus généralement l’ensemble des extensions géographiques de ce site (accessibles depuis
le territoire français) affichent en réponse à des requêtes d’internautes français des résultats pointant vers les
sites contrefaisants en cause, lesquels par leurs atteintes au droit d’auteur et aux droits voisins, provoquent un
dommage se matérialisant sur le territoire français, peu important, au terme de la jurisprudence Peter Pinckney,
que ces sites ne dirigent pas vers la France ;
Considérant qu’en ce qui concerne la société Microsoft Corporation il ressort du procès- verbal de constat
d’huissier établi le 24 janvier 2013 (pièce 136 des syndicats professionnels) et du procès-verbal de constat
ALPA du 19 mai 2014 (pièce 176) qu’un internaute français qui souhaite effectuer une recherche sur le
moteur de recherche Bing en se connectant au site www.bing.fr, est redirigé vers l’adresse URL http://www.
bing.com/?cc= fr dont le contenu est en français de telle sorte que le nom de domaine par lequel ce moteur
de recherche est accessible est bien bing.com, chaque internaute français pouvant ainsi accéder librement à
chacune des versions de ce moteur de recherche ;
Qu’il a également été constaté qu’en se connectant directement au site www.bing.com l’internaute français est
automatiquement dirigé vers une page en langue française (procès- verbal de constat d’huissier du 08 décembre
2015, pièce 255.1 des syndicats professionnels) ;
Considérant par ailleurs que les mesures de déréférencement sollicitées peuvent parfaitement être circonscrites
aux internautes se connectant depuis la France ; qu’il ressort en effet de la déclaration de confidentialité de
la société Microsoft Corporation mise à jour en octobre 2015 (pièce 255.3) que : “Lorsque vous effectuez
une recherche, ou utilisez une fonctionnalité d’une expérience animée par Bing qui suppose d’effectuer une
recherche ou d’entrer une commande pour votre compte, Microsoft recueillera les termes de recherche ou de
commande que vous fournissez, ainsi que votre adresse IP, votre localisation” (souligné par la cour) ;
Qu’ainsi chaque internaute est précisément identifié et localisé par la société Microsoft Corporation (dont il
sera rappelé que le moteur de recherche est également utilisé par Yahoo !) grâce à son adresse IP, de telle sorte
que ces moteurs de recherche sont à même de limiter le déréférencement d’un site déterminé à l’internaute
effectuant une requête à partir du territoire français ou de ses territoires d’outre-mer ;
Qu’il sera enfin rappelé que l’injonction sollicitée, telle qu’ordonnée par le jugement entrepris ne concerne
expressément que “toute requête émanant d’internautes, dans les départements français et collectivités uniques
ainsi que, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques
françaises” ;
Qu’en conséquence ces mesures ne violent pas le principe de territorialité des juridictions françaises ;
Que dès lors le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu’il a ordonné aux sociétés Microsoft
Inc., Microsoft France, Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings de prendre ou de faire prendre toute
mesure utile en vue d’empêcher sur leurs services l’apparition de toute réponse et tout résultat renvoyant vers
l’une des pages des sites “fifostream” et “dpstream”, et en tant que de besoin vers l’une des pages des sites
“allostreaming”, “alloshowtv”, “alloshare” et “allomovies” en réponse à toute requête émanant d’internautes,
dans les départements français et collectivités uniques ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle
Calédonie et dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises, sans délai et au plus tard dans les quinze jours
à compter de la signification de sa décision et pendant une durée de douze mois à compter de la mise en place
des mesures, dit que les fournisseurs de moteurs de recherche Internet devront informer les demandeurs de la
réalisation de ces mesures en leur précisant éventuellement les difficultés qu’ils rencontreraient et dit que, sous
réserve d’un meilleur accord entre les parties, en cas d’une évolution du litige notamment par la suppression des
contenus contrefaisants constatés ou la disparition des sites visés, ou par la modification des noms de domaines
ou chemins d’accès, les demandeurs pourront en référer au tribunal, en mettant en cause par voie d’assignation
les parties présentes à cette instance ou certaines d’entre elles, en la forme des référés, aux fins d’actualisation
des mesures susvisées ;
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RIPIA n° 265
VI - SUR LES MESURES DE BLOCAGE DES SITES LITIGIEUX À L’ÉGARD DES
FOURNISSEURS D’ACCÈS À L’INTERNET
Considérant que les sociétés Bouygues Télécom, Darty Télécom, SFR, Free, NC Numéricable et Orange
concluent toutes à la confirmation du jugement entrepris, l’appel des syndicats professionnels ne portant que
sur la charge du coût des mesures ordonnées par le dit jugement ;
Qu’en conséquence le jugement entrepris sera confirmé par adoption de ses motifs pertinents et exacts, tant en
fait qu’en droit, en ce qu’il a ordonné aux sociétés Orange, Bouygues Télécom, NC Numéricable, Free, SFR
et Darty Télécom de mettre en oeuvre et/ou faire mettre en oeuvre, toutes mesures propres à empêcher l’accès,
à partir du territoire français, y compris dans les départements ou régions d’outre-mer et collectivités uniques
ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle Calédonie et dans les Terres Australes et Antarctiques
Françaises, et/ou par leurs abonnés à raison d’un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen efficace et
notamment par le blocage des noms de domaines, aux sites ci-après visés : dpstream.tv, fifostream.tv et en
tant que de besoin : allostreaming.com, alloshowtv.com, allomovies.com, alloshare.com, allomegavideo.com,
allseven.com, allourls.com, fifstream.com, fifostream.net, fifostream.org, fifostreaming.com, fifostreaming.org
et fifostreaming.tv, sans délai et au plus tard dans les quinze jours à compter de la signification de sa décision
et pendant une durée de douze mois à compter de la mise en place des mesures, qu’il a dit que ces FAI devront
informer les demandeurs de la réalisation de ces mesures en leur précisant éventuellement les difficultés qu’ils
rencontreraient et qu’il a dit, sous réserve d’un meilleur accord entre les parties, qu’en cas d’une évolution
du litige notamment par la suppression des contenus contrefaisants constatés ou la disparition des sites visés,
ou par la modification des noms de domaines ou chemins d’accès, les demandeurs pourront en référer au
tribunal, en mettant en cause par voie d’assignation les parties présentes à cette instance ou certaines d’entre
elles, en la forme des référés, afin que l’actualisation des mesures soit ordonnée, au vu notamment des constats
réalisés à leur demande et éventuellement des résultats préalablement communiqués résultant de l’application
permettant le suivi des sites en cause ;
VII - SUR LA PRISE EN CHARGE DU COÛT DES MESURES ORDONNÉES
Considérant que sur leur appel limité, les syndicats professionnels demandent l’infirmation du jugement
entrepris en ce qu’il a laissé à leur charge le coût des mesures ordonnées en faisant d’abord valoir que la mise à
la charge des intermédiaires techniques de l’Internet de ce coût repose sur l’obligation de ne pas causer à autrui
un dommage ;
Qu’ils soutiennent que la présente procédure a été initiée en raison d’actes de contrefaçon par communication
non autorisée au public commis de façon massive par les sites de streaming du réseau Allostreaming après qu’ils
ont constaté l’impossibilité pour eux de conduire de façon efficace une procédure directement à l’encontre de
ces sites ;
Que l’exécution des mesures de blocage et de déréférencement ordonnées trouve sa cause dans l’obligation pour
les intermédiaires techniques de cesser d’apporter leur concours à ces atteintes aux droits d’auteur et aux droits
voisins et d’en prévenir la réalisation et que le fait pour ceux-ci de ne pas mettre en oeuvre ces mesures revient
pour ceux-ci à fournir en connaissance de cause des moyens sans lesquels les actes de contrefaçon ne pourraient
être identiquement perpétués et qu’il s’agit d’un fait fautif ;
Que le lien entre la faute et le dommage est ainsi établi dès lors que l’exécution par les intermédiaires techniques
conduit à la cessation du dommage ;
Qu’ils ajoutent que la mise à la charge des intermédiaires techniques de l’Internet de ce coût est consubstantielle
à l’obligation de ne pas permettre l’accès aux contenus illicites qui sont extraits, du fait de cette injonction, du
champ d’application du principe de neutralité ;
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RIPIA n° 265
Qu’ils soulignent que le principe de neutralité des intermédiaires techniques de l’Internet consiste dans
l’absence de connaissance et de contrôle des informations transmises ou stockées qui constitue le fondement de
leur irresponsabilité et qu’en l’espèce ces intermédiaires ont au contraire connaissance au terme d’une procédure
contradictoire, du caractère illicite des informations ou des activités qu’ils contribuent à transmettre ou stocker,
qu’ils sont destinataires d’une injonction leur ordonnant de procéder à une discrimination des contenus
précités et qu’ils disposent effectivement des moyens de se conformer à une telle injonction ;
Qu’ils ajoutent encore que la mise à leur charge du coût des mesures ordonnées n’est pas conforme à la finalité
de la directive 2001/29 et constitue un obstacle à l’accès au juge, également garanti par l’article 6, §1, de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Que cet objectif n’est pas atteint si les mesures ordonnées impliquent leur financement par les syndicats
professionnels dans des conditions de nature à les dissuader de faire cesser et de prévenir le dommage illicite
auquel la continuation des activités litigieuses les expose, cet effet dissuasif étant dû à l’imprévisibilité de
ces coûts, de leur caractère incontrôlable et de leur importance potentielle due notamment au nombre
d’intermédiaires concernés ;
Qu’ils font ainsi valoir qu’aucun des intermédiaires techniques n’a communiqué de documentation pertinente
de nature à permettre un début de discussion contradictoire sur le coût précis de ces mesures, notamment pour
déterminer le nombre de salariés déployés pour mettre en oeuvre les mesures ordonnées ;
Qu’ils soutiennent que les coût supportés par les intermédiaires techniques dans le cadre de l’exécution des
mesures ordonnées par les premiers juges sont très éloignés des chiffrages auxquels ils se réfèrent et que la
volonté d’instaurer un mécanisme de rémunération des intermédiaires techniques au titre des frais engendrés
par de telles mesures dans certains domaines dans le respect du principe de l’égalité devant les charges publiques
(contenu pédopornographique, jeux et paris illicites, etc) est indifférente à la solution à retenir pour la mise en
oeuvre de l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle ;
Qu’à titre subsidiaire ils demandent de limiter les remboursements à la somme de 60 € par nom de domaine
et par intermédiaire technique de l’Internet, cette demande est recevable comme ayant été discutée devant
les premiers juges, leur appel limité s’étendant aux chefs du jugement dépendant implicitement de ceux
expressément critiqués ;
Qu’ils soutiennent à cet effet que le coût humain des interventions ne saurait excéder une somme de 58,50 €
par nom de domaine ;
Considérant que la SAS Free réplique ne pas avoir à supporter le coût de mesures relatives à l’exécution d’une
décision judiciaire relative à des faits dont elle n’est en aucun cas responsable et qu’il appartient aux syndicats
professionnels de se retourner vers les responsables ;
Qu’elle conclut à la confirmation du jugement entrepris et à l’irrecevabilité de la demande subsidiaire des
syndicats professionnels comme n’étant pas comprise dans le périmètre de leur appel limité ;
Considérant que la SAS NC Numéricable conclut également à la confirmation du jugement entrepris et à
l’irrecevabilité de la demande subsidiaire des syndicats professionnels comme étant extérieure au périmètre de
leur appel et nouvelle en appel ;
Qu’elle fait valoir n’être en rien responsable des contenus contrefaisants litigieux, le respect du principe de
proportionnalité commandant que les coûts des mesures de blocage soient mis à la charge des demandeurs, afin
d’éviter de porter atteinte à la liberté d’entreprendre des FAI ;
Qu’elle ajoute que l’article L 332-6 du code de la propriété intellectuelle laisse au juge la possibilité de prévoir
que les FAI devront être remboursés des coûts exposés par eux pour mettre en oeuvre les mesures de blocage
ordonnées judiciairement ;
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RIPIA n° 265
Qu’elle fait valoir qu’au nom du principe d’égalité devant les charges publiques, le Conseil constitutionnel a
jugé inconstitutionnel le fait de mettre à la charge des opérateurs techniques les dépenses engagées dans le cadre
de mises en place de dispositifs d’interception de communications ;
Qu’elle ajoute encore que la prise en charge des coûts par les syndicats professionnels ne constitue pas un
obstacle à l’accès au juge et qu’au regard du principe de proportionnalité il est cohérent de faire supporter
ponctuellement ces coûts aux nombreux demandeurs des mesures de blocage, que d’en concentrer la totalité
sur les FAI ;
Qu’elle précise que la demande subsidiaire visant à forfaitiser ces coûts à un montant de 60 € par nom de
domaine est irrecevable et mal fondée en l’absence de texte législatif ou réglementaire précisant les critères de
calculs devant être respectés par les FAI et les syndicats professionnels pouvant toujours contester, le cas échéant
devant les tribunaux, les coûts qui leur seront ainsi facturés ;
Considérant que la SA Orange et le GIE Orange Portails relèvent la contradiction entre le caractère modeste
de ces coûts, selon les syndicats professionnels, et l’obstacle à l’accès au juge et l’atteinte au droit à un procès
équitable s’ils étaient mis à leur charge ;
Qu’ils relèvent également la contradiction entre la défense des droits de propriété intellectuelle des adhérents
qui justifierait l’intérêt des syndicats professionnels à agir mais ne justifierait pas la prise en charge des coûts
découlant naturellement de cette défense, telles que les mesures de blocage ;
Qu’ils font valoir que les mesures ordonnées impliquent des modalités de mise en oeuvre compliquées dont
le coût est augmenté du fait de sa qualité d’opérateur d’infrastructure vitale ; que ces coûts sont multipliés par
l’augmentation des mesures de blocage dans des domaines différents pour les intermédiaires alors qu’à l’inverse
ils peuvent être mutualisés entre les adhérents des syndicats professionnels ;
Qu’ils soutiennent qu’il n’existe aucune obligation légale de prise en charge de ces coûts à leur encontre, l’article
L 336-2 étant muet sur ce point, ce silence devant s’interpréter comme faisant supporter ces coûts par ceux qui
demandent ces injonctions ;
Qu’il n’existe également aucune obligation contractuelle, délictuelle ou naturelle de prise en charge de ces coûts
à leur encontre, la présente procédure n’étant pas une action en contrefaçon visant à engager la responsabilité
civile des défendeurs dont la responsabilité ne pourrait pas être recherchée sur le fondement d’une inexécution
de la décision de première instance puisque les mesures de blocage ont bel et bien été effectuées ;
Qu’il n’existe enfin aucune obligation jurisprudentielle et qu’au contraire plusieurs décisions, en droit d’auteur,
se sont prononcées dans le sens de la prise en charge de ces coûts par les demandeurs à l’injonction ;
Qu’ils soulèvent par ailleurs l’irrecevabilité de la demande subsidiaire de prise en charge des coûts à hauteur
de 60 € par nom de domaine et par FAI en raison du caractère limité de l’appel des syndicats professionnels,
cette demande violant au demeurant la liberté d’entreprendre ;
Considérant que la SA SFR conclut également à la confirmation du jugement entrepris sur la question de la
charge des coûts des mesures ordonnées en faisant valoir qu’un FAI ne joue aucun rôle dans le cadre de la
création, de la diffusion et de l’exploitation commerciale d’un contenu donné sur Internet et que la réserve
posée par le Conseil constitutionnel a une incidence déterminante sur la question de la détermination du
débiteur des coûts des mesures de blocage pouvant être ordonnées en application de l’article L 336-2 du code
de la propriété intellectuelle ;
Qu’elle affirme que les FAI pourront toujours demander la condamnation des responsables de la diffusion
illicite des contenus en cause à leur rembourser les coûts qu’elles ont exposés pour protéger leurs membres du
dommage qui leur est causé par leur faute, ce que ne pourront pas faire les FAI ;
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Qu’elle ajoute que condamner les FAI à assumer la charge de ces coûts n’est pas une mesure strictement
nécessaire à la préservation des droits en cause et que le droit de l’Union laisse aux États membres le soin de
déterminer les conditions et modalités des mesures de blocage ordonnées en application de l’article 8 de la
directive 2001/29 ;
Qu’elle soutient enfin que la demande subsidiaire des syndicats professionnels est irrecevable en raison de leur
appel limité à la seule question de la charge des coûts de mise en oeuvre des mesures ordonnées ;
Considérant que les sociétés Bouygues Télécom et Darty Télécom concluent également sur ce point à la
confirmation du jugement entrepris en faisant valoir que la question de la charge du coût de ces mesures de
blocage relève du droit de chacun des États membres de l’Union européenne et qu’en droit français, le Conseil
constitutionnel a reconnu que dès lors que les FAI étaient sollicités afin de réaliser une prestation dans l’intérêt
général, les coûts résultant de la mise en oeuvre de ces prestations ne saurait rester à leur charge ;
Considérant que les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings concluent sur ce point à la confirmation
du jugement entrepris en ce qu’il a refusé de mettre à la charge des intermédiaires techniques le coûts des
mesures de blocage et de déréférencement ;
Qu’ils font d’abord valoir que le jugement entrepris est, sur ce point, conforme au droit français tel que
résultant de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la jurisprudence judiciaire concernant le blocage
de sites Internet illicites ;
Qu’ils ajoutent que le droit de l’Union européenne n’établit pas davantage un principe de prise en charge par
les intermédiaires des coûts des mesures ordonnées à leur égard, les syndicats professionnels n’ayant eu aucune
difficulté à saisir le tribunal de grande instance de Paris, à soulever des incidents de procédure, à recourir à des
experts privés et à interjeter appel devant la cour et qu’il est contradictoire de prétendre de ces coûts “modérés”
puissent les dissuader d’agir en justice ; ce point du jugement entrepris en faisant valoir que le moteur de recherche
Bing est un tiers intermédiaire totalement étranger aux actes de contrefaçon allégués et qu’il n’y a donc pas lieu de
rechercher sa responsabilité pour prétendre fonder la prise en charge des coûts des mesures ordonnées ;
Qu’elle ajoute que l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle ne prévoit pas que le coût des mesures
soit mis à la charge du tiers intermédiaire à l’encontre duquel l’injonction est ordonnée et que depuis la décision
du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2000, il est constant que tout tiers intermédiaire doit être remboursé
des coûts résultant de la mise en oeuvre de mesures étrangères à son activité commerciale, de nombreux textes
prévoyant d’ailleurs le principe de l’indemnisation des coûts engagés par les tiers intermédiaires ;
Considérant ceci exposé, qu’il sera une fois de plus rappelé que l’article L 336-2 du code de la propriété
intellectuelle ne concerne pas une action en responsabilité civile et en réparation du dommage en résultant mais
prévoit une action spécifique en cessation d’atteintes au droit d’auteur et aux droits voisins occasionnées par le
contenu d’un service de communication au public en ligne ;
Qu’en conséquence la charge du coût des mesures ordonnées en vertu de cet article ne saurait se justifier
juridiquement par l’application des articles 1382 et 1383 du code civil, la responsabilité civile des FAI et des
fournisseurs de moteurs de recherche n’étant pas recherchée ;
Considérant que la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt UPC Telekabel Wien GmbH précité
rappelle que lorsque plusieurs droits fondamentaux sont en conflit (comme en l’espèce le droit de la propriété
intellectuelle et le droit de la liberté d’entreprise), “il incombe aux États membres, lors de la transposition d’une
directive, de veiller à se fonder sur une interprétation de celle-ci qui permette d’assurer un juste équilibre entre
les droits fondamentaux applicables” (point 46 de l’arrêt) ;
Qu’elle relève au point 50 de son arrêt que l’injonction prévue par l’article 8, §3, de la directive 2001/29 “fait
peser sur son destinataire une contrainte qui restreint la libre utilisation des ressources à sa disposition, puisqu’elle
l’oblige à prendre des mesures qui sont susceptibles de représenter pour celui-ci un coût important, d’avoir un
impact considérable sur l’organisation de ses activités ou de requérir des solutions techniques et complexes” ;
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RIPIA n° 265
Qu’elle souligne toutefois aux points 51 et 52 qu’une telle injonction ne porte pas atteinte à la substance
même du droit à la liberté d’entreprise dans la mesure où elle “laisse à son destinataire le soin de déterminer
les mesures concrètes à prendre pour atteindre le résultat visé de sorte que celui-ci peut choisir de mettre en
place des mesures qui soient le mieux adaptées aux ressources et aux capacités dont il dispose et qui soient
compatibles avec les autres obligations et défis auxquels il doit faire face dans l’exercice de son activité” ;
Considérant qu’il ressort des principes généraux du droit français qu’une partie qui doit faire valoir ses droits
en justice n’a pas à supporter les frais liés à son rétablissement dans ses droits ;
Qu’en l’espèce les syndicats professionnels, confrontés à une atteinte massive aux droits de leurs membres du
fait de la mise à la disposition sur Internet, sans l’autorisation des titulaires des droits d’auteur ou des droits
voisins ou de leurs ayants droit, d’oeuvres audiovisuelles, se sont vus dans la nécessité d’exercer les droits de
leurs membres auprès d’un juge dans le but de sauver leur activité, fortement menacée par ce piratage massif
de leurs oeuvres ;
Que l’équilibre économique des syndicats professionnels, déjà menacé par ces atteintes, ne peut qu’être
aggravé par l’engagement de dépenses supplémentaires, qu’ils ne peuvent maîtriser, dans le blocage des sites
contrefaisants et dans leur déréférencement des moteurs de recherche, tandis que les FAI et les fournisseurs de
moteurs de recherche sont bien à l’origine de l’activité de mise à disposition de l’accès à ces sites ; qu’ils tirent
économiquement profit de cet accès (notamment par la publicité s’affichant sur leurs pages) et qu’il est dès lors
légitime et conforme au principe de proportionnalité qu’ils contribuent financièrement aux mesures de blocage
ou de déréférencement en choisissant de mettre en place les mesures les plus appropriées comme l’indique le
point 52 de l’arrêt UPC Telekabel Wien GmbH ;
Que ce n’est que dans l’hypothèse où une mesure particulière devait s’avérer disproportionnée eu égard à sa
complexité, à son coût et à sa durée, au point de compromettre, à terme, la viabilité du modèle économique du
FAI ou du fournisseur de moteur de recherche, qu’il conviendrait d’apprécier la nécessité d’en mettre le coût,
en tout ou en partie, à la charge du titulaire des droits comme le suggère l’avocat général dans ledit arrêt UPC
Telekabel Wien GmbH, au point 106 de ses conclusions en se référant à la jurisprudence de la Cour de justice
de l’Union européenne selon laquelle “les mesures pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle
ne[doivent pas être ] inutilement complexes ou coûteuses” (arrêts Scarlet Extendet SA du 24 novembre 2011,
point 48 et SABAM du 16 février 2012, point 46) ;
Qu’en l’espèce aucun des FAI ou des fournisseurs de moteurs de recherche ne démontre autrement que par
des pétitions de principe que l’exécution des mesures ordonnées par le jugement entrepris leur imposerait “des
sacrifices insupportables” au sens du point 53 de l’arrêt UPC Telekabel Wien GmbH, ni que leur coût mettrait
en péril leur viabilité économique ;
Considérant que si certaines dispositions législatives prévoient expressément l’indemnisation du coût des
mesures de blocage imposées aux FAI, elles ne s’appliquent que dans des cas précis où ces mesures sont
demandées au juge par la puissance publique dans un but d’intérêt général (loi du 12 mai 2010 en matière de
jeux d’argent et de hasard en ligne) ou de sauvegarde de l’ordre public (articles L 35-6 et D 88-7 du code des
postes et des communications électroniques en matière de défense nationale et de sécurité publique, lois des 14
mars 2011 et 13 novembre 2014 en matière de pédopornographie) ;
Considérant de même que la décision 2000-441 DC du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2000 selon
laquelle “s’il est loisible au législateur, dans le respect des libertés constitutionnellement garanties, d’imposer
aux opérateurs de réseaux de télécommunications de mettre en place et de faire fonctionner les dispositifs
techniques permettant les interceptions justifiées par les nécessités de la sécurité publique, le concours ainsi
apporté à la sauvegarde de l’ordre public, dans l’intérêt général de la population, est étranger à l’exploitation des
réseaux de télécommunications ; que les dépenses en résultant ne sauraient dès lors, en raison de leur nature,
incomber directement aux opérateurs”, ne s’applique que dans le cas où le concours de l’opérateur est apporté
“à la sauvegarde de l’ordre public, dans l’intérêt général de la population”, aux fins d’éviter une rupture d’égalité
devant les charges publiques, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;
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Qu’au demeurant cette décision ne saurait s’interpréter comme consacrant un principe général de juste
rémunération du concours pouvant être apporté par des intermédiaires techniques à toutes les injonctions
pouvant leur être adressées, quelles qu’elles soient, comme le rappelle le Conseil d’État dans son arrêt
n° 361118 du 25 novembre 2013 ;
Considérant qu’il apparaît donc qu’en mettant le coût des mesures de blocage et de déréférencement à la charge
des FAI et des moteurs de recherche, la cour, en l’absence de toute allégation ou justification de son caractère
disproportionné, prononce des “mesures strictement nécessaires à la préservation des droits en cause” au sens
de la décision précitée du Conseil constitutionnel du 10 juin 2009 ;
Que dès lors la demande subsidiaire des syndicats professionnels devient sans objet, de même que les moyens
tendant à son irrecevabilité ;
Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera partiellement infirmé en ce qu’il a débouté les
syndicats professionnels de leur demande de prise en charge des frais des mesures ordonnées par les FAI et les
fournisseurs de moteurs de recherche qui devront les mettre en oeuvre et que, statuant à nouveau de ce chef, il
sera jugé que le coût de ces mesures sera laissé à la charge des FAI et des fournisseurs de moteurs de recherche ;
VIII - SUR LES AUTRES DEMANDES
Considérant que les syndicats professionnels ne présentent devant la cour aucune demande en paiement sur le
fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que pour leur part, les sociétés Orange, Bouygues Télécom, NC Numéricable, SFR, Darty
Télécom, Microsoft Inc., Microsoft France, Yahoo ! Inc., Yahoo ! France Holdings et le GIE Orange Portails
seront déboutés de leurs demandes respectives en paiement sur le fondement des dispositions de l’article 700
du code de procédure civile, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu’il a statué sur les frais
irrépétibles de première instance ;
Considérant que les sociétés, Microsoft Inc., Microsoft France, Yahoo ! Inc., Yahoo ! France Holdings,
parties perdantes en leurs appels respectifs et les sociétés Orange, Bouygues Télécom, NC Numéricable, SFR,
Free, Darty Télécom et le GIE Orange Portails, parties intimées perdantes sur l’appel limité des syndicats
professionnels, seront condamnés in solidum au paiement des dépens d’appel, le jugement entrepris étant par
ailleurs confirmé en ce qu’il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement ;
Déboute la société Microsoft Corporation de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture ;
Déclare irrecevables les conclusions n° 4 signifiées par la société Microsoft Corporation le 12 janvier 2016,
postérieurement au prononcé de l’ordonnance de clôture ;
Déclare irrecevables les pièces n° 32 à 34 communiquées par la société Microsoft Corporation le 12 janvier
2016, postérieurement au prononcé de l’ordonnance de clôture ;
Dit que la cour statue à l’égard de la société Microsoft Corporation au vu de ses conclusions n° 3 signifiées le
22 septembre 2015 ;
Déboute les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings de leur demande principale en irrecevabilité de
l’action de l’APC, la FNDF, le SEVN, l’UPF et le SPI à leur encontre ;
Déboute les sociétés Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France Holdings de leur demande de saisine de la Cour de
justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle d’interprétation de l’article 8, §3, de la directive
n° 2001/29/CE du 22 mai 2001 du Parlement Européen et du Conseil sur l’harmonisation de certains aspects
du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information ;
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Déboute la SAS Microsoft France de sa demande de mise hors de cause ;
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté l’APC, la FNDF, le SEVN, l’UPF et le SPI de leur
demande de prise en charge des frais des mesures ordonnées par les FAI et les fournisseurs de moteurs de
recherche qui devront les mettre en oeuvre, infirmant et statuant à nouveau de ce chef :
Dit que les fournisseurs d’accès à Internet (sociétés Orange, Bouygues Télécom, NC Numéricable, Free, SFR
et Darty Télécom) et les fournisseurs de moteurs de recherches (sociétés Microsoft Inc., Microsoft France,
Yahoo ! Inc., Yahoo ! France Holdings et GIE Orange Portails) conserveront à leur charge le coût des frais des
mesures ordonnées par le jugement entrepris ;
Déboute les sociétés Orange, Bouygues Télécom, NC Numéricable, SFR, Darty Télécom, Microsoft Inc.,
Microsoft France, Yahoo ! Inc., Yahoo ! France Holdings et le GIE Orange Portails de leurs demandes
respectives en paiement sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum les sociétés, Microsoft Inc., Microsoft France, Yahoo ! Inc., Yahoo ! France Holdings,
Orange, Bouygues Télécom, NC Numéricable, SFR, Free, Darty Télécom et le GIE Orange Portails aux
dépens de la procédure d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du
code de procédure civile.
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COUR DE CASSATION
CHAMBRE CRIMINELLE
6 AVRIL 2016
Administration des douanes et droits indirects
Contre
Folies Douces
CO N T R EF AC O N – MARQ UE T R IDIMENSIONNELLE –
M A RQ U E F I GU RATI VE – DIFFER ENCE VISUELLE –
RI SQ U E D E CONFUSION
Synthèse
Dans cet arrêt du 6 avril 2016, la Cour de cassation a dû estimer l’importance de l’aspect distinctif entre deux
produits de différentes marques.
En l’espèce, l’administration des douanes et droits indirects assignent le 28 octobre 2014, la société Folies
Douces à laquelle, elle reproche la vente de produits contrefaisants de différentes marques : Bourjois, Smiley,
Playboy, et Burberry.
S’agissant de l’affaire concernant la marque Bourjois, il est reproché à la société Folies douces d’avoir vendu 40
126 ombres à paupières contrefaisant la marque Bourjois. La société a souligné pour sa défense que le flacon de
la société Bourjois est cintré à la taille attirant l’œil sur le pinceau central, tandis que le sien, « Poudre d’étoile »,
est droit et opaque. Le tribunal de première instance, ainsi que la cour d’appel de Bordeaux, ont rejeté la
demande en contrefaçon du service des douanes au motif qu’aucune confusion visuelle ne pouvait être établie
entre les deux produits. Considérant au contraire que les deux produits disposent d’une très forte similarité,
le service des douanes a formé un pourvoi en cassation. La Cour de cassation confirme la précédente décision
et relaxe la société Folies Douces estimant que les produits litigieux comportent un visuel très différent de
ceux de la marque Bourjois et précise que le risque de confusion doit s’apprécier au regard du consommateur
moyennement attentif, qui ne dispose pas des deux marques sous les yeux.
Dans l’affaire concernant la marque Smiley, les juges de première instance et d’appel ont également débouté
les douanes de leur demande. Le service des douanes considérait que la société Folies Douces avait produit des
boucles d’oreilles comportant un rond jaune semblant contrefaire le logo de la marque « Smiley ». Or, les juges
estimant que le motif sur les boucles d’oreilles, avec des yeux et un sourire, résulte d’un découpage et non d’une
ellipse pleine et d’un train plein, ont considéré qu’il n’y avait pas de possibilité de confusion entre les deux
produits. De plus, ils ont ajouté que le logo à tête ronde souriant est très faiblement distinctif.
En cassation, la Cour retenant que « la simplicité et la banalité du caractère distinctif ne résulte pas de
son originalité, mais de sa capacité à permettre l’individualisation des produits ou services visés dans
l’enregistrement », et estimant que le logo Smiley et le motif sur les boucles d’oreilles sont différents, confirme
la décision de la cour d’appel et rejette le pourvoi formé.
Dans la troisième affaire, le litige portait sur des échantillons qui semblaient contrefaire la marque Playboy.
Le tribunal, suivi de la cour d’appel, ont rejeté la demande du service des douanes en estimant, une nouvelle
fois, qu’aucune confusion n’était possible entre les produits. La Cour de cassation a également considéré qu’il
n’y avait aucun risque de confusion visuelle. Les juges ont également considéré que non seulement la société
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RIPIA n° 265
Playboy entreprises International INC n’avait pas précisé laquelle des trente-huit marques françaises Playboy
aurait été contrefaite, mais en plus que les échantillons qui ont été présentés par le service des douanes, n’étaient
pas conformes aux produits supposés avoir été contrefaits.
Dans la dernière affaire, il est reproché à la société Folies Douces d’avoir vendu 1224 serre-têtes de la marque
Burberry. Ici, la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel de Bordeaux qui, comme les
juges de première instance, n’avait pas retenu la contrefaçon, au motif qu’elle a méconnu l’article 509 du Code
de procédure pénale.
Arrêt
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L’administration des douanes et droits indirects, partie poursuivante,
contre l’arrêt de la cour d’appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 28 octobre 2014, qui
l’a déboutée de ses demandes après relaxe de la société Folies douces du chef d’importation en contrebande de
marchandises prohibées ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 17 février 2016 où étaient présents : M. Guérin,
président, Mme Chaubon, conseiller rapporteur, MM. Soulard, Steinmann, Germain, Sadot, Mmes Planchon,
Zerbib, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Gaillardot ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CHAUBON, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et
SALVE DE BRUNETON, de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocats en la Cour, et
les conclusions de M. l’avocat général GAILLARDOT ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des
droits de l’homme, des articles 38, 215, 215 bis, 215 ter, 392, 414, 419, 432 bis, 437 et 438 du code des
douanes, des articles L. 711-1, L. 711-2, L. 712-1, L. 713-1, L. 716-10, L. 716-11 et L. 716-13 du code de la
propriété intellectuelle et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que l’arrêt a confirmé le jugement ayant renvoyé la société Folies douces des fins de la poursuite et dit
n’y avoir lieu à confiscation de la marchandise objet des débats ;
« aux motifs propres que concernant les produits semblant contrefaire la marque Bourjois, c’est par de justes
motifs que la cour adopte que le tribunal a considéré qu’il n’y avait aucun risque de confusion visuelle entre la
boîte Folies douces et le flacon Bourjois ; qu’il sera seulement ajouté que la configuration tridimensionnelle à
savoir un flaconnet contenant de la poudre présente un caractère fonctionnel et non distinctif ;
« et aux motifs adoptés que concernent les contrefaçons invoquées de la marque Bourjois (40 126 ombres à
paupières) et leur importation en contrebande (poursuite des douanes seules), il s’agit d’apprécier une boîte
cylindrique, qui au vu des éléments du dossier est dépourvue de caractères distinctifs, aucun risque de confusion
visuelle ne pouvant être établi ; qu’effectivement le visuel est très différent, le flacon Bourjois cintré à la taille
attirant l’oeil sur un pinceau central, alors que le produit Poudre d’étoiles de Folies douces est totalement
droit, opaque et largement siglé, l’impression d’ensemble étant réellement autre ; qu’il ne peut donc y avoir
contrefaçon par imitation, et relaxe sera prononcée de ce chef, sans qu’il soit nécessaire de se pencher sur les
justificatifs d’origine ;
52
RIPIA n° 265
« 1°) alors que le risque de confusion doit s’apprécier au regard du consommateur moyennement attentif
n’ayant pas en même temps les deux marques en conflit sous les yeux ; qu’en se bornant à affirmer, par
motifs propres et adoptés, que le visuel est très différent, le flacon Bourjois cintré à la taille attirant l’oeil sur
un pinceau central, alors que le produit Poudre d’étoiles de Folies Douces est totalement droit, opaque et
largement siglé, l’impression d’ensemble étant réellement autre et qu’il n’y a aucun risque de confusion visuelle
entre le boîte Folies douces et le flacon Bourjois sans caractériser l’absence de risque de confusion au regard
du consommateur moyennement attentif n’ayant pas les deux marques sous les yeux, la cour d’appel a privé sa
décision de base légale au regard des textes susvisés ;
« 2°) alors que la notoriété de la marque est un facteur pertinent de l’appréciation du risque de confusion en
ce qu’elle confère à cette marque un caractère distinctif particulier et lui ouvre une protection plus étendue ;
qu’en affirmant, par motifs propres et adoptés, que le visuel est très différent, le flacon Bourjois cintré à la
taille attirant l’oeil sur un pinceau central, alors que le produit Poudre d’étoiles de Folies douces est totalement
droit, opaque et largement siglé, l’impression d’ensemble étant réellement autre et qu’il n’y a aucun risque de
confusion visuelle entre le flacon Folies douces et le flacon Bourjois sans prendre en considération la renommée
de la marque Bourjois pour apprécier le risque de confusion pour des produits identiques imitant la marque
protégée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
« 3°) alors que l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les
facteurs pris en compte et notamment la similitude des marques et celle des produits ou services couverts et
qu’ainsi un faible degré de similitude entre les marques peut être compensé par un degré élevé de similitude
entre les produits ou services couverts et inversement ; qu’en affirmant, par motifs propres et adoptés, que
le visuel est très différent, le flacon Bourjois cintré à la taille attirant l’oeil sur un pinceau central, alors que
le produit Poudre d’étoiles de Folies douces est totalement droit, opaque et largement siglé, l’impression
d’ensemble étant réellement autre et qu’il n’y a aucun risque de confusion visuelle entre la boîte Folies douces
et le flacon Bourjois sans rechercher si le faible degré de similitude des marques figuratives n’était pas compensé
par l’identité des produits en présence, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes
susvisés « ;
Attendu que, pour relaxer la société Folies douces du chef de contrefaçon de produits de la marque Bourjois,
l’arrêt attaqué retient que le visuel est très différent, le flacon Bourjois cintré à la taille attirant l’oeil sur un
pinceau central alors que le produit Poudre d’étoiles de Folies douces est totalement droit, opaque et largement
siglé, que la configuration tridimensionnelle, à savoir un flaconnet contenant de la poudre, présente un
caractère fonctionnel et non distinctif et que l’impression d’ensemble est différente ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine, la cour d’appel a
justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des
droits de l’homme, des articles 38, 215, 215 bis, 215 ter, 392, 414, 419, 432 bis, 437 et 438 du code des
douanes, des articles L. 711-1, L. 711-2, L. 712-1, L. 713-1, L. 716-10, L. 716-11 et L. 716-13 du code de la
propriété intellectuelle et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que l’arrêt a confirmé le jugement ayant renvoyé la société Folies douces des fins de la poursuite et dit
n’y avoir lieu à confiscation de la marchandise objet des débats ;
« aux motifs propres que concernant les produits semblant contrefaire la marque Smiley c’est par de justes
motifs que la cour adopte que le tribunal a considéré qu’il y avait absence d’identification de la marque et une
impossibilité totale de confusion ; qu’il sera seulement ajouté que le logo Smiley figurant une tête ronde de
bonhomme souriant est très faiblement distinctif et que, pour les barrettes à cheveux, le contour est en étoile
de mer et le sourire sans fossette ; que, sur les boucles d’oreilles les yeux et le sourire du bonhomme résultent
d’un découpage et non d’une ellipse pleine et un trait plein ; que l’impression d’ensemble est différente ;
53
RIPIA n° 265
« et aux motifs adoptés que concernant les contrefaçons invoquées de la marque Smiley (12 134 paires de
boucles d’oreilles, et 9 432 pinces à cheveux), et leur importation en contrebande (poursuite des douanes
seules), il n’est même pas question ici de représentations stylisées de visages, dont on peut déjà souligner la
grande simplicité et le caractère banal, mais de représentations très floues à tendance psychédéliques, pour
lesquelles aucun risque de confusion n’est permis ; que relaxe sera prononcée de ce chef ;
« 1°) alors que le caractère distinctif d’une marque doit s’apprécier au regard de chacun des produits et services
visés au dépôt ; qu’en affirmant, pour écarter la contrefaçon alléguée, que le logo Smiley figurant une tête ronde
de bonhomme souriant est très faiblement distinctif sans justifier en quoi la marque figurative Smiley serait très
faiblement distinctive pour désigner chacun des produits et services visés à l’enregistrement, la cour d’appel a
privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
« 2°) alors que le défaut de caractère distinctif d’une marque ne saurait résulter de son absence d’originalité ;
qu’en affirmant, par motifs adoptés, pour écarter la contrefaçon alléguée, qu’il n’est même pas question ici
de représentations stylisées de visages, dont on peut déjà souligner la grande simplicité et le caractère banal
alors que le caractère distinctif d’une marque ne résulte pas de son originalité mais de sa capacité à permettre
l’individualisation des produits ou services visés dans l’enregistrement, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
« 3°) alors que le risque de confusion doit être déterminé selon une appréciation globale fondée sur l’impression
d’ensemble produite par les marques sur le consommateur d’attention moyenne qui ne dispose pas en même
temps des deux signes sous les yeux ; qu’en se bornant à relever que le logo Smiley figurant une tête ronde de
bonhomme souriant est très faiblement distinctif et que « pour les barrettes à cheveux le contour est en étoile de
mer et le sourire sans fossette » et que « sur les boucles d’oreilles les yeux et le sourire du bonhomme résultent
d’un découpage et non d’une ellipse pleine et un trait plein » pour affirmer que « l’impression d’ensemble est
différente » sans caractériser le risque de confusion au regard du consommateur moyennement attentif, la cour
d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
« 4°) alors que l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre
les facteurs pris en compte et notamment la similitude des produits couverts et qu’ainsi un faible degré de
similitude entre les marques peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les produits ou services
couverts et inversement ; qu’en affirmant que le logo Smiley figurant une tête ronde de bonhomme souriant
est très faiblement distinctif et que « pour les barrettes à cheveux le contour est en étoile de mer et le sourire
sans fossette » et que « sur les boucles d’oreilles les yeux et le sourire du bonhomme résultent d’un découpage
et non d’une ellipse pleine et un trait plein » pour conclure que « l’impression d’ensemble est différente » sans
rechercher si le faible degré de similitude entre les marques n’était pas compensé par l’identité entre les produits
contrefaisants et ceux couverts par l’enregistrement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard
des textes susvisés » ;
Attendu que, pour relaxer la société Folies douces du chef de contrefaçon de produits de la marque Smiley,
l’arrêt retient que les représentations des visages sont floues et à tendance psychédélique, que le logo Smiley
figurant une tête ronde de bonhomme souriant est très faiblement distinctif, que pour les barrettes à cheveux
le contour est en étoile de mer et le sourire sans fossette, que sur les boucles d’oreilles les yeux et le sourire
du bonhomme résultent d’un découpage et non d’une ellipse pleine et un trait plein et que l’impression
d’ensemble est différente ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine, la cour d’appel a
justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des
droits de l’homme, des articles 38, 215, 215 bis, 215 ter, 392, 414, 419, 432 bis, 437 et 438 du code des
douanes, des articles L. 711-1, L. 712-1, L. 713-1, L. 716-10, L. 716-11 et L. 716-13 du code de la propriété
intellectuelle et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
54
RIPIA n° 265
« en ce que l’arrêt a confirmé le jugement ayant renvoyé la société Folies douces des fins de la poursuite et dit
n’y avoir lieu à confiscation de la marchandise objet des débats ;
« aux motifs propres que concernant les produits semblant contrefaire la marque Playboy c’est par de justes
motifs que la cour adopte que le tribunal a considéré qu’il n’y avait aucun risque de confusion visuelle ; qu’il
sera seulement ajouté qu’ainsi qu’en justifie la société Folies douces, la société Playboy enterprises International
INC n’a pas précisé laquelle des trente-huit marques françaises Playboy serait contrefaite ; qu’au surplus il
ressort à suffisance des déclarations du responsable de la société Playboy enterprises international INC que pour
les échantillons que les douanes lui ont présenté le design et le logo ne sont pas conformes, l’hologramme et le
packaging ne sont pas conformes de sorte que cette société ne parvient pas elle-même à préciser la contrefaçon
alléguée ; qu’en outre, les objets saisis sont en trois dimensions et ont des coloris qui ne reprennent pas ceux
de la marque Playboy ;
« et aux motifs adoptés que concernant les contrefaçons invoquées de la marque Playboy (2 256 paires de boucles
d’oreilles, 2 473 piercing de nez, 624 piercing de nombril) et leur importation en contrebande (poursuite des
douanes seules), il est liminairement établi que ces articles n’ont pas été importés ; qu’il sera superfétatoirement
relevé l’absence d’identification de la marque indiquée contrefaite, et surtout une impossibilité totale de
confusion au vu des photographies produites et du comparatif visuel ; que la relaxe sera prononcée de ce chef ;
« 1°) alors que la contradiction de motifs équivaut à son absence ; qu’en affirmant, par motifs adoptés, qu’il
existait une absence d’identification de la marque indiquée contrefaite et, par motifs propres, que la société
Playboy enterprise international INC n’a pas précisé laquelle des trente-huit marques françaises Playboy
serait contrefaite alors qu’il résulte du procès-verbal de constat du 19 mars 2010 soumettant la marchandise
contrefaisante au représentant de la marque Playboy enterprises international que les articles en cause étaient
susceptibles de contrefaire « la marque figurative enregistrée au niveau communautaire sous le numéro
0005289475 » en sorte que le représentant s’est prononcé au regard de cette marque communautaire qui est
celle visée à la prévention, la cour d’appel a privé sa décision de motifs en violation des textes susvisés ;
« 2°) alors que la production, par le détenteur de marchandises de contrefaçon, de factures attestant que ces
marchandises ont été achetées dans un Etat membre de l’Union européenne, ne suffit pas à établir qu’elles ont
été introduites sur le territoire douanier en conformité avec les dispositions portant prohibition d’importation,
au sens de l’article 215 bis du code des douanes ; qu’en confirmant la relaxe de la société Folies douces aux
motifs adoptés qu’il n’était pas établi que les articles argués de contrefaçon aient été importés alors que la
production de factures établissant que ces articles ont été acquis en France par la société Folies douces ne
suffisait pas à établir qu’ils avaient été introduits sur le territoire douanier en conformité avec les dispositions
portant prohibition d’importation, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
« 3°) alors que le risque de confusion doit être déterminé selon une appréciation globale fondée sur l’impression
d’ensemble produite par les marques sur le consommateur d’attention moyenne ; que pour exclure la
contrefaçon, la cour d’appel a affirmé, par motifs propres et adoptés, qu’il n’y a aucun risque de confusion
visuel, qu’il ressort à suffisance des déclarations du responsable de la société Playboy enterprises international
INC que, pour les échantillons que les douanes lui ont présenté, le design et le logo ne sont pas conformes,
l’hologramme et le packaging ne sont pas conformes et que les objets saisis sont en trois dimensions et ont
des coloris qui ne reprennent pas ceux de la marque Playboy ; qu’en se fondant ainsi sur les seules différences
existant entre les marques sans rechercher si l’impression d’ensemble résultant de l’imitation imparfaite de la
marque pour un produit identique à ceux visés à l’enregistrement n’était pas de nature à créer un risque de
confusion dans l’esprit du consommateur moyennement attentif, la cour d’appel a privé sa décision de base
légale au regard des textes susvisés ;
« 4°) alors que le risque de confusion doit être déterminé selon une appréciation globale fondée sur l’impression
d’ensemble produite par les marques sur le consommateur d’attention moyenne qui ne dispose pas en même
temps des deux signes sous les yeux ; qu’en s’abstenant de caractériser le risque de confusion au regard du
consommateur moyennement attentif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes
susvisés « ;
55
RIPIA n° 265
Attendu que, pour relaxer la société Folies douces du chef de contrefaçon de produits de la marque Playboy,
l’arrêt retient que le design, le logo, l’hologramme et le packaging ne sont pas conformes, que les objets saisis
sont en trois dimensions et ont des coloris qui ne reprennent pas ceux de la marque Playbloy et qu’aucun risque
de confusion visuelle n’est possible ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine, la cour d’appel a
justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des
droits de l’homme, des articles 38, 215, 215 bis, 215 ter, 392, 414, 419, 432 bis, 437 et 438 du code des
douanes, des articles L. 711-1, L. 712-1, L. 713-1, L. 716-10, L. 716-11 et L. 716-13 du code de la propriété
intellectuelle et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que l’arrêt a confirmé le jugement ayant renvoyé la société Folies douces des fins de la poursuite et dit
n’y avoir lieu à confiscation de la marchandise objet des débats ;
« aux motifs que la société Folies douces qui n’avait pas été en mesure de le faire lors de l’enquête, produit les
justificatifs d’origine des marchandises saisies et contrairement aux observations des douanes la cour trouve
dans l’ensemble des fiches produit et des factures la démonstration que cette société satisfait à l’obligation de
justifier de l’origine des produits ;
« alors que ceux qui détiennent ou transportent des marchandises de contrefaçon doivent, à la première
réquisition des agents des douanes, produire soit des documents attestant que ces marchandises ont été
introduites sur le territoire douanier en conformité avec les dispositions portant prohibition d’importation,
soit toute justification d’origine émanant de personnes ou de sociétés régulièrement établies à l’intérieur du
territoire douanier ; qu’en affirmant que « la cour trouve dans l’ensemble des fiches produit et des factures la
démonstration que cette société satisfait à l’obligation de justifier de l’origine des produits » alors que ni une
fiche produit ni une facture ne constitue un document portant dérogation à l’interdiction d’importation de
marchandises contrefaisantes instituée par l’article 38-4 du code des douanes, la cour d’appel a violé les textes
susvisés « ;
Attendu que le moyen est devenu inopérant en l’absence de contrefaçon ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne
des droits de l’homme, des articles 38, 215, 215 bis, 215 ter, 343, 392, 414, 419, 432 bis, 437 et 438 du
code des douanes, des articles L. 711-1, L. 712-1, L. 713-1, L. 716-10, L. 716-11 et L. 716-13 du code de la
propriété intellectuelle et des articles 509, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que l’arrêt a confirmé le jugement ayant renvoyé la société Folies douces des fins de la poursuite et dit
n’y avoir lieu à confiscation de la marchandise objet des débats ;
« aux motifs que, pour relaxer les prévenus le tribunal a considéré notamment que la contrefaçon n’était pas
caractérisée ; que les agents des douanes ont considéré que les colifichets saisis contrefaisaient des produits
de quatre marques à savoir la marque Burberry (1 224 serre-tête), la marque Smiley (8 568 paires de boucles
d’oreilles et 3 888 pinces à cheveux), la marque Bourjois (38 711 ombres à paupières) et la marque Playboy
(2 473 piercings de nez et 624 piercings de nombril) ; que, relativement aux colifichets qui auraient contrefait
la marque Burberry, il se déduit du jugement qui a relaxé tant M. X... que la société par action simplifiées
Folies douces et du cantonnement de l’appel à l’audience de la cour comme indiqué plus haut que la relaxe
intervenue sur poursuites de la société Burberry pour contrefaçon de marque relativement aux 1 224 serre-tête
est définitive ; que l’absence de contrefaçon de cette marque pour les produits visés à la prévention est par
suite acquise et le délit douanier énoncé à la prévention qui suppose, une fois produit les pièces justificatives
concernant les articles litigieux, la démonstration d’une contrefaçon de marque, n’est pas établi ;
56
RIPIA n° 265
« 1°) alors que l’affaire est dévolue à la cour d’appel dans la limite fixée par l’acte d’appel et par la qualité de
l’appelant ; que, sauf indications contraires expressément formulées dans la déclaration d’appel, le recours
principal ou incident du ministère public saisit la juridiction de l’intégralité de l’action publique ; que le seul
appel de l’administration des douanes contre une décision de relaxe pour infraction douanière remet en cause
devant la juridiction du second degré la culpabilité des prévenus pour l’application des sanctions fiscales ; qu’il
résulte des constatations de l’arrêt que les appels de la DNRED et du ministère public sont recevables pour
avoir été déclarés dans les formes et délais de la loi et que la DNRED et le ministère public ont cantonné leur
appel à la seule société Folies douces ; qu’en affirmant qu’il se déduit du jugement qui a relaxé tant M. X...
que la société Folies douces et du cantonnement de l’appel à l’audience de la cour, que la relaxe intervenue sur
poursuites de la société Burberry pour contrefaçon de marque relativement aux 1 224 serre-tête est définitive,
que l’absence de contrefaçon de cette marque pour les produits visés à la prévention est par suite acquise et
que le délit douanier énoncé à la prévention qui suppose, une fois produit les pièces justificatives concernant
les articles litigieux, la démonstration d’une contrefaçon de marque, n’est pas établi tout en relevant que tant
le ministère public que l’administration des douanes avaient relevé appel du jugement à l’encontre de la société
Folies douces remettant ainsi en cause, devant la juridiction d’appel, tant l’action publique que douanière à
l’encontre de cette société, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en
violation des textes susvisés ;
« 2°) alors qu’en tout état de cause, la relaxe prononcée du chef d’une infraction de droit commun n’emporte
pas relaxe par voie de conséquence sur l’action douanière autonome et spécifique du chef d’une infraction
douanière ; qu’en entrant en voie de relaxe du chef du délit douanier poursuivi motifs pris de la relaxe
prononcée par le premier juge pour le délit de droit commun de contrefaçon de marque, la cour d’appel a violé
les textes susvisés « ;
Vu l’article 509 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ce texte, l’affaire est dévolue à la cour d’appel dans la limite fixée par l’acte d’appel et la
qualité de l’appelant ;
Attendu que la société Folies douces a été citée devant le tribunal correctionnel par l’administration des douanes
du chef d’importation en contrebande de marchandises prohibées afférente à des colifichets qui auraient
contrefait la marque Burberry ; que cette dernière société a également cité la société Folies douces et M. X...,
en sa qualité de président, du chef de contrefaçon ; que la société Folies douces et M. X... ont été relaxés par
les premiers juges ; que l’administration des douanes et le ministère public ont relevé appel de la décision en
cantonnant leur appel à ladite société ;
Attendu que, pour confirmer la décision déférée, la cour d’appel retient qu’il se déduit du jugement de relaxe
et du cantonnement de l’appel que la relaxe intervenue sur les poursuites de la société Burberry est définitive
et que l’absence de contrefaçon est acquise et le délit douanier non établi ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que les appels de l’administration des douanes et du ministère public
à l’encontre de la société Folies douces ont eu pour effet de soumettre à la juridiction du second degré les
poursuites des chefs du délit de droit commun et du délit douanier, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Bordeaux, en date du 28 octobre 2014, en ses seules
dispositions relatives aux poursuites afférentes aux produits qui auraient contrefait la marque Burberry, toutes
autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Bordeaux autrement composée, à ce désignée par
délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
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RIPIA n° 265
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de
Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six avril deux
mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
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RIPIA n° 265
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTERRE
7 AVRIL 2016
Saint-Marceault
Contre
Boursault
AC T I O N E N C O NTREF AC O N – CONCUR R ENCE DELOYA LE –
P ARASI TI SM E – RI SQUE DE CONFUSION
Synthèse
Dans sa décision du 7 avril 2016, le tribunal de grande instance de Nanterre précise les conditions dans
lesquelles le parasitisme peut-être caractérisé.
En l’espèce, la société de fromage Saint-Marceault, accusée par la société Bongrain d’avoir repris sa marque
française semi figurative « BOURSAULT », ainsi que la forme, la texture et l’emballage de son fromage,
est poursuivie en contrefaçon, en concurrence déloyale et parasitaire devant le TGI de Nanterre. Bongrain
demande des mesures d’interdiction et de confiscation, le rappel des produits et la réparation de son préjudice
au titre de l’article 700 du code de procédure civil.
Un sondage de la société Opinion Way, fourni au débat par la demanderesse, portant sur plus de 3 000
individus âgés de 18 ans et plus, montre que 60 % d’entre eux estiment que les deux fabricants sont différents
lorsqu’ils ont les produits devant les yeux.
En conséquence, le TGI de Nanterre rejette l’hypothèse d’un risque de confusion pouvant naitre chez le
consommateur.
Pour autant, les juges se demandent si une société peut être condamnée pour parasitisme sans que le risque de
confusion ne soit caractérisé.
Le tribunal de Nanterre confirme ici une jurisprudence constante en répondant positivement. Les juges
rappellent également que le parasitisme est un comportement fautif « qui consiste à se placer dans le sillage d’un
agent économique pour récupérer à bon compte et sans son consentement les fruits des efforts que ce dernier a
pu déployer antérieurement ». Pour retenir le parasitisme, le tribunal a pris en considération les investissements
effectués par la société demanderesse, ainsi que des éléments tels que la qualité et l’ancienneté du produit en
question.
En définitive, si le tribunal rejette les demandes de la société Bongrain au titre de la contrefaçon de marque, ainsi
que celles pour concurrence déloyale, il condamne la société Saint-Marceault pour parasitisme, à l’interdiction
de fabriquer, commercialiser et distribuer ses produits dans la forme, l’emballage et la présentation incriminées.
Le tribunal condamne également Saint Marceault à payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice
commercial et industriel ainsi qu’en réparation du préjudice moral subi du fait des agissements parasitaires
commis.
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RIPIA n° 265
Jugement
La société Bongrain SA devenue Savencia SA est spécialisée dans la fabrication, la distribution et la
commercialisation de produits agro-alimentaires, notamment laitiers et fromagers.
Elle est titulaire de la marque française semi figurative BOURSAULT déposée en couleurs le 31 août 2006,
enregistrée sous le numéro 06 3 448 337 pour les produits suivants : “lait, fromages, produits laitiers” (classe
29).
La société Fromageries Perreault est spécialisée dans la fabrication de produits fromagers. Elle fabrique
notamment le fromage “Boursault”.
La société B.G., filiale de la société Bongrain SA devenue Savencia, est spécialisée tant dans la fabrication
et la commercialisation de ses produits laitiers et fromagers que de ceux d’autres filiales du groupe. Elle
commercialise le fromage Boursault.
Indiquant avoir constaté que la société Fromagerie Guilloteau fabriquait et commercialisait dans les magasins
à l’enseigne Leclerc depuis 2013 un fromage crémeux dénommé “Saint Marceault” dont elle estime que les
éléments caractéristiques sont directement empruntés à ceux du Boursault, la société B.G. a fait établir un
procès-verbal de constat d’achat par huissier de justice le 26 juillet 2013 dans un magasin Leclerc à Colombes.
C’est dans ces conditions que les sociétés Bongrain devenue Savencia, Fromageries Perreaultet B.G. ont,
selon acte en date du 11 juin 2014, fait assigner la société Fromagerie Guilloteau devant le tribunal de
grande instance de Nanterre en contrefaçon de marque, concurrence déloyale et agissements parasitaires aux
fins d’obtenir notamment, outre des mesures d’interdiction, de confiscation et de rappel des produits et de
publication, sous astreinte, réparation de leur préjudice et paiement d’une indemnité au titre de l’article 700
du code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire.
