NEWS LETTER AUTOMNE-B

Transcription

NEWS LETTER AUTOMNE-B
ÉDITORIAL
par Catherine Texier, Présidente du CIPAC
LA LETTRE
D’INFORMATION
AUTOMNE 2015
ÉDITORIAL
par Catherine Texier,
Présidente du CIPAC
L’INTERVIEW
Alexis Fournol,
Avocat à la Cour
CARTE BLANCHE À…
APPEA / Association nationale
des classes préparatoires publiques
aux écoles supérieures d’art
LA FIGURATION NARRATIVE
DANS LA BALANCE DU JUGE
par Marie-Hélène Vignes,
Avocate au barreau de Paris
FOCUS SUR
le réseau BOTOX(S)
ACTUALITÉS DE LA
FÉDÉRATION
LES PROCHAINES
FORMATIONS
1
Chers collègues, chers amis,
L’année 2015 s’achève dans un contexte particulièrement
difficile. Les valeurs démocratiques qui fondent depuis
toujours notre action, la diversité, l’ouverture à l’autre,
la liberté de création, sont aujourd’hui la cible de
pensées
fondées
sur
le
repli,
l’ignorance
et
l’obscurantisme.
Les récentes élections régionales ont confirmé la montée
en puissance des idéologies les plus réactionnaires. Si le
Front National n’a pris la tête d’aucune assemblée
régionale, il nous faudra désormais compter avec la
présence d’élus qui ont mis en cause les politiques de
démocratisation culturelle dans leurs programmes.
Dans ce contexte, nos travaux et notre solidarité font
plus que jamais sens. Le besoin de culture s’exprime
largement, dans nos lieux, dans nos écoles. Il est l’écho
d’une société où la parole de l’artiste doit pouvoir croiser
celle de chacun, de la façon la plus libre qui soit.
C’est dans cet esprit que nous devons poursuivre notre
engagement. Nous continuerons à œuvrer à la mise en
place des outils qui pérenniseront les politiques
publiques de la culture dans le secteur des arts
plastiques, et contribuent à l’émancipation des citoyens.
En ce sens, nous sommes récemment intervenus lors de
notre audition au Sénat sur le projet de loi Liberté de
Création, Architecture et Patrimoine, qui ne laisse pour
l’instant que peu de place aux arts plastiques. Vous avez
reçu le compte-rendu de cette audition, et le texte de loi
actuellement débattu est en ligne sur le site du CIPAC.
Ce texte sera vraisemblablement voté dès les premiers
mois de l’année 2016. Nous continuons le travail pour
que son contenu soit amélioré. Néanmoins, la fragilité de
notre secteur impose que chacun d’entre nous reste
mobilisé.
C’est pourquoi nous organiserons régulièrement en 2016
des moments mobilisateurs et fédérateurs. Le premier de
nos rendez-vous se déroulera le 12 janvier au centre
Pompidou Metz, où tous les professionnels des arts
plastiques de la région Alsace-Champagne-ArdenneLorraine se réuniront pour une journée de rencontre et
de travail.
Toute l’année 2016 sera ponctuée par ces journées
« grandes régions », où les acteurs des arts plastiques
seront invités, aux côtés des décideurs publics, à
dessiner les politiques culturelles de demain.
Au début du printemps, nous tiendrons ensemble les
premières Assises nationales du CIPAC. Ce sera
l’occasion de nous rassembler, ainsi que tous vos
adhérents, et de faire émerger les grandes priorités de
notre secteur.
Au nom du conseil d’administration et de l’équipe du
CIPAC je vous remercie, chers collègues, pour
l’ensemble de vos contributions en 2015, et je vous invite
à nous retrouver très vite pour engager nos prochains
chantiers.
Je vous souhaite de belles et heureuses fêtes de fin
d’année.
2
Dans cette rubrique, le CIPAC va à la rencontre d’une
personnalité extérieure au secteur des Arts Plastiques.
Pour cette édition, nous avons invité Alexis Fournol,
avocat à la Cour, à nous parler du projet de Loi Liberté
de Création, Architecture et Patrimoine.
