Alan Bogana Press Release Septembre 2013

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Alan Bogana Press Release Septembre 2013
39, rue des Bains / CH-1205 Genève / Switzerland / +41 78 789 60 29 / [email protected]
Alan Bogana
Tony and the Shape Junkies II
12 septembre-6 octobre 2013
Théorisées en 1682 par le physicien allemand Ehrenfried Walther Von Tschirnhaus, les
courbes caustiques sont des phénomènes physiques désignant l'ensemble des rayons
réfléchis ou réfractés par une surface transparente. Observables quotidiennement à l'œil
nu, notamment lorsque les rayons du soleil traversent l'eau d'une piscine ou un verre sur
une table, elles sont étudiées en optique et mathématique depuis plus de trois cent ans et
ont fait lʼobjet dʼun regain dʼintérêt depuis les années 1970 grâce à la théorie des
catastrophes1 de René Thom. Elles sont simulées de façon photoréaliste en images de
synthèse depuis 1995.
Dans le cadre de Tony and the Shape Junkies II, Alan Bogana expose trois animations en
images de synthèse issues de la recherche au long cours quʼil mène depuis 2011 et qui se
focalise sur les techniques de simulations de caustiques via des logiciels de modélisation
et d'animation 3D.
Ces « Case Studies » classent les différents aspects issus de ce projet et prennent
toujours comme point de départ les propriétés de la matière translucide et son interaction
avec la lumière. Les simulations qu'il génère lui permettent de manipuler, observer,
contrôler et reproduire ces phénomènes à l'infini et de mettre en scène des expériences
impossibles à obtenir dans la réalité. Les caustiques simulés constituent un outil
d'expérimentation dans l'étude d'un phénomène physique et posent la question dʼune
réalité perçue à travers les traces de lumière réfractée.
Ainsi, les vidéos Case 03d p1 - Diamond Moutain Drift, Case 03d p2 – Diamond Mountain
Emerge et Case 08 – Diamond Lens Bending visibles ici, produisent des cartographies
fictives où les rayons lumineux, issus d'une montagne et d'une lentille repliée sur ellemême, sont calculés en fonction de l'indice de réfraction du diamant. Ces trois séquences
sʼinspirent de la découverte en 2004 d'une exoplanète, baptisée 55 Cancri e par une
équipe d'astronomes franco-américains, qui serait formée en partie de diamant. Diffusées
sur trois écrans plats, elles exploitent les spécificités de lʼimagerie de synthèse issue de
lʼindustrie du divertissement en créant des hybrides qui font étrangement écho à une
tradition picturale.
Si les découvertes scientifiques sont parfois à la base du travail d'Alan Bogana, ça n'est
jamais pour illustrer un fait, mais bien pour stimuler lʼimaginaire et spéculer sur un monde
inconnu dont la science fait pourtant état.
Les deux installations présentées en parallèle prolongent l'exploration des matières
translucides via une science vernaculaire2 avec laquelle Alan travaille depuis plusieurs
1
La théorie des catastrophes est une branche des mathématiques appliquées qui décrit le comportement des
phénomènes soudains et inattendus de façon qualitative.
2
Inspirée des méthodes utilisées par les scientifiques, la stratégie du bricolage développée par Alan consiste à
mettre au point de petites expériences chimiques artisanales afin de tester les propriétés physiques des objets qu'il
manipule.
années. Ainsi, pour la Slimothèque, il fabrique une grande quantité de slime, sorte de pâte
gluante constituée d'alcool polyvinylique et de borax - popularisée par les films SOS
Fantômes et Flubber. Cette expérience, souvent réalisée en classe de première année de
chimie, est utilisée afin de comprendre ce qu'est un fluide non newtonien (c'est-à-dire un
fluide dont la vitesse de déformation n'est pas proportionnelle à la force qu'on lui applique)
et qui se comporte comme un solide autant que comme un liquide. Elle permet ici à Alan
de jouer avec cette matière informe, difficilement reproductible par la simulation
informatique, afin dʼexplorer concrètement les interactions entre lumière et matière. En
partageant sa recherche en cours, il propose avec ironie au spectateur de consulter des
échantillons de slime afin dʼen faire lui-même lʼexpérience et met lʼaccent sur lʼimportance
de bricoler ses propres stratégies de recherche en multipliant les approches.
La seconde installation, intitulée Nebenstimmen, est composée de cinq fragments dʼun
même bloc de plexiglas qui a été chargé électriquement par un accélérateur linéaire,
propulsant l'électricité dans la matière jusqu'à ce que celle-ci s'échappe par un point de
décharge, piégeant ainsi une forme d'éclair là où la matière a fondu. Les formes fractales,
visibles dans ces fragments sont appelées figures de Lichtenberg, du nom du physicien
allemand qui les a découvertes en 1777. Ces blocs sont généralement destinés à des
musées dʼhistoire naturelle afin dʼexpliquer le phénomène. Lʼexemplaire présenté ici a subi
une seconde attaque commandée par lʼartiste, celui de lʼimpact dʼune balle de fusil sur le
point de décharge ayant pour but de tester lʼinteraction entre les deux procédés sur la
matière.
Lors d'une conférence donnée à Munich en 2002, l'historien d'art Martin Kemp qualifie les
êtres humains de shape junkies, avançant par là l'hypothèse qu'ils auraient en commun
une addiction aux formes et plus spécifiquement à celles générées par la nature.
L'obsession de l'artiste, autant que du scientifique, serait de vouloir les comprendre et
surtout d'inventer tous les moyens de les reproduire. Tony and the Shape Junkies II fait
suite au premier volet d'exposition proposé par Alan Bogana à l'espace */Duplex/* à
Genève en juin dernier qui explorait déjà les tensions entre la place de lʼartiste et la
recherche appliquée.
Bénédicte Le Pimpec, septembre 2013
Alan Bogana est né en 1979 à Faido (Tessin). Après des études à la HEAD Genève, il se
spécialise en image de synthèse durant un an. Il participe à divers festivals vidéo en
France et au Royaume-Uni depuis 2007 et est sélectionné aux Bourses Fédérales en
2010. En 2011, il participe à lʼexposition Art en plein air à Môtiers, remporte une résidence
de trois mois en Afrique du Sud et expose à la Blank Projects galerie à Cape Town. En
2012, il expose notamment à lʼespace Kügler, à la Villa Dutoit, à LiveInYourHead et à
Piano Nobile à Genève. Il achève une formation portant sur les méthodologies de
recherche artistique à Bern en juin dernier et est lauréat dʼune résidence à lʼInstitut Suisse
à Rome pour lʼannée 2013-2014.