Dans leurs conclusions récapitulatives signifiées le 3 octobre 2014, les sociétés Bongrain devenues Savencia,
B.G. et Fromageries Perreault demandent au tribunal de :
- dire que la société Fromagerie Guilloteau a commis :
* des actes de contrefaçon de la marque n° 06 3448337 du 31 août 2006 au préjudice de la société Savencia,
* des actes de concurrence déloyale au préjudice des sociétés Fromageries Perreault et B.G.,
* des actes de parasitisme au préjudice des sociétés Fromageries Perreault et B.G.,
- interdire à la société Fromagerie Guilloteau de fabriquer, commercialiser et distribuer le produit SAINT
MARCEAULT dans l’emballage et la présentation incriminés, sous quelque forme, de quelque manière,
et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, par toute personne morale ou physique
interposée, et ce sous astreinte de 15 000 euros par jour de retard, à l’issue d’un délai de huit jours à compter
de la signification du jugement à intervenir, - interdire à la société Fromagerie Guilloteau de fabriquer,
commercialiser tout autre produit susceptible de porter atteinte au produit BOURSAULT, sous quelque
forme que ce soit, directement ou indirectement, par toute personne morale ou physique interposée, et ce
sous astreinte de 15 000 euros par jour de retard, à l’issue d’un délai de huit jours à compter de la signification
du jugement à intervenir,
- ordonner la confiscation et la remise aux sociétés Savencia et B.G. de tous les produits SAINTMARCEAULT
incriminés, actuellement dans les stocks de la société Fromagerie Guilloteau ou de toute autre société à
laquelle elle serait liée, et ce sous astreinte de 15 000 euros par jour de retard à l’issue d’un délai de huit jours
à compter de la signification du jugement à intervenir,
- ordonner la confiscation et la remise aux sociétés Savencia et B.G. de tout document, papier commercial,
publicité, etc… portant une reproduction du SAINT MARCEAULT incriminée ou une référence à celui-ci,
se trouvant entre ses mains ou celles de ses représentants ou préposés, et ce sous astreinte de 15 000 euros
par jour de retard, à l’issue d’un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir,
- dire que le tribunal se réservera la liquidation des astreintes ordonnées,
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Et pour les préjudices causés :
Pour la contrefaçon de marque :
- condamner la société Fromagerie Guilloteau à verser à la société Savencia la somme de 500 000 euros à titre
de dommages et intérêts, en réparation de l’atteinte portée à sa marque, quitte à parfaire,
- condamner la société Fromagerie Guilloteau à verser à la société Savencia la somme de 150 000 euros à titre
de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral, quitte à parfaire,
Pour la concurrence déloyale :
- condamner la société Fromagerie Guilloteau à verser à chacune des sociétés Fromageries Perreault et B.G. la
somme de 550 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation deleur préjudice commercial, quitte
à parfaire,
- condamner la société Fromagerie Guilloteau à verser à chacune des sociétés Fromageries Perreault et B.G.
la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de leur préjudice moral, quitte à
parfaire,
Pour le parasitisme :
-condamner la société Fromagerie Guilloteau à verser à la société Fromageries Perreault la somme de
316 606 euros et à la société B.G. la somme de 685 968 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation
de leur préjudice industriel, quitte à parfaire,
- condamner la société Fromagerie Guilloteau à verser à chacune des sociétés Fromageries Perreault et B.G.,
la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de leur préjudice moral, quitte à
parfaire,
-ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq revues ou journaux au choix des sociétés
Savencia, Fromageries Perreault et B.G. et aux frais de la société Fromagerie Guilloteau, sans que le coût
global de ces insertions n’excède la somme de 150 000 euros,
- ordonner la publication du jugement à intervenir sur le site Internet de la société Fromagerie Guilloteau
pendant une durée de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir,
-ordonner le rappel immédiat et le retrait définitif des produits contrefaisants, et ce sous astreinte de
15 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, en application de
l’article L.716-15 du code de la propriété intellectuelle,
- ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
- condamner la société Fromagerie Guilloteau à verser à chacune des sociétés demanderesses la somme de
15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, quitte à parfaire, ainsi qu’aux dépens de
l’instance.
La société Savencia fait valoir que la marque dont elle est titulaire est en couleurs et constituée par l’emballage
du fromage Boursault à savoir un écrin parallélépipédique dont les deux faces principales sont convexes,
les deux faces latérales sont plates et comportent une fenêtre (ou ouverture) de forme oblongue et les faces
supérieures et inférieures concaves, la dénomination Boursault étant inscrite en beige dans un cartouche de
couleur rouge brun sur fond beige comportant un liseré doré et la description du produit “fromage crémeux
affiné” en lettres de style anglais. Elle considère que la comparaison doit être opérée entre le signe déposé à
titre de marque et le produit argué de contrefaçon. Elle soutient que le fromage Saint Marceault identique
au produit désigné dans la marque invoquée est commercialisé dans un emballage dont la conception et la
réalisation sont assises sur celles de l’emballage ci-dessus puisqu’il s’agit d’en faire une copie ainsi que le déclare
la société Guilloteau, le Saint Marceault étant une imitation de la marque dont elle est titulaire en reprenant
ses caractéristiques soit une dénomination similaire phonétiquement, la syllabe finale étant identique, un
emballage reprenant les mêmes lignes et couleurs inversées et l’écriture identique de la désignation du produit,
de manière telle que le consommateur puisse faire le lien entre les deux produits et les rapprocher au lieu de les
différencier. Elle conclut que la même impression d’ensemble des produits engendre un risque de confusion
dans l’esprit du public entre l’emballage Saint Marceault et la marque Boursault qui attribue ces produits à la
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même origine ainsi qu’en témoigne un sondage d’opinion versé aux débats, le consommateur ayant notamment
l’habitude de voir des marques ombrelles au-dessus du nom du produit ce qui est courant pour les marques
de distributeur, seul le nom du produit etnon la marque de distributeur étant susceptible de différencier les
produits des uns des autres.
Sur la concurrence déloyale, les sociétés Fromageries Perreault et B.G. soutiennent que la défenderesse reprend
à dessein les éléments caractéristiques tant du produit que de sa présentation, avec pour finalité de créer un
risque de confusion entre les produits, le Saint Marceault étant un produit qui s’appuie sur le Boursault pour
s’inscrire dans la même famille fromagère en reprenant le type, la forme de l’emballage, les codes couleurs et
graphiques, le mode de commercialisation, laissant croire au consommateur que le produit querellé est fabriqué
et distribué avec l’accord des sociétés demanderesses.
Sur le parasitisme, elles invoquent que la défenderesse se place dans le sillage des sociétés Perreault et B.G.
en profitant de la réputation de qualité et de prestige attachés à Boursault. Elles arguent des investissements
importants tant industriels que marketing dédiés à ce produit et dont résultent sa notoriété et son succès et
la volonté pour la défenderesse d’en tirer profit en s’épargnant notamment tout investissement promotionnel
pour faire connaître son produit.
Sur les préjudices, la société Savencia fait valoir qu’en tant que titulaire de la marque, elle subit un préjudice
qui doit être évalué en considération de la valeur particulière de celle-ci. Elle précise que Boursault jouit
d’une réputation et d’une place incontestable sur le marché et l’atteinte qui y est portée par la défenderesse
tend à la banaliser. Elle ajoute subir également un préjudice moral d’autant plus important que la marque
est notoire et que les actes de contrefaçon sont graves et importants. Au titre du préjudice subi du fait des
actes de concurrence déloyale, les sociétés Perreault et B.G. arguent d’un préjudice commercial en raison de
la banalisation de ce produit phare et d’un préjudice moral en raison de la notoriété du produit, de l’ampleur
et de la gravité de l’atteinte. Pour ce qui concerne le préjudice né des actes de parasitisme, elles invoquent un
préjudice industriel, la défenderesse s’enrichissant aux dépens des sociétés Perreault et B.G. et réalisant des
économies indues, et un préjudice moral.
Dans ses dernières écritures en date du 6 mai 2015, la société Fromagerie Guilloteau entend voir le tribunal
débouter les sociétés Savencia, Fromageries Perreault et B.G. de l’ensemble de leurs demandes. Elle sollicite
l’allocation de la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle explique avoir répondu à un appel d’offre de la Scamark, groupement d’achat de la société Leclerc, pour
un fromage crémeux affiné à texture fondante de 200 grammes avec comme type d’emballage un étui carton
avec découpe arrondi (en attente de proposition de votre part) impression offset 6 couleurs vernis acrylique,
papier paraffiné impression 4 couleurs, sticker de refermeture, et avoir été retenue à l’issue de cet appel d’offre,
le groupement Leclerc ayant choisi le nom de Saint Marceault pour désigner le produit qu’il a déposé à titre
de marque.
Elle fait valoir que les demanderesses fondent leurs actions en contrefaçon et concurrence déloyale sur les
déclarations faites par le dirigeant de la société Guilloteau dans la presse qui fait mention de “copies” des
produits de la société Bongrain ce qui ne saurait suffire à caractériser de tels actes. Elle invoque diverses décisions
dont un jugement récent du tribunal de commerce de Nanterre en date du 28 mars 2014 qui a débouté la
demanderesse de ses demandes au titre de la concurrence déloyale concernant le fromage mini “caprice des
dieux”. Elle s’étonne de l’action entreprise aux motifs que la société Bongrain se livre aux mêmes agissements,
produisant aussi, par l’intermédiaire de sa filiale Teissier, pour le compte de marques de distributeurs (MDD).
Sur la contrefaçon de marque, elle réfute toute imitation de la marque de la société Bongrain, considère que
celle-ci procède par affirmation et tire argument du sondage versé aux débats parla demanderesse selon lequel
60 % des personnes interrogées considèrent que les deux fromages n’ont pas le même fabricant. Elle invoque
la différence entre les fromages Boursault et Sain tMarceault en termes notamment d’odeur, de texture et de
goût ainsi qu’il résulte d’un rapport d’essai qu’elle avait commandé. Elle ajoute que la marque Saint Marceault
appartient à la société Leclerc et que la demanderesse ne saurait lui faire grief d’utiliser cette dénomination
sur l’emballage et qu’en tout état de cause les deux noms n’ont rien à voir tant sur le plan intellectuel que
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phonétique. Elle soutient que la seule communauté de produit et leur description en “fromage crémeux”, dans
une police de caractère similaire, ne sauraient suffire à caractériser une contrefaçon qui ne résulte pas non
plus de la forme parallélépipédique de l’emballage qui est commune et banale pour des fromages, les faces très
concaves de l’emballage Boursault qui obligent à le présenter debout n’étant pas reprises pour l’emballage du
Saint Marceault dont la forme est plus cubique et moins haute et peut donc être posé à plat, ce qui lui confère
une physionomie totalement différente, ou de l’ouverture sur les faces latérales, pratique technique commune
en la matière, ou enfin des couleurs, l’emballage du Boursault étant de couleur majoritairement claire alors
que celui du Saint Marceault est marron, l’insertion de la dénomination dans un cartouche étant également
une pratique banale. Elle en déduit que le SaintMarceault se distingue suffisamment du Boursault pour ne pas
prêter à confusion avec celui-ci ceci d’autant que figurent sur l’emballage les mentions “marque repère” inscrite
dans un rond rouge et “Les croisés” inscrites en lettres bleues.
Elle conteste également les actes de concurrence déloyale qui lui sont reprochés aux motifs qu’aucun fait distinct
des actes de contrefaçon de marque ne sont évoqués à ce titre et que les demanderesses se sont partagées les
chefs de demandes. Elle soutient qu’il convient de comparer les produits sous l’angle duquel le consommateur
les perçoit en rayon, que la partie “produit” ne saurait être évoquée car la description du produit n’est pas
susceptible d’appropriation, seul l’emballage étant reproché et que les deux emballages en cause ont pour seul
point commun d’être en carton ce qui est usuel en matière d’emballage de fromage. Elle ajoute que la forme
de l’emballage du Saint Marceault est une déclinaison du fromage “Le Plaisir”, fromage ancien qui comportait
les mêmes ouvertures sur le côté que les emballages en cause et est très utilisée parles MDD, que les aspects
des emballages sont très différents, les mentions largement répandues dans le domaine fromager qui sont plus
importantes sur le Saint Marceault que sur le Boursault et les couleurs différentes. Elle soutient en conséquence
que les demanderesses ne démontrent pas la faute qu’elle aurait commise dans la fabrication de ce fromage
vendu sous la marque Leclerc et qu’aucun acte de concurrence déloyale n’est caractérisé.
Sur les actes de parasitisme, elle affirme s’être placée dans son propre sillage et non pas dans le sillage de
Boursault, les différences entre les deux emballages étant telles qu’il est évident qu’ellea de son côté consacré des
efforts financiers de conception pour mettre au point cet emballage selon son propre mérite et les instructions
de la société Scamark. Elle fait valoir que la copie n’est pas fautive, l’inspiration licite et que seul le risque
de confusion, totalement exclu, aurait été en l’espèce constitutif de concurrence déloyale. Elle s’étonne de
l’absence de la société Leclerc dans la présente instance et rétorque aux demanderesses qu’il ne saurait lui
être reproché de ne pas avoir appelé en garantie le distributeur des produits. Elle conteste les investissements
invoqués notamment ceux de la société Fromagerie Perrault qui selon elle ne démontre pas être intervenue
dans la conception, le développement et la promotion du Boursault puisqu’elle n’intervient selon ses propres
déclarations que dans la fabrication du fromage.
Elle conteste enfin les préjudices allégués, aux motifs que la société Bongrain ne justifie pas de la valeur patrimoniale
de sa marque, procédant par affirmations. Elle oppose le même grief aux sociétés Fromagerie Perrault et B.G. qui
ne justifient pas selon elle le quantum de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la contrefaçon de la marque n° 06 3 448 337 de la société Bongrain devenue Savencia
Ainsi qu’il a été précédemment rappelé, la société Bongrain est titulaire d’une marque complexe déposée en
couleurs le 31 août 2006, enregistrée sous le numéro 06 3 448 337 pour les produits suivants : “lait, fromages,
produits laitiers” (classe 29).
Le signe déposé à titre de marque ci-avant reproduit est constitué par la forme d’un emballage parallélépipédique
de couleur crème et marbrée dont les deux faces principales sont convexes, les deux faces latérales sont plates et
comportent une ouverture de forme oblongue et les faces supérieures et inférieures concaves, les faces convexes
et concaves visibles comportant en leur centre un cartouche de couleur rouge bordeaux bordé d’un liseré de
couleur jaune doré au milieu duquel figure la dénomination BOURSAULT inscrite en caractères bâtons de
la même couleur que le liseré et, en dessous du cartouche, il peut être aperçu la mention “Fromage crémeux
affiné’ écrite en lettres de style anglais.
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RIPIA n° 265
La défenderesse ne conteste pas être à l’origine du produit laitier commercialisé sous la dénomination Saint
Marceault dont l’emballage est constitué d’un parallélépipède de couleur rouge bordeaux dont l’une des
deux faces principales est concave, les deux faces latérales sont plates et comportent une ouverture de forme
oblongue et les faces supérieures et inférieures convexes, la face concave comportant en son centre sur une
bande traversante de couleur crème la dénomination Saint Marceault écrite en lettres bâtons de couleur rouge
bordeaux avec en dessous la mention “fromage crémeux” écrite en lettres de style anglais, ces mentions étant
surlignées et soulignées d’un liseré de couleur jaune doré, en dessous du bandeau figure la représentation d’un
fromage et au-dessus un rond rouge allongé vers le bas dans lequel est inscrite la mention “Marque repère” et
un cartouche en forme d’oriflamme dans lequel est inscrite la dénomination “Les Croisés” en lettres bleues. Ces
mêmes bandeaux, cartouche et rond comportant des mentions identiques, figurent sur l’un des côtés concave
de l’emballage.
Les signes en présence étant différents, c’est au regard de l’article L 713-3 b) du code de la propriété
intellectuelle qui dispose que “sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque
de confusion dans l’esprit du public, l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des
produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement”, qu’il convient d’apprécier
la demande en contrefaçon.
Il y a lieu plus particulièrement de rechercher si, au regard d’une appréciation des degrés de similitude entre les
signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public concerné.
Il est constant que la contrefaçon de marque s’apprécie selon les ressemblances et non les différences, que cette
appréciation doit se faire entre les signes pris dans leur ensemble, et que les ressemblances doivent porter sur
des éléments distinctifs de la marque.
Ainsi que le rappellent les parties, la comparaison doit se faire entre le signe tel que déposé à titre de marque
et l’emballage argué de contrefaçon.
Il n’est pas contestable que l’emballage comportant la dénomination Saint Marceault est utilisé pour
commercialiser un fromage, produit identique aux “fromages” désignés dans la marque dont la société
Bongrain est titulaire.
Les signes en présence sont tous deux constitués par un emballage parallélépipédique comportant des côtés
concaves et convexes, sur lesquels est inscrite une dénomination se terminant par le même son “SO” et
partageant les mêmes couleurs rouge bordeaux et beige crème ainsi que la mention en lettres anglaises “fromage
crémeux”.
Toutefois, la mention “fromage crémeux” ne saurait être considérée comme un des éléments distinctifs du signe
déposé à titre de marque en ce qu’elle est la désignation générique du produit en cause, l’écriture en lettres
anglaises, police de caractères très usitée, ne lui conférant pas un caractère attractif particulier.
De même, la reprise des ouvertures sur les côtés de l’emballage qui n’apparaît pas un des éléments attractifs de
la marque en cause, étant plus utilitaire que distinctif, ne saurait être retenue.
En outre, les dénominations figurant sur les emballages “Boursault” pour la marque opposée, “Saint Marceault”
pour celle figurant sur l’emballage argué de contrefaçon et qui sont les éléments principaux que le consommateur
va retenir, ont certes en commun une terminaison phonétiquement identique mais ont une syllabe d’attaque
différente “Bour” et “Saint” et un rythme dissemblable (deux syllabes pour la marque antérieure et trois pour
le signe contesté) sont visuellement différentes, la dénomination Boursault étant composée d’un seul mot alors
que la dénomination Saint Marceault est composée de deux mots. A cet égard, la liste sur papier libre fournie
aux débats par les demanderesses comportant une série des dénominations commençant par le terme “Saint” ne
suffit pas à démontrer que celui-ci est courant pour désigner des produits fromagers en ce qu’il n’est pas établi
que ces dénominations sont utilisées pour désigner des fromages.
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RIPIA n° 265
S’agissant de la couleur, autre élément caractéristique que va retenir le consommateur, si les deux emballages
utilisent les couleurs beige crème et rouge bordeaux, l’emballage objet de la marque utilise majoritairement la
première et est donc clair seul un cartouche de couleur sombre (rouge bordeaux) figurant au centre de certaines
de ses faces, l’emballage critiqué utilise quant à lui principalement la seconde et est donc de couleur sombre
avec un bandeau de couleur claire (beige crème).
Pour ce qui concerne la forme parallélépipédique de l’emballage, il apparaît que l’inversion des formes concaves
et convexes dans l’emballage critiqué, le côté concave étant la face principale, lui donne une forme plus cubique,
ce quel que soit la façon dont il est positionné.
Le sondage fourni aux débats par la société Bongrain établi à sa demande en février/mars 2015 par la société Opinion
way portant sur un peu plus de 3 000 individus âgés de 18 ans et plus sondés par voie électronique, les répondants
étant également répartis en terme d’âge, de sexe et de région de résidence en France, montre qu’à la vue de l’emballage
critiqué dont il a été conservé la seule couleur prédominante rouge bordeaux, la majorité des sondés ne se prononcent
pas (62 %) et que 16 % répondent que cette marque/ce produit est Boursault. Ce sondage souligne également que
lorsque les deux emballages comportant l’ensemble des mentions et dénominations sont présentés simultanément
aux sondés, 60 % d’entre eux répondent qu’ils ont des fabricants différents. Il ne saurait donc être déduit de ce
sondage, comme le fait la société Bongrain, qu’il existe un risque de confusion entre les signes en présence dans
l’esprit du consommateur, étant relevé qu’une minorité des consommateurs à qui les deux emballages sont présentés
concomitamment leur attribue la même origine alors qu’en principe le risque de confusion s’apprécie à l’égard du
consommateur d’attention moyenne n’ayant pas en même temps les deux marques sous les yeux.
Il apparaît de ce qui précède que les similitudes entre les emballages ne sont pas telles que le consommateur
moyen associe à une origine commune les produits en cause.
La contrefaçon par imitation n’est donc pas caractérisée et les demandes de la société Bongrain devenue
Savencia formées à ce titre seront rejetées.
- Sur la concurrence déloyale
Les sociétés Fromagerie Perrault et B.G. estiment que la société fromagerie Guilloteau fabrique et commercialise
un produit qui reprend, de manière systématique, les éléments caractéristiques identifiant Boursault, que cette
reprise n’est pas fortuite et a pour but de créer une confusion entre le Saint Marceault et son produit qui
préexiste sur le marché dont il occupe une part majeure et que la société Fromagerie Guilloteau se livre à une
concurrence dont le caractère déloyal est incontestable puisqu’il s’agit de fabriquer des copies de produits les
plus connus d’un concurrent bien identifié.
Les sociétés demanderesses reprennent les similitudes entre les emballages invoquées par la société Bongrain sur
le fondement de la contrefaçon de marque et y ajoute les point communs entre les contenus à savoir un fromage
à pâte molle au lait de vache de 200 grammes avec une croûte fleurie pour considérer que le Saint Marceault
est un produit qui s’appuie sur le Boursault pour s’inscrire dans la même famille fromagère, dont il reprend le
type, la forme et le format, l’emballage, les codes couleurs et graphique, le mode de commercialisation et qu’il
existe un risque de confusion entre les produits.
La société Fromagerie Guilloteau répond que le produit ne saurait être pris en considération, ce produit ne pouvant
faire l’objet d’une appropriation, seul l’emballage étant reproché dont seule la matière carton est identique, matière
dans laquelle sont emballés la plupart des fromages pour permettre une meilleure aspiration de l’humidité. Elle
ajoute que la forme de l’emballage est une déclinaison de celle du fromage “Le Plaisir” produit particulièrement
ancien, que les aspects des emballages sont très différents et que, si la description du produit est semblable, la
désignation du produit comme “fromage crémeux” ne peut être considérée comme fautive. Elle invoque la vente
par d’autres distributeurs tels Carrefour et Super U de fromages à pâte molle au lait de vache et croûte fleurie
dans une boîte de forme parallélépipède avec une face concave et des ouvertures sur le côté, précisant que les
ouvertures du Saint Marceault sont différentes de celles du Boursault et que l’emballage du premier comporte
plus d’informations pour le consommateur que le second. Elle en déduit qu’il n’existe aucun risque de confusion
entre les produits ce que démontre l’étude versée aux débats par les demanderesses.
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RIPIA n° 265
Il est constant que le principe de la liberté du commerce implique qu’un produit peut être librement reproduit,
sous certaines conditions tenant notamment en l’absence de risque de confusion dans l’esprit du consommateur
sur l’origine du produit. L’appréciation du risque de confusion doit se faire de manière concrète en comparant
les emballages et leur contenant tels que mis dans le commerce, les similitudes existant entre eux et en prenant
en considération l’ancienneté et la connaissance sur le marché du produit copié.
Il ressort des éléments produits que le Boursault créé en 1951 par M. Henri Boursault dont la marque a été
rachetée par la société Bongrain à la société Unilever en 2000 bénéficie d’une certaine réputation liée à son
ancienneté et aux efforts publicitaires entrepris.
Selon les pièces versées aux débats, la société Fromagerie Guilloteau a soumissionné à l’appel d’offre du 9 mai
2012 de la société Scamark, groupement d’achat du distributeur Leclerc, concernant les “pâtes molles” dont
la fiche “définition produit” mentionne notamment s’agissant du type d’emballage : “un étui carton avec
découpe arrondi (en attente de proposition de votre part) - impression offset 6 couleurs vernis acrylique, papier
paraffiné impression 4 couleurs, sticker de refermeture”, a été pré sélectionnée le 19 juin 2012 et retenue le
29 août 2012, la lettre indiquant à la société Fromagerie Guilloteau que son offre était choisie par la société
Scamark comportant un volet “indications pour la réalisation de l’emballage mentionnant que : “Pour les plans
de l’emballage, des plans d’impression et des tracés de découpe merci de suivre les indications figurant dans le
document ci-après” qui n’est toutefois pas versé aux débats.
A cet égard, la défenderesse ne peut valablement invoquer que la société Fromagerie BG Bressor qui appartient
au groupe des sociétés demanderesses a aussi été sollicitée dans le cadre de l’appel d’offre en cause pour en
déduire que les demanderesses avaient connaissance du cahier des charges soumis par la société Scamark, ce
sans intervenir. En effet, le cahier des charges n’est pas fourni aux débats et les éléments dont a connaissance
le tribunal ci-avant rappelés comme directives concernant l’emballage ont un caractère général et apparaissent
laisser aux candidats une marge de manœuvre notamment quant à la forme générale de l’étui et sa couleur.
Les produits en présence sont tous deux constitués par un emballage parallélépipédique en carton comportant
des côtés concaves et convexes, sur lequel est inscrite une dénomination se terminant par le même son “SO” et
partageant les mêmes couleurs rouge bordeaux et beige crème ainsi que la mention en lettres anglaises “fromage
crémeux” contenant un fromage à pâte molle de 200 grammes à croûte fleurie.
Contrairement à ce que fait valoir la défenderesse, le choix du carton pour l’emballage s’il n’est pas l’apanage des
demanderesses, n’en est pas pour autant incontournable, d’autres emballages tels le papier et le bois étant tout
aussi usités pour les fromages à pâtes molles ainsi qu’il ressort d’ailleurs des écritures de la défenderesse (page
13) qui montrent notamment l’usage d’emballages en papier pour ce type de produits laitiers.
De même, la société Fromagerie Guilloteau ne saurait être suivie quand elle soutient que la forme
parallélépipédique de son emballage avec côtés concaves et convexes est une inspiration d’un emballage plus
ancien de l’un de ses fromages “Le plaisir”. En effet, outre qu’elle ne démontre nullement l’ancienneté du
conditionnement du fromage “Le Plaisir” se contentant d’insérer un cliché de celui-ci dans ses écritures (page
12), cet emballage est en forme de pyramide tronquée qui n’apparaît nullement être une base d’inspiration
pour le conditionnement du Saint Marceault, sauf éventuellement pour les ouvertures sur les côtés. Elle ne peut
pas plus invoquer l’emballage utilisé par deux autres marques de distributeurs qui reprennent la même forme
parallélépipédique avec la face principale concave que le sien, outre que l’origine de ces deux produits ni leur
date de mise sur le marché ne sont connues et ne démontrent nullement que cette forme était banale pour le
produit en cause antérieurement à l’adoption de l’emballage du Boursault par les demanderesses, l’existence de
ceux-ci ne peut être considérée comme exonératoire d’une faute. Néanmoins, ainsi qu’il a été précédemment
rappelé, les produits en litige ne produisent pas une impression d’ensemble semblable en raison des couleurs
dominantes claire pour le Boursault, foncée pour le Saint Marceault, des dénominations figurant sur les
emballages qui sont visuellement et phonétiquement différentes, et des côtés concaves et convexes inversés qui
donnent au produit querellé une forme plus cubique. De même, le contenu soit un fromage à pâte molle de
200 grammes à croûte fleurie n’apparaît pas particulièrement caractéristique, de nombreux fromages crémeux
existant sur le marché de poids semblable selon les éléments fournis. En outre, le sondage fourni aux débats
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démontre que la majorité des consommateurs interrogés soit 60 %, n’attribue pas les deux produits à la même
origine et que seuls 16 % d’entre eux associent la forme nue de l’emballage querellé à savoir le parallélépipède
avec une forme concave sur la plus grande face au produit Boursault, 62 % des personnes ne se prononçant pas.
Le risque de confusion entre les produits en cause n’étant pas établi, il convient de débouter les sociétés
Fromagerie Perrault et B.G. de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale.
- Sur le parasitisme
Les sociétés Fromagerie Perrault et B.G. reprochent à la société Fromagerie Guilloteau d’avoir eu pour seule
démarche en mettant son produit Saint Marceault sur le marché de tirer profit du succès du Boursault qui est
une référence incontestable pour le public.
La société défenderesse rétorque qu’elle s’est placée dans son propre sillage la particularité de l’emballage du
Saint Marceault le différencie tellement du Boursault qu’il est évident qu’elle a consacré de son côté des efforts
financiers de conception pour mettre au point ce produit de manière totalement indépendante sur la base des
dimensions formes et couleurs choisies par la société Leclerc.
Il est constant que constitue un comportement fautif, indépendamment du risque de confusion, celui
qui consiste à se placer dans le sillage d’un agent économique pour récupérer à bon compte et sans son
consentement les fruits des efforts que ce dernier a pu déployer antérieurement.
Ainsi qu’il a été précédemment relevé le Boursault est un produit laitier ancien qui bénéficie d’une connaissance
certaine sur le marché et a remporté dans sa version Boursault Intense la médaille de bronze au concours général
agricole 2013 dans la catégorie produits laitiers nationaux fromage au lait de vache à pâte molle et à croûte
lavée.
Les demanderesses versent aux débats des attestations de leur commissaire aux comptes. Ces attestations sont
délivrées conformément à la norme d’exercice professionnel qui prévoit notamment que : “hors les cas prévus
expressément par les textes légaux et réglementaires, une entité peut demander au commissaire aux comptes
qu’elle a désigné une attestation portant sur des informations particulières. Le commissaire aux comptes peut
délivrer cette attestation si, conformément aux dispositions de l’article L. 822-11 II du code de commerce,
la prestation effectuée entre dans les diligences directement liées à sa mission telles que définies par les
normes d’exercice professionnel, et si, en outre, les dispositions du code de déontologie sont respectées”. Les
investissements tels qu’ils ressortent de ces attestations ne sont donc pas utilement contestés par la défenderesse.
Selon les attestations en date du 11 mars 2014 de la société PWC, commissaire aux comptes de la société
Fromagerie Perrault et de la société B.G., celle-ci n’a pas d’observation à formuler sur la concordance des
informations figurant :
- dans le document établi par le directeur général de la société Fromagerie Perrault attestant que la valeur
brute des investissements industriels depuis 2003 pour assurer la production des fromages Boursault s’élève
à 1 583 029 euros au 31/12/2013,
- dans le document établi par le directeur général de la société B.G. selon lequel les dépenses marketing pour
les produits Boursault pour les années 2006 à 2012 se sont élevées à 3 429 839 euros dont 280 967 euros en
2012, avec la comptabilité, les données sous-tendant la comptabilité et les données internes à l’entitéen lien
avec la comptabilité.
Il apparaît de ce qui précède que tant la société Fromagerie Perrault sur le plan de la production industrielle,
que la société B.G. sur le plan du marketing ont lourdement investi pour fabriquer et promouvoir un produit
de qualité reconnu tant pas les milieux professionnels que par le consommateur.
Or, l’emballage du Saint Marceault précédemment décrit, construit en “miroir” de celui du Boursault, les
parties concaves devenant convexes et réciproquement, les couleurs rouge bordeaux et beige crème étant
inversées, construction à laquelle s’ajoutent des côtés plats comportant une ouverture oblongue ressemblante,
l’utilisation d’une dénomination comportant une terminaison identique à l’oreille et une inscription de la
67
RIPIA n° 265
désignation du produit quasi identique dans la même police de caractère, est conçu de manière telle à placer ce
produit dans le sillage du produit Boursault pour emporter la décision d’achat du consommateur.
La société Guilloteau qui ne peut se prévaloir de l’appel d’offre de la société Leclerc pour les motifs
précédemment relevés, ne peut soutenir utilement s’être placée dans son propre sillage, étant remarqué qu’elle
ne verse aux débats aucun justificatif des investissements qu’elle prétend avoir effectués pour développer son
propre emballage.
Ces affirmations sont d’ailleurs démenties par son dirigeant qui déclare à la presse au mois de mai 2014 dans
la revue spécialisée Réussir lait et élevage : “ Nous intéressons la grande distribution avec des copies de Mini
caprice des Dieux et de Boursault du groupe Bongrain que nous sommes les seuls à pouvoir fabriquer”.
Il convient à ce titre de relever que les parties ont fait le choix de ne pas mettre dans la cause la société Leclerc,
distributeur du produit critiqué et pour lequel celui-ci a été conçu par la société Fromagerie Guilloteau, que le
présent litige oppose des producteurs de produits laitiers et qu’en tout état de cause la “marque de distributeur”
(MDD) ne bénéficie pas d’un statut juridique particulier et est soumise aux mêmes dispositions légales et
réglementaires que ses concurrents tant en termes de respect des droits de propriété intellectuelle que des règles
régissant la concurrence loyale, le tribunal ne pouvant distinguer là où la loi ne distingue pas.
Aussi, la mise sur le marché en 2013 des produits incriminés par la société Guilloteau procède de la volonté
délibérée de celle-ci de profiter, sans bourse délier, des investissements des sociétés Fromagerie Perrault et B.G.
et de la réputation du fromage Boursault et de se placer dans leur sillage pour vendre ses propres fromages.
Les actes fautifs de parasitisme sont donc constitués engageant la responsabilité délictuelle de la société Guilloteau.
- Sur les mesures réparatrices
Les sociétés Fromagerie Perrault et B.G. font valoir que les actes de parasitisme les ont empêchées de bénéficier
du retour sur investissement tant industriel que promotionnel pour asseoir le produit Boursault dans l’esprit du
public et sollicitent l’allocation respectivement des sommes de 316 606 euros à la société Fromagerie Perrault
et de 685 968 euros à la société B.G. correspondant en substance à 20 % des investissements réalisés. Elles
invoquent également un préjudice moral qu’elles évaluent à 150 000 euros chacune.
La société Fromagerie Guilloteau conteste le préjudice de la société Fromagerie Perrault au motif qu’elle n’a
consacré aucun investissement pour la mise au point de l’emballage mais a simplement exposé des frais de
fabrication. Elle conteste le préjudice de la société B.G. qui atteste pour elle-même et dont les investissements
concernent une gamme de sept produits Boursault et pas seulement celui en cause.
Ainsi qu’il a été précédemment exposé, la société défenderesse ne saurait contester les investissements fournis
aux débats par les demanderesses, ceux-ci étant attestés par leu r commissaire aux comptes.
L’ensemble des investissements publicitaires de la société B.G. doit être pris en considération, la promotion
de la gamme Boursault bénéficiant à l’ensemble des produits vendus sous cette dénomination et emballage.
Les investissements industriels de la société Fromageries Perreault doivent également être retenus, ceux-ci
contribuant à la qualité du produit fidélisant la clientèle et à la réputation du Boursault dont la société
défenderesse cherche à tirer profit.
En se plaçant dans le sillage des sociétés B.G. et Fromagerie Perreault, la société Fromagerie Guilloteau a
profité des investissements que les demanderesses ont consacrés à la production et à la promotion de leur
produit Boursault contribuant ainsi à sa réputation, en s’évitant des frais de développement, de promotion et
de recherche marketing, et a ainsi tiré un profit non justifié en remportant un appel d’offre auprès d’un grand
distributeur lui permettant de vendre ses produits dans de bonnes conditions et à moindre prix.
Les demanderesses sont donc fondées à solliciter le préjudice qu’elles ont subi du fait des ces actes de
parasitisme lequel sera réparé par l’allocation de la somme de 150 000 euros à la société Fromageries Perreault
et 350 000 euros à la société B.G.
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RIPIA n° 265
Les sociétés Fromageries Perreault et B.G. invoquent également à bon droit un préjudice moral lié aux actes
de parasitisme, la société Fromagerie Guilloteau ayant utilisé leur savoir-faire et tiré profit de la notoriété du
fromage Boursault à laquelle elles ont contribué par leurs investissements et banalisé ce produit. Il sera alloué
la somme de 10 000 euros à chacune des demanderesse en réparation de ce préjudice.
- Sur les mesures complémentaires
Les mesures de publication judiciaire et d’interdiction de fabriquer, commercialiser et distribuer le produit
Saint Marceault dans l’emballage et la présentation incriminés sollicitée par les sociétés Fromageries Perreault
et B.G. sera accueillie dans les conditions énoncées au dispositif de la présente décision.
En revanche, la mesure d’interdiction sollicitée tendant à interdire à la défenderesse de fabriquer, commercialiser
tout autre produit susceptible de porter atteinte au produit BOURSAULT, sous quelque forme que ce soit, qui
est très générale et destinée à sanctionner une faute future et éventuelle apparaît disproportionnée et sera rejetée.
Cette mesure d’interdiction apparaît suffisante à faire cesser les actes de parasitisme et la demande des sociétés
Fromageries Perreault et B.G. de confiscation et de retrait des produits n’apparaît pas nécessaire et sera rejetée.
- Sur la demande de la société Le Grand Comptoir au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Il sera alloué aux sociétés Fromageries Perreault et B.G. qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir
leurs droits, la somme de 10 000 €, à chacune, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En revanche, les demandes de la société Bongrain devenue Savencia ayant été rejetées, il n’y a pas lieu
d’accueillir sa demande au titre des frais irrépétibles.
La société Fromagerie Guilloteau qui succombe sera déboutée de sa demande à ce titre.
- Sur les autres demandes
Il y a lieu de condamner la société Fromagerie Guilloteau, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés
conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Les circonstances de l’espèce justifient le prononcé de l’exécution provisoire, qui est en outre compatible avec
la nature du litige.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal,
- REJETTE les demandes de la société Bongrain devenue Savencia au titre de la contrefaçon de marque,
- REJETTE les demandes des sociétés Fromageries Perreault et B.G. au titre de la concurrence déloyale,
- DIT que la société Fromagerie Guilloteau a commis des actes de parasitisme au préjudice de la société B.G.
et de la société Fromageries Perreault,
En conséquence,
- FAIT interdiction à la société Fromagerie Guilloteau de fabriquer, commercialiser et distribuer les produits
Saint Marceault dans la forme, l’emballage et la présentation incriminées sous quelle que forme, de quelle que
manière et à quel que titre que ce soit, directement ou indirectement, par toute personne morale ou physique
interposée, et ce sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée passé un délai d’un mois à compter de la
signification du présent jugement ;
- Se réserve la liquidation de l’astreinte ;
-CONDAMNE la société Fromagerie Guilloteau à payer à titre de dommages intérêts les sommes de
350 000 euros en réparation du préjudice commercial et 10 000 euros en réparation du préjudice moral,
subis du fait des agissements parasitaires commis à son encontre ;
- CONDAMNE la société Fromagerie Guilloteau à payer à la société Fromageries Perreault la somme de
150 000 euros en réparation du préjudice industriel et 10 000 euros en réparation du préjudice moral, subis
du fait des agissements parasitaires commis à son encontre ;
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- ORDONNE la publication du présent jugement dans trois revues ou journaux, au choix des sociétés B.G.
et Fromageries Perreault, aux frais de la société Fromagerie Guilloteau, sans que le coût global des insertions
n’excède la somme de 10 000 euros,
- CONDAMNE la société Fromagerie Guilloteau à payer aux sociétés B.G. et Fromageries Perreault la somme
de 10 000 €, à chacune, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
-CONDAMNE la société Fromagerie Guilloteau aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux
dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
- ORDONNE l’exécution provisoire.
signé par Anne BEAUVOIS, 1ère Vice-présidente et par Célia AMBROSIO, Greffier lors de la mise à
disposition.
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COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
12 AVRIL 2016
Maison du monde
Contre
Gifi
D R O I T D ES M ARQ U ES – CONT R EFA ÇON –
MARQ U E D E R ENOMMEE
Synthèse
Dans cet arrêt du 12 avril 2016, la Cour de cassation se prononce sur la protection accordée aux marques de
renommée.
La société Maison du Monde, titulaire de la marque éponyme, spécialisée dans la décoration et l’équipement
de la maison, assigne la société Gifi, qui utilise la dénomination « Tout pour la maison » en contrefaçon de sa
marque, concurrence déloyale et parasitisme.
La cour d’appel de Rennes déboute la société Maison du Monde au motif qu’il n’y a pas de risque de confusion.
Maison du monde forme alors un pourvoi devant la Cour de cassation qui décide de casser l’arrêt et de renvoyer
les parties devant la cour d’appel de Bordeaux.
La cour d’appel de Bordeaux saisie à son tour, décide le 20 octobre 2014 de rejeter la demande de Maison du
Monde, considérant qu’il n’y a aucun risque d’assimilation possible entre les deux marques en cause, compte
tenu de leurs différences visuelles, phonétiques et conceptuelles.
La société Maison du monde se pourvoit alors une nouvelle fois en cassation, estimant que la cour d’appel ne
pouvait retenir une absence de risque total d’assimilation et de confusion entre les marques, du simple fait de
leurs différences visuelles, phonétiques et conceptuelles. De plus, elle conteste la décision de la cour qui exclut
la possibilité pour un consommateur moyen de n’identifier aucune ressemblance entre les deux marques, et
précise que bien que ces ressemblances ne soient que mineures, elles sont susceptibles de créer une confusion.
La Cour de cassation décide de casser l’arrêt de la cour d’appel et rappelle que le titulaire d’une marque de
renommée n’est pas tenue d’apporter la preuve du risque de confusion ou d’assimilation entre des marques, il
doit seulement établir un lien entre sa marque et le signe dont il conteste l’utilisation par le concurrent.
Arrêt
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que la protection conférée aux marques jouissant d’une renommée n’est pas subordonnée à la
constatation d’un risque d’assimilation ou de confusion ; qu’il suffit que le degré de similitude entre une telle
marque et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque ;
71
RIPIA n° 265
Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique,
9 juillet 2013, pourvoi n° 12-21. 628), que la société Maisons du monde, spécialisée dans l’équipement et la
décoration de la maison et titulaire de la marque semi-figurative « maisons du monde » déposée le 5 octobre
1999 avec revendication de couleurs, enregistrée sous le n° 99792285 pour désigner divers produits en classes 3,
4, 8, 11, 14 à 16, 18, 20, 21, 22, 24, 25 à 28, après avoir fait constater que des magasins Gifi, exploités par la
société Gifi Mag et commercialisant des articles d’art de la table, d’ameublement et de décoration de la maison,
utilisaient des panneaux publicitaires comportant l’intitulé « tout pour la maison » surmonté d’une petite
maison stylisée, a assigné cette société ainsi que la société Gifi en contrefaçon de sa marque et en concurrence
déloyale et parasitaire et a demandé l’annulation de la marque semi-figurative « tout pour la maison » déposée
par cette dernière société le 15 avril 2003 et enregistrée sous le n° 033220902 pour désigner en classe 35 des
services de regroupement, mise à disposition et présentation aux consommateurs de produits en vue de leur
vente et de leur achat, à savoir cosmétiques et produits voisins ; que l’arrêt rendu sur cette action a été cassé,
mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande formée par la société Maisons du monde sur le fondement de
l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt retient qu’il n’existe aucun risque d’assimilation entre les deux
marques en cause, compte tenu de leurs différences visuelle, phonétique et conceptuelle, leur conférant une
impression globale pour le consommateur moyen différente, et que certaines ressemblances à caractère mineur
ne sont pas susceptibles de créer un risque de confusion ou d’assimilation pour le consommateur moyen ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande formée par la société Maisons du monde
sur le fondement de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle et en ce qu’il statue sur les dépens et
l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 20 octobre 2014, entre les parties, par la cour d’appel
de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ; Condamne les sociétés Gifi
et Gifi Mag aux dépens ; Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les
diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en
marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le
président en son audience publique du douze avril deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent Arrêt
Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Maisons du monde
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions et débouté la
société Maisons du monde de l’ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QU’ « en application de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle, la
reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non
similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature
à porter préjudice aux propriétaires de la marque ou si sa reproduction ou imitation constitue une exploitation
injustifiée de cette dernière ; que ce texte doit être appliqué en tenant compte de la jurisprudence de la Cour
de justice des Communautés européennes, laquelle a dit pour droit (23 octobre 2003, Adidas-Salomon c/
Fitnessworld trading, affaire n° C 408/ 01) qu’un Etat-membre, lorsqu’il exerce l’option offerte par l’article 5
§ 2 de la première Directive 89/ 104/ CEE du Conseil du 21 décembre 1988, est tenu d’accorder la protection
spécifique en cause, en cas d’usage par un tiers d’une marque ou d’un signe postérieur, identique ou similaire
à la marque renommée enregistrée, aussi bien pour des produits ou des services non similaires que pour des
produits ou des services identiques ou similaires à ceux couverts par celle-ci ; que l’application de cette
jurisprudence européenne au présent litige n’est pas contestée en l’état des écritures des parties et la similarité
72
RIPIA n° 265
des produits et services en cause s’avère, dans ces conditions, sans incidence sur le présent litige ; que pour que
la demande fondée sur l’article L 713-5 puisse prospérer, il convient de rechercher, conformément aux
prescriptions de ce texte, si les sociétés Gifi ont commis des actes de reproduction ou d’imitation de la marque
de renommée semi-figurative « Maisons du Monde » ; que la renommée de la marque « Maisons du Monde »
est justifiée en l’état des pièces produites qui établissent que cette marque bénéficie d’une forte notoriété dans
les domaines de la décoration et de l’ameublement ; qu’en effet, cette marque a été exploitée sur l’ensemble du
territoire national depuis plus de 15 ans et les sondages réalisés montrent que 84 % des sondés connaissent cette
marque qui véhicule une image positive ; que les éléments de la cause n’établissent cependant pas que la marque
semi-figurative contestée « tout pour la maison » constitue la reproduction ou l’imitation de la marque de
renommée invoquée, au sens de l’article L 713-5 ; qu’il s’avère, en effet, que les panneaux publicitaires objet
du litige, apposés sur les angles de certains magasins Gifi, comme cela ressort notamment des constats
d’huissiers dressés le 25 janvier 2008, 4 février 2008 et 21 octobre 2008, correspondent à des panneaux de
grande taille de couleur orange sur lesquels il est porté en lettres marron foncé la mention suivante « tout pour
la maison » surmontée du dessin schématique d’une maison, alors qu’à l’entrée du magasin est portée en très
grande dimension la mention de la marque Gifi en lettres capitales de couleur rouge sur un triangle jaune,
lui-même ressortant d’un grand carré gris au bas duquel se trouve le slogan : « des idées de génie » ; que le
panneau « tout pour la maison » est accompagné du panneau « tout pour la famille », de même dimension et
de même teinte, apposé à un autre angle du magasin Gifi ; qu’il est constant que le panneau publicitaire « tout
pour la maison » ne constitue pas la reproduction de la marque « Maisons du monde » au regard des différences
notoires des signes constituant chacune de ces marques, tant en ce qui concerne les lettres que les dessins ; que
l’imitation de la marque « Maisons du monde » par la marque « tout pour la maison » doit également être
écartée alors que le terme descriptif commun « maison » qui constitue l’attaque du signe antérieur et la
terminaison du signe contesté, est dépourvu de caractère distinctif, que le dessin d’une maison est différent sur
les deux marques et qu’il est accompagné dans la marque antérieure d’autres dessins représentant des habitations
de différents pays ; qu’en effet, la marque « Maisons du monde » évoque la diversité des origines et des styles
des articles (meubles et décorations) vendus par elle alors que la marque « tout pour la maison » suggère l’offre
d’une large gamme de produits différents aux besoins ménagers, conforme à l’activité de type bazar des
magasins Gifi, spécialisés dans la vente de produits à bas prix destinés à l’équipement de la maison et de la
personne ; que le fait que le terme commun « maison » soit reproduit avec les mêmes caractères d’imprimerie,
notamment en ce qui concerne la lettre « M », ne permet pas de caractériser une imitation de la marque
antérieure au regard de la banalité du terme générique « maison » et de la calligraphie également banale qui se
retrouvent dans diverses marques ; que de plus, la marque contestée se singularise par une position verticale des
termes « tout pour la maison » et par une représentation de couleur marron foncé des lettres et dessin alors que
dans la marque antérieure, les lettres en position horizontale sont de couleur bleue et les dessins de couleur
rouge brique ; que globalement, les deux marques présentent ainsi des différences significatives au regard de
l’impression d’ensemble par elles produite et il n’apparaît pas que la marque contestée puisse être perçue par le
consommateur moyen comme une imitation de la marque antérieure ; que de plus, il n’existe aucun risque
d’assimilation entre les deux marques en cause, compte tenu de leurs différences visuelle, phonétique et
conceptuelle, leur conférant ainsi une impression globale pour le consommateur moyen différente et ce
d’autant plus que la marque « tout pour la maison » figure sur des panneaux apposés à proximité des angles sur
les bâtiments des magasins Gifi, alors que la marque Gifi, aux couleurs et aux logos très spécifiques et très
différents, est apposée, en caractères de très grande taille, notamment sur la partie centrale, à l’entrée des
magasins Gifi ; qu’ainsi, le public concerné d’attention moyenne est amplement averti lorsqu’il se rend dans
un magasin de l’enseigne Gifi, notoirement spécialisé dans la vente de produits pour la maison et la famille, à
bas prix, de la nature des achats qu’il peut y effectuer et la marque « tout pour la maison » ayant pour pendentif
(sic) la marque « pour la famille », n’entrainera pas pour lui assimilation avec la marque « maison du monde »,
eu égard aux différences sensibles existant entre les signes et les couleurs composant les deux marques, à
l’impression globale dégagée par elles et aux différences des modes et lieux de commercialisation ; que les
attestations produites ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation alors qu’elles émanent pour
l’essentiel des salariés et de proches de la société Maisons du monde, dont l’attention a pu être particulièrement
attirée par certaines ressemblances à caractère mineur, non susceptibles de créer un risque de confusion ou
d’assimilation pour le consommateur moyen ; que de même, les sondage et rapport produits, diligentés à la
demande de la société Maisons du monde, ont été effectués, de façon non contradictoire, en présentant aux
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RIPIA n° 265
personnes choisies des logos miniaturisés des marques en présence, en dehors de tout contexte d’utilisation et
de commercialisation effective, et ne permettent pas de caractériser un risque réel d’assimilation de la marque
contestée à la marque antérieure par le public concerné d’attention moyenne qui verra dans le panneau
publicitaire portant la mention « tout pour la maison » une référence à la nature et au choix des produits
commercialisés dans le magasin portant très visiblement et sans confusion possible l’enseigne Gifi ; que dans
ces conditions, le risque d’assimilation, tel qu’invoqué par la société Maisons du monde, ne s’avère pas
caractérisé ; qu’au vu de l’ensemble de ces considérations, il convient de rejeter l’ensemble des demandes
formées par la société Maisons du monde et de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, y
compris en celle relative à l’application de l’article 700 du code de procédure civile » ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « la société Maisons du Monde soutient que la
société Gifi s’est rendue coupable de contrefaçon de sa marque en raison de la similarité des panneaux « Tout
pour la Maison » et de son propre logo ; que cependant, les inscriptions dont elle déplore l’apposition sur les
magasins Gifi et sur ses panneaux publicitaires se présentent, ainsi que l’établissent le procèsverbal de constat
d’huissier en date du 21 octobre 2008 dressé à Saint Géréon par Maître X..., huissier de justice à Nantes, et
les photographies de façades de magasins produites aux débats, sur des panneaux de très grande taille, situés
aux angles des magasins qui constituent de véritables entrepôts par leur superficie, et à l’entrée desquels est
portée en grande dimension la mention Gifi ; qu’en outre, les panneaux litigieux « Tout pour la maison » sont
accompagnés d’autres panneaux, de même taille et aspect situés soit à proximité immédiate, soit aux autres coins
des magasins dont ils constituent le pendant, portant la marque « Tout pour la famille », de même forme et
couleur, de même calligraphie, et accompagnés d’un logo présentant trois bonshommes figurant une famille ;
que la marque « Maisons du Monde » est en revanche apposée sur des plaquettes de dimension plus réduite, de
forme plus carrée, comportant quatre habitations de quatre points différents de la planètes, placées au-dessus de la
porte des magasins ; que les magasins Gifi ne commercialisent pas les mêmes produits que les magasins Maisons
du Monde, mais que les deux enseignes se différencient par des produits de bazar de qualité plus médiocre
s’agissant des produits Gifi et des produits de décoration et d’aménagement de la maison plus créatifs s’agissant
des produits Maisons du Monde, ce qui conduit à éviter les possibilités de confusion ; que les attestations
produites par la société Maisons du Monde émanent de ses salariés, ce qui justifie un doute sur l’objectivité de
leurs témoignages et tout au moins sur leur liberté d’esprit dans leur appréciation de la similarité produite ; que
le sondage réalisé par le cabinet Artlex à la demande de la société Maisons du Monde auprès de deux échantillons
de 1008 et 1053 femmes n’est pas significatif de la confusion créée dans l’esprit des consommateurs, dès lors
qu’il a été présenté aux personnes sondées un logo de la marque « Tout pour la maison » sans le montrer in situ,
c’est-à-dire en dehors du contexte de la présence parallèle du logo « Tout pour la famille » de la taille du panneau,
de son emplacement au coin des magasins Gifi ou sur un panneau publicitaire mentionnant Gifi en lettres plus
grandes encore ; qu’il convient en conséquence de conclure qu’il n’est pas démontré de contrefaçon commise
par la société Gifi par l’apposition de cette marque « Tout pour la maison » dans les conditions dénoncées » ;
1°) ALORS QUE dans ses conclusions d’appel (pp. 24 à 28), la société Maisons du monde rappelait qu’en
application de la jurisprudence de la Cour de justice, la protection conférée aux marques renommées est
subordonnée à la constatation d’un lien ou d’un risque d’association entre la marque antérieure et le signe
incriminé et invoquait précisément l’existence d’un tel risque en l’espèce ; qu’en relevant que la société Maisons
du monde aurait invoqué un risque d’assimilation entre les signes en présence, la cour d’appel a méconnu les
termes du litige, en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la protection conférée aux marques renommées n’est pas subordonnée à la constatation d’un
risque d’assimilation ou d’un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen ; qu’il suffit que le
public concerné soit conduit à établir un lien entre les signes en présence ; que ce lien peut être la conséquence
d’un degré moindre de similitude entre les signes ; qu’en retenant, pour écarter toute atteinte à la marque
renommée de la société Maisons du monde, qu’aucun risque d’assimilation ou de confusion ne serait caractérisé
et en appréciant la similitude des signes en cause au regard d’un tel risque d’assimilation ou de confusion, sans
rechercher, comme elle le devait, si les ressemblances existant entre les signes n’étaient pas de nature à conduire
le consommateur à faire un lien entre eux, la cour d’appel a violé l’article L. 713-5 du code de la propriété
intellectuelle, tel qu’il doit s’interpréter à la lumière de l’article 5, paragraphe 2, de la directive (CE) n° 89/ 104
rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;
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3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l’existence d’une atteinte à une marque renommée s’apprécie en
fonction des ressemblances, et non des différences ; qu’elle peut être la conséquence d’une similitude, même
faible, entre les signes en conflit, en sorte que des ressemblances, même mineures, peuvent suffire à susciter,
dans l’esprit du public, un rapprochement, à établir dans son esprit un lien entre elles ; qu’en retenant que les
différences entre les signes leur conféreraient une impression globale différente pour le consommateur moyen
exclusive de tout « risque d’assimilation » ou de tout « risque de confusion », tout en constatant elle-même
l’existence de « certaines ressemblances à caractère mineur » entre les signes en conflit, et sans s’expliquer sur
l’ensemble des éléments de ressemblance invoqués par la société Maisons du Monde, et notamment sur la
reprise, dans le signe exploité par les sociétés Gifi, d’un même fond orangé et sur le fait que dans les signes en
conflit, le terme « MAISON » est reproduit dans des caractères de grande taille et se distingue très nettement
des autres éléments, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 713-5 du code
de la propriété intellectuelle, tel qu’il doit s’interpréter à la lumière de l’article 5, paragraphe 2, de la directive
(CE) n° 89/ 104 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;
4°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE les atteintes aux marques renommées sont la conséquence
d’un certain degré de similitude entre la marque et le signe, en raison duquel le public concerné effectue un
rapprochement entre le signe et la marque, c’est-à-dire établit un lien entre ceux-ci alors même qu’il ne les
confond pas ; que le degré de similitude ainsi requis est moindre que celui exigé pour la caractérisation d’un
risque de confusion ; que l’existence d’un lien entre les signes en conflit doit être appréciée globalement en
tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, et notamment du degré de similitude entre
les deux signes, de la nature et du degré de proximité des produits ou services en cause, ainsi que de la
connaissance de la marque antérieure sur le marché ; qu’en écartant tout « risque d’assimilation » et tout
« risque de confusion », au vu des différences relevées entre les signes et des « différences des modes et lieux de
commercialisation », sans se livrer, comme elle y était invitée, à une appréciation globale des différents facteurs
pertinents du cas d’espèce, afin de déterminer si, en l’état des éléments de ressemblance entre les signes invoqués
par la société Maisons du monde (même police de caractère, fond de couleur orangée, reprise du dessin stylisé
d’une maison, place prépondérante occupée par le terme « MAISON »), de la similitude des produits en cause
et de la forte notoriété, constatée par la cour d’appel, de la marque antérieure « MAISONS DU MONDE »
dans les domaines de la décoration et de l’ameublement, les signes en présence ne présentaient pas un degré
de similitude suffisant pour que le public concerné établisse un lien entre les deux, la cour d’appel a privé
sa décision de base légale au regard de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, tel qu’il doit
s’interpréter à la lumière de l’article 5, paragraphe 2, de la directive (CE) n° 89/ 104 rapprochant les législations
des Etats membres sur les marques.
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RIPIA n° 265
COUR D’APPEL DE PARIS
2 ÈME CHAMBRE
PÔLE 5
15 AVRIL 2016
Debonix France
Contre
Quincaillerie Angles
S IT E I NTERN ET – C O NCUR R ENCE DELOYALE –
R IS QU E DE C O N F U SI O N – P AR A SIT ISME – R EPA R A T ION
Synthèse
Dans cet arrêt du 15 avril 2016, la cour d’appel de Paris s’est prononcée sur les conditions nécessaires pour
constituer le parasitisme.
En l’espèce, la société Debonix France, qui vend des outils sur son site internet, remarque que la société
concurrente Quincaillerie Angles, a repris une grande partie de sa présentation. La société Debonix assigne alors
la société concurrente devant le tribunal de commerce de Paris pour parasitisme.
Dans leur jugement du 14 février 2014, les juges de première instance retiennent que le risque de confusion
entre les deux sites n’a pas été démontré, et que de ce fait, les actes de parasitisme ne peuvent être caractérisés.
La société Debonix fait alors appel de la décision.
La question qui se pose ici pour les juges d’appel, est de savoir si le parasitisme nécessite d’apporter la preuve
d’un risque de confusion dans l’esprit du public.
En faisant droit à la demande de la société Debonix, la cour d’appel de Paris confirme que le grief du
parasitisme ne nécessite pas de « démontrer l’existence d’un risque de confusion entre les produits ou origine ».
Le préjudice est caractérisé dès lors qu’est rapportée la preuve d’un manque « d’un avantage concurrentiel et de
la rentabilisation optimale de ses investissements ».
En conséquence, la société Quincaillerie Angles est condamnée à verser 15 000 euros d’amende en réparation
du préjudice subi par la société Debonix.
Arrêt
La société Debonix France a pour activité la vente d’une gamme d’outillages électroportatifs et semi-stationnaires
dans un magasin situé à Annecy et sur un site internet accessible à l’adresse dont elle précise qu’une nouvelle
version nécessitant d’importants investissements humains et financiers a été mise en ligne en mars 2011.