L’INVITÉ DU CIPAC :
ALEXIS FOURNOL, AVOCAT À LA COUR
Le projet de Loi d'Orientation Relative à la Création
Artistique (LORCA) annoncé en 2013 par Aurélie
Filippetti, alors ministre de la Culture et de la
l’architecture ». Le périmètre du texte n’a cessé
d’être élargi par un enrichissement provenant de
nombreux rapports parlementaires. S’il n’est
désormais nommé Liberté de Création Artistique,
Architecture et Patrimoine (LCAP) a vu son périmètre
largement étendu.
délais qui ont accompagné la présentation du
texte. Au-delà, la loi me semble perdre en
lisibilité et en efficacité symbolique. Un texte
Communication, devait marquer un tournant dans les
politiques publiques en direction des secteurs de la
création. Deux ans plus tard, le texte du projet de loi
Comment analysez-vous cette évolution ?
Des trois projets de loi distincts mis en chantier
sous l’ère d’Aurélie Filippetti ne subsiste
dorénavant qu’un véritable fourre-tout
législatif. Surtout, le texte final a été amputé de
la majorité des concertations menées avec les
professionnels du secteur et des rares
dispositions propres aux arts plastiques
présentes dans l’avant-projet de loi de décembre
2014. Deux éléments sont marquants. D’une
part, le très long silence qui a accompagné les
mois précédant la présentation du projet de loi.
D’autre part, la dénomination même du projet,
réunissant la « liberté de la création – et non
plus « la création » –, le patrimoine et
3
nullement question de dénier l’intérêt et la
qualité de ces éléments, il demeure délicat de
comprendre un tel processus au regard des
resserré sur la création artistique, concis et
ambitieux, conjuguant des rappels de principes
et des solutions techniques, aurait assurément
été bien mieux accueilli par les professionnels du
secteur. La création est libre en France ; seuls les
moyens de création et de diffusion sont
davantage contraints.
L'article 1 de l'actuel projet de loi LCAP (« La
création artistique est libre. » sic) semble revêtir une
valeur déclarative plus que normative. Quel poids peut
réellement avoir une telle disposition ?
La consécration autonome de la liberté de
création artistique sera une première au sein de
la législation française. À la différence de
l’Allemagne, par exemple, cette liberté est
traditionnellement dans le giron de la liberté
d’opinion et d’expression. Mais elle n’en est pas
moins consacrée et protégée. Le législateur
semble souhaiter davantage préserver les
spécificités de la démarche artistique.
Ce souhait ne pourra se réaliser qu’à condition
que la jurisprudence opère une telle lecture de
l’article 1er de la loi. En cas contraire, sa valeur
demeurera purement déclarative.
Dans le contexte du vote récent de la loi relative à la
Nouvelle Organisation du Territoire de la République
(NOTRe), l'attente d'une clarification par la loi LCAP
quant à l'exercice des politiques publiques de la culture
était forte. Comment vont s'articuler - sur ce point les grands principes contenus dans les deux textes ?
Il s’agit là encore d’une question bien délicate.
Si l’article 2 du projet de loi, dans sa version
transmise au Sénat, donne une assise légale à
l’intervention de l’État, des collectivités
territoriales et de leurs groupements, les
objectifs listés sont, une nouvelle fois,
grandiloquents et peu opératoires.
Un exemple : « Favoriser la liberté dans le
choix par chacun de ses pratiques culturelles et
de ses modes d’expression artistique ».
Pour autant, l’articulation précise de ces
principes, de ces objectifs est difficile à cerner.
Quelques éléments ont néanmoins émergé lors
des débats sur le projet de loi ou sur le projet de
loi de finances. Ainsi, la ministre de la Culture a
précisé qu’il y aura bien une seule DRAC dans les
régions fusionnées. Est-ce là le moyen de
parvenir à l’objectif visant à « soutenir
l’existence et le développement de la création
artistique sur l’ensemble du territoire » ?
Il ressort néanmoins de cet article un rappel
nécessaire, celui de la complémentarité et de
l’égalité des territoires et de l’État concernant la
politique en faveur de la création artistique.
4
Après son vote en première lecture par l'Assemblée
Nationale le 6 octobre dernier, la loi LCAP a été
déposée au Sénat, qui devrait la discuter en séance à
partir de janvier prochain. Dans quelle mesure le texte
peut-il encore être amendé à ce stade ?
Le processus législatif offre, bien heureusement,
toute latitude au Sénat pour pouvoir amender, à
ce stade, le projet de loi. C’est là tout l’enjeu du
processus parlementaire et du débat
démocratique. Mais les éventuels ajouts opérés
par le Sénat pourront, à leur tour, se voir
amendés à l’Assemblée.
Les points que la loi aurait éventuellement
laissés de côté peuvent-ils être réglés par la publication
de décrets ?
C’est effectivement une possibilité, mais le
périmètre de ces décrets éventuels est inconnu.
Propos recueillis en novembre 2015
Dans le cadre de sa lettre d’information, le CIPAC offre, à chaque numéro, une carte blanche à l’une de ses
associations membres. Pour cette édition, carte blanche a été donnée à l’APPEA – Association nationale des classes
préparatoires publiques aux écoles supérieures d’art.
CARTE BLANCHE À… l’APPEA
Fondée en 2008, l’APPEA fédère les responsables de classes préparatoires publiques aux écoles d’art
autour d’une charte commune. Ses 15 membres représentent des écoles créées et financées par des
collectivités territoriales, principalement des communes, des communautés de communes et des
communautés d’agglomération. En l’absence de tutelle pédagogique au niveau de l’État, l’un des rôles
de l’APPEA est d’élaborer des critères d’exigence et d’orientation en relation avec le ministère de la
Culture et l’ANdÉA, l’Association nationale des écoles supérieures d’art. Par ailleurs, sa mission est de
favoriser le développement et la visibilité du réseau des classes préparatoires publiques dans un
secteur où l’impact des formations privées est particulièrement fort.
Une dynamique d’accroissement à l’échelle nationale
Le réseau des classes préparatoires publiques n’a cessé de se développer depuis le début des années 2000 et
le mouvement s’est récemment amplifié avec des ouvertures de classes à Annecy, Carcassonne, Cherbourg,
Evry, Marseille et Saint-Etienne. Cette dynamique va se poursuivre avec la création, en septembre 2016,
d’une classe au sein de l’École nationale des beaux-arts de Paris et d’autres projets actuellement à l’étude.
Il faut également signaler que le ministère de l’Éducation nationale, qui a déjà créé trois classes préparatoires
aux études supérieures en arts au sein de lycées à Fontenay-sous-Bois, Gagny et Sartène, vient d’en ouvrir
une nouvelle à Bourges, où l’expérience d’atelier et le lien à la création contemporaine sont amplifiés grâce à
une collaboration avec l’École nationale supérieure d’art située à proximité. L’ouverture d’autres classes de
ce type est annoncée.
La diversité sociale
Face à l’emprise du secteur privé dans le domaine de la préparation aux formations artistiques supérieures,
les classes préparatoires publiques ont un rôle à jouer dans la diversité sociale au sein de ces formations et
des professions auxquelles elles conduisent.
En ce sens, l’APPEA participe au programme Égalité des Chances en école d’art de la Fondation Culture &
Diversité, auquel sont associés de nombreux lycées de la région parisienne situés en zone d’éducation
5
prioritaire. Depuis sa mise en place en 2007, sur plus de 200 élèves accompagnés par la Fondation, 56 ont
été admis au sein d’une classe préparatoire de l’APPEA.
A partir de la rentrée 2016, ce programme sera déployé dans plusieurs régions suite à l’appel que la
Fondation a récemment lancé à l’ensemble des écoles supérieures d’art du réseau de l’ANdÉA. Cette
nouvelle configuration permettra d’augmenter l’impact de ce programme grâce à la synergie que pourront
créer les écoles d’art avec les classes préparatoires situées sur leur territoire. D’autant que ce type de
collaborations existe déjà dans certaines régions. En Franche-Comté, par exemple, une convention entre la
classe préparatoire de Belfort et l’Institut supérieur des beaux-arts de Besançon favorise une forme de
diversité sociale en permettant à certains étudiants encore fragiles, mais particulièrement motivés,
d’accéder à l’école d’art en présentant leurs travaux devant une commission réunissant des enseignants des
deux établissements.