Ayant découvert, en juin 2012, que l’un de ses concurrents, la société Quincaillerie Angles, exerçant une
activité de vente dans le même domaine, avait mis en ligne une nouvelle version de son site internet accessible à
l’adresse qui reprenait, selon elle, l’essentiel de la présentation de son propre site, elle a fait établir deux constats
d’huissier sur internet les 16 juillet et 12 septembre 2012 avant de l’assigner sur le fondement du parasitisme
afin de voir réparer le préjudice qu’elle estime avoir subi.
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RIPIA n° 265
Par jugement contradictoire rendu le 14 février 2014, le tribunal de commerce de Paris a débouté la requérante
de l’ensemble de ses demandes en la condamnant à verser à la défenderesse la somme de 10 000 euros au titre
de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter tous les dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 26 novembre 2015 la société par actions simplifiée Debonix France,
appelante, demande pour l’essentiel à la cour – après redistribution au sein de ses chambres intervenue le
1er juillet 2015 -, au visa de l’article 1382 du code civil, d’infirmer le jugement, de considérer que la société
Quincaillerie Angles a commis une faute en s’appropriant indûment les investissements réalisés pour créer
et développer son site internet et de la condamner à lui verser la somme indemnitaire de 75 000 euros, sauf
à parfaire, d’ordonner, sous astreinte, une mesure de publication en page d’accueil du site de l’intimée ainsi
que par voie de presse, de condamner l’intimée à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de ses frais non
répétibles et à supporter tous les dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 18 février 2016, la société par actions simplifiée Quincaillerie Angles prie,
en substance, la cour, sous même visa, de considérer qu’elle n’a commis aucune faute de parasitisme ni aucune
autre faute de nature délictuelle à l’encontre de l’appelante, de confirmer en conséquence le jugement en toutes
ses dispositions et de débouter l’appelante de ses entières prétentions en la condamner à lui verser la somme de
16 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
DISCUSSION
Sur l’action en parasitisme
Considérant que l’appelante reproche au tribunal d’avoir commis une erreur de droit en exigeant la
démonstration d’un risque de confusion, d’avoir en outre, à tort, pris en considération le fait que la société
Quincaillerie Angles avait elle-même réalisé des investissements pour la création de son propre site et d’avoir
non seulement porté une appréciation erronée sur les faits de l’espèce mais aussi de s’être mépris en déduisant
d’une prétendue absence de préjudice l’absence de faute alors qu’il s’infère nécessairement un préjudice, fût-il
simplement moral, d’une faute lorsqu’elle est caractérisée en matière de concurrence déloyale et de parasitisme ;
Considérant, ceci rappelé, que la société Debonix se prévaut d’une présentation de son site internet caractérisée
par la succession de six rubriques dont la combinaison permet de le singulariser, à savoir : l’ordre d’apparition
et l’emplacement des rubriques, soit de haut en bas de la page : le chapeau du site // l’offre du moment // les
« ventes flash » // « nos engagements » // « nos marques » // newsletter, le type et le contenu des rubriques :
- (dans le chapeau) la présentation, de gauche à droite, de son logo, du numéro de contact à droite de la
rubrique portant la mention « Une question ? Un conseiller vous répond » suivi du numéro de service, d’une
barre de moteur de recherche au milieu de la rubrique et enfin d’un accès au compte personnel et au panier,
- (dans la rubrique l’offre du moment) la présentation d’offres distinctes des ventes flash mises en évidence
avec, à leur gauche, la présence d’un onglet en vis-à-vis, outre un système incitatif à l’achat par un
déroulement automatique desdites offres accompagnées de vignettes au bas de la rubrique qui peuvent être
cliquées pour faire apparaître un visuel du produit en son centre, lequel se trouve valorisé par un système
novateur d’harmonisation de la couleur du fond,
- (dans la rubrique les « ventes flash ») selon cette dénomination spécifique, l’introduction d’un système de
vente « à prix cassés » dont la validité est limitée à un laps de temps très réduit présentant uniquement deux
produits sous forme de vignettes accolées et la possibilité de cliquer sur un lien intitulé « voir toutes les ventes
flash »,
- (dans la rubrique « nos engagements ») le regroupement des services offerts par la société Debonix pour
inciter le client à l’achat selon un découpage en trois parties distinctes (« 5x fois sans frais » // « remboursons
la différence » // « livraison offerte »),
- (dans la rubrique « newsletter ») la présence d’un texte incitatif, soit : « inscrivez-vous à notre newsletter
(actualité, nouveautés, promotions) » ;
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RIPIA n° 265
Qu’elle justifie, par ailleurs, des investissements consacrés à l’élaboration de ce site marchand, qu’il s’agisse de la
facturation, au montant de près de 11 000 euros, de la société Dacrydium dont l’activité porte sur la création
de ce type de site ou des efforts intellectuels et humains qu’elle a elle-même déployés, à travers des échanges de
courriels avec son prestataire, afin de parvenir à la réalisation de ce site (pièces 9 et 10) ;
Que l’examen comparé des sites et auquel la cour a procédé à partir des deux procès-verbaux d’huissier
dressés les 16 juillet et 12 septembre 2012 (pièces 7 et 4 de l’appelante) permettent de considérer qu’il existe
une importante similitude de caractéristiques entre eux, que ce soit l’ordre d’apparition des rubriques, leur
emplacement et celui des éléments qui les composent ou le choix de ces rubriques et de leur contenu ;
Que pour se dédouaner de toute responsabilité, l’intimée ne saurait être suivie lorsqu’elle affirme, selon une
argumentation retenue par le tribunal, que « la doctrine, étayée en cela par des années de jurisprudence, tend
(…) à considérer le risque de confusion comme un élément déterminant pour apprécier l’existence d’actes de
parasitisme » (page 10/29 de ses conclusions) ;
Qu’elle ne le peut d’autant moins qu’elle ne produit ni même n’explicite ses références et que force est de
considérer que le grief de parasitisme peut être retenu dans la compétition que se livrent, comme en l’espèce,
des acteurs économiques concurrents, lorsqu’est exploitée, au détriment du rival, une création qui ne fait pas
l’objet d’un droit privatif sans qu’il soit nécessaire de démontrer l’existence d’un risque de confusion entre les
produits ou leur origine ;
Qu’elle n’est pas non plus fondée à opposer, comme elle le fait, à la société Debonix ce qu’elle nomme la
valeur économique intrinsèque des éléments ci-avant explicités en soulignant, pour chacun pris isolément,
son caractère usuel ne ressortant pas d’un savoir-faire ou d’un investissement intellectuel, ainsi que la banalité
pour un site de présenter des éléments d’identification et, pour un site marchand, de comporter les rubriques
sus-évoquées en faisant, notamment, appel à des effets techniques, dès lors que c’est la présentation générale
du site résultant de la coexistence et de l’agencement de ses différentes composantes qui est revendiquée en ce
qu’elle est porteuse d’une attractivité particulière ;
Que, par ailleurs, la société Debonix réfute à juste titre l’argumentation adverse selon laquelle les points
communs entre les sites opposés, que cette dernière qualifie de naturels, s’expliquent rationnellement par
des raisons étrangères à toute velléité de parasitisme en exposant qu’assurant un confort de navigation, leurs
présentations répondent à des objectifs d’ergonomie connus et recommandés dans une pléthore de sites ou
ouvrages destinés à conseiller les éditeurs, qu’en outre, tout site de commerce électronique a pour finalité de
transformer le visiteur en acheteur et que tous les sites marchands sont constitués de modules-clé-en-main
utilisés par les prestataires de développement de sites e-commerce ;
Qu’il ressort, en effet, du constat d’huissier et des documents produits (pièces 7 et 10), que les deux sites en
cause ont une présentation différente de celle des sites concurrents (Outillage-on-line, Foussier, Outillage 2000,
Brico Spirit), qu’aucun ne reprend à l’identique celle du site , pris dans sa généralité, si bien que cette dernière
ne peut être tenue pour nécessaire et que l’importante similitude observée entre les deux sites opposés ne saurait
être considérée comme fortuite ;
Qu’en outre, le fait que la société intimée justifie, de son côté, des dépenses exposées pour créer son propre site
n’est, pas en soi, de nature à écarter le grief de parasitisme ;
Qu’invoquant à juste titre la similitude de présentation générale des sites respectivement accessibles par les
adresses et , et non point une identité de codes sources vainement déniée par l’intimée, ainsi que la singularité
de celui qu’elle a commencé à exploiter une année avant son concurrent, la société Debonix est fondée à se
prévaloir d’une faute de ce dernier commise à son préjudice ;
Qu’il y a lieu de considérer qu’en adoptant comme elle l’a fait une présentation de son site que rien n’imposait,
la société Quincaillerie Angles, faussant le jeu d’une saine concurrence, a employé une stratégie commerciale
tendant à rechercher une proximité avec le commerce en ligne de son concurrent agissant dans le même
domaine de l’outillage, en s’épargnant, ce faisant, toute perte de temps et coûteuses recherches potentiellement
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répercutables sur ses prix de vente ou rognant ses bénéfices, et l’a privée, de plus, de l’entier profit qu’elle
pouvait légitimement attendre, à terme, de ses investissements, peu important, au stade de l’appréciation de
la faute, que le nombre de visiteurs ou le chiffre d’affaires de la société Debonix n’aient pas été sensiblement
affectés ;
Que le jugement qui en décide autrement doit, par conséquent, être infirmé ;
Sur les mesures réparatrices
Considérant que pour solliciter l’allocation d’une somme indemnitaire de 75 000 euros, la société Debonix
invite la cour à prendre cumulativement en considération le fait qu’elle exerce une grande part de son activité
sur internet, le ralentissement de sa croissance à partir du juin 2012 avec une baisse de fréquentation de son site
de 2 % malgré ses efforts publicitaires et alors qu’elle avait augmenté de 20 % puis de 17 % les deux trimestres
précédents, la réception de plaintes de nombreux clients qui ont confondu les deux sites et, de plus, la nécessité
dans laquelle elle s’est trouvée de modifier le site créé en 2011, objet de ses investissements ;
Considérant que si, pour affirmer que cette demande est injustifiée et disproportionnée, l’intimée objecte
justement que les chiffres avancés ne tiennent pas compte du contexte saisonnier ou de la situation générale de
la concurrence, ni ne sont mis en perspective sur le court ou moyen terme, qu’en outre, les plaintes évoquées
ne sont qu’alléguées et que des raisons techniques et de marketing conduisent les opérateurs à modifier
régulièrement leurs sites marchands, il n’en demeure pas moins que la faute retenue n’a pu avoir que des
conséquences économiques négatives pour la société Debonix privée d’un avantage concurrentiel et de la
rentabilisation optimale de ses investissements ;
Qu’eu égard à l’ensemble de ces éléments il lui sera alloué une somme de 15 000 euros en réparation du
préjudice subi ;
Que cette somme le réparant à suffisance, il n’y a pas lieu d’accueillir les demandes de publication par ailleurs
formées ;
Sur les autres demandes
Considérant que le jugement sera infirmé en ses dispositions fondées sur les dispositions de l’article 700 du
code de procédure civile ; que l’équité commande d’allouer à la société Debonix une somme de 8 000 euros
à ce titre ;
Que, déboutée de ce dernier chef de prétentions, la société Quincaillerie Angles qui succombe supportera les
dépens de première instance et d’appel ;
DECISION
Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau ;
Dit qu’en exploitant le site internet à compter du mois de juin 2012 pour commercialiser en ligne de l’outillage,
la société Quincaillerie Angles SAS a commis des actes de parasitisme au préjudice de la société Debonix France
SAS exploitant le site internet à compter de mars 2011 afin de commercialiser sur internet ces mêmes produits ;
Condamne la société Quincaillerie Angles SAS à verser à la société Debonix France SAS la somme de
15 000 euros en réparation de son préjudice ;
Déboute la société Debonix France SAS de ses demandes de publication ;
Déboute la société Quincaillerie Angles SAS de ses prétentions ;
Condamne la société Quincaillerie Angles SAS à verser à la société Debonix France SAS une somme de
8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens avec
faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
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RIPIA n° 265
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
21 AVRIL 2016
Région Languedoc Roussillon
Contre
M. Azedine D
E N REGI STREM ENT MAR QUE – R EG ION –
C A R AC TERE I NSTI TU TIONNEL – CONFUSION
Synthèse
Dans cet arrêt du 21 avril 2016, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a rappelé le champ de protection à accorder
au nom d’une collectivité territoriale.
Le 13 octobre 2014, M. Azedine a déposé à l’INPI une demande d’enregistrement portant sur le signe
complexe « LANGUEDOC ROUSSILLON LA REGION C’EST VOUS » constitué de la carte de la région
Languedoc Roussillon de couleur jaune entourée de photos, façon carte postale.
Le 7 janvier 2015, la Région Languedoc Roussillon forme une opposition à l’enregistrement de cette marque,
sur la base de son droit sur la marque complexe « la région Languedoc Roussillon » inscrite en lettres blanches
et jaunes placées dans un rectangle rouge brique accompagné d’un logo constitué de figures géométriques
jaunes et blanches.
Le 6 juillet 2015, le directeur général de l’INPI rejette cette opposition, estimant que « les services d’abonnement
à des services de télécommunications pour les tiers » de la marque « LANGUEDOC ROUSSILLION LA
REGION C’EST VOUS » ne sont pas similaires aux « services d’abonnement à des journaux, diffusion de
matériel publicitaire, gestion de fichiers informatiques… » de la marque antérieure.
Insatisfaisante de cette décision, la société Languedoc Roussillon décide de former un recours devant la cour
d’appel.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence ainsi saisie, estime que la similitude est forte dès lors que le signe contesté
présente un caractère institutionnel par la carte de la région et des photographies de sites touristiques. De
plus, elle souligne que la reprise du nom de la collectivité territoriale sur la marque exploitée, ainsi que le code
couleur qui est associé à certains éléments comme une carte, peut entrainer une confusion dans l’esprit du
public qui aura tendance à attribuer une origine commune aux produits et services proposés. Cependant, la
cour souligne que l’imitation s’apprécie au regard de l’impression d’ensemble, en tenant compte des éléments
distinctifs et dominants. Au final, la cour considère que sur le plan visuel, les signes ne comportent pas la même
physionomie et disposent d’une structure distincte. Sur le plan verbal, les signes possèdent les mêmes termes,
mais disposés dans un ordre différent. Enfin, sur le plan conceptuel, l’un dispose d’un but touristique, tandis
que l’autre est une collectivité territoriale.
En conséquence, la Cour d’appel rejette la demande de la région Languedoc Roussillon au motif qu’aucune
confusion n’est possible.
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RIPIA n° 265
Arrêt
Le 13 octobre 2014, Monsieur Azedine D a déposé la demande d’enregistrement n° 14 4 125 341 portant sur
le signe complexe ‘Languedoc Roussillon la région c’est vous’ constitué de la carte de la région Languedoc
Roussillon de couleur jaune entourée de photos façon cartes postales à dominante bleue. Le signe est destiné à
distinguer les produits et services suivants : ‘produits de l’imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ;
articles de papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ;
pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l’exception des meubles); matériel d’instruction ou
d’enseignement ( à l’exception des appareils); caractères d’imprimerie ; clichés ; papier ; carton ; boites en
carton ou en papier ; affiches ; albums ; cartes ; livres ; journaux ; prospectus ; brochures ; calendriers ;
instruments d’écriture ; objets d’art gravés ou lithographiés ; tableaux (peintures) encadrés ou non ; aquarelles ;
patrons pour la couture ; dessins ; instruments de dessin ; mouchoirs de poche en papier ; serviettes de toilette
en papier ; linge de table en papier ; papier hygiénique ; sacs et sachets (enveloppes, pochettes) en papier ou en
matières plastiques pour l’emballage ; sacs à ordures en papier ou en matières plastiques ; publicité ; gestion des
affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; diffusion de matériel publicitaire
(tracts, prospectus, imprimés, échantillons); services d’abonnement à des journaux (pour des tiers); services
d’abonnement à des services de télécommunication pour les tiers ; présentation de produits sur tout moyen de
communication pour la vente au détail ; conseils en organisation et direction des affaires ; comptabilité ;
reproduction de documents ; bureaux de placement ; portage salarial ; gestion de fichiers informatiques ;
optimisation du trafic pour les sites web ; organisation d’expositions à buts commerciaux ou de publicité ;
publicité en ligne sur un réseau informatique  ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication  ;
publication de textes publicitaires ; locations d’espaces publicitaires ; diffusion d’annonces d’intermédiation
commerciale (conciergerie); éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ;
informations en matière de divertissement ou d’éducation ; recyclage professionnel ; mise à disposition
d’installations de loisirs  ; publication de livres  ; prêt de livres  ; production et location de films cinématographiques  ;
location d’enregistrements sonores ; location de postes de télévision ; location de décors de spectacles ; montage
de bandes vidéos  ; service de photographie  ; organisation de concours (éducation ou divertissement);organisation
et conduite de colloques, conférences ou congrès ; organisation d’expositions à but culturels ou éducatifs ;
réservation de places de spectacles ; services de jeu proposés en ligne à partir d’un réseau informatique ; service
de jeux d’argent ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ; micro-édition.’ Le 7 janvier
2015, la Région Languedoc Roussillon a formé opposition à l’enregistrement de cette marque sur la base de la
marque complexe ‘ la région Languedoc Roussillon’ inscrite en lettres blanches et jaunes dans un rectangle de
couleur rouge brique comportant également un logo constitué de figures géométriques jaunes et blanches.
Cette marque déposée le 26 mai 2008 et enregistrée sous le numéro 3578 451 désigne les produits et services
suivants : ‘produits de l’imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; articles de papeterie ; adhésifs
(matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et
articles de bureau ( à l’exception des meubles); matériel d’instruction ou d’enseignement à l’exception des
appareils); caractères d’imprimerie ; clichés ; papier ; carton ; boites en carton ou en papier ; affiches ; albums ;
cartes ; livres ; journaux ; prospectus ; brochures ; encadrés ou non ; aquarelles ; patrons pour la couture ;
dessins ; instruments de dessin ; mouchoirs de poche en papier hygiénique ; sacs et sachets (enveloppes,
pochettes) en papier ou en matières plastiques pour l’emballage ; sacs à ordure en papier ou en matières
plastiques ; publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ;
diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons);services d’abonnement à des
journaux (pour des tiers);conseils en organisation et direction des affaires ; comptabilité ; reproduction de
documents ; bureaux de placement ; gestion de fichiers informatiques ; organisation d’expositions à buts
commerciaux ou de publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire
sur tout moyen de communication ; publication de textes publicitaires ; locations d’espaces publicitaires ;
diffusion d’annonces publicitaires ; relations publiques ; éducation ; formation ; divertissement ; activités
sportives et culturelles ; informations en matière de divertissement ou d’éducation ; services de loisir ;
publication de livres  ; prêts de livres  ; production de film sur bandes vidéo  ; location de films cinématographiques  ;
location d’enregistrements sonores ; location de postes de télévision ; location de décors de spectacles ;
montages de bandes vidéo ; services de photographie ; organisation de concours (éducation ou
divertissement);organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès ; organisation d’expositions à
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RIPIA n° 265
buts culturels ou éducatifs ; réservation de places de spectacles ; services de jeu proposés en ligne à partir d’un
réseau informatique ; service de jeux d’argent ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ;
micro-édition.’ Par décision du 6 juillet 2015, le Directeur de l’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE
INDUSTRIELLE a rejeté l’opposition. Par déclaration au greffe de la Cour du 6 août 2015, la Région
Languedoc-Roussillon a formé un recours motivé à l’encontre de cette décision. Par mémoire récapitulatif du
22 février 2016, la LANGUEDOC ROUSSILLON demande à la Cour de : REGION — annuler la décision
du Directeur de l’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE du 6 juillet 2015,
— déclarer l’opposition formulée par la Région Languedoc Roussillon recevable et bien fondée, — rejeter la
demande d’enregistrement déposée par Monsieur Azedine D sous le numéro 14 4 125 341 pour l’intégralité
des produits et services désignés. La REGION LANGUEDOC ROUSSILLON soutient : — que l’intégralité
des produits et services désignés dans la demande d’enregistrement sont identiques ou similaires à ceux désignés
par la marque antérieure, — que c’est à tort que le Directeur de l’ INSTITUT NATIONAL DE LA
PROPRIETE INDUSTRIELLE a considéré que les ‘services d’abonnement à des services de télécommunication
pour les tiers’ de la demande d’enregistrement contestée ne sont pas similaires aux ‘ services d’abonnement à
des journaux (pour des tiers); diffusion de matériel publicitaire (tracts prospectus, imprimés, échantillons);
gestion de fichiers informatiques ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire
sur tout moyen de communication’ de la marque antérieure, — que c’est également à tort que le Directeur de
l’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE a considéré les ‘services d’intermédiation
commerciale (conciergerie)’ ne sont pas similaires à des services désignés par la marque antérieure, — que les
deux marques produisent une impression d’ensemble similaire entraînant un risque de confusion, — qu’il
existe une similitude phonétique en ce que les deux marques ont en commun les termes ‘la région’ et
‘Languedoc Roussillon’, le terme ‘c’est vous ‘ étant insuffisant à conférer un caractère distinctif au signe
contesté, — qu’il existe une similitude visuelle importante accentuée par la reprise des couleurs, — que la
similitude conceptuelle est considérable dès lors que le signe contesté présente un caractère institutionnel
caractérisé par la carte de la région et les photographies de sites touristiques, — que les éléments figuratifs du
signe contesté sont banaux ce qui conduira le public à s’attacher aux éléments verbaux, — que la reprise du
nom de la collectivité territoriale figurant dans une marque exploitée depuis plusieurs années ainsi que son code
couleur, associés à certains éléments comme une carte, entraîne nécessairement une confusion dans l’esprit du
public qui aura tendance à attribuer une origine commune aux produits et services proposés Monsieur Azedine
D, régulièrement convoqué par le greffe par lettre recommandée avec accusé de réception distribuée le 23
novembre 2015, n’a pas déposé de mémoire. Le Directeur de l’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE
INDUSTRIELLE conclut au rejet du recours. Le Ministère Public a été entendu en ses observations.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les services Les ‘services d’abonnement à des services de télécommunication pour les tiers’ de la marque
contestée, qui désignent des services technique de communication, ne présentent pas les mêmes objets, fonction
et destination que les ‘ services d’abonnement à des journaux (pour des tiers); diffusion de matériel publicitaire
(tracts prospectus, imprimés, échantillons); gestion de fichiers informatiques ; publicité en ligne sur un réseau
informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication’ de la marque antérieure,
et ne sont pas liés par un lien de complémentarité. De même, les ‘services d’intermédiation commerciale
(conciergerie)’ de la demande d’enregistrement contestée ne présentent pas de similarité avec les services de
‘publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; diffusion
de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons ; services d’abonnement à des journaux
(pour des tiers); conseils en organisation et direction des affaires ; comptabilité ; reproduction de documents ;
bureaux de placement ; gestion de fichiers informatiques ; organisation d’expositions à buts commerciaux ou
de publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen
de communication ; publication de textes publicitaires ; location d’espaces publicitaires ; relations publiques’
de la marque antérieure, le consommateur ne pouvant leur attribuer une origine commerciale commune.
C’est en conséquence à juste titre que le Directeur de l’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE
INDUSTRIELLE a exclu toute similarité entre ces services. Sur les signes L’imitation s’apprécie au regard de
l’impression d’ensemble produite par les signes, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.
Sur le plan visuel, les signes ne présentent pas la même physionomie d’ensemble et possèdent une structure
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RIPIA n° 265
distincte en ce que la marque complexe antérieure ‘ LA REGION LANGUEDOC ROUSSILLON ‘est
inscrite en lettres blanches et jaunes dans un rectangle de couleur rouge brique comportant également un
logo constitué de figures géométriques en forme d’étoiles jaunes et blanches, tandis que la marque complexe
contestée ‘LANGUEDOC ROUSSILLON LA REGION C’EST VOUS’ est constituée de la carte de la région
Languedoc Roussillon de couleur jaune entourée de photos façon cartes postales à dominante bleue (ciel et
mer). Les séquences verbales comportent chacune les termes LA REGION et LANGUEDOC ROUSSILLON,
mais dans un ordre différent et le signe contesté se distingue de la marque antérieure par l’adjonction du
terme ‘C’EST VOUS’. Sur le plan verbal, les deux signes se distinguent par leur rythme, le signe contesté
se prononçant en trois temps d’une manière dynamique à la façon d’un slogan contrairement à la marque
antérieure. Sur le plan conceptuel, la marque contestée présente une forte connotation touristique et interpelle
le consommateur, alors que la marque antérieure évoque une collectivité territoriale. Par ailleurs, la séquence
‘LANGUEDOC ROUSSILLON’ qui est descriptive doit rester à la libre disposition de tous conformément
aux dispositions de l’article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle. L’absence de ressemblance sur le
plan visuel, phonétique et intellectuel des signes concernés est de nature à écarter tout risque de confusion,
l’identité ou la similarité d’un certain nombre de produits et services ne pouvant à elle seule générer un risque
de confusion. Le recours formé par la REGION LANGUEDOC ROUSSILLON à l’encontre de la décision
du Directeur de l’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE du 6 juillet 2015 sera
en conséquence rejeté. Le surplus des demandes formées par la REGION LANGUEDOC ROUSSILLON
aux fins de voir déclarer l’opposition formulée par la Région Languedoc Roussillon recevable et bien fondée
et rejeter la demande d’enregistrement déposée par Monsieur Azedine D sous le numéro 14 4 125 341 pour
l’intégralité des produits et services désignés, sont irrecevables, les pouvoirs de la Cour étant limités à l’examen
du recours en annulation qui est dépourvu d’effet dévolutif.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en dernier ressort par arrêt réputé contradictoire Rejette le recours formé par la REGION
LANGUEDOC ROUSSILLON à l’encontre de la décision n° OPP 15-352/JM du Directeur de l’INSTITUT
NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE du 6 juillet 2015, Dit que le présent arrêt sera notifié
par le greffe conformément à l’article R 411-26 du code de la propriété intellectuelle.
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RIPIA n° 265
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
3 MAI 2016
Venaty France
Contre
Pindière France
RE P R O D U C TI O N I D ENTI QUE – CONT R EFA CON –
RE PRESENTANTS D E LA FOR CE PUB LIQUE –
C O NC U RRENCE DELOYALE
Synthèse
Le 3 mai 2016, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’articulation entre la concurrence déloyale et la
contrefaçon.
En l’espèce, constatant en 2009, que la société Venaty avait mis en vente 410 paires de chaussures achetées
auprès de la société Cratones Modabella d’Alicante, suspectées de violer son modèle de chaussure Jumpo,
créé en 2007 pour la collection 2008, la société nantaise Pindière, l’assigne pour contrefaçon et concurrence
déloyale.
Les juges ont estimé que les produits vendus par Venaty constituaient bien une reproduction à l’identique du
modèle Jumpo, créé et vendu par Pindière sous la marque Karston en 2008, et commercialisé pour le quart du
prix de l’original.
La société Venaty conteste cette décision devant la cour d’Appel de Rennes, soulevant la nullité du procès-verbal
de contrefaçon établi à son encontre, au motif que la date du dit-procès-verbal était erronée et que l’ordonnance
du président du tribunal de grande instance de Nantes n’autorisait l’huissier à se faire accompagner que d’un
représentant de la force publique, d’un mandataire de la requérante et d’un photographe, et non par trois
huissiers.
Aussi, le 12 juin 2014, les juges de la cour d’appel se prononcent sur, la validité du procès-verbal, la
caractérisation de la contrefaçon et la concurrence déloyale.
S’agissant du procès-verbal, la cour considère que les huissiers étaient tout trois compétents territorialement
pour délivrer cette assignation et que l’ordonnance du président du tribunal de grande instance avait autorisé
la société requérante à procéder à une saisie-contrefaçon. Le procès-verbal de saisie concluant que les chaussures
litigieuses étaient des copies conformes des chaussures fabriquées et vendues par la société Pindière, présentant
la même forme et la même découpe, est donc bien validé.
La contrefaçon étant reconnue, la société Venaty est condamnée à indemniser la société requérante.
S’agissant de la concurrence déloyale, les juges d’appel ont décidé de ne pas la retenir. Selon eux, cette action ne
se distingue pas de celle en contrefaçon. Ainsi, bien que la contrefaçon des chaussures ait porté le discrédit sur
la marque auprès des clients et des consommateurs, les juges d’appel rejettent l’action en concurrence déloyale
estimant que le préjudice a déjà été compensé au motif de la contrefaçon.
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RIPIA n° 265
La société Venaty France décide de former un pourvoi. La Cour de cassation casse et annule la décision de la
cour d’Appel au motif que celle-ci a violé les articles L.521-1 du code de la propriété intellectuelle ainsi que
l’article 1382 du Code Civil en rejetant la demande de dommage et intérêts pour parasitisme et concurrence
déloyale et précise que l’action en concurrence déloyale ne nécessite pas la démonstration d’une concurrence
directe et effective.
Arrêt
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Venaty France que sur le pourvoi incident relevé par
la société Pindière France ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’à la requête de la société Pindière France (la société Pindière), un procèsverbal de saisie-contrefaçon portant sur des chaussures a été dressé le 7 juillet 2009 dans les locaux de la société
Venaty France (la société Venaty) ; que se fondant sur ce document, la société Pindière a assigné la société
Venaty et la société Creaciones Moda Bella SL (la société Creaciones) en contrefaçon et concurrence déloyale ;
que la société Venaty a invoqué la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon au regard des circonstances
dans lesquelles il avait été dressé ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que la société Venaty fait grief à l’arrêt de déclarer valable le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé
par M. A... le 7 juillet 2009 alors, selon le moyen :
1°/ qu’à peine de nullité des opérations de saisie, dont le procès-verbal, l’huissier instrumentaire a le devoir de
respecter les termes de l’ordonnance qui autorise la saisie-attribution et qui en fixe les conditions ; que tel n’est pas
le cas s’il se fait accompagner par trois huissiers en violation des dispositions de l’ordonnance qui ne l’y autorisent
pas expressément et précisément ; que l’arrêt attaqué a jugé au contraire que cette circonstance ne rendait pas nul
le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 juillet 2009 au prétexte que l’ordonnance du président du tribunal de
grande instance de Nantes du 2 juillet 2009 n’excluait pas que l’huissier instrumentaire se fît accompagner par
trois confrères, que la présence d’un commissaire de police garantissait la régularité des opérations et que la société
Venaty ne justifiait pas d’un grief comme l’exigeait l’article 114 du code de procédure civile ; qu’en statuant ainsi,
après avoir constaté que l’ordonnance du 7 juillet 2009 n’autorisait l’huissier instrumentaire à se faire accompagner
que par un représentant de la force publique, par un mandataire de la requérante et par un photographe, non
pas par trois huissiers, la cour d’appel a violé les articles L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle et 114 du
code de procédure civile, ensemble le principe de l’inviolabilité du domicile et les articles 9 du code civil et 8 de
la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
2°/ qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa
prétention ; qu’en tranchant le litige sur la base du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 juillet 2009, quand
il était illégal en ce que l’huissier instrumentaire s’était fait accompagner de trois autres huissiers en violation
des dispositions de l’ordonnance du 2 juillet 2009, de sorte qu’elle devait écarter des débats cette preuve illicite,
la cour d’appel a violé les articles 9 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, d’une part, qu’après avoir rappelé que l’ordonnance avait autorisé l’huissier instrumentaire « à se
faire accompagner, le cas échéant, par tout représentant de la force publique et par un mandataire de la requérante
pris en dehors de ses préposés » ainsi que par « tout photographe de son choix pour procéder à toute prise de
vue qui serait jugée nécessaire en vue d’apporter la preuve de la contrefaçon alléguée », l’arrêt relève que l’acte de
saisie-contrefaçon a été dressé par un huissier instrumentaire territorialement compétent, qui a personnellement
accompli l’ensemble des diligences qui lui incombaient, accompagné d’un officier de police dont la présence
était de nature à garantir la régularité des opérations effectuées ; qu’après avoir relevé la nécessité pour l’huissier
instrumentaire d’être accompagné au cours de cette opération, qui a duré plus de deux heures et a donné lieu à
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RIPIA n° 265
de nombreuses copies de listing et catalogues qu’il a visées et paraphées lui-même, l’arrêt constate que les trois
huissiers qui l’accompagnaient se sont bornés à prendre les soixante-dix photographies accompagnant le procèsverbal, après avoir décliné leur qualité et présenté leur carte professionnelle, et que la société Venaty ne justifie
d’aucun grief résultant de leur présence ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a
justement retenu, sans méconnaître les exigences de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que ces circonstances ne justifiaient pas l’annulation du
procès-verbal de saisie-contrefaçon et des actes qui en dépendaient ;
Et attendu, d’autre part, que le rejet du premier grief rend inopérant le second ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n’est
manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le même moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l’article 1382 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts fondée sur des actes de concurrence déloyale et de
parasitisme, l’arrêt retient que les agissements en cause ne constituent pas des éléments distincts de ceux de la
contrefaçon ;
Qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que le fait d’apposer la marque Modabella sur la chaussure
contrefaisante jetait le discrédit sur la collection Karston auprès des clients mais également auprès des
consommateurs et qu’il en résultait une atteinte portée à l’image de la marque Karston, faits distincts de la copie
servile du modèle Jimbo retenue au titre de la contrefaçon, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences
légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi principal ;
Et sur le pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de dommages-intérêts de la société
Pindière France au titre des actes de concurrence déloyale et de parasitisme reprochés aux sociétés Venaty
France et Creaciones Moda Bella SL, l’arrêt rendu le 14 mai 2013, entre les parties, par la cour d’appel de
Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit
arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la société Venaty France aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Pindière France la somme de 3
000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour
être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le
président en son audience publique du trois mai deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent Arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société
Venaty France
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RIPIA n° 265
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR déclaré valable le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par Maître
Philippe A... le 7 juillet 2009, dit que les modèles de chaussure « Metal asport », « Negro » et « Hielo » qui ont
été saisis constituaient des contrefaçons des modèles de chaussure « Jimbo », condamné les sociétés VENATY
FRANCE et CREACIONES MODA BELLA à payer à la société PINDIERE FRANCE 150 000 € en
réparation de l’atteinte au droit d’auteur, interdit aux sociétés VENATY FRANCE et CREACIONES MODA
BELLA S. L. de fabriquer, importer, exposer et vendre les modèles reproduisant les modèles « Jimbo », ordonné
la destruction de tout modèle reproduisant les modèles « Jimbo », et ordonné la publication de son dispositif
dans trois journaux choisis par la société PINDIERE FRANCE aux frais des sociétés VENATY FRANCE et
CREACIONES MODA BELLA S. L. dans la limite de 3 000 € par publication ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Sur le procès-verbal de saisie contrefaçon dressé, la société Venaty France
sollicite la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon dressé le 22 juillet 2009 ; qu’il résulte des pièces du
dossier que la date ainsi indiquée est erronée, le procès-verbal étant du 7 juillet 2009 ; qu’il s’agit d’une simple
erreur matérielle ; que l’acte dressé le 7 juillet 2009 l’a été par maître A..., qui est territorialement compétent
qu’il ait été domicilié à l’une des deux adresses de sa double domiciliation de St Julien de Vouvantes ou encore
Nozay ; qu’il s’est fait accompagner de trois huissiers de justice associés près le tribunal de grande instance
de Nantes et domiciliés respectivement à Nort sur Erdre (44390) et Ancenis (44150), d’ailleurs également
compétents territorialement, lesquels constituent désormais au vu de l’assignation du 22 juillet 2009 la SCP
d’huissiers de justice associés C..., A...- D... ; que Me A... était également compétent territorialement pour
délivrer l’assignation à la société Venaty du 22 juillet 2009 ; que l’ordonnance du président du tribunal de
grande instance de Nantes du 2 juillet 2009 a autorisé la société Pindière SAS à faire procéder conformément
aux dispositions des articles L. 332-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle à une saisie contrefaçon ;
que l’ordonnance autorise l’huissier instrumentaire « à se faire accompagner, le cas échéant, par tout
représentant de la force publique et par un mandataire de la requérante pris en dehors de ses préposés » ; mais
également par « tout photographe de son choix pour procéder à toute prise de vue qui serait jugée nécessaire
en vue d’apporter la preuve de la contrefaçon alléguée » ; que cette mission n’exclut pas que l’huissier puisse se
faire accompagner s’il l’estime utile par des confrères, précision apportée que le procès-verbal mentionne que
les trios huissiers, ont été présentés par Me A..., ont décliné leur qualité et présenté leur carte professionnel
et n’ont pris que des photographies, l’ensemble des autres diligences ayant été personnellement accomplis par
l’huissier instrumentaire ; leurs identités figurent au procès-verbal qu’ils ont également signé avec huissier
instrumentaire ; que les opérations ont duré plus de deux heures, et environ 70 photographies ont été prises,
outre copie de listings de factures, de clients, copies du catalogue et tarifs du modèle, effectuées par Me A...,
visés et paraphés par lui, ce qui démontre au besoin la nécessité d’une assistance aux opérations de l’huissier
instrumentaire ; que par ailleurs la présence d’un officier de police ; que néanmoins, pour bénéficier de la
protection au titre du droit d’auteur il convient de déterminer si la création revendiquée par la société Pindière
comme bénéficiant de cette protection porte l’empreinte de la personnalité de son auteur ; que Jean-Michel
Z..., styliste modéliste de la société Pindière atteste avoir créé ce modèle en mars 2007 lors du développement
de la collection printemps-été 2008, dans l’atelier de Saint Macaire en Mauges ; qu’il s’il n’indique pas en
quoi consiste l’originalité de sa création la société Pindière produit le détail des fournitures qui entrent dans la
composition de cette chaussure, ainsi que l’identité des fournisseurs des différents matériaux, les nomenclatures
des articles, le patron effectué de la chaussure ; que ces chaussures présentent une forme et une découpe
assez particulière en ce sens qu’elle présente à l’avant et à l’arrière du modèle une même découpe caractérisée
notamment par une forme d’un serpent sur l’avant de la chaussure dont les yeux seraient constitués de découpes
faisant apparaître le pied ; que la bride comporte également trois pastilles rondes en métal et l’aspect est celui
d’un cuir métallisé ; que l’agencement de ces différents éléments est original ; qu’il convient de relever que sur
le catalogue de la société Venaty France, ce modèle ne peut être confondu avec d’autres qui présenteraient des
caractéristiques similaires ; que l’impression d’ensemble de ce modèle Jimbo est particulière, ce d’autant que le
bout de pied de la chaussure et recourbé vers le haut et ne touche pas le sol comme l’ensemble des déclinaisons
de cette ligne de marque KARSTON dont le modèle Jimbo fait partie au titre de la collection été 2008 ; que ce
modèle Jimbo fait partie au titre de la collection été 2008 ; que ce modèle Jimbo porte ainsi la personnalité de
son auteur et bénéficie donc de la protection du droit d’auteur ; qu’il n’est par ailleurs établi par un extrait du
catalogue « Modabella 2009 été 2009 » de la société Venaty France, que celle-ci a présenté à la vente une paire
de chaussures noire sous la référence 15 214 qui n’est que la copie conforme du modèle Jimbo, sous réserve de
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RIPIA n° 265
l’apposition de la marque Modabella sur la semelle intérieure et MDB gravé au dos ; qu’il résulte par ailleurs
du procès-verbal de saisie contrefaçon du 7 juillet 2009 que la société Venaty France a acquis selon factures
5005 du 12 février 2009, 5059, 5060 et 5061 du 6 mars 2009 des chaussures portant la marque Modabella
après de la société espagnole CRATONES MODABELLA au nombre total de 1611 paires dont 410 paires
portant la référence 15214 ; que la facture remise à l’huissier contre la saisie de deux paires, l’une noire et
l’autre grise du modèle Jimbo mentionne comme référence unique 15214 ; que d’autres chaussures sont
également désignées comme étant des Metal Asport Negro mais portent des références de modèle différentes
(ex : 15326, 15320, 15105 …) et il en et de même pour celles décrites comme étant des Metal Asport Hielo
qui pour certaines portent la référence 15214 mais pour d’autres une référence différente (15317, 15106 …) ;
que l’expert-comptable atteste par courrier du 29 juillet 2009 que l’état des ventes Venaty du modèle référencé
15214 de 24, 30 euros dans le catalogue été 2009, sans commune mesure avec le prix de vente consenti sur
l’original par la société Pindière à ses clients, 43, 50 €, et qui sont ensuite revendus au consommateur final
environ 100 euros ; que ces actes opèrent de fait un détournement de clientèle, portent atteinte à l’image de
la marque Karston, constituent également un parasitisme commercial de la société Pindière et en l’espèce de
l’une de ses trois marques ; que la société Pindière justifie par une attestation de son expert-comptable avoir
vendu sur la saison de l’été 2008 un nombre de 2405 paires de chaussures de modèle Jimbo, qui sont vendues
aux détaillants deux fois plus cher que les chaussures contrefaisantes ; que la société Pindière justifie ainsi de
conséquences économiques négatives qui résulte des conséquences de la contrefaçon, qui s’inscrivent dans la
même situation de fait mais qui ne constituent pas des éléments distincts de ceux de la contrefaçon et donc
une concurrence déloyale ; que l’atteinte au droit d’auteur et ses conséquences justifient une indemnisation
à hauteur de 150. 000 € ; que le jugement sera donc infirmé sur ces points ; qu’il convient par ailleurs de
confirmer les demandes d’interdiction de poursuivre les actes contrefaisants, ainsi que de confiscation, sans
qu’une astreinte soit néanmoins nécessaire ; qu’il y a lieu de dire que le dispositif du présent arrêt sera publié par
extraits dans 3 journaux au choix de la société Pindière et aux frais des défendeurs, sans que le coût de chaque
insertion puisse excéder la somme de 3. 000 euros » ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE : « l’acte de saisie-contrefaçon a été dressé le 7 juillet
2009 par un huissier de justice de Nantes, Maître Philippe A..., qui l’a signé, et qui s’est fait accompagner
par trois huissiers de son étude, dont les identités sont indiquées, qui sont mentionnés avoir pris les clichés
photographiques annexés au procès-verbal, et qui l’ont signé avec l’huissier instrumentaire ; que l’ordonnance
qui a autorisé cette saisie, datée du 2 juillet 2009, autorisait l’huissier instrumentaire à se faire accompagner de
tout photographe de son choix pour procéder à toute prise de vue qui serait jugée nécessaire en vue d’apporter
la preuve de la contrefaçon alléguée ; que la société Venaty France fait valoir aucun grief que lui aurait causé
l’irrégularité qu’il estime fondée sur la présence de ces trois huissiers qui ont accompagné Maître A... sur les
lieux ; qu’en conséquence il apparaît que la saisie-contrefaçon opérée est régulière en la forme par application
des dispositions de l’article 114 du code de procédure civile ; que les actes de contrefaçon sont établis par ce
procès-verbal d’où il apparaît que la société Venaty France éditait un catalogue pour l’été 2009 présentant à
la vente une paire de chaussures sous la référence 15214 comportant les caractéristiques originales du modèle
Jimbo de la marque Karston, chaussures portant la marque Modabella ; que la société Venaty avait acquis
ainsi qu’en justifient le factures des 12 février et 6 mars 2009 des chaussures auprès de la société espagnole
Creaciones Modabella, à Asport Negro ou Hielo, suivant la couleur noire ou blanche, qui ont été revendues
auprès de dix-sept clients ; que ces chaussures constituent des copies conformes des chaussures fabriquées et
commercialisées par la société Pindière sous le modèle Jimbo de la marque Karston ; qu’en effet elles présentent
la même forme et la même découpe à l’avant comme à l’arrière caractérisée notamment par une forme d’un
serpent sur l’avant de la chaussure dont les yeux seraient constitués de découpes faisant apparaître le pied ; que
la bride comporte également trois pastilles rondes en métal et que l’aspect est celui d’un cuir métallisé ; que
la société Pindière démontre avoir créé ce modèle original par la production d’une attestation de Jean-Michel
Z..., styliste modéliste de sa société, qui certifie avoir créé ce modèle en mars 2007 lors du développement de
la collection printemps-été 2008, dans l’atelier de Saint Macaire en Mauges ; que la société Pindière produit
le détail des fournitures qui entre dans la composition de cette chaussure, ainsi que l’identité des fournisseurs
des différents matériaux, les nomenclatures des articles, le patron de la chaussure et la preuve qu’elle a reçu
des commandes de ce modèle à compter du mois de septembre 2007 et qu’elle l’a vendu à compter du mois
suivant ; qu’elle a déposé le contenu de sa collection au sein d’une enveloppe transmise à l’INPI au mois de
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février 2008 ; qu’elle établit la notoriété de la marque Karston par la production d’un article de presse qui fait
état de ce que cette société emploie plus de 150 personnes sur son site choletais, dont une centaine directement
à la production, qui lui permettent de produire plus de mille paires par jour, dont Karston constitue l’une des
trois marques sous lesquelles elle commercialise ses chaussures ; que la société Pindière établit donc avoir créé
le modèle original de chaussure Jimbo qui porte l’empreinte de la personnalité de son auteur, que la société
Creaciones Moda Bella a contrefait en la fabriquant et en l’important en France ; que la société Venaty a
participé à cette contrefaçon en détenant et commercialisant ce modèle contrefaisant, quelle que soit sa bonne
foi alléguée ; que l’atteinte alors portée au droit d’auteur de la société Pindière sera indemnisée par la somme
de 50. 000 euros, compte tenu de l’ampleur de la commercialisation frauduleuse ; qu’en outre les sociétés
Craciones Moda Bella et Venaty France ont commis des actes de concurrence déloyale en proposant à la vente
1611 paires de chaussures qui reproduisent les caractéristiques originales des chaussures Jimbo ; que la marque
Modabelle apposée sur la chaussure contrefaisant jette le discrédit sur la collection Karston auprès des clients
de la société Pindière dont il est justifié que l’un est commun à la société Venaty France et à la société Pindière,
Pinaud, de Poitiers, ainsi qu’auprès des consommateurs puisque les sociétés contrefaisantes profitent indûment
des efforts de création et de commercialisation de la société Pindière et proposent à la vente es chaussures à
bas prix, à savoir quatre fois mois cher que les chaussures originales ; que ces actes dévalorisent la marque
Karston, constituent un détournement manifeste de clientèle et reflètent une volonté délibérée de s’inscrire
dans le sillage de la société Pindière et de la marque Karston ; que la société Pindière subit donc un manque
à gagner et une perte financière qui sera justement indemnisée par la somme de 150. 000 euros, état précisé
que la société Pindière justifie par al production d’une attestation de son expert comptable Dominique B...
qu’elle a vendu sur la saison de l’été 2008 un nombre de 2405 paires de chaussures de modèle Jimbo, qui sont
vendues pour environ 80 euros de plus la paire que les chaussures contrefaisantes ; qu’il convient de faire droit
aux demandes d’interdiction sous astreinte de poursuivre les actes contrefaisants et de confiscation des modèles
en cause ; que le dispositif du présent jugement devra être publié dans deux journaux au choix de la société
Pindière aux frais des défenderesses, sans que le coût de chaque insertion puisse excéder 5. 000 euros que les
sociétés défenderesses qui succombent à l’instance, doivent en supporter les dépens ; qu’elles devront payer
la somme de 6. 000 euros à la société Pindière au titre de ses frais irrépétibles ; que le présent jugement sera
assorti de l’exécution provisoire à hauteur de la moitié des condamnations prononcées, qui apparaît nécessaire
et compatible avec la nature de l’affaire » ;
ALORS 1°) QUE : à peine de nullité des opérations de saisie, dont le procès-verbal, l’huissier instrumentaire a le
devoir de respecter les termes de l’ordonnance qui autorise la saisie-attribution et qui en fixe les conditions ; que
tel n’est pas le cas s’il se fait accompagner par trois huissiers en violation des dispositions de l’ordonnance qui
ne l’y autorisent pas expressément et précisément ; que l’arrêt attaqué a jugé au contraire que cette circonstance
ne rendait pas nul le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 juillet 2009 au prétexte que l’ordonnance du
président du tribunal de grande instance de Nantes du 2 juillet 2009 n’excluait pas que l’huissier instrumentaire
se fît accompagner par trois confrères, que la présence d’un commissaire de police garantissait la régularité
des opérations et que la société VENATY FRANCE ne justifiait pas d’un grief comme l’exigeait l’article 114
du code de procédure civile ; qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que l’ordonnance du 7 juillet 2009
n’autorisait l’huissier instrumentaire à se faire accompagner que par un représentant de la force publique, par
un mandataire de la requérante et par un photographe, non pas par trois huissiers, la cour d’appel a violé les
articles L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle et 114 du code de procédure civile, ensemble le principe
de l’inviolabilité du domicile et les articles 9 du code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ALORS 2°) QUE : il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès
de sa prétention ; qu’en tranchant le litige sur la base du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 juillet 2009,
quand il était illégal en ce que l’huissier instrumentaire s’était fait accompagner de trois autres huissiers en
violation des dispositions de l’ordonnance du 2 juillet 2009, de sorte qu’elle devait écarter des débats cette
preuve illicite, la cour d’appel a violé les articles 9 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
89
RIPIA n° 265
Moyen produit au pourvoi incident par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société Pindière France
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR débouté la société Pindière de sa demande de dommages
et intérêts au titre des actes de concurrence déloyale et de parasitisme commis par les sociétés Venaty France
et Creaciones Moda Belle SL ;
AUX MOTIFS QUE la société espagnole Creaciones Moda Bella a contrefait le modèle Jimbo en le fabricant et
en procédant à son importation en France ; que la société Venaty a participé à cette contrefaçon en détenant et
commercialisant ce modèle et ne peut se retrancher derrière sa bonne foi en alléguant son ignorance du caractère
contrefaisant du modèle ; que la société Pindière justifie avoir reçu des commandes de son modèle Jimbo à
compter de septembre 2007 et en a vendu à compter du mois suivant ; qu’elle justifie par un article de presse
qu’elle emploie plus de 150 personnes sur son site choletais, dont une centaine directement à la production,
qui lui permettent de produire plus de 1. 000 paires par jour ; que la marque Karston constitue l’une des trois
marques sous lesquelles elle commercialise ses chaussures et bénéficie ainsi d’une certaine renommée ; que la
société Venaty a vendu ses modèles contrefaisant le modèle original Jimbo, à plusieurs clients dont à la société
Penaud Frères qui est également un client de la société Pindière ; que la marque Modabella apposée sur la
chaussure contrefaisante jette le discrédit sur la collection Karston auprès des clients mais également auprès
des consommateurs dès lors que les sociétés Venaty France et Creaciones Moda Bella profitent des efforts de
création, de commercialisation, de publicité entreprise par la société Pindière et ont proposé à la vente à leurs
clients ces chaussures à un prix de 24, 30 euros dans le catalogue été 2009, sans commune mesure avec le prix
de vente consenti sur l’original par la société Pindière à ses clients, 43, 50 euros, et qui sont ensuite revendus
au consommateur final environ 100 euros ; que ces actes opèrent de fait un détournement de clientèle, portent
atteinte à l’image de la marque Karston, constituent également un parasitisme commercial de la société
Pindière et en l’espèce de l’une de ses trois marques ; que la société Pindière justifie par une attestation de son
expert-comptable avoir vendu sur la saison de l’été 2008 un nombre de 2. 405 paires de chaussures de modèle
Jimbo, qui sont vendues aux détaillants deux fois plus cher que les chaussures contrefaisantes ; que la société
Pindière justifie ainsi de conséquences économiques négatives qui résulte des conséquences de la contrefaçon,
qui s’inscrivent dans la même situation de fait mais qui ne constituent pas des éléments distincts de ceux de
contrefaçon et donc une concurrence déloyale ;
ALORS, 1°), QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la
contradiction ; qu’en relevant d’office le moyen tiré de ce que l’action en concurrence déloyale et parasitaire
ne reposait pas sur des faits distincts de ceux constitutifs de la contrefaçon, sans avoir au préalable invité les
parties, en particulier la société Pindière France, à présenter leurs observations sur ce point, la cour d’appel n’a
pas satisfait aux exigences de l’article 16 du code de procédure civile ;
ALORS, 2°) et en tout état de cause, QUE la cour d’appel a relevé que la société Venaty France avait vendu les
modèles contrefaits à un détaillant, également client de la société Pindière France, que l’apposition sur les modèles
contrefaits de la marque Modabella avait jeté le discrédit sur la marque Karston et que les modèles contrefaits
avaient été mis en vente à un prix « sans commune mesure » avec celui du modèle Jimbo commercialisé par la
société Pindière France ; qu’en rejetant l’action en concurrence déloyale et parasitaire, cependant que ces faits
fautifs constituaient des actes distincts de la copie servile du modèle Jimbo, seule constitutive de la contrefaçon,
la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles L. 521-1
du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil.
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RIPIA n° 265
COUR DE CASSATION
CHAMBRE CRIMINELLE
19 MAI 2016
Alima T (épouse K)
Contre
Givenchy
D E T E N T I O N ET I MP O RTANT ION DE MAR CHANDISES
C O N T R E F A I SAN TES – I MI TATI ON – R ISQUE DE CONFUSION –
I MP RE S S IO N D ’ENSEMBLE – VENT E PR ODUIT AUT HENT IQUE
Synthèse
Le 19 mai 2016, la chambre criminelle de la cour de Cassation a rendu un arrêt soulignant qu’un exploitant de
marque de luxe qui vend également des marques authentiques ne peut prétendre ignorer la présence d’articles
de contrefaçon dans son magasin.
Lors de leur visite le 28 janvier 2009, les agents des douanes ont constaté que de nombreux articles susceptibles
d’être des contrefaçons (Versace, Prada, Nina Ricci, Dolce Gabana, Calvin Klein, Armani, le temps des cerises,
Japan Rags et Givenchy) étaient vendus dans le magasin de Mme T.
La société Givenchy, représentée par L.V.M.H, et dont 4 sacs, 2 ceintures, 11 pantalons et 5 manteaux
contrefaisants ont été retrouvés, poursuit Mme T devant le tribunal de Mulhouse.
La défenderesse qui demande l’annulation de la procédure sur la base de l’article 63 ter estime que le procureur
de la République devait avoir connaissance d’une visite des locaux et lieux à usage professionnel, par les agents
des douanes.
Un procès-verbal ainsi que des documents explicatifs ont permis de prouver que le procureur de la république
près tribunal de grande instance de Mulhouse en avait bien connaissance. Aussi, les juges, considérant que seul
un examen attentif permettait de distinguer les deux logos de la marque Givenchy et du produit contrefaisant,
condamnent Mme T pour contrefaçon. La défenderesse interjette alors appel devant la cour d’appel de
Besançon.
La cour d’appel de Besançon estime également que les articles du magasin portent de façon très apparente un
logo qui imite largement le logo « 4G » de la marque Givenchy (marque déposée en 1991 à l’institut national
de la propriété industrielle), de telle sorte que seul un examen très attentif permettrait de distinguer les deux
logos.
Aussi, la cour a jugé Mme T responsable de fraude et l’a condamné à une amende de 63 600 euros et a ordonné
la confiscation des articles litigieux.
Mme Alima T contestant cette décision forme un pourvoi. La Cour de cassation confirme la décision de la
cour d’appel et juge que les produits litigieux étaient susceptibles de créer une confusion dans l’esprit des
consommateurs, ainsi qu’une confusion quant à une possible union entre les deux marques ou une déclinaison
de la marque Givenchy.
91
RIPIA n° 265
La cour rappelle que la gérante d’une société qui exploite un commerce de luxe où sont également vendus des
produits authentiques de marque ne peut ignorer l’existence d’articles de contrefaçon.
Ainsi, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé et confirme la condamnation de Mme T au paiement
d’une indemnisation pour contrefaçon fixée à 63 600 euros (calculé en fonction de la valeur des produits
contrefaisants).