Accès aux bourses d’étude
L’accès aux bourses d’étude pour les étudiants inscrits dans les classes préparatoires de son réseau est une
demande que l’APPEA porte auprès du ministère de la Culture depuis sept ans. Sans cet accès, toute action
en faveur de la diversité sociale est d’une portée très limitée. C’est pourquoi l’APPEA se félicite de voir ce
dossier sur le point d’aboutir à la faveur du projet de loi « Liberté de création, architecture et patrimoine »
qui prévoit que les classes préparatoires publiques pourront recevoir un agrément de l’État permettant à
leurs étudiants de bénéficier des avantages sociaux en vigueur dans le cadre de leur formation. Le texte,
adopté par l’Assemblée nationale le 6 octobre 2015 et actuellement en lecture au Sénat, sera accompagné
d’un décret d’application à l’écriture duquel l’APPEA est associée.
Un contexte difficile
A l'heure où les collectivités doivent faire face au désengagement financier de l'État et participer plus encore
à la réduction des déficits publics, les classes préparatoires risquent d'être fragilisées.
En effet, la nouvelle organisation territoriale de la République validée par la loi NOTRe supprime la clause
générale de compétences, d'une part, et impose des compétences spécifiques aux différents échelons de
collectivités, d'autre part. Bien que l'intercommunalité soit renforcée via des découpages en « bassins de
vie », les collectivités sont « incitées » à se recentrer sur des missions « obligatoires » et au plus près de
leurs administrés.
De fait, plusieurs classes préparatoires portées par des communes ou des communautés d’agglomération
sont adossées à des ateliers d’arts plastiques tous publics destinés à la population locale. Accueillant le plus
souvent des jeunes issus de l'ensemble du territoire national, parfois de l’étranger, dans ce nouveau contexte
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économique, la classe préparatoire peut être perçue comme une variable d'ajustement par des élus qui n'en
mesurent pas toujours l'utilité et l'importance pour leur propre territoire.
Pourtant, c’est souvent l’un des rares espaces qui permettent de mettre en contact un territoire avec l'art
contemporain à travers de nombreuses occasions de rencontres avec des artistes : ceux qui enseignent dans
ces écoles et ceux qui se déplacent lors de workshops, de résidences, de conférences ou d'expositions -quand
l'école possède une galerie. C'est d'autant plus important qu'elles sont implantées dans des villes qui le plus
souvent n'ont pas d'autres structures dévolues (centres d'art, galeries etc.). On constate qu'elles participent
dans certaines régions à l'émergence de scènes artistiques identifiées.
C’est à ce titre que dans le champ de l'art contemporain, le réseau APPEA est de plus en plus repéré. Tandis
que le ministère de la Culture reconnaît pleinement son rôle, des passerelles entre les classes préparatoires
publiques et l'ensemble du secteur des arts plastiques se multiplient (écoles supérieures d’art, Frac, centres
d’art, musées, etc.). L'enjeu est donc bien de conforter ce réseau, jeune mais efficient, face aux formations
privées, et ce, en accompagnant partout où c'est possible l'émergence de nouvelles classes préparatoires
publiques.
Orienter et sensibiliser aux enjeux de l’art dans la société contemporaine
Car les classes préparatoires publiques ont pour objectif de contribuer à l'orientation et à l'accompagnement
de jeunes bacheliers vers les filières artistiques, publiques elles aussi, le plus souvent sous la tutelle
pédagogique du ministère de la Culture. Contrairement à certains lieux communs, il ne s'agit pas de formater
des dossiers nécessaires pour passer les concours des écoles supérieures d’art et de design mais d’ouvrir ces
étudiants à tous les champs et enjeux de la création actuelle afin qu'ils s'épanouissent dans leur projet
d'études et donc dans leur projet de vie personnelle et professionnelle.
L’enjeu est de taille à l’heure où les formations privées en art ne désemplissent pas quel que soit leur coût.
Entre les carences en matière d’éducation et d’expérience artistiques de la plupart des jeunes au sortir du
bac, le niveau d’exigence des écoles supérieures d’art publiques et les fantasmes que font miroiter les
industries culturelles, quelles que soient leurs qualités, ces formations ont encore une certaine marge de
croissance – comme en témoigne l’intérêt spéculatif que leur portent les fonds de pension.
En resserrant les liens avec les écoles supérieures d'art, en participant à un niveau souvent intermédiaire au
développement des arts plastiques sur les territoires, les classes préparatoires publiques du réseau APPEA
remplissent un rôle important dans le contexte politique et économique actuel. Avec un ministère engagé à
ses côtés et le soutien de la Fondation Culture & diversité, nul doute que ce réseau parviendra à mieux se
structurer encore au service de la formation des jeunes et de l'art dans notre société.
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LA FIGURATION NARRATIVE
DANS LA BALANCE DU JUGE
RETOUR SUR L’ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION DU 15 MAI 2015
PAR MARIE-HÉLÈNE VIGNES, AVOCATE AU BARREAU DE PARIS
EN DROIT D’AUTEUR, DROIT DES MÉDIAS ET DE LA COMMUNICATION,
COFONDATRICE DU CABINET GÔ ASSOCIÉS
Depuis un demi-siècle, le mouvement de la
Figuration narrative s’illustre par son
déployé l’arsenal des moyens de défense classiques
qu’il dénonce au travers d’œuvres d’art
défaut d’originalité des trois photographies, les
engagement contre la société de consommation
intégrant souvent des objets et des images issus
permettant de faire échec au droit d’auteur, tels le
exceptions de parodie et de courte citation, le
du quotidien ou des médias. Son potentiel
caractère accessoire de l’utilisation dans ses toiles,
Cour de cassation ?
artistique. Si l’argument du défaut d’originalité des
C’est la réflexion qu’inspire l’étonnant arrêt du
devant le Tribunal de grande instance de Paris1 et
subversif aurait-il fini par contaminer jusqu’à la
15 mai 2015 opposant l’artiste allemand Peter
Klasen, tenant de la Figuration narrative, au
mais aussi le principe de liberté d’expression
photographies avait provisoirement fait mouche
conduit au débouté du photographe, aucun de ces
moyens n’avait convaincu la Cour d’appel qui avait
photographe de mode américain Alix Malka. Ce
condamné Peter Klasen à payer à Alix Malka 50.000
incorporé dans une vingtaine de toiles trois de ses
droit patrimonial et moral d’auteur2.
publiées dans un magazine de mode. L’atteinte lui
La démarche artistique de Peter Klasen a trouvé un
modifié le cadrage et les couleurs des visuels
avait formé un pourvoi, cette fois sur le fondement
peintre exposait qu’il avait voulu susciter une
de la Convention européenne de sauvegarde des
dernier avait découvert que le peintre avait
photographies de visages féminins initialement
semblait d’autant plus grave que Peter Klasen avait
d’origine. Devant les juridictions saisies du litige, le
réflexion en détournant des images symbolisant à
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ses yeux la publicité et la surconsommation. Il avait
euros de dommages intérêts pour atteinte à son
écho auprès la Cour de cassation devant laquelle il
de la liberté d’expression protégée par l’article 10
droits de l’homme et des libertés fondamentales3.
Tout en reconnaissant le droit d’auteur du
photographe sur ses images, la Haute juridiction a
en effet cassé la décision de la Cour de Paris, faute
pour elle « d’expliquer de façon concrète en quoi
pour emprunter à ses œuvres.
Si la cour de Versailles devait se plier à la
la recherche d’un juste équilibre entre les droits en
recherche du juste équilibre entre le droit d’auteur
prononçait ». En d’autres termes, la Cour de
peintre, faut-il craindre que sa quête soit guidée
présence commandait la condamnation qu’elle
cassation incitait les juges à mettre en balance les
droits et libertés concurrents en présence, soit en
l’espèce le droit d’auteur du photographe et la
liberté d’expression artistique du peintre, afin
d’arbitrer au profit de l’un ou l’autre.
Cette cassation a surpris plus d’un commentateur.
Car jusqu’à présent, la Cour de cassation
n’envisageait pas que le droit d’auteur puisse
s’incliner face au principe de liberté d’expression,
aussi fondamental soit-il. Ainsi la Haute juridiction
du photographe et la liberté d’expression du
par la valeur artistique, autrement dit par le
mérite respectif des œuvres en cause ? Le critère
du mérite est banni lorsqu’il s’agit de détecter si
une œuvre peut accéder au bénéfice du droit
d’auteur.