Arrêt
Cour de cassation, ch. crim., 19 mai 2016 (Pourvoi N/2015/80571 ; M20160236) (Rejet du pourvoi formé
contre l’arrêt de la cour d’appel de Besançon, ch. correc., en date du 2 décembre 2014, rendu sur renvoi après
cassation ; arrêt de la Cour de cassation, ch. crim., en date du 30 octobre 2013, 2012/82950) ‒
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1 et 3, de la Convention européenne
des droits de l’homme, du principe à valeur constitutionnelle du respect des droits de la défense et des
articles préliminaire, 410, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale : « « en ce que l’arrêt attaqué
a rejeté la demande de Mme T, épouse K, tendant au renvoi de l’examen de l’affaire à une date ultérieure, a
déclaré Mme T, épouse K, coupable d’avoir, le 28 janvier 2009, à Mulhouse, commis les délits de détention
de marchandise réputée importée en contrebande et d’importation non déclarée de marchandises prohibées,
a condamné Mme T, épouse K, à une amende douanière de 63 600 euros et a ordonné la confiscation des
articles de contrefaçon saisis par procès verbal du 11 février 2009 ; aux motifs que régulièrement citée par acte
d’huissier du 17 octobre 2013 signifié suivant les modalités prévues à l’article 558 du Code de procédure pénale
(la lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée par l’huissier étant revenue avec la mention
« non réclamé »), Mme T n’a pas comparu et n’était pas représentée à l’audience ; qu’elle a, néanmoins, eu
connaissance de la citation puisqu’elle a fait parvenir à la cour, le 10 novembre 2014, une télécopie dans laquelle
elle indique qu’elle ne peut comparaître à l’audience du 17 novembre au motif qu’elle est dans l’obligation
d’assister sa mère malade ; que, sur la demande de renvoi, Mme T a joint à sa demande de renvoi par télécopie
un certificat établi, le 10 novembre 2014, par un médecin mulhousien qui certifie que Mme Rabia T, 71 ans,
présente un état de santé nécessitant l’aide de membre de sa famille en Algérie ; qu’outre qu’il est surprenant
qu’un médecin exerçant à Mulhouse puisse attester de l’état de santé d’une personne demeurant en Algérie, il
n’est pas démontré en tout état de cause que Mme T soit la seule personne apte à s’occuper de sa mère et qu’elle
ne puisse à tout le moins se faire remplacer temporairement ; que, dans ces conditions, la demande de renvoi
sera rejetée et l’arrêt sera contradictoire à signifier en application de l’article 410 du Code de procédure pénale ;
1o) alors qu’en énonçant, pour rejeter la demande de Mme T, épouse K, tendant au renvoi de l’examen de
l’affaire à une date ultérieure, justifiée par l’obligation dans laquelle elle se trouvait d’assister sa mère, Mme
Rabia T, qui était malade, que Mme T, épouse K, a joint à sa demande de renvoi par télécopie un certificat
établi, le 10 novembre 2014, par un médecin mulhousien qui certifiait que Mme Rabia T, 71 ans, présentait
un état de santé nécessitant l’aide de membres de sa famille en Algérie et qu’il était surprenant qu’un médecin
exerçant à Mulhouse puisse attester de l’état de santé d’une personne demeurant en Algérie, quand le certificat
médical, établi par M. Pierre W, docteur, le 10 novembre 2014, que Mme T, épouse K, avait joint à sa
demande tendant au renvoi de l’examen de l’affaire à une date ultérieure, ne mentionnait nullement que Mme
Rabia T demeurait en Algérie ou que c’était dans ce pays que l’aide de membres de sa famille était requise
et quand, tout au contraire, il résultait des documents joints à la demande de Mme T, épouse K, tendant au
renvoi de l’examen de l’affaire à une date ultérieure, que Mme Rabia T demeurait en France, la cour d’appel a
dénaturé les termes clairs et précis du certificat médical établi par M. Pierre W, docteur, le 10 novembre 2014,
en violation des dispositions, principe et stipulations susvisées ;
2o) alors que la comparution personnelle à l’audience des débats constitue, pour le prévenu, un droit ; qu’il en
résulte que ce n’est que lorsqu’il est établi que la comparution personnelle à l’audience des débats était possible
que les juridictions correctionnelles peuvent rejeter la demande du prévenu tendant au renvoi de l’examen de
l’affaire à une date ultérieure, justifiée par l’impossibilité, pour le prévenu,d’assister à l’audience des débats ;
qu’en énonçant, par conséquent, pour rejeter la demande de Mme T, épouse K, tendant au renvoi de l’examen
92
RIPIA n° 265
de l’affaire à une date ultérieure, justifiée par l’obligation dans laquelle elle se trouvait d’assister sa mère malade,
qu’il n’était pas démontré que Mme T, épouse K, soit la seule personne apte à s’occuper de sa mère et qu’elle
ne puisse à tout le moins se faire remplacer temporairement, la cour d’appel a violé les dispositions, principe
et stipulations susvisées.» ; Attendu qu’en refusant de faire droit à la demande derenvoi présentée par Mme T,
épouse K, par des motifs relevant de son pouvoir souverain d’appréciation, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté. »
-Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1 et 7 de la Convention
européenne des droits de l’homme, des articles 38, 215, 215 bis, 392, 414, 419, 423, 424, 426 et 428
du Code des douanes, des articles L. 713-3, L. 716-9 et L. 716-10 du Code de la propriété intellectuelle
telles qu’elles [sic] doivent être interprétées à la lumière de l’article 5 de la directive 2008/95/CE du 22
octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, des articles 111-2 et 111-3
du Code pénal et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale : « « en ce que l’arrêt attaqué a
déclaré Mme T, épouse K, coupable d’avoir, le 28 janvier 2009 à Mulhouse, commis les délits de détention
de marchandise réputée importée en contrebande et d’importation non déclarée de marchandises prohibées, a
condamné Mme T, épouse K, à une amende douanière de 63 600 euros et a ordonné la confiscation des articles
de contrefaçon saisis par procès-verbal du 11 février 2009 ; aux motifs que Mme T est la gérante de la Sarl
Millenium, dont le siège et l’activité sont à Mulhouse, qui est spécialisée dans la vente de prêt-à-porter de luxe ;
que, le 28 janvier 2009 à 11 heures, des agents de l’administration des douanes ont procédé, en application
des dispositions de l’article 63 ter du Code des douanes, à la visite des locaux à usage professionnel, magasin et
espace de stockage, de ladite société à Mulhouse ; que, lors de cette visite, les agents des douanes ont constaté
la présence de plusieurs articles susceptibles d’être des articles contrefaisant des marques connues à savoir les
marques Versace (456), Prada (4), Nina Ricci (6), Dolce et Gabbana (24), Calvin Klein (21), Givenchy (415),
Armani (65), le Temps des cerises (31) et Japan rags (6) ; que, s’agissant de la marque Givenchy, il était plus
précisément relevé dans le procès-verbal la présence de : - 4 sacs, 2 ceintures, 11 pantalons et 5 manteaux
marqués Givenchy ; - 345 chemises, 15 valises et 6 vanity-cases « marqués Bassini » et comportant un logo
contrefaisant apparemment la marque Givenchy ; qu’à la demande des propriétaires des marques concernées et
en application des dispositions de l’article 716-8 du Code de la propriété intellectuelle, les agents des douanes
ont retenu ces marchandises présumées contrefaisantes ; qu’après consultation des propriétaires des marques
concernées, il s’est avéré que ne pouvaient être des articles de contrefaçon que les 394 articles (376 chemises,
12 valises et 6 vanitycases) portant les signes « Bassini Collection » imitant le logo de la marque Givenchy ;
que les autres marchandises ont donc fait l’objet d’une restitution selon procès- verbal du 11 février 2009 ; que
la société Givenchy, représentée pour la circonstance par son mandataire, la société Lvmh, a déposé plainte le
18 février 2009 ; que, sur la régularité de l’action douanière au regard de l’article 63 ter du Code des douanes ;
que le tribunal a renvoyé Mme T des fins de la poursuite s’agissant des infractions douanières au motif qu’il
n’était pas démontré qu’il avait été satisfait aux dispositions de l’article 63 ter du Code des douanes exigeant que
le procureur de la République soit préalablement informé des visites des locaux et lieux à usage professionnels
par les agents des douanes ; qu’en l’espèce, le procès-verbal de constat et de visite du 28 janvier 2009 dont les
mentions font foi jusqu’à preuve du contraire mentionne que le procureur de la République près le tribunal de
grande instance de Mulhouse avait été informé de la visite des agents des douanes ; que figurent également dans
le dossier, d’une part, la télécopie datée du 26 janvier informant le procureur de la République près le tribunal
de grande instance de Mulhouse de la visite dans les locaux de la société Millenium le 28 janvier, d’autre part,
l’attestation de M. Claude G, inspecteur de deuxième classe à la brigade de surveillance des douanes des trois
frontières, qui certifie qu’il a bien envoyé la télécopie en cause le 29 janvier 2009 ; que la formalité prévue par
l’article 63 ter, alinéa 3, du Code des douanes a donc été observée en sorte que c’est à tort que le tribunal a
annulé le procès-verbal de constat du 28 janvier 2009 (no 1 de la procédure) ainsi que tous les actes subséquents
et relaxé en conséquence Mme T des délits douaniers ; que, sur le fond, il résulte des dispositions de l’article
38, § 4, et 428 du Code des douanes que sont considérées comme prohibées les marchandises contrefaisantes ;
qu’en l’espèce, les produits saisis dans le magasin de Mme T et marqués Tassini portent tous de façon très
apparente un logo imitant manifestement dans son aspect général, son graphisme et sa couleur le « logo 4G »
utilisé notoirement par la marque Givenchy et enregistré depuis le 10 janvier 1991 à l’institut national de la
propriété industrielle ainsi que sur l’ensemble de l’Union européenne ; qu’au vu des clichés en couleur figurant
au dossier, seul en effet un examen attentif permet de distinguer les deux logos et de discerner la représentation
93
RIPIA n° 265
d’un B et d’un S dans le logo litigieux, lettres qui correspondraient selon les explications de Mme T aux agents
des douanes aux initiales des noms des fondateurs (Barawi et Saïf) de la société syrienne « Bassini collection » ;
qu’ainsi pourvus d’un logo ressemblant à s’y méprendre à celui de la marque Givenchy, les produits litigieux,
même s’ils portent le nom de la marque « Bassini collection », sont, par l’impression d’ensemble qu’il dégagent,
susceptibles de créer une confusion dans l’esprit des consommateurs en leur faisant accroire sinon qu’il y
a identité des deux marques, du moins que leurs exploitants sont unis par des liens étroits et que Bassini
collection est une déclinaison de Givenchy ; qu’il s’agit donc bien de marchandises contrefaisantes frappées en
tant que telles d’une impossibilité d’importation ainsi qu’il résulte de l’article 716-9 du Code de la propriété
intellectuelle prévoyant et réprimant l’importation de marchandises contrefaites ; que ce n’est donc qu’à titre
surabondant que la cour observe que « durant l’enquête, M. S n’a pas été en mesure de produire un formulaire de
dédouanement pouvant être rattaché avec certitude aux marchandises litigieuses » que l’élément matériel du délit
est donc constitué ; que s’agissant de l’élément intentionnel, le détenteur ou l’importateur de marchandises de
fraude est, en application de l’article 392 du Code des douanes, présumé responsable de la fraude ; que gérante
d’une société exploitant un commerce de prêt-à-porter de luxe dans lequel sont vendus des produits de marque
et notamment d’authentiques produits Givenchy, Mme T ne pouvait ignorer que les produits Bassini qu’elle
avait importés irrégulièrement et présentés à la vente constituaient des contrefaçons ; que, dès lors, Mme T
qui ne rapporte la preuve de sa bonne foi sera déclarée coupable des délits douaniers qui lui sont reprochés ;
qu’en application de l’article 414 du Code des douanes, les auteurs de délits de détention ou d’importation de
marchandises sont passibles notamment de la confiscation des objets de la fraude et d’une amende comprise
entre une et deux fois la valeur de l’objet de la fraude ; que la valeur des biens de contrefaçon s’établissant, par
référence aux articles équivalents de la marque Givenchy, à un total de 63 300 euros (376 chemises à 150 euros
et 18 articles de voyage à 400 euros), il y a lieu de condamner Mme T à une amende de 63 600 euros et de
prononcer la confiscation des articles en cause ;
1°) alors qu’il n’y a contrefaçon de marque par imitation d’une marque ou usage d’une marque imitée que
s’il peut résulter de l’imitation de la marque ou de l’usage de la marque imitée un risque de confusion dans
l’esprit d’un consommateur moyennement attentif ; qu’en énonçant, dès lors, pour déclarer Mme T, épouse
K, coupable de détention de marchandise réputée importée en contrebande et d’importation non déclarée de
marchandises prohibées et entrer en voie de condamnation à son encontre, que les produits litigieux de marque
« Bassini Collection » qu’elle a retenus comme constituant des marchandises contrefaisantes étaient, par
l’impression d’ensemble qu’ils dégageaient, susceptibles de créer une confusion dans l’esprit des consommateurs
en leur faisant accroire sinon qu’il y avait identité des deux marques, du moins que leurs exploitants étaient
unis par des liens étroits et que Bassini collection était une déclinaison de Givenchy, quand, en se déterminant
de la sorte, elle ne constatait pas l’existence certaine d’un risque de confusion dans l’esprit d’un consommateur
moyennement attentif, mais seulement que les exploitants des marques « Bassini collection » et « Givenchy »
étaient unis par des liens étroits et que Bassini collection était une déclinaison de Givenchy, la cour d’appel a
violé les dispositions et stipulations susvisées ;
2°) alors qu’il n’y a contrefaçon de marque par imitation d’une marque ou usage d’une marque imitée que
s’il peut résulter de l’imitation de la marque ou de l’usage de la marque imitée un risque de confusion dans
l’esprit d’un consommateur moyennement attentif ; qu’en énonçant, dès lors, pour déclarer Mme T, épouse
K, coupable de détention de marchandise réputée importée en contrebande et d’importation non déclarée de
marchandises prohibées et entrer en voie de condamnation à son encontre, que les produits litigieux de marque
« Bassini Collection » qu’elle a retenus comme constituant des marchandises contrefaisantes étaient, par
l’impression d’ensemble qu’ils dégageaient, susceptibles de créer une confusion dans l’esprit des consommateurs
en leur faisant accroire sinon qu’il y avait identité des deux marques, du moins que leurs exploitants étaient
unis par des liens étroits et que Bassini collection était une déclinaison de Givenchy, quand, en se déterminant
de la sorte, elle relevait seulement l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit « des consommateurs », et
non l’existence certaine d’un risque de confusion dans l’esprit d’un consommateur moyennement attentif, la
cour d’appel a violé les dispositions et stipulations susvisées ;
3°) alors qu’il n’y a contrefaçon de marque par imitation d’une marque ou usage d’une marque imitée que
s’il peut résulter de l’imitation de la marque ou de l’usage de la marque imitée un risque de confusion dans
l’esprit d’un consommateur moyennement attentif ; que le risque de confusion doit s’apprécier globalement
94
RIPIA n° 265
et cette appréciation doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par chacun des signes en présence,
en prenant en compte tous les facteurs pertinents à ce propos, et, notamment, le degré de similitude visuelle,
phonétique ou conceptuelle entre les signes et le degré de similitude entre les produits ou services concernés ;
qu’en énonçant, dès lors, pour déclarer Mme T, épouse K, coupable de détention de marchandise réputée
importée en contrebande et d’importation non déclarée de marchandises prohibées et entrer en voie de
condamnation à son encontre, que, pourvus d’un logo ressemblant à s’y méprendre à celui de la marque
Givenchy, les produits litigieux de marque « Bassini Collection » qu’elle a retenus comme constituant des
marchandises contrefaisantes, même s’ils portaient le nom de la marque « Bassini Collection », étaient, par
l’impression d’ensemble qu’ils dégageaient, susceptibles de créer une confusion dans l’esprit des consommateurs
en leur faisant accroire sinon qu’il y avait identité des deux marques, du moins que leurs exploitants étaient unis
par des liens étroits et que Bassini collection était une déclinaison de Givenchy, sans prendre en considération
l’existence ou l’absence de similitude entre les produits ou services concernés, la cour d’appel a violé les
dispositions et stipulations susvisées ;
4°) alors qu’en énonçant, pour déclarer Mme T, épouse K, coupable de détention de marchandise réputée
importée en contrebande et d’importation non déclarée de marchandises prohibées et entrer en voie de
condamnation à son encontre, que « durant l’enquête, M. S n’a pas été en mesure de produire un formulaire
de dédouanement pouvant être rattaché avec certitude aux marchandises litigieuses », la cour d’appel s’est
prononcée par un motif inintelligible et, en tout état de cause, inopérant, dès lors que les poursuites étaient
exercées à l’encontre de Mme T, épouse K, et non de « M. S » et a, en conséquence, violé les dispositions et
stipulations susvisées ;
5°) alors qu’en se bornant à affirmer, pour déclarer Mme T, épouse K, coupable d’importation non déclarée
de marchandises prohibées et entrer en voie de condamnation à son encontre, que Mme T, épouse K, avait
importé irrégulièrement les produits litigieux, sans justifier d’une quelconque manière cette affirmation, par un
raisonnement quelconque ou par la référence à un élément de preuve, la cour d’appel a violé les dispositions
et stipulations susvisées ;
6°) alors qu’en se bornant à affirmer, pour déclarer Mme T, épouse K, coupable d’importation non déclarée
de marchandises prohibées et entrer en voie de condamnation à son encontre, que Mme T, épouse K, avait
importé irrégulièrement les produits litigieux, sans relever l’absence de justification d’origine, ou l’absence de
présentation de l’un des documents prévus par les articles 215, 215 bis et 215 ter du Code des douanes ou
que les documents présentés étaient faux, inexacts, incomplets ou non applicables, la cour d’appel a violé les
dispositions et stipulations susvisées ;
7°) alors que l’article 414 du Code des douanes dispose que tout fait de contrebande ainsi que tout fait
d’importation ou d’exportation sans déclaration, lorsque ces infractions se rapportent à des marchandises de la
catégorie de celles qui sont prohibées, sont passibles d’une amende comprise entre une ou deux fois la valeur
de l’objet de fraude ; qu’en retenant, par conséquent, que le montant de l’amende douanière à laquelle elle
a condamné Mme T, épouse K, devait être fixé en fonction de la valeur des articles de la marque Givenchy
équivalents aux produits litigieux qu’elle a retenus comme constituant des marchandises contrefaisantes, et non
en fonction de la valeur réelle de ces derniers produits, la cour d’appel a violé les dispositions et stipulations
susvisées » ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, procédant le 28 janvier 2009 à un contrôle dans les locaux de la
société Millenium, spécialisée dans la vente de prêt-àporter de luxe, dont la gérante est Mme T, les agents des
douanes ont découvert 394 articles portant un logo de marque Bassini susceptibles de contrefaire le logo et la
marque figurative « Logo 4G » appartenant à la société Givenchy ;
Attendu que, pour retenir la culpabilité de Mme T, l’arrêt relève, d’une part, que les produits saisis dans son
magasin et marqués Tassini portent de façon très apparente un logo imitant manifestement dans son aspect
général, son graphisme et sa couleur le « logo 4G » utilisé notoirement par la marque Givenchy et qu’ils sont, par
l’impression d’ensemble qu’ils dégagent, susceptibles de créer une confusion dans l’esprit des consommateurs,
d’autre part, que gérante d’une société exploitant un commerce de prêt-à-porter de luxe dans lequel sont vendus
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des produits de marque et, notamment, d’authentiques produits Givenchy, Mme T ne pouvait ignorer que les
produits Bassini qu’elle avait importés irrégulièrement et présentés à la vente constituaient des contrefaçons ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, dépourvues d’insuffisance comme de contradiction, la cour d’appel,
qui a, pour fixer le montant de l’amende douanière, souverainement apprécié la valeur des marchandises
contrefaisantes en se référant à la valeur marchande des produits contrefaits, a justifié sa décision sans
méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
D’où il suit que le moyen, irrecevable en sa quatrième branche en ce qu’elle se fonde sur une erreur matérielle
susceptible d’être rectifiée suivant la procédure prévue aux articles 710 et 711 du Code de procédure pénale,
ne peut qu’être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme. »
Par ces motifs, la Cour rejette le pourvoi.
96
RIPIA n° 265
COUR D’APPEL DE PARIS
3 ÈME CHAMBRE
PÔLE 1
14 JUIN 2016
Mme X.
Contre
Wikimedia Foundation Inc.
HEBERGEU R – EDIT EUR –
T RO UB L E M ANI F ESTEM ENT I LLICIT E – DR OIT DE R EPONSE
Synthèse
Dans cet arrêt du 14 juin 2016, la cour d’appel de Paris s’est prononcée sur les conditions d’attributions du
statut d’hébergeur à une plateforme en ligne.
La société américaine Wikimedia Foundation, qui possède l’encyclopédie Wikipédia, a pour objectif « d’offrir
un contenu libre, objectif et véritable que chacun peut modifier et améliorer ».
Mme X, saisit les juges des référés du tribunal de grande Instance de Paris pour obtenir la suppression d’une
page qui lui est dédiée sur cette encyclopédie, et contester le refus de son droit de réponse opposée par le site.
La requérante estime en outre, que la société Wikimédia a gravement porté atteinte à son honneur et à sa
réputation. En conséquence, elle réclame, sous astreinte, la rectification des données erronées sur le site (d’après
l’article 40 de la loi du 6 janvier 1978), la constatation de la qualité d’éditeur de la société défenderesse, ainsi
que le versement de 15000 euros à titre de réparation pour le dommage subi.
Les juges des référés n’ayant pas accueilli sa demande, la considérant comme non fondée, la requérante
interjette appel de cette décision.
La question est ici de savoir d’une part si la fondation Wikimedia doit ou non être considérée comme un
éditeur et donc responsable en cas de publication portant préjudice à une personne, et d’autre part, si les propos
sont répréhensibles.
La cour d’appel de Paris rejette la première demande de Mme X au motif que la fondation n’est pas l’éditeur
mais l’hébergeur de l’encyclopédie et fonde sa décision sur l’article 6.1.2 de la LCEN en précisant que « la
mission de Wikimedia Foundation est de fournir à titre gratuit les infrastructures et le cadre organisationnel
permettant aux internautes qui le souhaitent de construire des projets en éditant eux même les contenus (…)
». Les juges considèrent que Wikimedia Foundation ne joue pas de « rôle actif de connaissance ou de contrôle
des données stockées ». En l’occurrence, l’hébergeur n’a fait que transmettre la demande.
S’agissant par ailleurs des propos tenus à l’égard de la demanderesse, les juges ont considéré que ceux-ci
n’étaient pas insultants et résultaient plutôt de la liberté d’expression et la libre critique. La demanderesse est
par conséquent déboutée de sa demande.
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RIPIA n° 265
Arrêt
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les
conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Madame Martine Roy-Zenati, présidente et par Mme Véronique Couvet, greffier.
La société de droit américain Wikimedia Foundation Inc possède l’encyclopédie Wikipédia qui permet
« d’offrir un contenu libre, objectif et vérifiable que chacun peut modifier et améliorer ».
Contestant le contenu d’une page lui étant dédiée sur l’encyclopédie Wikipédia et le refus qu’elle s’est vue
opposer à l’exercice de son droit de réponse, Mme X. a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance
de Paris aux fins de voir :
ordonner, sous astreinte, en application de l’article 40 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978, la rectification de
l’indication erronée qu’elle est mère de trois enfants, figurant sur la page Wikipedia,
constater la qualité d’éditeur de la société défenderesse et ordonner sous astreinte, en application des articles
6-IV de la loi du 21 juin 2004 dite LCEN et 13 de la loi du 29 juillet 1881, l’insertion de la réponse figurant
au dispositif de son assignation,
subsidiairement, si la défenderesse devait être qualifiée d’hébergeur, ordonner sous la même astreinte, la
publication du même texte en application de l’article 6-I.8 de la LCEN,
condamner la défenderesse à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de provision pour le dommage subi,
outre 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance contradictoire du 28 septembre 2015, le juge des référés a :
déclaré sans objet la demande fondée sur l’article 40 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978,
déclaré prescrite, et partant irrecevable, l’action tendant à ce que soit ordonnée l’insertion d’une réponse de
Mme X.,
dit n’y avoir lieu à référé sur la demande fondée sur les dispositions de l’article 6 - I. 8 de la LCEN et sur la
demande de provision,
débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
condamné Mme X. aux dépens.
Mme X. a interjeté appel de cette décision le 13 octobre 2015.
Par ses conclusions transmises le 28 avril 2016, elle demande à la cour de :
la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Vu les nouvelles publications de la page qui lui est consacrée postérieurement au 6 mars 2015,
dire son action non prescrite,
constater que la remise en ligne des contenus le 1 Mars 2015 sur la page accessible à l’adresse http://fr.wikipedia.
org/wiki/MmeX. constitue une nouvelle publication,
constater qu’elle est une personne nommée dans le service de communication au public en ligne accessible à
l’adresse http://fr.wikipedia.org/wiki/MmeX.,
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RIPIA n° 265
constater que par courriel du 15 Avril 2015, Wikimedia Foundation, Inc lui a refusé son droit d’insérer une
réponse, droit prévu à l’article 6 (IV.) de la Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie
numérique,
ordonner à la société Wikimedia Foundation, Inc, d’insérer sa réponse dans la page accessible à l’adresse http://
fr.wikipedia.org/wiki/MmeX. selon les modalités ci-après :
1° / Dans BIOGRAPHIE, 2 ème § : insérer le texte suivant :
« Elle a épousé en 1960 M. X. du Cros, ingénieur SupMeca2, avec qui elle a deux enfants. Divorcée en 1983,
elle a obtenu une dispense du tribunal pour garder son nom d’épouse en raison de sa notoriété. En 2011, elle
épouse M. Y., journaliste, auteur et scénariste autrichien. »
2°/ Dans PREVISIONS, 2ème § (D’autres prévisions concernent...attentats), insérer le texte suivant :
« Comme par exemple : la crise et la guerre du Golfe du 16 janvier 1991 (« Les étoiles jusqu’en l’An 2000 »,
(Ed. 1), pp. 12-13, ou au Journal télévisé du 1er janvier 1991, sur la Cinq : « La guerre du Golfe éclatera entre
le 15 et le 18 janvier’) ou « Il y aura une guerre en janvier, entre le 15 et le 20 janvier » (in l’illustré Suisse
du 2 janvier 1991). Ou à propos de l’attentat du WTC, du 11 sept 2001, elle annonce dans son livre annuel
« Votre Horoscope 2001 », paru en automne 2000, (pp.43-44) un risque « de fanatisme religieux, de nihilisme,
de récession et d’attentats en masse (..) dès après le 5 août 2001 ».
3°/ Dans PREVISIONS, après « Lehman Brothers », insérer le texte suivant :
« Plus récemment, on observe les prévisions (écrites en 2011), concernant le virage de la gauche en France,
en 2012 (in »2012-2016, cinq années qui vont changer le monde », p. 158 (XO Ed), ou pour 2013, p. 137
(ibid), le risque d’escalade vers un possible conflit international en Syrie, où, le 21 août, on déplora plusieurs
centaines de morts par armes chimiques et la communauté mondiale envisagea une intervention militaire
conjuguée. Dans le même ouvrage (écrit en 2011), p. 137, Mme X. écrit ceci : « Il s’agit là (.) d’une dissonance
qui met en exergue des forces puissamment antagonistes et des rivalités de pouvoir, un climat de révolte et de
violences sourdes... Phase déstabilisante ensuite, autour du 21 août, qui peut refléter un climat insurrectionnel
dans le monde (..), voire des conflits militaires...» Pour 2014, on relève (Astro-Dépêche du 27.3 sur son site
www.X.com et sa page Facebook « Mme X., official ») la prévision de la « victoire d’Anne Hidalgo à (la Mairie
de) Paris (..) sous une Nouvelle Lune agitée (.) Elle sera en accord parfait avec la Nouvelle Lune en Bélier ».
Elle annonce, également sur son site www.X.com et sa page Facebook « Mme X., official »), le 10 juillet 2014,
dans une dépêche publiée le 16 juillet, « l’aggravation du conflit israélien pour les environs du 19 juillet.» Ce
jour-là, Israël décida d’attaquer la bande de Gaza avec des forces terrestres et ce fut le pire affrontement entre
Palestiniens et Israéliens. Plus bas, on peut lire ceci : « ...Autour du 5 août, les deux parties devraient essayer
de mettre à profit certaines énergies cosmiques pour faire évoluer la situation dans le sens d’un progrès...». Or,
c’est exactement le 5 août qu’Israël a instauré un cessez-le-feu de trois jours ».
La presse people annonce une naissance princière à Monaco. Voici un extrait de l’analyse parue sur le site
bulletin.ch en décembre dernier : « ... Parallèlement au ciel de son illustre époux, le prince Albert de Monaco,
l’heureux duo Jupiter/Saturne va les mettre en vedette jusqu’en septembre, mettant en exergue une belle
entente... Peut-être en raison de la promesse d’un héritier ou d’une héritière ? (.) Si le prince devait redevenir
père, ce sera à coup sûr en 2014 !».
Idem pour l’abdication du Roi Juan Carlos, le 17 juillet 2014, annoncée le 2 juin 2014 par la presse : Mme
X. publiait sur le site www.bluewin.ch en décembre 2013 : « Comme pour tous les Capricorne d’avant le 7
janvier, 2015 parachèvera une métamorphose profonde de la personnalité et du statu quo du Roi d’Espagne,
amorcée en été 2014. PS : Son fils Felipe - son sosie astral ! devrait vivre un changement positif en 2014. Cet
été, son insigne père décidera peut-être, lassé par ses problèmes de santé récurrents, de lui laisser certaines
responsabilités. De là à lui céder sa place...»
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RIPIA n° 265
Début décembre 2014, Mme X. annonce un « retour en grâce de F.Hollande (...) pour fin janvier 2015 (...),
un moment de reconnaissance et de mise en lumière sera dans l’air : soudain, les médias vont le voir autrement
...et le diront (sur son site et sur FB, 1er décembre 2014). Or, le 21 janvier 2015 : La popularité de François
Hollande remonte de 21 points !
-Le 7 janvier, l’attentat djihadiste contre CHARLIE-HEBDO fait douze victimes. Voici ce que l’on peut lire
dans l’ouvrage « 2012- 2016, cinq années qui vont changer le monde », écrit et publié par Mme X. en 2011
(!), à la p. 143 « 2015 : Le monde vacille, à la recherche d’un nouvel équilibre... ( ...) D’emblée, l’année s’ouvre
sur un climat explosif en janvier, qui semble véhiculer des événements collectifs d’importance. En effet, vu
l’implication des Nœuds Lunaires, le caractère extrêmement puissant et touchant à des événements collectifs
en sera le miroir (...).
Ces événements devraient toucher plus particulièrement les USA et la France et peuvent revêtir toutes sortes de
formes (..) comme de puissants mouvements insurrectionnels ou (...) en raison de Pluton, un événement lié à
l’atome ou au TERRORISME est également dans l’air (...). DÉJÀ LA PREMIERE SEMAINE DE L’ANNEE
promet d’être spécialement explosive, véhiculant de surcroît des décisions aussi téméraires qu’irréfléchies, en
raison de l’opposition Mars/Jupiter ... ». Une prévision réitérée dans l’horoscope hebdomadaire publié sur son
site, www.X.com , mis en ligne le 2 janvier 2015 : « ...L’harmonie n’est guère de mise- en tout cas jusqu’au
11, avec un bémol pour le 8 cependant (...). LE 7 EST UNE JOURNEE MOROSE, PORTEUSE DE
DECEPTIONS, DE DEUILS ET DE DRAMES (..). Les 9-10 réactualisent l’explosif carré Uranus/Pluton
(..) en favorisant les ACTIONS VIOLENTES (TERRORISME)... ». Ce fut l’attentat contre l’hypermarché
kacher de Vincennes.
-La tragédie de Doppling » les 9-10 mars 2015, en Argentine est également inscrite dans l’horoscope
hebdomadaire d’Mme X.. Extrait de la « Conjoncture astrale » de la SEMAINE DU 4 AU 10 mars, sur son
site : « Le 9 est un jour de deuil (Vénus/Saturne) pour la population et les artistes. Le 10 est un jour qui allie le
dynamisme, l’efficacité (Mars/Jupiter) avec un côté offensif, explosif, lié possiblement à l’aéronautique (Mars/
Uranus)... ». Et puis, POUR LA SEMAINE DU 10 AU 16 : La semaine commence avec l’un des jours les plus
explosifs de l’année (Mars /Uranus/ Pluton)... »
4°/ Dans « CONTROVERSES », après 3 ème § et avant « Marcel Bolle de Bal.. », insérer le texte suivant :
« les témoignages suivant de Jean Z. : « Jean Z., professeur de sociologie à l’Université de Genève prend la
défense de la thèse de doctorat d’Mme X. et voit derrière cette affaire un complot contre des professeurs de la
Sorbonne.» (Facts, Suisse, avril 2001) : « Le corpus delicti ? La thèse de doctorat en sociologie de 980 pages,
défendu devant un public international de haute volée à la Sorbonne. Le jury, d’une qualité exceptionnelle, a
donné à la candidate la note « très honorable » (.). Les 370 scientifiques de plusieurs facultés ont commencé une
vraie chasse aux sorcières aussi bien dans la presse (surtout dans Le Monde et Libération) et dans des réunions
de protestations, ne donnent aucune preuve que cette thèse manque de scientificité... La première cible de
ces « chasseurs » n’était ni l’astrologie, ni l’auteur (de la thèse), mais son professeur, Michel M. et le président
du jury, Serge M. (.). Il s’agit de gros sous pour la recherche (.), de la maîtrise de puissantes publications
scientifiques (..), de la maîtrise députantes publications scientifiques (..). M. et M. (avec Edgar M. et Jean D.)
sont aujourd’hui les représentants les plus éminents de la sociologie compréhensive (.). Ces professeurs sont
considérés comme une menace et ils nourrissent les mouvements de résistance sociale contre le capitalisme
sauvage en France. M., M. et M. donnent des armes théoriques (idéologiques) à ces mouvements. Des élections
présidentielles sont prévues pour l’année prochaine. On tape sur Frau Doktor Mme X. et on espère chasser ces
professeurs subversifs de la Sorbonne. Heureusement, cette tentative a échoué pour l’instant.
De son côté, O.P., chercheuse au laboratoire de sociologie du changement et des institutions, explique dans Le
Monde du 2 mai 2001, sous le titre « La Banalité d’Mme X. ce qui apparaît comme le noeud du problème :
« Au-delà de ce qui semble se dessiner comme une tartufferie (..), l’Affaire X.» permet d’énoncer des enjeux
sous-jacents autrement stratégiques. L’un a trait à la lutte entre les héritiers d’une sociologie positiviste et
durkheimienne et les défenseurs d’un contre-courant anti positiviste plutôt phénoménologique, revendiquée
par M. M. Les premiers traiteraient objectivement les faits sociaux « comme des choses » dans une démarche
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RIPIA n° 265
armée de connaissances et de techniques scientifiquement reconnues. Les seconds, reconnaissant une égale
valeur au cadre de la connaissance scientifique et profane, privilégieraient le vécu sans trop s’embarrasser de
rigueur méthodologique. Finalement, aucune école n’a jamais réussi à s’imposer comme modèle exclusif de la
discipline.» Et de conclure : « cette dame est (.) très représentative des thésards de sociologie » . »
5°/ Dans « PRESENTATION » (AVANT BIOGRAPHIE) insérer le texte suivant : « Mme X., née le 6 janvier
1938 à Alger, est une astrologue/sociologue franco-suisse. Elle a créé le premier horoscope quotidien télévisé
d’Europe, sur Antenne 2, en première partie de soirée, en 1975-1976, et a lancé, en Allemagne, en 1981,
l’émission télévisée Astro Show.
Auteur d’une quarantaine de livres traduits en une quinzaine de langues, elle est « l’astrologue la plus lue en
Europe » selon le Guinness Book des Records, en France, dans la rubrique « « Culture et Loisirs » (1989,
p.166 ; 1990, pp.166-167 ; 1991, p.229) et en Allemagne dans la rubrique « Kunst, Medien, Unterhaltung »
(1990, p.266-1991, id). Mme X. est reconnue pour ses nombreuses prévisions avérées. Elle a conseillé le
président François Mitterrand entre 1989 et 1995 (cf cassettes diffusées sur France-Info, mai 1997) ainsi que
le Roi Juan Carlos (Ola !,mai 1976 « L’astrologa del Rey »).
En avril 2001, elle soutient une thèse de doctorat en sociologie et obtient son titre de docteur de la Sorbonne,
avec mention. Sa thèse, qui s’appuie sur la branche de la sociologie dite « compréhensive », pratiquée par son
directeur de thèse Michel M., a été l’objet de plusieurs controverses. Sa prétention scientifique a été vivement
contestée par une partie de la communauté scientifique, en particulier celle de certains sociologues d’obédience
rationaliste. Ladite thèse sera publiée intégralement chez Plon, en novembre 2001 (« L’Homme d’aujourd’hui
et les Astres »). »
6°/ Dans le titre « Prédictions sur les attentats du 11 septembre 2001 » insérer le texte suivant :
« Voici ce que l’on pouvait lire dans Votre horoscope 2001 (écrit en été 2000), p. 42 : Dès le « 5 août,
opposition Saturne/Pluton (..) : il faut craindre, hélas !, une réémergence dans le monde des Etats policiers
et de situations marquées par la violence passionnelle — d’où des attentats en masse ». Et p. 46 : « Dès la mi
septembre, hélas ! (...), Pluton /Saturne symbolise tout ce qui est de l’ordre de (...) l’intolérance, du racisme
fanatique, d’un certain nihilisme philosophique ...(...) une recrudescence de la criminalité, (... ). Une phase
de récession au niveau économique... (...). Quant à sa prévision sur Télé-7-jOURS (« une période favorable
aux voyages », Mme X. explique que ces prévisions hebdomadaires étaient destinées à ses lecteurs français, sans
considération des prévisions mondiales liées au climat d’outre-Atlantique, ajoutant que ce bémol n’annule pas
sa prévision antérieure d’un an, plus difficile par définition. »
assortir cette condamnation d’une astreinte d’un montant journalier de 5 000 € par jour de retard, laquelle
commencera à courir à compter de la date de la signification de l’arrêt à intervenir,
Subsidiairement, s’il n’est pas fait droit à la demande au titre du droit de réponse,
Vu les dispositions de l’article 6 I.8 de la loi du 21 juin 2004
dire qu’il est établi de manière incontestable ainsi qu’elle le reconnaît elle-même expressément sur son site, que
Wikimedia Foundation est hébergeur du site - Wikipedia,
ordonner la correction de la page litigieuse dans les termes sollicités au titre du droit de réponse, ou encore
plus subsidiairement la suppression pure et simple de la page incriminée consacrée à Mme X., à tout le moins
ordonner que l’accès à cette page soit supprimé, et ce sous astreinte d’un montant journalier de 5 000 € par
jour de retard, laquelle commencera à courir à compter de la date de la signification de l’arrêt à intervenir,
condamner Wikimedia Foundation au paiement de 15 000 € au titre de provision pour le dommage subi,
condamner Wikimedia Foundation au paiement de 15 000 € au titre des frais irrépétibles conformément à
l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
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Elle fait valoir que le fondement légal de ses demandes est certain puisqu’il repose directement sur les
dispositions de la loi LCEN du 21 juin 2004 qui renvoie expressément aux dispositions de la loi du 29 juillet
1881 et notamment à ses articles 13, 23 et 24 ; qu’elle dispose à ce titre d’un droit de réponse suite à sa mise
en cause à l’occasion d’une publication sur support numérique et qu’elle est indéniablement une personne
« nommée » dans le service de communication au public en ligne « Wikipédia » accessible à l’adresse URL.
Elle fait valoir que son action ne souffre d’aucune prescription dès lors que l’assignation délivrée le 27 mai
2015 a interrompu le délai qui commence à courir non à partir du 24 février 2015, date de mise en ligne de
l’article litigieux, mais au 6 mars 2015, date de mise en demeure de publier son droit de réponse. Qu’une
nouvelle publication postérieure à cette date est intervenue, emportant interruption du délai de prescription
de son action.
Elle ajoute que la société Wikimedia a bien la qualité d’éditeur en ce qu’elle intervient sur les contenus du site
Wikipédia, et procède à des modifications, reformulations et suppressions de certains contenus, et ne peut donc
pas s’opposer à sa demande de droit de réponse.
À titre subsidiaire, elle soutient que la société Wikimedia est bien l’hébergeur du site Wikipédia, que sa demande
est recevable en ce que l’hébergeur a le pouvoir de corriger ou de supprimer la page litigieuse dont le contenu
porte gravement atteinte à son honneur et à sa considération, tant au titre de son activité professionnelle, induisant
que toutes ses prévisions seraient erronées (“plusieurs controverses autour de l’astrologie ; pour ses fausses
prédictions”) mais également au titre de ses titres universitaires (“prétention scientifique vivement contestée par
la communauté scientifique” (une pétition de seulement 300 - sur la totalité des sociologues français, alors que la
presse internationale -New York Times, Spiegel, le Monde...relate une polémique injustifiée).
Par ses conclusions transmises le 20 avril 2016, la société Wikimedia Foundation demande à la cour de :
constater que l’assignation délivrée par Mme X. le 27 mai 2015 est caduque,
confirmer que l’action de Mme X. tendant à ce que soit ordonnée l’insertion d’une réponse sur la page du site
internet www.wikipedia.fr qui lui est dédiée est prescrite et partant, irrecevable,
constater la qualité d’hébergeur de la société Wikimédia Foundation Inc,
rejeter la demande de Mme X. fondée sur l’article 6.I.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance
dans l’économie numérique,
A titre subsidiaire,
constater la qualité d’hébergeur de la société Wikimédia Foundation Inc,
constater qu’en cette qualité, la société Wikimédia Foundation Inc. a rempli ses obligations vis-à-vis de Mme X.
au titre de son droit de réponse fondé sur l’article 6.IV de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance
dans l’économie numérique,
rejeter la demande de Mme X. fondée sur l’article 6.I.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance
dans l’économie numérique,
A titre plus subsidiaire,
débouter Mme X. de sa demande d’astreinte ou, à tout le moins, réduire le montant de cette astreinte qui ne
pourrait courir qu’à l’expiration d’un délai de huit 8 jours compter de la signification de la décision à intervenir,
En tout état de cause,
constater que la demande d’indemnisation provisionnelle formulée par Mme X. se heurte à l’existence d’une
contestation sérieuse,
dire n’y avoir lieu à référé sur la demande d’indemnisation provisionnelle de Mme X.,
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condamner Mme X. à payer à la société Wikimédia Foundation Inc. la somme de 10 000 € au titre de l’article
700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
Elle fait valoir que le délai de prescription de 3 mois pour engager une action judiciaire sollicitant l’insertion
forcée de la réponse n’a pas été respecté car l’assignation a été délivrée le 27 juillet 2015 et que le la lettre de
mise en demeure qu’elle a reçue le 6 mars 2015 ne peut être analysée comme une demande de réponse, et
n’interrompt donc pas le délai de prescription. Enfin, l’assignation en référé délivrée le 27 mai 2015 ne peut
non plus être prise en considération dès lors que le texte dont l’insertion est demandée est différent de celui
dont la mise en ligne est demandée.
Elle fait valoir qu’elle n’est pas tenue d’insérer la réponse de Mme X. car elle n’est pas l’éditeur du site, ne
déterminant pas le contenu mis à disposition du public et ne réalisant aucun contrôle ni aucune modification
de ce contenu, mais le simple hébergeur de la page Wikipédia ce qui ne lui impose aucune obligation de
publication de réponse.
Elle fait valoir que Mme X. ne démontre pas le caractère manifestement illicite du contenu de la page litigieuse
qui participe surtout d’un débat d’idées et qu’à ce titre, sa demande de provision se heurte à l’existence de
contestations sérieuses et relève donc de la compétence exclusive du juge du fond.
DISCUSSION
Considérant qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, les prétentions des
parties sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur celles qui y sont énoncées ; que si
la société Wikimedia Foundation indique que le fondement légal des demandes de Mme X. est incertain, ce
qui ne lui permet pas de pouvoir utilement présenter sa défense, elle ne tire aucune conséquence de droit de
cette affirmation et ne saisit la cour d’aucune prétention dans le dispositif de ses écritures, de sorte qu’il n’y a
pas lieu à statuer de ce chef ;
Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans
l’économie numérique :
“ IV. - Toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne dispose
d’un droit de réponse, sans préjudice des demandes de correction ou de suppression de message qu’elle peut
adresser au service.
La demande d’exercice du droit de réponse est adressée au directeur de la publication (...) Elle est présentée
au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la mise à la disposition du public du message justifiant
cette demande.
Le directeur de la publication est tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception les réponses de toute
personne nommée ou désignée dans le service de communication au public en ligne sous peine d’une amende
de 3 750 euros, sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu.
Les conditions d’insertion de la réponse sont celles prévues à l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 (...)
V. - Les dispositions des chapitres IV et V de la loi du 29 juillet 1881 sont applicables aux services de
communication au public en ligne et la prescription acquise dans les conditions prévues par l’article 65 de
ladite loi” ;
Que l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 dispose que “l’action publique et l’action civile résultant des crimes,
délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où
ils auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait” ;
Considérant que si le premier acte de publication de la mise en ligne litigieuse date du mois d’octobre 2014,
selon la relation des faits de l’appelante, celle-ci a fait l’objet de modifications, suite aux demandes de l’intéressée
entre le 31 décembre 2014 et le 7 janvier 2015, puis entre les 24 février et 1er mars 2015, ainsi que cela résulte
103
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du procès-verbal d’huissier dressé le 2 septembre 2015 à la requête de Wikimedia ; que depuis cette date, il
n’est pas démontré que le site ait été modifié, ce qui ne peut se déduire de l’historique que Mme X. produit
aux débats alors que sa demande de droit de réponse dans le cadre de la présente instance vise précisément son
insatisfaction face à la nouvelle mise en ligne du 24 février 2015 ;
Qu’en application des dispositions de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 précitées, ce n’est pas la date de
la mise en demeure du 6 mars 2015 qui doit être retenue comme constituant le point de départ du délai de
prescription, mais la dernière mise en ligne modificative constatée par huissier du 1er mars 2015 ;
Considérant que selon l’article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai
de prescription, et qu’il en est de même lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice
de procédure ; qu’en application de ce principe, l’assignation signifiée interrompt valablement la prescription,
sans qu’il y ait lieu de rechercher si cette assignation a été remise au greffe ;
Considérant que Mme X. a fait signifier le 27 mai 2015 à la société Wikimedia une assignation aux fins de voir
insérer sa réponse dans la page accessible à l’adresse http://fr.wikipedia.org/wiki/MmeX. ; que cette assignation
n’a certes pas été placée au greffe de la juridiction des référés mais constitue néanmoins un acte de poursuite
interruptif de prescription au sens de l’article 65 de la loi du 25 juillet 1881 et de l’article 2241 du code civil
précités ;
Que dès lors, l’assignation délivrée le 23 juillet suivant aux mêmes fins, peu important les modifications qui
auraient pu être apportées au texte à publier ou aux fondements juridiques invoqués à l’appui de l’action en
droit de réponse qui demeure inchangée, a été délivrée dans le délai de 3 mois qui a recommencé à courir
à compter du 27 mai 2015, de sorte qu’infirmant l’ordonnance entreprise, il convient de déclarer Mme X.
recevable à agir ;
Considérant que l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie
numérique, qui renvoie à l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881, prévoit que “la demande d’exercice du droit de
réponse doit être adressée au directeur de la publication ou, lorsque la personne éditant à titre non professionnel
a conservé l’anonymat, à la personne mentionnée au 2 du 1 [l’hébergeur] qui la transmet sans délai au directeur
de la publication” ;
Considérant que Wikipedia se définit comme une encyclopédie écrite par des volontaires sur internet à laquelle
chacun peut collaborer, chaque page du site comportant un lien “Modifier” sur lequel tout visiteur peut
cliquer pour modifier, ajouter ou supprimer ce qu’elle contient ; que Wikimedia Foundation a pour mission
de soutenir le développement de l’ensemble des projets Wikimedia, dont Wikipedia, et d’aider à la diffusion
de l’information collectée ; que les conditions générales de Wikimedia précisent aux utilisateurs qu’ils sont
responsables de leurs modifications, que le contrôle éditorial est entre leurs mains, et qu’elle n’agit “qu’en tant
que service d’hébergement, en maintenant une infrastructure et un cadre organisationnel qui” leur “permet de
construire les projets Wikimedia en contribuant et en éditant le contenu eux-mêmes” ; que tout le contenu
hébergé est fourni par les utilisateurs et qu’elle n’exerce pas de rôle éditorial, ce qui signifie qu’elle ne surveille
ni ne modifie aucun contenu ; qu’elle fournit en revanche simplement l’accès au contenu que les utilisateurs
ont apporté et édité ;
Considérant que l’article 6.1.2 de la LCEN définit les hébergeurs comme étant “les personnes physiques ou
morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication
au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis
par des destinataires de ces services” ; que tel est bien la mission de Wikimedia Foundation qui consiste
à fournir, à titre gratuit, les infrastructures et le cadre organisationnel permettant aux internautes qui le
souhaitent, de construire des projets en contribuant et en éditant eux-mêmes des contenus, notamment sur le
site encyclopédique Wikipedia, sans jouer de rôle actif de connaissance ou de contrôle des données stockées ;
Qu’il s’ensuit que la demande d’exercice de droit de réponse dirigée par Mme X. à l’encontre de la société
Wikimedia Foundation, hébergeur qui au demeurant à transmis à l’équipe de volontaires ses réponses aux
réclamations de Mme X., doit être rejetée sur le fondement de l’article 6.IV de la LCEN ;
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RIPIA n° 265
Considérant que l’article 6.1.8 de ladite loi dispose que “l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur
requête, à toute personne mentionnée au 2 [hébergeur] ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1
[fournisseur d’accès], toutes mesures propres à prévenir un dommage ou faire cesser un dommage occasionné
par le contenu d’un service de communication au public en ligne” ;
Qu’aux termes de l’article 809 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une
contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit
pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le trouble
manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou
non, constitue une violation évidente de la règle de droit ;
Considérant que Mme X. estime que la page litigieuse, y compris après les modifications apportées le 7 janvier
2015, lui serait clairement hostile et porterait gravement atteinte à son honneur et à sa réputation en induisant
que toutes ses prédictions seraient erronées, et en faisant état de la contestation par la communauté scientifique
de ses titres universitaires, suggérant qu’elle serait un “charlatan” et qualifiant de “farce” la pertinence de la
délivrance d’un diplôme d’Etat par la Sorbonne, prestigieuse université française ;
Considérant que pour déplaisantes que lui apparaissent les informations publiées sur ses prédictions dont les
échecs ne sont pas discutés, ou sur les commentaires concernant ses diplômes, il ressort des débats que les
propos tenus à l’égard de Mme X. ne sont pas insultants et relèvent plutôt de la libre critique, notamment de
l’art divinatoire, exercée par les utilisateurs du site ; que dès lors le trouble invoqué n’est pas manifestement
illicite justifiant ni les mesures sollicitées ni la provision à titre de dommages-intérêts sollicitée ;
Considérant que le sort des dépens a été exactement réglé par le premier juge ;
Considérant que l’équité commande de faire bénéficier la société intimée des dispositions de l’article 700 du
code de procédure civile, dans les conditions précisées au dispositif ci-après ;
Que Mme X. qui succombe ne peut prétendre à l’allocation d’une indemnité de procédure et supportera les
dépens d’appel ;
DECISION
Infirme l’ordonnance entreprise, sauf en ce qu’elle a condamné Mme X. aux dépens ;
Statuant à nouveau
Déclare l’action non prescrite et Mme X. recevable à agir ;
Rejette ses demandes fondées sur l’article 6 IV de la LCEN ;
Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes fondées sur l’article 6.1.8 de la LCEN ;
Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision à titre de dommages-intérêts ;
Condamne Mme X. à verser à la société Wikimedia Foundation la somme de 4 000 euros au titre de l’article
700 du code de procédure civile ;
Déboute Mme X. de sa demande d’indemnité de procédure ;
Condamne Mme X. aux dépens.
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RIPIA n° 265
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 1
2 ÈME CHAMBRE
16 JUIN 2016
Mphasis Wyde
Contre
Protegys et Zag
C O M M U N IC ATI O N D ELO YALE – CONCUR R ENCE DELOYALE –
P U BL I C ATI O N D EC ISION DE J UST ICE
Synthèse
Dans cet arrêt du 16 juin 2016, la cour d’appel de Paris a jugé que des courriels faisant référence à la
condmanation d’un concurrent, rendue publique et diffusée sur des bases de données juridiques, n’étaient pas
des éléments suffisants pour constituer une communication déloyale.
En l’espèce, la cour d’appel infirme la décision en référé au motif que l’ordonnance qui avait désigné un huissier
pour accéder aux locaux d’une société afin de trouver des preuves de cette communication devait être validée.
En l’espèce, l’éditeur de logiciels Mphasis Wyde soupçonne la société Zags, filiale du groupe Protegys, de
contrefaire deux de ses produits phares.
Une saisie-contrefaçon est donc effectuée, ainsi qu’une assignation à des fins d’expertises des deux sociétés
devant le TGI de Paris. Le tribunal fait droit à la demande d’expertise judiciaire le 22 octobre 2015.
Protegys qui soupçonne la société Mphasis Wyde d’avoir diffusé ce jugement non définitif à ses clients afin
de la dénigrer, saisit le juge des requêtes du tribunal de Paris pour communication déloyale d’informations.
Une autre ordonnance est ainsi délivrée, assortie d’une astreinte, autorisant l’huissier à accéder aux locaux
de Mphasis Wyde, ainsi qu’à son système d’information et à sa messagerie électronique, afin de réaliser des
opérations de constat, de recherche de preuve et d’actes constitutifs de concurrence déloyale.
La société Mphasis Wyde a par la suite saisi à son tour le juge des référés du tribunal de commerce de Paris et a
demandé l’annulation de cette ordonnance. Les juges ont rejeté la demande en précisant que le motif invoqué
était légitime. La société Mphasis a alors interjeté appel.
La cour d’appel a estimé que la requérante devait démontrer l’existence d’un motif légitime et les raisons,
justifiant le recours à une telle procédure afin d’obtenir une ordonnance. Aussi, pour fonder leur demande, les
sociétés Protegys et Zags ont fourni des courriels de prospects et un listing de clients ayant été informés par la
société Mphasis de leur implication dans le procès.
La cour a rejeté ces éléments au motif qu’ils n’étaient pas de nature à prouver une communication déloyale de
la part de la société Mphasis Wyde et a précisé que le jugement a été rendu public et publié dans des bases de
données sur Internet et donc rendu accessible à tous. Les juges ont ajouté que la publication des décisions de
justice est un principe consacré par la Convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Par conséquent, la cour d’appel de Paris déboute la demande de Protegys et Zag et les condamne à verser la
106
RIPIA n° 265
somme de 4000 euros à la société Mphasis Wyde, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les
conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Monsieur Frédéric CHARLON, président et par Mme Véronique Couvet, greffier.
La SASU Mphasis Wyde déite des logiciels de développement, Wynbsure et Globalis, dédiés au secteur de
l’assurance.
La SAS Protegys est un groupe d’assurance qui a créé une filiale Insurance Global Operations , devenue en
2011 la SAS Zags.
La société Zags a développé en 2012 un logiciel d’assurance dénommé IGO 6.
La société Mphasis Wyde, affirmant que ce logiciel était une contrefaçon des logiciels Wynbsure et Globalis
développée avec l’aide de deux de ses anciens “développeurs”, après avoir fait procéder à une saisie contrefaçon,
a assigné aux fins d’expertise les sociétés Zags et Protegys devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement du 22 octobre 2015, le tribunal de grande instance a fait droit à la demande d’expertise judiciaire
de comparaison sollicitée. Ce jugement a été frappé d’appel par la société Protegys.
La SAS Protegys et la SAS Zags, soupçonnant la société Mphasis Wyde d’avoir délibérément diffusé à
leurs clients ledit jugement, non définitif et frappé d’appel, et affirmant être de ce fait victimes d’actes de
dénigrement constitutifs de concurrence déloyale, ont saisi le 10 novembre 2015 le juge des requêtes du
tribunal de commerce de Paris aux fins de constat sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.
Le 10 novembre 2015, par une première ordonnance rendue sur requête, le juge des requêtes du tribunal
de commerce de Paris, a désigné un huissier aux fins de constat pour rechercher dans les locaux de la société
Mphasis Wyde, situés 6, rue Beaubourg à Paris, les preuves d’actes de dénigrement constitutifs de concurrence
déloyale du fait de la communication à leurs clients et prospects du jugement du 22 octobre 2013, non définitif
et frappé d’appel.
Les sociétés Protegys et Zags ont présenté le 19 novembre 2015 une seconde requête tendant aux mêmes fins
mais assortie d’une demande d’astreinte.
Par une seconde ordonnance du 20 novembre 2015, le juge des requêtes du tribunal de commerce de Paris a
désigné un huissier de justice, dans les mêmes termes que l’ordonnance du 10 novembre 2015, assortie en outre
d’une astreinte, aux fins d’accéder, dans les locaux de la société Mphasis Wyde et ceux de toute autre entreprise
situés à la même adresse, à tout équipement et support informatique et espace de stockage contrôlé directement
ou indirectement par Mphasys Wyde incluant notamment tout service de messagerie électronique et téléphone
portable relevant de la responsabilité de la société pour collecter, à l’aide de mots clefs, tous dossiers, fichiers,
documents et correspondances en rapport direct avec la communication aux clients et prospects des requérantes
du jugement du 22 octobre 2015, actes de dénigrement constitutifs, selon elles, de concurrence déloyale.
Les opérations de constat ont été réalisées le 23 novembre 2015 dans les locaux de la société Mphasis Wyde.
Par actes des 7 et 9 décembre 2015, la société Mphasis Wyde a saisi le juge des référés du tribunal de commerce
de Paris aux fns de rétractation de l’ordonnance du 20 novembre 2015.
Par une ordonnance de référé contradictoire prononcée en formation collégiale et rendue le 8 janvier
2016, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, retenant l’existence d’un motif légitime
constitué par la nécessité de prouver la communication d’un jugement non définitif par un concurrent direct
intervenant sur un même marché, que la mesure d’instruction était suffisamment claire et précise, et qu’elle ne
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RIPIA n° 265
comportait pas un risque d’atteinte à la vie privée ou au secret professionnel, a :
débouté la société Mphasis Wyde de sa demande de rétractation de l’ordonnance du 20 novembre 2015 ;
dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Mphasis Wyde aux dépens de l’instance.
Autorisée à assigner à jour fixe devant la cour d’appel, la société Mphasis Wyde a interjeté appel de cette
ordonnance par acte du 22 janvier 2016.
Dans ses dernières conclusions transmises le 23 mars 2016, la société Mphasis Wyde, appelante,
demande à la cour de :
infirmer l’ordonnance de référé rendue le 8 janvier 2016 en toutes ses dispositions et, notamment, en son rejet
de la demande de rétractation de l’ordonnance du 20 novembre 2015.
prononcer la rétractation de l’ordonnance aux fins de constat rendue sur requête le 20 novembre 2015 ;
ordonner la restitution de l’ensemble des éléments mis sous scellés lors de l’opération de constat judiciaire du
23 Novembre 2015 en exécution de l’ordonnance du 20 novembre 2015 ;
débouter les sociétés Protegys et Zags de leur appel incident et de l’ensemble de leurs demandes, fins et
conclusions ;
condamner les sociétés Protegys et Zags à verser chacune à la société Mphasis la somme de 10 000 euros au
titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
L’appelante fait valoir :
que la requête aux fins de constat est dénuée de tout motif légitime, les intimés ne rapportant pas la preuve
des actes de publicité du jugement du 22 octobre 2015 sur lesquels ils fondent leur requête ; qu’en tout état
de cause, le jugement du 22 octobre 2015 étant public, la société Mphasis n’est pas à l’origine de sa publicité ;
que la mesure ordonnée n’est pas légalement admissible au sens de l’article 145 du code de procédure civile ;
que les mots clef proposés par les intimés et acceptés par le juge des requêtes portent exclusivement sur la
procédure pendante devant le tribunal de grande instance de Paris ; qu’ils ne peuvent porter que sur des
échanges relatifs à la procédure en cours, tant en interne qu’avec le conseil de la société Mphasis ; que la mesure
se heurte aux principes essentiels de l’égalité des armes et du procès équitable ;
que la mesure ordonnée n’étant pas strictement nécessaire, elle se heurte à l’article 8 de la Convention de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
qu’en ce qu’elle permet la divulgation d’éléments relatifs à la stratégie de procédure d’une partie à une autre, la
mesure ordonnée porte atteinte au droit au procès équitable et à l’égalité des armes, est contraire à l’article 6 de
la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
que les échanges saisis sont protégés par le secret professionnel entre l’avocat et son client.
Dans leurs dernières conclusions transmises le 31 mars 2016, les sociétés Protegys et Zags, intimées et
appelantes incidentes, demandent à la cour de :
confirmer l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris du 8 janvier 2016 en toutes ses dispositions,
sauf en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure
civile ;
débouter la société Mphasis Wyde de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
108
RIPIA n° 265
condamner Mphasis Wyde à leur verser la somme de 10 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de
procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Les intimés font valoir :
que la mesure est fondée sur un motif légitime ; que la société Mphasis Wyde a fait obstruction volontairement
et délibérément à l’exécution de la première ordonnance rendue sur requête ;
qu’une nouvelle mesure d’instruction assortie d’une astreinte a permis de prévenir une nouvelle opposition
illégitime de la société Mphasis Wyde, d’éviter une disparition des preuves et de confirmer les actes de publicité
du jugement litigieux ;
que le caractère public du jugement diffusé est indifférent, la publicité étant constituée par toute communication
quelle qu’en soit la forme, destinée à le promouvoir ; qu’une telle publicité constitue un acte de dénigrement
constitutif de concurrence déloyale ; que les intimées n’auraient pas pu, sans concours judiciaire, rapporter la
preuve de ces actes ;
que la mesure ordonnée est légale, le secret professionnel ne faisant pas obstacle à l’application des dispositions
de l’article 145 du code de procédure civile, la mesure d’instruction n’ayant révélé aucune correspondance
protégée par le secret professionnel ;
que la protection du domicile protégée par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales ne fait pas obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de
procédure civile.