La loi protège en effet les œuvres de l’esprit
indépendamment de toute idée de mérite.
Mais rien ne s’oppose à ce que ce critère refasse
surface pour arbitrer un litige mettant aux prises
la liberté d’expression avec un droit concurrent.
On l’a observé au détour des affaires Luc
avait-elle approuvé la condamnation de France 2
Delahaye5 ou François-Marie Bannier6 confrontant
celle-ci avait brièvement filmé pour son journal
leur insu qui invoquaient leur droit à l’image pour
pour contrefaçon de droit d’auteur lorsque que
télévisé les tableaux d’une exposition consacrée à
Utrillo sans autorisation de l’ayant droit : il n’était
alors pas question que le sacro-saint droit
d’auteur s’efface devant la liberté d’expression et
son principe corollaire de liberté d’information4.
L’affaire Malka c/ Klasen devra donc à nouveau
ces deux artistes à des anonymes photographiés à
s’opposer à la publication de leur portrait au sein
d’un ouvrage. Dans ces deux affaires, les artistes
ont obtenu gain de cause en considération du
mérite de leurs œuvres. Car sans le nommer, les
juges se sont subrepticement référés à ce critère
en plébiscitant des ouvrages salués par la critique
et les institutions, louant tantôt la « qualité des
être jugée et c’est à la Cour d’appel de Versailles
images », tantôt leur « intérêt artistique », voire
ne manquent pas qui permettraient aux juges
conclure au débouté pur et simple des personnes
la Cour de cassation : en ouvrant la voie à une
photographies « volées » au nom de la liberté
qu’il revient à présent de statuer. Les arguments
versaillais de résister au vent dissident soufflé par
« l’originalité de la démarche des auteurs » pour
photographiées. Par cet accueil bienveillant de
nouvelle dérogation au droit d’auteur fondée sur la
d’expression artistique, le Tribunal et la Cour de
allègrement le dos au principe selon lequel les
plus légitime mais également donné une prime au
liberté d’expression, l’arrêt du 15 mai 2015 tourne
exceptions sont limitativement fixées par la loi.
Il s’affranchit par la même occasion du régime
légal de l’œuvre composite définie comme celle à
laquelle est incorporée une œuvre préexistante
sans la collaboration de l’auteur de cette
dernière. Dans un tel cas, la loi réserve
Paris ont certes pris en considération l’intérêt le
mérite des œuvres en cause.
Est-il envisageable que le critère de la valeur
artistique ou de la reconnaissance médiatique et
institutionnelle serve lui aussi de référence pour
concilier liberté d’expression artistique et droit
expressément les droits de l’auteur de l’œuvre
d’auteur dans le conflit opposant deux artistes ?
au nom de la liberté d’expression artistique, que
méconnu n’ait aucune chance de faire le poids
antérieure, là où la Cour de cassation envisage,
9
l’on puisse se passer du consentement de l’auteur
Est-il admissible que le travail d’un photographe
dans la balance judiciaire contrairement à celui
d’un Helmut Newton ayant connu les honneurs du
Grand Palais ? Est-il enfin tolérable que telle
œuvre jugée médiocre, triviale, voire choquante
par un tribunal n’ait qu’un droit d’auteur
de seconde zone ?
Ce serait s’exposer à des débats dignes de ceux
que la protection de la photographie par le droit
d’auteur avait engendrés dès son apparition au
XIXème siècle : avant d’accéder au rang des œuvres
protégées, la photographie avait tour à tour été
réduite à une banale reproduction du réel ou à la
mise en œuvre d’un vulgaire procédé chimique et
industriel, puis assimilée à un dessin ou soumise à
l’arbitraire de juges chargés d’en apprécier la
valeur artistique ou documentaire… Le chaos
jurisprudentiel auquel on avait assisté jusqu’au
milieu des années 1980 s’était soldé
par une insécurité juridique hautement
préjudiciable aux intérêts de créateurs et
d’utilisateurs de photographies n’ayant d’autre
choix que de naviguer à vue entre domaine public
et tribunaux correctionnels.
L’invitation de la Cour de cassation à rechercher
le juste équilibre entre droit d’auteur et liberté de
création artistique ouvre une brèche où seront
tentés de s’engouffrer les artistes désireux
d’emprunter à des œuvres préexistantes. Les
plasticiens, les cinéastes, les compositeurs ou les
écrivains pourront-ils dorénavant s’emparer et
au besoin déformer le travail d’autres auteurs au
sein de leurs propres œuvres ? Il n’en
évidemment pas question, surtout à l’heure où
l’on ignore si l’arrêt du 15 mai 2015 est une
décision isolée ou au contraire l’amorce d’un
nouveau courant jurisprudentiel inspiré du fair
use américain. Si cette tendance devait se
confirmer, les artistes pourront au mieux faire le
pari de puiser dans l’œuvre d’autrui, à charge
pour l’auteur s’estimant lésé de prendre à son
tour le risque de faire valoir son droit patrimonial
ou son droit moral devant des tribunaux tentés
de se transformer en jurys d’art.
10
1. TGI Paris 3ème ch. 1ère sect. 31 janvier 2012, RG 10/2898.
2. Cour d’appel de Paris, pôle 5, ch. 1, 18 sept. 2013, RG 12/02480.
3. Article 10 de la CESDH : « 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression (…). 2. L’exercice
de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités,
conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans
une société démocratique (…) à la protection de la réputation ou des droits d’autrui (…) » .
4. Cass. Civ. 1ère 13 nov. 2003, RG n° 01-14385.
5. Ouvrage L’Autre (L. Delahaye et J. Baudrillard) TGI Paris, 17ème ch. civ., 2 juin 2004,
Légipresse 2004, n° 214, III, p. 156, note Chr. Bigot.
6. Ouvrage Perdre la tête (F.-M. Bannier) TGI Paris, 17ème ch. civ., 25 juin 2007,
Légipresse 2007, n° 246, III, p. 234, note A. Fourlon
D. 2009, jur. 470, note Chr. Bigot.
;
Paris 11ème ch. 5 nov. 2008,
FOCUS SUR…
BOTOX(S)
RÉSEAU ART CONTEMPORAIN DE LA CÔTE D’AZUR
BOTOX(S) – réseau d’art contemporain de la côte d’azur, fédère près d’une
trentaine de lieux engagés dans la production et la diffusion de l’art
contemporain.
Fondé en 2007, la vitalité de ce réseau vient de la nature très diverse des
structures qui le composent : centres d’art, galeries, lieux privés,
associations, collectifs d’artistes, maisons d’édition, musées… à travers les
lieux d’expositions, les programmations, les divers événements
(performances, conférences, lectures, rencontres-débats, etc.) de ses
membres et les projets du réseau.
Le réseau s’est constitué avec pour objectif d’être une plateforme
d’échanges, un espace de réflexion, de communication et de travail pour les
acteurs azuréens de l’art contemporain.
Porte d’entrée de l’art contemporain sur le territoire pour le grand public, la
presse, les collectionneurs ou encore les autres réseaux, en France comme
à l’international, BOTOX(S) donne les clefs de compréhension et d’accès à
la création contemporaine azuréenne, dans une volonté de médiation,
d’ouverture et d’éclairage.
Le réseau BOTOX(S) met en œuvre une communication commune pour
tous ses membres qui comprend notamment un site internet, une
newsletter mensuelle, un dossier de presse trimestriel et l’édition de
documents valorisant les actions des membres du réseau auprès des
publics.
Expertise, réflexion, concertation
BOTOX(S) partage son expertise avec les acteurs de la culture et participe
à la réflexion transdisciplinaire mise en œuvre par le Collectif Culture 06
autour des bonnes pratiques et de la mutualisation des actions.
Les projets artistiques annuels
Chaque année, BOTOX(S) imagine des événements ciblés mettant l’art
contemporain en relation directe avec la réalité du réseau et de son
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territoire. Parmi ces manifestations : « Les traversées du territoire »,
« Les voix publiques », le projet éditorial « En attendant… » ou encore
« Slowmo », « Le ralentisseur »… balisent la création contemporaine en
offrant des pistes de réflexion, de compréhension et de sensibilisation.