DISCUSSION
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir
avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction
légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ;
Il résulte de cet article que le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il
invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, mais qu’il doit justifier d’éléments
rendant crédibles ses suppositions ;
Selon l’article 493 du même code, l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non
contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ; en raison de
cette dérogation au principe de la contradiction, il appartient au demandeur de préciser les circonstances qui
justifient qu’il soit procédé de façon non contradictoire ; selon l’article 496, alinéa 2, s’il est fait droit à la
requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance ;
Il résulte des articles 496 et 561 du code de procédure civile que la cour d’appel, saisie de l’appel d’une
ordonnance de référé ayant rejeté la demande en rétractation d’une ordonnance sur requête prescrivant des
mesures d’instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait
dépendre la solution d’un litige, est investie des attributions du juge qui l’a rendue ; elle est tenue d’apprécier
elle-même, au jour où elle statue, les mérites de la requête au regard de l’existence d’un motif légitime à
ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement ;
En l’espèce, les SAS Protegys et Zags, ont affirmé, au soutien de leur requête que la société Mphasis Wyde
“aurait procédé à la diffusion de ce jugement [du 22 octobre 2015] auprès de clients et prospects commerciaux des
sociétés Protegys et Zags” alors que ce jugement, intitulé “Avant-dire droit/Expertise/Sursis à statuer”, qui les a
déboutées de leur demande d’annulation de la saisie-contrefaçon du 17 juillet 2914, rejeté les irrecevabilités
soulevées sur le défaut de titularité et le cumul de responsabilité et ordonné une expertise, ne contient ni
condamnation ni constatation relative à d’éventuels actes de contrefaçon et qu’il s’agit, selon les requérantes,
d’un jugement mixte dont elles ont interjeté appel le 23 octobre 2015 actuellement pendant devant la cour
d’appel de Paris.
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RIPIA n° 265
La cour relève que les requérantes ne fondent leur demande de mesure d’instruction présentée au juge des
requêtes que sur la seule diffusion alléguée du jugement du 22 octobre 2015, non définitif, auprès de leurs
clients et prospects commerciaux, ces actes de publicité de ladite décision relevant d’une concurrence déloyale
sanctionnée sur le fondement de la responsabilité délictuelle (article 1382 du code civil).
Elles produisent, pour étayer leurs allégations, deux courriels des 5 et 6 novembre 2015 adressés au directeur
général de Zags émanant du directeur des systèmes d’information de la Mutuelle générale, auprès de laquelle
la société Zags candidate pour l’attribution d’un marché et du directeur des achats d’une de ses clientes, Axa
France, informant la société Zags qu’ils ont été informés du jugement du 22 octobre 2015 et qu’une action en
justice avait été engagée à leur encontre par la société Mphasis Wyde pour contrefaçon des logiciels Globalis et
Wynsure ainsi qu’un troisième courriel du 6 novembre 2015 émanant d’un prospect, la société CA Consumer
France, informant “dans des termes particulièrement lapidaires” Zags du rejet définitif de sa candidature pour
l’attribution d’un nouveau marché, compte tenu d’un “problème de raisons technologiques”.
Par ces seuls courriels qui ne sont pas de nature à étayer leurs allégations de communication déloyale d’une
décision de justice, les sociétés requérantes ne justifient pas d’éléments rendant crédibles leurs allégations, en
l’espèce d’actes de dénigrement et concurrence déloyale de la part de la société Mphasis Wyde de nature à leur
permettre d’obtenir, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, une mesure d’instruction et partant,
d’un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la
solution d’un litige, étant relevé par la cour que le jugement du 22 octobre 2015 a été rendu publiquement
et diffusé sur des bases de données accessibles sur le Net, consultables par tout intéressé et/ou professionnel
et n’assurant pas nécessairement l’anonymisation des décisions de justice et que la publicité des décisions de
justice est un principe consacré par la Convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans le
respect du droit à un procès équitable.
Il convient en conséquence d’infirmer l’ordonnance entreprise du 8 janvier 2016 et statuant à nouveau, de
rétracter l’ordonnance sur requête rendue le 20 novembre 2015 et d’ordonner la restitution de l’ensemble des
éléments mis sous scellés lors de l’opération de constat du 23 novembre 2015 en exécution de l’ordonnance
rétractée.
L’équité commande de faire bénéficier l’appelante des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
dans les conditions précisées au dispositif ci-après.
Parties perdantes, les sociétés intimées ne sauraient prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et doivent
supporter les entiers dépens.
DECISION
Infirme l’ordonnance du 8 janvier 2016 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Rétracte l’ordonnance rendue le 20 novembre 2015 par le juge des requêtes du tribunal de grande instance de Paris ;
Ordonne la restitution des éléments recueillis au cours des mesures d’instruction exécutées en vertu de cette
ordonnance,
Y ajoutant,
Déboute les SAS Protegys et Zags de leur demande incidente formée au titre de l’article 700 du code de
procédure civile,
Condamne la SAS Protegys et la SAS Zags à verser in solidum à la SASU Mphasis Wyde la somme de
4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la SAS Protegys et la SAS Zags aux entiers dépens de première instance et d’appel,
distraits conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
110
RIPIA n° 265
J U R I S PR U D E NC E C OM M UN A UTA IRE
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE
5 ÈME CHAMBRE
17 MARS 2016
AFFAIRE C 99/15
Christian Liffers
Contre
Producciones Mandarina SL, Mediaset España Comunicación SA
ŒU V R E C I NEMATO GRAP H IQUE – INDEMNISAT ION –
M O N TAN T D ES R EDEVANCES –
A U TO RI SATI O N D ’U TILISAT ION D’ ŒUVR E
Synthèse
La CJUE a été saisie d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1, de la
directive 2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, qui énonce qu’une
personne lésée par une violation de son droit de propriété intellectuelle est indemnisée sur la base du montant
des redevances ou des droits qui lui auraient été du, si le contrevenant lui avait demandé l’autorisation de faire
usage de ce droit.
En l’espèce, une œuvre audiovisuelle réalisée, scénarisée et produite par l’espagnol Christian Liffers retrace six
histoires personnelles de plusieurs citoyens de la Havane.
La société Producciones Mandarina SL a réalisé et diffusé par la suite, un documentaire audiovisuel sur la
prostitution à Cuba dans lequel des séquences de l’œuvre de Christian Liffers ont été introduites et ce sans son
accord.
Le réalisateur décide donc d’entamer une action contre la société Producciones et saisit le tribunal de commerce
espagnol pour faire cesser la violation de ses droits de propriété intellectuelle et obtenir le versement de
dommages et intérêts.
Le défendeur évalue le montant des dommages et intérêts en se référant au montant des redevances ou des
droits qui lui auraient été dus s’il avait donné son autorisation à la société Producciones Mandarina.
Le tribunal espagnol condamne la société Mandarina à verser la somme de 3370 euros au titre de préjudice
moral, mais rejette la demande fondée sur le montant des redevances qui lui auraient été dues.
Saisie en Appel, la cour provinciale de Madrid annule complétement la condamnation à réparer le préjudice
moral, considérant que le calcul du préjudice n’est basé que sur des données hypothétiques.
Mr. Liffer décide de former un pourvoi devant la Cour suprême espagnole.
Cette dernière décide de sursoir à statuer et pose une question préjudicielle à la cour de justice de l’Union
Européenne. Les juges demandent si l’article 13, paragraphe 1 de la directive 2004/48 peut être interprété
comme incluant l’indemnisation du dommage patrimonial calculée sur la base du montant des redevances
ou droits qui auraient été dus si le demandeur avait préalablement donné l’autorisation d’utiliser son œuvre.
111
RIPIA n° 265
La CJUE considère que selon le second alinéa, sous b), paragraphe 1 de l’article 13, de la directive 2004/48,
la personne victime d’une violation de son droit de propriété intellectuelle peut légitiment prétendre à
l’indemnisation de son dommage en plus du montant des redevances ou des droits qui lui auraient été dus si
le défendant avait demandé la permission d’utiliser ces images.
Arrêt
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1, de la directive
2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété
intellectuelle (JO L 157, p. 45).
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Liffers à Producciones Mandarina SL
(ci-après « Mandarina ») et Mediaset España Comunicación SA, anciennement Gestevisión Telecinco SA
(ci-après « Mediaset »), au sujet d’une action relative à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Les considérants 10, 17 et 26 de la directive 2004/48 sont ainsi libellés :
« L’objectif de la présente directive est de rapprocher [l]es législations [des États membres] afin d’assurer un
niveau de protection élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur.
[...]
Les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive devraient être déterminées dans chaque
cas de manière à tenir dûment compte des caractéristiques spécifiques de ce cas, notamment des caractéristiques
spécifiques de chaque droit de propriété intellectuelle et, lorsqu’il y a lieu, du caractère intentionnel ou non
intentionnel de l’atteinte commise.
[...]
En vue de réparer le préjudice subi du fait d’une atteinte commise par un contrevenant qui s’est livré à une
activité portant une telle atteinte en le sachant ou en ayant des motifs raisonnables de le savoir, le montant
des dommages-intérêts octroyés au titulaire du droit devrait prendre en considération tous les aspects
appropriés, tels que le manque à gagner subi par le titulaire du droit ou les bénéfices injustement réalisés par
le contrevenant et, le cas échéant, tout préjudice moral causé au titulaire du droit. Le montant des dommagesintérêts pourrait également être calculé, par exemple dans les cas où il est difficile de déterminer le montant
du préjudice véritablement subi, à partir d’éléments tels que les redevances ou les droits qui auraient été dus
si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question. Le
but est non pas d’introduire une obligation de prévoir des dommages-intérêts punitifs, mais de permettre un
dédommagement fondé sur une base objective tout en tenant compte des frais encourus par le titulaire du droit
tels que les frais de recherche et d’identification.»
L’article 13, paragraphe 1, de cette directive, intitulé « Dommages-intérêts », prévoit :
« Les États membres veillent à ce que, à la demande de la partie lésée, les autorités judiciaires compétentes
ordonnent au contrevenant qui s’est livré à une activité contrefaisante en le sachant ou en ayant des motifs
raisonnables de le savoir de verser au titulaire du droit des dommages-intérêts adaptés au préjudice que celui-ci
a réellement subi du fait de l’atteinte.
Lorsqu’elles fixent les dommages-intérêts, les autorités judiciaires :
a) prennent en considération tous les aspects appropriés tels que les conséquences économiques négatives,
notamment le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant
et, dans des cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, comme le préjudice moral causé
au titulaire du droit du fait de l’atteinte ;
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ou
b) à titre d’alternative, peuvent décider, dans des cas appropriés, de fixer un montant forfaitaire de dommagesintérêts, sur la base d’éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si
le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question.
[...]»
L’article 140 de la loi sur la propriété intellectuelle, approuvé par le décret royal législatif 1/1996 portant
approbation du texte codifié de la loi sur la propriété intellectuelle, qui énonce, précise et harmonise les
dispositions légales en vigueur dans ce domaine (Real Decreto Legislativo 1/1996, por el que se aprueba el
texto refundido de la Ley de Propiedad Intelectual, regularizando, aclarando y armonizando las disposiciones
legales vigentes sobre la materia), du 12 avril 1996 (BOE n° 97, p. 14369), tel que modifié par la loi 19/2006
élargissant les moyens de protection des droits de propriété intellectuelle et industrielle et établissant des
règles procédurales pour faciliter l’application de divers règlements communautaires (ley 19/2006, por la que
se amplían los medios de tutela de los derechos de propiedad intelectual e industrial y se establecen normas
procesales para facilitar la aplicación de diversos reglamentos comunitarios), du 5 juin 2006 (BOE n° 134, p.
21230, ci-après la « loi sur la propriété intellectuelle »), dispose :
« 1. L’indemnisation pour les dommages et préjudices qui est due au titulaire du droit qui a été enfreint
comprend non seulement la valeur de la perte subie, mais également celle du manque à gagner résultant de
la violation de son droit. Le montant de l’indemnité peut comprendre, le cas échéant, les frais de recherche
exposés pour obtenir des preuves raisonnables de la commission de l’infraction visée par la procédure judiciaire.
2. L’indemnisation pour les dommages et préjudices est fixée, au choix de la personne lésée, conformément à
l’un des critères suivants :
a) Les conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner subi par la partie lésée et les
bénéfices injustement obtenus par le contrevenant du fait de l’utilisation illicite. S’il y a un préjudice moral,
celui-ci doit être indemnisé, même si l’existence d’un préjudice économique n’est pas établie. Pour évaluer
celui-ci, il y a lieu de considérer les circonstances de l’infraction, la gravité de l’atteinte et le degré de diffusion
illicite de l’œuvre.
b) Le montant que la personne lésée aurait perçu à titre de rémunération, si le contrevenant avait demandé
l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question.»
Le litige au principal et la question préjudicielle
M. Liffers est le réalisateur, le scénariste et le producteur de l’œuvre audiovisuelle intitulée Dos patrias, Cuba y
la noche (Deux patries, Cuba et la nuit), qui raconte six histoires personnelles et intimes de divers habitants de
La Havane (Cuba) ayant pour point commun le choix homosexuel ou transsexuel des personnes concernées.
Mandarina a réalisé un documentaire audiovisuel sur la prostitution infantile à Cuba, montrant des activités
délictueuses enregistrées au moyen d’une caméra cachée. Quelques passages de l’œuvre Dos patrias, Cuba y
la Noche ont été insérés dans ce documentaire, sans qu’une autorisation ait été demandée à M. Liffers. Ledit
documentaire a été diffusé par la chaîne de télévision espagnole Telecinco, appartenant à Mediaset.
M. Liffers a saisi le Juzgado de lo Mercantil n° 6 de Madrid (tribunal de commerce n° 6 de Madrid) d’un
recours contre Mandarina et Mediaset, par lequel il a demandé audit tribunal, notamment, d’enjoindre à ces
dernières de cesser toute violation de ses droits de propriété intellectuelle et de les condamner à lui verser un
montant de 6 740 euros, en raison de la violation de ses droits d’exploitation, ainsi qu’un montant additionnel
de 10 000 euros, au titre de l’indemnisation du préjudice moral qu’il estimait avoir subi.
113
RIPIA n° 265
M. Liffers a évalué le montant des dommages-intérêts pour la violation des droits d’exploitation de son œuvre
en se référant au montant des redevances ou des droits qui lui auraient été dus si Mandarina et Mediaset lui
avaient demandé l’autorisation de faire usage du droit de propriété intellectuelle en question, faisant ainsi
application de l’article 140, paragraphe 2, sous b), de la loi sur la propriété intellectuelle qui permet au titulaire
du droit de propriété intellectuelle lésé d’évaluer la réparation de son dommage sur le montant des redevances
ou des droits qui lui auraient été dus si le contrevenant lui avait demandé une autorisation de faire usage de ce
droit (ci-après les « redevances hypothétiques »). Ce mode de calcul, à la différence de celui visé au paragraphe
2, sous a), de ce même article, n’impose pas au demandeur en dommages-intérêts d’établir l’étendue de
son préjudice réeL. À cet effet, M. Liffers s’est fondé sur les tarifs de l’Organisme de gestion des droits des
producteurs audiovisuels (Entidad de Gestión de Derechos de los Productores Audiovisuales). Au montant
ainsi établi du préjudice matériel, M. Liffers a ajouté une somme forfaitaire, au titre du préjudice moral qu’il
estimait avoir subi.
Le Juzgado de lo Mercantil n° 6 de Madrid (tribunal de commerce n° 6 de Madrid) a fait partiellement
droit au recours de M. Liffers et a condamné Mandarina ainsi que Mediaset, notamment, à lui verser un
montant de 3 370 euros en vue de la réparation du dommage matériel causé par cette violation ainsi qu’un
montant de 10 000 euros au titre du préjudice moraL. Saisie en appel, l’Audiencia Provincial de Madrid (cour
provinciale de Madrid) a ramené à la somme de 962,33 euros l’indemnisation du dommage matériel et a annulé
entièrement la condamnation de Mandarina et de Mediaset à réparer le préjudice moraL. En effet, selon cette
juridiction, M. Liffers ayant fait le choix du mode de calcul fondé sur les redevances hypothétiques, prévu à
l’article 140, paragraphe 2, sous b), de la loi sur la propriété intellectuelle, il n’était plus fondé à réclamer, en
outre, l’indemnisation de son préjudice moraL. Il aurait dû, à cet effet, opter pour le mode de calcul visé au
paragraphe 2, sous a), dudit article. Le choix d’un mode de calcul serait exclusif de l’autre, de sorte qu’une
combinaison des deux serait exclue.
Dans son pourvoi formé devant la juridiction de renvoi, le Tribunal Supremo (Cour suprême), M. Liffers
fait valoir que l’indemnisation du préjudice moral doit être accordée dans tous les cas, que le demandeur ait
opté pour le mode de calcul du préjudice visé à l’article 140, paragraphe 2, sous a), de la loi sur la propriété
intellectuelle ou pour celui prévu au point b) de cette disposition. La juridiction de renvoi nourrit des
doutes concernant l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2004/48 et de l’article 140,
paragraphe 2, de la loi sur la propriété intellectuelle visant à transposer cette disposition en droit espagnol.
Dans ces conditions, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour
la question préjudicielle suivante :
« L’article 13, paragraphe 1, de la directive 2004/48 peut-il être interprété en ce sens qu’il ne permet pas à
la personne lésée par une infraction au droit de la propriété intellectuelle, qui réclame une indemnisation
du dommage patrimonial calculée sur la base du montant des redevances ou droits qui lui seraient dus si le
contrevenant avait demandé une autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en cause, de réclamer
de surcroît l’indemnisation du préjudice moral causé ?»
Sur la question préjudicielle
Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, paragraphe 1, de la directive
2004/48 doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas à la personne lésée par une violation de son droit
de propriété intellectuelle, qui réclame une indemnisation de son dommage matériel calculée, conformément
au second alinéa, sous b), du paragraphe 1, de cet article, sur la base des redevances hypothétiques, de réclamer
de surcroît l’indemnisation de son préjudice moral telle qu’elle est prévue au paragraphe 1, second alinéa, sous
a), dudit article.
À cet égard, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, en vue de l’interprétation d’une
disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également
de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt Surmačs, C 127/14,
EU:C:2015:522, point 28 et jurisprudence citée).
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RIPIA n° 265
S’agissant, en premier lieu, du libellé de l’article 13, paragraphe 1, second alinéa, sous b), de la directive
2004/48, il convient de constater que, si celui-ci n’évoque pas le préjudice moral en tant qu’élément que les
autorités judiciaires doivent prendre en considération lorsqu’elles fixent les dommages-intérêts à verser au
titulaire du droit, il n’exclut pas non plus la prise en compte de ce type de préjudice. En effet, ladite disposition,
en prévoyant la possibilité de fixer un montant forfaitaire de dommages-intérêts sur la base, « au moins », des
éléments qui y sont mentionnées, permet d’inclure dans ce montant d’autres éléments, tels que, le cas échéant,
l’indemnisation du préjudice moral causé au titulaire de ce droit.
Il y a lieu de relever, en deuxième lieu, qu’une telle constatation est confirmée par l’analyse du contexte dans
lequel s’insère la disposition en cause.
En effet, d’une part, le premier alinéa de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2004/48 établit la règle
générale selon laquelle les autorités judiciaires compétentes doivent ordonner au contrevenant le versement, au
titulaire du droit de propriété intellectuelle lésé, des dommages-intérêts « adaptés au préjudice que celui-ci a
réellement subi du fait de l’atteinte ». Or, comme l’a observé M. l’avocat général au point 28 de ses conclusions,
un préjudice moral, tel qu’une atteinte à la réputation de l’auteur d’une œuvre, constitue, à la condition qu’il
soit établi, une composante du préjudice réellement subi par ce dernier.
Par conséquent, le libellé même de l’article 13, paragraphe 1, second alinéa, sous b), de la directive 2004/48,
lu en combinaison avec le premier alinéa de ce paragraphe, exclut que le calcul des dommages-intérêts à verser
au titulaire du droit en cause soit fondé exclusivement sur le montant des redevances hypothétiques lorsque ce
titulaire a effectivement subi un préjudice moral.
D’autre part, il convient de relever que l’application, par les autorités judiciaires compétentes, de la méthode de
calcul forfaitaire prévue à l’article 13, paragraphe 1, second alinéa, sous b), de la directive 2004/48 n’est admise,
à titre d’alternative, que « dans les cas appropriés ».
Or, ainsi que l’énonce le considérant 26 de ladite directive, cette dernière expression s’applique, « par exemple,
dans des cas où il est difficile de déterminer le montant du préjudice véritablement subi ». Dans de telles
circonstances, le montant des dommages-intérêts peut être calculé à partir d’éléments tels que les redevances
ou les droits normalement dus pour l’utilisation du droit de propriété intellectuelle, ce qui ne tient pas compte
des éventuels dommages moraux.
S’agissant, en dernier lieu, des objectifs poursuivis par la directive 2004/48, il y a lieu de rappeler, tout d’abord,
que, aux termes de son considérant 10, celle-ci a pour objectif d’assurer, notamment, un niveau de protection
élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur.
Ensuite, il ressort du considérant 17 de cette directive que les mesures, procédures et réparations qu’elle prévoit
devraient être déterminées dans chaque cas de manière à tenir dûment compte des caractéristiques spécifiques
de ce cas.
Enfin, le considérant 26 de ladite directive énonce, entre autres, que, en vue de réparer le préjudice subi du
fait d’une atteinte commise par un contrevenant, le montant des dommages-intérêts octroyés au titulaire du
droit de propriété intellectuelle devrait prendre en considération tous les aspects appropriés et, notamment,
tout préjudice moral qui lui a été causé.
Il résulte ainsi des considérants 10, 17 et 26 de la directive 2004/48 que celle-ci vise à atteindre un niveau élevé
de protection des droits de propriété intellectuelle qui tient compte des spécificités de chaque cas et est basé sur
un mode de calcul des dommages-intérêts tendant à rencontrer ces spécificités.
Eu égard aux objectifs de la directive 2004/48, il convient d’interpréter l’article 13, paragraphe l, premier
alinéa, de celle-ci en ce sens qu’il établit le principe selon lequel le calcul du montant des dommages-intérêts à
verser au titulaire d’un droit de propriété intellectuelle doit viser à garantir à ce dernier la réparation intégrale
du préjudice qu’il a « réellement subi » en y incluant également l’éventuel préjudice moral survenu.
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Or, ainsi qu’il ressort du point 20 du présent arrêt, une fixation forfaitaire des montants de dommages-intérêts
dus basée sur les seules redevances hypothétiques ne couvre que le préjudice matériel subi par le titulaire du
droit de propriété intellectuelle concerné, si bien que, pour permettre une réparation intégrale, ce titulaire doit
pouvoir demander, en sus des dommages-intérêts ainsi calculés, l’indemnisation du préjudice moral qu’il a
éventuellement enduré.
Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question préjudicielle que l’article 13, paragraphe 1, de la
directive 2004/48 doit être interprété en ce sens qu’il permet à la personne lésée par une violation de son droit
de propriété intellectuelle, qui réclame une indemnisation de son dommage matériel calculée, conformément
au second alinéa, sous b), du paragraphe 1, de cet article, sur la base du montant des redevances hypothétiques,
de réclamer de surcroît l’indemnisation de son préjudice moral telle qu’elle est prévue au paragraphe 1, second
alinéa, sous a), dudit article.
Sur les dépens
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction
de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à
la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :
L’article 13, paragraphe 1, de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril
2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, doit être interprété en ce sens qu’il permet à
la personne lésée par une violation de son droit de propriété intellectuelle, qui réclame une indemnisation de
son dommage matériel calculée, conformément au second alinéa, sous b), du paragraphe 1, de cet article, sur
la base du montant des redevances ou des droits qui lui auraient été dus si le contrevenant lui avait demandé
l’autorisation de faire usage du droit de propriété intellectuelle en cause, de réclamer de surcroît l’indemnisation
de son préjudice moral telle qu’elle est prévue au paragraphe 1, second alinéa, sous a), dudit article.
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TRIBUNAL DE L’UNION EUROPÉENNE
18 MARS 2016
AFFAIRE T-33/15
Grupo Bimbo
Contre
OHMI
M ARQ UE C O M MU N AU TAI RE – MOT IFS A B SOLUS DE R EFUS –
ABSEN C E D E C ARACT ER E DIST INCT IF
Synthèse
Le Tribunal de l’Union européenne a rendu le 18 mars 2016, un arrêt rappelant que la renommée acquise par
une marque dans un Etat de l’Union ne vaut pas automatiquement dans les autres Etats.
En l’espèce, le 28 février 2013, la société Grupo Bimbo dépose une demande d’enregistrement portant sur la
marque verbale « BIMBO » devant l’office italien. Cette demande vise les produits tels que les « farines, pain
et préparations et produits à base de céréales ; produits de pâtisserie et de biscuiterie ».
Le 10 mai 2013, l’examinateur informe le déposant que le terme « BIMBO », voulant dire « enfant » en italien,
indique clairement que la cible des produits vendus est le jeune consommateur, et que de ce fait, la marque ne
peut être acceptée à l’enregistrement.
Le déposant se défend en soulignant que « BIMBO » est une marque reconnue dans le monde entier (et
notamment en Espagne), et invoque l’ancienneté de la marque en Italie.
Le 19 novembre 2013, l’examinateur rejette la demande d’enregistrement considérant qu’il n’a pas été prouvé
que la marque ait acquis en Italie, un caractère distinctif par l’usage.
La société Grupo Bimbo conteste cette décision devant la chambre des recours de l’OHMI qui rejette également
sa demande en se fondant sur les mêmes arguments que l’examinateur, à savoir, que les produits alimentaires
concernés sont des produits de la consommation courante, que la marque d’origine est italienne et que de ce
fait le public visé est le public italien.
Les juges considèrent enfin que les éléments fournis par la requérante ne démontrent pas le caractère distinctif
acquis par l’usage de cette marque.
La requérante forme alors un pourvoi devant le Tribunal de l’Union Européenne et invoque la décision du
Tribunal de l’Union du 14 décembre 2012 dans laquelle le tribunal reconnaissait la renommée de la marque
« BIMBO » en Espagne.
Le tribunal de l’Union européenne juge cet argument dépourvu de tout fondement et précise qu’il appartenait
à la requérante de donner une preuve de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage dans la partie de
l’Union dans laquelle la demandée a été introduite, en l’espèce, l’Italie.
Les juges ont donc considéré que la renommée du signe « BIMBO » en Espagne ne suffisait pas à établir le
caractère distinctif de la marque pour l’ensemble des pays de l’Union.
117
RIPIA n° 265
Arrêt
Antécédents au litige
Le 28 février 2013, la requérante, Grupo Bimbo, SAB de CV, a présenté une demande d’enregistrement
de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et
modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque
communautaire (JO L 78, p. 1).
La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal BIMBO.
Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 30 au sens de l’arrangement
de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des
marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Farines, pain
et préparations et produits à base de céréales ; produits de pâtisserie et de biscuiterie ».
Le 3 avril 2013, la demande de marque communautaire pour le signe verbal BIMBO a été publiée par l’OHMI.
Le 10 mai 2013, l’examinateur a informé la requérante qu’il existait, à l’encontre de l’enregistrement de la
marque demandée, des motifs de refus en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du
règlement n° 207/2009 pour les produits concernés. En substance, l’examinateur a estimé que les produits en
cause étaient des produits alimentaires destinés au consommateur moyen, suffisamment raisonnable et informé
et que, dans la mesure où le mot « bimbo » était un mot de la langue italienne, le public pour lequel les motifs
absolus de refus devaient être appréciés était le consommateur italophone. L’examinateur a ensuite considéré
que ledit consommateur interpréterait le mot « bimbo » comme une indication de la cible des produits
concernés, à savoir les enfants. Ainsi, l’examinateur a conclu que le signe BIMBO avait une signification
descriptive qui le rendait inapte à indiquer l’origine commerciale des produits en cause.
Le 5 juillet 2013, la requérante a répondu à ces objections. En particulier, la requérante soutenait que BIMBO,
étant une marque reconnue dans le monde entier, relevait de l’exception prévue à l’article 7, paragraphe 3, du
règlement n° 207/2009. Elle estimait également que l’OHMI avait violé le principe de sécurité juridique et ses
droits de la défense étant donné que, après avoir d’abord publié la demande de marque communautaire, il a
ensuite, par la lettre du 10 mai 2013, émis une objection sans indiquer la base juridique sur laquelle reposait
la révocation de cette publication. Par ailleurs, elle considérait que « bimbo » n’était pas le mot normalement
utilisé pour désigner un enfant en italien et que, par conséquent, il ne s’agissait pas d’un mot habituel pour
désigner un produit ou sa destination. La réglementation italienne sur l’étiquetage des produits prévoirait
d’ailleurs que les produits destinés aux enfants doivent comporter des étiquettes indiquant « per l’infanza »
ou « per bambini », mais en aucun cas le mot « bimbo ». La requérante invoquait aussi l’ancienneté de sa
marque BIMBO en Italie et ajoutait que celle-ci avait également été enregistrée en Suisse, en Allemagne et
au Royaume-Uni. Elle soulignait enfin que le Tribunal avait reconnu la renommée de la marque BIMBO en
Espagne.
Par décision du 19 novembre 2013, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour les produits
concernés en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.
L’examinateur a d’abord relevé qu’il n’y avait pas lieu en l’espèce de procéder à une révocation étant donné
que la marque demandée n’avait pas été enregistrée et qu’aucune décision définitive n’avait été adoptée. Il
a constaté que l’OHMI avait envoyé son objection, précisant les motifs de refus à l’encontre de la marque
demandée, tout en permettant à la requérante d’y répondre, ce qu’elle avait fait le 5 juillet 2013. Puis,
l’examinateur a notamment indiqué que, sans mettre en doute le fait que BIMBO soit une marque connue au
niveau mondial, il n’avait pas été prouvé que la marque demandée BIMBO avait acquis un caractère distinctif
par l’usage en Italie. L’examinateur a par ailleurs relevé que, selon un dictionnaire italien, le mot « bimbo »
n’était ni affectueux ni familier, mais était le synonyme de « bambino », soit « enfant » en italien. Il a indiqué
que l’ancienneté de la marque italienne BIMBO dont la requérante s’était prévalue n’était pas pertinente,
étant donné que l’OHMI n’était pas lié par les décisions prises par les offices nationaux. S’agissant enfin des
enregistrements de marques identiques ou analogues, l’examinateur a estimé que l’OHMI devait traiter les
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RIPIA n° 265
demandes en vertu du règlement n° 207/2009 et ne devait pas consentir à l’enregistrement d’une marque pour
le simple motif que, auparavant, celui-ci aurait pu commettre une erreur en acceptant une marque qui tombait
sous le coup de motifs absolus de refus.
Le 20 janvier 2014, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de l’examinateur.
L’examinateur a refusé de réexaminer le recours, lequel a été renvoyé aux chambres de recours le 9 avril 2014.
Par décision du 19 novembre 2014, la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours (ci-après la
« décision attaquée »), au motif que la marque demandée tombait sous le coup des interdictions visées à l’article
7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.
Afin de parvenir à cette conclusion, tout d’abord, la chambre de recours a considéré que, étant donné que les
produits concernés étaient des produits alimentaires, de consommation courante, compris dans la classe 30, et
que la marque demandée BIMBO était constituée d’un mot italien, le public pertinent était le consommateur
moyen italophone normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Ensuite, la chambre de recours
a relevé que le mot « bimbo », signifiant « enfant » en italien, informait le public pertinent sur la catégorie
de personnes à laquelle étaient destinés les produits concernés. Ainsi, le public pertinent comprendrait
immédiatement que les produits visés par la marque demandée sont aptes à être consommés par les enfants
ou adaptés afin de pouvoir être consommés par des enfants. Dès lors, selon la chambre de recours, la marque
demandée serait perçue par le public pertinent comme manifestement descriptive des caractéristiques des
produits concernés. Par ailleurs, au vu de ces observations, la chambre de recours a également estimé que la
marque demandée était dépourvue de caractère distinctif. Enfin, en ce qui concerne l’article 7, paragraphe
3, du règlement n° 207/2009, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve produits par la
requérante ne démontraient pas le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée dans la partie
de l’Union où elle en était dépourvue au regard de l’article 7, soit en Italie.
Conclusions des parties
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– reconnaître le caractère distinctif de la marque demandée ;
– inviter l’OHMI à poursuivre l’enregistrement de la marque demandée ;
– condamner l’OHMI aux dépens.
L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur la recevabilité du troisième chef de conclusions de la requérante
Par son troisième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’inviter l’OHMI à poursuivre
l’enregistrement de la marque demandée.
Il convient de considérer qu’un tel chef de conclusions doit être interprété comme tendant à enjoindre à
l’OHMI d’enregistrer ladite marque.
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RIPIA n° 265
Or, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union
européenne contre la décision d’une chambre de recours de l’OHMI, ce dernier est tenu, conformément à
l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, de prendre les mesures que comporte l’exécution de
l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’OHMI, auquel
il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [arrêts du 27 juin
2013, Repsol YPF/OHMI – Ajuntament de Roses (R), T 89/12, EU:T:2013:335, point 15, et du 9 juillet
2015, CMT/OHMI – Camomilla (CAMOMILLA), T 100/13, EU:T:2015 :481, point 23].
Partant, le troisième chef de conclusions de la requérante est irrecevable.
Sur les pièces présentées pour la première fois devant le Tribunal
L’OHMI fait valoir que les nouveaux documents et les nouveaux liens Internet ayant été produits par la
requérante pour la première fois devant le Tribunal devraient être rejetés.
À cet égard, il y a lieu de relever que les annexes B1 et B3 à B14, qui incluent des liens Internet, n’ont jamais
été produites devant la chambre de recours. Ces pièces consistent, s’agissant de l’annexe B1, en une recherche
sur la base de données des marques communautaires ; s’agissant des annexes B3, B4, B6 à B10 et B12 à B14,
en des documents concernant notamment la promotion et la renommée, dans le monde et en Espagne, de
la marque demandée ; s’agissant de l’annexe B5, en des liens Internet renvoyant aux rapports annuels de la
requérante ainsi qu’à des matériaux de promotion ; s’agissant de l’annexe B11, en un document concernant la
part de marché pour le pain de mie de la marque demandée en Espagne.
Ces pièces, produites pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent être prises en considération. En
effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de
l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de
réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il
convient donc d’écarter les pièces susvisées sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce
sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T 346/04, Rec,
EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].
Sur le fond
À l’appui du recours, la requérante invoque, en substance, trois moyens, tirés, le premier, de la violation
de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, le deuxième, de la violation de l’article 7,
paragraphe 1, sous b), et, le troisième, de la violation de l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement. En outre, elle
conteste l’irrégularité de la notification des motifs de refus concernant la demande de marque communautaire.
En ce qui concerne, à titre liminaire, l’argument tiré de l’irrégularité de la notification des motifs de refus
concernant la demande de marque communautaire
Il convient de relever, à titre liminaire, qu’il ressort des différents éléments du dossier que la demande de
marque a été publiée le 3 avril 2013. Toutefois, après cette publication, le groupe de qualité de l’OHMI a
constaté et informé l’examinateur qu’il existait, à l’encontre de la marque demandée, des motifs absolus de
refus. Par une lettre du 10 mai 2013, l’examinateur a notifié à la requérante son objection à l’encontre de
l’enregistrement de la marque demandée. Le 5 juillet 2013, la requérante a répondu à cette objection. Le 19
novembre 2013, l’examinateur a rendu sa décision.
La requérante fait valoir que, étant donné que la demande de marque avait été publiée et avait donc passé avec
succès la phase de l’examen des motifs absolus de refus, l’OHMI ne pouvait pas procéder à un nouvel examen
des motifs absolus de refus sans avoir préalablement respecté la procédure prévue à l’article 80 du règlement
n° 207/2009 et lui avoir permis de faire valoir ses observations. La requérante estime ainsi que l’objection à
l’enregistrement émise par l’examinateur était irrégulière en ce qu’elle violait le principe de sécurité juridique
ainsi que les droits de la défense.
L’OHMI conteste les arguments de la requérante.
120
RIPIA n° 265
Il convient de rappeler que, dans le cadre du présent recours, l’examen du Tribunal porte sur la légalité de la
décision attaquée, adoptée par la chambre de recours. Force est de constater que la chambre de recours n’a pas
pris position sur cet argument dans sa décision.
En tout état de cause, il convient de rappeler que le règlement n° 207/2009 indique que les signes qui ne sont
pas conformes à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), sont refusés à l’enregistrement. Il s’agit là de motifs
absolus de refus et ceux-ci peuvent être examinés à tout moment de la procédure d’enregistrement à condition
de respecter le droit du demandeur d’être entendu [voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2012, Seven Towns/
OHMI (Représentation de sept carrés en différentes couleurs), T 293/10, EU:T:2012:302, point 32].
En outre, il y a lieu de remarquer que la publication d’une demande de marque ne garantit pas l’enregistrement
de ladite marque. En effet, il ressort de l’article 39, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 que, après avoir
été publiée, la demande de marque peut encore être rejetée, conformément à l’article 37 dudit règlement qui
prévoit l’examen relatif aux motifs absolus de refus [arrêt Représentation de sept carrés en différentes couleurs,
point 25 supra, EU:T:2012:302, point 33 ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, Telepharmacy
Solutions/OHMI (TELEPHARMACY SOLUTIONS), T 289/02, Rec, EU:T:2004:227, point 60].
Force est de constater en l’espèce, ainsi que le souligne à juste titre l’OHMI, que la requérante a été en mesure
d’envoyer ses observations en réponse à l’objection de l’examinateur le 5 juillet 2013. Ce dernier les a par
ailleurs dûment pris en compte dans sa décision du 19 novembre 2013.
Au demeurant, aucun élément probant ne permet de penser que, dans la présente affaire, la publication de la
demande de marque communautaire devait être révoquée en application de la procédure définie par l’article 80
du règlement n° 207/2009. En effet, il ressort du libellé de cette disposition que la révocation intervient lorsque
l’OHMI « effectue une inscription dans le registre ou prend une décision entachée d’une erreur de procédure
manifeste, qui lui est imputable ». Il y a lieu de relever que la requérante n’a nullement indiqué en quoi la
publication d’une demande de marque communautaire remplissait les conditions prévues par ledit article. En
effet, il convient de constater que la publication d’une demande de marque communautaire ne constitue ni une
inscription au registre ni une décision au sens de cet article.
Il s’ensuit que l’argument de la requérante tiré de l’irrégularité de la notification des motifs de refus de la
demande de marque communautaire doit être écarté.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009
La requérante considère que le fait que « bimbo » signifie « enfant » ou « bébé » en italien n’empêche pas ce mot
de pouvoir constituer une marque conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.
En effet, « bimbo » ne serait pas le mot généralement utilisé par les consommateurs, même italophones, pour
décrire ou désigner les produits concernés compris dans la classe 30. La requérante fait d’ailleurs valoir que la
réglementation italienne relative à l’étiquetage exclut le mot « bimbo » pour désigner ou identifier les produits
destinés aux enfants. La requérante estime ensuite que la chambre de recours n’a pas démontré que le mot
« bimbo » était utilisé de manière descriptive pour désigner l’une des caractéristiques des produits concernés.
Elle reproche également à la chambre de recours de ne pas avoir reconnu que l’enregistrement en Italie de sa
marque verbale BIMBO pour la classe 30 revêtait une importance particulière. Enfin, la requérante souligne
que, dans des cas semblables à celui de la marque demandée, des marques ont été enregistrées par l’OHMI.
L’OHMI conteste les arguments de la requérante.
Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les
marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour
désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la
production du produit ou de la prestation de services, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci.
L’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 énonce, pour sa part, que le paragraphe 1 de ce même
article est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.
121
RIPIA n° 265
Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 empêche que les signes
ou indications visés par lui soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que
marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications
puissent être librement utilisés par tous [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C 191/01 P, Rec,
EU:C:2003:579, point 31, et du 7 juillet 2011, Cree/OHMI (TRUEWHITE), T 208/10, EU:T:2011:340,
point 12].
En outre, des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques
du produit ou du service pour lequel l’enregistrement est demandé sont, en vertu de l’article 7, paragraphe 1,
sous c), du règlement n° 207/2009, réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir
celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui
acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix,
si l’expérience s’avère positive, ou de faire un autre choix, si elle s’avère négative (arrêts OHMI/Wrigley, point
34 supra, EU:C:2003:579, point 30, et TRUEWHITE, point 34 supra, EU:T:2011:340, point 13).
Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut
qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature
à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des
produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (voir arrêt TRUEWHITE, point 34 supra,
EU:T:2011:340, point 14 et jurisprudence citée).
Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, pour que l’OHMI oppose un refus
d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, il n’est pas
nécessaire que les signes et indications composant la marque visés à cet article soient effectivement utilisés,
au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de produits tels que ceux pour lesquels
la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits. Il suffit, comme l’indique la lettre même de
cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi
se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de ladite disposition, si, en au moins une de ses
significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits concernés [voir, en ce sens, arrêts OHMI/
Wrigley, point 34 supra, EU:C:2003:579, point 32, et du 27 février 2015, Universal Utility International/
OHMI (Greenworld), T 106/14, EU:T:2015 :123, point 32].
C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les différents arguments soulevés par la requérante.
À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, au point 12 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré
que les produits concernés compris dans la classe 30 étaient des produits alimentaires de consommation
courante. Au même point de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que le public pertinent était
le consommateur moyen considéré comme normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces observations, au demeurant non contestées par la requérante.
En outre, étant donné que la marque demandée est composée d’un mot italien, l’existence des motifs absolus
de refus examinés en l’espèce doit être appréciée, en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement
n° 207/2009, par rapport au consommateur italophone de l’Union.
En effet, d’une part, contrairement à ce que soutient la requérante, et à l’instar de ce qu’a constaté la chambre
de recours au point 35 de la décision attaquée, les significations qui peuvent être attribuées au mot « bimbo »
en allemand ou en anglais sont dépourvues de pertinence compte tenu des produits pour lesquels la marque
est demandée. D’autre part, il ressort de la jurisprudence citée au point 37 ci-dessus qu’un signe verbal doit
se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement
n° 207/2009, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits
concernés.
122
RIPIA n° 265
En l’espèce, la chambre de recours a relevé à bon droit, au point 17 de la décision attaquée, que la marque
demandée était constituée du mot « bimbo », qui, selon le dictionnaire Virgilio Parole, signifie « bambino »
en italien, soit « enfant ». Compte tenu de cette signification, d’une part, et des produits concernés, à savoir
« farines, pain et préparations et produits à base de céréales ; produits de pâtisserie et de biscuiterie », d’autre
part, la chambre de recours a considéré à bon droit, au point 19 de la décision attaquée, que le signe BIMBO
informait immédiatement les consommateurs italophones, sans qu’ils aient besoin de s’interroger, sur la
catégorie de personnes à laquelle étaient destinés les produits concernés.
Il ressort de la décision attaquée, et notamment de son point 20, que, contrairement à ce qu’allègue la
requérante, la chambre de recours a correctement présenté les raisons pour lesquelles le signe BIMBO serait
perçu par le public pertinent comme descriptif des caractéristiques des produits concernés. En effet, la
chambre de recours a relevé à juste titre que, bien que « bimbo » ne soit pas un mot généralement utilisé par le
public pertinent pour décrire ou désigner les produits concernés de la classe 30, le consommateur italophone
comprendrait ledit mot comme une référence aux destinataires des produits. À cet égard, elle a précisé que ledit
consommateur comprendrait que les produits visés par la marque demandée étaient aptes à être consommés,
ou adaptés afin de pouvoir être consommés, par des enfants. Il convient de constater, comme l’a fait observer
à juste titre la chambre de recours, que le signe BIMBO sera immédiatement compris par le public pertinent
comme descriptif et élogieux quant aux caractéristiques des produits, à savoir des produits plus tendres ou
intégrant des composants spécifiques destinés aux enfants.
À cet égard, conformément à la jurisprudence exposée au point 37 ci-dessus, il y a lieu de rappeler qu’il n’est
pas nécessaire que le signe BIMBO soit effectivement utilisé, au moment de la demande d’enregistrement, à
des fins descriptives des produits pour lesquels la demande est présentée. Il suffit que celui-ci puisse être utilisé
à de telles fins.
Force est de constater que, en informant le public pertinent que les produits concernés sont destinés ou adaptés
à une clientèle enfantine, le signe BIMBO présente avec les produits en cause un rapport suffisamment direct
et concret pour tomber sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), et paragraphe
2, du règlement n° 207/2009 [voir, par analogie, arrêt du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T 219/00,
Rec, EU:T:2002:44, points 33, 34 et 37].
L’argument avancé par la requérante selon lequel le mot « bimbo » n’est pas le mot utilisé réglementairement
pour étiqueter les produits destinés aux enfants en Italie ne remet pas en cause cette conclusion, ainsi que l’a
constaté à juste titre la chambre de recours au point 20 de la décision attaquée.
D’abord, il y a lieu de rejeter l’affirmation, aucunement étayée, de la requérante selon laquelle cette constatation
de la chambre de recours viole ses droits de la défense. En effet, ainsi qu’il ressort du point 3 de la décision
attaquée, la requérante ayant elle-même invoqué cet argument devant l’examinateur, dès lors, elle ne saurait
reprocher à la chambre de recours d’y répondre.
Ensuite, malgré le fait que la réglementation italienne relative à l’étiquetage des produits destinés aux
enfants n’inclue pas le mot « bimbo » pour désigner ou identifier les produits destinés aux enfants, il n’en
reste pas moins que, étant donné sa signification, ledit mot s’avère immédiatement compréhensible pour le
consommateur italophone et qu’il sera compris en ce sens que les destinataires des produits sont les enfants.
S’agissant de la marque nationale BIMBO enregistrée en Italie sous le numéro 180962, sur laquelle la
requérante attire l’attention du Tribunal, et dont elle s’est prévalue de l’ancienneté devant l’OHMI aux fins
de l’article 34 du règlement n° 207/2009, il convient de rappeler que le régime des marques de l’Union est
un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques,
son application étant indépendante de tout système nationaL. Dès lors, l’OHMI et, le cas échéant, le juge de
l’Union ne sont pas liés par les décisions intervenues dans les États membres, qui ne constituent qu’un élément
qui, sans être déterminant, peut seulement être pris en considération aux fins de l’enregistrement d’une marque
communautaire [arrêts du 7 février 2012, Dosenbach-Ochsner/OHMI – Sisma (Représentation d’éléphants
dans un rectangle), T 424/10, Rec, EU:T:2012:58, point 35, et du 16 juillet 2014, Langguth Erben/OHMI
(Forme d’une bouteille de boisson alcoolisée), T 66/13, EU:T:2014:681, point 62].
123
RIPIA n° 265
En outre, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les enregistrements existant dans les
États membres ne constituent qu’un fait qui peut être pris en considération dans le contexte de l’enregistrement
d’une marque communautaire, la marque dont l’enregistrement est demandé devant être appréciée sur le
fondement de la réglementation de l’Union pertinente. Il s’ensuit que l’OHMI n’est ni tenu de faire siennes
les exigences et l’appréciation des autorités nationales compétentes des États membres, ni obligé de faire droit à
une demande d’enregistrement (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2012, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli/
OHMI, C 98/11 P, Rec, EU:C:2012:307, point 50 et jurisprudence citée).
Or, en l’espèce, c’est à juste titre que la chambre de recours, qui n’a au demeurant pas ignoré cet enregistrement
national, mais l’a analysé au point 23 de la décision attaquée, a considéré que ce fait ne remettait pas en cause
la conclusion selon laquelle la marque demandée possédait un caractère descriptif. Les constatations effectuées
aux points 50 et 51 ci-dessus valent également pour les enregistrements nationaux intervenus en Allemagne, au
Royaume-Uni et en Suisse, invoqués par la requérante.
Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’OHMI aurait procédé à l’enregistrement, dans
des cas semblables à celui de la marque demandée, des marques verbales mentionnées ci-après, il convient de
relever que ces marques sont soit différentes de la marque demandée soit enregistrées pour d’autres produits
et services :
–la marque communautaire verbale BIMBO TRIGO COMPLETO, enregistrée sous le numéro 11352168
pour des produits relevant de la classe 30 ;
–la marque communautaire verbale BIMBO, enregistrée sous le numéro 5175261 pour des produits relevant
des classes 5 et 31 ;
– la marque communautaire verbale ABUELO, enregistrée sous le numéro 2467728 pour des produits relevant
de la classe 33 ;
–la marque communautaire verbale HOMBRE, enregistrée sous le numéro 7288608 pour des produits
relevant de la classe 34 ;
–la marque communautaire verbale MAN, enregistrée sous le numéro 914360 pour des produits relevant des
classes 7, 9, 12, 16, 25, 28, 35 à 37, 39, 41 et 42 ;
–la marque communautaire verbale WOMAN, enregistrée sous le numéro 11644994 pour des produits
relevant de la classe 30 ;
–la marque communautaire verbale BOY, enregistrée sous le numéro 3534765 pour des produits relevant des
classes 9, 38 et 42 ;
– la marque communautaire verbale BOY, enregistrée sous le numéro 577957 pour des produits relevant de la
classe 18 ;
–la marque communautaire verbale CHICO, enregistrée sous le numéro 3191913 pour des produits relevant
des classes 12, 28, 35 et 37 ;
–la marque communautaire verbale CHICO, enregistrée sous le numéro 1973502 pour des produits relevant
des classes 14 et 28 ;
–la marque communautaire verbale NENE, enregistrée sous le numéro 3780285 pour des produits relevant
des classes 3, 5, 10, 16 et 25 ;
–la marque communautaire figurative BEBE, enregistrée sous le numéro 945642 pour des produits relevant
des classes 9, 14, 18 et 25.
Contrairement à ce que fait valoir la requérante, force est de constater que les fruits et légumes, compris dans
la classe 31, visés par la marque communautaire verbale BIMBO, enregistrée sous le numéro 5175261, ne
sont pas comparables en l’espèce aux produits concernés dans le présent recours. En effet, contrairement aux
produits concernés, le secteur des fruits et légumes frais est moins susceptible de destiner ses produits à un
public spécifique constitué d’enfants.
124
RIPIA n° 265
À supposer même que ces cas soient similaires, notamment le cas de la marque verbale communautaire
WOMAN enregistrée pour des produits relevant de la classe 30 sur laquelle la requérante attire l’attention
du Tribunal, d’une part, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les décisions
concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire que les chambres de recours sont
amenées à prendre, en vertu du règlement n° 207/2009, relèvent d’une compétence liée et non d’un pouvoir
discrétionnaire. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit
être apprécié que sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt
Greenworld, point 37 supra, EU:T:2015 :123, point 36 et jurisprudence citée).
D’autre part, selon une jurisprudence constante, l’OHMI doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande
d’enregistrement de marque communautaire, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes
similaires et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans
le même sens. Cela étant, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec
le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque
ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision
identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration,
l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient
enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un
signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du
cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (voir arrêt Greenworld, point
37 supra, EU:T:2015 :123, point 37 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011,
Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C 51/10 P, Rec, EU:C:2011:139, points 74 à 77).
En l’espèce, ainsi qu’il a été établi, la demande de marque communautaire tombe sous le coup du motif de refus
énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009. Il s’ensuit que la requérante ne saurait
utilement invoquer, aux fins d’infirmer la conclusion à laquelle a abouti la chambre de recours dans la décision
attaquée, des décisions antérieures de l’OHMI (voir, en ce sens, arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI,
point 57 supra, EU:C:2011:139, points 78 et 79).
Il en va de même concernant l’argument de la requérante selon lequel la marque demandée peut être considérée
comme suggestive ou évocatrice mais pas descriptive. D’abord, la décision du 4 avril 2010 de la deuxième
chambre de recours (affaire R 1502/2009-2, CAPA NEGRA), invoquée par la requérante à l’appui de cet
argument, n’est pas pertinente compte tenu, premièrement, des raisons exposées aux points 55 à 58 ci-dessus et,
deuxièmement, du fait que la marque et les produits enregistrés dans l’affaire invoquée ne sont pas comparables
à ceux de l’espèce. En outre, comme il a déjà été établi précédemment aux points 46 et 47, en informant le
public pertinent que les produits concernés sont destinés ou adaptés à une clientèle enfantine, la marque
demandée présente avec les produits concernés un rapport suffisamment direct et concret.
Eu égard à ce qui précède, il ne peut être reproché à la chambre de recours d’avoir considéré que la marque
demandée présentait un caractère descriptif pour le public italophone en ce qui concerne les produits
alimentaires « farines, pain et préparations et produits à base de céréales ; produits de pâtisserie et de
biscuiterie » pour lesquels l’enregistrement était demandé.
Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009
En l’espèce, la requérante soutient, en substance, que la marque demandée dispose d’un caractère distinctif
suffisant pour ne pas être refusée à l’enregistrement en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement
n° 207/2009. En effet, outre les arguments qu’elle a exposés dans le cadre du premier moyen, elle fait valoir
que, si elle admet que le mot « bimbo » représente un segment de la population, elle considère, toutefois, que
le public pertinent ne le percevra pas comme n’étant pas apte à indiquer l’origine commerciale des produits
concernés. Selon elle, étant donné que les produits concernés sont propres à la consommation humaine en
général, le public pertinent ne percevra pas la marque demandée comme désignant des produits destinés
uniquement aux enfants.
125
RIPIA n° 265
L’OHMI conteste les arguments de la requérante.
Selon la jurisprudence, la déduction du caractère non distinctif d’une marque de la seule circonstance qu’elle
présente un caractère descriptif constitue une erreur de droit (arrêt du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI,
C 304/06 P, Rec, EU:C:2008:261, points 58 à 63). C’est donc à tort que la chambre de recours a déduit que
le motif absolu de refus d’enregistrement prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009
était applicable pour la seule raison que la marque demandée présentait un caractère descriptif.
Cette erreur demeure cependant sans conséquence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors que, ainsi qu’il
ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, il suffit que l’un des motifs absolus de refus qui
y sont énumérés s’applique pour que le signe en cause ne puisse être enregistré comme marque communautaire
[voir arrêts du 12 janvier 2005, Wieland-Werke/OHMI (SnTEM, SnPUR, SnMIX), T 367/02 à T 369/02,
Rec, EU:T:2005:3, point 45 et jurisprudence citée, et du 15 juillet 2015, Australian Gold/OHMI – Effect
Management & Holding (HOT), T 611/13, Rec, EU:T:2015 :492, point 55 et jurisprudence citée].
En l’espèce, il n’y a plus lieu d’examiner le deuxième moyen invoqué par la requérante, tiré de la violation de
l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, étant donné qu’il est devenu inopérant.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009
La requérante fait valoir que la marque demandée a acquis un caractère distinctif par l’usage au regard de
l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009. La requérante soutient, en effet, que la renommée de la
marque BIMBO, reconnue par le Tribunal dans une précédente affaire pour l’Espagne, devrait valoir pour
l’ensemble de l’Union. Elle estime, en tout état de cause, que, compte tenu de la renommée mondiale de sa
marque, elle n’a pas à prouver l’existence d’un caractère distinctif acquis par l’usage en Italie. Par ailleurs, la
requérante reproche à la chambre de recours des contradictions ainsi que des erreurs dans l’appréciation de
certains éléments de preuve qui lui ont été soumis.
L’OHMI conteste les arguments de la requérante.
À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, si une
marque n’a pas ab initio un caractère distinctif, elle peut l’acquérir pour les produits ou les services demandés,
à la suite de son usage. Un tel caractère distinctif peut être acquis, notamment, après un processus normal de
familiarisation du public concerné. Il s’ensuit que, aux fins d’apprécier si une marque a acquis un caractère
distinctif par l’usage, il y a lieu de tenir compte de toutes les circonstances dans lesquelles le public pertinent
est mis en présence de cette marque [arrêts du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C 25/05 P, Rec, EU:C:2006:422,
points 70 et 71, et du 21 mai 2014, Bateaux mouches/OHMI (BATEAUX-MOUCHES), T 553/12,
EU:T:2014:264, point 58].
L’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative
du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou les services concernés comme provenant
d’une entreprise déterminée [arrêts du 1er février 2013, Ferrari/OHMI (PERLE’), T 104/11, EU:T:2013:51,
point 37, et du 22 mars 2013, Bottega Veneta International/OHMI (Forme d’un sac à main), T 409/10,
EU:T:2013:148, point 75].
Les éléments susceptibles de démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit ou le service
concerné comme provenant d’une entreprise déterminée doivent être appréciés globalement. Dans le cadre de
cette appréciation, peuvent être pris en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque,
l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits
par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit ou le service
comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de
commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles (arrêts du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee,
C 108/97 et C 109/97, Rec, EU :C :1999 :230, points 49 et 51, et du 7 juillet 2005, Nestlé, C 353/03, Rec,
EU:C:2005:432, point 31). Si, sur la base de tels éléments, les milieux intéressés ou, à tout le moins, une
fraction significative de ceux-ci identifient grâce à la marque le produit ou le service comme provenant d’une
126
RIPIA n° 265
entreprise déterminée, il doit en être conclu que la condition posée par l’article 7, paragraphe 3, du règlement
n° 207/2009 est remplie [arrêt du 26 mars 2015, Bateaux mouches/OHMI (BATEAUX MOUCHES),
T 72/14, EU:T:2015 :194, point 66].
Pour apprécier si les motifs de refus édictés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 207/2009
doivent être écartés en raison de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, seule est pertinente la
situation existant dans la partie du territoire de l’Union où les motifs de refus ont été constatés (arrêt
BATEAUX MOUCHES, point 71 supra, EU:T:2015 :194, point 67).
La marque doit avoir acquis un caractère distinctif soit avant la date de dépôt de la demande de marque, soit, le
cas échéant, entre la date d’enregistrement et celle de la demande de nullité [voir arrêt du 20 septembre 2007,
Imagination Technologies/OHMI (PURE DIGITAL), T 461/04, EU:T:2007:294, point 77 et jurisprudence
citée].
C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier les arguments soulevés par la requérante.
Il résulte de ce qui précède, et en particulier du point 72 ci-dessus, que, pour faire accepter l’enregistrement
de la marque demandée en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, le caractère distinctif
acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans la partie du territoire de l’Union où les motifs de
refus ont été constatés, soit, en l’espèce, en Italie.
Il convient de rappeler les éléments de preuve produits par la requérante, et énumérés par la chambre de recours
au point 44 de la décision attaquée, aux fins de prouver la renommée et la notoriété du signe BIMBO en tant
que marque :
– « document n° 12 : arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 décembre 2012 dans l’affaire T 357/11,
GRUPO BIMBO, dans lequel le Tribunal reconnaît la renommée de la marque BIMBO en Espagne ;
– document n° 13 : copie d’un exemplaire du rapport de ‘Brand Footprint’ de ‘Kantar worldpanel’ qui porte le
titre ‘A global Ranking of the Most Chosen Consumer Brands’ (Un classement mondial des marques les plus
choisies par les consommateurs) dans lequel BIMBO apparaît à plusieurs reprises et occupe la place n° 18 du
classement mondial ;
–document n° 14 : article de la version en ligne de El Economista du 9 mai 2013 dont le titre est ‘Bimbo
dentro del Top 20 de marcas de consumo mundial’ (Bimbo fait partie des 20 marques les plus consommées
au niveau mondial). L’article reprend la même liste que celle élaborée par ‘Kantar worldpanel’ sur les
20 marques les plus consommées dans le monde ».