Commissariat d’exposition
BOTOX(S) met également son savoir-faire au service des entreprises,
écoles, fondations et d’autres établissements publics ou privés qui
souhaitent organiser des expositions clé-en-main dans un espace de leur
choix. Cette expertise et cet accompagnement s’adressent non seulement
aux structures déjà familiarisées à l’art contemporain mais aussi aux
néophytes qui hésitent à franchir le pas.
Certaines des actions spécifiques et récurrentes portées par le réseau sont :
Les visiteurs du samedi
Un samedi après-midi par mois, BOTOX(S) propose un parcours d’art
contemporain dans 4 à 5 lieux de son réseau, en bus, pour un public
individuel. À chacune des étapes, les Visiteurs sont accueillis par les
directeurs, conservateurs, médiateurs, artistes, commissaires d’exposition
du lieu pour un moment à part et toujours convivial de rencontre, autour de
la création contemporaine.
Les visites privilège
BOTOX(S) crée des programmes « sur-mesure » adaptés à tout groupe
désireux de découvrir la vie artistique du territoire (Tours opérateurs,
associations, congrès, comités ou séminaires d’entreprises, clients
VIP…).Ces visites exceptionnelles offrent une expérience unique, de haute
qualité artistique, dans les lieux de l’art contemporain azuréens. Un accueil
personnalisé par les directeurs, médiateurs, artistes ou commissaires
d’expositions en font un moment privilégié et unique à la rencontre des
acteurs de l’art contemporain sur la Côte d’Azur.
Les visiteurs du soir
Une fois par an, au printemps, BOTOX(S) organise les « Visiteurs du
soir », nocturnes de l’art contemporain et événement-phare de la vie
culturelle niçoise. Cet évènement présente des expositions, des
performances, des projections, des concerts… Le public est invité pendant
ces deux jours, à un parcours libre et gratuit à la découverte d’une
soixantaine de lieux niçois : lieux membres du réseau, lieux associés, invités,
ateliers d’artistes, appartements privés, lieux culturels ou décalés... Le but
de cette manifestation festive est de faire sortir l’art contemporain de ses
murs et de le rendre plus accessible à travers un itinéraire surprenant qui
donne à voir la création d’aujourd’hui là où on ne l’attend pas.
Ces temps forts sont autant d’occasions pour le public de rencontrer les
artistes professionnels ou amateurs et de partager la richesse de l’art en
train de se faire.
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ACTUALITÉS DE LA
FÉDÉRATION
21 septembre 2015
Conseil d’Administration du CIPAC
26 octobre 2015
Audition du CIPAC par la commission Culture du
Sénat sur le Projet de Loi de Finances 2016
2 décembre 2015
Participation de Catherine Texier au déjeunerconférence relatif à la loi LCAP organisé par
l’Institut Art & Droit
3 décembre 2015
Audition du CIPAC par la commission Culture du
Sénat sur la loi Liberté de Création, Architecture
et Patrimoine
14 décembre 2015
Conseil d’Administration du CIPAC
12 janvier 2016
Journée régionale « Grand-Est »
LES PROCHAINES
FORMATIONS
7, 8, 9 mars 2016
Stratégie du web culturel et réseaux sociaux
10, 11 mars 2016
Le public jeune et familial :
construire une offre de médiation
14, 15, 16 mars 2016
La photographie contemporaine :
conservation, prévention et exposition
17 mars 2016
Les œuvres vidéo
dans les collections d’art contemporain
21, 22, 23 mars 2016
La régie en art contemporain : les fondamentaux
24 mars 2016
L’anglais de la régie
des œuvres d’art contemporain
27 janvier 2016
Participation du CIPAC au groupe de travail de
l’Institut Art & Droit dédié à la fiscalité du marché
de l’art
CIPAC
www.cipac.net
Le CIPAC reçoit le soutien du ministère de la Culture et de la Communication.
Le caractère Infini utilisé dans ce document a été créé par Sandrine Nugue dans le cadre d’une commande publique du
Centre national des arts plastiques : www.cnap.graphismeenfrance.fr/infini/
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