Il y a également lieu de préciser que la requérante s’est prévalue d’un tableau, produit lors de ses observations
complémentaires au recours devant la chambre de recours, qui présente les pays dans lesquels la marque
BIMBO a été enregistrée.
Premièrement, s’agissant du rapport sur le classement mondial des marques les plus choisies par les
consommateurs (document n° 13), il y a lieu de constater, comme l’a souligné la requérante, que, bien que
son titre fasse référence à l’année 2013, ledit rapport établit une comparaison sur 52 semaines jusqu’en octobre
2011 et sur 52 semaines jusqu’en octobre 2012.
D’après ce rapport, les marques ont été classées selon une nouvelle mesure, qui prend en compte le nombre de
consommateurs qui achètent les marques en question et la fréquence à laquelle ceux-ci achètent les produits
desdites marques. Il y a lieu d’observer que BIMBO, à laquelle il est fait référence dans le rapport comme étant
une marque de boulangerie, occupe la dix-huitième place dudit classement.
Néanmoins, ainsi que l’a observé à juste titre la chambre de recours au point 48 de la décision attaquée,
ce document ne comporte aucune référence concrète à l’Italie. En outre, ainsi que le fait valoir à juste titre
l’OHMI, l’Italie est absente du panel grâce auquel ledit document a été réalisé. Dès lors, ce document ne donne
aucune indication quant à la perception de la marque demandée par le consommateur italien.
127
RIPIA n° 265
Deuxièmement, s’agissant de l’article issu de la version en ligne d’un journal économique (document n° 14), il
y a lieu de constater, comme l’a fait observer la chambre de recours au point 49 de la décision attaquée, que ce
document ne mentionne nullement l’Italie, mais reprend un tableau contenu dans le document n° 13.
Troisièmement, s’agissant du tableau présentant les pays dans lesquels la marque BIMBO a été enregistrée,
il y a lieu de relever que ce tableau se limite à lister les pays où la requérante affirme avoir enregistré le signe
BIMBO pour les produits de la classe 30. Il convient de rappeler, conformément à la jurisprudence exposée au
point 50 ci-dessus, que l’OHMI et le juge de l’Union ne sont pas liés par les décisions intervenues dans les États
membres et dans des pays tiers. En tout état de cause, ce tableau émanant de l’entreprise elle-même se révèle
être insuffisant, que ce soit en soi ou examiné à l’aune des autres éléments de preuve produits, pour démontrer
le caractère distinctif acquis par l’usage en Italie de la marque demandée.
Quatrièmement, s’agissant du document n° 12, soit l’arrêt du 14 décembre 2012, Bimbo/OHMI – Grupo
Bimbo (GRUPO BIMBO) (T 357/11, EU:T:2012:696), il convient d’écarter comme étant dépourvu de tout
fondement l’argument de la requérante selon lequel le fait que soit apportée la preuve de la renommée de
la marque demandée en Espagne, notamment par sa reconnaissance dans ledit arrêt, suffirait pour établir le
caractère distinctif de cette marque pour l’ensemble de l’Union.
D’une part, l’arrêt du 6 octobre 2009, PAGO International (C 301/07, Rec, EU:C:2009:611), invoqué par la
requérante à l’appui de cet argument, n’est pas pertinent en l’espèce. En effet, l’affaire ayant donné lieu à cet
arrêt n’était pas relative aux critères d’application du motif absolu de refus d’enregistrement visé par l’article
7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle concernait, en revanche, l’une des deux conditions
qu’une marque communautaire doit remplir pour bénéficier de la protection prévue par l’article 9, paragraphe
1, sous c), du même règlement.
Le Tribunal a déjà jugé que la jurisprudence relative à l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 ne
devait pas être confondue avec celle tendant à préciser le sens de l’expression « jouit d’une renommée » dans
un État membre ou dans l’Union au sens de l’article 9, paragraphe, 1, sous c), du règlement n° 207/2009,
condition qu’une marque enregistrée doit remplir pour bénéficier d’une protection élargie à des produits ou à
des services non similaires. Dans ce cas, il ne s’agit pas, en effet, d’examiner si un signe remplit les conditions
pour être enregistré comme marque communautaire dans l’ensemble de l’Union. Il s’agit plutôt d’empêcher
l’usage d’un signe lorsqu’une marque existante jouit d’une renommée soit dans un État membre soit dans
l’Union et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée
de ladite marque ou leur porte préjudice [voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Louis Vuitton Malletier/
OHMI – Nanu-Nana (Représentation d’un motif à damier marron et beige), T 359/12, Rec, EU:T:2015 :215,
point 119].
D’autre part, ainsi qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, les motifs de refus
d’enregistrement visés par l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), de ce même règlement trouvent à s’appliquer
même s’ils n’existent que dans une partie de l’Union.
Par conséquent, la renommée de la marque demandée auprès des consommateurs espagnols ne saurait suffire à
écarter les motifs de refus d’enregistrement à l’égard du public pertinent, soit les consommateurs italophones.
Par ailleurs, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la renommée mondiale de la marque demandée, il
convient de rappeler que l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 ne prévoit pas un droit autonome
à l’enregistrement d’une marque. Il comporte une exception aux motifs de refus édictés à l’article 7, paragraphe
1, sous b) à d), de ce règlement. Sa portée doit dès lors être interprétée en fonction de ces motifs de refus
[arrêt du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI), T 16/02, Rec, EU:T:2003:327, point 40 ; voir également,
par analogie, arrêt du 7 septembre 2006, Bovemij Verzekeringen, C 108/05, Rec, EU:C:2006:530, point 21].
Or, il ressort de la jurisprudence exposée précédemment, notamment des points 72 et 86 ci-dessus, que, pour
apprécier si les motifs de refus édictés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 207/2009 doivent
être écartés en raison de l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement, seule est pertinente la situation existant dans
la partie du territoire de l’Union où les motifs de refus ont été constatés.
128
RIPIA n° 265
Il appartenait donc à la requérante de faire la preuve de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage dans
la partie de l’Union dans laquelle la marque demandée était ab initio dépourvue de tout caractère distinctif,
soit, en l’occurrence, en Italie. Or, force est de constater que la requérante n’a pas démontré que la marque
demandée avait acquis un caractère distinctif en raison de l’usage qu’elle en avait fait en Italie.
Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation de la requérante selon laquelle ses droits de
la défense auraient été violés. La requérante estime que, étant donné que l’examinateur avait expressément
reconnu la renommée mondiale de la marque demandée dans sa décision, celle-ci n’a pas pu réfuter les
allégations de la chambre de recours ni fournir de preuves de ladite renommée mondiale.
Il y a lieu de constater que l’examinateur avait déjà identifié la partie du territoire de l’Union où les motifs de
refus ont été constatés comme étant l’Italie dans sa lettre du 10 mai 2013. Il ressort par ailleurs de l’ensemble
des éléments du dossier, ainsi que du point 44 de la décision attaquée, que la requérante a pu présenter une
argumentation ainsi que des éléments de preuve aux fins de prouver le caractère distinctif acquis par l’usage de
la marque demandée.
Enfin, il convient de considérer que la chambre de recours n’a tiré aucune conséquence de l’erreur exposée
au point 88 ci-dessus, et que celle-ci n’a donc pas d’incidence sur la solution du litige. Il ressort, en effet, de
tout ce qui précède que la chambre de recours a correctement appliqué l’article 7, paragraphe 3, du règlement
n° 207/2009 en estimant que la requérante n’avait pas fait la preuve de l’acquisition d’un caractère distinctif
par l’usage de la marque demandée.
Partant, il convient de rejeter le troisième moyen comme non fondé.
Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe
est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de
l’OHMI.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Grupo Bimbo, SAB de CV est condamnée aux dépens.
129
RIPIA n° 265
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE
2 ÈME CHAMBRE
7 JUILLET 2016
AFFAIRE C‑494/15
Tommy Hilfiger Licensing LLC ; Urban Trends Trading BV ;
Rado Uhren AG ; Facton Kft. ; Lacoste SA ; Burberry Ltd
Contre
Delta Center a.s.
M A R CHE P HYSI Q U E – DR OIT S DES MA R QUES –
I N TERM EDIAIR ES
Synthèse
Le 7 juillet 2016, la cour de justice de l’Union Européenne a reconnu qu’un exploitant de place de marché
physique était responsable des violations du droit de la propriété intellectuelle commises par les vendeurs sur
son marché.
En l’espèce, la société Delta Center est locataire de la place de marché Pražská tržnice située à Prague. Elle
dispose de plusieurs points de vente qu’elle sous-loue à différents marchands. Des distributeurs et des fabricants
de produits de marque ont remarqué que certaines contrefaçons de leurs produits étaient vendues de façon très
régulière dans les halles du marché.
Ils ont donc saisi la cour municipale de Prague (le Městský soud v Praze) en lui demandant d’interdire à la
société Delta toute conclusion de contrat ne prohibant pas ce comportement illicite ainsi que toute conclusion
ou prolongation de contrat de location dans les halles avec les personnes dont le comportement constitue un
risque d’atteinte aux droits des dites-sociétés.
Le 28 février 2012, la cour municipale de Prague rejette cette demande en estimant qu’il n’y a pas d’atteinte ou
de risque d’atteinte aux droits des demandeurs, étant donné qu’il est évident pour les acheteurs que les produits
proposés sont des contrefaçons, et que de ce fait, ils ne peuvent être produits ou distribués par les demandeurs.
Les requérants interjettent appel devant la cour supérieure de Prague (le Vrchni soud Praz).
La cour, dans son jugement du 5 décembre 2012, rejette également la demande des requérants, en donnant une
interprétation restrictive des termes de la directive européenne 2004/48/CE « les moyens ou service […] utilisés
par des tiers pour porter atteinte » ainsi que « les services […] utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit
de propriété » au motif que cela aboutirait à une situation absurde, où la licence commerciale d’un marchand
pourrait constituer un moyen susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle.
Les demandeurs décident alors de former un pourvoi en cassation devant la Cour suprême.
La Cour suprême doit donc interpréter la directive européenne 2004/48/CE permettant aux détenteurs d’une
marque d’intenter une action en justice contre des intermédiaires, dont les services sont utilisés par un tiers
pour porter atteinte à leurs marque, afin de déterminer si en l’espèce, l’exploitant d’une place de marché
physique peut être contraint par la justice de faire cesser les infractions commises.
130
RIPIA n° 265
La Cour suprême décide de surseoir à statuer et demande à la Cour de justice de l’Union européenne, s’il est
possible d’ordonner que l’exploitant mette fin aux infractions commises, et qu’il prenne des mesures afin d’en
prévenir de nouvelles.
La CJUE, dans sa décision, rappelle que le champ d’application de la directive n’est pas limité au commerce
électronique, et qu’elle peut donc s’appliquer aux places de marchés physiques.
En conséquence, la Cour établit qu’un opérateur fournissant à un tiers un service de sous-location d’un
emplacement sur un marché et offrant la possibilité d’y vendre des produits de contrefaçon, doit pouvoir être
qualifié d’ « intermédiaire » tel que défini par la directive.
Arrêt
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 11 de la directive 2004/48/CE du
Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle
(JO 2004, L 157, p. 45, et rectificatif JO 2004, L 195, p. 16).
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Tommy Hilfiger Licensing LLC, Urban
Trends Trading BV, Rado Uhren AG, Facton Kft., Lacoste SA et Burberry Ltd à Delta Center a.s., au sujet
d’injonctions que les requérantes au principal souhaitent voir imposer à Delta Center aux fins du respect de
leurs droits de propriété intellectuelle.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Les considérants 10 et 23 de la directive 2004/48 énoncent :
« (10) L’objectif de la présente directive est de rapprocher [l]es législations [des États membres] afin d’assurer
un niveau de protection élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur.
[...]
(23) [...] les titulaires des droits devraient avoir la possibilité de demander une injonction à l’encontre d’un
intermédiaire dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte au droit de propriété industrielle
du titulaire. Les conditions et procédures relatives à une telle injonction devraient relever du droit national
des États membres. En ce qui concerne les atteintes au droit d’auteur et aux droits voisins, un niveau élevé
d’harmonisation est déjà prévu par la directive 2001/29/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 22
mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de
l’information (JO 2001, L 167, p. 10)]. Il convient, par conséquent, que la présente directive n’affecte pas
l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29/CE. »
L’article 2 de la directive 2004/48, lequel définit le champ d’application de celle-ci, dispose, à son paragraphe 1 :
« Sans préjudice des moyens prévus ou pouvant être prévus dans la législation [de l’Union] ou nationale, pour
autant que ces moyens soient plus favorables aux titulaires de droits, les mesures, procédures et réparations
prévues par la présente directive s’appliquent [...] à toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle prévue
par la législation [de l’Union] et/ou la législation nationale de l’État membre concerné. »
Le chapitre II de la directive 2004/48, intitulé « Mesures, procédures et réparations », contient six sections,
dont la première, intitulée « Dispositions générales », comporte notamment l’article 3, qui dispose :
« 1. Les États membres prévoient les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des
droits de propriété intellectuelle visés par la présente directive. Ces mesures, procédures et réparations doivent
être loyales et équitables, ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter
de délais déraisonnables ni entraîner de retards injustifiés.
131
RIPIA n° 265
2. Les mesures, procédures et réparations doivent [...] être effectives, proportionnées et dissuasives et être
appliquées de manière à éviter la création d’obstacles au commerce légitime [...] »
La section 5 du chapitre II de la directive 2004/48 est intitulée « Mesures résultant d’un jugement quant au
fond ». Elle est constituée des articles 10 à 12 intitulés, respectivement, « Mesures correctives », « Injonctions »
et « Mesures alternatives ».
Aux termes de l’article 11 de la directive 2004/48 :
« Les États membres veillent à ce que, lorsqu’une décision judiciaire a été prise constatant une atteinte à un droit
de propriété intellectuelle, les autorités judiciaires compétentes puissent rendre à l’encontre du contrevenant
une injonction visant à interdire la poursuite de cette atteinte. Lorsque la législation nationale le prévoit, le
non-respect d’une injonction est, le cas échéant, passible d’une astreinte, destinée à en assurer l’exécution. Les
États membres veillent également à ce que les titulaires de droits puissent demander une injonction à l’encontre
des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété
intellectuelle, sans préjudice de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29/CE. »
Ledit article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29 dispose :
« Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu’une ordonnance sur requête
soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un
droit d’auteur ou à un droit voisin. »
Le droit tchèque
Il ressort du dossier soumis à la Cour que l’article 11 de la directive 2004/48 a été transposé en droit tchèque
par l’article 4 de la zákon č. 221/2006 Sb., o vymáhání práv z průmyslového vlastnictví (loi n° 221/2006 relative
au respect des droits de propriété intellectuelle, ci-après la « loi n° 221/2006 »).
L’article 4, paragraphe 1, de la loi n° 221/2006 prévoit :
« En cas d’atteinte injustifiée aux droits [de propriété industrielle], la personne lésée peut demander au juge
d’ordonner au contrevenant de cesser le comportement portant atteinte ou susceptible de porter atteinte à ses
droits et d’effacer les conséquences qui en découlent […] »
Aux termes du paragraphe 3 du même article, les personnes lésées peuvent également demander au juge
d’imposer des mesures « à toute personne dont les moyens ou les services sont utilisés par des tiers pour porter
atteinte à leurs droits. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
Delta Center est locataire de la place de marché dénommée « Pražská tržnice » (halles de marché de Prague,
République tchèque). Elle sous-loue à des marchands les différents points de vente situés sur cette place. Les
contrats de location conclus avec ces marchands mettent à la charge de ces derniers l’obligation de respecter les
réglementations auxquelles sont soumises leurs activités. Par ailleurs, une brochure rédigée en langues tchèque
et vietnamienne, portant la mention « Avertissement aux vendeurs », leur est distribuée. Cette brochure
souligne que la vente de contrefaçons est interdite et peut conduire à la résiliation du contrat de location du
point de vente.
Les requérantes au principal fabriquent et distribuent des produits de marque. Ayant constaté que des
contrefaçons de leurs produits étaient vendues dans ces halles de marché de Prague, elles ont saisi le Městský
soud v Praze (cour municipale de Prague), en lui demandant notamment d’enjoindre à Delta Center :
– de s’abstenir de toute conclusion ou prolongation de contrats de location de points de vente dans lesdites
halles avec les personnes dont le comportement a été définitivement jugé par les autorités judiciaires ou
administratives comme constituant une atteinte ou un risque d’atteinte aux droits conférés par les marques
mentionnées dans la demande ;
132
RIPIA n° 265
– de s’abstenir de toute conclusion ou prolongation de tels contrats lorsque les termes de ceux-ci ne
comportent ni l’obligation pour le marchand de s’abstenir de porter atteinte aux droits de propriété
intellectuelle des requérantes ni la clause selon laquelle Delta Center peut résilier le contrat en cas d’atteinte
ou de risque d’atteinte à ces droits, et
– de présenter, dans certaines hypothèses décrites par les requérantes, ses excuses par écrit et de faire publier,
à ses frais, dans le journal Hospodářské noviny un communiqué.
Par jugement du 28 février 2012, le Městský soud v Praze (cour municipale de Prague) a rejeté cette demande
d’injonctions. Tout en estimant que Delta Center est une « personne dont les moyens ou les services sont
utilisés par des tiers » au sens de l’article 4, paragraphe 3, de la loi n° 221/2006, il a considéré qu’il n’y avait
pas d’atteinte ou de risque d’atteinte aux droits des requérantes, étant donné qu’il était évident pour les
acheteurs que les marchandises en cause sont des contrefaçons et ne sont donc ni produites ni distribuées par
les requérantes.
Les requérantes ont interjeté appel de ce jugement devant le Vrchní soud v Praze (Cour supérieure de Prague).
Par arrêt du 5 décembre 2012, cette juridiction a, pour des motifs différents de ceux retenus par le premier
juge, confirmé le rejet de la demande d’injonctions. Selon elle, une interprétation large des termes « les moyens
ou les services [...] utilisés par des tiers pour porter atteinte », figurant à l’article 4, paragraphe 3, de la loi
n° 221/2006, ainsi que des termes « les services [...] utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de
propriété intellectuelle », figurant à l’article 11 de la directive 2004/48, aboutirait à des situations absurdes
consistant, notamment, à considérer que l’alimentation en électricité ou l’octroi d’une licence commerciale à
un marchand constitue un moyen susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle.
Les requérantes ont formé un pourvoi en cassation devant le Nejvyšší soud (Cour suprême).
Cette dernière juridiction relève que le libellé de l’article 4, paragraphe 3, de la loi n° 221/2006 correspond à
celui de l’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48 et rappelle que la réglementation nationale, qui
transpose une directive, doit, dans toute la mesure du possible, être interprétée à la lumière du texte et de la
finalité de celle-ci.
Estimant dès lors que le litige pendant devant lui devra être résolu en tenant compte de l’interprétation de
l’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48 fournie par la Cour dans l’arrêt du 12 juillet 2011,
L’Oréal e.a. (C-324/09, EU:C:2011:474), le Nejvyšší soud (Cour suprême) constate néanmoins que le litige
ayant conduit à cette interprétation concernait des atteintes à des droits de propriété intellectuelle sur une place
de marché en ligne. La question se poserait de savoir si ladite interprétation doit également être suivie lorsque
les atteintes à des droits de propriété intellectuelle ont eu lieu sur une place de marché physique.
Dans ces conditions, le Nejvyšší soud (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les
questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le locataire d’une place de marché qui met à la disposition des différents marchands des stands et des
emplacements sur lesquels les stands peuvent être implantés est-il un intermédiaire dont les services sont utilisés
par des tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle au sens de l’article 11 de la directive
2004/48 ?
2) Le locataire d’une place de marché qui met à la disposition des différents marchands des stands et des
emplacements sur lesquels les stands peuvent être implantés peut-il se voir imposer les mesures visées à l’article
11 de la directive 2004/48, dans les mêmes conditions que celles formulées par la Cour [dans l’arrêt du 12
juillet 2011, L’Oréal e.a., C-324/09, EU:C:2011:474] en vue d’imposer lesdites mesures aux exploitants d’une
place de marché en ligne ? »
133
RIPIA n° 265
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 11, troisième phrase, de la
directive 2004/48 doit être interprété en ce sens que relève de la notion d’« intermédiair[e] dont les services sont
utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle », au sens de cette disposition, le
locataire de halles de marché qui sous-loue les différents points de vente situés dans ces halles à des marchands,
dont certains utilisent leur emplacement pour vendre des marchandises contrefaisantes de produits de marque.
Il est de jurisprudence constante que l’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48, de même que
l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29 auquel il se réfère, obligent les États membres à garantir que
l’intermédiaire dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle
puisse, indépendamment de sa propre responsabilité éventuelle dans les faits litigieux, être contraint de prendre
des mesures visant à faire cesser ces atteintes ainsi que des mesures visant à prévenir de nouvelles atteintes (voir
en ce sens, notamment, arrêts du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a., C 324/09, EU:C:2011:474, points 127 à 134,
ainsi que du 24 novembre 2011, Scarlet Extended, C-70/10, EU:C:2011:771, points 30 et 31).
Afin qu’un opérateur économique relève de la qualification d’« intermédiaire », au sens de ces dispositions, il
doit être établi qu’il fournit un service susceptible d’être employé par une ou plusieurs autres personnes pour
porter atteinte à un ou à plusieurs droits de propriété intellectuelle, sans qu’il soit nécessaire qu’il entretienne
une relation particulière avec cette ou ces personnes (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2014, UPC Telekabel
Wien, C-314/12, EU:C:2014:192, points 32 et 35).
Une telle qualification n’est pas non plus subordonnée à la condition que ledit opérateur économique fournisse
un service autre que celui qui est utilisé par le tiers pour porter atteinte au droit de propriété intellectuelle.
Ainsi, en matière de commerce électronique, la Cour a jugé qu’un fournisseur d’accès, qui se borne à
permettre l’accès à Internet sans proposer d’autres services ni exercer un contrôle, fournit un service susceptible
d’être employé par un tiers pour porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle et doit être qualifié
d’« intermédiaire » (voir, en ce sens, ordonnance du 19 février 2009, LSG Gesellschaft zur Wahrnehmung
von Leistungsschutzrechten, C-557/07, EU:C:2009:107, point 43, et arrêt du 27 mars 2014, UPC Telekabel
Wien, C 314/12, EU:C:2014:192, point 32).
En l’occurrence, il n’est pas contesté que Delta Center est locataire des halles de marché « Pražská tržnice » et
exerce une activité économique qui consiste à sous-louer les points de vente situés dans ces halles de marché.
Une telle activité rémunérée constitue une prestation de services.
Il n’est pas non plus contesté que certains, parmi les marchands à qui Delta Center sous-loue ces points de vente,
utilisent ces derniers pour proposer aux visiteurs desdites halles de marché des marchandises contrefaisantes de
produits de marque.
Sans qu’il soit besoin de déterminer si d’autres prestataires de services, tels que ceux, mentionnés à titre
d’hypothèse dans la décision de renvoi, fournissant de l’électricité aux contrevenants, entrent dans le champ
d’application de l’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48, il y a lieu de constater que, en tout état
de cause, un opérateur qui fournit à des tiers un service de location ou de sous-location d’emplacements sur
une place de marché, grâce auquel ceux-ci ont un accès à cette place et y proposent à la vente des marchandises
contrefaisantes de produits de marque, doit être qualifié d’« intermédiair[e] dont les services sont utilisés par
un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle », au sens de ladite disposition.
La circonstance que la mise à la disposition de points de vente concerne une place de marché en ligne ou une
place de marché physique, telle que des halles de marché, est sans incidence à cet égard. En effet, il ne ressort
pas de la directive 2004/48 que le champ d’application de celle-ci soit limité au commerce électronique.
Par ailleurs, l’objectif, énoncé au considérant 10 de cette directive, d’assurer un niveau de protection élevé,
équivalent et homogène de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur, serait substantiellement affaibli si
134
RIPIA n° 265
l’opérateur qui fournit à des tiers un accès à une place de marché physique, telle que celle en cause au principal,
sur laquelle ces tiers proposent à la vente des marchandises contrefaisantes de produits de marque, ne pouvait
se voir adresser les injonctions visées à l’article 11, troisième phrase, de ladite directive.
Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 11, troisième phrase, de la
directive 2004/48 doit être interprété en ce sens que relève de la notion d’« intermédiair[e] dont les services sont
utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle », au sens de cette disposition, le
locataire de halles de marché qui sous-loue les différents points de vente situés dans ces halles à des marchands,
dont certains utilisent leur emplacement pour vendre des marchandises contrefaisantes de produits de marque.
Sur la seconde question
Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 11, troisième phrase, de la
directive 2004/48 doit être interprété en ce sens que les conditions auxquelles est subordonnée l’injonction, au sens
de cette disposition, adressée à un intermédiaire qui fournit un service de location de points de vente dans des halles
de marché, sont identiques à celles, relatives aux injonctions pouvant être adressées aux intermédiaires sur une place
de marché en ligne, énoncées par la Cour dans l’arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C 324/09, EU:C:2011:474).
Au point 135 de cet arrêt, la Cour a tout d’abord constaté, en se référant au considérant 23 de la directive
2004/48, que les modalités des injonctions que les États membres doivent prévoir en vertu de l’article 11,
troisième phrase, de cette directive, telles que celles relatives aux conditions à remplir et à la procédure à suivre,
relèvent du droit national.
Elle a, ensuite, précisé que ces règles de droit national doivent être aménagées de manière à permettre la
réalisation des objectifs de la directive 2004/48. À cette fin, et conformément à l’article 3, paragraphe 2, de
cette directive, les injonctions doivent être effectives et dissuasives (arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a., C
324/09, EU:C:2011:474, point 136).
Enfin, la Cour a dit pour droit que les injonctions doivent être équitables et proportionnées. Elles ne doivent,
par conséquent, pas être excessivement coûteuses et ne doivent pas non plus créer d’obstacles au commerce
légitime. Il ne saurait non plus être exigé de l’intermédiaire qu’il exerce une surveillance générale et permanente
de ses clients. En revanche, l’intermédiaire peut être contraint de prendre des mesures qui contribuent à éviter
que de nouvelles atteintes de même nature par le même marchand aient lieu (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet
2011, L’Oréal e.a., C 324/09, EU:C:2011:474, points 138 à 141).
La Cour a ainsi estimé que toute injonction, au sens de l’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48,
ne peut être prononcée que si elle assure un juste équilibre entre la protection de la propriété intellectuelle et
l’absence d’obstacles au commerce légitime (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a., C 324/09,
EU:C:2011:474, point 143).
Si, certes, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C 324/09, EU:C:2011:474),
la Cour a été amenée à interpréter l’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48 dans le cadre
d’injonctions pouvant être adressées à un intermédiaire sur une place de marché en ligne, elle a interprété
cet article au regard des dispositions générales énoncées à l’article 3 de cette directive, sans considérations
particulières relatives à la nature de la place de marché en cause. Il ne ressort d’ailleurs pas de cet article 3
que son champ d’application soit limité aux situations qui se présentent sur des places de marché en ligne. Il
résulte, au demeurant, du libellé même dudit article 3 qu’il s’applique à toute mesure visée par ladite directive,
y incluses celles prévues à l’article 11, troisième phrase, de celle-ci.
Dès lors, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48
doit être interprété en ce sens que les conditions auxquelles est subordonnée l’injonction, au sens de cette
disposition, adressée à un intermédiaire qui fournit un service de location de points de vente dans des halles
de marché, sont identiques à celles, relatives aux injonctions pouvant être adressées aux intermédiaires sur
une place de marché en ligne, énoncées par la Cour dans l’arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C 324/09,
EU:C:2011:474).
135
RIPIA n° 265
Sur les dépens
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction
de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à
la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :
1) L’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril
2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, doit être interprété en ce sens que relève de la
notion d’« intermédiair[e] dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété
intellectuelle », au sens de cette disposition, le locataire de halles de marché qui sous-loue les différents points
de vente situés dans ces halles à des marchands, dont certains utilisent leur emplacement pour vendre des
marchandises contrefaisantes de produits de marque.
2) L’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48 doit être interprété en ce sens que les conditions
auxquelles est subordonnée l’injonction, au sens de cette disposition, adressée à un intermédiaire qui fournit
un service de location de points de vente dans des halles de marché, sont identiques à celles, relatives aux
injonctions pouvant être adressées aux intermédiaires sur une place de marché en ligne, énoncées par la Cour
dans l’arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C 324/09, EU:C:2011:474).
136
RIPIA n° 265
JU R I S PR U D E NC E ET RA N GERE
UNITED STATES
COURT OF APPEALS, FOURTH CIRCUIT
23 MARS 2016
NO. 15–1335
Belmora LLC
Contre
Bayer Consumer care AGLLC
F A US S E ASSO C I ATI O N – C ONCUR R ENCE DELOYALE –
P U BL I C I TE MENSONG ER E
Synthèse
Bayer est le propriétaire de la marque FLANAX au Mexique. Depuis 1970, il y vend le naproxène analgésique
de sodium sous cette appellation. Lorsqu’il commercialise ce produit aux Etats-Unis, il le vend sous la marque
ALEVE.
De son côté, la société Belmora a enregistré la marque FLANAX auprès de l’Office américain et l’utilise
depuis 2004 pour son analgésique de sodium Naproxène. Belmora commercialise également son analgésique
FLANAX sur le marché mexicain.
En 2007, Bayer réclame l’annulation de la marque américaine FLANAX de Belmora, mais sa demande est
rejetée.
En 2014, le Trademark Trial and Appeal Board rend une nouvelle décision dans laquelle il condamne Belmora,
estimant que la société a copié l’emballage de Bayer, et tronqué la source de son produit.
Belmora interjette alors l’appel de la décision devant le tribunal du district de Virginie, tandis que Bayer intente
une action devant celui de Californie, pour fausse association et publicité mensongère.
S’agissant du tribunal de Californie, les juges ont considéré que Bayer n’avait pas la capacité juridique requise
pour intenter l’action, puisque la loi ne permet pas au propriétaire d’une marque étrangère non inscrite aux
Etats-Unis et de plus, non commercialisée sur ce territoire, de faire valoir ces droits de propriété sur la marque
utilisée et enregistrée par une autre partie.
Quant au tribunal du district de Virginie, les juges ont infirmé le jugement du Trademark Trial and Appeal
Board et donné tort à la société Bayer. Cette dernière décide donc de contester cette décision devant la cour
d’appel.
La cour d’appel des Etats-Unis ainsi saisie sur les demandes de Bayer et Belmora, estime que le tribunal du
district de Virginie a mal interprété la décision de Lexmark1 sur laquelle sa décision était basée et confondu les
exigences légales relatives avec la contrefaçon de marque.
Le tribunal de Virginie avait en effet retenu que le défendeur n’avait pas démontré que les actes de concurrence
déloyale étaient bien visés par la loi Lanham. La Cour d’appel considère elle, que la publicité mensongère ainsi
que la fausse association, soulevées par Bayer, entrent bien dans le dans le champ d’application de la loi.
1 Décision de la Cour Suprême, Lexmark International v. Static, 2014
137
RIPIA n° 265
Le tribunal de Virginie avait également retenu que Bayer aurait dû prouver qu’il subissait un préjudice du fait
de l’utilisation de la marque FLANAX par Belmora. Or la cour d’appel estime que Bayer a bien démontré avoir
perdu des ventes auprès de ses consommateurs vivant près de la frontière des Etats-Unis, et mis en évidence les
millions de dollars qu’il avait engagé dans la promotion de son produit FLANAX auprès des consommateurs
mexicains.
Ainsi, estimant que l’action de Bayer était fondée, la cour d’appel rejette la précédente décision et renvoie les
parties devant un tribunal compétent.
Arrêt
BELMORA LLC, Plaintiff–Appellee, v. BAYER CONSUMER CARE AG, a Swiss corporation ; Bayer
Healthcare LLC, a Delaware Limited Liability Company, Defendants–Consolidated Plaintiffs–Appellants,
BAYER CONSUMER CARE AG, a Swiss corporation ; Bayer Healthcare LLC, a Delaware Limited Liability
Company, Defendants–Consolidated Plaintiffs–Appellants, v. Belmora LLC, a Virginia Limited Liability
Company ; Jamie Belcastro, an individual ; Does, 1–10, inclusive, Consolidated Defendants–Appellees,
Michelle K. Lee, Undersecretary for Intellectual Property and Director of the United States Patent and
Trademark Office (Director), Intervenor. American Intellectual Property Law Association, Amicus Curiae.
Before AGEE, FLOYD, and THACKER, Circuit Judges. ARGUED :Bradley Louis Cohn, Pattishall,
Mcauliffe, Newbury, Hilliard & Geraldson LLP, Chicago, Illinois, for Appellants. Martin Schwimmer,
Leason Ellis LLP, White Plains, New York, for Appellee. Lewis Yelin, United States Department of Justice,
Washington, D.C., for Intervenor. ON BRIEF :Phillip Barengolts, Andrew R.W. Hughes, Pattishall,
McAuliffe, Newbury, Hilliard & Geraldson LLP, Chicago, Illinois ; Robert J. Shaughnessy, Eric C. Wiener,
Williams & Connolly LLP, Washington, D.C., for Appellants. Craig C. Reilly, Alexandria, Virginia ; John
L. Welch, WOLF, Greenfield & Sacks, P.C., Boston, Massachusetts ; Lauren B. Sabol, Leason Ellis LLP,
White Plains, New York ; Rebecca Tushnet, Georgetown University Law Center, Washington, D.C., for
Appellees. Mark R. Freeman, Civil Division, United States Department of Justice, Washington, D.C.; Dana
J. Boente, United States Attorney, Benjamin C. Mizer, Principal Deputy Assistant Attorney General, Office
of the United States Attorney, Washington, D.C.; Nathan K. Kelley, Solicitor, Christina J. Hieber, Associate
Solicitor, Mary Beth Walker, Associate Solicitor, Benjamin T. Hickman, Associate Solicitor, United States
Patent and Trademark Office, Alexandria, Virginia, for Intervenor. Sharon A. Israel, President, American
Intellectual Property Law Association, Inc., Arlington, Virginia ; Jennifer L. Kovalcik, Stites & Harbison,
PLLC, Nashville, Tennessee, for Amicus Curiae.
In this unfair competition case, we consider whether the Lanham Act permits the owner of a foreign trademark
and its sister company to pursue false association, false advertising, and trademark cancellation claims against
the owner of the same mark in the United States. Bayer Consumer Care AG (“BCC”) owns the trademark
“FLANAX” in Mexico and has sold naproxen sodium pain relievers under that mark in Mexico (and other
parts of Latin America) since the 1970s. Belmora LLC owns the FLANAX trademark in the United States and
has used it here since 2004 in the sale of its naproxen sodium pain relievers. BCC and its U.S. sister company
Bayer Healthcare LLC (“BHC,” and collectively with BCC, “Bayer”) contend that Belmora used the FLANAX
mark to deliberately deceive Mexican–American consumers into thinking they were purchasing BCC’s product.
BCC successfully petitioned the U.S. Trademark Trial and Appeal Board (“TTAB”) to cancel Belmora’s
registration for the FLANAX mark based on deceptive use. Belmora appealed the TTAB’s decision to the
district court. In the meantime, BCC filed a separate complaint for false association against Belmora under §
43 of the Lanham Act, 15 U.S.C. § 1125, and in conjunction with BHC, a claim for false advertising. After
the two cases were consolidated, the district court reversed the TTAB’s cancellation order and dismissed the
false association and false advertising claims.
Bayer appeals those decisions. For the reasons outlined below, we vacate the judgment of the district court and
remand this case for further proceedings consistent with this opinion.
138
RIPIA n° 265
I. Background
This appeal comes to us following the district court’s grant of Belmora’s Federal Rule of Civil Procedure 12(b)
(6) motion to dismiss Bayer’s complaint and Belmora’s Rule 12(c) motion for judgment on the pleadings on
the trademark cancellation claim. In both circumstances, we “assume all well-pled facts to be true and draw all
reasonable inferences in favor of” Bayer as the plaintiff. Cooksey v. Futrell, 721 F.3d 226, 234 (4th Cir.2013).
A. The FLANAX Mark
BCC registered the trademark FLANAX in Mexico for pharmaceutical products, analgesics, and antiinflammatories. It has sold naproxen sodium tablets under the FLANAX brand in Mexico since 1976.
FLANAX sales by BCC have totaled hundreds of millions of dollars, with a portion of the sales occurring in
Mexican cities near the United States border. BCC’s FLANAX brand is well-known in Mexico and other Latin
American countries, as well as to Mexican–Americans and other Hispanics in the United States, but BCC has
never marketed or sold its FLANAX in the United States. Instead, BCC’s sister company, BHC, sells naproxen
sodium pain relievers under the brand ALEVE in the United States market.
Belmora LLC began selling naproxen sodium tablets in the United States as FLANAX in 2004. The following
year, Belmora registered the FLANAX mark in the United States. Belmora’s early FLANAX packaging (below,
left) closely mimicked BCC’s Mexican FLANAX packaging (right), displaying a similar color scheme, font
size, and typeface.
J.A. 145. Belmora later modified its packaging (below), but the color scheme, font size, and typeface remain
similar to that of BCC’s FLANAX packaging.
In addition to using similar packaging, Belmora made statements implying that its FLANAX brand was the
same FLANAX product sold by BCC in Mexico. For example, Belmora circulated a brochure to prospective
distributors that stated,
For generations, Flanax has been a brand that Latinos have turned to for various common ailments. Now you
too can profit from this highly recognized topselling brand among Latinos. Flanax is now made in the U.S. and
continues to show record sales growth everywhere it is sold. Flanax acts as a powerful attraction for Latinos by
providing them with products they know, trust and prefer.
J.A. 196. Belmora also employed telemarketers and provided them with a script containing similar statements.
This sales script stated that Belmora was “the direct producers of FLANAX in the US” and that “FLANAX is a
very well known medical product in the Latino American market, for FLANAX is sold successfully in Mexico.”
Id. Belmora’s “sell sheet,” used to solicit orders from retailers, likewise claimed that “Flanax products have been
used [for] many, many years in Mexico” and are “now being produced in the United States by Belmora LLC.” Id.
Bayer points to evidence that these and similar materials resulted in Belmora’s distributors, vendors, and
marketers believing that its FLANAX was the same as or affiliated with BCC’s FLANAX. For instance, Belmora
received questions regarding whether it was legal for FLANAX to have been imported from Mexico. And an
investigation of stores selling Belmora’s FLANAX “identified at least 30 [purchasers] who believed that the
Flanax products ․ were the same as, or affiliated with, the Flanax products they knew from Mexico.” J.A. 416.
B. Proceedings Below
1.
In 2007, BCC petitioned the TTAB to cancel Belmora’s registration for the FLANAX mark, arguing that
Belmora’s use and registration of the FLANAX mark violated Article 6bis of the Paris Convention “as made
applicable by Sections 44(b) and (h) of the Lanham Act.” J.A. 89. BCC also sought cancellation of Belmora’s
registration under § 14(3) of the Lanham Act because Belmora had used the FLANAX mark “to misrepresent
the source of the goods ․ [on] which the mark is used.” Id.; see also Lanham Act § 14(3), 15 U.S.C. § 1064(3).
139
RIPIA n° 265
The TTAB dismissed BCC’s Article 6bis claim, concluding that Article 6bis “is not self-executing” and that
§ 44 of the Lanham Act did not provide “an independent basis for cancellation.” J.A. 95. However, the
TTAB allowed Bayer’s § 14(3) claim to proceed. In 2014, after discovery and a hearing, the TTAB ordered
cancellation of Belmora’s FLANAX registration, concluding that Belmora had misrepresented the source of the
FLANAX goods and that the facts “d[id] not present a close case.” J.A. 142. The TTAB noted that Belmora 1)
knew the favorable reputation of Bayer’s FLANAX product, 2) “copied” Bayer’s packaging, and 3) “repeatedly
invoked” that reputation when marketing its product in the United States. J.A. 143–45.
2.
Shortly after the TTAB’s ruling, Bayer filed suit in the Southern District of California, alleging that 1) BCC
was injured by Belmora’s false association with its FLANAX product in violation of Lanham Act § 43(a)(1)
(A), and 2) BCC and BHC were both injured by Belmora’s false advertising of FLANAX under § 43(a)(1)(B).
The complaint also alleged three claims under California state law.
Belmora meanwhile appealed the TTAB’s cancellation order and elected to proceed with the appeal as a civil
action in the Eastern District of Virginia.2 It argued that the TTAB erred in concluding that Bayer “had
standing and/or a cause of action” under § 14(3) and in finding that Belmora had misrepresented the source
of its goods. J.A. 218. Belmora also sought a declaration that its actions had not violated the false association
and false advertising provisions of Lanham Act § 43(a), as Bayer had alleged in the California district court
proceeding. Bayer filed a counterclaim challenging the TTAB’s dismissal of its Paris Convention treaty claims.
The California case was transferred to the Eastern District of Virginia and consolidated with Belmora’s pending
action. Belmora then moved the district court to dismiss Bayer’s § 43(a) claims under Rule 12(b)(6) and for
judgment on the pleadings under Rule 12(c) on the § 14(3) claim. On February 6, 2015, after two hearings,
the district court issued a memorandum opinion and order ruling in favor of Belmora across the board.
The district court acknowledged that “Belmora’s FLANAX ․ has a similar trade dress to Bayer’s FLANAX
and is marketed in such a way that capitalizes on the goodwill of Bayer’s FLANAX.” J.A. 475. It nonetheless
“distilled” the case “into one single question”:
Does the Lanham Act allow the owner of a foreign mark that is not registered in the United States and further
has never used the mark in United States commerce to assert priority rights over a mark that is registered in
the United States by another party and used in United States commerce ?
J.A. 476. The district court concluded that “[t]he answer is no” based on its reading of the Supreme Court’s
decision in Lexmark International, Inc. v. Static Control Components, Inc., 134 S.Ct. 1377 (2014). J.A.
476. Accordingly, the district court dismissed Bayer’s false association and false advertising claims for lack of
standing. At the same time, it reversed the TTAB’s § 14(3) cancellation order.
Bayer filed a timely notice of appeal, and we have jurisdiction under 28 U.S.C. § 1291. The U.S. Patent and
Trademark Office (“USPTO”) intervened to defend the TTAB’s decision to cancel Belmora’s registration
and to argue that the Lanham Act conforms to the United States’ commitments in Article 6bis of the Paris
Convention.3
II. Discussion
We review de novo the district court’s decision to dismiss a proceeding under Rules 12(b)(6) and 12(c),
accepting as true all well-pleaded allegations in the plaintiff’s complaint and drawing all reasonable factual
inferences in the plaintiff’s favor. Priority Auto Grp., Inc. v. Ford Motor Co., 757 F.3d 137, 139 (4th
Cir.2014); see also Bell AtL. Corp. v. Twombly, 550 U.S. 544, 555–56 (2007). In ruling on a motion to
dismiss, “a court evaluates the complaint in its entirety, as well as documents attached or incorporated into
the complaint.” E.I. du Pont de Nemours & Co. v. Kolon Indus., Inc., 637 F.3d 435, 448 (4th Cir.2011).
140
RIPIA n° 265
A. False Association and False Advertising Under Section 43(a)
The district court dismissed Bayer’s false association4 and false advertising claims because, in its view, the
claims failed to satisfy the standards set forth by the Supreme Court in Lexmark. At the core of the district
court’s decision was its conclusion that 1) Bayer’s claims fell outside the Lanham Act’s “zone of interests”—and
are not cognizable—“because Bayer does not possess a protectable interest in the FLANAX mark in the United
States,” J.A. 485, and 2) that a “cognizable economic loss under the Lanham Act” cannot exist as to a “mark
that was not used in United States commerce.” J.A. 488–89.
On appeal, Bayer contends these conclusions are erroneous as a matter of law because they conflict with the
plain language of § 43(a) and misread Lexmark.
1.
“While much of the Lanham Act addresses the registration, use, and infringement of trademarks and related
marks, § 43(a) ․ goes beyond trademark protection.” Dastar Corp. v. Twentieth Century Fox Film Corp.,
539 U.S. 23, 28–29 (2003). Written in terms of the putative defendant’s conduct, § 43(a) sets forth unfair
competition causes of action for false association and false advertising :
Any person who, on or in connection with any goods or services, or any container for goods, uses in commerce
any word, term, name, symbol, or device, or any combination thereof, or any false designation of origin, false
or misleading description of fact, or false or misleading representation of fact, which—
(A) [False Association :] is likely to cause confusion, or to cause mistake, or to deceive as to the affiliation,
connection, or association of such person with another person, or as to the origin, sponsorship, or approval of
his or her goods, services, or commercial activities by another person, or
(B) [False Advertising :] in commercial advertising or promotion, misrepresents the nature, characteristics,
qualities, or geographic origin of his or her or another person’s goods, services, or commercial activities,
shall be liable in a civil action by any person who believes that he or she is or is likely to be damaged by such act.
Lanham Act § 43(a)(1), 15 U.S.C. § 1125(a)(1). Subsection A, which creates liability for statements as to
“affiliation, connection, or association” of goods, describes the cause of action known as “false association.”
Subsection B, which creates liability for “misrepresent[ing] the nature, characteristics, qualities, or geographic
origin” of goods, defines the cause of action for “false advertising.”
Significantly, the plain language of § 43(a) does not require that a plaintiff possess or have used a trademark in
U.S. commerce as an element of the cause of action. Section 43(a) stands in sharp contrast to Lanham Act §
32, which is titled as and expressly addresses “infringement.” 15 U.S.C. § 1114 (requiring for liability the “use
in commerce” of “any reproduction, counterfeit, copy, or colorable imitation of a registered mark ” (emphasis
added)). Under § 43(a), it is the defendant’s use in commerce—whether of an offending “word, term, name,
symbol, or device” or of a “false or misleading description [or representation] of fact”—that creates the injury
under the terms of the statute. And here the alleged offending “word, term, name, symbol, or device” is
Belmora’s FLANAX mark.
What § 43(a) does require is that Bayer was “likely to be damaged” by Belmora’s “use[ ] in commerce” of
its FLANAX mark and related advertisements. The Supreme Court recently considered the breadth of this
“likely to be damaged” language in Lexmark, a false advertising case arising from a dispute in the used-printercartridge market. 134 S.Ct. at 1383, 1388. The lower courts in Lexmark had analyzed the case in terms of
“prudential standing”—that is, on grounds that are “prudential” rather than constitutionaL. Id. at 1386. The
Supreme Court, however, observed that the real question in Lexmark was “whether Static Control has a cause
of action under the statute.” Id. at 1387. This query, in turn, hinged on “a straightforward question of statutory
interpretation” to which it applied “traditional principles” of interpretation. Id. at 1388. As a threshold matter,
the Supreme Court noted that courts must be careful not to import requirements into this analysis that
Congress has not included in the statute :
141
RIPIA n° 265
We do not ask whether in our judgment Congress should have authorized Static Control’s suit, but whether
Congress in fact did so. Just as a court cannot apply its independent policy judgment to recognize a cause of
action that Congress has denied, it cannot limit a cause of action that Congress has created merely because
‘prudence’ dictates.
Id. The Court concluded that § 43(a)’s broad authorization—permitting suit by “any person who believes
that he or she is or is likely to be damaged”—should not be taken “literally” to reach the limits of Article III
standing, but is framed by two “background principles,” which may overlap. Id.
First, a plaintiff’s claim must fall within the “zone of interests” protected by the statute. Id. The scope of the
zone of interests is not “especially demanding,” and the plaintiff receives the “benefit of any doubt.” Id. at
1389. Because the Lanham Act contains an “unusual, and extraordinarily helpful” purpose statement in § 45,
identifying the statute’s zone of interests “requires no guesswork.” Id. Section 45 provides :
The intent of this chapter is to regulate commerce within the control of Congress by making actionable the
deceptive and misleading use of marks in such commerce ; to protect registered marks used in such commerce
from interference by State, or territorial legislation ; to protect persons engaged in such commerce against
unfair competition ; to prevent fraud and deception in such commerce by the use of reproductions, copies,
counterfeits, or colorable imitations of registered marks ; and to provide rights and remedies stipulated by
treaties and conventions respecting trademarks, trade names, and unfair competition entered into between the
United States and foreign nations. (Lanham Act § 45, 15 U.S.C. § 1127.5 )
The Supreme Court observed that “[m]ost of the enumerated purposes are relevant to a false-association
case,” while “a typical false-advertising case will implicate only the Act’s goal of ‘protecting persons engaged
in commerce within the control of Congress against unfair competition.’ “ Lexmark, 134 S.Ct. at 1389. The
Court concluded “that to come within the zone of interests in a suit for false advertising under [§ 43(a) ], a
plaintiff must allege an injury to a commercial interest in reputation or sales.” Id. at 1390.
The second Lexmark background principle is that “a statutory cause of action is limited to plaintiffs whose
injuries are proximately caused by violations of the statute.” Id. The injury must have a “sufficiently close
connection to the conduct the statute prohibits.” Id. In the § 43(a) context, this means “show[ing] economic
or reputational injury flowing directly from the deception wrought by the defendant’s advertising ; and that
that occurs when deception of consumers causes them to withhold trade from the plaintiff.” Id. at 1391.
The primary lesson from Lexmark is clear : courts must interpret the Lanham Act according to what the statute
says. To determine whether a plaintiff, “falls within the class of plaintiffs whom Congress has authorized to
sue,” we “apply traditional principles of statutory interpretation.” Id. at 1387. The outcome will rise and fall
on the “meaning of the congressionally enacted provision creating a cause of action.” Id. at 1388.
We now turn to apply these principles to the case before us.
2.
a.
We first address the position, pressed by Belmora and adopted by the district court, that a plaintiff must
have initially used its own mark in commerce within the United States as a condition precedent to a § 43(a)
claim. In dismissing BCC’s § 43(a) claims, the district court found dispositive that “Bayer failed to plead facts
showing that it used the FLANAX mark in commerce in [the] United States.” J.A. 487. Upon that ground, the
district court held “that Bayer does not possess a protectable interest in the [FLANAX] mark.” Id.
As noted earlier, such a requirement is absent from § 43(a)’s plain language and its application in Lexmark.
Under the statute, the defendant must have “use[d] in commerce” the offending “word, term, name, [or]
symbol,” but the plaintiff need only “believe[ ] that he or she is or is likely to be damaged by such act.” Lanham
Act § 43(a), 15 U.S.C. § 1125(a).
142
RIPIA n° 265
It is important to emphasize that this is an unfair competition case, not a trademark infringement case. Belmora
and the district court conflated the Lanham Act’s infringement provision in § 32 (which authorizes suit only
“by the registrant,” and thereby requires the plaintiff to have used its own mark in commerce) with unfair
competition claims pled in this case under § 43(a). Section 32 makes clear that Congress knew how to write a
precondition of trademark possession and use into a Lanham Act cause of action when it chose to do so. It has
not done so in § 43(a). See Russello v.. United States, 464 U.S. 16, 23 (1983) (“[W]here Congress includes
particular language in one section of a statute but omits it in another section of the same Act, it is generally
presumed that Congress acts intentionally and purposely in the disparate inclusion or exclusion.”).
Given that Lexmark advises courts to adhere to the statutory language, “apply[ing] traditional principles of
statutory interpretation,” Lexmark, 134 S.Ct. at 1388, we lack authority to introduce a requirement into §
43(a) that Congress plainly omitted. Nothing in Lexmark can be read to suggest that § 43(a) claims have an
unstated requirement that the plaintiff have first used its own mark (word, term, name, symbol, or device) in
U.S. commerce before a cause of action will lie against a defendant who is breaching the statute.
The district court thus erred in requiring Bayer, as the plaintiff, to have pled its prior use of its own mark in
U.S. commerce when it is the defendant’s use of a mark or misrepresentation that underlies the § 43(a) unfair
competition cause of action. Having made this foundational error, the district court’s resolution of the issues
requires reversal.6
Admittedly, some of our prior cases appear to have treated a plaintiff’s use of a mark in United States
commerce as a prerequisite for a false association claim. See Lamparello v. Falwell, 420 F.3d 309, 313 (4th
Cir.2005) (“Both infringement [under § 32] and false designation of origin [under § 43(a) ] have [the same]
five elements.”); People for the Ethical Treatment of Animals v. Doughney, 263 F.3d 359, 364 (4th Cir.2001)
(same); Int’l Bancorp, 329 F.3d 361 n.2 (“[T]he tests for trademark infringement and unfair competition ․
are identical.”); Lone Star Steakhouse & Saloon v. Alpha of Va., Inc., 43 F.3d 922, 930 (4th Cir.1995) (“[T]
o prevail under §§ 32(1) and 43(a) of the Lanham Act for trademark infringement and unfair competition,
respectively, a complainant must demonstrate that it has a valid, protectible trademark[.]”). However, none of
these cases made that consideration the ratio decidendi of its holding or analyzed whether the statute in fact
contains such a requirement. See, e.g ., 5 J. Thomas McCarthy, Trademarks and Unfair Competition § 29 :4
(4th ed.2002) (observing that International Bancorp merely “assumed that to trigger Lanham Act § 43(a), the
plaintiff’s mark must be ‘used in commerce’ ”). Moreover, all of these cases predate Lexmark, which provides
the applicable Supreme Court precedent interpreting § 43(a). See U.S. Dep’t of Health & Human Servs. v.
Fed. Labor Relations Auth., 983 F.2d 578, 581 (4th Cir.1992) (“A decision by a panel of this court, or by
the court sitting en banc, does not bind subsequent panels if the decision rests on authority that subsequently
proves untenable.”).
Although the plaintiffs’ use of a mark in U.S. commerce was a fact in common in the foregoing cases,
substantial precedent reflects that § 43(a) unfair competition claims come within the statute’s protectable
zone of interests without the preconditions adopted by the district court and advanced by Belmora. As the
Supreme Court has pointed out, § 43(a) “goes beyond trademark protection.” Dastar Corp., 539 U.S. at 29.
For example, a plaintiff whose mark has become generic—and therefore not protectable—may plead an unfair
competition claim against a competitor that uses that generic name and “fail[s] adequately to identify itself
as distinct from the first organization” such that the name causes “confusion or a likelihood of confusion.”
Blinded Veterans Ass’n v. Blinded Am. Veterans Found., 872 F.2d 1035, 1043 (D.C.Cir.1989); see also
Kellogg Co. v. Nat’l Biscuit Co., 305 U.S. 111, 118–19 (1938) (requiring the defendant to “use reasonable
care to inform the public of the source of its product” even though the plaintiff’s “shredded wheat” mark was
generic and therefore unprotectable); Singer Mfg. Co. v. June Mfg. Co., 163 U.S. 169, 203–04 (1896) (same,
for “Singer” sewing machines).
Likewise, in a “reverse passing off” case, the plaintiff need not have used a mark in commerce to bring a § 43(a)
action.7 A reverse-passing-off plaintiff must prove four elements : “(1) that the work at issue originated with
the plaintiff ; (2) that origin of the work was falsely designated by the defendant ; (3) that the false designation
of origin was likely to cause consumer confusion ; and (4) that the plaintiff was harmed by the defendant’s
143
RIPIA n° 265
false designation of origin.” Universal Furniture Int’l, Inc. v. Collezione Europa USA, Inc., 618 F.3d 417,
438 (4th Cir.2010). Thus, the plaintiff in a reverse passing off case must plead and prove only that the work
“originated with” him—not that he used the work (which may or may not be associated with a mark) in U.S.
commerce. Id.
The generic mark and reverse passing off cases illustrate that § 43(a) actions do not require, implicitly or
otherwise, that a plaintiff have first used its own mark in United States commerce. If such a use were a
condition precedent to bringing a § 43(a) action, the generic mark and reverse passing off cases could not exist.
In sum, the Lanham Act’s plain language contains no unstated requirement that a § 43(a) plaintiff have used
a U.S. trademark in U .S. commerce to bring a Lanham Act unfair competition claim. The Supreme Court’s
guidance in Lexmark does not allude to one, and our prior cases either only assumed or articulated as dicta
that such a requirement existed. Thus, the district court erred in imposing such a condition precedent upon
Bayer’s claims.8
As Bayer is not barred from making a § 43(a) claim, the proper Lexmark inquiry is twofold. Did the alleged
acts of unfair competition fall within the Lanham Act’s protected zone of interests ? And if so, did Bayer plead
proximate causation of a cognizable injury ? We examine the false association and false advertising claims in
turn.
b.
i.
As to the zone of interests, Lexmark advises that “[m]ost of the [Lanham Act’s] enumerated purposes are
relevant to false-association cases.” 134 S.Ct. at 1389. One such enumerated purpose is “making actionable
the deceptive and misleading use of marks” in “commerce within the control of Congress.” Lanham Act § 45,
15 U.S.C. § 1127 ; see also Two Pesos, Inc. v. Taco Cabana, Inc., 505 U.S. 763, 784 n.19 (1992) (Stevens,
J., concurring) (“Trademark law protects the public by making consumers confident that they can identify
brands they prefer and can purchase those brands without being confused or misled.”). As pled, BCC’s false
association claim advances that purpose.
The complaint alleges Belmora’s misleading association with BCC’s FLANAX has caused BCC customers
to buy the Belmora FLANAX in the United States instead of purchasing BCC’s FLANAX in Mexico. For
example, the complaint alleges that BCC invested heavily in promoting its FLANAX to Mexican citizens
or Mexican–Americans in border areas.9 Those consumers cross into the United States and may purchase
Belmora FLANAX here before returning to Mexico. And Mexican–Americans may forego purchasing the
FLANAX they know when they cross the border to visit Mexico because Belmora’s alleged deception led them
to purchase the Belmora product in the United States.
In either circumstance, BCC loses sales revenue because Belmora’s deceptive and misleading use of FLANAX
conveys to consumers a false association with BCC’s product. Further, by also deceiving distributors and
vendors, Belmora makes its FLANAX more available to consumers, which would exacerbate BCC’s losses. See
J.A. 196 (stating in a brochure for distributors that “Flanax is now made in the U.S.” and “acts as a powerful
attraction for Latinos”); J.A. 410 (noting a distributor’s concern that the product “is legal to sell in the US”).
In each scenario, theeconomic activity would be “within the control of Congress” to regulate. Lanham Act §
45, 15 U.S.C. § 1127.
We thus conclude that BCC has adequately pled a § 43(a) false association claim for purposes of the zone
of interests prong. Its allegations reflect the claim furthers the § 45 purpose of preventing “the deceptive and
misleading use of marks” in “commerce within the control of Congress.”
ii.
144
RIPIA n° 265
Turning to Lexmark’s second prong, proximate cause, BCC has also alleged injuries that “are proximately
caused by [Belmora’s] violations of the [false association] statute.” 134 S.Ct. at 1390. The complaint can
fairly be read to allege “economic or reputational injury flowing directly from the deception wrought by the
defendant’s” conduct. Id. at 1391. As previously noted, BCC alleges “substantial sales in major cities near the
U.S.-Mexico border” and “millions of dollars promoting and advertising” its FLANAX brand in that region.
J.A. 156 (Compl.¶¶ 11–12). Thus, BCC may plausibly have been damaged by Belmora’s alleged deceptive
use of the FLANAX mark in at least two ways. As reflected in the zone of interests discussion, BCC FLANAX
customers in Mexico near the border may be deceived into foregoing a FLANAX purchase in Mexico as they
cross the border to shop and buy the Belmora product in the United States. Second, Belmora is alleged to
have targeted Mexican–Americans in the United States who were already familiar with the FLANAX mark
from their purchases from BCC in Mexico. We can reasonably infer that some subset of those customers
would buy BCC’s FLANAX upon their return travels to Mexico if not for the alleged deception by Belmora.
Consequently, BCC meets the Lexmark pleading requirement as to proximate cause.
BCC may ultimately be unable to prove that Belmora’s deception “cause[d] [these consumers] to withhold
trade from [BCC]” in either circumstance, Lexmark, 134 S.Ct. at 1391, but at the initial pleading stage we
must draw all reasonable factual inferences in BCC’s favor. Priority Auto Grp., 757 F.3d at 139. Having done
so, we hold BCC has sufficiently pled a § 43(a) false association claim to survive Belmora’s Rule 12(b)(6)
motion. The district court erred in holding otherwise.
c.
BCC and BHC both assert § 43(a)(1)(B) false advertising claims against Belmora. BHC’s claim represents
a “typical” false advertising case : it falls within the Act’s zone of interests by “protecting persons engaged in
commerce within the control of Congress against unfair competition.” Lexmark, 134 S.Ct. at 1389 (quoting
15 U.S.C. § 1127). As a direct competitor to Belmora in the United States, BHC sufficiently alleges that
Belmora engaged in Lanham Act unfair competition by using deceptive advertisements that capitalized on
BCC’s goodwilL. See J.A. 163 (Compl.¶ 54) (asserting that Belmora was deceptive with “claims in their
marketing materials and communications with distributors”); Appellees’ Br. 77 (acknowledging that “BHC
is a competitor of Belmora’s in the United States naproxen sodium market” and “can in theory bring a false
advertising action against a competitor”). If not for Belmora’s statements that its FLANAX was the same one
known and trusted in Mexico, some of its consumers could very well have instead purchased BHC’s ALEVE
brand. These lost customers likewise satisfy Lexmark’s second prong : they demonstrate an injury to sales or
reputation proximately caused by Belmora’s alleged conduct.
BCC’s false advertising claim is perhaps not “typical” as BCC is a foreign entity without direct sales in the
territorial United States. Nonetheless, BCC’s claim advances the Act’s purpose of “making actionable the
deceptive and misleading use of marks.” Lanham Act § 45, 15 U.S.C. § 1127. As alleged, Belmora’s advertising
misrepresents the nature of its FLANAX product in that Belmora implies that product is the same as consumers
purchased in Mexico from BCC and can now buy here.
To be sure, BCC’s false advertising claim overlaps to some degree with its false association claim, but the two
claims address distinct conduct within the two subsections of § 43(a). Belmora’s alleged false statements go
beyond mere claims of false association ; they parlay the passed-off FLANAX mark into misleading statements
about the product’s “nature, characteristics, qualities, or geographic origin,” all hallmarks of a false advertising
claim. Lanham Act 43(a)(1)(B), 15 U.S.C. 1125(a)(1)(B).10
Belmora’s alleged false statements intertwine closely with its use of the FLANAX mark. The FLANAX mark
denotes history : Belmora claims its product has been “used [for] many, many years in Mexico” and “Latinos
have turned to” it “[f]or generations.” J .A. 196. FLANAX also reflects popularity : Belmora says the product
is “highly recognized [and] top-selling.” Id. And FLANAX signifies a history of quality : Belmora maintains
that Latinos “know, trust and prefer” the product. Id. Each of these statements by Belmora thus directly relates
to the “nature, characteristics, qualities, or geographic origin” of its FLANAX as being one and the same as
that of BCC. Lanham Act § 43(a)(1)(B), 15 U.S.C. § 1125(a)(1)(B). Because these statements are linked to
145
RIPIA n° 265
Belmora’s alleged deceptive use of the FLANAX mark, we are satisfied that BCC’s false advertising claim, like
its false association claim, comes within the Act’s zone of interests. As we can comfortably infer that the alleged
advertisements contributed to the lost border sales pled by BCC, the claim also satisfies Lexmark’s proximate
cause prong (for the same reasons discussed above regarding the false association claim).
d.
We thus conclude that the Lanham Act permits Bayer to proceed with its claims under § 43(a)—BCC with
its false association claim and both BCC and BHC with false advertising claims. It is worth noting, as the
Supreme Court did in Lexmark, that “[a]lthough we conclude that [Bayer] has alleged an adequate basis to
proceed under [§ 43(a) ], it cannot obtain relief without evidence of injury proximately caused by [Belmora’s
alleged misconduct]. We hold only that [Bayer] is entitled to a chance to prove its case.” 134 S.Ct. at 1395.
In granting Bayer that chance, we are not concluding that BCC has any specific trademark rights to the
FLANAX mark in the United States. Belmora owns that mark. But trademark rights do not include using the
mark to deceive customers as a form of unfair competition, as is alleged here. Should Bayer prevail and prove its
§ 43(a) claims, an appropriate remedy might include directing Belmora to use the mark in a way that does not
sow confusion. See Lanham Act § 34(a), 15 U.S.C. § 1116(a) (authorizing injunctions based on “principles of
equity”). Of course, the precise remedy would be a determination to be made by the district court in the first
instance upon proper evidence.11 We leave any potential remedy to the district court’s discretion should this
case reach that point. We only note that any remedy should take into account traditional trademark principles
relating to Belmora’s ownership of the mark.
B. Cancellation Under Section 14(3)
The TTAB ordered the cancellation of Belmora’s FLANAX trademark under § 14(3), finding that the preponderance
of the evidence “readily establishe[d] blatant misuse of the FLANAX mark in a manner calculated to trade in the
United States on the reputation and goodwill of petitioner’s mark created by its use in Mexico.” J .A. 142. In
reversing that decision and granting Belmora’s motion for judgment on the pleadings, the district court found that
BCC, as the § 14(3) complainant, “lack[ed] standing to sue pursuant to Lexmark ” under both the zone of interests
and the proximate cause prongs. J.A. 505. The district court also reversed the TTAB’s holding that Belmora was
using FLANAX to misrepresent the source of its goods “because Section 14(3) requires use of the mark in United
States commerce and Bayer did not use the FLANAX mark in the United States.” J.A. 505–06.
On appeal, Bayer argues that the district court erred in overturning the TTAB’s § 14(3) decision because it
“read a use requirement into the section that is simply not there.” Appellants’ Br. 49. For reasons that largely
overlap with the preceding § 43(a) analysis, we agree with Bayer.
1.
Section 14(3) of the Lanham Act creates a procedure for petitioning to cancel the federal registration of a mark
that the owner has used to misrepresent the source of goods :
A petition to cancel a registration of a mark, stating the grounds relied upon, may ․ be filed as follows by any
person who believes that he is or will be damaged ․ by the registration of a mark․
(3) At any time ․ if the registered mark is being used by, or with the permission of, the registrant so as to
misrepresent the source of the goods or services on or in connection with which the mark is used.
Lanham Act § 14(3), 15 U.S.C. § 1064(3). The petitioner must establish that the “registrant deliberately
sought to pass off its goods as those of petitioner.” See 3 McCarthy, § 20 :30 (4th ed.2002).
If successful, the result of a § 14(3) petition “is the cancellation of a registration, not the cancellation of a
trademark.” Id. § 20 :40. Cancellation of registration strips an owner of “important legal rights and benefits”
that accompany federal registration, but it “does not invalidate underlying common law rights in the
trademark.” Id. § 20 :68 ; see also B & B Hardware Inc. v. Hargis Indus., Inc., 135 S.Ct. 1293, 1300 (2015).
146
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To determine what parties § 14(3) authorizes to petition for cancellation, we again apply the Lexmark
framework. The relevant language in § 14(3) closely tracks similar language from § 43(a) that the Supreme
Court considered in Lexmark : “[A]ny person who believes that he is or will be damaged” by the mark’s
registration may petition for cancellation under § 14(3), just as “any person who believes that he or she is or
is likely to be damaged” may bring an unfair competition action under § 43(a). The same two-prong inquiry
from Lexmark provides the mode of analysis.
To determine if a petitioner falls within the protected zone of interests, we note that § 14(3) pertains to the
same conduct targeted by § 43(a) false association actions—using marks so as to misrepresent the source
of goods. Therefore, “[m]ost of the [Lanham Act’s] enumerated purposes are relevant” to § 14(3) claims as
welL. See Lexmark, 134 S.Ct. at 1389. As for proximate cause, we once again consider whether the plaintiff
has “show[n] economic or reputational injury flowing directly from the deception wrought by the defendant’s
[conduct].”12 Id. at 1391. As with § 43(a), neither § 14(3) nor Lexmark mandate that the plaintiff have used
the challenged mark in United States commerce as a condition precedent to its claim. See Empresa Cubana
Del Tabaco v. Gen. Cigar Co., 753 F.3d 1270, 1278 (Fed.Cir.2014) (“In the proceedings before the Board,
however, Cubatabaco need not own the mark to cancel the Registrations under [Section 14(3) ].”).
2.
Applying the framework from Lexmark, we conclude that the Lanham Act authorizes BCC to bring its § 14(3)
action against Belmora. BCC’s cancellation claim falls within the Lanham Act’s zone of interests because it
confronts the “deceptive and misleading use of marks.” Lanham Act § 45, 15 U.S.C. § 1127. And BCC has
also adequately pled a proximately caused injury to survive Belmora’s Rule 12(c) motion for the same reasons
previously discussed for the false association and false advertising claims. The district court thus erred in
reversing the TTAB’s decision cancelling the registration of Belmora’s FLANAX mark.
III.
For the foregoing reasons, we conclude that Bayer is entitled to bring its unfair competition claims under
Lanham Act § 43(a) and its cancellation claim under § 14(3). The district court’s judgment is vacated and the
case remanded for further proceedings consistent with this opinion.
VACATED AND REMANDED
FOOTNOTES
1. We have omitted internal quotation marks, alterations, and citations here and throughout this opinion,
unless otherwise noted.
2. A party to a cancellation proceeding who is dissatisfied with the TTAB’s decision may either “appeal to”
the U.S. Court of Appeals for the Federal Circuit, 15 U.S.C. § 1071(a), or elect to “have remedy by a civil
action” in the district court, id. § 1071(b). Belmora chose the latter option.
3. The district court had agreed with the TTAB that Article 6bis does not create an independent cause of
action for the cancellation of Belmora’s FLANAX registration. Because Bayer appears to have abandoned
its treaty claims on appeal and their resolution is not necessary to our decision, we do not address any issue
regarding the Paris Convention arguments.
4. As the district court pointed out, we have sometimes denominated Lanham Act § 43(a)(1)(A) claims as
“false designation” claims. We think it preferable to follow the Supreme Court’s terminology in Lexmark
and instead refer to such claims as those of “false association,” although the terms can often be used
interchangeably.
5. In the same section, the Lanham Act defines “commerce” as “all commerce which may lawfully be regulated
by Congress.” Lanham Act § 45, 15 U.S.C. § 1227. We have previously construed this phrase to mean that
147
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the term is “coterminous with that commerce that Congress may regulate under the Commerce Clause of
the United States Constitution.” Int’l Bancorp, LLC v. Societe des Bains de Mer et du Cercle des Etrangers
a Monaco, 329 F.3d 359, 363–64 (4th Cir.2003). “Commerce” in Lanham Act context is therefore an
expansive concept that “necessarily includes all the explicitly identified variants of interstate commerce,
foreign trade, and Indian commerce.” Id. at 364 (citing U.S. Const. art. I, § 8, cl.3); see also infra n.6).
6. Even though the district court’s error in transposing § 43(a)’s requirements for a defendant’s actions upon
the plaintiff skews the entire analysis, the district court also confused the issues by ill-defining the economic
location of the requisite unfair competition acts. As noted earlier, supra n.5, a defendant’s false association
or false advertising conduct under § 43(a) must occur in “commerce within the control of Congress.”
Such commerce is not limited to purchases and sales within the territorial limits of the United States as
the district court seems to imply at times with regard to § 43(a) and § 14(3) claims. See J.A. 483, 506 (as
to § 14(3), stating that “Bayer did not use the FLANAX mark in the United States”); J.A. 487 (as to §
43(a), stating that “Bayer failed to plead facts showing that it used the FLANAX mark in commerce in [the]
United States”). Instead, as we explained in International Bancorp, Lanham Act “commerce” includes,
among other things, “foreign trade” and is not limited to transactions solely within the borders of the
United States. Int’l Bancorp, 329 F.3d at 364. Of course, any such “foreign trade” must satisfy the Lexmark
“zone of interests” and “proximate cause” requirements to be cognizable for Lanham Act purposes.
7. Reverse passing off occurs when a “producer misrepresents someone else’s goods or services as his own,”
in other words, when the defendant is selling the plaintiff’s goods and passing them off as originating with
the defendant. Universal Furniture Int’l, Inc. v. Collezione Europa USA, Inc., 618 F.3d 417, 438 (4th
Cir.2010) (quoting Dastar Corp., 539 U.S. at 28 n.1).
8. A plaintiff who relies only on foreign commercial activity may face difficulty proving a cognizable false
association injury under § 43(a). A few isolated consumers who confuse a mark with one seen abroad, based
only on the presence of the mark on a product in this country and not other misleading conduct by the
mark holder, would rarely seem to have a viable § 43(a) claim.The story is different when a defendant, as
alleged here, has—as a cornerstone of its business—intentionally passed off its goods in the United States
as the same product commercially available in foreign markets in order to influence purchases by American
consumers. See M. Kramer Mfg. Co. v. Andrews, 783 F.2d 421, 448 (4th Cir.1986) (“[E]vidence of
intentional, direct copying establishes a prima facie case of secondary meaning sufficient to shift the burden
of persuasion to the defendant on that issue.”). Such an intentional deception can go a long way toward
establishing likelihood of confusion. See Blinded Veterans, 872 F.2d at 1045 (“Intent to deceive ․ retains
potency ; when present, it is probative evidence of a likelihood of confusion.”).
9. Bayer alleges in its complaint that :11. [BCC] has sold hundreds of millions of dollars of its FLANAX
medicines in Mexico. This includes substantial sales in major cities near the U.S.-Mexico border.12. [BCC]
has spent millions of dollars promoting and advertising the FLANAX brand in Mexico, including in major
cities near the U.S.-Mexico border.13. As a result of [BCC’s] extensive sales and marketing, the FLANAX
brand is extremely well known in Mexico and to Mexican–American consumers in the United States.․30.
Defendants have marketed Belmora’s FLANAX products by targeting Hispanic consumers likely to be
familiar with [BCC’s] FLANAX products and deliberately attempting to deceive those consumers into
believing that Belmora’s FLANAX products are the same thing as the FLANAX medicines they know and
trust from Mexico.J.A. 156, 159 (Compl.¶¶ 11–13, 30).
10.Because each of these claims is anchored as a factual matter to the FLANAX mark’s history “in the Latino
American market,” we disagree with Belmora’s argument that the statements amount to mere puffery. See
J.A. 160.
11.For example, a remedy might include altering the font and color of the packaging or the “ready remedy”
of attaching the manufacturer’s name to the brand name. Blinded Veterans, 872 F.2d at 1047. Another
option could be for the packaging to display a disclaimer-to correct for any deliberately created actual
confusion. See id. (“The district court could, however, require [Blinded American Veterans Foundation]
148
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to attach a prominent disclaimer to its name alerting the public that it is not the same organization as, and
is not associated with, the Blinded Veterans Association.”).
12.The USPTO suggests that § 14(3) might require a lesser showing of causation because it sets forth
an administrative remedy, whereas the Supreme Court based its Lexmark analysis on common law
requirements for judicial remedies. See Empresa Cubana Del Tabaco v. Gen. Cigar Co., 753 F.3d 1270,
1275 (Fed.Cir.2014) (“A petitioner is authorized by statute to seek cancellation of a mark where it has
both a real interest in the proceedings as well as a reasonable basis for its belief of damage.”). We need not
resolve this issue for purposes of the current decision.
149
RIPIA n° 265
UNITED STATES
DISTRICT COURT FOR THE EASTERN DISTRICT OF NEW YORK
31 MARS 2016
Innovation Venture LLC et al.
Contre
Ultimate One Distributing Corp. et al.
CO N TREF AC O N – MAUVA IS ET IQUET A G E –
D ETO U RN EM ENT DE PR ODUIT S
Synthèse
Le 31 mars 2016, le juge fédéral de New York condamne à 20 million de dollars de dommages et intérêts trois
sociétés, Advanced Nutraceutical Manufacturing LLC, Nutrition Private Label Inc., et Midwest Wholesale
Distributors Inc (ces trois sociétés sont membres de l’ Ultimate One distributing Corp) pour fabrication et
vente de faux produits énergétiques de la marque 5 hour energy Drink, appartenant à la société Innovation
Venture LLC et al.
En Juin 2015, les agents du Federal Bureau of Investigation et de la Food & Drug Administration, avaient
arrêté 10 personnes suspectées de trafic de produits contrefaisants et faux- étiquetage.
En l’espèce, la société Innovation Venture LLC et la société Baja Exportation LLC (société litigieuse de
distribution au Mexique ayant réglé ultérieurement son litige avec la société demanderesse) ont par le passé
approuvé la distribution de cette boisson énergétique disposant d’un étiquetage espagnol sur le sol mexicain
exclusivement.
Les sociétés défenderesses ont par la suite reconditionné ces produits, accompagnés de fausses étiquettes et ainsi
introduit illégalement quantité de bouteilles énergisantes sur le sol américain.
Au total, la société Midwest Wholesale Distributors est soupçonnée d’avoir distribué, de mai à octobre 2012, et
ce, à travers tout le territoire, plus de quatre millions de bouteilles de contrefaçon de la marque 5 hours energy
drink.
Le juge a donc condamné les trois sociétés pour contrefaçon et vente de produits mal étiquetés, à payer la
somme de 20 millions de dollars de dommages et intérêts à la société Innovation Ventures LLC et al.
Arrêt
MATSUMOTO, United States District Judge :
Plaintiffs Innovation Ventures, LLC ; Living Essentials, LLC ; and International Holdings, LLC (collectively,
“Living Essentials”) brought this consolidated action against dozens of businesses and individuals allegedly
involved the manufacture, sale, and distribution of counterfeit 5-hour ENERGY. (See generally ECF No. 291,
Seventh Amended Complaint filed 12/28/12.) Among the named defendants are Capital Sales Company, Ltd
(“CSC”), Dan-Dee Company, Inc. (“Dan-Dee”) and Dan- Dee’s officers and co-owners, Kevin Attiq and Fadi
Attiq. (Id.)
150
RIPIA n° 265
Pending before the court are cross-motions for partial summary judgment filed by CSC and Fadi Attiq. CSC
moves for summary judgment on its cross-claims against Dan-Dee, Kevin Attiq, and Fadi Attiq (collectively,
the “Dan-Dee Defendants”) for breach of statutory warranties under the Uniform Commercial Code, unjust
enrichment, intentional misrepresentation, negligence, and negligent misrepresentation. (See ECF No.
830, CSC’s Memorandum of Law in Support of Summary Judgment (“CSC Mem.”).) Fadi Attiq, in his
individual capacity, moves for summary judgment on all of CSC’s cross-claims. (See ECF No.862, Fadi Attiq’s
Memorandum of Law in Support of Summary Judgment (“Attiq Mem.”).) For the reasons set forth below, the
parties’ cross-motions are granted in part and denied in part.
BACKGROUND
The background of this case is comprehensively described in the court’s Memorandum and Order dated March
31, 2016. (See ECF No. 886, Mem. and Order.) The court sets forth below only those facts relevant to the
present motion.
I. Procedural History
On October 25, 2012, Living Essentials commenced this action, captioned Innovation Ventures, et al. v.
Ultimate One Distributing Corp., et al. (“Ultimate Action”) in this court.
In its initial complaint, Living Essentials, the owners of 5- hour ENERGY, alleged that more than twenty
defendants had sold counterfeit 5-hour ENERGY in violation of the Lanham Act, 15 U.S.C. §§ 1114 and
1125, the Copyright Act of 1976, 17 U.S.C. § 106, New York state law and common law. (See U.A. No. 1,
CompL. filed 10/25/12.) The Ultimate Action grew to include sixty-nine defendants, including CSC. (See
U.A. No. 291, Seventh Am. CompL. filed 12/28/12.)
On October 26, 2012, Living Essentials filed the action captioned Innovation Ventures, et al. v. Pittsburg
Wholesale Grocers Inc., et al. (“Pittsburg Action”), in the United States District Court for the Northern
District of California. In its initial complaint in the Pittsburg Action, Living Essentials alleged substantially the
same claims as in the Ultimate Action against sixteen defendants based in California, including the Dan-Dee
Defendants. (See P.A. No. 1, CompL. filed 10/26/12.)
A number of defendants in the Ultimate Action then impleaded Dan–Dee and its principals as third-party
defendants in the Ultimate Action. (See U.A. Nos. 390, 473, 535, 580.) In turn, the Dan–Dee Defendants
impleaded a number of defendants from the Ultimate Action as third-party defendants in the Pittsburg Action.
(See P.A. No. 162, Am. Third–Party CompL. filed 1/23/12.)
While the Ultimate and Pittsburg actions were pending, CSC filed suit against the Dan-Dee Defendants in
Michigan state court. On April 9, 2013, the Dan-Dee Defendants removed that case to the United States
District Court for the Eastern District of Michigan. On May 17, 2013, CSC filed an amended complaint
against the Dan-Dee Defendants in the Eastern District of Michigan, asserting six causes of action :
(1) unjust enrichment ; (2) breach of the implied warranty of merchantability pursuant to
U.C.C. § 2-314 ; (3) breach of the implied warranty of fitness for a particular purpose pursuant to U.C.C. §
2-315 ; (4) intentional misrepresentation ; (5) negligence ; and (6) negligent misrepresentation. (See Docket
No. 2 :13-cv-116, ECF No. 830-1, First Amended Complaint.)
Upon a motion filed by Dan-Dee, the Eastern District of Michigan transferred the CSC action to this district.
On July 31, 2013, this court consolidated CSC’s action with the Ultimate Action. (See Docket No. 13-cv3542, Order to Consolidate Cases dated 7/31/13.) The consolidation order specified that CSC’s complaint
against the Dan-Dee Defendants would be considered a third-party complaint in the Ultimate Action. (Id.)
On November 15, 2013, the Northern District of California transferred the Pittsburg Action to this district.
(P.A. No. 530, Order Granting Mot. to Change Venue dated 11/15/13.) On March 3, 2014, the court
granted a joint request from plaintiffs and the Dan-Dee defendants to consolidate the Ultimate Action and the
Pittsburg Action. (ECF No. 680.)
151
RIPIA n° 265
II. Undisputed Material Facts
The following facts are taken from the parties’ Local Civil Rule 56.1 statements and have not been specifically
disputed with admissible evidence unless otherwise indicated.
References to paragraphs of the parties’ Rule 56.1 statements include materials cited therein and annexed
thereto.
CSC is a Michigan-based wholesaler of consumer products. (ECF No. 830, CSC’s Rule 56.1 Statement
of Undisputed Material Facts (“CSC 56.1”) ¶ 1.) Dan-Dee is a California-based wholesaler of grocery
products and operates a “cash-and-carry” wholesale warehouse in Spring Valley, California. (ECF No. 869- 1,
Dan-Dee’s Rule 56.1 Statement of Additional Undisputed Material Facts (“Dan-Dee Add’l 56.1”) ¶ 1.) Fadi
Attiq is the president and co-owner of Dan-Dee. (CSC 56.1 ¶ 5.) Kevin Attiq is a Dan-Dee co-owner and
officer. (CSC 56.1 ¶ 6.)
Both CSC and Dan-Dee are merchants that bought and sold 5-hour ENERGY in 2012. (CSC ¶¶ 13-14 ;
Dan-Dee Add’l 56.1 ¶¶ 45-46.) On September 11, 2012, CSC purchased 627 cases of 5- hour ENERGY from
Dan-Dee. (CSC 56.1 ¶ 13.) On October 12, 2012, CSC purchased another 1,024 cases of 5-hour ENERGY
from Dan-Dee. (Id.) CSC paid Dan-Dee a total of $468,342 for these purchases, and also incurred shipping
fees. (CSC 56.1 ¶ 14.) The purchase amounts and prices are evidenced by contemporaneous invoices sent by
Dan-Dee to CSC. (See ECF No. 830-6, Dan-Dee Invoice dated 9/11/12 ; ECF No. 830-7, Dan-Dee Invoice
dated 10/15/12.)
On November 8, 2012, CSC received notice that all 1,651 cases (356,616 bottles) of 5-hour ENERGY that
it purchased from Dan-Dee were counterfeit. (CSC 56.1 ¶ 15.) After receiving notice, CSC turned over to
Living Essentials all of the counterfeit 5-hour ENERGY in its possession. (CSC 56.1 ¶ 17.)2 It is undisputed
that Dan-Dee has not reimbursed CSC for any of the counterfeit 5-hour ENERGY that CSC purchased. (CSC
56.1 ¶ 18.)
DISCUSSION
CSC moves for summary judgment on all six of its cross-claims against the Dan-Dee Defendants3. Fadi Attiq
cross moves for summary judgment on all of CSC’s cross-claims.
I. Summary Judgment Standard
“Summary judgment is appropriate where there is no genuine dispute as to any material fact and the record
as a whole indicates that no rational factfinder could find in favor of the non-moving party.” Graves v. Finch
Pruyn & Co., 353 F. App’x 558, 560 (2d Cir. 2009) (citing Rodal v. Anesthesia Grp. of Onondaga, P.C., 369
F.3d 113, 118 (2d Cir. 2004)). “In ruling on a summary judgment motion, the district court must resolve
all ambiguities, and credit all factual inferences that could rationally be drawn, in favor of the party opposing
summary judgment and determine whether there is a genuine dispute as to a material fact, raising an issue for
trial.” McCarthy v. Dun & Bradstreet Corp., 482 F.3d 184, 202 (2d Cir. 2007) (quotation marks omitted).
“A fact is material when it might affect the outcome of the suit under governing law.” Id. (internal quotation
marks omitted). Moreover, an issue of fact is genuine only if “the evidence is such that a reasonable jury could
return a verdict for the nonmoving party.” Anderson v. Liberty Lobby, Inc., 477 U.S. 242, 248 (1986). “In
order to defeat a motion for summary judgment supported by proof of facts that would entitle the movant
to judgment as a matter of law, the nonmoving party is required under Rule 56(e) to set forth specific facts
showing that there is a genuine issue of material fact to be tried.” Ying Jing Gan v. City of New York, 996
2 The number of counterfeit 5-hour ENERGY bottles Living Essentials recovered from CSC has not been established. Dan-Dee’s expert estimates that Living Essentials
recovered 281,812 out of 356,616 bottles.(See ECF No. 872-3, Declaration of Robert A. Taylor dated 1/5/15 at ¶ 7.) According to Dan-Dee, “approximately 74,804
bottles of the Accused Product [that CSC] purchased from Dan-Dee are unaccounted for and were, presumably, sold to [CSC’s] downstream customers.” (ECF No.
869-1, Dan-Dee’s Response to CSC’s Rule 56.1 Statement of Undisputed Material Facts (“Dan-Dee 56.1”) ¶ 17.)
3 In its reply brief in support of summary judgment, CSC argues the Dan-Dee Defendants “are further liable to Capital Sales Company pursuant to U.C.C. § 2-312(3),”
which provides a warranty of non-infringement. (See ECF No. 831, CSC’s Reply in Support of Summary Judgment, at 5.) The court will not consider this claim
because it was not alleged in CSC’s First Amended Complaint. See Allah v. Poole, 506 F. Supp. 2d 174, 193 (W.D.N.Y. 2007) (“It is well established, however, that a
memorandum of law or other motion papers are not proper vehicles by which to raise claims that are not asserted in the complaint.”).
152
RIPIA n° 265
F.2d 522, 532 (2d Cir. 1993) (citations omitted). “[O]nly disputes over facts that might affect the outcome of
the suit under the governing law will properly preclude entry of summary judgment.” Anderson, 477 U.S. at
248. The nonmoving party may not, however, “rely simply on conclusory statements or on contentions that
the affidavits supporting the motion are not credible, or upon the mere allegations or denials of the nonmoving
party’s pleading.” Ying Jing Gan, 996 F.2d at 532–33 (citations omitted). The standard is the same when cross
motions for summary judgment are made. See Morales v. Quintel Entm’t, Inc., 249 F.3d 115, 121 (2d Cir.
2001); Eschmann v. White Plains Crane Serv., Inc., No. 11-CV-5881, 2014 WL 1224247, at *3 (E.D.N.Y.
Mar. 24, 2014). The court must examine each party’s motion independently, and “in each case all reasonable
inferences must be drawn against the party whose motion is under consideration.” Morales, 249 F.3d at 121
(citation omitted).
II. Choice of Law
In a diversity case, a district court must apply the choice of law rules of the state in which it sits. Klaxon Co. v.
Stentor Elec. Mfg. Co., 313 U.S. 487, 496 (1941). But where, as here, a case is transferred from a court in one
state to a court in another state, the choice of law rules of the transferor court will apply. Van Dusen v. Barrack,
376 U.S. 612 (1964). The United States District Court for the Eastern District of Michigan transferred CSC’s
action to this court pursuant to 28 U.S.C. § 1404(a). Michigan choice-of-law rules therefore govern CSC’s
third-party claims. Michigan courts determine choice-of-law as follows :
A Michigan court] will apply Michigan law unless a “rational reason” to do otherwise exists.In determining
whether a rational reason to displace Michigan law exists, we undertake a two-step analysis. First, we must
determine if any foreign state has an interest in having its law applied. If no state has such an interest, the
presumption that Michigan law will apply cannot be overcome.If a foreign state does have an interest in having
its law applied, we must then determine if Michigan’s interests mandate that Michigan law be applied, despite
the foreign interests.
Sutherland v. Kennington Truck Serv., Ltd., 562 N.W.2d 466, 471 (Mich. 1997) (citations omitted)4. “If the
court determines that the foreign state has an interest in applying its own law, the court must consider what
those interests are and balance them against Michigan’s own interests, taking into account other factors such
as the need for certainty and predictability and
the prevention of forum shopping.” Sheldon v. PHH Corp., 135 F.3d 848, 852 (2d Cir. 1998) (citing Aetna
Cas. & Surety Co. v. Dow Chem. Co., 883 F. Supp. 1101, 1110 (E.D. Mich. 1995)).
“Michigan will allow its law to yield to another law when there is a ‘rational reason’ to do so, including if
the foreign state’s interests substantially outweigh Michigan’s interest in the litigation.” Id. (citing Isley v.
Capuchin Province, 878 F. Supp. 1021, 1023 (E.D. Mich. 1995)).
New York and California are the only two foreign jurisdictions that potentially have an interest in having their
law applied to CSC’s cross-claims. CSC contends New York law should apply because Dan-Dee moved to
transfer this action from the Eastern District of Michigan to this district and therefore “asked for” New York
law. (CSC Mem. at 9.) Alternatively, CSC argues Michigan law should apply because CSC is a Michigan
company and “the transactions giving rise to the CSC claims substantially took place in Michigan.” (Id.) The
Dan-Dee Defendants seek the application of California law because Dan- Dee is a California company and
“CSC knew it was purchasing the Accused Product from California.” (Dan-Dee Opp. at 11.) Dan- Dee also
argues it would be prejudiced by application of New York or Michigan law because those states recognize a
cause of action for unjust enrichment (i.e., CSC’s first claim in its First Amended Complaint) while California
does not. (Id. at 12.) As an initial matter, New York does not have a strong interest in having New York
law applied because neither CSC nor Dan-Dee is based in New York and the alleged injury did not occur
in New York. Dan-Dee’s motion to transfer this action from the Eastern District of Michigan to this court
4 The Sutherland choice-of-law analysis applies to tort claims. CSC has alleged a mixture of contract-based and tort-based claims against Dan-Dee. With respect to
CSC’s contract-based warranty claims, there is not a material difference among California, Michigan, and New York laws because all three states have adopted the
Uniform Commercial Code. The court “need not embark on a choice-of-law analysis in the absence of an actual conflict between the applicable rules of . . . the relevant
jurisdictions.” Perkins Eastman Architects, P.C. v. Thor Eng’rs, P.A., 769 F. Supp. 2d 322, 325 (S.D.N.Y. 2011) (internal quotation marks and citation omitted).
For the sake of uniformity, the court will apply the law applicable to CSC’s tort claims to its contract claims
153
RIPIA n° 265
was a procedural maneuver that is not relevant to the “interests” analysis under Michigan choice-of-law rules.
California does have an interest in the application of California law because Dan-Dee is a California company
and its principals, Fadi and Kevin Attiq, reside there. However, Dan- Dee’s interest in California law does
not “substantially outweigh” Michigan’s clear interest in applying its own law to this matter. CSC is based in
Michigan. Perhaps most significantly, the underlying events giving rise to CSC’s action (CSC’s purchases of
counterfeit 5-hour ENERGY) and CSC’s alleged injuries, occurred in Michigan. Dan-Dee’s contention that
it would be “greatly prejudiced” by Michigan law because Michigan recognizes a cause of action for unjust
enrichment is unavailing. CSC would be equally prejudiced by the unavailability of a cause of action for unjust
enrichment under California law. The “interests” analysis weighs in favor of applying Michigan law to CSC’s
cross-claims.
III. Personal Liability
CSC seeks to hold Kevin and Fadi Attiq personally liable, arguing that Fadi and Kevin Attiq were the “moving,
active, conscious forces behind [Dan-Dee’s] infringement.” (CSC Mem. at 9-10.) As the Dan-Dee Defendants
point out, however, the “moving, active, conscious force” standard for personal liability applies to Lanham
Act infringement claims. (Dan-Dee Opp. at 13-14.) CSC’s motion, by contrast, seeks to hold Fadi and Kevin
personally liable for claims based on state law. The “moving, active, conscious force” standard is therefore
inapplicable to CSC’s claims against Kevin and Fadi Attiq. CSC’s summary judgment motion offers no other
legal or factual basis in support of their motion to hold Kevin and Fadi Attiq personally liable on CSC’s state
law claims. Accordingly, CSC’s motion for summary judgment on its state law claims against Kevin and Fadi
Attiq is denied. The court will proceed to consider CSC’s motion for summary judgment as it relates to DanDee Company.
IV. U.C.C. Statutory Warranties
CSC seeks summary judgment against Dan-Dee on its cross-claims under the Uniform Commercial Code
for breach of the implied warranty of merchantability (U.C.C. § 2-314) and breach of the implied warranty
of fitness for a particular purpose (U.C.C. § 2-315). Dan-Dee does not oppose CSC’s motion for summary
judgment on these breach of warranty claims5.
A. Implied Warranty of Merchantability
Under Michigan law, “a warranty that the goods shall be merchantable is implied in a contract for their sale
if the seller is a merchant with respect to goods of that kind.” MCL § 440.2314(1).A merchant is defined as
“a person that deals in goods of the kinds or otherwise by the person’s occupation holds itself out as having
knowledge or skill particular to the practices or goods involved in the transaction.” MCL § 440.2104. The
implied warranty of merchantability provides that “[g]oods to be merchantable must be as least . . . fit for the
ordinary purposes for which such goods are used.” MCL § 440.2314(2)(c).
Here, CSC has established that : (1) CSC and Dan-Dee are merchants that regularly dealt in 5-hour
ENERGY ; (2) CSC purchased 356,616 bottles of what Dan-Dee sold as 5-hour ENERGY ; (3) invoices sent
from Dan-Dee to CSC reflect the material terms of CSC’s purchases ; and (4) all 356,616 bottles of 5-hour
ENERGY that CSC purchased were counterfeit. Consequently, the counterfeit 5-hour ENERGY bottles
Dan-Dee sold to CSC were unfit for their ordinary purpose. In the absence of any genuine issue of material
fact, or any opposition from Dan-Dee, CSC is entitled to summary judgment on its claim for breach of the
implied warranty of merchantability6.
5 Although Dan-Dee raises a general objection that all of CSC’s claims are not ripe for summary judgment (Dan-Dee Opp. at 9), Dan-Dee does not specifically oppose
CSC’s breach of warranty claims.
6 On the current record, factual disputes regarding the number of counterfeit bottles CSC may have resold preclude a determination of determination of damages.
(See Footnote 1, supra.)
154
RIPIA n° 265
B. Implied Warranty of Fitness for a Particular Purpose
Section 440.2315 of the Michigan Uniform Commercial Code provides :
Where the seller at the time of contracting has reason to know any particular purpose for which the goods are
required and that the buyer is relying on the seller’s skill or judgment to select or furnish suitable goods, there
is . . . an implied warranty that the goods shall be fit for such purpose.
MCL § 440.2315. The Official Comment to § 440.2315 states that “[a] particular purpose differs from the
ordinary purpose for which the goods are used in that it envisages a specific use by the buyer which is peculiar
to the nature of his business whereas the ordinary purposes for which goods are used are those envisaged in
the concept of merchantability and go to uses which are customarily made of the goods in question.” Id.
cmt. 2. Here, CSC has not established that it purchased 5-hour ENERGY from Dan-Dee for a specific use
“peculiar to the nature of [its] business.” The record evidence shows that CSC is a commercial wholesaler that
purchased 5-hour ENERGY for the purpose of reselling it. Where, as here, “[t]here is nothing in plaintiff’s
complaint or in the [record] that would suggest that plaintiff intended to use the [product] for something other
than the ordinary purpose for which such [products] were used,” an implied warranty of fitness claim cannot
succeed. Maeder Bros. Quality Wood Pellets, Inc. v. Hammond Drives & Equip., Inc., No. 320362, 2015 WL
1650814, at *6 (Mich. Ct. App. Apr. 14, 2015) (affirming trial court’s grant of summary judgment to seller
on buyer’s claim for breach of the implied warranty of fitness where “the buyer was using the goods for the
ordinary purpose for which they were intended”). Accordingly, the court denies CSC’s motion for summary
judgment against Dan- Dee on its claim for breach of the implied warranty of fitness for a particular purpose.
V. Unjust Enrichment
CSC seeks summary judgment on its claim for unjust enrichment based on Dan-Dee’s refusal to reimburse
CSC for counterfeit 5-hour ENERGY that CSC was unable to reselL. Generally, a plaintiff may establish
unjust enrichment by proving : “(1) the defendant received a benefit from the plaintiff, and (2) an inequity
will result because of the defendant’s retention of the benefit.”
Barber v. SMH (US), Inc., 509 N.W.2d 791, 796 (Mich. Ct. App. 1993). However, “[w]here the parties have
an enforceable contract and merely dispute its terms, scope, or effect, one party cannot recover for promissory
estoppel and unjust enrichment.” Terry Barr Sales Agency, Inc. v. All-Lock Co., 96 F.3d 174, 179 (6th Cir.
1996) (applying Michigan law). In this case, it is undisputed that the parties’ course of dealing and detailed
invoices established contracts for the sale of 5-hour ENERGY. Dan- Dee is liable for breach of the implied
warranty of merchantability. In light the U.C.C. remedies available to CSC for that breach of warranty, there
is no basis to find unjust enrichment. CSC’s summary judgment motion on this claim is denied.
VI. CSC’s Tort Claims
CSC’s remaining claims are based in tort : negligence, negligent misrepresentation, and intentional
misrepresentation. These claims, which essentially allege that Dan-Dee failed to comply with the parties’
contractual agreement, are precluded by the economic loss doctrine. The economic loss doctrine provides that
“[w]here a plaintiff seeks to recover only for economic injuries caused by a defective product purchased for
commercial purposes, contract principles, as supplied by the U.C.C., provide the exclusive remedy for such
a claim.” Convergent Grp. Corp. v. Cty. of Kent, 266 F. Supp. 2d 647, 659 (W.D. Mich. 2003) (applying
Michigan law and dismissing fraud claim “because it simply alleges economic injury based upon [seller’s]
failure to comply with its contractual obligations”).The Michigan Supreme Court “adopted the economic loss
doctrine specifically in the context of contracts for the sales of goods.” Id. at 660.
Summary judgment is denied as to CSC’s tort claims because those claims are entirely based on Dan-Dee’s
contractual obligations. Fadi Attiq’s cross-motion for summary judgment on CSC’s foregoing tort claims is
granted.
155
RIPIA n° 265
CONCLUSION
For the foregoing reasons, CSC’s motion for summary judgment against Dan-Dee is granted as to its claim for
breach of the implied warranty of merchantability. CSC’s motion is otherwise denied.
Fadi Attiq’s motion for summary judgment is granted as to CSC’s claims for negligence, negligent
misrepresentation, and intentional misrepresentation.
SO ORDERED
March 31, 2016, Brooklyn, New York, KIYO A. MATSUMOTO
156
RIPIA n° 265
UNITED STATES
TRADEMARK TRIAL ET APPEAL BOARD
23 MAI 2016
Royal Crown Company Inc and Dr Pepper/Seven up, Inc
Contre
The Coca-Cola Company
P R OT E CTI O N EXC L U SI VE – DR OIT DES MAR QUES –
CA R AC TERE D I STI NC TI F – T ER ME G ENER IQUE
Synthèse
Le 23 mai 2016, aux Etats-Unis, le Trademark Trial and Appeal Board (TTAB) a reconnu à la compagnie Coca
Cola, la validité de sa marque « Zero ».
En l’espèce, depuis 2003, la société Coca Cola essaie d’obtenir une protection exclusive, mais se voit
concurrencer par d’autres acteurs qui souhaitent également utiliser ce terme.
Ainsi, en 2008, la Grande Bretagne refusait d’enregistrer la marque, suite à une opposition de la part de
PepsiCo. Un peu plus tôt cette année-là, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, avait également rejeté
l’enregistrement de ce terme au motif qu’il était trop descriptif.
Le 23 mai, le TTAB met fin au dernier challenge en date de la compagnie Coca Cola, en rejetant les
revendications des sociétés Royal Crown Company Inc (société appartenant à la société Dr Pepper/Seven
up) et Dr Pepper/Seven up, Inc, exploitant la marque Dr Pepper, estimant que le terme « zero » est un terme
générique enregistrable pour les boissons gazeuses, même pour viser des produits zéro calorie.
Pour se défendre, Coca-Cola avançait que les consommateurs ordinaires semblaient associer le terme « zero »
à sa marque, contrairement aux sociétés Royal Crown Company Inc et Dr Pepper/Seven up Inc, qui elles,
soutenaient que dans l’esprit des consommateurs, zero était associé à un type de boisson gazeuse en général.
Les sociétés Royal Crown Company Inc et Dr Pepper/Seven up Inc ont également avancé que la marque Coca
Cola Zero n’était pas suffisamment distinctive pour qu’elle puisse être qualifiée de marque référentielle du
terme « zero ».
Les juges retiennent que les recettes de Coca Cola Zero, et le fait que plus de la moitié des consommateurs
associent le terme « zero » à cette compagnie, ne permettent pas de prouver les arguments des demandeurs.
Le TTAB a donc conclu d’une part que les demandeurs n’avaient pas été capables de prouver que le terme
« zero » était un terme générique lorsqu’il était utilisé en association avec des boissons et d’autre part que
l’utilisation par Coca Cola de « zero » disposait d’un caractère distinctif acquis, qualifié même de sensiblement
exclusif.
Néanmoins, le TTAB a retenu que Coca Cola n’avait pas prouvé la confusion des consommateurs entre les
différentes marques de boissons gazeuses. Par conséquent, d’autres marques de boissons peuvent utiliser le
terme Zero, comme par exemple la société Dr Pepper, avec son « Diet Rite pur Zero ».
157
RIPIA n° 265
Arrêt
In these consolidated proceedings, Opposers Royal Crown Company, Inc. and Dr Pepper/Seven Up, Inc.
(collectively, “RC” or “Opposers”) oppose registration of 17 applications by The Coca-Cola Company
(“TCCC” or “Applicant”) to register marks incorporating the term ZERO. RC asserts that ZERO is either
generic for zero-calorie soft drinks or descriptive without acquired distinctiveness and thus cannot be registered
without a disclaimer of TCCC’s exclusive right in that term. TCCC, in turn, opposes registration by RC of
two marks incorporating the term ZERO on the ground that they are likely to cause confusion with its ZEROformative marks.
Both parties filed briefs, and each was represented by counsel at an oral hearing held before this panel on
December 8, 2015.
The oppositions are sustained in part and dismissed in part, as explained fully infra.
I. Involved Applications
The 19 applications at issue in these proceedings are:7
Opposition Application
No.
No.
91178927
78580598
Opposition Application
No.
No.
Mark
Filed/ Basis
First Use
Goods (all in Class 32)
COCA COLA
ZERO
March 4,
2005 1(b)
June 13,
2005
Beverages, namely soft drinks;
syrups and concentrates for the
making of the same
Mark
Filed/ Basis
First Use
Goods (all in Class 32)
Oct. 20,
2003 1(b)
Sept. 13,
2004
91180771
78316078
SPRITE
ZERO
91186579
78620677
FANTA
ZERO
May 2, 2005
1(b)
91180772
78664176
COKE ZERO
July 6, 2005
1(a)
June 13,
2005
Mark
Filed/ Basis
First Use
Opposition Application
No.
No.
91190658
78698990
VAULT
ZERO
91183482
77097644
PIBB ZERO
Beverages, namely carbonated
soft drinks; syrups,
concentrates and powders for
making same
Beverages, namely, soft drinks,
syrups and concentrates for the
making of the same
Beverages, namely soft drinks;
syrups and concentrates for the
making of the same
Goods (all in Class 32)
Non-alcoholic beverages,
namely, soft drinks and energy
Aug. 24,
Dec. 2, 2005 drinks; syrups and concentrates
2005 1(b)
for making soft drinks and
energy drinks
Non-alcoholic beverages,
Feb. 2, 2007
namely, soft drinks and
July 2005
concentrates for the making of
1(a)
the same
7 First use dates listed are those claimed in applications filed pursuant to Section 1(a) of the Trademark Act, or in statements of use for applications filed under Section
1(b) (intent-to- use). No statement of use has been submitted for the nine applications listed in the chart as filed pursuant to Section 1(b) for which the “First Use” date
cell is blank. First use dates established by other evidence are discussed in the text where relevant. As noted, the marks COKE ZERO ENERGY and COKE ZERO
BOLD have not been used.
158
RIPIA n° 265
91185755
76674382
COKE ZERO
ENERGY
March 22,
2007 1(b)
91185755
76674383
COKE ZERO
BOLD
March 22,
2007 1(b)
91183482
77175066
91183482
77175127
Opposition Application
No.
No.
Non-alcoholic beverages,
namely, soft drinks and energy
Has not been
drinks; syrups and concentrates
used
for making soft drinks and
energy drinks
Non-alcoholic beverages,
namely, soft drinks and energy
Has not been
drinks; syrups and concentrates
used
for making soft drinks and
energy drinks
COKE
May 8, 2007
CHERRY
Jan. 29, 2007
1(a)
ZERO
CHERRY
May 8, 2007
COCA-COLA
1(b)
ZERO
Mark
Filed/ Basis
First Use
Non-alcoholic beverages,
namely, soft drinks
Non-alcoholic beverages,
namely, soft drinks
Goods (all in Class 32)
91185755
77176099
VANILLA
May 9, 2007
COKE ZERO
1(b)
Non-alcoholic beverages,
namely, soft drinks; syrups
and concentrates for making
non-alcoholic beverages,
namely, soft drinks
91183482
77176108
COCA-COLA
May 9, 2007
VANILLA
1(b)
ZERO
Non-alcoholic beverages,
namely, soft drinks
91183482
77176127
91183482
77176279
91186579
77257653
91186579
77309752
91189847
77413618
91184434
78576257
91184434
78581917
Non-alcoholic beverages,
namely, soft drinks;
CHERRY
May 9, 2007
concentrates for making
COKE ZERO
1(b)
non-alcoholic beverages,
namely, soft drinks
Non-alcoholic beverages,
COCA-COLA
namely, soft drinks; syrups
May 9, 2007
CHERRY
Jan. 29, 2007 and concentrates for making
1(a)
non-alcoholic beverages,
ZERO
namely, soft drinks
VANILLA
Aug. 17,
Non-alcoholic beverages,
COCA-COLA
namely, soft drinks
2007 1(b)
ZERO
POWERADE
Oct. 22,
Non-alcoholic beverages,
May 2008
namely, sports drinks
ZERO
2007 1(b)
FULL
March 5,
Non-alcoholic beverages,
THROTTLE
namely, energy drinks
2008 1(b)
ZERO
DIET RITE
Feb. 28,
Soft drinks and syrups used in
the preparation thereof
PURE ZERO
2005 1(b)
Soft drinks, and syrups and
March 7,
PURE ZERO
concentrates used in the
2005 1(b)
preparation thereof
159
RIPIA n° 265
All marks are in standard characters. TCCC claims acquired distinctiveness in the term ZERO in each of the
marks it seeks to register and in COKE ZERO as a whole. TCCC disclaims the terms CHERRY, VANILLA,
and ENERGY from the marks in which these terms appear.
In its two applications, listed last in the chart supra, RC disclaims ZERO apart from the marks DIET RITE
PURE ZERO and PURE ZERO as a whole.
II. Evidentiary Objections and Record
On an evidentiary record comprising more than 5,700 pages (excluding the file histories of the 19 subject
applications, which are automatically of record), the parties have devoted 108 pages – many in the form of singlespaced charts – to their statements of objections, responses, and replies8. We have considered all objections. On
the whole, the disproportionate volume of the parties’ submissions does not reflect the gravity of their objections,
most of which actually concern the weight due the evidence rather than its admissibility. Lest we devote a similarly
excessive number of pages to ruling on these objections individually, we address here only certain evidence that
could be material to our outcome-determinative findings of fact. Otherwise, we have kept the objections in
mind in considering the evidence, and comment as needed on its probative value elsewhere in the opinion. See
Kohler Co. v. Baldwin Hardware Corp., 82 USPQ2d 1100, 1104 (TTAB 2007). We also urge the parties to
remember that our proceedings are tried before judges not likely to be easily confused or prejudiced and lodge
their objections more judiciously in future proceedings. The following evidence is excluded from the trial record:
Because foreign trademark registration is irrelevant to the registrability of TCCC’s marks in the United States, we
grant TCCC’s motion to exclude what RC characterizes as decisions from the United Kingdom rejecting TCCC’s
application to register ZERO as a mark because it is generic for beverages9. See, e.g., Double J of Broward Inc. v.
Skalony Sportswear GmbH, 21 USPQ2d 1609, 1612 (TTAB 1991).
Both parties objected to some advertisements introduced through witnesses who testified that they were
not certain the ads had appeared publicly. Although we do not exclude them, we give no weight to such
advertisements. See, e.g., Wet Seal Inc.
FD Mgmt. Inc., 82 USPQ2d 1629, 1637 (TTAB 2007). Such ads specifically include TCCC Exhibits 118
through 121 to the testimony deposition of Russell Baker, who testified on cross-examination that he did not
know whether the ads were ever deployed in the marketplace10. We disagree with TCCC that “it does not matter
whether he knows if the specific documents were ever deployed” because they were “representative of the kinds of
promotions TCCC did for more than one ZERO product” one to two years later11. Although parties are permitted
to produce representative samples of information sought in discovery requests, see Carefirst of Maryland Inc. v.
FirstHealth of the Carolinas Inc., 77 USPQ2d 1492, 1499-1500 (TTAB 2005), aff’d, 479 F.3d 825, 81 USPQ2d
1919 (Fed. Cir. 2007); Trademark Trial and Appeal Board Manual of Procedure (TBMP) § 414(2) (2015), we
find these specific advertisements to have no probative value in the absence of evidence that they ran.
Similarly, we give no weight to Exhibit RC 18 to the Trial Declaration of Chris Barnes, who could testify
neither that the graphics shown in the exhibit were actually used as subway advertising nor that they were
approved by the companies represented in the ads – including TCCC – other than his own employer (Dr
Pepper Snapple Group).12
8 146, 151, 152, 155, 156, and 160 TTABVUE. Citations to the record are to the TTABVUE docket history system. Parties also are encouraged to cite to evidence in
TTABVUE. TBMP § 801.03 (2015); Turdin v. Trilobite, Ltd., 109 USPQ2d 1473, 1476 n.6 (TTAB 2014).
9 Exhibits RC 282-83 to Opposer’s Notice of Reliance on Official Records, 102 TTABVUE 1042-87. RC contends that TCCC’s own statement during prosecution has
made these decisions relevant, but arguments concerning foreign registration also are irrelevant.
10Baker Tr. at 141:9-148:6, 232:18-237:2, 168 TTABVUE 139-46, 230-35, 278-82 (exhibits). Mr. Baker explained that knowledge of the retail execution specifics was
lacking because TCCC’s bottling organization deploys these types of materials. Id. at 144:22-146:21, 168 TTABVUE 142-44. Consistent with this testimony, in its
Supplemental Response to RC’s Interrogatory No. 8, which sought specific information concerning “all advertising, marketing and promotional campaigns or activities
that have included more than one of TCCC’s Marks,” TCCC stated in part that “while TCCC has generated various advertisements that have been released for use by
retailers, customers and others in print and/or outdoor media and that show and could be used to advertise multiple products bearing TCCC’s ZERO Marks, as shown
in the documents previously produced to RC, TCCC does not receive or maintain information regarding the specific uses made of such advertisements, including the
specific media outlets, time frames or geographic areas in which such materials are used.” Opposer’s Second Notice of Reliance on Discovery Responses, Exhibit RC
302, 118 TTABVUE 73-78.
11TCCC’s Response to RC’s Statement of Objections at 15, 151 TTABVUE 16.
12See Trial Declaration of Chris Barnes at ¶ 9, Barnes Tr. at 25:10-26:16, 36:23-37:3, 44:25-45:9, 131 TTABVUE 7 (declaration), 10-12 (exhibit), 37-38, 48-49, 56-57
(testimony).
160
RIPIA n° 265
A. RC’s Evidence
Opposers submitted the following evidence:
• Opposer’s Notice of Reliance, with the following exhibits:
- Stipulated documents,13 including, e.g., press releases, advertising and marketing materials, printouts
from websites and TTAB proceedings, and copies of settlement agreements between TCCC and third
parties (Exhibits RC 56-101, 94 TTABVUE);
- Discovery responses, including TCCC responses to RC’s interrogatories and requests for admission
(Exhibits RC 120-125, 98 and 136 TTABVUE);
- Excerpts from the discovery deposition testimony of TCCC witnesses William Herbert Gray IV, Russell
Wiley Baker (“Baker Discovery Tr.”), and Maurice Cooper II, with exhibits (Exhibits RC 126-28, 99100 TTABVUE);
- Printed publications, including printouts from the websites of third parties and Opposers and media
references (Exhibits RC 129-91, 101 TTABVUE);
- Official records of the U.S. Patent and Trademark Office (“USPTO”), in particular, applications,
registrations, and prosecution history for marks containing the term ZERO for beverage goods,
, as well
including Opposers’ pleaded marks and an abandoned application by TCCC for the mark
as oppositions to third-party ZERO marks filed by TCCC (Exhibits RC 192-281, 102 TTABVUE);
• The testimony deposition transcript of Robert Marciano, executive vice president, chief sales and marketing
officer for Arizona Beverages USA, LLC, who appeared by subpoena, with exhibits (114-15 TTABVUE);
• The trial declaration and transcript of the cross-examination of Mario Ortiz, a paralegal for Opposers’
counsel, with exhibits (116 and 130 TTABVUE);
• Opposer’s Second Notice of Reliance, with the following exhibits:
- Discovery responses, including additional TCCC responses to RC’s interrogatories and requests
for admission (Exhibits RC 299-302 and 304 (Supplemental Response to Request No. 26),14 118
TTABVUE);
- Additional excerpts from discovery deposition testimony of TCCC witnesses William Herbert Gray
IV, Russell Wiley Baker, and Maurice Cooper II, and RC witnesses Andrew David Springate, Russell
Schleiden, and Tony Jacobs, with exhibits (Exhibits RC 306- 08 and RC 314-16, 119 and 121-23
TTABVUE);
- Additional printed publications, including printouts from the websites of third parties (Exhibits RC
309-13, 120 TTABVUE);
• The trial declaration and transcript of the cross-examination of Chris Barnes, director, corporate
communications, Dr Pepper Snapple Group, with exhibits (“Barnes Tr.,” 131 TTABVUE);15
• The transcript of the testimony deposition of Christopher John Reed, CEO of Reed’s, Inc., with exhibits
(132-33 TTABVUE);
• Two trial declarations and transcripts of two cross-examinations of Andrew
13The parties entered into a “Stipulation Regarding Authentication and use of Documentary Evidence at Trial,” pursuant to which they authenticated and identified
particular produced documents and agreed that business records would not be subject to hearsay objection. 87 TTABVUE; approved by Board at 90 TTABVUE.
14The parties stipulated to enter direct trial testimony of party and counsel employees by sworn declaration or affidavit, subject to oral cross-examination. 89 TTABVUE;
approved by Board at 90 TTABVUE.
15RC also submitted certain other of TCCC’s responses to document requests, but they generally are not admissible by notice of reliance except when the responses are
objections or statements that no such documents exist. Hunter Indus., Inc. v. Toro Co., 110 USPQ2d 1651, 1657 n.13 (TTAB 2014). The stipulations between the
parties did not cover responses to document requests, only produced documents proposed for use at trial.
161
RIPIA n° 265
D. Springate, senior vice-president, marketing services and long-range planning, Dr Pepper Snapple Group,
with exhibits (134-35 and 139-40 TTABVUE);
• The transcript of the testimony deposition of Esperanza Teasdale, senior director of marketing for PepsiCo,
with exhibits (137-38 TTABVUE);
• A CD with a 30-second advertisement for RC’s DIET RITE PURE ZERO cola (Exhibit RC 7, 141
TTABVUE); and
• The transcript of the testimony deposition of Harold Miller, owner and managing member of Southern
Group Enterprises, Inc., with exhibits (142- 43 TTABVUE).
B. TCCC’s Evidence
Applicant submitted the following evidence:
• Applicant’s Notice of Reliance, with the following exhibits:
- Additional excerpts from discovery deposition testimony of TCCC witnesses William Herbert Gray IV,
Russell Wiley Baker, Maurice Cooper II, and RC witnesses Andrew David Springate, Russell Schleiden,
and Tony Jacobs, with exhibits (106-09 and 111-12 TTABVUE);
- Official USPTO records, including documents relating to third-party applications and oppositions filed
by TCCC, both for marks incorporating the term ZERO or the numeral “0” (TCCC Exhibits 206-61,
110 and 117 TTABVUE);
- Printed publications, including TCCC press releases and articles from print and electronic publications
(TCCC Exhibits 262-79, 110 TTABVUE);
- Discovery responses, including RC responses to TCCC’s requests for production and interrogatories16
(TCCC Exhibits 280-81, 110 TTABVUE); and
- Third-party registrations (TCCC Exhibits 282-304, 110 TTABVUE);
• Applicant’s Second Notice of Reliance, with additional excerpts from discovery deposition testimony
of TCCC witnesses William Herbert Gray IV, Russell Wiley Baker, and Maurice Cooper II (124-26
TTABVUE);
• The testimony deposition transcript of Dr. Alexander Simonson, who conducted a secondary meaning
survey on TCCC’s behalf in 2008, with exhibits (“Simonson Tr.,” 167 TTABVUE); and
• The testimony deposition transcript of Russell Wiley Baker, vice president of sales capabilities for the CocaCola Refreshments Business Unit of TCCC, with exhibits (“Baker Tr.,” 168-69 TTABVUE).
The parties have designated much of the evidence as confidentiaL. We have endeavored not to divulge
information that the parties have maintained as confidential and not disclosed in their public briefs.
III. Standing
Standing is a threshold issue that must be proven by the plaintiff in every inter partes case. See Empresa Cubana
Del Tabaco v. Gen. Cigar Co., 753 F.3d 1270, 111 USPQ2d 1058, 1062 (Fed. Cir. 2014); John W. Carson
Found. v. Toilets.com Inc., 94 USPQ2d 1942, 1945 (TTAB 2010).
Neither party contests the other’s standing. Ample record evidence demonstrates that the parties are
competitors in the soft drink industry and have trademark applications pending for marks including the
same disputed term. Thus, the parties presumptively have an interest in the outcome of these consolidated
16As noted in n.11 supra, only RC’s responses to document requests consisting of objections or statements that no such documents exist are of record, i.e., responses to
Requests No. 9- 10, 14, 16-18, 21-23, and 28. See 110 TTABVUE 435-52.
162
RIPIA n° 265
proceedings beyond that of the public in generaL. Books on Tape Inc. v. Booktape Corp., 836 F.2d 519, 5
USPQ2d 1301, 1302 (Fed. Cir. 1987); Plyboo Am. Inc. v. Smith & Fong Co., 51 USPQ2d 1633, 1634
(TTAB 1999); Fed. Glass Co. v. Corning Glass Works, 162 USPQ 279, 282-83 (TTAB 1969). We find that
each party has proven its standing.
IV. Burdens of Proof
The parties disagree as to certain of the applicable burdens of proof. RC bears the burden of proving
genericness as plaintiff in its oppositions. Princeton Vanguard, LLC v. Frito-Lay N. Am., Inc., 786 F.3d
960, 114 USPQ2d 1827, 1830 & n.2 (Fed. Cir. 2015). It is TCCC, however, that bears the burden of proof
of acquired distinctiveness in the term ZERO so as to be entitled to registration under the provisions of
Section 2(f) of the Trademark Act. Yamaha Int’l Corp. v. Hoshino Gakki Co., 840 F.2d 1572, 6 USPQ2d
1001, 1006 (Fed. Cir. 1988). TCCC also bears the burden of proving that RC’s ZERO marks are likely to
cause confusion with TCCC’s ZERO marks as plaintiff in its opposition. Yamaha, 6 USPQ2d at 1007. The
standard of proof for genericness, acquired distinctiveness, and likelihood of confusion is a preponderance of
the evidence. Nonetheless, “the applicant’s burden of showing acquired distinctiveness increases with the level
of descriptiveness; a more descriptive term requires more evidence of secondary meaning.” In re Steelbuilding.
com, 415 F.3d 1293, 75 USPQ2d 1420, 1424 (Fed. Cir. 2005).
V. Genericness
We first consider RC’s challenge to registration of TCCC’s marks on the ground that they are unregistrable
without disclaimer of the generic term ZERO. As the Court of Appeals for the Federal Circuit, our primary
reviewing court, has explained:
A generic term “is the common descriptive name of a class of goods or services.” H. Marvin Ginn Corp. v.
Int’l Ass’n of Fire Chiefs, Inc., 782 F.2d 987, 989 [228 USPQ 528, 530] (Fed. Cir. 1986). Because generic
terms “are by definition incapable of indicating a particular source of the goods or services,” they cannot be
registered as trademarks. Dial-A- Mattress [Operating Corp., 240 F.3d 1341, 1344, 57 USPQ2d 1807, 1810
(Fed. Cir. 2001)]. “The critical issue in genericness cases is whether members of the relevant public primarily
use or understand the term sought to be protected to refer to the genus of goods or services in question.”
Marvin Ginn, 782 F.2d at 989-90.
We have said that determining a mark’s genericness requires “a two- step inquiry: First, what is the genus of
goods or services at issue? Second, is the term sought to be registered or retained on the register understood
by the relevant public primarily to refer to that genus of goods or services?” Id. at 990. Evidence of the
public’s understanding of the mark may be obtained from “any competent source, such as consumer surveys,
dictionaries, newspapers and other publications.” In re Northland Aluminum Prods., Inc., 777 F.2d 1556,
1559 [227 USPQ 961] (Fed. Cir. 1985).
Princeton Vanguard, 114 USPQ2d at 1830.
A. Genus of TCCC’s Goods
The parties disagree as to the genus of the goods at issue. TCCC argues that the genus is carbonated soft
drinks, energy drinks, and sports drinks (and syrups and concentrates for making such drinks), as identified in
its applications. RC contends that because the identified goods “encompass zero-calorie soft drinks, the Board
must consider whether ‘ZERO’ is generic for zero-calorie soft drinks.”17
The genus of the goods is determined by focusing on the identification of goods in the subject applications.
See In re Cordua Rests., Inc., No. 2015-1432, --- USPQ2d ----, 2016 WL 2786364, at *4 (Fed. Cir. May 13,
2016); Magic Wand Inc. v. RDB Inc., 940 F.2d 638, 19 USPQ2d 1551, 1552 (Fed. Cir. 1991); Sheetz of
Del., Inc. v. Doctor’s Assocs. Inc., 108 USPQ2d 1341, 1350 (TTAB 2013). As we have previously observed
17RC Brief at 36, 145 TTABVUE 38.
163
RIPIA n° 265
in determining the genus for a genericness inquiry, a product may be in more than one category. In re Central
Sprinkler Co., 49 USPQ2d 1194, 1197 (TTAB 1998).
Here, TCCC’s goods fall into the broad category of soft drinks (and sports and energy drinks), which
encompasses the narrower category of soft drinks (and sports and energy drinks) containing minimal or
no calories.18 See Alcatraz Media Inc. v. Chesapeake Marine Tours Inc., 107 USPQ2d 1750, 1761 (TTAB
2013) (for mark ANNAPOLIS TOURS, finding services identified as “conducting guided tours of historic
districts and other areas of cities” adequately defined genus and were sufficiently broad to include tours of the
city of Annapolis), aff’d, 565 Fed. Appx. 900 (Fed. Cir. 2014). Therefore, we find that the identifications in
TCCC’s applications adequately define the genus of the goods at issue as soft drinks, sports drinks, and energy
drinks. In accordance with the bulk of the record evidence, we focus our analysis on these goods rather than
the remaining identified goods – syrups, concentrates, and powders for making soft drinks – but note that
registration is properly refused even if a term in an applied-for mark is generic for fewer than all identified
goods and not disclaimed. See Cordua Rests., 2016 WL 2786364, at *7 (“But a term is generic if the relevant
public understands the term to refer to part of the claimed genus of goods or services, even if the public does
not understand the term to refer to the broad genus as a whole.”); In re Analog Devices Inc., 6 USPQ2d 1808,
1810
(TTAB 1988), aff’d, 871 F.2d 1097, 10 USPQ2d 1879 (Fed. Cir. 1989).
B. Is ZERO Understood by the Relevant Public Primarily to Refer to Soft Drinks, Energy Drinks, or
Sports Drinks, Particularly Those With Zero or Near Zero Calories?
Because there are no restrictions or limitations to the channels of trade or classes of consumers in the opposed
applications, we find the relevant consuming public to be ordinary consumers who purchase and drink soft
drinks, energy drinks, or sports drinks.
We turn once again to the decision in Princeton Vanguard, 114 USPQ2d at 1833, to provide the framework
for the second step of our genericness inquiry:
As previously discussed, the relevant public’s perception is the primary consideration in determining whether
a term is generic.
In re Merrill Lynch, Pierce, Fenner & Smith, Inc., 828 F.2d 1567, 1569 [4 USPQ2d 1141] (Fed. Cir. 1987)
(“It is basic to the inquiry to determine whether members of the relevant public primarily use or understand
the term to refer to the genus of goods or services.”). And, as noted, evidence of the public’s perception
may be obtained from “any competent source, such as consumer surveys, dictionaries, newspapers and other
publications.” Northland Aluminum, 777 F.2d at 1559.
One of our sister circuits has indicated that “direct consumer evidence, e.g., consumer surveys and testimony
is preferable to indirect forms of evidence.” Berner Int’l Corp. v. Mars Sales, Co., 987 F.2d 975, 982-83
[26 USPQ2d 1044] (3d Cir. 1993) (“Consumer surveys have become almost de rigueur in litigation over
genericness.”) (internal citation and quotation marks omitted). We likewise have recognized that “consumer
surveys may be a preferred method of proving genericness.” BellSouth Corp. v. DataNational Corp., 60 F.3d
1565, 1570 [35 USPQ2d 1554] (Fed. Cir. 1995) (“While consumer surveys may be a preferred method of
proving genericness under the proper test of purchaser understanding, we are satisfied that on the facts of this
case genericness has been established under that test.”).
See also Glover v. Ampak Inc., 74 F.3d 57, 37 USPQ2d 1602, 1603 (4th Cir. 1996) (stating that evidence of
genericness may come from purchaser testimony, consumer surveys, listings and dictionaries, trade journals,
newspapers, and other publications, and: “Only by showing that the public understands by the mark the class
of goods or services of which the trademarked product or service is a part can the party who seeks to cancel a
registration carry its burden.”).
18“Zero-calorie” beverages do not necessarily have zero calories. One of RC’s witnesses testified that “any beverage that has fewer than five calories per serving is permitted
to signify the number of calories on the nutritional panel as ‘0.’” Springate Decl. at ¶ 31 n.2, 134 TTABVUE 14 (filed under seal); RC Reply Brief at 23 n.10, 157
TTABVUE 24 (citing declaration and quoting 21 C.F.R. § 101.9(c)(1)).
164
RIPIA n° 265
RC has provided no direct consumer evidence in the form of surveys or testimony. Nor is there any dictionary
evidence associating ZERO with soft drinks. RC has provided indirect evidence to support its contention
that the relevant purchasing public primarily uses or understands ZERO to refer to the genus of soft drinks,
energy drinks, or sports drinks, in particular such drinks with zero calories. After carefully reviewing the record
as a whole, we find that its evidence does not establish that the relevant purchasing public primarily uses or
understands ZERO to refer to the genus of such goods.
We will briefly address the record evidence relevant to our findings as categorized by RC, which grouped
its discussion of public understanding of the term ZERO in the argument section of its trial brief under
the headings “Competitors Use ‘Zero’ Generically,” “Competitors Use ‘Zero’ Generically in Trademark
Applications and Registrations,” “Consumers Use ‘Zero’ to Refer to a Category of Beverages,” and “TCCC
Itself Uses ‘Zero’ Generically.”
1. Competitor Use of ZERO
We note at the outset that, because TCCC seeks registration under Section 2(f), it is an established fact that
ZERO is not inherently distinctive in association with soft drinks, energy drinks, and sports drinks. Cold
War Museum Inc. v. Cold War Air Museum Inc., 586 F.3d 1352, 92 USPQ2d 1626, 1629 (Fed. Cir. 2009);
Yamaha, 6 USPQ2d at 1005. Some of the uses by competitors on which RC relies is merely additional evidence
that the word ZERO and numeral 0 are descriptive and, as TCCC argues, may be used to provide information
about zero-calorie beverages. This includes use of the numeral 0 on “Nutritional Facts” panels and use of both
the word ZERO and numeral 0 in “call-outs” on labeling or packaging to indicate that a product has zero
calories. Evidence that the term conveys information about the goods to consumers does not render it generic.
While such uses provide information about the products, they do not demonstrate use of ZERO to name a
category of goods.
More persuasive is the use of ZERO in product names by competitors, including RC, which has sold its DIET
RITE PURE ZERO since 2005.19 RC also submitted evidence of the existence of some 27 third-party zerocalorie soft drinks, sports drinks, and energy drinks with names that incorporate ZERO, as follows:
All Sport Zero, Diet Crisp Zero, Monster Energy Zero Ultra, Rox Zero, Pre Zero, Runa Zero, Beast Zero,
Holistics Zero, Pomberry Zero, Sodastream Zero Cola, Big Red Zero, Propel Zero, Sqwincher Zero, Blue Sky
Zero, Impulse Zero, Red Bull Total Zero, Victory Zero, Bubba Zero, Jones Whoopass Zero, Roaring Lion
Zero, Virgil’s Zero, Caballa Negro Zero, Rob’s Really Good Zero, Vita Rain Zero, Clearly Zero, Monster
Energy Absolutely Zero, Rockstar Pure Zero.20
Nonetheless, we do not find that the record evidence rises to a level sufficient to support a finding that ZERO is
a generic name for types of beverages. Cf. Sheetz, 108 USPQ2d at 1357 (stating that extensive use of the term
FOOTLONG by competitors offering identical goods to denote a type of sandwich is evidence of genericness).
Although we will not specifically discuss the data because it was filed under seal, RC introduced sales data for
the 52 weeks ending March 23, 2013, for products with ZERO in the name, including some of those listed
supra.21 Other than RC’s product, there appear to be no soft drinks with ZERO in the name except TCCC’s
that are listed as having sales. With the significant exceptions of MONSTER ABSOLUTELY ZERO energy
drinks and PROPEL ZERO enhanced waters,22 for most third-party sports drinks and energy drinks with
ZERO in the name listed in this data, both the total sales and percentage of stores selling the goods were
very low. Although record evidence shows that third parties do use the term ZERO in association with goods
relevant to our inquiry, the overall use appears to be relatively minor in comparison to TCCC’s, representing a
19Springate Decl. ¶ 11, 139 TTABVUE 8.
20See RC Brief at 26, 145 TTABVUE 28. We omit the following because they are not used for soft drinks, sports drinks, or energy drinks, including the “zero-calorie soft
drinks” that RC asserts as the relevant genus: Arnold Palmer Zero, Icee Zero, and two margarita mixes, Margarita Zero and Zero Margarita Mix.
21Springate Decl. ¶ 35 & Exhibit RC 17, 134 TTABVUE 15, 30.
22RC also submitted (under seal) evidence indicating a large volume of sales and advertising for PROPEL ZERO, zero-calorie “nutrient enhanced water beverages” and
powder packets offered by PepsiCo. However, TCCC suggests, and evidence the parties designated confidential supports, that “enhanced water” is a different category
from “sports drinks.” See TCCC Brief at 43, 153 TTABVUE 45. RC argues that “TCCC itself offers a ZERO-named enhanced water product that competes directly
with PROPEL ZERO, namely, VITAMINWATER ZERO,” but registration of that mark is not before us. RC Reply Brief at 39 n.20, 157 TTABVUE 40.
165
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small fraction of TCCC’s use of the term for its goods. Crucially, moreover, there is nothing to link the thirdparty uses to evidence that the public “primarily uses or understands the term [ZERO] to refer to the genus
of goods or services,” that is, as the name of a category of sports, energy, or soft drinks. Princeton Vanguard,
114 USPQ2d at 1833. Therefore, we find that the third-party uses of record do not demonstrate that ZERO
is generic.
1
2. Competitor Trademark Applications and Registrations
Third-party registrations may be used to show the sense in which a word is used in ordinary parlance and
whether a particular term has descriptive significance as applied to certain goods or services. Institute Nat’l
Des Appellations D’Origine v. Vintners Int’l Co., 958 F.2d 1574, 22 USPQ2d 1190, 1196 (Fed. Cir. 1992)
(“Such third party registrations show the sense in which the word is used in ordinary parlance and may show
that a particular term has descriptive significance as applied to certain goods or services.”); General Mills Inc.
v. Health Valley Foods, 24 USPQ2d 1270, 1277 (TTAB 1992). RC submitted four live registrations for the
goods at issue from which the term ZERO was disclaimed, alone or in combination with other disclaimed
words. TCCC, in turn, submitted one live registration from which the term ZERO was disclaimed along
with other words, and two with no disclaimers. Both parties submitted three additional live registrations
incorporating ZERO.23 Relevant information from these 10 third-party registrations is summarized in the
following chart:
Party
Mark
Goods (Partial)
Disclaimer
Cite
RC
Soft drinks carbonated, “Zero cal”
non- carbonated and cola
102 TTABVUE 144
(Exh. RC 221)
RC
Energy drinks
“Zero”
102 TTABVUE 237
(Exh. RC 243)
RC
WHOOPASS ZERO Energy drinks
“Zero”
102 TTABVUE 264
(Exh. RC 249)
102 TTABVUE 308
(Exh. RC 259)
Beverages, namely energy “Zero”
drinks and sports drinks
Sports drinks; powders
use in the preparation None
TCCC JCORE ZERO- LITE for
of isotonic sports drinks
and sports
Non-alcoholic beverages,
TCCC FOUR POINT ZERO namely, carbonated
None
beverages; seltzer
“seltzer lemon wedge
Non-alcoholic beverages, unsweetened + zero
namely, carbonated
calories clean + crisp
TCCC
beverages; seltzer water
+ refreshing glass
bottled 12 oz/355 ml”
Isotonic
beverages;
0 CALORIES
isotonic drinks; all the
0 SUGAR
“0 calories 0
Both
aforementioned goods
0 SODIUM
sugar 0 sodium”
contain
no
calories,
sugar
0 GUILT
or sodium
RC
IMPULSE ZERO
110 TTABVUE 496
(Exh. TCCC 290)
110 TTABVUE 498
(Exh. TCCC 291)
110 TTABVUE 524
(Exh. TCCC 304)
102 TTABVUE 204
(Exh. RC 236)
110 TTABVUE 494
(Ext. TCCC 289)
23Both parties also submitted evidence concerning trademark applications, as well as cancelled and expired registrations. None are probative evidence of the public’s
understanding of the significance of ZERO today, when we must determine the question of genericness. See In re Thunderbird Prods. Corp., 406 F.2d 1389, 160 USPQ
730, 732 (C.C.P.A. 1969). As we have often said, applications are not evidence of anything except that they were filed. See, e.g., Weider Publ’ns, LLC v. D&D Beauty
Care Co., 109 USPQ2d 1347, 1360 (TTAB 2014); Glamorene Prods. Corp. v. Earl Grissmer Co., 203 USPQ 1090, 1092 n.5 (TTAB 1979); TBMP § 704.03(b)(2)
& n.3. Cancelled and expired registrations are not evidence of any presently existing rights in the mark shown, or that it was ever used. TBMP § 704.03(b)(1)(A) &
n.24.
166
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Non-alcoholic beverages, “No-cal zero calorie
namely carbonated
soda- pop genuine
beverages
brand”
Both
Both
ZERO IS GOOD
Non-alcoholic flavored
beverages, namely,
flavored waters24
None
102 TTABVUE 105
(Exh. RC 211)
110 TTABVUE 522
(Exh. TCCC 303)
102 TTABVUE 273
(Exh. RC 251)
110 TTABVUE 508
(Exh. TCCC 296)
RC argues that the registrations “are relevant to show that many companies and individuals have sought
to register and use the term or numeral zero in connection with beverage products, thus tending to show
that zero (the term or numeral) is diluted, and/or generic, and/or highly descriptive or descriptive for such
goods,”25 and that they show “common acceptance of ‘zero’ as an industry term.”26 TCCC argues that five of
the six registrations listed above that it submitted show that the registration was issued without a disclaimer of
ZERO27 (although the word or numeral was disclaimed in two of the registrations as part of a phrase). With
respect to its Exhibit 303, for the
, TCCC argues that the registration “was issued by the USPTO for
beverages in International Class 32 with a disclaimer of the word ZERO because ZERO modifies a generic
term in the mark,” that is, zero calorie28. TCCC also points out that RC initially applied to register its marks
DIET RITE PURE ZERO and PURE ZERO without disclaiming ZERO, agreeing to disclaim the term on
request by the Examining Attorney.29
Disclaimers are not limited to generic matter, but also are required for terms that are descriptive. See Trademark
Act Section 6(a) (“The Director may require the applicant to disclaim an unregistrable component of a mark
otherwise registrable.”); In re Louisiana Fish Fry Prods., Ltd., 797 F.3d 1332, 116 USPQ2d 1262, 1264 (Fed.
Cir. 2015) (distinguishing generic terms from descriptive marks, which can acquire distinctiveness and become
registrable on that basis); Sweats Fashions, Inc. v. Pannill Knitting Co., 833 F.2d 1560, 4 USPQ2d 1793, 1796
& n.1 (Fed. Cir. 1987) (noting that third-party registrations with the term “sweats” disclaimed “are evidence,
albeit not conclusive, of descriptiveness of the term”).
We find that the third-party registrations of record are as consistent with a conclusion that ZERO is
descriptive, rather than generic, as applied to soft drinks, energy drinks, and sports drinks. Once again, TCCC
has admitted that ZERO has descriptive significance by asserting its claims of acquired distinctiveness.
3. Consumer Use of ZERO
The public’s perception is the primary consideration in a determination of genericness. Loglan Inst. Inc. v.
Logical Language Group Inc., 962 F.2d 1038, 22 USPQ2d 1531, 1533 (Fed. Cir. 1992). As stated supra, the
relevant consuming public in this case is ordinary consumers who purchase and consume soft drinks, energy
drinks, or sports drinks, including such drinks with no or essentially no calories.
As noted, RC submitted no direct evidence of public perception in the form of contemporary consumer surveys
or testimony.30 Rather, Opposer submitted the following 17 Internet printouts, spanning the years 2008 to
2013, “to demonstrate media and consumer use of the term zero to identify a category of beverage products,
24We include this registration because it was submitted by both parties, but we view its probative value to be very limited because it does not identify goods of the relevant
genus, that is, soft drinks, energy drinks, or sports drinks.
25Opposer’s Notice of Reliance on Official Records, ¶ 1, 102 TTABVUE 1-2; see also id. At ¶¶ 2-3, 102 TTABVUE 10-11, 14-15.
26RC Brief at 27, 145 TTABVUE 29.
27TCCC’s Notice of Reliance on Printed Publications, Official Records and Discovery Request Responses at ¶ D, 110 TTABVUE 28-32.
28Id. at ¶ D(22), 110 TTABVUE 31-32.
29TCCC Brief at 29, 153 TTABVUE 31.
30Consumer research TCCC conducted before launching its ZERO products in 2004 (submitted under seal) emphasizes the descriptive nature of the term, as discussed
infra, but is not probative as to whether ZERO was generic at the time of trial. See Opposer’s Notice of Reliance on Stipulated Documents, Exhibits RC 95-96, 94
TTABVUE 121-55; Opposer’s Notice of Reliance on Deposition Testimony, Exhibit RC 127, Baker Discovery Tr. at 80:18- 81:13, 99 TTABVUE 60-61; TCCC
Brief at 23 n.8, 153 TTABVUE 25.
167
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thus showing that zero is generic and/or highly descriptive or descriptive of such products:”31
1. A tweet stating “is it just me or do diet/‘zero’ sodas taste a little better when they’re just a wee bit warm?”
(RC 170, Nov. 30, 2009, http://twitter.com/chrisocallahan);
2. A printout identifying “Diet/Zero Sodas” as a type of “lower calorie beverages” (RC 171, Dec. 7, 2009,
www.physiciansregional.net);
3.A message board excerpt stating “Thankfully, artificial sweetners [sic] make me sick so I avoid them
anyway! And don’t let those so called ‘zero’ sodas fool you either!” (RC 172, December 2008, www.
bitstrips.com);
4. The question: “What kind of zero beverages are there to choose from besides coffee and diet sodas?” and
a response on “Active Low-Carber Forums” (RC 173, March 16, 2008, http://forum.lowcarber.org);
5. A video “vlog” posted under the title “Reviewing ‘Zero’ sodas,” stating: “I’m reviewing ‘Zero’ (as in no
carb, no sugar, no calories) sodas, Diet Rite Zero, Sprite Zero, and Coca Cola Cherry Zero.” (RC 174,
Jan. 11, 2010, http://tinfoilchef.com);
6.A question on a carbonated drink message board regarding “diet sodas, or zero sodas” and a response
referencing “diet/zero sodas” and “diet/zero carb soda” (RC 175, Aug. 4-5, 2008, www.bullshido.net);
7.The question: “What is the difference between zero drinks and diet drinks?” with the answer: “Zero
means Zero calories Diet means less calories” (RC 176, April 27, 2010, http://wiki.answer.com);
8.A post titled “Great Diet Drinks with Little to No Carbs” stating in part: “If you are a soda lover like
myself, then you do have alternatives to regular calorie and carb filled soda. Pepsi and Coke products
have came [sic] out with their Zero soda. It has zero carbs, zero sugar, and zero calories. Most of
the Zero sodas, especially Sprite, taste just like the regular version.” (RC 177, June 16, 2009, www.
associatedcontent.com);
9.A comment on Yahoo! Answers about sugar free drinks contrasting “Diet (‘zero’) sodas” with “‘Sugar’
sodas” (RC 178, Sept. 25, 2009, http://answers.yahoo.com);
10. An article about the beverage product PROPEL ZERO, which begins: “Propel is remaking itself as a
Zero.” (RC 179, March 17, 2011, http://adage.com);
11. A message board with the topic “Zero Sodas?,” including three posts mentioning Coke Zero (RC 180,
May 17-19, 2011, www.sparkpeople.com);
12. A story from the Dayton Daily News titled “Experts: Drinks have health consequences,” which states
that “Soda comes in different forms, with titles including: ‘regular,’ ‘diet’ and ‘zero,’” but capitalizes
“Zero” throughout the remainder of the article (RC 181, June 20, 2012, www.daytondailynews.com);
13. Five answers to the question “How come those ZERO sodas don’t have any calories?” with two
referencing “zero sodas” (RC 182, 2010, http://answers.yahoo.com);
14. A body building forum with a message thread titled “How many diet/zero sodas in a day?” (RC 183,
Sept. 1, 2011, http://forum.bodybuilding.com);
15. A “Trying To Conceive” message board with the topic “‘Zero’ Sodas,” in which the original post asks
in part: “Are Zero sodas (Coke Zero, Sprite Zero, Big Red Zero, etc) still okay to drink?” (RC 184, May
12-14, 2013, www.whattoexpect.com);
16. A blog post on the side effects of soda that refers to “diet or ‘zero’ sodas,” which also mentions Coke,
Diet Coke, and Coke Zero (RC 185, Jan. 23, 2012, livewholebefree.com/wordpress); and
17. A blog post on weight loss referencing the impact of “zero sodas” on nutrition (RC 186, Sept. 1, 2012,
http://zeudy.com).
31Opposer’s Notice of Reliance on Printed Publications at ¶ 2 & Exhibits RC 170-86, 101 TTABVUE 8-11, 220-311. Where available, the date listed reflects when the
material was posted online rather than the date it was printed.
168
RIPIA n° 265
RC’s indirect evidence is competent, for the most part32, but insufficient. This handful of public references
spread over five years does not establish that ordinary consumers primarily use or understand the term ZERO
to refer to the genus of soft drinks, sports drinks, or energy drinks. This is particularly true in the context of
the ubiquity of TCCC’s ZERO products, which have had billions of dollars in sales since they first entered the
market in 2004, as discussed infra.
4. TCCC’s Use of ZERO
Finally, RC argues that TCCC itself uses the term ZERO and numeral “0” generically in nutrition labels,
packaging call-outs, and product names. “Moreover, virtually every advertisement for TCCC’s ZERO-named
products reinforces that ‘zero’ in the product name refers not to the source of the product but to the zerocalorie nature of the product.”33
We find TCCC has presented ZERO as part of a mark in product names. E.g.:34
The remainder of RC’s argument pertains more to the descriptive nature of the term ZERO. Although such uses
of ZERO and 0 by TCCC certainly convey information about the nature of its products – including primarily
that they contain zero (or at least fewer than five) calories – they do not name the genus of those goods.
C. Conclusion as to Genericness
We have examined the record as a whole, including evidence that we have not specifically discussed, taking into
account both the evidence that supports and detracts from a finding of genericness. See Princeton Vanguard,
114 USPQ2d at 1834; see also West Fla. Seafood, Inc. v. Jet Rests., Inc., 31 F.3d 1122, 31 USPQ2d 1660,
1663 (Fed. Cir. 1994) (encouraging Board to “look at the evidence as a whole, as if each piece of evidence
were part of a puzzle” in assessing prior use). For all of the reasons discussed, we find that RC has not met its
burden to establish by a preponderance of the evidence that ZERO is generic for soft drinks, sports drinks, or
energy drinks, even such drinks that contain no, or fewer than five, calories.
VI. Secondary Meaning
We next consider TCCC’s claim of acquired distinctiveness in the ZERO marks, which has been challenged
before. In Companhia de Bebidas das Américas – Ambev v. Coca Cola Co., Opposition No. 91178953
(parent), 2012 WL 1881492 (May 2, 2012) (non-precedential) (“Ambev”)35, the Board found the record
evidence sufficient to support registration on the Principal Register under Section 2(f) of the same 17
applications RC now opposes. Genericness was not an issue in that consolidated proceeding, filed by another
competitor of TCCC’s in the soft drink field and dismissed with prejudice after trial.
32The contents suggest that consumers in at least references 5, 8, 11, and 15-16 are using “Zero” either in whole or in part to refer to the parties’ products.
33RC Brief at 41, 145 TTABVUE 43.
34Exhibit B to Feb. 28, 2007 Response to Office Action, Application Serial No. 78664176, resubmitted by notice of reliance as TCCC Exhibit 207, 110 TTABVUE 152.
35Citations are to the slip opinion. A decision of the Board not designated as a precedent is not binding on the Board, but may be cited for whatever persuasive weight
to which it may be entitled. TBMP § 101.03. TCCC cites Ambev for its persuasive value, noting that the decision “addressed many of the same issues that the Board
will need to resolve in these proceedings.” TCCC Reply Brief at 10 n.6, 161 TTABVUE 12. We agree with the parties that the decision in Ambev, which involved a
different opposer, is not binding or preclusive here.
169
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Ambev was decided in May 2012, nearly four years before this case came before us for decision. TCCC’s
subject applications were filed from 2003 to 2008 and, following submission of evidence in support of
TCCC’s Section 2(f) claims, approved for publication between 2007 and 2009. The question of whether the
ZERO marks have acquired distinctiveness, however, is determined on the basis of the facts existing as of the
time registrability is being considered by the Board. Accordingly, we will take into account facts arising up to
the closing of the testimony periods. So as to be clear, the Board can and must consider all evidence of use,
promotion, consumer reaction and the like properly presented up to the close of the opposition’s trial phase.
General Foods Corp. v. MGD Partners, 224 USPQ 479, 486 (TTAB 1984); see also McCormick & Co. v.
Summers, 354 F.2d 668, 148 USPQ 272, 276 (CCPA 1966) (stating that “registrability of a mark must be
determined on the basis of facts as they exist at the time when the issue of registrability is under consideration”);
Harsco Corp. v. Elec. Scis., Inc., 9 USPQ2d 1570, 1571 (TTAB 1988).
“To show that a mark has acquired distinctiveness, an applicant must demonstrate that the relevant public
understands the primary significance of the mark as identifying the source of a product or service rather than the
product or service itself.” In re Steelbuilding.com, 75 USPQ2d at 1422. Passage of time alone may be insufficient
to establish secondary meaning. See, e.g., In re Packaging Specialists, Inc., 221 USPQ 917, 920 (TTAB 1984)
(deeming use of mark for sixteen years “a substantial period but not necessarily conclusive or persuasive on the
Section 2(f) showing”). Trademark Rule 2.41(a)(3), 37 C.F.R. § 2.41(a)(3), states that an applicant may submit,
in support of registration under Section 2(f), “appropriate evidence showing duration, extent, and nature of the
use in commerce and advertising expenditures in connection therewith . . . and verified statements, letters or
statements from the trade or public, or both, or other appropriate evidence of distinctiveness.”
A variety of record evidence is directed toward the question of secondary meaning. First, in the application
file for the mark COKE ZERO, TCCC identified sales in the two years preceding its 2007 claim of acquired
distinctiveness as exceeding $1 billion for its ZERO products, or the equivalent of more than 50 million
288-fluid ounce cases, with more than one-third of total sales attributable to COKE ZERO alone36. With
respect to advertising, by 2007, Applicant states that it has spent in excess of one hundred fifty million dollars
($150,000,000.00) advertising and promoting its ZERO family of beverage products, which includes COKE
ZERO, SPRITE ZERO, FANTA ZERO, VAULT ZERO and PIBB ZERO, through a myriad of advertising
and promotional channels. Applicant has spent over one hundred million dollars ($100,000,000.00)
advertising and promoting COKE ZERO alone.37
Although filed under seal in this case, TCCC submitted evidence that its sales and advertising totals through
the end of 2011 were multiples of the preceding figures38. These very high dollar amounts, in conjunction with
TCCC’s other evidence, strongly support a showing of secondary meaning.
Next, TCCC introduced evidence of unsolicited media coverage, both in its application files and in the trial
record. This includes, for example, an April 17, 2007 story in THE WALL STREET JOURNAL titled Zero
Is Coke’s New Hero, stating in part that “the company is scoring a surprise hit with Coca-Cola Zero.”39
Finally, TCCC submitted the testimony deposition of Dr. Alex Simonson, who conducted a survey of
secondary meaning in the term ZERO for soft drinks in 2008, with exhibits pertaining to the study. In the
survey, Dr. Simonson found that 61% of respondents associated the term ZERO with one company, as
opposed to 6% for the term DIET, yielding a net secondary meaning level of 55%; a second type of analysis
of the data yielded net secondary meaning of 57%40. Moreover, a majority of all 251 respondents – 131, or
52% – mentioned either COKE (or variants thereof) or SPRITE when asked with what company’s products
they associated the term ZERO.41
36Feb. 28, 2007 Response to Office Action, Application Serial No. 78664176, resubmitted by notice of reliance as TCCC Exhibit 207, 110 TTABVUE 58-59.
37Id., 110 TTABVUE 58.
38In the Ambev decision, we cited non-confidential testimony that “sales of the ZERO line of beverages, including COCA-COLA ZERO, SPRITE ZERO, PIBB ZERO,
FANTA ZERO, and other ZERO beverages have increased in the ensuing years to over four billion dollars, with over eight hundred and sixty million cases of COCACOLA ZERO being sold,” id. at 17, and that “TCCC’s advertising expenditures for its entire line of ZERO [ ] beverages had risen to five hundred and thirty seven
million dollars by mid-2010.” Id. at 18.
39TCCC Notice of Reliance, Exhibit 271, 110 TTABVUE 405-09.
40Simonson Tr. at 27:7-28:6, 167 TTABVUE 31-32.
41TCCC Exhibit 131 (“A Test of Relevant Consumers to Determine the Level of Secondary Meaning of the Term ‘Zero’ as Part of a Name with Respect to Soft Drinks”)
at 10, 167 TTABVUE 215.
170
RIPIA n° 265
Although RC criticizes the survey, we remain of the view we held when the same survey was submitted in
the Ambev case: that it “validates the significant sales and advertising numbers” discussed supra. Id. at 20.
See In re Hehr Mfg. Co., 279 F.2d 526, 126 USPQ 381, 382 (CCPA 1960) (finding survey “adequate
to show that a majority of those interviewed” associated mark with applicant’s products); 6 J. THOMAS
MCCARTHY, MCCARTHY ON TRADEMARKS & UNFAIR COMPETITION § 32.190 (4th ed. 2016)
(“MCCARTHY”) (“Generally, figures over 50% are regarded as clearly sufficient.”) (footnote omitted). We
note, however, that the survey was conducted approximately five years before the close of testimony in early
2014, somewhat diminishing its weight in assessing contemporary public perception. That is not to say it is
without probative value in the present proceeding.
RC argues that TCCC cannot establish secondary meaning because its use of ZERO has not been substantially
exclusive. The substantially exclusive standard, however, makes allowance for use by others that may be
inconsequential or infringing, which does not necessarily invalidate the applicant’s claim. L.D. Kichler Co. v.
Davoil, Inc., 192 F.3d 1349, 52 USPQ2d 1307, 1309 (Fed. Cir. 1999).
Other than RC’s own name DIET RITE PURE ZERO, the record evidence concerning third-party use
of ZERO in a mark for soft drinks is inconsequential, particularly when compared with the magnitude of
TCCC’s use. Sales and advertising for RC’s DIET RITE PURE ZERO have been substantial since the product
was renamed in the summer of 2005, totaling over $327 million in net revenue from 2007 through 2012, equal
to an estimated 1.8 billion cans sold in nearly 25,000 retail outlets throughout the United States42. RC spent
more than $5 million advertising its product over the same five-year period.3943 Except for one newspaper
story, however, there is no record evidence of the public’s understanding of the significance of the mark DIET
RITE PURE ZERO, or that ZERO in that mark primarily identifies the source of a product44. None of the
respondents in the 2008 Simonson survey who associated ZERO with only one company also identified
DIET RITE PURE ZERO45. See 2 MCCARTHY § 15:27 (“The quantity and quality of third party use is not
alone determinative and must be weighed along with other evidence.”). We find that the cumulative effect of
TCCC’s use of ZERO in connection with its line of soft drinks is so extensive that it qualifies as “substantially
exclusive” as required under Section 2(f), and that the use of ZERO by others is not so extensive as to rise to
a level that invalidates TCCC’s claim of substantially exclusive use.
Considering the record evidence as a whole, we find that TCCC has established by a preponderance of the
evidence that it has acquired distinctiveness in the descriptive term ZERO when used as part of a mark for soft
drinks and, thereby, for syrups, concentrates, and powders for making soft drinks.
In their secondary meaning arguments, the parties seem to agree that we should decide whether ZERO
has acquired distinctiveness for beverages or zero-calorie beverages. Yet virtually all the record evidence of
secondary meaning, including the Simonson survey, addresses only soft drinks. This includes the Section 2(f)
evidence submitted with TCCC’s five subject applications that cover other types of beverages, namely, sports
drinks and energy drinks. In the context of the record as a whole, evidence filed under seal shows sales and
marketing expenditures for POWERADE ZERO sufficient to satisfy TCCC’s burden with respect to sports
drinks. We find, however, that TCCC has not met its burden to establish by a preponderance of the evidence
that it has acquired distinctiveness in the term ZERO for energy drinks.
For these reasons, RC’s opposition is SUSTAINED as to registration of application Serial No. 77413618
(FULL THROTTLE ZERO for “non-alcoholic beverages, namely, energy drinks”) without disclaimer of the
term ZERO. For applications Serial Nos. 76674382 (COKE ZERO ENERGY), 76674383 (COKE ZERO
BOLD), and 78698990 (VAULT ZERO), the Section 2(f) claim is restricted to “non-alcoholic beverages,
namely, soft drinks; syrups and concentrates for making soft drinks.” RC’s oppositions are SUSTAINED as
to registration of these three applications without disclaimer of the term ZERO as to the remaining goods:
“non-alcoholic beverages, namely, energy drinks” and “syrups and concentrates for making energy drinks.”
42RC Brief at 14-15, 145 TTABVUE 16-17
43Id. at 15, 145 TTABVUE 17.
44JEAN SHANLEY, Organizers do their best to cater to stars’ whims, THE MEADVILLE (PA) TRIBUNE, Aug. 16, 2008, Opposer’s Notice of Reliance on Printed
Publications, Exhibit RC 190, 101 TTABVUE 362-66 (referencing a rock band’s request for “Diet Rite Zero Cola”).
45Simonson Tr. at 140:13-141:7, 167 TTABVUE 144-45.
171
RIPIA n° 265
TCCC is allowed two months from the date of this decision in which to file a motion to amend these four
applications to conform to the findings of the Board by stating that no claim is made to the exclusive right to
use ZERO apart from the marks as shown for the applications and goods “non-alcoholic beverages, namely,
energy drinks” and “syrups and concentrates for making energy drinks.” See Trademark Manual of Examining
Procedure (TMEP) § 1212.02(j) (April 2016). Failing that, the opposition will be sustained as to applications
Serial Nos. 77413618, 76674382, 76674383, and 78698990. See Trademark Rule 2.133(b), 37 C.F.R. §
2.133(b).
RC’s oppositions are DISMISSED WITH PREJUDICE as to applications Serial Nos. 78316078, 78580598,
78620677, 78664176, 77097644, 77175066, 77175127, 77176099, 77176108, 77176127, 77176279,
77257653, and 77309752.
VII. Priority
We turn now to TCCC’s opposition to RC’s applications to register DIET RITE PURE ZERO and PURE
ZERO46 on the grounds of priority and likelihood of confusion pursuant to Trademark Act Section 2(d).47
The parties disagree as to the relevant priority dates. RC argues that it can rely for priority on the dates it filed
its applications pursuant to Section 1(b) of the Trademark Act. TCCC contends that: “In a proceeding such
as this, involving use by both parties of descriptive terms, priority is not determined based on constructive use
as of the filing date of a party’s intent to use application. Priority in such a case is determined instead by the
priority as to secondary meaning.”48
The flaw in TCCC’s position is that it must prove a likelihood of confusion between its ZERO family of
marks and RC’s marks considered in their entireties. Although RC has disclaimed ZERO from each of its
applied-for marks, we find that RC’s marks DIET RITE PURE ZERO and PURE ZERO are not descriptive
in their entirety. Rather, as a whole, the marks are inherently distinctive. Cf. Larami Corp. v. Talk To Me
Programs Inc., 36 USPQ2d 1840, 1846 n.9 (TTAB 1995) (“The Board has held that, where neither party’s
mark in an Opposition proceeding is inherently distinctive, priority lies with the party whose mark is the first
to become distinctive through use in commerce.”) (emphasis added) (citing Perma Ceram Enters. Inc. v. Preco
Indus. Ltd., 23 USPQ2d 1134 (TTAB 1992)); Bass Pro Trademarks LLC v. Sportsman’s Warehouse Inc., 89
USPQ2d 1844, 1851-52 (TTAB 2008) (finding mark SPORTSMAN’S WAREHOUSE, used by both parties
in plain or design form, to be merely descriptive, and stating: “Accordingly, with respect to petitioner’s pleaded
common law use of the mark SPORTSMAN’S WAREHOUSE, the issue of priority is based on the priority
of the acquisition of acquired distinctiveness.”). RC therefore need not prove priority of secondary meaning
in its marks to defeat TCCC’s claims, but is entitled to the benefit of its application filing dates: February 28,
2005 for DIET RITE PURE ZERO, and March 7, 2005 for PURE ZERO.
TCCC neither pled nor argued that RC’s marks are likely to cause confusion with any of its individual marks,
instead focusing on the “Zero Marks” collectively identified in its 17 applications, i.e., its asserted ZERO
family. See, e.g., TCCC’s Brief at 48: “In view of TCCC’s established family of ZERO marks, consumers are
likely to believe that RC’s ZERO Marks, since they also contain the common ZERO characteristic, are part
of TCCC’s family of ZERO marks.49” To establish ownership and priority in a family of ZERO marks in this
opposition proceeding, TCCC must show by competent evidence:
“first, that prior to the entry into the field of the opponent’s mark, the marks containing the claimed ‘family’ feature
or at least a substantial number of them, were used and promoted together by the proponent in such a manner as
to create public recognition coupled with an association of common origin predicated on the ‘family’ feature . . . .”
46Applications Serial Nos. 78576257 and 78581917 were filed by Royal Crown Company, Inc. Their assignment to Dr Pepper/Seven Up, Inc. (“Dr Pepper”) was
recorded with the USPTO Assignment Recordation Branch on April 30, 2010, at Reel/Frame 4196/0881. Dr Pepper was joined as a party in each of these consolidated
proceedings by Board order of March 15, 2013, 84 TTABVUE.
47TCCC also pled a false suggestion of a connection claim under Section 2(a) of the Trademark Act, but noted that it is relying at trial only on its Section 2(d) claim.
TCCC Brief at 45 n.18, 153 TTABVUE 47. TCCC therefore waived the Section 2(a) claim. United Global Media Group, Inc. v. Tseng, 112 USPQ2d 1039, 1040
n.2 (TTAB 2014).
48TCCC Reply Brief at 8, 161 TTABVUE 10.
49TTABVUE 50.
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RIPIA n° 265
Marion Labs. Inc. v. Biochemical/Diagnostics Inc., 6 USPQ2d 1215, 1218 (TTAB 1988) (quoting LandO-Nod Co. v. Paulison, 220 USPQ 61, 65-66 (TTAB 1983)).
A family of marks “only arises if the purchasing public recognizes that the common characteristic is indicative
of a common origin of the goods.” Han Beauty Inc. v. Alberto-Culver Co., 236 F.3d 1333, 57 USPQ2d 1557,
1559 (Fed. Cir. 2001) (quotation omitted). Consistent with our discussion supra, establishing a family of
marks – a doctrine available only to a plaintiff, Baroid Drilling Fluids Inc. v. Sun Drilling Prods., 24 USPQ2d
1048 (TTAB 1992) – has been compared to acquiring secondary meaning. See, e.g., 3A LOUIS ALTMAN &
MALLA POLLACK, CALLMANN ON UNFAIR COMPETITION, TRADEMARKS & MONOPOLIES
§ 21:47 (4th ed. 2015) (“In effect, toestablish the existence of a family relationship the trademark proprietor
must meet something like a secondary meaning standard.”). As we stated in Aloe Creme Labs., Inc. v. Aloe 99,
Inc., 188 USPQ 316, 325 (TTAB 1975):
It is established that in order to achieve or establish a “family of marks”, it must be demonstrated through
competent evidence that the various marks asserted to comprise said “family” or, at least, at [sic] goodly
number of them, have become familiar or known to a particular segment of the purchasing public as a result
of sales or constant exposure through advertising and promotion in a manner which creates an association
of common ownership and recognition by the inclusion in each mark of the asserted “family” characteristic.
See: Witco Chemical Company, Inc. v. Smith, 153 USPQ 412 (TT&A Bd., 1967), affirmed, 164 USPQ
43 (CCPA, 1969). The doctrine of a “family of trademarks”, as recognized by the court in American Aloe
Corporation v. Aloe Creme Laboratories, Inc., supra, is bottomed on a theory basically similar to the concept
of “secondary meaning” to the extent that the proponent thereof must show that it has achieved recognition
or secondary meaning in the “family” characteristic sufficient to preclude others from using or registering the
term as a portion of a trademark for like or similar goods.
See also 4 MCCARTHY § 23:61 (“Even if the family ‘surname’ is descriptive, it may become the basis of a
family of marks if secondary meaning is proven.”) (footnote omitted).
The only mark in its asserted ZERO family that TCCC used before RC’s filing dates was SPRITE ZERO,
beginning in September 2004, six months before RC’s priority dates50. By using only a single ZERO mark
before RC’s priority dates, TCCC has not established a family of marks indicating a single source of ZEROformative soft drinks in the minds of the consuming public.
TCCC has failed to establish priority in its asserted family of ZERO marks, an indispensable element of a
likelihood of confusion claim. E.g., Life Zone Inc. v. Middleman Group Inc., 87 USPQ2d 1953, 1960 (TTAB
2008). We need not reach the merits of the likelihood of confusion issue because without proof of priority,
TCCC cannot prevail.
The claims under Trademark Act Section 2(d) are dismissed.
Decision: RC’s opposition is SUSTAINED as to registration of application Serial No. 77413618 (FULL
THROTTLE ZERO for “non-alcoholic beverages, namely, energy drinks”) without disclaimer of the term
ZERO. For applications Serial Nos. 76674382 (COKE ZERO ENERGY), 76674383 (COKE ZERO
BOLD), and 78698990 (VAULT ZERO), the 2(f) claim is restricted to “non-alcoholic beverages, namely, soft
drinks; syrups and concentrates for making soft drinks.” RC’s oppositions are SUSTAINED as to registration
of these three applications without disclaimer of the term ZERO as to the remaining goods: “non-alcoholic
beverages, namely, energy drinks” and “syrups and concentrates for making energy drinks.”
TCCC is allowed two months from the date of this decision in which to file a motion to amend these four applications
to conform to the findings of the Board, failing which judgment will be entered against it as to applications Serial
Nos. 77413618, 76674382, 76674383, and 78698990. See Trademark Rule 2.133(b), 37 C.F.R. § 2.133(b).
All other claims asserted by the parties are DISMISSED WITH PREJUDICE.
50The product introduced in September 2004 actually was called DIET SPRITE ZERO. TCCC did not change to name to SPRITE ZERO until 2006. See Baker Tr. at
61:17-62:4, 168 TTABVUE 65-66.
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RIPIA n° 265
I L Y A 1 0 0 ANS D A N S LA RIP IA ...
CUBA
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DU DISTRICT
SUD DE LA HAVANE
11 OCTOBRE 1916
Arturo Casimiro Bosquoé y Reyes
Contre
Granado et Cie
A C T I O N EN C AD U C I TE – MA R QUE INT ER NA T IONALE –
F O RC E M AJEU RE – DELA I D’ A CT ION
Synthèse
Dans cet arrêt du 11 octobre 1916, le tribunal de grande instance du district de la Havane s’est prononcé sur
la caducité d’une marque internationale.
En l’espèce, la société Granado et Cie a enregistré sa marque n°11.114 « Nutrogénol » à la Section de Propriété
intellectuelle des Marques et Brevets du Secrétariat de l’Agriculture de Cuba.
L’inscription de la marque « Nutrogénol » empêche Arturo Casimiro Bosqué y Reyes d’utiliser cette marque.
Ce dernier, docteur en pharmacie, intente une action en caducité de la marque internationale au motif que la
société Granado et Cie n’a pas employé sur le territoire la dénomination Nutrogénol depuis plus d’une année
et d’un jour.
Le tribunal de grande instance énonce que, selon le Décret Royal du 21 aout 1884 dans son article 17 et 18
paragraphe 5, « les marques deviennent caduques quand leurs propriétaires ont cessé de les appliquer sur les produits
de leur industrie pendant un an et un jour, à moins qu’il ne soit justifié d’une cause de force majeure ».
Ainsi, le tribunal estime que la société défenderesse se doit de prouver une cause de force majeure ou tout autre
motif l’ayant empêché d’utiliser la dénomination « Nutrogénol ».
La société Granado et Cie n’ayant pas comparu et n’ayant donc pas prouvé un motif expliquant légitimement
pourquoi elle n’emploit pas la dénomination de sa marque, Arturo Casimiro Bosqué y Reyes a vu sa demande
de caducité de la marque internationale « Nutrogénol » acceptée.
Si cela ne change pas fondamentalement le sens de la décision, on peut néanmoins relever que le tribunal a
commis une erreur quant au fondement juridique de sa décision, puisqu’il a estimé que la marque avait cessé
d’être employée, alors que celle-ci ne l’a, enréalité, jamais été. Ainsi, le tribunal s’est fondé sur le mauvais article.
Il aurait dû fonder sa décision sur le paragraphe 4 de l’article 18 qui énonce la situation dans laquelle « l’objet
garanti n’aura pas été exploité dans les possessions espagnoles dans le délai prescrit par ce décret ». Dans ce cas,
le délai est néanmoins de deux ans et non d’un an et un jour…
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RIPIA n° 265
Arrêt
Le docteur Ramiro Castellanos y Villagelio, juge suppléant de première instance du Sud, ayant examiné les
présents actes du procès en déclaration de meilleurs droits suivi par Arturo Casimiro Bosqué y Reyes, originaire
de la Havane, majeur, marié, docteur en pharmacie et habitant cette capitale, qui a comparu représenté et
assisté par le docteur Mario Diza Irizar contre la Société Granado et Cie, qui est déclarée en état de conflit
et de rébellion pour n’avoir pas comparu, lequel procès a pour objet la caducité d’une marque internationale
destinée à distinguer des produits pharmaceutiques ;
Considérant que par les preuves documentaires et testimoniales qui ont été produites et appréciées suivant
les règles de la saine critique, le demandeur a établi que la Société défenderesse, après avoir obtenu, grâce
à l’enregistrement à la Section de l’Agriculture, son droit à la protection légale de la marque internationale
n°11.114 pour distinguer des produits pharmaceutiques, marque dont le dessin contient le mot « Nutrogénol »
a laissé s’écouler plus d’une année et un jour avant l’introduction de la présente demande sans appliquer ladite
marque sur les produits de son industrie ;
Considérant que, conformément aux dispositions du Décret royal du 21 août 1884 dans son article 17 et 18
du paragraphe 5, les marques deviennent caduques quand leurs propriétaires ont cessé de les appliquer sur les
produits de leur industrie pendant un an et un jour, à moins qu’il ne soit justifié d’une cause de force majeure ;
Considérant que le demandeur ayant prouvé que la marque n°11.114 destinée à distinguer des produits
pharmaceutiques, par la dénomination « Nutrogénol » n’a pas été employée sur le territoire de la République
pendant plus d’une année et un jour, il appartient à la défenderesse d’établir dans son cas, qu’il y a eu force
majeure ou autre motif légitime pour l’empêcher de faire usage de la marque dans le temps prescrit, et que
pour contester et combattre la demande du plaignant il a été dûment fixé à la société défenderesse un délai
qui lui permît, au cours de ce procès, et qui lui permettrait encire, si elle s’excuse, avec succès, de son absence
à l’audience et de faire rébellion, de démontrer l’existence de la force majeure, allégation qui constituerait une
exception dont le bien-fondé serait à prouver ;
Considérant que le demandeur est parti légitime pour solliciter la caducité de la marque enregistrée au nom
de la Société demanderesse, en raison de ce que l’inscription de ladite marque empêche l’enregistrement en sa
faveur, par le Secrétariat de l’Agriculture, d’une marque destinée à distinguer des produits pharmaceutiques
par la dénomination « Nutrogénol », laquelle inscription a été sollicitée en faveur du demandeur et refusée par
décision du Secrétariat pour le motif sus-indiqué ;
Considérant que, pour les raisons exposées, il y a lieu d’admettre la demande avec dépens à la charge de la
Société défenderesse, quoi qu’il n’existe pas de témérité ou de mauvaise foi de sa part.
Je décide que je dois déclarer et déclare fondée la présente demande et, en conséquence, je déclare caduque
la marque internationale n°11.114 qui fut admise à la protection légale pour distinguer des produits
pharmaceutiques au nom de Granado et C°, par décision du Secrétariat d’Agriculture, du Commerce et
du Travail le 1er août 1912, mettant à la charge de la Société défenderesse, les frais du procès sans faire de
déclaration de témérité ou de mauvaise foi, aux effets de l’ordonnance n°3, série de 1901 ;
Ainsi prononcé, ordonné et signé par ma sentence (Ramiro Castellanos)
Je, Mario Diaz Irizar, au nom du docteur Arturo Bosque dans le procès suivi contre Granado et C°, m’adresse au
Tribunal pour qu’il dispose ainsi au mieux : « Je décide : qu’il y a lieu de donner communication au Secrétariat
d’Agriculture, du Commerce et du Travail, l’exposé de la partie dispositive du jugement prononcé afin qu’il
l’exécute et procède à l’annotation correspondante de caducité, sur le dossier de la marque internationale
n°11.114 ».
C’est pourquoi je supplie le Tribunal de me donner acte du présent écrit, de décider en conformité de ce qui
est demandé et de m’en donner communication pour l’exécution. (Mario Diaz Irizar).
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Décision eu juge Arango. – La Havane, le 28 octobre 1916. Il est donné acte de la présentation de l’écrit qui
précède ; ordonne que ledit écrit soit joint aux pièces, vu les dispositions des articles 786 et 918 de la loi de
procédure civile, et le jugement rendu dans ce procès étant définitif, qu’il soit procédé à son exécution. En
outre, conformément à ce qui est demandé, décide que soit délivrée la communication en question à M. le
Secrétaire de l’Agriculture, du Commerce et du Travail, en l’accompagnant d’une certification de l’expos » des
considérants et de la partie dispositive du jugement du II courant, de l’écrit qui précède et de cette décision,
afin qu’il soit procédé à l’annotation relative à la caducité déclarée par la sentence précitée, dans le dossier de
la marque internationale 11.114 (Luis de Arango).
OBSERVATIONS. --- Ce jugement a été rendu par défaut, le titulaire de la marque internationale
« Nutrogénol » s’étant malheureusement désintéressé du procès. Il faut espérer que s’il avait résisté à l’action
qui lui était intentée en vue de faire prononcer la caducité de sa marque, cette résistance aurait été couronnée de
succès, car la décision qu’on vient de lire, qui froisse l’équité et le bon sens, est également contraire à l’esprit et
au texte de certaines dispositions de la convention d’Union de 1883 à laquelle a adhéré la République cubaine.
En effet, la marque étrangère, par application de l’article 6 de la Convention de 1883 doit être admise au
dépôt et protégée telle quelle dans tous les pays de l’Union, sans réserve aucune, sauf celle qu’édicte le grand
concordat dont il s’agit, mas dont aucune ne vise le défaut d’emploi. L’article 7 suivant assure la protection de
la marque étrangère, même dans le cas où l’exploitation du produit qu’elle individualise serait interdite, d’où
il ressort doublement que l’obligation d’emploi ne concerne pas les marques étrangères, car autrement, cette
dernière disposition n’aurait pas d’objet. A remarquer enfin, que l’application de l’article 18 de la loi cubaine
est absolument contraire à l’esprit de l’Arrangement de Madrid, relatif à l’enregistrement international des
marques, et qu’elle le rendrait inefficace car, en effet, il est rare qu’un fabricant soit en mesure d’exploiter,
au moment même où il effectue un enregistrement international, la marque qui s’y réfère, dans tous les pays
adhérents à l’Arrangement.
Une autre critique doit être adressée à la décision du juge du district sud de la Havane, qui ne concerne pas
la question de principe, mais bien la base juridique elle-même de l’action engagée contre Granado et Cie.
On soutenait que le certificat de propriété que ce dernier avait obtenu devait être déclaré déchu, parce qu’il
aurait cessé l’exploitation de son produit depuis un an et un jour, et l’on évoquait, à cet effet, le paragraphe
5 du décret royal de 1884. Or Granado et Cie n’avaient pas cessé l’exploitation de leur marque à Cuba, pour
cette simple raison qu’ils ne l’avaient jamais exploitée. C’est le paragraphe 4 de ce même article 18 et relatif
aux marques étrangères qui s’adaptait à son cas, sous les réserves indiquées plus haut. Ce paragraphe est ainsi
conçu : « Lorsque l’objet garanti n’aura pas été exploité dans les possessions espagnoles dans le délai prescrit
par ce décret ». Or le délai prévu n’est pas d’un an et un jour, mais de deux ans.
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RIPIA n° 265
Rédacteur en chef : David SAUSSINAN
Rédactrices :
Héloïse JARDEL
Victoire DE SAINT CHAMAS
UNION DES FABRICANTS
16, rue de la Faisanderie - 75116 PARIS
www.unifab.com
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Téléphone : 01 56 26 14 00
Télécopie : 01 56 26 14 01
N° 265
Le numéro : 35   € HT
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